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© ROSLAN RAHMAN / AFP - ERIC FEFERBERG / AFP - BERTRAND GUAY / AFP Aéronautique Les défis d’une industrie modèle Les intervenants : Claude Abraham, Emeric d’Arcimoles, Driss Benhima, Charles Champion, Alex Cruz, Patrick Gandil, Maurice Georges, Bernard Gustin, Eric Herbane, Marc Houalla, Olivier Jankovec, Alexandre de Juniac, Marwan Lahoud, Pascale Lefèvre, Carolyn McCall, Christian Mc Cormick, Denis Mercier, Fredrick Piccolo, Augustin de Romanet, Sani Sener, Jean-Cyril Spinetta, Tony Tyler, Pierre Vellay, Thierry Voiriot, Michel Wachenheim, Olivier Zarrouati. La filière, pénalisée par l’euro fort, a soif de compétitivité. Les quatre clés pour conserver les centres de décision et de recherche en France. Au Paris Air Forum, vendredi 11 juillet, La Tribune réunira les acteurs incontournables du secteur. DU VENDREDI 4 AU JEUDI 10 JUILLET 2014 - N O 96 - 3 IDÉES Peut-on encore sauver la place financière de Paris, menacée de disparaître ? P. 24 CHANGER À Bordes, le site de Turbomeca, filiale du groupe Safran, préfigure un modèle français de l’usine de l’avenir. P. 16 INNOVER De l’appli « sea, sex and sun » aux lunettes de soleil géolocalisables… TOUR DU MONDE P. 14-15 L 15174 - 96 - F: 3,00 « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » ENTREPRISES LA RUCHE DES START-UP Au cœur du Silicon Sentier, à Paris II e , exploration du Numa, l’incubateur géant des start-up. P. 12-13 MÉTROPOLES BERLIN, FUTUR N°1 DU DIGITAL? Comment la capitale allemande attire les talents du numérique pour devenir la ville leader en Europe. P. 21 ANALYSE RÉINVENTER L’ENTREPRISE Une vision futuriste de l’entreprise, par Jean-Paul Betbèze, à l’occasion des Rencontres d’Aix-en- Provence du Cercle des économistes. P. 22-23 PORTRAIT SÉVERIN MARCOMBES Entrepreneur de 27 ans, il va commercialiser un boîtier synchronisant la mémoire de tous nos appareils connectés. P. 26 . fr LA TRIBUNE DE… MARWAN LAHOUD Le président du Gifas et DG délégué d’Airbus Group estime que « l’aéronautique française n’a de sens que si elle est présente dans la défense ». P. 10-11 NOTRE DOSSIER PAGES 4 À 9

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AéronautiqueLes défis

d’une industrie modèle

Les intervenants : Claude Abraham, Emeric d’Arcimoles, Driss Benhima, Charles Champion, Alex Cruz, Patrick Gandil, Maurice Georges, Bernard Gustin, Eric Herbane, Marc Houalla, Olivier Jankovec, Alexandre de Juniac,

Marwan Lahoud, Pascale Lefèvre, Carolyn McCall, Christian Mc Cormick, Denis Mercier, Fredrick Piccolo, Augustin de Romanet, Sani Sener, Jean-Cyril Spinetta, Tony Tyler, Pierre Vellay, Thierry Voiriot, Michel Wachenheim, Olivier Zarrouati.

La filière, pénalisée par l’euro fort, a soif de compétitivité.

Les quatre clés pour conserver les centres de décision et de recherche en France. Au Paris Air Forum, vendredi 11 juillet, La Tribune réunira les acteurs incontournables du secteur.

!DU VENDREDI 4 AU JEUDI 10 JUILLET 2014 - NO 96 - 3 !

IDÉESPeut-on encore sauver la place financière de Paris, menacée de disparaître!? P. 24

CHANGERÀ Bordes, le site de Turbomeca, filiale du groupe Safran, préfigure un modèle français de l’usine de l’avenir. P. 16

INNOVERDe l’appli «"sea, sex and sun"» aux lunettes de soleil géolocalisables… TOUR DU MONDE P. 14-15

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ENTREPRISESLA RUCHE DES START-UPAu cœur du Silicon Sentier, à Paris IIe, exploration du Numa, l’incubateur géant des start-up. P. 12-13

MÉTROPOLESBERLIN, FUTUR N°1 DU DIGITAL!? Comment la capitale allemande attire les talents du numérique pour devenir la ville leader en Europe. P. 21

ANALYSERÉINVENTER L’ENTREPRISEUne vision futuriste de l’entreprise, par Jean-Paul Betbèze, à l’occasion des Rencontres d’Aix-en-Provence du Cercle des économistes. P. 22-23

PORTRAITSÉVERIN MARCOMBES

Entrepreneur de 27 ans, il va commercialiser un boîtier synchronisant la mémoire de tous nos appareils connectés. P. 26

.frLA TRIBUNE DE…MARWAN LAHOUDLe président du Gifas et DG délégué d’Airbus Group estime que « l’aéronautique française n’a de sens que si elle est présente dans la défense ». P. 10-11

NOTRE DOSSIER PAGES 4 À 9

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business by easyJet!: les affaires par easyJet. (1) Les affaires. (2) Des frais variables s’appliquent pour le choix d’un siège. (3) C’est ça le sens des affaires. C’est ça la génération easyJet.

SIÈGEZOÙ BONVOUS SEMBLEAttribution des sièges sur tous nos vols.Le business(1), c’est aussi être au bon endroit au bon moment. C’est la même chose dans nos avions.Les voyageurs d’affaires peuvent choisir leur place parmi nos 156 sièges(2). Même au premier rang.

That’s business sense(3).This is generation

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ÉDITORIAL

L’HISTOIREDÉMANTELER GOOGLE ? L’ALLEMAGNE EST POUR… Sans attendre les résultats (cet automne ?) de l’enquête menée par Joaquín Almunia, le commissaire à la Concurrence, pour savoir si le géant américain du Web abuse ou non d’une position dominante en Europe, le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, vient de faire une saillie dans un entretien à la FAZ. « Imaginez un groupe énergétique qui couvrirait 95 % du marché, les autorités de la concurrence seraient très vite sur le coup. Donc oui, si Google abuse de sa position dominante pour écarter de manière systématique des concurrents, alors, en dernière instance, quelque chose comme un démantèlement devrait être envisagé. » Il y a deux mois, c’était le patron du groupe de presse Axel Springer, Mathias Döpfner, qui écrivait à Éric Schmidt, le président de Google (photo), dans la FAZ, où il évoquait sa « peur de Google », estimant que, « historiquement, les monopoles ne survivent pas à long terme ». Pour amadouer l’Allemagne, le patron de Google a parrainé, le 11 juin à Berlin, la Factory, une pépinière de start-up.

BALISES

Plus haut, plus vite, plus loin

Plus haut, plus vite, plus loin. La devise (fran-çaise) que s’est donnée l’aéronautique interna-tionale à sa naissance n’a pas pris une ride. Huma-niste et volontariste, elle

constitue sans doute la clé psycholo-gique, l’âme de la perpétuelle adaptation de ce qui compose aujourd’hui la plus dynamique des industries.Dans les chaos de la mondialisation, l’aviation fait figure de repère. Son taux de croissance demeure d’une vigueur insolente alors qu’elle encaisse en pre-mière ligne toutes les tensions annoncées par l’actualité. La bonne santé de la France dans cette filière s’explique par un pragmatisme qui a fait de ce paramètre une donnée intrinsèque!: la mondialisa-tion est partie prenante du modèle éco-nomique depuis plusieurs décennies. Chose remarquable pour la France, autant la puissance publique que les partenaires privés engagés dans ces entreprises ont su trouver un équilibre qui permet de conquérir des marchés aux quatre coins de la planète, sans transformer les bassins d’emploi originaires en désert.Autre point capital que souligne Marwan Lahoud, Directeur général délégué à la stratégie et à l’international d’Airbus

Group (lire pages!10 et!11), pour expliquer ce maintien hexagonal dans le peloton de tête, le goût français pour les choses de l’air, autant civiles que militaires. Un siècle après que la France fut le berceau de la conquête de l’air, elle demeure le pays européen où les jeunes sont le plus attirés par ses formations. Cette culture de la troisième dimension demeure une caractéristique de l’ADN national qui pousse à l’innovation et ouvre naturelle-ment sur l’international.Le Paris Air Forum que ce numéro de La Tribune accompagne en est le reflet. Pre-mier forum international de l’aéronau-tique, il a été construit par l’ensemble des rédactions du Groupe La Tribune, épaulé par l’équipe de Forum Média. Pour le jour-nal des entreprises et de l’innovation, ques-tionner l’avenir au prisme de l’aéronau-tique est une évidence. Évidence également cette association avec Aéroports de Paris, qui fête son premier siècle et dont le cer-tificat de baptême date du moment précis où la conquête de l’air passe de l’état de pratique sportive à celui d’industrie.L’aéronautique nous connecte physique-ment à la planète. Une ville, un territoire, pour figurer sur la carte mondiale des capitales, ont besoin de cette connexion complémentaire à celle désincarnée du numérique. Ces villes du futur que

deviendront les aéroports ont d’ores et déjà vocation à devenir des laboratoires de la ville intelligente, cités connectées gérant le flux grandissant des aéronefs et de la population nomade et sédentaire qui s’y croisent au quotidien. C’est d’ailleurs moins une question de philosophie que de survie, comme l’ana-lyse Augustin de Romanet, le PDG d’ADP (lire page!9). Nous sommes à une époque charnière. La croissance du transport aérien prend une nouvelle accélération. L’avion est déjà deux cents fois moins consommateur que la voiture, il va conti-nuer à s’améliorer par la mise en œuvre de nouvelles technologies. Autre atout majeur!: l’exploitation de la troisième dimension permet l’empilement de voies de communication sans destruc-tion du paysage"; c’est évidemment le plus écologique des moyens de transport, et la diminution constante du bruit qu’il engendre permet d’envisager l’intégration de l’aéroport comme un fait urbain. Autant de sujets indispensables à la com-préhension du siècle à venir, qui sont au cœur du Paris Air Forum auquel nous vous convions. Une première à laquelle vous pourrez participer physiquement le vendredi 11!juillet ou le vivre en ligne et en direct sur notre site dédié*. * http://parisairforum.latribune.fr

