T R T AU T - gisti.org · arrêt du 24 novembre 1986, série A no 109, p. 19, § 46, Wiggins c....

34
Cécile Bénoliel Pour tout commentaire ou suggestion, contacter [email protected] CEDH ET DROIT AU LOGEMENT

Transcript of T R T AU T - gisti.org · arrêt du 24 novembre 1986, série A no 109, p. 19, § 46, Wiggins c....

Ceacutecile Beacutenoliel

Pour tout commentaire ou suggestion contacter cecilebenolielntymailcom

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

1

Introduction

Il existe deacutejagrave des documents institutionnels geacuteneacuteraux et de

nombreux articles universitaires sur le logement dans la

jurisprudence de la CEDH

Cependant le preacutesent document vise agrave fournir un outil concret

drsquoutilisation de la jurisprudence de la CEDH portant sur le

logement Bien avant de porter une affaire devant la Cour de

Strasbourg les arguments issus de cette jurisprudence sont des

outils indispensables face au juge national

Ce catalogue preacutesente des laquo paragraphes cleacutes raquo de la

jurisprudence de la Cour Europeacuteenne des Droits de lrsquoHomme

utilisables par les acteurs associatifs du logement devant le

juge national Librement accessible sur les sites Jurislogement

et Housing Rights Watch il peut ecirctre enrichi et ameacutelioreacute par

tous ceux qui le souhaitent sur simple envoi drsquoun courriel agrave

lrsquoadresse indiqueacutee ci-dessus Il srsquoagit drsquoun outil de travail

collaboratif agrave ameacuteliorer et diffuser autant que possible en

France et en Europe

Sa structure suit le raisonnement du juge de Strasbourg mais il

nrsquoest pas neacutecessaire de proceacuteder agrave toutes ces eacutetapes en citant

cette jurisprudence devant le juge national Les arrecircts sont

preacutesenteacutes par ordre chronologique sous chaque section afin de

montrer lrsquoeacutevolution des formulations de la Cour

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

2

Sommaire

CEDH ARTICLE 8 4

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause 4

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36 4

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50 4

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs 5

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 5

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute

- irrecevable) 5

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2 5

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee 6

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee 6

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18 6

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees 6

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 6

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee 6

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale 6

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 6

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 6

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 7

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime 7

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 7

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes 7

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 8

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 8

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 9

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 10

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 10

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 10

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 11

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 12

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 15

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1 16

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo 16

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 16

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

3

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde 16

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent 17

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 17

3 Assurer la jouissance effective du domicile 18

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70 18

IV Dommages-inteacuterecircts 18

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 18

CEDH ARTICLE 6sect1 20

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44 20

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30 20

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34 21

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009

sectsect38-41 22

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52 23

Thegravemes associeacutes 24

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de mal-logement ou de pauvreteacute 24

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette

reacuteunion 24

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94 24

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70 25

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61 25

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72 25

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres 26

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65 26

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84 28

B Proceacutedure eacutequitable et effective 28

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93 28

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales 29

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74 29

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59 30

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103 30

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93 31

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118 33

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

4

CEDH ARTICLE 8

Article 8 ndash Droit au respect de la vie priveacutee et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-

ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave

la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes dautrui

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause

Lire absolument Stankova Yordanova Connors McCann

Le domicile ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli en droit national il srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification et de la leacutegaliteacuteilleacutegaliteacute de lrsquooccupation en

droit interne Voir le guide la recevabiliteacute de la Cour EDH points 332-333

La vie priveacutee englobe lrsquointeacutegriteacute physique et psychologique drsquoune personne (affaire Niemietz c

Allemagne arrecirct du 16 deacutecembre 1992 sect 29 arrecirct concernant le lien vie pro-vie priveacutee ms cette phrase

fait jp et est reprise dans arrecircts sur le logement aller lire le paragraphe au besoin)

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36

36 La Cour rappelle que selon sa jurisprudence et celle de la Commission la notion de laquo domicile raquo

au sens de lrsquoarticle 8 ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli mais qursquoil srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification en droit interne La question de savoir si une

habitation particuliegravere constitue un laquo domicile raquo relevant de la protection de lrsquoarticle 8 sect 1 deacutependra des

circonstances factuelles notamment de lrsquoexistence de liens suffisants et continus avec un lieu

deacutetermineacute (Buckley c Royaume-Uni arrecirct du 25 septembre 1996 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1996-

IV pp 1287-1288 sectsect 52-54 et avis de la Commission pp 1308-1309 sect 63 Gillow c Royaume-Uni

arrecirct du 24 novembre 1986 seacuterie A no 109 p 19 sect 46 Wiggins c Royaume-Uni no 745676 deacutecision

de la Commission du 8 feacutevrier 1978 Deacutecisions et rapports 13 p 40)

En deacutepit des reacutefeacuterences agrave drsquoautres arrecircts la formulation est ici la meilleure car elle est claire et

geacuteneacuterale Ex drsquoautre deacutefinition laquo le lieu lrsquoespace physiquement deacutetermineacute ougrave se deacuteveloppe la vie

priveacutee et familiale raquo (CEDH 16 nov 2004 Moreno Gomez c Espagne aff No 414303 sect 53)

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50

50 La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile Toute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

1

Introduction

Il existe deacutejagrave des documents institutionnels geacuteneacuteraux et de

nombreux articles universitaires sur le logement dans la

jurisprudence de la CEDH

Cependant le preacutesent document vise agrave fournir un outil concret

drsquoutilisation de la jurisprudence de la CEDH portant sur le

logement Bien avant de porter une affaire devant la Cour de

Strasbourg les arguments issus de cette jurisprudence sont des

outils indispensables face au juge national

Ce catalogue preacutesente des laquo paragraphes cleacutes raquo de la

jurisprudence de la Cour Europeacuteenne des Droits de lrsquoHomme

utilisables par les acteurs associatifs du logement devant le

juge national Librement accessible sur les sites Jurislogement

et Housing Rights Watch il peut ecirctre enrichi et ameacutelioreacute par

tous ceux qui le souhaitent sur simple envoi drsquoun courriel agrave

lrsquoadresse indiqueacutee ci-dessus Il srsquoagit drsquoun outil de travail

collaboratif agrave ameacuteliorer et diffuser autant que possible en

France et en Europe

Sa structure suit le raisonnement du juge de Strasbourg mais il

nrsquoest pas neacutecessaire de proceacuteder agrave toutes ces eacutetapes en citant

cette jurisprudence devant le juge national Les arrecircts sont

preacutesenteacutes par ordre chronologique sous chaque section afin de

montrer lrsquoeacutevolution des formulations de la Cour

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

2

Sommaire

CEDH ARTICLE 8 4

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause 4

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36 4

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50 4

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs 5

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 5

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute

- irrecevable) 5

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2 5

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee 6

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee 6

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18 6

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees 6

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 6

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee 6

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale 6

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 6

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 6

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 7

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime 7

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 7

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes 7

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 8

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 8

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 9

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 10

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 10

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 10

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 11

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 12

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 15

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1 16

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo 16

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 16

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

3

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde 16

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent 17

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 17

3 Assurer la jouissance effective du domicile 18

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70 18

IV Dommages-inteacuterecircts 18

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 18

CEDH ARTICLE 6sect1 20

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44 20

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30 20

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34 21

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009

sectsect38-41 22

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52 23

Thegravemes associeacutes 24

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de mal-logement ou de pauvreteacute 24

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette

reacuteunion 24

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94 24

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70 25

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61 25

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72 25

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres 26

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65 26

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84 28

B Proceacutedure eacutequitable et effective 28

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93 28

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales 29

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74 29

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59 30

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103 30

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93 31

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118 33

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

4

CEDH ARTICLE 8

Article 8 ndash Droit au respect de la vie priveacutee et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-

ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave

la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes dautrui

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause

Lire absolument Stankova Yordanova Connors McCann

Le domicile ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli en droit national il srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification et de la leacutegaliteacuteilleacutegaliteacute de lrsquooccupation en

droit interne Voir le guide la recevabiliteacute de la Cour EDH points 332-333

La vie priveacutee englobe lrsquointeacutegriteacute physique et psychologique drsquoune personne (affaire Niemietz c

Allemagne arrecirct du 16 deacutecembre 1992 sect 29 arrecirct concernant le lien vie pro-vie priveacutee ms cette phrase

fait jp et est reprise dans arrecircts sur le logement aller lire le paragraphe au besoin)

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36

36 La Cour rappelle que selon sa jurisprudence et celle de la Commission la notion de laquo domicile raquo

au sens de lrsquoarticle 8 ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli mais qursquoil srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification en droit interne La question de savoir si une

habitation particuliegravere constitue un laquo domicile raquo relevant de la protection de lrsquoarticle 8 sect 1 deacutependra des

circonstances factuelles notamment de lrsquoexistence de liens suffisants et continus avec un lieu

deacutetermineacute (Buckley c Royaume-Uni arrecirct du 25 septembre 1996 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1996-

IV pp 1287-1288 sectsect 52-54 et avis de la Commission pp 1308-1309 sect 63 Gillow c Royaume-Uni

arrecirct du 24 novembre 1986 seacuterie A no 109 p 19 sect 46 Wiggins c Royaume-Uni no 745676 deacutecision

de la Commission du 8 feacutevrier 1978 Deacutecisions et rapports 13 p 40)

En deacutepit des reacutefeacuterences agrave drsquoautres arrecircts la formulation est ici la meilleure car elle est claire et

geacuteneacuterale Ex drsquoautre deacutefinition laquo le lieu lrsquoespace physiquement deacutetermineacute ougrave se deacuteveloppe la vie

priveacutee et familiale raquo (CEDH 16 nov 2004 Moreno Gomez c Espagne aff No 414303 sect 53)

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50

50 La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile Toute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

2

Sommaire

CEDH ARTICLE 8 4

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause 4

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36 4

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50 4

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs 5

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 5

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute

- irrecevable) 5

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2 5

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee 6

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee 6

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18 6

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees 6

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 6

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee 6

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale 6

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 6

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 6

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 7

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime 7

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 7

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes 7

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 8

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 8

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 9

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 10

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 10

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 10

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 11

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 12

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 15

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1 16

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo 16

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 16

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

3

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde 16

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent 17

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 17

3 Assurer la jouissance effective du domicile 18

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70 18

IV Dommages-inteacuterecircts 18

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 18

CEDH ARTICLE 6sect1 20

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44 20

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30 20

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34 21

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009

sectsect38-41 22

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52 23

Thegravemes associeacutes 24

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de mal-logement ou de pauvreteacute 24

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette

reacuteunion 24

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94 24

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70 25

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61 25

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72 25

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres 26

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65 26

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84 28

B Proceacutedure eacutequitable et effective 28

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93 28

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales 29

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74 29

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59 30

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103 30

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93 31

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118 33

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

4

CEDH ARTICLE 8

Article 8 ndash Droit au respect de la vie priveacutee et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-

ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave

la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes dautrui

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause

Lire absolument Stankova Yordanova Connors McCann

Le domicile ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli en droit national il srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification et de la leacutegaliteacuteilleacutegaliteacute de lrsquooccupation en

droit interne Voir le guide la recevabiliteacute de la Cour EDH points 332-333

La vie priveacutee englobe lrsquointeacutegriteacute physique et psychologique drsquoune personne (affaire Niemietz c

Allemagne arrecirct du 16 deacutecembre 1992 sect 29 arrecirct concernant le lien vie pro-vie priveacutee ms cette phrase

fait jp et est reprise dans arrecircts sur le logement aller lire le paragraphe au besoin)

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36

36 La Cour rappelle que selon sa jurisprudence et celle de la Commission la notion de laquo domicile raquo

au sens de lrsquoarticle 8 ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli mais qursquoil srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification en droit interne La question de savoir si une

habitation particuliegravere constitue un laquo domicile raquo relevant de la protection de lrsquoarticle 8 sect 1 deacutependra des

circonstances factuelles notamment de lrsquoexistence de liens suffisants et continus avec un lieu

deacutetermineacute (Buckley c Royaume-Uni arrecirct du 25 septembre 1996 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1996-

IV pp 1287-1288 sectsect 52-54 et avis de la Commission pp 1308-1309 sect 63 Gillow c Royaume-Uni

arrecirct du 24 novembre 1986 seacuterie A no 109 p 19 sect 46 Wiggins c Royaume-Uni no 745676 deacutecision

de la Commission du 8 feacutevrier 1978 Deacutecisions et rapports 13 p 40)

En deacutepit des reacutefeacuterences agrave drsquoautres arrecircts la formulation est ici la meilleure car elle est claire et

geacuteneacuterale Ex drsquoautre deacutefinition laquo le lieu lrsquoespace physiquement deacutetermineacute ougrave se deacuteveloppe la vie

priveacutee et familiale raquo (CEDH 16 nov 2004 Moreno Gomez c Espagne aff No 414303 sect 53)

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50

50 La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile Toute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

3

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde 16

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent 17

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 17

3 Assurer la jouissance effective du domicile 18

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70 18

IV Dommages-inteacuterecircts 18

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 18

CEDH ARTICLE 6sect1 20

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44 20

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30 20

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34 21

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009

sectsect38-41 22

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52 23

Thegravemes associeacutes 24

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de mal-logement ou de pauvreteacute 24

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette

reacuteunion 24

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94 24

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70 25

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61 25

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72 25

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres 26

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65 26

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84 28

B Proceacutedure eacutequitable et effective 28

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93 28

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales 29

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74 29

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59 30

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103 30

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93 31

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118 33

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

4

CEDH ARTICLE 8

Article 8 ndash Droit au respect de la vie priveacutee et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-

ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave

la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes dautrui

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause

Lire absolument Stankova Yordanova Connors McCann

Le domicile ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli en droit national il srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification et de la leacutegaliteacuteilleacutegaliteacute de lrsquooccupation en

droit interne Voir le guide la recevabiliteacute de la Cour EDH points 332-333

La vie priveacutee englobe lrsquointeacutegriteacute physique et psychologique drsquoune personne (affaire Niemietz c

Allemagne arrecirct du 16 deacutecembre 1992 sect 29 arrecirct concernant le lien vie pro-vie priveacutee ms cette phrase

fait jp et est reprise dans arrecircts sur le logement aller lire le paragraphe au besoin)

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36

36 La Cour rappelle que selon sa jurisprudence et celle de la Commission la notion de laquo domicile raquo

au sens de lrsquoarticle 8 ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli mais qursquoil srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification en droit interne La question de savoir si une

habitation particuliegravere constitue un laquo domicile raquo relevant de la protection de lrsquoarticle 8 sect 1 deacutependra des

circonstances factuelles notamment de lrsquoexistence de liens suffisants et continus avec un lieu

deacutetermineacute (Buckley c Royaume-Uni arrecirct du 25 septembre 1996 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1996-

IV pp 1287-1288 sectsect 52-54 et avis de la Commission pp 1308-1309 sect 63 Gillow c Royaume-Uni

arrecirct du 24 novembre 1986 seacuterie A no 109 p 19 sect 46 Wiggins c Royaume-Uni no 745676 deacutecision

de la Commission du 8 feacutevrier 1978 Deacutecisions et rapports 13 p 40)

En deacutepit des reacutefeacuterences agrave drsquoautres arrecircts la formulation est ici la meilleure car elle est claire et

geacuteneacuterale Ex drsquoautre deacutefinition laquo le lieu lrsquoespace physiquement deacutetermineacute ougrave se deacuteveloppe la vie

priveacutee et familiale raquo (CEDH 16 nov 2004 Moreno Gomez c Espagne aff No 414303 sect 53)

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50

50 La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile Toute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

4

CEDH ARTICLE 8

Article 8 ndash Droit au respect de la vie priveacutee et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-

ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave

la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes dautrui

I Notion de domicile de lrsquoarticle 8sect1 le domicile est-il bien en cause

Lire absolument Stankova Yordanova Connors McCann

Le domicile ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli en droit national il srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification et de la leacutegaliteacuteilleacutegaliteacute de lrsquooccupation en

droit interne Voir le guide la recevabiliteacute de la Cour EDH points 332-333

La vie priveacutee englobe lrsquointeacutegriteacute physique et psychologique drsquoune personne (affaire Niemietz c

Allemagne arrecirct du 16 deacutecembre 1992 sect 29 arrecirct concernant le lien vie pro-vie priveacutee ms cette phrase

fait jp et est reprise dans arrecircts sur le logement aller lire le paragraphe au besoin)

Prokopovich c Russie requecircte ndeg 5825500 18 novembre 2004 sect36

36 La Cour rappelle que selon sa jurisprudence et celle de la Commission la notion de laquo domicile raquo

au sens de lrsquoarticle 8 ne se limite pas au domicile leacutegalement occupeacute ou eacutetabli mais qursquoil srsquoagit drsquoun

concept autonome qui ne deacutepend pas drsquoune qualification en droit interne La question de savoir si une

habitation particuliegravere constitue un laquo domicile raquo relevant de la protection de lrsquoarticle 8 sect 1 deacutependra des

circonstances factuelles notamment de lrsquoexistence de liens suffisants et continus avec un lieu

deacutetermineacute (Buckley c Royaume-Uni arrecirct du 25 septembre 1996 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1996-

IV pp 1287-1288 sectsect 52-54 et avis de la Commission pp 1308-1309 sect 63 Gillow c Royaume-Uni

arrecirct du 24 novembre 1986 seacuterie A no 109 p 19 sect 46 Wiggins c Royaume-Uni no 745676 deacutecision

de la Commission du 8 feacutevrier 1978 Deacutecisions et rapports 13 p 40)

En deacutepit des reacutefeacuterences agrave drsquoautres arrecircts la formulation est ici la meilleure car elle est claire et

geacuteneacuterale Ex drsquoautre deacutefinition laquo le lieu lrsquoespace physiquement deacutetermineacute ougrave se deacuteveloppe la vie

priveacutee et familiale raquo (CEDH 16 nov 2004 Moreno Gomez c Espagne aff No 414303 sect 53)

Mc Cann c Royaume-Uni requecircte ndeg 1900904 13 mai 2008 sect50

50 La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile Toute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

5

personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnaliteacute de

cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle

8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par

lrsquoapplication du droit interne

Argument suppleacutementaire aucun(e) reacutesidenceprojet de reacutesider ailleurs

Voir par exemple

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg2034892 25 septembre 1996 sect54 54 Dans son arrecirct Gillow c Royaume-Uni du 24 novembre 1986 (seacuterie A ndeg 109) la Cour a noteacute que

les requeacuterants avaient eacutetabli leur domicile dans la maison en cause en avaient conserveacute la proprieacuteteacute en

vue dy revenir y avaient veacutecu dans le dessein dy habiter en permanence avaient vendu leur

preacuteceacutedente habitation et nen avaient pas choisi dautre au Royaume-Uni Cette maison devait donc

passer pour leur domicile aux fins de larticle 8 (art 8) (loc cit p 19 par 46) Mecircme si dans

laffaire Gillow le domicile des requeacuterants avait eacuteteacute eacutetabli leacutegalement agrave lorigine des consideacuterations

semblables valent en lespegravece La Cour est convaincue que Mme Buckley a acheteacute le terrain dans le

but dy eacutelire domicile Elle y vit depuis 1988 presque sans interruption mis agrave part une absence de

deux semaines pour raisons familiales en 1993 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus) et nul ne suggegravere

quelle ait eacutetabli une reacutesidence ailleurs ou ait lintention de le faire Lespegravece porte donc sur le droit

de la requeacuterante au respect de son domicile

McKay Kopecka c Pologne requecircte ndeg 4532099 19 septembre 2006 (deacutecision en recevabiliteacute - irrecevable)

Il y a bien un lien continu et suffisant pour une personne voyageant souvent aux Etats-Unis mais sans

autre lieu de reacutesidence chaque fois qursquoelle retourne en Pologne que lrsquoappartement en cause ougrave elle

possegravede aussi meubles

ldquoThe Court recalls that the concept of ldquohomerdquo within the meaning of Article 8 is not limited to those

which are lawfully occupied or which have been lawfully established ldquoHomerdquo is an autonomous

concept which does not depend on the classification under domestic law Whether or not a particular

habitation constitutes a ldquohomerdquo which attracts the protection of Article 8 sect 1 will depend on the factual

circumstances namely the existence of sufficient and continuous links with a specific place (see the

following authoritiesBuckley v the United Kingdom judgment of 25 September 1996 Reports 1996-

IV sectsect 52-54 and Commissionrsquos report of 11 January 1995 sect 63 Gillow v the United Kingdom

judgment of 24 November 1986 Series A no 109 sect 46 Wiggins v the United Kingdom no 745676

Commission decision of 8 February 1978 Decisions and Reports (DR) 13 p 40)

In the light of the above and considering the particular circumstances of the case the Court accepts

that even though the applicant had often been absent she retained sufficient continuing links with the

flat in Warsaw at the time of the events for it to be considered her ldquohomerdquo for the purposes of Article 8

of the Conventionrdquo

II Meacutecanisme drsquoapplication de lrsquoarticle 8sect2

Le domicile au sens de la CEDH doit faire lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence injustifieacutee venue violer le droit agrave la

protection du domicile

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

6

1 Constate-t-on une ingeacuterence dans le droit au respect du domicile et de la vie priveacutee

Bien noter que constituent des ingeacuterences

- Expulsion et deacutecision drsquoexpulsion encore inexeacutecuteacutee La jurisprudence cite souvent les arrecircts Stankova et Mc Cann mais leur formulation est moins claire

que lrsquoarrecirct Cosic

Cosic c Croatie requecircte ndeg2826106 15 janvier 2009 sect18

18 The Court considers that the obligation on the applicant to vacate the flat amounted to an

interference with her right to respect for her home notwithstanding the fact that the judgment ordering

the applicantrsquos eviction has not yet been executed (see mutatis mutandis Stankovaacute v Slovakia no

720502 sect 7 9 October 2007)

- Le maintien ne peut se faire que par demandes drsquoordonnances provisoires reacutepeacuteteacutees Peut ecirctre eacutelargi aux cas ougrave heacutebergement maintenu que par appelsdemandes freacutequentes

Buckland c Royaume-Uni requecircte ndeg4006008 18 septembre 2012 sect68 68 The Court cannot accept that the fact that an individual may effectively be able to remain in her

home in the long-term by making repeated applications to extend suspension of a possession order

removes any incompatibility of the procedure with Article 8

2 Lrsquoingeacuterence constateacutee est-elle justifieacutee

Le caractegravere justifieacute de lrsquoingeacuterence srsquoappreacutecie au regard de trois critegraveres (textuels) la leacutegaliteacute la

leacutegitimiteacute la neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique et drsquoun critegravere eacutetabli par la jurisprudence et

rendu ceacutelegravebre par lrsquoarrecirct Winterstein

A Lrsquoingeacuterence est-elle leacutegale Sans quoi tout simplement pas proteacutegeacutee par 8sect2 Montrer lrsquoilleacutegaliteacute de la mesure et si possible

eacutegalement le caractegravere inaccessible et impreacutevisible quant agrave ses effets du droit national

Kopp c Suisse requecircte ndeg 13977971000 25 mars 1998 sect55 55 Les mots laquo preacutevue par la loi raquo au sens de larticle 8 sect 2 veulent dabord que la mesure incrimineacutee

ait une base en droit interne mais ils ont trait aussi agrave la qualiteacute de la loi en cause ils exigent

laccessibiliteacute de celle-ci agrave la personne concerneacutee qui de surcroicirct doit pouvoir en preacutevoir les

conseacutequences pour elle et sa compatibiliteacute avec la preacuteeacuteminence du droit

Amann c Suisse requecircte ndeg 2779895 16 feacutevrier 2000 sect50 50 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots laquo preacutevue par la loi raquo imposent

non seulement que la mesure incrimineacutee ait une base en droit interne mais visent aussi la qualiteacute de la

loi en cause ainsi celle-ci doit ecirctre accessible au justiciable et preacutevisible (arrecirct Kopp preacuteciteacute p 540

sect 55)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

7

Golovan c Ukraine requecircte ndeg 4171606 5 juillet 2012 sectsect65-66 laquo 65 In view of the above the Court concludes that the interference in question was not ldquoin accordance

with the lawrdquo the impugned measures contravened the provisions of domestic legislation

moreover the applicable domestic law was not sufficiently foreseeable and did not provide an

appropriate degree of protection against arbitrariness For these reasons there has been a

violation of Article 8 of the Convention 66 In the light of this conclusion the Court does not consider it necessary to examine whether the other

conditions of paragraph 2 of Article 8 were complied with

Mecircme quand lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoingeacuterence est observeacutee par la Cour elle peut deacutecider de poursuivre et de

veacuterifier aussi les critegraveres qui suivent indeacutependamment du fait que lrsquoingeacuterence ne reposait pas sur une

base leacutegale

B Lrsquoingeacuterence poursuit-elle un but leacutegitime

A titre drsquoexemple

Kuric et autres c Sloveacutenie ndeg 2682806 12 mars 2014 sectsect351-353 351 Le Gouvernement soutient qursquoagrave lrsquoeacutepoque de la creacuteation du nouvel Etat les lois sur

lrsquoindeacutependance poursuivaient le but leacutegitime que constitue la protection de la seacutecuriteacute nationale De

plus le droit pour lrsquoEtat de controcircler lrsquoentreacutee et le seacutejour des eacutetrangers sur son territoire preacutesupposerait

qursquoil puisse prendre des mesures de dissuasion telles que lrsquoexpulsion contre les personnes enfreignant

les lois sur lrsquoimmigration (paragraphe 325 ci-dessus)

352 La Cour estime que le but des lois sur lrsquoindeacutependance et des mesures prises agrave lrsquoeacutegard des

requeacuterants ne peut ecirctre dissocieacute du contexte plus vaste de la dissolution de la RSFY de lrsquoaccession de

la Sloveacutenie agrave lrsquoindeacutependance en 1991 et de la creacuteation drsquoune deacutemocratie politique effective qui

impliquaient la constitution drsquoun laquo corps de citoyens slovegravenes raquo en vue de la tenue des eacutelections

leacutegislatives Lrsquoingeacuterence deacutenonceacutee (lrsquolaquo effacement raquo) doit ecirctre envisageacutee dans ce contexte geacuteneacuteral

353 La Cour considegravere donc qursquoavec lrsquoadoption des lois sur lrsquoindeacutependance qui preacutevoyaient la

faculteacute pour tous les ressortissants des reacutepubliques de lrsquoex-RSFY reacutesidant en Sloveacutenie drsquoopter pour

lrsquoacquisition de la nationaliteacute slovegravene pendant une courte peacuteriode seulement les autoriteacutes slovegravenes ont

chercheacute agrave creacuteer un laquo corps de citoyens slovegravenes raquo et ainsi agrave proteacuteger les inteacuterecircts de la seacutecuriteacute

nationale du pays (voir mutatis mutandis Slivenko preacuteciteacute sectsect 110-111) but leacutegitime au regard de

lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention

C Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique au vu de raisons pertinentes et suffisantes La jurisprudence deacutefinit cette condition reacuteaffirmeacutee et preacuteciseacutee avec le fameux arrecirct Winterstein par

lrsquoexamen du caractegravere proportionneacute de lrsquoingeacuterence par rapport agrave sa justification La Cour raisonne le

plus souvent comme suit

La justification de lrsquoingeacuterence correspond-elle agrave un besoin social urgent

1 - marge drsquoappreacuteciation des autoriteacutes nationales indeacuteniable mais variable

2 ndash examen de la proportionnaliteacute de la mesure par rapport au but leacutegitime en question

au regard du conflit drsquointeacuterecircts en cause et du caractegravere urgent du besoin preacutesenteacute par les

autoriteacutes nationales on peut parler de laquo mesures raisonnables raquo (Yordanova 2012

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

8

sect118)

Si la question de la proportionnaliteacute a eacuteteacute souleveacutee par lrsquoune des parties elle doit impeacuterativement avoir

eacuteteacute examineacutee au cours des proceacutedures judiciaires nationales sans quoi la Cour observera une violation

de lrsquoarticle 8sect2 (et pourra alors eacutegalement soulever une violation de lrsquoarticle 13)1

On peut donc suivre ce raisonnement dans son argumentation bien que laquo justifieacutee raquo la mesure dont X

a eacuteteacute victime nrsquoeacutetait pas proportionnelle

Buckley c Royaume-Uni requecircte ndeg 2034892 25 septembre 1996 sect76 76 Cependant la Cour ne peut neacutegliger le fait quen lespegravece les inteacuterecircts de la communauteacute doivent

ecirctre mis en balance avec le droit de Mme Buckley au respect de son domicile lequel relegraveve de sa

seacutecuriteacute et de son bien-ecirctre personnels et de ceux de ses enfants (arrecirct Gillow preacuteciteacute p 22 par 55)

Pour deacuteterminer lampleur de la marge dappreacuteciation laisseacutee agrave lEtat deacutefendeur il faut garder agrave lesprit

limportance dun tel droit pour la requeacuterante et sa famille Chaque fois que les autoriteacutes nationales se

voient reconnaicirctre une marge dappreacuteciation susceptible de porter atteinte au respect dun droit

proteacutegeacute par la Convention tel que celui en jeu en lespegravece il convient dexaminer les garanties

proceacutedurales dont dispose lindividu pour deacuteterminer si lEtat deacutefendeur na pas fixeacute le cadre

reacuteglementaire en outrepassant les limites de son pouvoir discreacutetionnaire Selon la jurisprudence

constante de la Cour mecircme si larticle 8 (art 8) ne renferme aucune condition explicite de

proceacutedure il faut que le processus deacutecisionnel deacutebouchant sur des mesures dingeacuterence soit

eacutequitable et respecte comme il se doit les inteacuterecircts de lindividu proteacutegeacutes par larticle 8 (art 8) (arrecirct McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A ndeg 307-B p 55 par 87)

Connors c Royaume-Uni requecircte ndeg 6674601 27 mai 2004 sectsect82-83 82 La Cour a eacutegalement deacuteclareacute que dans des domaines occupant une place centrale dans les

politiques sociales et eacuteconomiques des socieacuteteacutes modernes tels que celui du logement elle

respectait la maniegravere dont le leacutegislateur national concevait les impeacuteratifs de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sauf

si le jugement de celui-ci se reacuteveacutelait manifestement deacutepourvu de base raisonnable (voir les arrecircts

Mellacher et autres c Autriche du 19 deacutecembre 1989 seacuterie A no 169 p 27 sect 45 Immobiliare Saffi c

Italie [GC] no 2277493 CEDH 1999-V sect 49) Il convient toutefois de relever que les affaires en

question se rapportaient agrave lrsquoarticle 1 du Protocole no 1 agrave la Convention et non agrave lrsquoarticle 8 lequel

protegravege des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination

de celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la

stabiliteacute et la seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir mutatis mutandis les arrecircts Gillow c

Royaume-Uni preacuteciteacute sect 55 Pretty c Royaume-Uni no 234602 CEDH 2002-III et Christine

Goodwin c Royaume-Uni no 2895795 sect 90 CEDH 2002-VI) Lorsque des consideacuterations de

politique sociale et eacuteconomique drsquoordre geacuteneacuteral apparaissent dans le cadre de lrsquoarticle 8

lrsquoeacutetendue de la marge drsquoappreacuteciation deacutepend du contexte de lrsquoaffaire et il y a lieu drsquoaccorder une

importance particuliegravere agrave lrsquoampleur de lrsquoingeacuterence dans la sphegravere personnelle du requeacuterant (Hatton et autres c Royaume-Uni [GC] no 3602297 CEDH 2003-VIII sectsect 103 et 123)