La guerre est morte, vive la guerre!!Nous commémorons (juin 1914, juin 1944) deux des plus grands massacres de populations militaires et civiles de l’histoire de l’humanité. Ils se sont déroulés dans la première moitié du XXe siècle. Depuis, le monde se pacifie. La croissance économique y contribue largement. Les bruits de bottes ne sont cependant jamais loin. Le rapprochement de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Géorgie avec l’Union européenne crée des tensions vives avec la Russie. L’expansion chinoise en mer de Chine en crée d’autres avec le Japon, le Vietnam. L’ampleur des échanges économiques, des échanges humains, est un frein à l’action irréversible. On peut admirer certaines retenues en Ukraine. La théorie d’Élie Berman veut qu’un faible revenu par tête et la présence de montagnes soient des indicateurs prédictifs de conflits, comme en Syrie et en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.Il y a cependant deux types de « guerres » qui se développent. La première est la guerre économique. La condamnation de BNP Paribas à près de 9 milliards de dollars pour violation de l’embargo économique américain, notamment contre le Soudan, est reconnue comme un signal fort. Le blocage par la Chine de l’alliance commerciale des trois géants européens du transport maritime (Maersk, MSC, CMA CGM) sur 29 lignes, malgré l’accord de Bruxelles et de Washington, est aussi reconnu comme tel. Cette guerre économique est accompagnée d’une guerre naturelle du renseignement numérique. On est dans l’affirmation des pôles économiques mondiaux qui ne font que se renforcer. De telles décisions seront de plus en plus nombreuses, malgré l’internationalisation des entreprises. C’est la règle du jeu admise.

La deuxième guerre qui se développe est une guerre d’identité. C’est la plus sournoise, la plus dangereuse. L’identité est le sujet le plus impalpable qui soit. Elle peut être régionale, religieuse, sociale. En Corse, le FLNC a « déposé les armes », sans abandonner « la marche vers la souveraineté ». L’identité religieuse – souvent musulmane – a pour objectif la prise de pouvoir, la déstabilisation d’États. C’est une revendication à l’inverse des courants majoritaires du monde, qui veut une stabilisation des frontières. Les « soldats » de cette revendication se forment dans les pays faibles aussi bien que dans les démocraties. Cette guerre terrorise. Sa lutte est faite d’infiltration, de suivi électronique et d’attaques nécessairement « discrètes ». C’est dans ce monde que se situe l’avenir de l’économie de la défense, du nanodrone à l’ultra-big data. Et comme le veut l’Histoire, l’économie civile en profitera.Je repars en plongée. Rendez-vous la semaine prochaine… pour démontrer l’inverse.

SIGNAUX FAIBLES

L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen : Les secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.

PAR PHILIPPE CAHENPROSPECTIVISTE

@SignauxFaibles

PAR MAX ARMANET

#parisairforum

55!!%LE PRIX DE L’INTERNET MOBILE a chuté de 55 %

depuis le 1er juillet pour les communications en itinérance

(ou « roaming ») en Europe. La Commission de Bruxelles

impose aussi une forte baisse pour les appels et SMS, en attendant la suppression du roaming envisagée fin 2015. Le prix plafond hors TVA

de la data passe de 45 à 20 centimes par Mo (mégaoctet).

600!000SELON LE CHINA YOUTH DAILY, 600 000 Chinois meurent chaque année à cause d’un « burn-out ». Radio Chine Internationale parle

de 1 600 morts par jour pour dépression liée au surmenage

professionnel. Sur le réseau social chinois Weibo, le témoignage récent d’un employé de PwC, évoquant des

tâches « impossibles à finir sans heures supplémentaires », a récolté

près de 30 000 commentaires.

1!900C’EST LE NOMBRE D’EMPLOIS

MENACÉS par la fermeture de Fessenheim, selon l’Insee.

Le projet de loi sur la transition énergétique a confirmé l’arrêt

de la centrale alsacienne, la plus ancienne du parc électronucléaire français, dont les deux réacteurs

de 900 MW sont en service depuis 1977. Les revenus de 5 000 personnes sont

impactés par cette fermeture.

23LES FRANÇAIS METTENT

EN MOYENNE 23 MINUTES pour se rendre sur leur lieu de travail, selon une enquête de

Randstad. Plus les salariés sont diplômés, plus la durée s’allonge. En 2011, le temps de trajet moyen

était de 29 minutes, selon une enquête du cabinet Regus. C’est en Île-de-France que les temps de parcours sont les plus longs, avec 33 minutes en moyenne.

PLUS D’INFORMATIONS SUR LATRIBUNE.FR

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TENDANCESLA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

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L’ÉVÉNEMENT4 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

1 DISPOSER D’UN BUDGET DE LA DÉFENSE « RAISONNABLE »

«!Retenez-moi ou je fais un malheur…!» C’est en substance le message des indus-triels de l’aéronautique envoyé en mai der-nier à François Hollande et au gouverne-ment de Manuel Valls. Faute d’un investissement public minimum dans la défense et dans l’espace de l’État, les grands industriels de l’aéronautique (Air-bus Group, Safran, Thales, Dassault Avia-tion…), qui cumulent tous des activités civiles et militaires dans leur périmètre, agitent la menace d’installer de plus en plus de capacités de production à l’étran-ger, et surtout de quitter la France. «!Les entreprises duales seraient contraintes de tirer les conséquences et accéléreraient leur mutation en privilégiant les activités civiles. Elles seraient alors soumises aux seules contraintes concurrentielles mondiales qui placeront l’équation nationale au second plan!», avaient écrit en mai dernier au pré-sident de la République les PDG des sept plus grands groupes de défense français

(Airbus Group, Safran, Thales, Dassault Aviation, DCNS, Nexter et MBDA) lorsque Bercy et Matignon voulaient sévèrement rogner le budget de la défense.Point de salut sans un ancrage national – c’est-à-dire des espèces sonnantes et trébu-chantes – pour cette industrie, qui pèse de tout son poids dans l’économie française. «!On ne peut pas faire des économies sur un secteur qui marche en France!», estime le pré-sident du Groupement des industries fran-çaises aéronautiques et spatiales (Gifas), Marwan Lahoud, dans une interview accor-dée à La Tribune (lire pages!10 et!11). En 2013, le chi"re d’a"aires des entreprises du Gifas s’est élevé à 47,9!milliards d’euros, en augmentation de 9 #%, à périmètre constant. La part à l’exportation (30,4!mil-liards), qui a connu une très forte progres-sion (+!11,4#%), représente 79#% du chi"re d’a"aires consolidé. En termes de prises de commandes, 2013 a été une «! année record!» avec 73,1!milliards d’euros de prises de commandes, soit un bond de 49#% par rapport à 2012, principalement grâce au secteur civil. Le carnet de commandes global représente entre cinq et six années

de production. Cette industrie a donc «!besoin de stabilité dans les programmations et d’une vision de long terme. Nous sommes une industrie de cycle long, vulnérable aux atermoiements budgétaires et qui ne peut être la variable d’ajustement de tous les gouverne-ments!», avaient expliqué les sept PDG. Pour autant, comme l’explique le président du Gifas, l’État peut «!supprimer d’un trait de plume des crédits du budget de la défense avec des conséquences qui sont gérées!» par… les industriels. Ces derniers s’adapteront mais ils pourraient finir par s’exiler à force d’être maltraités.

2 GARDER LES CENTRES DE DÉCISION ET DE RECHERCHE EN FRANCE

Cela va de soi mais c’est mieux en le disant!: l’industrie aéronautique française restera performante tant qu’elle gardera des centres de décision et de recherche en France. C’est l’une des clés de la très belle «!success story!» de cette industrie depuis les années 1970. «!Quand un centre

de décision se déplace à l’étranger, cela peut avoir des conséquences même si elles ne sont pas immédiates. C’est important de conserver de vrais centres de décision en France!», expliquait récemment à La Tribune le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet. Ce qui est vrai pour le patron du leader mondial des tubes sans soudure, l’est également pour tous les PDG à la tête d’un groupe indus-triel.Car, à l’heure de la mondialisation, l’indus-trie aéronautique est déjà très tentée d’al-ler produire de plus en plus près de ses clients. En Asie bien sûr, mais aussi dans les pays de la zone dollar, y compris aux États-Unis pour se protéger d’un euro trop fort (voir plus loin, notre point!4). Airbus, Safran, Thales le font déjà avec une relative prudence. Ces groupes prennent toutefois garde à ne pas fâcher l’État, les salariés et l’opinion publique. Surtout en cette période inédite de patriotisme écono-mique. Mais l’exemple du président du directoire de Schneider Electric, Jean-Pas-cal Tricoire, parti s’installer avec une partie de son état-major à Hong Kong, n’est pas passé inaperçu. Un rêve qui n’est plus aussi

LES FAITS. À l’heure de la mondialisation, l’aéronautique française fait figure de modèle et tire vers le haut une filière d’excellence. Mais les menaces de coupes sur les dépenses militaires inquiètent les grands industriels qui rappellent la dualité entre la défense et le civil. LES ENJEUX. Alors que l’emploi dans l’industrie et la compétitivité ont été décrétés grandes causes nationales, voici quatre pistes pour la faire rester en France, alors que certains sont tentés par l’appel du large.