1 Remarque en vertu de lrsquoarticle 13 laquo Toute personne dont les droits et liberteacutes reconnus dans la preacutesente Convention

ont eacuteteacute violeacutes a droit agrave loctroi dun recours effectif devant une instance nationale alors mecircme que la violation aurait eacuteteacute

commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles raquo Les articles 8 et 13 sont souvent

utiliseacutes ensemble mais la Cour se contente alors geacuteneacuteralement de constater une violation de lrsquoarticle 8 pour en deacuteduire que la violation de lrsquoarticle 13 srsquoensuit (cas drsquoomission de lrsquoexamen de la proportionnaliteacute de la mesure

drsquoingeacuterence au cours des proceacutedures nationales)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

9

83 Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si

lrsquoEtat deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En

particulier la Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures

drsquoingeacuterence eacutetait eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par

lrsquoarticle 8 (voir les arrecircts Buckley preacuteciteacute pp 1292-93 sect 76 et Chapman c Royaume-Uni [GC] no

2713895 CEDH 2001-I sect 92)

Le rejet par les autoriteacutes nationales de la demande deacuteposeacutee par le requeacuterant de controcircle juridictionnel

de la mesure agrave son encontre refus opposeacute sans qursquoaucune motivation ne soit exigeacutee par la loi

nationale entraicircne une violation de lrsquoarticle 8sect2 car il ne constitue pas une ingeacuterence suffisamment

justifieacutee La Cour affirme que lrsquoexpulsion laquo ne srsquoest pas accompagneacutee des garanties proceacutedurales

requises crsquoest-agrave-dire de lrsquoobligation de justifier comme il convient la grave ingeacuterence subie par lui

et que cette mesure ne saurait par conseacutequent ecirctre consideacutereacutee comme correspondant agrave un laquo besoin

social impeacuterieux raquo ou comme proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi Il y a donc eu violation de

lrsquoarticle 8 de la Convention raquo (sectsect93-95)

Stankova c Slovaquie requecircte ndeg720502 9 octobre 2007 sectsect55-59 55 The applicant with reference to the Constitutional Courts judgment of 10 July 2001 maintained

that the interference with her rights under Article 8 of the Convention had been unjustified

56 The Government admitted that the facts of the case amounted to an interference with the applicants

right to respect for her private life and home The applicant had been obliged to move out of the flat by

an enforcement officer following a final judgment delivered by the ordinary courts in accordance with

the relevant provisions of the Slovakian legal order The interference had pursued the legitimate aim of

protecting the interests of the owner of the flat The applicant who had no legal title to use the flat in

Poprad had the possibility of living in her sons flat in Kezmaroc By ordering the applicant to leave

the flat in Poprad the domestic courts had not overstepped the margin of appreciation reserved to

Contracting States in similar situations In addition the applicant was herself responsible for the

situation complained of as she had agreed to the exchange of the cooperative flat in Poprad for a

smaller one in a different town in February 1995 At that time the applicant should have been aware

that she had no entitlement to use her fathers flat after the latters death The Government concluded

that the interference complained of was not disproportionate to the legitimate aim pursued

57 The Court notes and it has not been disputed between the parties that the obligation on the

applicant to leave the flat amounted to an interference with her right to respect for her home which was

based on the relevant provisions of the Civil Code and the Executions Order 1995 (see paragraphs 16

and 39 above) That interference was therefore ldquoin accordance with the lawrdquo It pursued the legitimate

aim of protecting the rights of the Poprad Municipality which owned the flat

58 The only point at issue in the present case is therefore whether that interference was ldquonecessary in a

democratic societyrdquo for achieving the aim pursued In this connection the Court has to consider

whether in the light of the case as a whole the reasons adduced to justify the measure were

relevant and sufficient for the purposes of paragraph 2 of Article 8 of the Convention The notion

of necessity implies a pressing social need in particular the measure employed must be

proportionate to the legitimate aim pursued The scope of the margin of appreciation enjoyed by the

national authorities in similar cases will depend not only on the nature of the aim of the restriction but

also on the nature of the right involved (see Gillow v the United Kingdom judgment of 24 November

1986 Series A no 109 p 22 sect 55)

59 Because of their direct knowledge of their society and its needs the national authorities are in

principle better placed than the international judge to strike a fair balance between the interests

involved (see Eski v Austria no 2194903 sect 42 25 January 2007) The Courts task is not to

substitute itself for the domestic authorities in the exercise of their powers but rather to review in the

light of the Convention the decisions taken by those authorities in the exercise of their margin of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

10

appreciation (see mutatis mutandis Hokkanen v F inland judgment of 23 September 1994 Series A

no 299-A p 20 sect 55 and Elsholz v Germany no 2573594 ECHR 2000-VIII p 363 sect 48)

(La Cour constitutionnelle nationale avait deacutejagrave jugeacute une violation de lrsquoarticle 8 en lrsquoespegravece ce que

confirme la CEDH) La Cour a estimeacute qursquoune expulsion par les pouvoirs publics qui satisfait aux

exigences habituelles leacutegaliteacute justifieacutee par un but leacutegitime sans toutefois ecirctre assortie drsquoune

proposition de logement de remplacement avait des conseacutequences incompatibles avec le droit au

respect de la vie priveacutee et familiale et du domicile car elle nrsquoeacutetait pas proportionnelle au but leacutegitime

rechercheacute

Cosic c Croatie requecircte ndeg 2826106 15 janvier 2009 sectsect21-23 21 In the present case the Court notes that when it comes to the decisions of the domestic authorities

their findings were limited to the conclusion that under applicable national laws the applicant had no

legal entitlement to occupy the flat The first-instance court expressly stated that while it recognised the

applicantrsquos difficult position its decision had to be based exclusively on the applicable laws The

national courts thus confined themselves to finding that occupation by the applicant was without legal

basis but made no further analysis as to the proportionality of the measure to be applied against the

applicant However the guarantees of the Convention require that the interference with an applicantrsquos

right to respect for her home be not only based on the law but also be proportionate under paragraph 2

of Article 8 to the legitimate aim pursued regard being had to the particular circumstances of the case

Furthermore no legal provision of domestic law should be interpreted and applied in a manner

incompatible with Croatiarsquos obligations under the Convention (see Stankovaacute v Slovakia cited above sect

24)

22 In this connection the Court reiterates that the loss of onersquos home is a most extreme form of

interference with the right to respect for the home Any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 of the Convention notwithstanding that under domestic law his or her right of

occupation has come to an end (see McCann v the United Kingdom no 1900904 sect 50 13 May

2008)

23 However in the circumstances of the present case the applicant was not afforded such a

possibility It follows that because of such absence of adequate procedural safeguards there has been

a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Orlic contre Croatie requecircte ndeg 4883307 21 juin 2011 sect65 65 In this connection the Court reiterates that any person at risk of an interference with his right to

home should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the measure

determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under Article 8 of

the Convention notwithstanding that under domestic law he or she has no right to occupy a flat

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect94-97 La requeacuterante se voit expulseacutee de lappartement moscovite quelle a acheteacute de bonne foi apregraves que

lEtat sest aperccedilu de manœuvres frauduleuses dans les transactions sur lappartement avant son

arriveacutee sans proposition de relogement ni compensation apregraves un rappel du fait que la marge

drsquoappreacuteciation est plus reacuteduite pour lrsquoarticle 8 que pour lrsquoarticle 1 la Cour affirme

94 The Court observes that an order was made for the applicantrsquos eviction automatically by the

domestic courts after they had stripped her of ownership They made no further analysis as to the

proportionality of the measure to be applied against the applicant namely her eviction from the flat

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

11

they declared to be State-owned However the guarantees of the Convention require that any

interference with an applicantrsquos right to respect for his or her home not only be based on the law but

should also be proportionate under paragraph 2 of Article 8 to the legitimate aim pursued regard

being had to the particular circumstances of the case Furthermore no legal provision of domestic law

should be interpreted and applied in a manner incompatible with the respondent Statersquos obligations

under the Convention (see Stankovaacute cited above sect 24 9 October 2007)

95 The Court also attaches weight to the fact that the applicantrsquos home has been repossessed by the

State and not by another private party whose interests in that particular flat would have been at

stake (see Orlić cited above sect 69) The allegedly intended beneficiaries on the waiting list were not

sufficiently individualised to allow their personal circumstances to be balanced against those of the

applicant In any event no individual on the waiting list would have had the same attachment to the flat as

the applicant or would hardly have had a vested interest in that particular dwelling as opposed to a similar

one

96 Finally the Court takes into account that the applicantrsquos circumstances did not make her eligible

for substitute housing and no goodwill had been shown by the Moscow Housing Department in that it

would not provide her with permanent or even temporary accommodation when she had to move out The

Governmentrsquos suggestion that the applicant move in with her parents aside the authorities made it clear that

they would not contribute to a solution of her housing need It follows that the applicantrsquos rights guaranteed

by Article 8 were entirely left out of the equation when it came to balancing her individual rights against the

interests of the City of Moscow

97 There has therefore been a violation of Article 8 of the Convention in the instant case

Il y a violation de lart 8 degraves lors quaucune solution daide au relogement nest proposeacutee alors que les

inteacuterecircts mis en balance avec ceux de la requecircte sont ceux de la ville de Moscou et non dun autre

individu priveacute dont des droits garantis par la Convention seraient en danger Lingeacuterence ne peut ecirctre

simplement justifieacutee par la loi elle doit ecirctre mateacuteriellement proportionneacutee au but poursuivi au regard

des faits de lespegravece

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect118 118 The Court has noted the following relevant considerations in this respect

(i) In spheres involving the application of social or economic policies including as regards

housing there is authority that the margin of appreciation is wide as in the urban or rural planning

context where the Court has found that ldquo[i]n so far as the exercise of discretion involving a multitude of

local factors is inherent in the choice and implementation of planning policies the national authorities

in principle enjoy a wide margin of appreciationrdquo (see for example Buckley cited above p 1292 sect 75

in fine and Ćosić cited above sect 20)

(ii) On the other hand the margin of appreciation left to the authorities will tend to be narrower

where the right at stake is crucial to the individualrsquos effective enjoyment of intimate or key rights Since

Article 8 concerns rights of central importance to the individualrsquos identity self-determination physical

and moral integrity maintenance of relationships with others and a settled and secure place in the

community where general social and economic policy considerations have arisen in the context of

Article 8 itself the scope of the margin of appreciation depends on the context of the case with

particular significance attaching to the extent of the intrusion into the personal sphere of the applicant

(see among many others Connors cited above sect 82)

(iii) The procedural safeguards available to the individual will be especially material in

determining whether the respondent State has remained within its margin of appreciation In particular

the Court must examine whether the decision-making process leading to measures of interference was

fair and such as to afford due respect to the interests safeguarded to the individual by Article 8 (see

Buckley cited above pp 1292-93 sect 76 and Chapman cited above sect 92) The ldquonecessary in a

democratic societyrdquo requirement under Article 8 sect 2 raises a question of procedure as well of

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

12

substance (see McCann cited above sect 26)

(iv) Since the loss of onersquos home is a most extreme form of interference with the right

under Article 8 to respect for onersquos home any person at risk of an interference of this

magnitude should in principle be able to have the proportionality and reasonableness of the

measure determined by an independent tribunal in the light of the relevant principles under

Article 8 notwithstanding that under domestic law he has no right of occupation (see Kay

and Others v the United Kingdom no 3734106 sect 67-8 and 74 21 September 2010 and Orlić v

Croatia no 4883307 sect 65 21 June 2011) This means among other things that where

relevant arguments concerning the proportionality of the interference have been raised by

the applicant in domestic judicial proceedings the domestic courts should examine them in

detail and provide adequate reasons (ibid sectsect 67-69)

(v) Where the national authorities in their decisions ordering and upholding the applicantrsquos

eviction have not given any explanation or put forward any arguments demonstrating that the

applicantrsquos eviction was necessary the Court may draw the inference that the Statersquos legitimate

interest in being able to control its property should come second to the applicantrsquos right to respect

for his home (ibid)

En lrsquoespegravece la toleacuterance de facto des autoriteacutes nationales du maintien de Tsiganes sur un terrain

municipal pendant des anneacutees de sorte que le terrain illeacutegalement occupeacute est neacuteanmoins devenu leur

domicile (liens continus) les autoriteacutes municipales se sont contenteacutees de constater lrsquoilleacutegaliteacute de

lrsquooccupation sans plus de motifs conformeacutement au droit national et les juges nationaux ont refuseacute

drsquoentendre tout argument concernant la proportionnaliteacute de la mesure en cause (non-respect du

principe de proportionnaliteacute) il est reconnu par les parties que le domicile en cause ne remplit pas les

conditions minimum drsquohygiegravene et que des travaux sont neacutecessaires mais le fait que les requeacuterants

risquent drsquoecirctre mis agrave la rue nrsquoa pas eacuteteacute consideacutereacute et le caractegravere urgent pour les autoriteacutes nationales

des plans drsquoameacutenagement nrsquoest pas deacutemontreacute le gouvernement eacutechoue agrave deacutemontrer que la mesure est

neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour atteindre le but leacutegitime poursuivi Pour plus

drsquoeacuteleacutements sur le contexte de lrsquoingeacuterence en lrsquoespegravece lire sectsect102 et s

Winterstein et autres c France requecircte ndeg2701307 17 octobre 2013 sectsect147-148 147 Une ingeacuterence est consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo pour

atteindre un but leacutegitime si elle reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo et en particulier

demeure proportionneacutee au but leacutegitime poursuivi et si les motifs invoqueacutes par les autoriteacutes

nationales pour la justifier apparaissent laquo pertinents et suffisants raquo Srsquoil appartient aux autoriteacutes

nationales de juger les premiegraveres si toutes ces conditions se trouvent remplies crsquoest agrave la Cour qursquoil

revient de trancher en deacutefinitive la question de la neacutecessiteacute de lrsquoingeacuterence au regard des exigences de la

Convention (Chapman preacuteciteacute sect 90 et S et Marper c Royaume-Uni [GC]

nos 3056204 et 3056604 sect 101)

148 Il faut reconnaicirctre agrave cet eacutegard une certaine marge drsquoappreacuteciation aux autoriteacutes nationales

compeacutetentes Lrsquoeacutetendue de la marge deacutepend de la nature du droit en cause garanti par la Convention de

son importance pour la personne concerneacutee et de la nature des activiteacutes soumises agrave des restrictions

comme de la finaliteacute de celles-ci (Chapmanpreacuteciteacute sect 91 S et Marper preacuteciteacute sect 102et Nada preacuteciteacute sect

184) Les points suivants se deacutegagent de la jurisprudence de la Cour (Yordanova preacuteciteacute sect 118)

α) Lorsque sont en jeu des politiques sociales ou eacuteconomiques y compris dans le domaine du

logement la Cour accorde aux autoriteacutes nationales une grande latitude En cette matiegravere elle a jugeacute que

laquo dans la mesure ougrave lrsquoexercice drsquoun pouvoir discreacutetionnaire portant sur une multitude de facteurs

locaux [eacutetait] inheacuterent au choix et agrave lrsquoapplication de politiques drsquoameacutenagement foncier les autoriteacutes

nationales jouiss[aient] en principe drsquoune marge drsquoappreacuteciation eacutetendue raquo (Buckley preacuteciteacute sect 75 in

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

13

fine et Ćosić preacuteciteacute sect 20) mecircme si la Cour demeure habiliteacutee agrave conclure qursquoelles ont commis une

erreur manifeste drsquoappreacuteciation (Chapman preacuteciteacute sect 92)

β) En revanche la marge drsquoappreacuteciation laisseacutee aux autoriteacutes est drsquoautant plus restreinte que le droit

en cause est important pour garantir agrave lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou

drsquoordre laquo intime raquo qui lui sont reconnus Cela est notamment le cas pour les droits garantis par lrsquoarticle

8 qui sont des droits drsquoune importance cruciale pour lrsquoidentiteacute de la personne lrsquoautodeacutetermination de

celle-ci son inteacutegriteacute physique et morale le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabiliteacute et la

seacutecuriteacute de sa position au sein de la socieacuteteacute (voir parmi drsquoautres Connors preacuteciteacute sect 82)

γ) Il convient drsquoexaminer les garanties proceacutedurales dont dispose lrsquoindividu pour deacuteterminer si lrsquoEacutetat

deacutefendeur nrsquoa pas fixeacute le cadre reacuteglementaire en outrepassant sa marge drsquoappreacuteciation En particulier la

Cour doit rechercher si le processus deacutecisionnel ayant deacuteboucheacute sur des mesures drsquoingeacuterence eacutetait

eacutequitable et respectait comme il se doit les inteacuterecircts de lrsquoindividu proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (voir les

arrecircts Buckley preacuteciteacute sect 76 et Chapman preacuteciteacute sect 92) Lrsquoexigence de la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoingeacuterence

vaut sur le plan tant proceacutedural que mateacuteriel (McCann preacuteciteacute sect 49)

δ) La perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile

Toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir faire examiner la

proportionnaliteacute de cette mesure par un tribunal indeacutependant agrave la lumiegravere des principes

pertinents qui deacutecoulent de lrsquoarticle 8 de la Convention quand bien mecircme son droit drsquooccuper les

lieux aurait eacuteteacute eacuteteint par lrsquoapplication du droit interne (Kay et autres c Royaume-Uni

no 3734106 sect 68 21 septembre 2010 et Orlić preacuteciteacute sect 65) Cela signifie entre autres que lorsque

des arguments pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes par le

requeacuterant dans les proceacutedures judiciaires internes les juridictions nationales doivent les

examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (Orlić preacuteciteacute sectsect 67 et 71)

ε) Pour appreacutecier la proportionnaliteacute drsquoune mesure drsquoexpulsion il y a lieu de tenir compte en

particulier des consideacuterations suivantes si le domicile a eacuteteacute eacutetabli leacutegalement cela amoindrit la

leacutegitimiteacute de toute mesure drsquoexpulsion et agrave lrsquoinverse srsquoil a eacuteteacute eacutetabli illeacutegalement la personne

concerneacutee est dans une position moins forte par ailleurs si aucun heacutebergement de rechange nrsquoest

disponible lrsquoingeacuterence est plus grave que si un tel heacutebergement est disponible son caractegravere adapteacute ou

pas srsquoappreacuteciant au regard drsquoune part des besoins particuliers de lrsquoindividu et drsquoautre part du droit de

la communauteacute agrave voir proteacuteger lrsquoenvironnement (Chapman preacuteciteacute sectsect 102-104)

ζ) Enfin la vulneacuterabiliteacute des Roms et gens du voyage du fait qursquoils constituent une minoriteacute

implique drsquoaccorder une attention speacuteciale agrave leurs besoins et agrave leur mode de vie propre tant dans le

cadre reacuteglementaire valable en matiegravere drsquoameacutenagement que lors de la prise de deacutecision dans des cas

particuliers (Chapman preacuteciteacute sect 96 et Connorspreacuteciteacute sect 84) dans cette mesure lrsquoarticle 8 impose

donc aux Eacutetats contractants lrsquoobligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre

leur mode de vie (Chapman preacuteciteacute sect 96 et la jurisprudence citeacutee)

Puis sectsect151-158

151 Pour conclure dans lrsquoarrecirct Yordanova et autres que lrsquoexigence de proportionnaliteacute qui deacutecoule

de lrsquoarticle 8 sect 2 nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacutee la Cour a en premier lieu tenu compte de ce que drsquoune part

les autoriteacutes municipales conformeacutement au droit interne applicable nrsquoavaient pas mentionneacute dans

lrsquoordre drsquoexpulsion drsquoautres motifs que lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquooccupation du terrain et drsquoautre part que les

juridictions internes avaient refuseacute drsquoentendre les arguments des requeacuterants relatifs agrave la proportionnaliteacute

et agrave la longue peacuteriode drsquooccupation paisible du terrain par eux-mecircmes et leurs familles (sect 122)

152 La Cour estime que cette approche est transposable agrave la preacutesente affaire Il nrsquoest pas contesteacute

que les requeacuterants eacutetaient installeacutes sur les terrains en cause depuis de nombreuses anneacutees ou qursquoils y

eacutetaient neacutes et que la commune drsquoHerblay a toleacutereacute leur preacutesence pendant une longue peacuteriode avant de

chercher agrave y mettre fin en 2004 Une diffeacuterence doit ecirctre souligneacutee contrairement agrave

lrsquoaffaire Yordanova et autres les terrains qursquoils occupaient nrsquoeacutetaient pas des terrains communaux mais

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

14

des terrains priveacutes dont ils eacutetaient pour la plupart locataires et pour certains proprieacutetaires terrains

destineacutes en principe au camping caravaning mais qui faute drsquoameacutenagement ou drsquoautorisation

preacutefectorale ne pouvaient faire lrsquoobjet du stationnement permanent de caravanes (paragraphe 48 ci-

dessus)

La Cour note que le motif qui a eacuteteacute avanceacute par la commune pour demander lrsquoexpulsion des

requeacuterants ndash et qui a eacuteteacute retenu par les juridictions internes pour lrsquoordonner - tenait au fait que leur

preacutesence sur les lieux eacutetait contraire au plan drsquooccupation des sols (voir paragraphes 18 et 21

ci-dessus)

153 La Cour observe que devant les juridictions internes les requeacuterants ont souleveacute des moyens

fondeacutes sur lrsquoancienneteacute de leur installation et de la toleacuterance de la commune sur le droit au logement

sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour (notamment sur

lrsquoarrecirct Connors preacuteciteacute) Il est vrai comme le souligne le Gouvernement que dans la proceacutedure de

reacutefeacutereacute le juge a rejeteacute la demande drsquoexpulsion au motif qursquoen raison de lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation

des lieux et de la longue toleacuterance de la commune il nrsquoy avait ni urgence ni trouble manifestement

illicite seuls susceptibles de justifier sa compeacutetence (paragraphe 19 ci-dessus)

154 Toutefois la Cour relegraveve que dans la proceacutedure au fond ces aspects nrsquoont pas eacuteteacute pris en

compte le tribunal de grande instance nrsquoen a fait aucune mention et srsquoest borneacute agrave constater que les

requeacuterants nrsquoavaient pas respecteacute le plan drsquooccupation des sols exeacutecutoire degraves sa publication srsquoil a

analyseacute le droit au logement et ses fondements leacutegislatifs et constitutionnels il a conclu que ce droit ne

pouvait ecirctre consacreacute au meacutepris de la leacutegaliteacute et du respect des regravegles en vigueur Enfin il a rejeteacute les

arguments tireacutes des articles 3 et 8 de la Convention aux motifs que la situation des requeacuterants eacutetait

diffeacuterente de celle de la famille Connors et que ni sa deacutecision ni lrsquoexeacutecution de celle-ci ne pouvaient

constituer une violation des articles 3 et 8 preacuteciteacutes

La cour drsquoappel pour sa part apregraves avoir retenu que lrsquoancienneteacute de lrsquooccupation nrsquoeacutetait laquo pas

constitutive de droit pas plus que la toleacuterance mecircme prolongeacutee de cette occupation contraire au plan

drsquooccupation des sols raquo a consideacutereacute que ni le droit au logement ni les articles 3 et 8 preacuteciteacutes nrsquoeacutetaient

bafoueacutes degraves lors que lrsquoaction de la commune reposait sur un fondement leacutegal laquo tireacute du respect des

dispositions reacuteglementaires qui srsquoimposent agrave tous sans discrimination et qui suffit agrave caracteacuteriser lrsquointeacuterecirct

public neacutecessaire agrave lrsquoexercice drsquoune telle action raquo qursquoelle avait donneacute lieu agrave un deacutebat contradictoire et

que lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice rendue dans le respect des droits de la deacutefense ne pouvait

constituer un traitement contraire agrave lrsquoarticle 3

155 La Cour rappelle que la perte drsquoun logement est une atteinte des plus graves au droit au

respect du domicile et que toute personne qui risque drsquoen ecirctre victime doit en principe pouvoir en

faire examiner la proportionnaliteacute par un tribunal en particulier lorsque des arguments

pertinents concernant la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence ont eacuteteacute souleveacutes les juridictions

nationales doivent les examiner en deacutetail et y reacutepondre par une motivation adeacutequate (voir la

jurisprudence citeacutee au paragraphe 148 (δ) ci-dessus)

156 Dans la preacutesente affaire les juridictions internes ont ordonneacute lrsquoexpulsion des requeacuterants sans

avoir analyseacute la proportionnaliteacute de cette mesure (Orlić preacuteciteacute sect 67 etYordanova et autres preacuteciteacute sect

122) une fois constateacutee la non-conformiteacute de leur preacutesence au plan drsquooccupation des sols elles ont

accordeacute agrave cet aspect une importance preacutepondeacuterante sans le mettre en balance drsquoaucune faccedilon avec les

arguments invoqueacutes par les requeacuterants (voir a contrario Buckley preacuteciteacute sect 80 et Chapman preacuteciteacute sect

108-109) Or comme la Cour lrsquoa souligneacute dans lrsquoaffaire Yordanova et autres (sect 123) cette approche

est en soi probleacutematique et ne respecte pas le principe de proportionnaliteacute en effet lrsquoexpulsion des

requeacuterants ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo que si elle

reacutepond agrave un laquo besoin social impeacuterieux raquo qursquoil appartenait en premier lieu aux juridictions nationales

drsquoappreacutecier

157 En lrsquoespegravece cette question se posait drsquoautant plus que les autoriteacutes nrsquoavaient avanceacute aucune

explication ni aucun argument quant agrave la laquo neacutecessiteacute raquo de lrsquoexpulsion alors que les terrains en cause

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

15

eacutetaient deacutejagrave classeacutes en zone naturelle (zone ND) dans les preacuteceacutedents plans drsquooccupation des sols

(paragraphe 16 ci-dessus) qursquoil ne srsquoagissait pas de terrains communaux faisant lrsquoobjet de projets de

deacuteveloppement (a contrario Yordanova et autres preacuteciteacute sect 26) et qursquoil nrsquoy avait pas de droits de tiers

en jeu (Orlić preacuteciteacute sect 69)

158 La Cour conclut donc que les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre de la proceacutedure

drsquoexpulsion drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme aux exigences de lrsquoarticle 8

Bagdonavicius et autres c Russie requecircte ndeg 1984106 11 octobre 2016 sectsect104-108 104 La Cour rappelle eacutegalement qursquoelle a deacuteclareacute dans les arrecircts Yordanova et autres preacuteciteacute sect

126 et Winterstein et autres preacuteciteacute sect 159 qursquoune attention particuliegravere devait ecirctre porteacutee aux

conseacutequences de lrsquoexpulsion des membres drsquoune communauteacute rom de leurs maisons et au risque qursquoils

deviennent sans abri compte tenu de lrsquoancienneteacute de la preacutesence des inteacuteresseacutes de leurs familles et de

la communauteacute qursquoils avaient formeacutee Elle a eacutegalement souligneacute en se basant sur de nombreux textes

internationaux ou adopteacutes dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope la neacutecessiteacute en cas drsquoexpulsions

forceacutees de Roms et gens du voyage de leur fournir un relogement sauf en cas de force majeure La

Cour a en outre reacuteaffirmeacute le principe que lrsquoappartenance des inteacuteresseacutes agrave un groupe socialement

deacutefavoriseacute et leurs besoins particuliers agrave ce titre doivent ecirctre pris en compte dans lrsquoexamen de

proportionnaliteacute que les autoriteacutes nationales sont tenues drsquoeffectuer non seulement lorsqursquoelles

envisagent des solutions agrave lrsquooccupation illeacutegale des lieux mais encore si lrsquoexpulsion est neacutecessaire

lorsqursquoelles deacutecident de sa date de ses modaliteacutes et si possible drsquooffres de relogement (Winterstein et

autres preacuteciteacute sect 160) La Cour note drsquoailleurs que la Russie a eacuteteacute appeleacutee agrave mettre en œuvre ces

principes tant dans le cadre du Conseil de lrsquoEurope que dans celui de lrsquoONU (paragraphes 44-46

ci-dessus)

105 En lrsquoespegravece comme la Cour lrsquoa constateacute ci-dessus les conseacutequences eacuteventuelles de la

deacutemolition des maisons litigieuses et de lrsquoexpulsion forceacutee des requeacuterants nrsquoont pas eacuteteacute prises en

compte par les juridictions internes pendant ou agrave lrsquoissue des proceacutedures judiciaires lanceacutees par le

procureur En ce qui concerne la date et les modaliteacutes de lrsquoexpulsion la Cour constate que le

Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que les requeacuterants avaient eacuteteacute ducircment informeacutes de lrsquointervention des

huissiers chargeacutes de proceacuteder agrave la deacutemolition des maisons ni des modaliteacutes de celle-ci

106 Quant aux offres de relogement le Gouvernement fait valoir que les autoriteacutes de la reacutegion de

Kaliningrad avaient adopteacute lrsquoarrecircteacute no 228 du 28 avril 2006 qui visait agrave creacuteer un fonds speacutecial pour

reloger les requeacuterants et que de ce fait les autoriteacutes nationales avaient rempli lrsquoobligation de

relogement en question Cependant le Gouvernement nrsquoa pas deacutemontreacute que lrsquoarrecircteacute no 228 avait eacuteteacute

mis en œuvre en pratique crsquoest-agrave-dire que son adoption avait eacuteteacute suivie par une creacuteation effective du

fonds de logements et que de tels logements avaient eacuteteacute disponibles et effectivement proposeacutes aux

inteacuteresseacutes De maniegravere plus geacuteneacuterale rien ne deacutemontre que les autoriteacutes nationales ont meneacute une

veacuteritable consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement (voir a contrario Winterstein preacuteciteacute sectsect 33-37) qui sans ecirctre neacutecessairement agrave titre gratuit auraient tenu

compte tant de la situation des familles que de leurs besoins et ce la Cour tient agrave le souligner

preacutealablement agrave la deacutemolition de leurs maisons Dans ce contexte la passiviteacute alleacutegueacutee des requeacuterants

qui selon le Gouvernement nrsquoavaient pas adresseacute agrave lrsquoadministration locale des demandes drsquoattribution

de logements ne peut pas leur ecirctre reprocheacutee

107 La Cour estime par conseacutequent que les autoriteacutes nationales nrsquoont pas meneacute de veacuteritable

consultation avec les inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins

preacutealablement agrave leur expulsion forceacutee

iii Conclusion

108 Au regard de lrsquoensemble de ces eacuteleacutements la Cour conclut qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de

la Convention puisque les requeacuterants nrsquoont pas beacuteneacuteficieacute dans le cadre des proceacutedures judiciaires

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

16

portant sur la deacutemolition de leurs maisons drsquoun examen de la proportionnaliteacute de lrsquoingeacuterence conforme

aux exigences de cet article et ougrave les autoriteacutes ont failli agrave mener une veacuteritable consultation avec les

inteacuteresseacutes sur les possibiliteacutes de relogement en fonction de leurs besoins preacutealablement agrave leur expulsion

forceacutee

La liste des arrecircts de cette section nrsquoest pas exhaustive Autres exemples Kay et autres c R-U (citant

McCann les requeacuterants ont eacuteteacute deacuteposseacutedeacutes de leur logement sans possibiliteacute dexamen de cette mesure

par un tribunal indeacutependant ce qui constitue une violation art 8 Paulic c Croatie (liens suffisants et

continus + laquo pas drsquoautre domicile raquo non conforme agrave la CEDH dexpulser pour occupation illeacutegale

sans examiner le caractegravere proportionnel de lrsquoexpulsion par rapport au but leacutegitime rechercheacute)

III Obligations positives des autoriteacutes nationales deacutecoulant de lrsquoarticle 8sect1