L’aéronautique, exception française menacée!?

PAR MICHEL CABIROL

La ligne d’assemblage final des A330 et A340 de l’usine Airbus de Toulouse. © Airbus S.A.S.

@mcabirol

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LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

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inaccessible pour ces groupes français. D’autant qu’ils sont de plus en plus inter-nationaux – à l’image d’Airbus Group, de Thales et de Safran –, ainsi que les princi-paux sous-traitants de maîtres d’œuvre français comme les équipementiers Zodiac, Lisi, Latécoère…Encore faut-il aussi que les industriels fassent leur boulot… d’industriels. Car, à l’heure où le dogme des 10!% de bénéfice avant intérêts et impôts (Ebit en anglais) est devenu une loi d’airain dans l’industrie aéronautique (Airbus Group, Thales), les groupes pourraient réduire leurs inves-tissements pour privilégier le court terme. C’est-à-dire les actionnaires et les marchés qui ont souvent une vision de très court terme. Est-ce aussi un objectif attractif pour les futurs ingénieurs d’Airbus, les héritiers des pionniers qui ont écrit l’histoire de ce géant de l’aéronautique (plus de 140!000 salariés) en lançant des produits qui, en dépit de toutes les crises de gouvernance et économiques, se vendent aujourd’hui comme des petits pains !? EADS conti-nuera-t-il demain de faire rêver!? Tout comme Thales et les autres!? En 2012, la recherche & développement représentait 13,9!% du chi"re d’a"aires des entreprises du Gifas, dont 60!% sont autofinancés. Une réussite en grande partie grâce au crédit impôt recherche (CIR).

3 UN COÛT DU TRAVAIL MOINS CHER, UNE FISCALITÉ STABLE

Le patron d’Airbus Group Tom Enders avait été très clair début 2013. Il était net-tement agacé par le coût du travail en France. «!Pour ce qui est du coût du travail –!je ne parle pas des salaires directs!– mais des charges sociales, si celles-ci continuent à aug-menter, cela va nous poser un problème dans nos embauches en France!», avait-il expliqué début 2013 à l’Assemblée nationale. Et Tom Enders sait de quoi il parle puisque c’est l’un des plus gros employeurs en France avec 54!000 salariés environ dans l’Hexagone. «!Le coût du travail en Europe conjugué au coût de l’énergie, comparé aux États-Unis, sont des données importantes. Nous sommes une grande entreprise parce que nous sommes sur le marché mondial et pour être sur ce marché, nous devons être compéti-tifs!», avait-il mis en garde le gouverne-ment français. Des propos qui rejoignent

TECHNOLOGIES MILITAIRE-CIVIL : LA FRONTIÈRE S’ESTOMPE

R éduction des budgets de défense oblige, les technologies duales sont

appelées plus que jamais à se développer. Ce sujet n’est pas nouveau puisque de nombreux transferts de technologies militaires ont eu lieu vers le civil dans les années 1980 et 1990 : on se souvient des commandes de vol électriques chez Dassault Aviation, les matériaux composites, ou l’utilisation intensive des outils de CAO pour développer les avions. Mais on assiste à une nouvelle vague de transferts, où la frontière entre militaire et civil s’estompe. C’était d’ailleurs spectaculaire au dernier salon d’armement Eurosatory. Ainsi, chez Thales, les outils de simulation d’entraînement des combattants présentés étaient directement dérivés du jeu vidéo. « Nous avons pris sur étagère des solutions existantes et nous les avons adaptées aux contraintes du combat », explique-t-on chez l’électronicien de défense. À l’inverse, le système de smartphone sécurisé Teopad, proposé aux grandes entreprises, est directement dérivé d’algorithmes développés pour la défense. Chez Airbus Defence and Space (ADS), là aussi la séparation

civil-militaire est de plus en plus ténue. Le groupe européen proposait par exemple une « control room », Cymerius, qui surveille 24 heures/24 un système d’information pour détecter toute anomalie. Là aussi, les briques de base provenaient de développements effectués pour la défense, mais adaptés au monde des entreprises. Dans les drones, ADS propose son concept de Zéphyr solaire, capable de voler à 70 000 pieds pendant des semaines, en toute autonomie. Des contacts sont en cours avec Google et Facebook, « qui sont intéressés », indique-t-on chez ADS.

Du côté de l’Onera, l’institut de recherche de l’aérospatial, de nombreux chantiers sont en cours. Ainsi, une application civile pour les éoliennes a été développée dans le domaine des radars optiques (Lidar). Les travaux réalisés dans l’optique à haute résolution, normalement destinés aux lasers antimissile, ont trouvé une application dans la chirurgie de l’œil. L’un des projets les plus spectaculaires est sans doute Sysiphe, un système de vision hyperspectrale à base de caméras embarquées,

développé en coopération avec la DGA pour la détection de menaces ou de cibles. Mais des applications duales sont aussi prévues. Par exemple pour la détection de gaz ou d’effluents. Intéressé, le groupe Total a signé un contrat avec l’Onera pour développer des moyens de sécurisation de ses sites.

La dualité est aussi transsectorielle. Le groupe Safran – au travers de sa filiale de défense Sagem – travaille désormais avec l’équipementier automobile Valeo pour développer des solutions d’assistance au pilotage et de « dronisation » des véhicules. L’un, Sagem, apporte

ses compétences en matière de navigation inertielle et de reconnaissance faciale, et l’autre, Valeo, fournit ses compétences en matière de vision périphérique. Quatre chantiers ont été lancés, avec la vision tout temps, la surveillance du conducteur (endormissement), le blindage transparent à 360 degrés (détecter un piéton ou une menace) et la « dronisation ». « Chacun apportera ses briques technologiques », ajoute Guillaume Devauchelle, vice-président Innovation de Valeo. Les premières réalisations sont attendues pour 2016-2018. G. L.-B.

LES EMBAUCHES SE STABILISENT…

L’ industrie aéronautique française a

beaucoup embauché ces dernières années : 20 000 créations nettes d’emplois et 41 000 recrutements entre 2011 et 2013. Cette année, les industriels du secteur réunis au sein du Gifas prévoient un volume d’environ 10 000 embauches, contre 13 000 en 2013. Pour mémoire, les effectifs des adhérents du Gifas se montent à 177 000 personnes. On assiste donc à une stabilisation des recrutements.Témoin, l’équipementier Safran prévoit d’embaucher 6 000 personnes cette année (contre 8 500 en 2013), dont 2 500 en France. Le groupe français a créé 3 200 emplois nets en 2013. En revanche, Airbus met un peu le pied sur le frein puisque l’avionneur annonce 1 500 recrutements en

2014, principalement en Europe, contre 3 000 en 2013. Mais Airbus a fait l’essentiel de son effort ces cinq dernières années avec 16 500 embauches, et 10 000 créations nettes d’emplois entre 2009 et 2013.

L’un des facteurs principaux de ces embauches reste naturellement la montée en cadence des programmes d’avions commerciaux. La famille A320 est produite à raison de 42 avions par mois et va monter à la cadence de 46 dans les deux à trois années qui viennent. La mise en service de l’A320neo et l’ouverture d’une nouvelle usine d’assemblage aux États-Unis, à Mobile, expliquent cette hausse. L’usine de Mobile sera alimentée par toutes les usines européennes d’Airbus pour les tronçons de fuselage.

De quoi assurer de la charge de travail pour les centaines de sous-traitants de l’A320. Par ailleurs, l’A350XWB va monter en cadence à partir de 2015-2016. Il y a donc de nombreuses raisons pour que la situation de l’emploi aéronautique reste bonne.

Mais Airbus n’est pas le seul responsable de ce dynamisme. Dassault Aviation a lancé deux nouveaux programmes d’avions d’affaires, le Falcon 5X et le 8X, alors que le Falcon 7X marche très bien. Même si les volumes produits sont moins importants qu’avec Airbus, ces programmes vont « nourrir » la filière pour de nombreuses années. Sans oublier Airbus Helicopters, qui a des développements en cours (l’EC175 par exemple), ou les avions régionaux ATR, en plein boom des cadences. GUILLAUME LECOMPTE-BOINET

Suite P. 6 s

Certaines applications de sécurisation pour les appareils mobiles sont dérivées d’algorithmes développés par les industries de la défense. © DR

complètement l’esprit de la lettre des sept PDG français, envoyée à François Hollande en mai dernier. Faute d’environnement économique favorable, Tom Enders serait tenté de mettre les voiles loin de la France et de l’Europe.Certaines mesures lancées par le gouver-nement sont toutefois très encourageantes pour les industriels. Notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) décidé fin 2012, «!même si le plafon-nement des aides à hauteur de

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L’ÉVÉNEMENT6 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

2,5 Smic en réduit l’im-pact, pour la filière aéronautique, à celui d’une variation d’un centime de la parité euro-dollar!», a regretté Marwan Lahoud. Et de pointer du doigt les techniciens de Bercy qui ont «!châtré la mesure!» et qui sont «! les champions de la punition des vertueux!», a-t-il lâché pendant une conférence de presse. Ce n’est pas le cas du dispositif du crédit impôt recherche (CIR) encensé par Airbus Group. Le groupe européen consacre 20!% de son

chiffre d’affaires en R&D, dont 7!% autofi-nancés. Soit 3" mil-liards d’euros, aux-quels il faut ajouter encore 3" milliards d’euros en investisse-ments industriels sur les sites d’Airbus pour soutenir la recherche et la production. «!Nous n’aurions pas pu parvenir à un tel niveau sans le dispositif du CIR. Le CIR consti-

tue un atout indéniable pour la compétitivité du territoire français! », avait expliqué en octobre"2013 aux députés Marwan Lahoud. Et de préciser que le CIR «!constitue une des clés du succès des activités françaises de R&D d’EADS et justifie la priorité donnée à l’instal-lation de ces dernières en France!».