Compte tenu des arrecircts examineacutes jusqursquoici il est possible de deacutefinir des obligations positives des

autoriteacutes nationales deacutefinies par la Cour EDH Au moment drsquoexaminer la leacutegitimiteacute de lrsquoingeacuterence de

lrsquoEtat la Cour peut en effet eacutetablir que des inteacuterecircts supeacuterieurs priment sur ceux qui sont censeacutes justifier

lrsquoingeacuterence Ainsi il existe clairement une obligation de motiver toute deacutecision drsquoexpulsion en

examinant sa proportionnaliteacute au vu du risque de sans-abrisme pour lrsquointeacuteresseacute (voir lrsquoarrecirct

Winterstein page 16)

Cependant drsquoautres cas particuliers ont permis agrave la Cour de deacutefinir des obligations pour les Etats en

matiegravere de droit au logement

Tout comme lrsquoexigence de proportionnaliteacute ces obligations sont souvent lieacutees agrave la notion de

laquo conditions mateacuterielles drsquoexistence raquo de lrsquointeacuteresseacute

1 Assurer un heacutebergement aux laquo individus particuliegraverement vulneacuterables raquo

Yordanova et autres c Bulgarie requecircte ndeg 2544606 24 avril 2012 sect130 geacuteneacuteral 130 The above does not mean that the authorities have an obligation under the Convention to provide

housing to the applicants Article 8 does not in terms give a right to be provided with a home (see

Chapman cited above sect 99) and accordingly any positive obligation to house the homeless must

be limited (see OrsquoRourke v the United Kingdom (dec) no 3902297 ECHR 26 June 2001)

However an obligation to secure shelter to particularly vulnerable individuals may flow from

Article 8 of the Convention in exceptional cases (ibid see also mutatis mutandis Budina v Russia

(dec) no 4560305 18 June 2009)

Lrsquointeacuterecirct pour le juriste est maintenant de pousser la Cour agrave deacutefinir ces ldquocas exceptionnelsrdquo selon des

critegraveres preacutecis clairement utilisables

Marzari c Italie requecircte ndeg3644897 4 mai 1999 handicapmaladie lourde ldquoThe Court considers that although Article 8 does not guarantee the right to have onersquos housing

problem solved by the authorities a refusal of the authorities to provide assistance in this respect

to an individual suffering from a severe disease might in certain circumstances raise an issue

under Article 8 of the Convention because of the impact of such refusal on the private life of the

individual The Court recalls in this respect that while the essential object of Article 8 is to protect the

individual against arbitrary interference by public authorities this provision does not merely compel

the State to abstain from such interference in addition to this negative undertaking there may

be positive obligations inherent in effective respect for private life A State has obligations of this

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

17

type where there is a direct and immediate link between the measures sought by an applicant and

the latterrsquos private liferdquo En lrsquoespegravece ingeacuterence cependant reconnue leacutegitime

2 Aider les personnes mal logeacutees dans leurs deacutemarches pour obtenir un logement deacutecent

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect74-77 74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des enfants En

effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les

personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du systegraveme de les guider dans

leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents types drsquoallocations

sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres moyens de surmonter

leurs difficulteacutes Ainsi en Reacutepublique tchegraveque lrsquoarticle 14 de la loi no1141988 met agrave la charge des

autoriteacutes locales de rechercher les personnes qui ont besoin drsquoune aide sociale (voir paragraphe 41 ci-

dessus) et la Cour constitutionnelle a eacutegalement eacutenonceacute dans sa deacutecision du 28 janvier 2004 que des

institutions publiques devaient intervenir dans les cas ougrave les familles eacutetaient temporairement et non de

leur faute confronteacutees agrave une situation difficile

75 En lrsquooccurrence les autoriteacutes nationales avaient la possibiliteacute de veiller sur les conditions de

vie et drsquohygiegravene dans lesquelles les requeacuterants se trouvaient et elles auraient notamment pu les

conseiller sur les deacutemarches agrave faire pour qursquoils puissent eux-mecircmes ameacuteliorer la situation et

trouver une solution agrave leurs problegravemes Cela aurait drsquoailleurs eacuteteacute conforme agrave la leacutegislation tchegraveque

relative agrave lrsquoaide sociale

76 Or force est de constater que bien que les autoriteacutes compeacutetentes aient eacuteteacute au courant des

problegravemes auxquels les requeacuterants se heurtaient elles se sont contenteacutees de suivre leurs efforts et

de remeacutedier agrave leur situation en ordonnant le placement des enfants dans un eacutetablissement public Par la

suite le deacutepartement de la protection sociale de Taacutebor a en plus insisteacute sur la neacutecessiteacute de prolonger ce

placement (voir paragraphe 34 ci-dessus) sans qursquoil ressorte du dossier qursquoil eucirct lui-mecircme

reacuteguliegraverement reconsideacutereacute la situation des requeacuterants ou qursquoil eucirct fait preuve drsquoune attitude

constructive degraves que des signes drsquoameacutelioration se sont fait sentir 77 Il est vrai que en sus les requeacuterants reprochent aux autoriteacutes de ne pas leur avoir procureacute un

logement social Le Gouvernement soutient en revanche que les inteacuteresseacutes ont fait preuve drsquoune

attitude laxiste et qursquoils nrsquoont pas effectueacute assez de deacutemarches afin de se voir attribuer un

appartement ou des allocations sociales (voir paragraphe 16 ci-dessus) La Cour prend note de ces

positions divergentes des parties tout en relevant que le Gouvernement nrsquoa fourni aucune information

concernant la possibiliteacute pour les requeacuterants de se voir le cas eacutecheacuteant accorder un logement de type

social Quoi qursquoil en soit eacutetant donneacute qursquoelle considegravere en lrsquoespegravece la mesure de placement comme

disproportionneacutee (voir paragraphes 74-75 ci-dessus) la Cour nrsquoestime pas neacutecessaire de se prononcer

sur cette question

Les paragraphes 74-75 sont reacuteutilisables en montrant les efforts fournis par le requeacuterant

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

18

3 Assurer la jouissance effective du domicile

Novoseletskiy c Ukraine ndeg4714899 4 deacutecembre 2014 sectsect68-70

Le requeacuterant fut priveacute de son appartement et obligeacute de vivre avec son eacutepouse chez des tiers pendant

plus de cinq ans Les tribunaux prirent bien en compte la situation de la famille T mais ne firent pas

recours agrave tous les moyens agrave leur disposition afin de proteacuteger la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

pendant la dureacutee du procegraves Si au final les juridictions reacutetablirent les droits du requeacuterant agrave la

jouissance de lrsquoappartement litigieux elles le firent dans des deacutelais excessifs Leur constat nrsquoeacutequivaut

pas au reacutetablissement du droit au respect du domicile de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant Le

jugement favorable au requeacuterant nrsquoa pu ecirctre exeacutecuteacute rapidement en raison de ce qursquoentre-temps avec

lrsquoautorisation de lrsquoInstitut la famille T avait obtenu le titre de proprieacuteteacute priveacutee sur lrsquoappartement

LrsquoInstitut exerce des fonctions publiques attribueacutees par la loi et sous le controcircle des autoriteacutes agrave savoir

la gestion et la distribution du fonds de logement drsquoEtat inscrit sur son bilan de sorte que ses actes

engagent la responsabiliteacute de lrsquoEtat au regard de la Convention LrsquoInstitut aurait pu reacuteagir de maniegravere

plus adeacutequate face agrave la situation du requeacuterant par exemple en lui accordant un logement provisoire

drsquoautant plus apregraves lrsquointervention du jugement favorable au requeacuterant mais il ne prit aucune initiative

en ce sens Bien au contraire lrsquoInstitut donna son accord agrave la privatisation de lrsquoappartement litigieux

par T pendant la proceacutedure judiciaire et ce sans en informer le tribunal ce qui retarda notamment

lrsquoexeacutecution de la deacutecision favorable au requeacuterant Ensuite lrsquoappartement fut remis tardivement agrave la

disposition du requeacuterant et ce dans un eacutetat inhabitable et lrsquoInstitut nrsquoentreprit aucune action en vue

drsquoy effectuer les travaux de reacuteparation neacutecessaires et de poursuivre les responsables

68 The Court draws attention to its settled case-law in accordance with which Article 8 while

primarily intended to protect the individual against arbitrary interference on the part of the public

authorities may also entail the adoption by the latter of measures to secure the rights guaranteed by that

Article even in the sphere of relations between individuals (see among many other authorities Loacutepez

Ostra v Spain judgment of 9 December 1994 Series A no 303-C pp 54-55 sect 51 and Surugiu v

Romania no 4899599 sect 59 20 April 2004)

69 Whether the case is analysed in terms of a positive duty on the State or in terms of an

interference by a public authority to be justified in accordance with paragraph 2 the applicable

principles are broadly similar In both contexts regard must be had to the fair balance that has to be

struck between the competing interests of the individual and of the community as a whole

Furthermore even in relation to the positive obligations flowing from the first paragraph of Article 8

in striking the required balance the aims mentioned in the second paragraph may be of a certain

relevance (see Moreno Goacutemez v Spain no 414302 sect 55 ECHR 2004-X)

70 Moreover the scope of this obligation will inevitably vary in the light of the diversity of

situations obtaining in Contracting States and the choices that must be made in terms of priorities and

resources Nor must such an obligation be interpreted in such a way as to impose an impossible or

disproportionate burden on the authorities (see mutatis mutandis Oumlzguumlr Guumlndem v Turkey

no 2314493 sect 43 ECHR 2000-III)

IV Dommages-inteacuterecircts

Gladysheva c Russie requecircte ndeg709710 6 deacutecembre 2011 sectsect105-107 105 The Court refers to its finding above that the authorities violated the applicantrsquos right to

peaceful enjoyment of her possessions guaranteed by Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

having stripped her of the title to the flat (see paragraph 83 above) It also refers to its finding that the

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

19

applicantrsquos eviction from the flat following her dispossession violated her right to respect for home

enshrined in Article 8 of the Convention (see paragraph 97 above) In making this finding the Court has

stressed the central importance of the right to home in the Convention hierarchy of rights (see

paragraph 93 above) and has taken into account the applicantrsquos attachment to this particular flat (see

paragraph 95 above) It considers that there is a clear link between the violations found and the damage

caused to the applicant

106 The Court reiterates that normally the priority under Article 41 of the Convention is restitutio

in integrum as the respondent State is expected to make all feasible reparation for the consequences of

the violation in such a manner as to restore as far as possible the situation existing before the breach

(see among other authorities Piersack v Belgium (Article 50) 26 October 1984 sect 12 Series A no

85 Tchitchinadze v Georgia no 1815605 sect 69 27 May 2010 Fener Rum Patrikliği (Ecumenical

Patriarchy) v Turkey (just satisfaction) no 1434005 sect 35 15 June 2010 sect 198 and Stoycheva v

Bulgaria no 4359004 19 July 2011) Consequently having due regard to its findings in the instant

case and in particular having noted the absence of a competing third-party interest or other obstacle to

the restitution of the applicantrsquos ownership the Court considers that the most appropriate form of

redress would be to restore the applicantrsquos title to the flat and to reverse the order for her eviction

Thus the applicant would be put as far as possible in a situation equivalent to the one in which she

would have been had there not been a breach of Article 8 of the Convention and Article 1 of Protocol

No 1 to the Convention

107 In addition the Court has no doubt that the applicant suffered distress and frustration on

account of the deprivation of her possessions and the imminent eviction from her home The Court has

already noted above that the authorities have done nothing to mitigate her anxiety in the face of the

loss even though they recognised her as a party in good faith While the Court upholds the

Governmentrsquos argument that as the applicantrsquos son is not a party to these proceedings no award may be

made in his name it considers that the applicantrsquos status as the single parent of a minor is a relevant

factor aggravating her anxiety and fear of eviction The resulting non-pecuniary damage would not be

adequately compensated for by the mere finding of a violation Making its assessment on an equitable

basis the Court awards the applicant EUR 9000 under this head

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

20

CEDH ARTICLE 6sect1

Article 6 ndash Droit agrave un procegraves eacutequitable

1 Toute personne a droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et

dans un deacutelai raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui

deacutecidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-

fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle Le jugement doit ecirctre rendu

publiquement mais laccegraves de la salle daudience peut ecirctre interdit agrave la presse et au public

pendant la totaliteacute ou une partie du procegraves dans linteacuterecirct de la moraliteacute de lordre public ou

de la seacutecuriteacute nationale dans une socieacuteteacute deacutemocratique lorsque les inteacuterecircts des mineurs ou la

protection de la vie priveacutee des parties au procegraves lexigent ou dans la mesure jugeacutee

strictement neacutecessaire par le tribunal lorsque dans des circonstances speacuteciales la publiciteacute

serait de nature agrave porter atteinte aux inteacuterecircts de la justice

(hellip)

Il importe de bien distinguer lrsquoarticle 6sect1(accegraves agrave un recours eacutequitable) de lrsquoarticle 13 (effectiviteacute des

recours) Diffeacuterents articles de doctrine peuvent eacuteclairer le praticien du droit quant agrave lrsquoopportuniteacute

drsquoutiliser plutocirct lrsquoun ou lrsquoautre de ces deux articles ou de les combiner

Dans diffeacuterents arrecircts des anneacutees 2000 lrsquoEtat est notamment condamneacute sur la base de lrsquoarticle 6sect1 de

la CEDH pour absence prolongeacutee drsquoexeacutecution drsquoun jugement attribuant un logement social agrave

lrsquointeacuteresseacute

Teretiny c Russie requecircte ndeg 1193103 30 juin 2005 sectsect42-44

42 Turning to the instant case the Court notes that the judgment of 26 September 1994 by which

the applicant was to be granted a comfortable flat measuring no less than 65 square metres has

remained unenforced in its entirety to date The offer made by the Yemva Town Council in 2004

did not meet the terms of that judgment

43 By failing for years to take the necessary measures to comply with the final judicial decision

in the present case the Russian authorities have deprived the provisions of Article 6 sect 1 of all

useful effect

44 There has accordingly been a violation of Article 6 sect 1 of the Convention

Kotsar c Russie requecircte ndeg 2797103 30 janvier 2009 sectsect24-30

24 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

21

25 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 26 juillet 2007 soit six ans et deux mois apregraves lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision interne

26 La Cour prend note de lrsquoargument du Gouvernement selon lequel les refus reacutepeacuteteacutes du requeacuterant

drsquoaccepter lrsquoexeacutecution de la deacutecision ont contribueacute agrave la prolongation de la proceacutedure drsquoexeacutecution La

Cour reacuteitegravere sa position selon laquelle les juridictions internes sont mieux placeacutees pour interpreacuteter les

deacutecisions rendues par celles-ci et pour appreacutecier si lrsquoexeacutecution est fidegravele ou non agrave ces deacutecisions

Lrsquointroduction par lrsquointeacuteresseacute drsquoun recours devant les juridictions internes serait le meilleur moyen pour

eacutetablir les faits et pour savoir agrave quel type drsquoappartement le requeacuterant aurait droit (Sirotin c Russie

(deacutec) no 3871203 16 septembre 2006)

27 Or en lrsquoespegravece ayant rejeteacute plusieurs offres comme eacutetant non conformes agrave la deacutecision en cause

lrsquointeacuteresseacute omit de saisir la justice drsquoun tel recours

Dans cette situation en lrsquoabsence des conclusions judiciaires en la matiegravere la Cour au vu des eacuteleacutements

dont elle dispose nrsquoest pas convaincue par lrsquoalleacutegation du requeacuterant selon laquelle lrsquooffre aurait eacuteteacute non

conforme agrave la deacutecision initiale et donne preacutefeacuterence agrave lrsquoargument du Gouvernement

28 Toutefois la Cour considegravere que mecircme si le deacutelai drsquoinexeacutecution depuis le 26 juillet 2007 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement est entiegraverement imputable au comportement du requeacuterant le

Gouvernement ne preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant

la peacuteriode preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 11 juin 2001 date de

lrsquoentreacutee en vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable

compte tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie

preacuteciteacute sectsect 33-40 Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23 octobre 2008)