Le Gifas a accueilli positivement le pacte de responsabilité et de solidarité. «! Il représentera en 2016 un allégement de 300!millions d’euros pour l’aéronautique. Cela représente un peu plus de 2"% des frais de personnel pour la profession!», a souligné Marwan Lahoud. Une goutte d’eau face aux 8,8"milliards d’euros versés pour les salaires et aux 4,4"milliards de charges sociales.Enfin, les groupes du secteur veulent par-dessus tout la stabilité fiscale. Elle «!est très importante pour nous afin de disposer d’une visibilité su#sante pour lancer des pro-jets!», a rappelé Marwan Lahoud.

4 UN EURO PLUS FAIBLE FACE AU DOLLAR

L’euro trop fort coûte très cher à l’indus-trie aéronautique. Une antienne reprise par tous les PDG des groupes aéronau-tiques. «!Quand le dollar perd 10 cents face à l’euro, Airbus perd 1!milliard!», avait cou-tume d’expliquer Louis Gallois, alors pré-sident d’EADS. Quand les coûts de fabrication sont libel-lés en euro, le prix des avions d’Airbus l’est en dollar. L’ancien commissaire géné-ral à l’investissement (Louis Schweitzer vient de lui succéder), nouveau président

L’AVIATION, UN MOTEUR POUR LA PROSPÉRITÉ

LE POINT DE VUE DE TONY TYLER, DIRECTEUR GENERALET CIO DE IATA

A u cours du premier siècle de son existence, l’aviation a été une formidable force

au service du bien de l’humanité. Elle a contribué au développement économique, relié les peuples entre eux et élargi leurs horizons. Secteur d’activité encore jeune, elle a devant elle une énorme marge de progression. Mais des obstacles barrent le chemin.

L’avion est le moyen de transport le plus sûr aujourd’hui parce que nous travaillons en étroit partenariat avec les gouvernements dans un cadre réglementaire international. C’est ainsi que nous pouvons relever le défi de rendre le transport aérien toujours plus sûr et durable face à une demande en constante augmentation.Bien que nous sachions nous trouver dans la bonne voie, les politiques européennes mises en place freinent le développement de la connectivité. Les faibles résultats financiers des compagnies européennes démontrent la gravité de la situation. Une taxation élevée et une réglementation excessive sont autant de désavantages concurrentiels. Le manque criant d’infrastructures adaptées ne fait qu’empirer cet état de fait.

En 2035, le déficit sera de 12 %entre la demande de connectivité et la capacité aéroportuaire. Pour ce qui est du ciel unique européen, aucun progrès digne de ce nom n’a été enregistré. Les inefficiences de la gestion du trafic aérien coûtent 6 milliards d’euros en temps passé par les voyageurs dans les avions, et 3 milliards en coûts opérationnels. Que nous faut-il pour assurer l’avenir de l’aviation en Europe ? Quand les politiques comprendront que l’aviation est le moteur de la prospérité, un grand pas sera alors franchi.

QUAND L’AÉRONAUTIQUE RIT, LE TRANSPORT AÉRIEN PLEURE !

C’est le match des paradoxes. Si la filière aéronautique française affiche une santé

éclatante, les compagnies aériennes tricolores, prises dans leur globalité, sont en sérieuse difficulté. Alors que l’aéronautique française embauche à tour de bras, le transport aérien supprime des postes par milliers : en 2015, plus de 10 000 postes en moins par rapport à 2012, majoritairement chez Air France mais aussi dans d’autres compagnies comme Corsair ou Air Austral. C’est la conséquence de lourdes restructurations pour enrayer des situations financières catastrophiques depuis plusieurs années. Air France a par exemple perdu près de 2 milliards d’euros en six ans ! Corsair, Air Austral, Air Méditerranée, Aigle Azur, XL Airways, et même Air Caraïbes en 2011, ont toutes affiché à un

moment ou à un autre des pertes ces dernières années. Seule Europe Airpost s’est retrouvée chaque année profitable.

En 2012, Air Caraïbes et Europe Airpost ont été les deux seules compagnies bénéficiaires. Un an après, Air Austral les a rejointes, tandis qu’Air France et Corsair espèrent revenir dans le vert cette année. Pour autant, cette amélioration n’enlève en rien les maux structurels qui pèsent sur le transport aérien français. Car, si une partie des difficultés provient de problèmes intrinsèques à chaque compagnie, une autre résulte d’un écosystème peu favorable au transport aérien européen en général, et français en particulier. Tout d’abord, depuis une dizaine d’années, 19 % du produit de la taxe d’aviation civile (TAC) qui finance

une partie des coûts du secteur, va directement dans le budget général de la nation. Soit grosso modo 80 millions d’euros l’an dernier. « C’est une contribution injustifiable alors que le transport aérien est la seule activité qui paye l’ensemble de ses coûts, taxes et autres impôts », explique Guy Tardieu, le délégué général de la Fédération nationale de l’aviation marchande (Fnam).

À cette particularité française, explique Guy Tardieu, « s’en ajoutent d’autres comme la taxe Chirac prélevée sur les billets d’avion pour financer les programmes de santé dans les pays en développement [70 millions d’euros chez Air France-KLM], et le financement en totalité des coûts de sûreté, une activité pourtant régalienne, ou encore la hausse de 2,5 points de la TVA sur les billets

des vols intérieurs ». Combinée à un coût du travail supérieur en France, cette lourde taxation (avec les redevances aéroportuaires, elle pèse plus de la moitié du prix d’un aller-retour Paris-Marseille à 100 euros), pénalise le pavillon français. Difficile en effet de répercuter ces charges sur le prix du billet. Avec le développement des low-cost étrangères, aux

charges moins élevées, ou celui des transporteurs du Golfe soutenus par leurs États, l’environnement concurrentiel ne le permet pas. Les prix sont en baisse depuis des années. La situation reste donc critique. Des petites compagnies françaises pourraient ne pas passer l’hiver. Quant à Air France, malgré sa restructuration, le ciel n’est pas encore dégagé. FABRICE GLISZCZYNSKI

s Suite de la P. 5

Vol de démonstration

de l’avion de combat Rafale

(Dassault ) à l’occasion du

80e anniversaire de l’armée

de l’air française, au-dessus de la base

aérienne de Cazaux,

le 21 juin dernier. © FRED DUFOUR / AFP

du conseil de surveillance de PSA Peugeot Citroën, a récemment averti qu’un euro «!situé autour de 1,35-1,40!dollar peut étouf-fer la petite reprise à laquelle nous assis-tons!». Et d’estimer que l’euro fort consti-tue un « ! vrai problème pour nos industriels!». Le président du Gifas a enfoncé le clou. «!À chaque fois que l’euro s’apprécie de 10!centimes face au dollar, cela e$ace 2"% de marge. Et 2"% de marge, cela peut faire la différence dans une compétition! », a-t-il lancé lors de la présentation des résultats d’Airbus Group. Les industriels ont beau lancer des plans d’amélioration de leurs performances, les variations du dollar face à l’euro en e#acent les gains.Pour les entreprises, les couvertures euro-dollar pour se protéger contre les fluctua-tions des monnaies coûtent également extrêmement cher. «!Produire en zone dol-lar est une voie, a également expliqué Marwan Lahoud. Nous avons essayé de le faire, pas autant que cela pourrait l’être. À ce stade, cela pèse lourdement sur le compte de résultat, sur le bilan, non pas seulement de l’entreprise EADS, mais de toutes les entre-prises du secteur, qui sont obligées d’acheter des couvertures sur les marchés financiers, ce qui leur coûte horriblement cher.!»Bref, en dépit de sa bonne santé, l’indus-trie aéronautique pourrait s’envoler un jour vers d’autres ciels plus cléments…

2013année historique pour Airbus, qui a enregistré 1 503 commandes d’avions, soit 148 appareils de plus que Boeing, malgré le handicap persistant d’un euro trop fort par rapport au dollar.

Europe Airpost

a été en 2012 l’une des deux

seules compagnies

bénéficiaires, avec Air

Caraïbes. © OLIVIER

LABAN-MATTEI/AFP

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I 7L’ÉVÉNEMENT

LE CAS DE L’A400M ATLAS

U n avion de transport militaire n’est en aucun cas un avion

de transport civil peint en vert ! En ayant un peu oublié ce précepte, le dernier fleuron de l’industrie aéronautique européenne aura connu un accouchement dans la douleur. L’Airbus A400M Atlas aura été sauvé par une vision et une volonté politique française constante. Une belle carrière s’ouvre à lui, il intègre les dernières évolutions technologiques qui permettent de pratiquer, en autonomie, par tous les temps, les terrains les plus rustiques et les plus

exposés, comme au Mali ou en Centrafrique. Combiné avec l’emploi du futur A330MRTT, son allonge (8 710 km), sa vitesse (830 km/h), ses capacités de ravitaillement en vol autorisent une dilatation de l’espace stratégique de la France en permettant de s’affranchir de l’aide américaine.

Évaluées à plus de 40 000 emplois directs ou indirects en Europe (dont 12 000 pour la France), les retombées économiques engendrées par la production de 174 Atlas sont conséquentes. La supply chain

européenne bénéficie de ce programme et permet à l’Europe de conserver une multitude de savoir-faire humains, techniques et scientifiques capitaux. Ce vecteur commun à six États membres de l’UEpermet à Airbus Military de développer ses compétences industrielles. Dans un marché mondial appelé à bientôt renouveler ce segment stratégique d’aéronefs, l’avionneur européen peut y occuper une position clé car ses concurrents, américains notamment, n’y sont pas présents MAX ARMANET

Selon le général Denis Mercier,

« un programme majeur comme

l’Airbus A400M est un cas

concret à partir duquel

une véritable stratégie

industrielle européenne peut

être pensée ». © A.JEULAND / ARMÉE

DE L’AIR

E n matière de tissu industriel, l’activité «!défense!» représente notamment 4"000 PME, 300"000 emplois dont 165"000 directs et 20!milliards d’euros de chi#re

d’a#aires. Le secteur de l’aéronautique civile et militaire représente la plus grande part de la base industrielle et technologique de défense (BITD) en France et en Europe, en développant 20 technologies parmi les 27! classées critiques. Il capte 40"% des dépenses d’investissement de la défense. De même, le domaine aéronautique est pré-pondérant parmi les capacités industrielles militaires critiques (CIMC) indispensables à la souveraineté nationale.Par ailleurs, l’apport des technologies aéronau-tiques développées pour le domaine militaire dans le domaine civil est fréquent!: le lanceur Ariane est issu des travaux menés dans le cadre des missiles de la dissuasion, Airbus est «!fille!» de l’aéronautique militaire, le logiciel de conception Catia de Dassault initialement développé pour les avions de combat est désormais utilisé pour l’aviation civile, l’auto-mobile et de nombreux autres secteurs indus-triels. Les défis que doivent quotidiennement relever les industriels dans les domaines de l’aérodynamique, des structures, de la moto-risation, des systèmes de navigation, des liai-sons de données, ou encore des systèmes de protection contre les missiles stimulent la recherche et le développement technologique.Les industries aéronautiques et spatiales françaises sont unanimement reconnues dans les domaines civils et militaires. Por-teuses de croissance et d’innovation, elles sont des fleurons de l’industrie nationale. Une capacité industrielle et technologique perdue ne pourrait être récupérée qu’au prix d’investissements, humains et techniques, considérables sur plusieurs années (de quinze à vingt ans sont nécessaires pour (re)constituer une capacité de conception et de développement de systèmes aéronautiques).

Un programme majeur comme l’Airbus A400M est un cas concret à partir duquel une véritable stratégie industrielle européenne peut être pensée pour éviter le délitement de ce tissu précieux. Il met aux prises nombre d’acteurs privés ou étatiques, nationaux et communautaires dont la coordination au niveau européen est indispensable.Par ailleurs, le maintien en service pour encore plusieurs décennies de nombre de nos équipements (le Rafale et son système d’armes resteront en service au-delà de 2050) nécessite que les compétences industrielles indispensables au soutien et aux nécessaires évolutions de ces matériels soient conser-vées. Même à figer leur définition et accepter de fait leur déclassement progressif au regard de l’évolution des menaces et des critères d’interopérabilité, il est impératif de mainte-nir ces compétences, ne serait-ce que pour assurer la pérennité des capacités militaires actuelles.Ce «!temps long!» des programmes d’arme-ment doit s’appuyer sur une profondeur d’analyse de long terme, indispensable pour assurer la continuité des capacités opération-nelles. Les premiers Rafale livrés devront être retirés du service à compter de 2026, date à laquelle ils atteindront leur limite de vie après plus de vingt années de service. Les conditions du renouvellement de la com-posante aérienne de combat se définissent aujourd’hui compte tenu des délais d’étude et de développement nécessaires pour défi-nir, développer et mettre en place un nou-veau système d’armes.

POUR DES MUTUALISATIONS D’ABORD BILATÉRALES

Pour éclairer les choix des capacités straté-giques à conserver et donner aux forces les moyens de remplir leurs missions, il faut identifier les technologies clés et maintenir

un e#ort soutenu d’études amont. Les capa-cités de la France à exercer sa souveraineté, à «!entrer en premier!» sur un théâtre, à participer à la «!stabilisation!» d’une crise ou à évaluer de façon autonome les situa-tions devront faire appel à des capacités industrielles nouvelles porteuses de muta-tions technologiques de l’outil de défense. Certains domaines, tels que la surveillance de l’espace extra-atmosphérique et de l’es-pace aérien, la cybernétique, l’hypervélocité, la furtivité, la détonique, l’accès aux res-sources satellitaires, l’observation à partir de véhicules stratosphériques, l’ingénierie des réseaux, sont déjà identifiés.Les enjeux pour la puissance aérienne portent sur le renouvellement des capteurs de défense aérienne, l’évaluation de la situa-tion dans l’espace, le renouvellement du mis-sile de dissuasion, la maîtrise des e#ets mili-taires par l’optimisation des charges, la création d’une filière européenne de drones et la mise en place d’un système de combat combinant des moyens pilotés et non pilotés.Le besoin de réaliser et d’atteindre des capa-cités opérationnelles doit rester à la base de tout choix futur en matière industrielle. Ceci est en particulier le cas dans le domaine des études amont, dont le besoin au titre du maintien des compétences pri-mordiales ne fait pas débat, mais pour les-quelles les choix ne devront pas reposer uniquement sur des impératifs industriels. Au regard de l’étendue des besoins capaci-taires et des capacités financières prévi-sibles, toutes les opportunités d’optimisa-tion, de partage ou de mutualisation des coûts de développement, voire de produc-tion, doivent être recherchées.De même, des développements au travers de capacités duales, lorsque cela est possible,

devraient également permettre l’accès à des financements européens dans le cadre du programme H2020 de la Commission euro-péenne. Le renouvellement des radars de défense aérienne représente dans ce cadre une opportunité, compte tenu de leur contri-bution à l’évaluation et à la sécurité aérienne de l’Europe. Le développement de pro-grammes en coopération reste une voie pos-sible, mais elle ne peut s’avérer e$cace que s’il y a une convergence suffisante des besoins, ce qui incite à favoriser dans un pre-mier temps des approches bilatérales avant de les étendre ensuite à davantage de nations.Une réflexion partagée entre l’État et l’in-dustrie devra également porter sur le poids respectif des coûts de MCO, avec pour fil directeur là aussi la satisfaction du besoin opérationnel. Par ailleurs, les constructeurs aéronautiques et les utilisateurs gagneraient à converger sur une nouvelle politique de gestion de risque dans la maintenance des aéronefs, pour en diminuer les coûts. La profondeur de diagnostic de panne désor-mais possible avec les systèmes modernes peut être exploitée di#éremment afin d’op-timiser le niveau de maintenance.L’importance de l’export, enfin, notamment au titre des contributions apportées aux capacités de développement, demeure incontournable. Le soutien étatique dans ce domaine est un élément primordial. Les forces armées en général, et l’armée de l’air en particulier, apportent dans ce cadre, la caution de l’utilisateur national ainsi qu’un accompagnement indispensable à l’expor-tation des matériels de défense de notre industrie nationale.

PAR LE GÉNÉRAL D’ARMÉE AÉRIENNE DENIS MERCIER, CHEF D’ÉTAT-MAJOR

DE L’ARMÉE DE L’AIR

La défense, pilier de l’industrie française

POINT DE VUE

Pour maintenir l’excellence des industries aéronautiques et spatiales françaises, il faut identifier les technologies clés de l’avenir et maintenir un effort soutenu d’études, explique le général Denis Mercier.

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L’OPEN ROTOR, LA NOUVELLE ARME FACE AUX CHINOIS ?

Le succès de la remotorisation de l’A320 tue dans l’œuf les velléités

chinoises de briser le duopole d’Airbus et de Boeing sur le marché des avions moyen-courriers. Il laisse le temps de préparer un nouvel avion qui pourrait entrer en service à l’horizon 2030. Ce dernier pourrait être équipé de moteurs open-rotor qui franchiraient un nouveau saut technologique. Avant l’avion électrique, ce sera le successeur de l’A320 qui permettra à Airbus de maintenir à distance la concurrence chinoise sur le marché des appareils court et moyen-courrier de plus de 150 sièges. Le groupe aéronautique chinois Comac est le plus dangereux de tous les

prétendants à vouloir briser le duopole d’Airbus et de Boeing, dont les best sellers, l’A320 et le B737, se partagent ce marché juteux qui représente plus de 70 % des livraisons d’avions de plus de 100 places.

Fin 2009, Comac a lancé le programme C919, un monocouloir de 150 à 200 sièges, dont l’entrée en service est prévue fin 2016. Pour tuer dans l’œuf le projet chinois qui fait massivement appel aux compétences occidentales, Airbus a décidé fin 2010 de remotoriser l’A320 (A320 Neo). Le succès de la démarche a poussé Boeing à faire de même avec son B737 (B737 Max) et a repoussé la nécessité de lancer un nouvel

appareil. L’A320 Neo et le B737 Max devant entrer en service en 2015 et 2017, Airbus et Boeing ont ainsi du temps pour bien préparer le coup d’après.