29 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de lrsquointeacuteresseacute les

autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention ainsi que du droit agrave la libre jouissance de ses biens garanti par lrsquoarticle 1 du Protocole no

1

30 La Cour conclut degraves lors qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention et de lrsquoarticle 1 du

Protocole no 1

Bezzoubikova c Russie requecircte ndeg 3204803 10 feacutevrier 2009 sectsect30-34

30 La Cour a eacutetabli agrave maintes reprises que lrsquoimpossibiliteacute pour un creacuteancier de faire exeacutecuter

inteacutegralement et dans un deacutelai raisonnable la deacutecision rendue en sa faveur constitue une violation dans

son chef du laquo droit agrave un tribunal raquo consacreacute par lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention (Bourdov c Russie no

5949800 sect 34 CEDH 2002-III Gorokhov et Roussiaiumlev c Russie no 3830502 17 mars 2005

Teteriny c Russie no 1193103 30 juin 2005)

31 Pour pouvoir juger du respect de lrsquoexigence drsquoun deacutelai raisonnable drsquoexeacutecution la Cour prend en

consideacuteration la complexiteacute de la proceacutedure le comportement des parties ainsi que lrsquoobjet de la

deacutecision agrave exeacutecuter (Raiumllian c Russie no 2200003 sect 31 15 feacutevrier 2007)

32 En ce qui concerne le comportement de lrsquointeacuteresseacutee la Cour note que la premiegravere offre

drsquoappartement ne lui a eacuteteacute faite que le 16 aoucirct 2006 soit presque six ans apregraves que la deacutecision est

devenue deacutefinitive

Contrairement agrave la premiegravere offre la requeacuterante accepta celle qui lui a eacuteteacute faite en second lieu le 20

septembre 2006 La Cour nrsquoest pas convaincue par lrsquoargument du Gouvernement selon lequel le retard

fut causeacute par la demande infondeacutee de la requeacuterante de faire exeacutecuter des travaux suppleacutementaires Le

Gouvernement omet drsquoexpliquer quels travaux non convenus auraient eacuteteacute reacuteclameacutes par lrsquointeacuteresseacutee et

quel retard cette preacutetendue reacuteclamation aurait entraicircneacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

22

33 De toute maniegravere agrave supposer mecircme que le deacutelai drsquoinexeacutecution qui allait du 16 aoucirct 2006 date du

rejet de la premiegravere offre drsquoappartement jusqursquoau 27 avril 2007 date de lrsquoexeacutecution effective de la

deacutecision soit entiegraverement imputable au comportement dilatoire de la requeacuterante le Gouvernement ne

preacutesente aucun argument expliquant lrsquoinertie dans lrsquoexeacutecution de la deacutecision pendant la peacuteriode

preacuteceacutedant la premiegravere offre soit six ans et deux mois agrave compter du 18 juin 2000 date de lrsquoentreacutee en

vigueur de la deacutecision en cause Ce deacutelai ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme raisonnable compte

tenu de la jurisprudence de la Cour (Teteriny c Russie preacuteciteacute sect 42-44 Malinovski c Russie no

4130202 sectsect 33-40 CEDH 2005-VII (extraits) Kazantseva c Russie no 2636505 sectsect 14-16 23

octobre 2008)

34 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour juge qursquoayant manqueacute pendant une peacuteriode aussi

importante de se conformer agrave la deacutecision judiciaire deacutefinitive rendue en faveur de la requeacuterante

les autoriteacutes nationales ont meacuteconnu son droit agrave un tribunal garanti par lrsquoarticle 6 sect 1 de la

Convention

Olaru et autres c Moldavie requecirctes ndeg 47607 2253905 1791108 1313607 28 juillet 2009 sectsect38-41

38 The applicants complained that the non-enforcement of the judgments in their favour had violated

their rights under Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

39 The Government submitted that they had taken measures directed at the enforcement of the

judgments in question however they could not be enforced in view of the high number of similar

unenforced judgments and of lack of funds on the part of the local public authorities The

Government admitted that there were no reasons to depart from the Courtrsquos previous case-law in

similar cases where a violation of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 had been found

40 The Court notes that the judgments in favour of the applicants remained unenforced for

periods varying between three and eleven years The Court has found violations of Article 6 sect 1

of the Convention and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention in numerous cases

concerning delays in enforcing final judgments (see among other authorities Prodan v Moldova

no 4980699 ECHR 2004-III (extracts) and Luntre and Others v Moldova nos 291602 2196002

2195102 2194102 2193302 2049102 267602 2359402 2195602 2195302 2194302

2194702 and 2194502 15 June 2004)

41 Having examined the materials submitted to it the Court agrees with the parties that there is

nothing in the files which would allow it to reach a different conclusion in the present cases

Accordingly the Court finds for the reasons given in the above-mentioned cases that the failure to

enforce the judgments in favour of the applicants within a reasonable time constitutes a violation

of Article 6 sect 1 and Article 1 of Protocol No 1 to the Convention

A noter plusieurs arrecircts en la matiegravere se referent agrave lrsquoarrecirct Raylian c Russia sect31

31 The Court observes that the reasonableness of the delay in the enforcement proceedings will depend

on different factors such as the complexity of the enforcement proceedings the applicants own

behaviour and that of the competent authorities the amount and the nature of court award (see by

analogy Frydlender v France [GC] no 3097996 sect 43 ECHR 2000-VII see also Grishchenko v

Russia (dec) no 7590701 8 July 2004 and Gorokhov and Rusyayev v Russia no 3830502 17

March 2005 sect 31)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

23

Tchokonto Happi c France requecircte ndeg 6582912 9 avril 2015 sectsect44-52

44 La Cour rappelle que le droit agrave lrsquoexeacutecution drsquoune deacutecision de justice est un des aspects du droit agrave

un tribunal (Hornsby c Gregravece 19 mars 1997 sect 40 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-II Simaldone

c Italie no 2264403 sect 42 31 mars 2009) Agrave deacutefaut les garanties de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

seraient priveacutees de tout effet utile La protection effective du justiciable implique lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat ou lrsquoun de ses organes drsquoexeacutecuter le jugement Si lrsquoEacutetat refuse ou omet de srsquoexeacutecuter ou encore

tarde agrave le faire les garanties de lrsquoarticle 6 dont a beacuteneacuteficieacute le justiciable pendant la phase judiciaire de

la proceacutedure perdraient toute raison drsquoecirctre (Hornsby preacuteciteacute) Lrsquoexeacutecution doit en outre ecirctre complegravete

parfaite et non partielle (Matheus c France no 6274000 sect 58 31 mars 2005 Sabin Popescu c

Roumanie no 4810299 sectsect 68-76 2 mars 2004)

45 En lrsquoespegravece la deacutecision litigieuse est un jugement deacutefinitif enjoignant sous astreinte au preacutefet

de la reacutegion drsquoIle-de-France drsquoassurer le relogement de la requeacuterante de sa fille et de son fregravere

46 Agrave la requeacuterante qui se plaint de nrsquoavoir toujours pas eacuteteacute relogeacutee malgreacute ce jugement le

Gouvernement reacutepond que compte tenu de la peacutenurie de logements disponibles dans la reacutegion drsquoIle-de-

France le prononceacute par les juridictions internes drsquoune astreinte drsquoun montant de 700 EUR par mois agrave

verser au Fonds drsquoameacutenagement urbain puis la liquidation de cette astreinte constituaient des mesures

adeacutequates et suffisantes pour assurer lrsquoexeacutecution du jugement rendu par le tribunal administratif

47 La Cour observe que si la requeacuterante ne srsquoest toujours pas vu proposer de logement adapteacute agrave ses

besoins et capaciteacutes contrairement agrave ce que preacutevoyait pourtant expresseacutement le dispositif du jugement

du 28 deacutecembre 2010 lrsquoastreinte prononceacutee dans ce jugement a effectivement eacuteteacute liquideacutee et verseacutee par

lrsquoEacutetat Elle relegraveve cependant que drsquoune part cette astreinte qui a pour seul objet drsquoinciter lrsquoEacutetat agrave

exeacutecuter lrsquoinjonction de relogement qui lui a eacuteteacute faite nrsquoa aucune fonction compensatoire et drsquoautre

part qursquoelle a eacuteteacute verseacutee non agrave la requeacuterante mais agrave un fonds drsquoameacutenagement urbain soit agrave un fonds

geacutereacute par les services de lrsquoEacutetat En conseacutequence en lrsquoabsence de relogement la Cour ne peut donc que

constater que le jugement du 28 deacutecembre 2010 nrsquoa pas eacuteteacute exeacutecuteacute dans son inteacutegraliteacute plus de trois

ans et demi apregraves son prononceacute et ce alors mecircme que les juridictions internes avaient indiqueacute que la

demande de la requeacuterante devait ecirctre satisfaite avec une urgence particuliegravere

48 La Cour admet certes que le droit agrave la mise en œuvre sans deacutelai drsquoune deacutecision de justice

deacutefinitive et obligatoire nrsquoest pas absolu Il appelle par sa nature mecircme une reacuteglementation par lrsquoEacutetat

Les Eacutetats contractants jouissent en la matiegravere drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation Il appartient

pourtant agrave la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention elle doit

se convaincre que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas lrsquoaccegraves offert agrave lrsquoindividu drsquoune

maniegravere ou agrave un point tels que le droit srsquoen trouve atteint dans sa substance mecircme Pareille limitation ne

se concilie avec lrsquoarticle 6 sect 1 que si elle tend agrave un but leacutegitime et srsquoil existe un rapport raisonnable de

proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et le but viseacute Si la restriction est compatible avec ses

principes il nrsquoy a pas de violation de lrsquoarticle 6 (Sabin Popescu preacuteciteacute sect 66)

49 La Cour preacutecise en outre que la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat ne peut ecirctre engageacutee du fait du deacutefaut

de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute (voir par

exemple Sanglier c France no 5034299 sect 39 27 mai 2003) Dans un tel cas diffeacuterent de celui

soumis agrave la Cour par la requeacuterante lrsquoEacutetat ne peut ecirctre tenu pour responsable que srsquoil est eacutetabli que les

mesures adopteacutees par les autoriteacutes nationales nrsquoont pas eacuteteacute adeacutequates et suffisantes (voir agrave ce

sujet Shestakov c Russie (deacutec) no4875799 18 juin 2002 Ruianu preacuteciteacute sect 66 Kesyan c Russie

no 3649602 19 octobre 2006 Anokhin c Russie (deacutec) no 2586702 31 mai 2007) Lrsquoobligation

positive incombant agrave lrsquoEacutetat en matiegravere drsquoexeacutecution consiste uniquement agrave mettre agrave la disposition des

individus un systegraveme leur permettant drsquoobtenir de leurs deacutebiteurs reacutecalcitrants le paiement des sommes

alloueacutees par les juridictions (voir Dachar c France (deacutec) no 4233898 6 juin 2000)

50 En la cause la Cour relegraveve que la carence des autoriteacutes qui srsquoexplique selon le Gouvernement

par la peacutenurie de logements disponibles ne se fonde sur aucune justification valable au sens de sa

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

24

jurisprudence Elle rappelle en effet qursquoaux termes de sa jurisprudence constante une autoriteacute de

lrsquoEacutetat ne peut preacutetexter du manque de fonds ou drsquoautres ressources pour ne pas honorer par exemple

une dette fondeacutee sur une deacutecision de justice (Bourdov c Russie (no 2) no 3350904 sect 70 CEDH 2009

Socieacuteteacute de gestion du port de Campoloro et Socieacuteteacute fermiegravere de Campoloro c France no 5751600 sect

62 26 septembre 2006)

51 De plus ainsi qursquoil est releveacute ci-dessus (paragraphe 50) la preacutesente espegravece ne concerne pas le

deacutefaut de paiement drsquoune creacuteance exeacutecutoire due agrave lrsquoinsolvabiliteacute drsquoun deacutebiteur priveacute

52 Ces eacuteleacutements suffisent agrave la Cour pour conclure qursquoen srsquoabstenant pendant plusieurs anneacutees de

prendre les mesures neacutecessaires pour se conformer agrave une deacutecision judiciaire deacutefinitive et exeacutecutoire les

autoriteacutes nationales ont priveacute les dispositions de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention de tout effet utile Par

conseacutequent il y a eu violation de lrsquoarticle 6 sect 1 de la Convention

Thegravemes associeacutes

Les pistes de thegravemes associeacutes agrave ajouter sont notamment occupants sans titre migration et asile (y

compris populations deacuteplaceacutees) discrimination handicap et maladie enfance expulsions etc

Toute personne qui souhaiterait commencer agrave ajouter un thegraveme est chaleureusement inviteacutee agrave le faire en

envoyant son travail agrave cecilebenolielntymailcom afin que je lrsquoinsegravere au preacutesent document

A titre drsquoexemple voici un aperccedilu des arrecircts que citerait une section sur lrsquoenfance

Placement des enfants en raison de la situation de sans-abrisme de

mal-logement ou de pauvreteacute

1 Obligation positive de lrsquoEtat de reacuteunir lrsquoenfant et ses parents et de contribuer au maintien de cette reacuteunion

La Cour EDH a deacuteduit du droit au respect de la vie familiale deacutecoulant de lrsquoarticle 8 une obligation

positive de lrsquoeacutetat de contribuer tant que possible au maintien de lrsquouniteacute familiale entre un ou des

parent(s) et son ou ses enfant(s)

Ignaccolo-Zenide c Roumanie requecircte ndeg 3197696 25 janvier 2000 sect94

94 Il sagit degraves lors de deacuteterminer sil y a eu manque de respect pour la vie familiale de la requeacuterante

La Cour rappelle que larticle 8 de la Convention tend pour lessentiel agrave preacutemunir lindividu contre

des ingeacuterences arbitraires des pouvoirs publics il engendre de surcroicirct des obligations positives

inheacuterentes agrave un laquo respect raquo effectif de la vie familiale Dans un cas comme dans lautre il faut avoir

eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts concurrents de lindividu et de la socieacuteteacute dans son

ensemble de mecircme dans les deux hypothegraveses lEtat jouit dune certaine marge dappreacuteciation (arrecirct

Keegan c Irlande du 26 mai 1994 seacuterie A ndeg 290 p 19 sect 49)

Sagissant de lobligation pour lEtat darrecircter des mesures positives la Cour na cesseacute de dire

que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple les arrecircts Eriksson c

Suegravede du 22 juin 1989 seacuterie A ndeg 156 pp 26-27 sect 71 Margareta et Roger Andersson c Suegravede du 25

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

25

feacutevrier 1992 seacuterie A ndeg 226-A p 30 sect 91 Olsson c Suegravede (ndeg 2) du 27 novembre 1992 seacuterie A ndeg

250 pp 35-36 sect 90 et Hokkanen c Finlande du 23 septembre 1994 seacuterie A ndeg 299-A p 20 sect 55)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect68-70

68 Selon la jurisprudence constante de la Cour pour un parent et son enfant ecirctre ensemble

repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie familiale (Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 58) et des

mesures internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 51 CEDH 2001-VII) Pareille

ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 sauf si laquo preacutevue par une loi raquo elle poursuit un ou des buts leacutegitimes au

regard du second paragraphe de cette disposition et est laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo

pour les atteindre La notion de laquo neacutecessiteacute raquo implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social

impeacuterieux et notamment proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir par exemple Couillard

Maugery c France no 6479601 sect 237 1er juillet 2004)

70 (hellip) Lagrave ougrave lrsquoexistence drsquoun lien familial se trouve eacutetablie lrsquoEtat doit en principe agir de

maniegravere agrave permettre agrave ce lien de se deacutevelopper et prendre les mesures propres agrave reacuteunir le parent

et lrsquoenfant concerneacutes

Havelka et autres c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2349906 21 juin 2007 sectsect60-61

60 Il convient eacutegalement de noter que le manque de coopeacuteration ne constitue pas un eacuteleacutement

absolument deacuteterminant dans la mesure ougrave il ne dispense pas les autoriteacutes de mettre en œuvre des

moyens susceptibles de permettre le maintien du lien familial (Couillard Maugery c France

preacuteciteacute sect 307)

61 Il est vrai quagrave la diffeacuterence des requeacuterants Wallovaacute et Walla le premier requeacuterant percevait de

nombreuses allocations sociales dont certaines verseacutees agrave titre exceptionnel La Cour estime neacuteanmoins

que dans la situation ougrave cette aide financiegravere sest aveacutereacutee insuffisante les autoriteacutes de la

protection sociale auraient ducirc en lespegravece conseiller le premier requeacuterant quant aux autres

moyens de surmonter ses difficulteacutes et de trouver une solution agrave ses problegravemes (voir mutatis

mutandis Walla et Wallovaacute c Reacutepublique tchegraveque preacuteciteacute sectsect 74-75) Dans ce contexte la Cour

renvoie agrave titre indicatif aux termes de la Recommandation (2006) 19 du Comiteacute des Ministres

relative aux politiques visant agrave soutenir une parentaliteacute positive selon laquelle des familles en

situation socio-eacuteconomique difficile devraient se voir accorder une attention particuliegravere un

soutien plus speacutecifique et une approche plus cibleacutee

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect68-72

a) Principes geacuteneacuteraux sur les obligations positives qui incombent agrave lEacutetat deacutefendeur en vertu de larticle

8 de la Convention

71 La Cour tient compte du fait que leacuteclatement dune famille constitue une mesure tregraves grave qui

doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par linteacuterecirct de lenfant et avoir assez de poids et de

soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Elle a

affirmeacute agrave maintes reprises que larticle 8 implique le droit dun parent agrave des mesures propres agrave le

reacuteunir avec son enfant et lobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

26

exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie A no 156 Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre

1992 sect 90 seacuterie A no 250) La deacutecision de prise en charge dun enfant doit en principe ecirctre

consideacutereacutee comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances sy precirctent et

tout acte dexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et

lenfant (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 178 CEDH 2001-VII) Lobligation positive de

prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la famille degraves que cela sera vraiment possible

simpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la peacuteriode de prise en charge et avec de plus

en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance avec le devoir de consideacuterer linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant Par ailleurs les obligations positives ne se limitent agrave veiller agrave ce que

lenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui mais elles englobent eacutegalement

lensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce reacutesultat (voir mutatis mutandis

Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004 Amanalachioai c Roumanie no 402304 sect

95 26 mai 2009) (hellip)

72 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter dun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de larticle 8

de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lapplication et linterpreacutetation des dispositions

leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de larticle 8 de la Convention en

tenant notamment compte de linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (voir mutatis mutandis Neulinger et Shuruk

c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115)

2 Ingeacuterence de lrsquoEtat justifications et conditions particuliegraveres

Le placement des enfants constitue une ingeacuterence au droit au respect de la vie familiale proteacutegeacute par

lrsquoarticle 8 de la Convention EDH

Degraves lors de telles mesures doivent ecirctre preacutevues par la loi dans un but leacutegitime et constituer une

laquo neacutecessiteacute dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo La Cour sattachera non seulement aux deacutecisions prises

dans ce cadre mais eacutegalement agrave leur mise en œuvre estimant que dans certains cas cest celle-ci qui

enfreint la Convention ce qui pourrait habituellement ecirctre couvert par lrsquoarticle 6sect1 sera alors

examineacute sous le seul article 82

W c Royaume-Uni requecircte ndeg 974982 8 juillet 1987 sectsect59-65

59 Pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement fondamental de la vie

familiale En outre le placement de lrsquoenfant agrave lrsquoassistance publique ne met pas fin aux relations

familiales naturelles Partant et le Gouvernement ne le conteste pas les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute

locale agrave lrsquoissue des proceacutedures attaqueacutees srsquoanalysaient en des ingeacuterences dans le droit du requeacuterant au

respect de sa vie familiale

60 Drsquoapregraves la jurisprudence constante de la Cour

a) pareille ingeacuterence meacuteconnaicirct lrsquoarticle 8 (art 8) sauf si preacutevue par la loi elle poursuivait un ou des

buts leacutegitimes au regard du paragraphe 2 (art 8-2) et eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique

pour les atteindre (voir notamment mutatis mutandis lrsquoarrecirct Gillow du 24 novembre 1986 seacuterie A no

109 p 20 sect 48)

2 Pour plus de jurisprudence sur ce point voir le guide de la Cour EDH relatif agrave lrsquoarticle 8 (disponible agrave lrsquoadresse

httpswwwechrcoeintDocumentsGuide_Art_8_ENGpdf ) page 12

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

27

b) la notion de neacutecessiteacute implique une ingeacuterence fondeacutee sur un besoin social impeacuterieux et notamment

proportionneacutee au but leacutegitime rechercheacute (voir entre autres lrsquoarrecirct Leander du 26 mars 1987 seacuterie A no

116 p 25 sect 58)

c) si lrsquoarticle 8 (art 8) tend pour lrsquoessentiel agrave preacutemunir lrsquoindividu contre des ingeacuterences arbitraires des

pouvoirs publics il peut engendrer de surcroicirct des obligations positives inheacuterentes agrave un respect

effectif de la vie familiale (voir entre autres lrsquoarrecirct Johnston et autres preacuteciteacute seacuterie A no 112 p 25 sect

55)

d) pour se prononcer sur la neacutecessiteacute drsquoune ingeacuterence dans une socieacuteteacute deacutemocratique ou sur

lrsquoexistence drsquoun manquement agrave une obligation positive la Cour tient compte de la marge

drsquoappreacuteciation laisseacutee aux Etats contractants (voir par exemple lrsquoarrecirct Leander preacuteciteacute p 25 sect 59 et

lrsquoarrecirct Johnston et autres susmentionneacute loc cit)

(hellip)

62 (hellip)

Drsquoun autre cocircteacute lrsquoexamen de cet aspect de lrsquoaffaire doit se fonder sur une donneacutee primordiale les

deacutecisions risquent fort de se reacuteveacuteler irreacuteversibles Ainsi un enfant retireacute agrave ses parents et confieacute agrave

drsquoautres personnes peut nouer avec elles au fil du temps de nouveaux liens qursquoil pourrait ne pas ecirctre

dans son inteacuterecirct de perturber ou de rompre en revenant sur une deacutecision anteacuterieure de restreindre ou

supprimer les visites de ses parents Il srsquoagit donc drsquoune matiegravere qui appelle encore plus que de

coutume une protection contre les ingeacuterences arbitraires Sans doute lrsquoarticle 8 (art 8) ne renferme-t-il aucune condition explicite de proceacutedure mais cela nrsquoest

pas deacuteterminant A lrsquoeacutevidence le processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ne saurait manquer

drsquoinfluer sur le fond de la deacutecision notamment en assurant qursquoelle repose sur les consideacuterations

pertinentes et soit impartiale donc non entacheacutee drsquoarbitraire mecircme en apparence Partant la Cour

peut y avoir eacutegard pour dire srsquoil a joueacute drsquoune maniegravere qui au total eacutetait eacutequitable et respectait

comme il se doit les inteacuterecircts proteacutegeacutes par lrsquoarticle 8 (art 8) (hellip)

63 Les vues et inteacuterecircts des parents naturels figurent neacutecessairement parmi les eacuteleacutements agrave peser

par lrsquoautoriteacute locale pour arrecircter ses deacutecisions concernant un enfant qursquoelle assiste Le processus

deacutecisionnel doit donc ecirctre propre agrave garantir qursquoils seront porteacutes agrave sa connaissance qursquoelle les

prendra en compte et que les parents pourront en temps voulu exercer tout recours srsquooffrant agrave

eux Du reste le code de pratique de 1983 souligne qursquoil faut associer les parents aux deacutecisions sur les

visites agrave lrsquoenfant (paragraphe 51 ci-dessus)

64 Trois facteurs ont une incidence sur le cocircteacute pratique du problegraveme Drsquoabord la Commission le

remarque il arrive ineacutevitablement que la participation des parents au processus deacutecisionnel se reacutevegravele

irreacutealisable ou deacutenueacutee de sens par exemple en raison de lrsquoimpossibiliteacute de les atteindre drsquoune

incapaciteacute physique ou mentale ou drsquoune urgence extrecircme Ensuite les deacutecisions en la matiegravere

quoique souvent adopteacutees agrave la lumiegravere drsquoexamens peacuteriodiques ou de reacuteunions ad hoc peuvent

eacutegalement se deacutegager drsquoun controcircle continu opeacutereacute par des agents de lrsquoautoriteacute locale Enfin des

contacts reacuteguliers entre les travailleurs sociaux responsables et les parents fournissent

freacutequemment un bon moyen de signaler agrave celle-ci lrsquoopinion des seconds

Il eacutechet degraves lors de deacuteterminer en fonction des circonstances de chaque espegravece et notamment de la

graviteacute des mesures agrave prendre si les parents ont pu jouer dans le processus deacutecisionnel consideacutereacute

comme un tout un rocircle assez grand pour leur accorder la protection requise de leurs inteacuterecircts

Dans la neacutegative il y a manquement au respect de leur vie familiale et lrsquoingeacuterence reacutesultant de la

deacutecision ne saurait passer pour neacutecessaire au sens de lrsquoarticle 8 (art 8)

65 A lrsquoopposeacute du Gouvernement la Cour estime qursquoelle peut aussi avoir eacutegard sur le terrain de

lrsquoarticle 8 (art 8) agrave la dureacutee du processus deacutecisionnel de lrsquoautoriteacute locale ainsi que de toute

proceacutedure judiciaire connexe Comme le relegraveve la Commission un retard dans la proceacutedure risque

toujours en pareil cas de trancher le litige par un fait accompli avant mecircme que le tribunal ait entendu

la cause Or un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

28

enfant se regraveglent sur la seule base de lrsquoensemble des eacuteleacutements pertinents et non par le simple

eacutecoulement du temps

A Exigence primordiale touchant agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Johansen c Norvegravege requecircte ndeg 1738390 7 aoucirct 1996 sectsect78 et 84

78 La Cour estime quil faut normalement consideacuterer la prise en charge dun enfant comme une

mesure temporaire agrave suspendre degraves que la situation sy precircte et que tout acte dexeacutecution doit

concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent naturel et lenfant (voir notamment larrecirct

Olsson (ndeg 1) preacuteciteacute p 36 par 81) A cet eacutegard un juste eacutequilibre doit ecirctre meacutenageacute entre les

inteacuterecircts de lenfant agrave demeurer placeacute et ceux du parent agrave vivre avec lui (voir par exemple les

arrecircts preacuteciteacutes Olsson (ndeg 2) pp 35-36 par 90 et Hokkanen p 20 par 55) En proceacutedant agrave cet

exercice la Cour attachera une importance particuliegravere agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant qui selon sa

nature et sa graviteacute peut lemporter sur celui du parent Notamment comme le suggegravere le

Gouvernement larticle 8 de la Convention (art 8) ne saurait autoriser le parent agrave voir prendre des

mesures preacutejudiciables agrave la santeacute et au deacuteveloppement de lenfant

84 Cela eacutetant la Cour ne considegravere pas que la deacutecision du 3 mai 1990 dans la mesure ougrave elle privait la

requeacuterante des visites agrave sa fille et des droits parentaux agrave leacutegard de celle-ci avait une justification

suffisante aux fins de larticle 8 par 2 (art 8-2) puisquil na pas eacuteteacute deacutemontreacute que la mesure

reacutepondait agrave une exigence primordiale touchant agrave linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (paragraphe 78 ci-

dessus) Partant la Cour conclut que les autoriteacutes nationales ont deacutepasseacute leur marge dappreacuteciation et

enfreint par lagrave mecircme les droits garantis agrave la requeacuterante par larticle 8 de la Convention (art 8)

B Proceacutedure eacutequitable et effective

De lrsquoarticle 8 seul sans combinaison avec lrsquoarticle 6sect1 Convention EDH deacutecoulent des obligations

drsquoordre proceacutedural en ce qui concerne le placement les parents doivent pouvoir faire valoir leur rocircle

dans la proceacutedure de placement acceacuteder aux informations sur le fondement desquelles la deacutecision de

placement est prise les deacutelais de la proceacutedure ne peuvent contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien

parental

Venema c Pays-Bas requecircte ndeg 3573197 17 deacutecembre 2002 sectsect91-93

91 La Cour rappelle que si larticle 8 ne comporte pas dexigences proceacutedurales explicites le

processus deacutecisionnel suivi lorsque lon a affaire agrave des mesures constitutives dingeacuterences doit

ecirctre eacutequitable et propre agrave assurer le respect des inteacuterecircts sauvegardeacutes par larticle 8 de la

Convention (hellip)

92 Il est capital quun parent soit mis agrave mecircme dacceacuteder aux informations prises en compte par

les autoriteacutes pour adopter des mesures de placement ou des deacutecisions touchant agrave la garde et agrave

leacuteducation dun enfant sans quoi le parent en question se trouve dans limpossibiliteacute de participer

effectivement au processus deacutecisionnel et dexposer dune maniegravere eacutequitable et adeacutequate les

points propres agrave deacutemontrer sa capaciteacute agrave entourer lenfant de lattention et de la protection

neacutecessaires (arrecircts McMichael c Royaume-Uni du 24 feacutevrier 1995 seacuterie A no 307-B p 57 sect 92 et

TP et KM c Royaume-Uni [GC] no 2894595 sect 73 CEDH 2001-V)

93 La Cour admet que lorsque des mesures doivent ecirctre prises durgence pour proteacuteger un enfant il

peut ne pas toujours ecirctre possible compte tenu justement de lurgence dassocier au processus

deacutecisionnel les personnes qui ont la garde de lenfant Comme le Gouvernement le fait observer

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

29

semblable concertation lorsquelle est envisageable peut mecircme ne pas ecirctre souhaitable si les personnes

en question sont perccedilues comme repreacutesentant une menace immeacutediate pour lenfant degraves lors que le fait

mecircme davertir preacutealablement ces personnes serait de nature agrave priver la mesure de son efficaciteacute

AJDA 1995 719 chron Flauss ibid 1996 376 chron Flauss D 1995 449 note Huyette RTD civ

1995 875 obs J Hauser

Voir aussi Hasse c Allemagne requecircte ndeg 1105702 8 avril 2004 sect 94

C Proportionnaliteacute de la mesure et obligations proceacutedurales

Quand les conditions mateacuterielles de la vie familiale sont deacutefaillantes mais quaucun mauvais traitement

nest reprocheacute il revient aux autoriteacutes nationales de rechercher si dautres mesures que le placement

sont envisageables et la dureacutee de la proceacutedure ne peut contribuer agrave la deacuteteacuterioration du lien parental

(mecircme si la Cour a en revanche consacreacute une obligation positive de lEtat de placer lenfant quand sa

protection lexige Z et autres c R-U 2001)

Wallova et Walla c Reacutepublique tchegraveque requecircte ndeg2384804 26 octobre 2006 sectsect71-74

71 La Cour rappelle que le fait qursquoun enfant puisse ecirctre accueilli dans un cadre plus propice agrave son

eacuteducation ne saurait en soi justifier qursquoon le soustraie aux soins de ses parents biologiques (hellip)

72 En lrsquoespegravece la Cour note que toutes les juridictions nationales dont derniegraverement le tribunal

reacutegional deacutecidant de mettre fin au placement litigieux des deux enfants aicircneacutes (voir paragraphe 35 ci-

dessus) ont reconnu que le problegraveme fondamental auxquels les requeacuterants se heurtaient en

lrsquoespegravece eacutetait de trouver un logement adeacutequat pour une famille aussi nombreuse

Ainsi agrave la diffeacuterence de la plupart des affaires que la Cour a eu lrsquooccasion drsquoexaminer les enfants des

requeacuterants en lrsquoespegravece nrsquoont pas eacuteteacute exposeacutes agrave des situations de violence ou de maltraitance (voir

a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c France (deacutec) no

5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et Morselli c Italie no

5276399 sect 104 9 mai 2003) Ni les tribunaux nrsquoont constateacute en lrsquooccurrence de deacuteficits affectifs