Selon Marwan Lahoud, le directeur général délégué d’Airbus Group (lire pages 10 et 11), Airbus devrait lancer ce nouvel appareil au milieu de la prochaine décennie pour une mise en service vers 2030. Un nouveau saut technologique est attendu. Il pourrait notamment provenir de la motorisation : l’open rotor, deux fois plus gros que les moteurs d’aujourd’hui, sans carénage (ce qui permettra d’augmenter le diamètre de la soufflante et donc le taux de dilution et l’efficacité propulsive), et équipé de deux hélices contrarotatives à « ciel ouvert », permettant à l’avion d’atteindre une vitesse équivalente à celle d’un appareil équipé d’un turboréacteur classique.Surtout, avec ses 4 mètres de diamètre, l’open rotor ne pourrait pas se placer sous les ailes. Et serait donc installé en hauteur à l’arrière de l’avion ! Notamment étudié par Snecma comme l’une des options de propulsion post

2030, l’open rotor permettrait de réduire la consommation de carburant de 10 % par rapport au moteur Leap, le dernier cri des moteurs conventionnels de CFM prévu pour entrer en service en 2016 sur l’A320 Neo (en 2017 sur les B737 Max) avec un gain de consommation de carburant de 15 % par rapport aux moteurs CFM56 actuels. Le choix ou pas de l’open-rotor devrait être tranché entre 2017 et 2020. Le bruit, redouté en raison de l’absence de carénage, ne devrait pas être un problème bloquant dans la mesure où l’open rotor devrait afficher des performances proches de celles du moteur Leap. Ce qui n’était pas acquis il y a encore quelques années. Pour autant, s’il offre le plus de potentiel, l’open rotor n’est pas la seule option d’architecture semi-classique, sur laquelle travaillent les ingénieurs pour la période post 2030. Un moteur caréné à fort taux de dilution peut très bien avoir les faveurs des motoristes. Autre possibilité, le marché préfère attendre encore pour disposer d’une architecture de moteurs, cette fois non conventionnelle.

FABRICE GLISZCZYNSKI

Airbus Group a présenté le 25 avril

dernier à Mérignac

son prototype d’avion-école

électrique, le E-Fan.

© JEAN-PIERRE MULLER / AFP

L e 25!avril dernier est peut-être un jour à marquer d’une pierre blanche. À Mérignac (Gironde), un avion léger propulsé à 100"% par des moteurs électriques, l’E-

Fan, a e#ectué un court vol devant un par-terre de journalistes. Ce n’était pas la pre-mière fois qu’un avion électrique prenait l’air. Airbus, avec le Cri-Cri, comme Boeing, a déjà testé en vol des avions électriques légers. Avec ce projet, le groupe européen veut se lancer en grand dans le développe-ment de deux modèles, l’E-Fan 2.0 et l’E-Fan 4.0 pour s’attaquer au marché des avions -écoles, qu’il estime à 21"000 appareils d’ici à vingt ans et dont il veut prendre 10"%. Airbus Group et ses partenaires (Daher Socata, Snecma, Aero Composites Sain-tonge, Région Aquitaine, etc.) vont ainsi investir 50!millions d’euros. Une usine est prévue pour fin 2017, avec un objectif de production de 50 à 80 E-Fan par an"!Airbus Group fabricant d’avions légers, cela a l’air d’une blague. En réalité, derrière ce projet se cachent d’autres objectifs plus stratégiques. Le constructeur, qui doit impérativement répondre aux objectifs européens de réduction des émissions de CO2 et de NOx, n’a guère le choix. Pour y parvenir, il devra inventer des solutions permettant une vraie rupture, qui va bien au-delà de l’avion plus électrique. Si pos-

sible avant Boeing"! Or, seul l’apport de l’élec-trique permet de réduire drastiquement les émissions polluantes des avions. Verra-t-on un jour des avions de ligne transportant des passagers voler avec des moteurs entièrement électriques"? Sans doute pas à court terme, répondent la plupart des spécialistes, dont Jean Botti, le directeur Technologie & Inno-vation d’Airbus Group, qui a porté le projet E-Fan. Mais à plus long terme, c’est-à-dire vers 2025-2030, on peut imaginer une propulsion hybride électrique couplée à une turbine clas-sique à base de carburant fossile.C’est en tout cas ce à quoi réfléchit Airbus Group pour développer un avion régional de 70 à 80 places, disposant d’une autonomie de deux à trois heures environ, dont une partie

de la propulsion serait électrique. Plusieurs défis doivent être relevés. À commencer par le principal, celui de l’autonomie et du rende-ment trop faible des batteries actuelles. L’E-Fan, qui a volé à Mérignac avec des moteurs électriques ayant une puissance totale de 60!kW, était équipé de 120!kg environ de bat-teries Lithium-ion-polymère, tout juste capables de lui assurer 45!minutes de vol. Il faut 30!kg de batterie lithium-ion pour obtenir le rendement d’un kilo de carburant avion. Autrement dit, ce type de batterie a une den-sité énergétique 30 fois inférieure au carbu-rant. On mesure le fossé qui sépare un avion à propulsion classique d’un appareil 100"% électrique. Pour qu’un futur avion régional à propulsion électrique puisse prendre l’air, il

faudrait embarquer 150!tonnes de batteries lithium-ion pour e#ectuer une mission de deux heures de vol, alors que l’ATR 72-600 actuel se contente de 5!tonnes de jetfuel…

DES PISTES POUR RENFORCER LES BATTERIESPour résoudre cette équation, Airbus Group va se doter d’un centre de développement dédié, à Ottobrun, Bavière, équipé d’un banc d’essai statique. Ce site doit ouvrir ses portes en 2015. «!L’objectif est de passer du kilowatt au mégawatt!», résume Jean Botti. Plusieurs tech-nologies de batteries vont y être testées, comme le sodium-ion, sodium-air ou le lithium-air, trois des plus prometteuses. Le sodium a l’avantage d’être 1"000 fois plus abondant que le lithium, ce qui permettrait de réduire les coûts. Par ailleurs, des cher-cheurs sud-coréens ont récemment mis au point une batterie sodium-ion avec une den-sité énergétique de 500 à 600!Wh kg-1, soit le triple du lithium-ion. La technologie sodium-air o#re théoriquement une densité énergé-tique encore plus importante, avec environ 1"600!Wh kg-1. Mais sa mise au point indus-trielle reste à faire car la capacité de charge-recharge est beaucoup plus limitée que le lithium-ion, ce qui pose à l’évidence un pro-blème de durée de vie de la batterie, donc de coût. De même, le lithium-air pourrait appa-raître comme la solution idéale avec une den-sité énergétique de plus du double de celle du sodium-air, donc plus proche de celle du car-burant fossile (environ 5"000!Wh kg -1). D’ail-leurs, certains constructeurs automobiles, comme Toyota, Volkswagen et BMW, tra-vaillent activement sur cette technologie. Mais là aussi, il reste à vaincre certains obs-tacles, comme la faible capacité de recharge. C’est la condition sine qua non pour que ce type de batteries ait une viabilité économique.La pile à combustible à hydrogène est égale-ment l’une des pistes de recherche pour Air-bus Group comme pour Boeing. Là aussi, c’est embryonnaire, mais les applications potentielles font rêver!: une pile à combus-tible pourrait faire tourner le moteur auxi-liaire (APU) au lieu de ponctionner les réser-voirs de kérosène, fournir l’énergie pour la cabine, le dégivrage, la gestion de l’air ou les trains d’atterrissage électriques. Tout cela au lieu de stocker de lourdes batteries lithium-ion. Des essais ont déjà eu lieu, même si les problèmes de sécurité ne sont pas tous réso-lus, comme celui du stockage de l’hydrogène, un gaz extrêmement instable. La guerre de l’électrique ne fait que commencer.!

PAR GUILLAUME LECOMPTE-BOINET

La bataille de l’avion électriqueANTICIPER

L’avion de transport à propulsion 100 % électrique n’est pas près de voir le jour. En revanche, des solutions hybrides sont en cours d’étude. Notamment chez Airbus Group, qui veut prendre de vitesse Boeing.

Le moteur open-rotor à hélices rapides contrarotatives permettrait de réduire la consommation de carburant de 10 % par rapport aux moteurs actuels. © ANTOINE GONIN / SNECMA / SAFRAN

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LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 9L’ÉVÉNEMENT

LA TRIBUNE – L’aéroport Paris- Le Bourget fête son centenaire. Quelle place joue cette histoire dans votre positionnement à l’égard de vos concurrents ?L’importance de l’histoire d’Aéroports de Paris par rapport à nos concurrents est cru-ciale. Avec les cent ans du Bourget, que nous fêtons cet été, nous sommes le premier aéro-port au monde. Une histoire riche et conti-nue. Cette histoire nous donne le devoir d’être le premier groupe aéroportuaire mon-dial. Cela veut dire être capable d’avoir les meilleures équipes professionnelles et d’as-surer le meilleur service dans le maximum d’implantations dans le monde. Ces chal-lenges extérieurs sont indispensables pour maintenir les équipes dans le peloton de tête de la compétition internationale. L’amélio-ration de la qualité du service est ma prio-rité. Je souhaite créer une véritable marque internationale d’aéroports. Nous sommes en réalité à l’an zéro des aéroports à l’échelle de l’histoire universelle. Cent!ans d’âge est à la fois immense par rapport à nos concurrents, mais modeste dans l’absolu. Faire évoluer notre modèle, en tirant les leçons de notre histoire exceptionnelle, est aujourd’hui le défi de notre entreprise.

Quel rôle joue ce centenaire dans la motivation des équipes d’Aéroports de Paris ?Ce centenaire est très important, car c’est en puisant dans les racines de notre histoire que je souhaite inviter nos collaborateurs à être innovants. C’est au Bourget qu’a été créé le premier aéroport moderne interna-tional. C’est dans le groupe Aéroports de Paris que je souhaite créer le premier groupe aéroportuaire mondial.

Le Bourget a été un peu laissé pour compte par Aéroports de Paris, qui s’est concentré sur Orly puis Roissy. C’est actuellement le premier aéroport d’aviation d’affaires en Europe. Quel rôle a-t-il dans l’avenir d’ADP ?Si vous raisonnez en termes comptables, en excédent brut d’exploitation, Le Bourget représente quelques millièmes d’Aéroports de Paris. Si vous raisonnez en âme et en esprit, Le Bourget est la racine d’ADP. C’est au Bourget que Lindbergh atterrit lors du premier New York-Paris… Les aéroports de Paris sont le berceau de l’aviation mondiale, Santos-Dumont, Farman, Blériot, Voisin, les frères Wright… Tous ont réalisé leurs exploits dans le ciel de Paris. Je n’oublie pas les terrains d’aviation générale, Toussus-le-Noble, Pontoise, Chavenay, Saint-Cyr, Lognes… j’attache un très grand prix à cette histoire qui croise celle de la culture de la troisième dimension. Ainsi, le Bourget a une place, au sein du groupe Aéroports de Paris, bien supérieure à sa contribution à notre excédent brut d’exploitation. On parle beaucoup de l’évolution des villes vers les smart cities. ADP ne pourrait-il pas être un laboratoire de ces évolutions ?Oui, à deux égards!: d’abord parce que les villes viennent près des aéroports. Dans l’An-tiquité, les villes venaient près des ports. Au "#"e!siècle, les villes s’agrégeaient autour des chemins de fer. Au ""e!siècle, ce sont les auto-

routes. Au ""#e!siècle, les villes viennent dans les aéroports, alors que ceux-ci étaient construits loin d’elles auparavant. L’intégra-tion de la ville est donc inscrite à notre ordre du jour. L’irruption du sujet urbain dans l’aéro-port se fait au moment où les nouvelles tech-nologies arrivent, ce qui a vocation à faire de nous un laboratoire de la ville connectée. Depuis un aéroport parisien, il est très difficile de relier le centre de Paris. Cela construit une mauvaise image internationale de la capitale. Que ferez-vous pour que cela change ?L’accès aux aéroports parisiens ne contribue pas à leur bonne image, c’est indéniable. Qu’il s’agisse de Charles-de-Gaulle ou d’Orly, nous avons un déficit dans ce domaine. Ce problème va être réglé par deux nouvelles lignes!: la première, qui nous tient particulièrement à cœur, est la Charles-de-Gaulle Express. Elle reliera en vingt minutes la gare de l’Est à Charles-de-Gaulle quatre fois par heure. C’est une ligne que j’espère ouvrir en 2023.Par ailleurs, nous avons deux projets de ligne du Grand Paris, qui sont les deux extrémités de la ligne 14!: d’une part l’extrémité qui ira à Orly, et dont j’espère qu’elle pourra arriver dès 2023-2025, et d’autre part la ligne dite «!rouge!» du Grand Paris, qui desservira Le Mesnil-Amelot en passant par Roissy-Charles-de-Gaulle. Nous aurons donc deux nouvelles lignes de transport collectif pour l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et une nouvelle ligne pour Paris-Orly. Les relations entre Aéroports de Paris et les collectivités territoriales (régions, Paris, Le Grand Paris) semblent distantes. Quelle est votre analyse ?Les relations entre Aéroports de Paris et les collectivités territoriales sont anciennes et confiantes. Néanmoins, nous attachons du prix à les développer. Songez par exemple que le maire d’Atlanta fait corps avec son aéroport et en est presque un ambassadeur.

Je souhaite qu’avec Anne Hidalgo, le nouveau maire de Paris, nous puissions être des ambassadeurs de la ville de Paris et que Madame le maire puisse également valoriser tout l’acquis et la force de projection de l’aéroport de Paris. Les compétiteurs d’Aéroports de Paris, Londres, Francfort… vous mènent la vie dure. Comment continuer la course en tête ?Pour qu’Aéroports de Paris demeure le pre-mier hub d’Europe, avec 25$000 capacités de connexion en moins de deux heures en une semaine, contre environ 10$000 pour nos concurrents, il est capital de développer notre qualité de services, d’adapter nos infrastructures et de réfléchir à notre struc-ture tarifaire, pour éviter que les correspon-dances ne soient excessivement chères par rapport à nos principaux concurrents. Vous avez acquis 38 % de TAV, exploitant des aéroports turcs. Mais les positions stratégiques ne se situent-elles pas plus loin, entre Europe et Asie ?La prise de participation d’ADP dans TAV Airports de 38$% est une action positive menée par mon prédécesseur, Pierre Gra%. Ce groupe est extrêmement dynamique, non seulement dans l’exploitation d’aéroports, mais aussi dans la construction, puisque nous avons également acquis 49 $% de TAV Construction, qui est le troisième construc-teur d’aéroports au monde et le premier, de loin, dans la zone Moyen-Orient. C’est un groupe qui connaît une croissance de l’ordre de 15$% par an et qui nous apporte beaucoup de complémentarités sur le plan financier, mais aussi sur le plan de l’expertise et des ressources humaines. Aéroports de Paris est partenaire du Paris Air Forum. Pourquoi avoir souhaité participer à la tenue du débat d’idées ?Notre partenariat avec La Tribune et Forum Média pour ce forum est au cœur de ma vision de l’entreprise dans la cité. Dans une société en crise, qui manque de bonnes nou-velles, l’aéronautique en est une, majeure. Le secteur de l’aéronautique apporte aujourd’hui une croissance à nulle autre pareille. La première usine, aujourd’hui, en France, n’est pas une usine automobile, c’est une usine d’ avions. Le secteur aéronautique a été enfanté par la France. Nous avons aujourd’hui des fabricants d’avions, des sous-traitants, une très belle compagnie aérienne, une très belle compagnie d’aéro-ports, qui est la première capitalisation mondiale de groupes d’aéroports. Toutes ces bonnes nouvelles du passé annoncent les bonnes nouvelles du futur! : créations d’emplois, développement, opportunités. En lançant cette idée du Paris Air Forum avec nos deux partenaires, nous avons voulu contribuer à témoigner des atouts du monde de l’entreprise, de ceux qui inventent l’avenir en construisant le présent. PROPOS RECUEILLIS PAR MAX ARMANET

ENTRETIENAugustin de Romanet, PDG d’Aéroports de Paris (ADP)

«!Au ""#e!siècle, les villes viennent dans les aéroports!»Le patron d’ADP veut faire du centenaire du Bourget l’occasion de mobiliser l’entreprise dans une compétition mondiale pour l’excellence du service et l’innovation. Un défi pour ADP, qui veut rester le premier hub en Europe et mise sur les projets de connexion directe entre Paris, Roissy et Orly.

Des avions d’Air France

(et un d’Alitalia) au terminal 2F

de Roissy-Charles-de-Gaulle.

© CAMBON SYLVAIN / AÉROPORTS DE PARIS

Selon le PDG d’ADP, « dans

une société en crise,

qui manque de bonnes nouvelles,

l’aéronautique en est une, majeure ». © STÉPHANE DE BOURGIES / ADP

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LA TRIBUNE DE…10 I

PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL CABIROL, FABRICE GLISZCZYNSKI ET PHILIPPE MABILLE

LA TRIBUNE – L’industrie de défense française a, en permanence, une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, avec des coupes budgétaires qui peuvent arriver à tout moment. Comment gérez-vous cette situation ?MARWAN LAHOUD – Quand l’État a be-soin de faire des économies, le budget de la défense est le premier vers lequel Bercy se tourne. D’un trait de plume, il peut sup-primer des crédits, avec des conséquences qui sont gérées par les industriels, lesquels s’adapteront quoi qu’il arrive, et les armées. Notre travail est d’adapter l’outil industriel à la demande. Il existe très peu d’acteurs in-dustriels de premier rang qui sont purement défense. Ce qui veut dire qu’il y a très peu d’acteurs très dépendants du budget de la défense. Si je prends, par exemple, Dassault Aviation – car tout le monde pense naturel-lement que l’avionneur ne vit que grâce au Rafale –, et bien Dassault Aviation, c’est 70!% de chi"re d’a"aires dans le civil!! Pour Airbus Group, c’est 80-20. Vous avez besoin de visibilité…Exactement. La seule exigence que nous avons face aux responsables politiques, nous, dirigeants d’entreprises, est#: «#Dites-nous ce que vous prévoyez et surtout ne changez pas les règles au milieu de l’exercice.#» Nous avons été rassurés par le Président de la Ré-publique et le Premier ministre. Pourtant, en tant qu’industriel de la défense, vous savez ce que valent les promesses des politiques…L’industrie dispose actuellement d’un cadre, qui est la loi de programmation mili-taire (LPM), et d’un budget de la défense en 2014. L’exercice budgétaire est un art di$cile. Mais la situation aurait été di"é-rente si les arbitrages du Président et du

Premier ministre s’étaient terminés par une révision de la LPM. Ce n’est pas le cas et aujourd’hui, la LPM votée fin 2013 est maintenue. Elle va nous permettre de travailler avec un cadre bien défini. Mais évidemment, nous nous adapterons aux décisions conjoncturelles. Où en est Airbus Group dans ses discussions avec la Direction générale de l’armement (DGA), pour étaler vos programmes ?Les négociations sont en cours. C’est fait pour le NH90 [hélicoptère de transport militaire d’NHIndustries, ndlr] depuis l’année dernière. Sur l’A400M et le MRTT [avions de transport militaire d’Airbus], nous sommes sur le point d’aboutir. Une des obligations de la DGA avant de signer un contrat est d’avoir une assurance rai-sonnable que l’État peut honorer ses enga-gements. Actuellement, il n’est pas illo-gique qu’il y ait un peu de flottements dans les négociations, tant de notre côté que du côté de la DGA. Les risques de délocalisation et le chantage à l’emploi ont-ils pesé dans vos discussions avec l’État ? Nous n’avons jamais fait de chantage. En revanche, nous avons mis en avant non seulement les créations d’emplois dans le civil, mais aussi la contribution positive de l’industrie de défense à l’économie du pays, à la balance commerciale, aux trans-ferts technologiques du militaire vers le civil… Pour la France, c’est un investisse-ment productif. Dans le monde entier, il n’y a pas d’industrie aéronautique civile de grande envergure qui ne fonctionne sans un pendant militaire. On ne peut pas faire des économies sur un secteur qui marche en France.