(voir a contrario Kutzner c Allemagne preacuteciteacute sect 68) un eacutetat de santeacute inquieacutetant ou un deacuteseacutequilibre

de psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France (deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002

Couillard Maugery c France preacuteciteacute sect 261) Srsquoil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees

irrecevables par la Cour le placement des enfants a eacuteteacute motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes

ou des privations mateacuterielles cela nrsquoa jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que drsquoautres eacuteleacutements tels que les conditions psychiques des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (voir par exemple Rampogna et Murgia

c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005)

73 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives des requeacuterants [parents] nrsquoont

jamais eacuteteacute mises en cause et les tribunaux ont reconnu leurs efforts deacuteployeacutes afin de surmonter

leurs difficulteacutes Degraves lors la prise en charge des enfants des requeacuterants a eacuteteacute ordonneacutee pour la

seule raison que la famille occupait agrave lrsquoeacutepoque un logement inadeacutequat De lrsquoavis de la Cour il

srsquoagissait donc drsquoune carence mateacuterielle que les autoriteacutes nationales auraient pu compenser agrave lrsquoaide des

moyens autres que la seacuteparation totale de la famille laquelle semble ecirctre la mesure la plus radicale ne

pouvant srsquoappliquer qursquoaux cas les plus graves

74 La Cour estime que pour respecter en lrsquoespegravece lrsquoexigence de proportionnaliteacute les autoriteacutes

tchegraveques auraient ducirc envisager drsquoautres mesures moins radicales que la prise en charge des

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

30

enfants En effet la Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de la protection sociale est

preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacutes qui nrsquoont pas les connaissances neacutecessaires du

systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant aux diffeacuterents

types drsquoallocations sociales aux possibiliteacutes drsquoobtenir un logement social ou quant aux autres

moyens de surmonter leurs difficulteacutes

Saviny c Ukraine requecircte ndeg 3994806 18 mars 2009 sectsect55-59

55 The Court notes that the domestic authorities based their decision on a finding that the

applicants by virtue of insufficient financial means and personal qualities were unable to

provide their children with proper nutrition clothing sanitary environment and health care as

well as to ensure their social and educational adaptation thereby endangering the childrenrsquos life

health and moral upbringing The Court finds that these reasons were undoubtedly relevant to

the taking of the requisite decision

56 In assessing however whether they were also sufficient the Court doubts the adequacy of the

requisite evidentiary basis for the finding that the childrenrsquos living conditions were in fact

dangerous to their life and health (hellip)

57 Further there is no appearance that the judicial authorities analysed in any depth the extent to

which the purported inadequacies of the childrenrsquos upbringing were attributable to the

applicantsrsquo irremediable incapacity to provide requisite care as opposed to their financial

difficulties and objective frustrations which could have been overcome by targeted financial and

social assistance and effective counselling (hellip) 58 As regards the extent to which the inadequacies in the childrenrsquos upbringing may have been

prompted by the applicantsrsquo purported irresponsibility as parents no independent evidence (such as

an assessment by a psychologist) was sought to evaluate their emotional or mental maturity or

motivation in resolving their household difficulties Similarly in the courtsrsquo reasoning no

analysis was made of the applicantsrsquo attempts to improve their situation such as requests to

equip their flat with access to natural gas recoup salary arrears or request employment

assistance (hellip) no data was sought as regards the actual volume and sufficiency of social

assistance or the substance of specific recommendations provided by way of counselling and

explanations as to why these recommendations had failed The Court finds that soliciting specific

information in this regard would have been pertinent in evaluating whether the authorities

discharged their Convention obligation to promote family unity and whether they had

sufficiently explored the effectiveness of less far-reaching alternatives before seeking to separate

the children from their parents

59 The Court also notes that at no stage of the proceedings were the children (hellip) heard by the

judges and that by way of implementation of the removal order not only were the children separated

from their family of origin they were also placed in different institutions Two of them live in another

city away from Romny where their parents and siblings reside which renders it difficult to maintain

regular contact

Amanalachioai c Roumanie requecircte ndeg 402304 26 aoucirct 2009 sectsect80-85 et 100-103

80 Si la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes nationales jouissent drsquoune grande latitude pour appreacutecier en

particulier la neacutecessiteacute de confier un enfant agrave une autre personne que ses parents il lui faut en revanche

exercer un controcircle plus rigoureux sur les restrictions suppleacutementaires Ces restrictions suppleacutementaires

comportent le risque drsquoamputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoreacute

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

31

preacuteciteacute sect 54 et Sahin c Allemagne [GC] no 3094396 sect 65 CEDH 2003-VIII) Pareilles mesures

doivent reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant et ayant assez de poids et

de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC] nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII et

Couillard Maugery c France no 6479601 sect 242 1er juillet 2004)

81 La Cour rappelle que dans les affaires de ce type lrsquointeacuterecirct des enfants doit passer avant toute

autre consideacuteration La Cour souligne cependant que cet inteacuterecirct preacutesente un double aspect

(Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) drsquoune part garantir aux enfants une eacutevolution dans un environnement sain

drsquoautre part maintenir ses liens avec sa famille sauf dans les cas ougrave celle-ci srsquoest montreacutee

particuliegraverement indigne car briser ce lien revient agrave couper lrsquoenfant de ses racines (Maumousseau

et Washington preacuteciteacute sect 67) Il en reacutesulte que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des

circonstances tout agrave fait exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture drsquoune partie du lien

familial et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant

le moment venu laquo reconstituer raquo la famille (Schmidt preacuteciteacute sect 84)

(hellip)

85 La Cour note agrave titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont eacuteteacute drsquoaccord sur le fait que le

requeacuterant eacutetait capables drsquooffrir agrave D des conditions de vie normales et que son affection pour lrsquoenfant

eacutetait sincegravere Cependant afin de refuser drsquoordonner le retour de D aupregraves du requeacuterant les juridictions

nationales ont fondeacute leurs deacutecisions sur les conditions mateacuterielles et le comportement du requeacuterant les

difficulteacutes potentielles pour D de srsquointeacutegrer dans sa nouvelle famille et sur lrsquointeacutegration de D dans le

milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond (hellip)

(hellip)

100 A ce titre la Cour deacuteplore que pendant une si longue peacuteriode de temps les autoriteacutes ne se soient

nullement soucieacutees de la dilution progressive et mecircme de la rupture des relations entre D et son pegravere

plus particuliegraverement de lrsquoabsence de contacts concrets et effectifs entre les inteacuteresseacutes ainsi au lieu

drsquoordonner des mesures pour maintenir et ameacuteliorer le cas eacutecheacuteant les rapports entre le pegravere et

lrsquoenfant les juridictions nationales ont preacutefeacutereacute laisser le temps reacutegler la situation ce qui a abouti

vu lrsquoacircge et lrsquoattitude de lrsquoenfant au risque drsquoune alieacutenation croissante et deacutefinitive entre les deux

qui nrsquoest aucunement agrave consideacuterer comme eacutetant dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir

Bianchi preacuteciteacute sect 99 et mutatis mutandis Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 79 CEDH 2002-I)

Les juridictions nationales nrsquoont fait qursquoenteacuteriner la situation creacuteeacutee par le deacutefaut de diligence des

autoriteacutes pour faire exeacutecuter les deacutecisions rendues agrave la suite de la demande en reacutefeacutereacute

103 A la lumiegravere de ce qui preacutecegravede la Cour considegravere que la passiviteacute des autoriteacutes est agrave lrsquoorigine de

la rupture des relations entre lrsquoenfant et son pegravere Il srsquoensuit qursquoon ne saurait preacutetendre en

lrsquooccurrence que le droit au respect de la vie familiale du requeacuterant a eacuteteacute proteacutegeacute de maniegravere

effective nonobstant les aspirations leacutegitimes de ce dernier de voir sa famille reacuteunie comme le prescrit

lrsquoarticle 8 de la Convention

RMS c Espagne requecircte ndeg2877512 18 septembre 2013 sectsect75-93

b) Application en lespegravece des principes susmentionneacutes

(hellip)

75 En lespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave lexistence dune situation dabandon de lenfant en se reacutefeacuterant agrave labsence de

ressources de la requeacuterante en situation dindigence extrecircme (paragraphe 9 ci-dessus)

(hellip)

81 (hellip) Dans ce genre daffaire le caractegravere adeacutequat dune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise

en œuvre (Maumousseau et Washington c France no 3938805 sect 83 6 deacutecembre 2007 Mincheva

preacuteciteacute sect 86)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

32

82 Le point deacutecisif en lespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes les

mesures neacutecessaires et adeacutequates que lon pouvait raisonnablement exiger delles pour que

lenfant puisse mener une vie familiale normale au sein de sa propre famille avant de le placer

dans une famille daccueil puis adoptive

83 (hellip) Il sagit lagrave dune mesure extrecircmement grave et non sans conseacutequences aussi bien pour lenfant

que pour sa megravere En mecircme temps lurgence de la situation et linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant peuvent

commander une telle deacutecision Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc saccompagner dans les meilleurs

deacutelais de mesures les plus approprieacutees permettant deacutevaluer en profondeur la situation de lenfant

et ses rapports avec ses parents le tout dans le respect du cadre leacutegal en vigueur Lenfant a eacuteteacute

seacutepareacute de sa megravere contre le greacute de cette derniegravere et immeacutediatement transfeacutereacutee dans un centre daccueil

per deacutecision de lassistante sociale ALN Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de

lacircge de lenfant qui navait pas encore quatre ans La Cour nest guegravere convaincue par les raisons que

ladministration et les juridictions internes ont estimeacutes suffisantes pour justifier laquo amplement le

placement automatique sous tutelle et la deacuteclaration dabandon raquo en particulier la graviteacute preacutetendue de

leacutetat de la mineure son laquo indiffeacuterence affective raquo agrave leacutegard de sa megravere ou encore lindication selon

laquelle laquo le comportement violent de celle-ci au cours des visites perturb[ait] la stabiliteacute et leacutevolution

de la mineure raquo (paragraphe 30 ci-dessus) La Cour observe quagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative na eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de lenfant au moment de la seacuteparation ou

la relation affective preacutealable existant entre elle et sa megravere ni le deacutelai eacutecouleacute depuis leur

seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient pour elles

84 Agrave la diffeacuterence dautres affaires que la Cour a eu loccasion dexaminer lenfant de la requeacuterante

en lespegravece navait pas eacuteteacute exposeacutee agrave une situation de violence ou de maltraitance physique ou

psychique (voir a contrario Dewinne c Belgique (deacutec) no 5602400 10 mars 2005 Zakharova c

France (deacutec) no 5730600 13 deacutecembre 2005) ni agrave des abus sexuels (voir a contrario Covezzi et

Morselli c Italie no 5276399 sect 104 9 mai 2003) Les tribunaux nont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) deacutetat de santeacute

inquieacutetant de lenfant ou de deacuteseacutequilibre psychique des parents (voir a contrario Bertrand c France

(deacutec) no 5737600 19 feacutevrier 2002 Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet

2004) Sil est vrai que dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des

enfants avait pu ecirctre motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations

mateacuterielles cela navait toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des

tribunaux nationaux en ce que dautres eacuteleacutements tels que leacutetat psychique des parents ou leur

incapaciteacute affective eacuteducative et peacutedagogique sy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec)

no 4075398 11 mai 1999 MG et MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 Wallovaacute et

Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804 sectsect 72ndash74 26 octobre 2006)

85 Dans la preacutesente affaire les capaciteacutes eacuteducatives et affectives de la requeacuterante par rapport agrave sa fille

mineure G nont pas eacuteteacute formellement mises en cause bien que ses deux enfants aineacutes soient placeacutes en

accueil familial eacutelargi aupregraves du grand-oncle de leur megravere (paragraphe 7 ci-dessus) La prise en charge

de lenfant de la requeacuterante a eacuteteacute ordonneacutee en raison de la situation dindigence de la megravere de G au

moment de cette deacutecision sans quil soit tenu compte de son eacutevolution posteacuterieure De lavis de la

Cour il ne sagissait de la part de la requeacuterante que dune carence mateacuterielle que les autoriteacutes

nationales auraient pu compenser agrave laide de moyens autres que la seacuteparation totale de la famille

mesure ultime ne pouvant sappliquer quaux cas les plus graves

86 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager dautres mesures

moins radicales que la prise en charge de lenfant La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de

protection sociale est preacuteciseacutement daider les personnes en difficulteacute qui nont pas la connaissance

neacutecessaire du systegraveme de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller entre autres quant

aux diffeacuterents types dallocations sociales disponibles aux possibiliteacutes dobtenir un logement

social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficulteacutes comme la requeacuterante avait

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)

CEDH ET DROIT AU LOGEMENT 01 mars 2018

33

initialement chercheacute agrave le faire (paragraphe 8 ci-dessus) Elle observe par ailleurs que tant le juge de

premiegravere instance no 3 de Grenade dans son jugement du 18 mai 2007 que lAudiencia provincial de

Grenade dans son arrecirct du 27 juin 2008 ont refuseacute de prendre en compte le changement de situation

financiegravere que la requeacuterante entendait faire valoir pour sopposer agrave la deacuteclaration dabandon de sa fille

(paragraphe 28 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer la deacuteclaration adopteacutee par ladministration

(hellip)

90 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de la requeacuterante au moment ougrave

sa fille a eacuteteacute placeacutee en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour comprendre la

situation dans laquelle se trouvaient lenfant et sa megravere De mecircme leacutevolution ulteacuterieure de la situation

financiegravere de la requeacuterante ne semble pas avoir retenu lattention du juge Celui-ci sest limiteacute agrave faire

eacutetat dans son jugement du 4 septembre 2009 des laquo rapports techniques raquo sans plus de preacutecisions sur

leur contenu et agrave consideacuterer que la laquo reacutecupeacuteration des compeacutetences eacuteducatives raquo navait pas eacuteteacute

prouveacutee alors mecircme quaucun mauvais traitement de la megravere envers sa fille navait jamais eacuteteacute en cause

(hellip)

92 Ainsi le temps eacutecouleacute conseacutequence de linertie de ladministration et la propre inertie des

juridictions internes qui nont pas estimeacute deacuteraisonnables les motifs donneacutes par ladministration

pour priver une megravere de sa fille sur la seule base de motifs eacuteconomiques ndash la santeacute mentale de la

requeacuterante initialement invoqueacutee nayant fait lobjet daucune expertise ndash ont contribueacute de

faccedilon deacutecisive agrave labsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre la requeacuterante et sa

fille La requeacuterante et sa fille se sont vues pour la derniegravere fois le 27 septembre 2005 et depuis lors la

requeacuterante na pas cesseacute de la reacuteclamer tant devant les organes compeacutetents de ladministration que

devant les juridictions internes

93 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge dappreacuteciation de lEacutetat deacutefendeur en la

matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit de la requeacuterante agrave vivre avec son enfant meacuteconnaissant

ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale garanti par larticle 8

Soares de Melo c Portugal requecircte ndeg 7285014 16 feacutevrier 2016 sectsect88-108 et 112-118

119 Eacutetant donneacute que lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant commande que seules des circonstances tout agrave fait

exceptionnelles puissent conduire agrave une rupture du lien familial et que tout soit mis en œuvre

pour maintenir les relations personnelles et le cas eacutecheacuteant le moment venu laquo reconstituer raquo la

famille (Gnahoreacute preacuteciteacute sect 59) la Cour considegravere que les mesures adopteacutees par les juridictions

de placement des enfants de la requeacuterante en vue de leur adoption la privant de ses droits

parentaux nrsquoont pas meacutenageacute un juste eacutequilibre entre les inteacuterecircts en jeu dans la proceacutedure interne

(R et H preacuteciteacute sect 72) Il nrsquoapparaicirct pas par ailleurs que les juridictions aient envisageacute drsquoautres

mesures moins contraignantes notamment lrsquoaccueil familial et lrsquoaccueil institutionnel (hellip)