Sans un budget de la défense raison-nable, l’industrie aéronautique civile française peut-elle perdre son leadership ? C’est l’une des thèses que nous avons soute-nue. L’industrie aérospatiale française n’a de sens que si elle est en même temps présente dans le secteur de la défense. C’est encore vrai aujourd’hui, même si le CA de l’indus-trie française entre civil et militaire s’est inversé depuis vingt ans. Le ratio est 70-30, voire 75-25 pour le civil. Mais, il faut à cette industrie ce socle militaire qui lui permet de fonctionner et de rester parmi les meilleurs. Tous les grands pays aéronautiques fonc-tionnent comme cela, à l’image des Améri-cains, des Chinois, des Russes et même des Brésiliens. Ce message est bien passé et il a été entendu par les pouvoirs publics.

Le succès de cette industrie repose sur la dualité. Quelles sont les prochaines technologies militaires qui vont profiter au civil ? Je suis convaincu que les technologies des vols autonomes [drone] migreront vers le civil.

Ira-t-on vers des avions commerciaux sans pilote ? Pas sans pilote. Mais on va adapter des tech-nologies militaires (liaisons de données,

liaisons sol-bord, des liaisons bord-sol…) au secteur commercial. Tom Enders, le président d’Airbus Group, a récemment expliqué qu’il ne se lancerait plus dans des programmes européens. Est-ce trop compliqué et trop risqué financièrement ?Il y a façon et façon de faire des pro-grammes européens. Des programmes ont bien marché, comme le missile air-air Meteor et le missile de croisière de longue portée Scalp. C’est de cela dont il faut s’ins-pirer. Pour l’A400M, nous le referions cer-tainement di"éremment. Pour Airbus, quelle est la répartition idéale des capacités de production du groupe Europe et hors Europe ?Aujourd’hui, la répartition est de 90!% dans les quatre pays Airbus la France, l’Alle-magne, le Royaume-Uni et l’Espagne. Il faut que le groupe ait plus de monde en dehors. Une répartition 80-20 serait déjà un bon objectif. Nous ne nous sommes pas fixé d’horizon pour l’atteindre. Cela dépendra beaucoup des circonstances et de la crois-sance du groupe. Quelle est votre cible hors d’Europe ?Nous voulons être près de nos clients. Donc en Asie, qui fait l’essentiel du marché civil. Il va falloir que l’on aille plus loin en matière de localisation asiatique de nos capacités. Il ne faut pas non plus oublier le marché de re-nouvellement des compagnies américaines. C’est ce qui explique que l’on a monté une ligne d’assemblage d’A320 en Alabama. Le groupe chinois Comac développe un avion court et moyen-courrier de plus de 150 sièges, un créneau que se partagent Airbus et Boeing. Vu

MARWAN LAHOUD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ À LA STRATÉGIE ET À L’INTERNATIONAL D’AIRBUS GROUP «!Il faut à l’industrie aérospatiale française un socle militaire!»Marwan Lahoud, qui préside aussi le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), explique pourquoi il est crucial de préserver en France une industrie de défense forte pour nourrir l’innovation dans le civil. Et de se préparer à la concurrence chinoise ainsi qu’à l’arrivée de nouveaux concurrents, tels SpaceX.

«!Pour la France, l’industrie de défense est un investissement productif »

@MCABIROL

@FGLISZCZYNSKI

@phmabille

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l’avance technologique que vous avez, la menace est-elle vraiment sérieuse ?Il ne faut pas prendre la menace chinoise à la légère. Le pire qui puisse nous arriver, c’est l’excès de confiance. Les Chinois fe-ront de bons avions et les vendront. C’est indéniable. Pour autant, il ne faut pas jouer non plus à se faire peur en disant qu’ils sont à nos portes. Le sujet n’est pas là. Il est de savoir comment nous pouvons continuer à faire la course en tête. Nous ne serons pas capables de les concurren-cer sur les packages financiers qu’ils pour-ront proposer aux compagnies aériennes, même si nous sommes déjà très compéti-tifs sur ce plan. Seule notre avancée tech-nologique nous permettra de conserver notre avance. Nous devons être en mesure de concevoir des avions qui réduisent davantage les coûts opérationnels des compagnies aériennes que les leurs, tout en proposant des o!res plus élaborées qui incluent toute une série de services attachés à la vente de l’avion, comme la gestion de la flotte des compagnies ou la formation de leurs personnels… En outre, nous disposons de deux points forts que les industriels chinois n’ont pas et que nous devons développer" : le réseau de commercialisation et de maintenance, et notre réputation. Ce sont là les points de compétitivité d’Airbus face aux Chinois. En matière de produits, quelles seront les prochaines étapes d’Airbus ?Nous avons lancé plusieurs programmes ces dernières années. Aujourd’hui, il y a des améliorations incrémentales à faire. Nous avons deux grands sujets. Nous devons trancher sur la remotorisation de l’A330, un biréacteur long-courrier de 200 à 300 sièges. Il y a un marché pour l’A330 Neo. Mais il faut voir si nous avons les bras nécessaires pour le mener à bien, sachant que nous avons encore des activités de développement. J’espère que nous serons à même de prendre une décision rapidement. Le second sujet est la gestion des cadences, des livraisons de l’A320 Neo, qui connaît un énorme suc-cès. Ce dernier e!ectuera son premier vol d’essai en septembre pour une mise en service en 2015. Le PDG d’Emirates souhaite une remotorisation de l’A380, qu’en pensez-vous ?Nous prenons en compte avec grand inté-rêt les remarques d’Emirates. Mais chaque chose en son temps. Nous devons non seulement analyser si nous pouvons sup-porter un tel projet, mais aussi mesurer la taille de ce marché. Le calendrier de la mise en service est un facteur important. Nous regardons.

La certification de l’A350 se déroule bien, comment se présente la montée en cadence ?La certification se présente en e!et cor-rectement. Le premier appareil sera livré à Qatar Airways au quatrième trimestre. Quant à la montée en cadence, c’est un sujet lourd pour toute la chaîne des fournisseurs, y compris internes. Mais, c’est un problème classique dans l’industrie aéronautique. Y a-t-il un risque que les sous-traitants ne tiennent pas le rythme ?J’ai tellement vu dans le passé des commentaires péremptoires a#rmant que l’on ne pourrait jamais produire quinze A320 par mois, puis vingt, puis trente, puis quarante et aujourd’hui nous nous dirigeons vers une production de quarante-six appareils par mois. Ce sont des niveaux de production élevés et nous sommes très prudents dans la gestion de notre montée en cadence. Si l’on se contentait de suivre le carnet de commandes, on pourrait monter beaucoup plus vite. Mais les époques di#ciles que nous avons connues nous appellent à la prudence.

Le Gifas dénonce les aides que l’État de Washington a décidé d’accorder à Boeing pour son B777X. Allez-vous déposer plainte à l’OMC, comme cela a été fait pour le B787 en 2004, juste après la plainte déposée par Boeing contre l’A350 première version ? Je ne dis pas que nous ne porterons pas plainte. Nous avons passé dix ans sur la plainte précédente. Le fait que l’OMC ait

condamné les exemptions fiscales des États d’un pays fédéral, n’empêche pas l’État de Washington d’accorder une aide de 8,7"mil-liards de dollars à Boeing pour son B777X. Allez-vous continuer à demander des avances remboursables ?La question ne se pose pas, car il n’y a pas de programmes nouveaux. Il faut être prag-matique. Si nous pouvons nous entendre avec les États sur ce sujet, si le système est bénéfique pour eux et pour nous, il serait dommage de nous en priver. Mais pas à n’importe quelles conditions non plus. Pour les États, c’est un bon investissement. Dans l’espace, en créant une société commune avec Safran, Airbus Group a-t-il enfin privatisé Ariane 5 ?Mieux vaut avoir 50$% de quelque chose que 100$% de rien plus tard. Pour rester com-pétitifs face à des concurrents qui arrivent d’autres horizons, comme Elon Musk, le PDG de SpaceX, ou d’autres qui viendront de mondes complètement di!érents, il fal-lait changer la gouvernance et la manière de concevoir les lanceurs. Avec SpaceX, nous avons un entrepreneur qui vient d’un monde di!érent, qui ne s’embarrasse pas de problématiques de gouvernance. SpaceX coupe avec le modèle d’économie mixte que l’on retrouve partout, moitié institutionnel, moitié piloté par les agences spatiales. Oui, mais SpaceX est lui aussi soutenu par la Nasa… Certes, ils bénéficient du marché instit-

tionnel de la Nasa. J’aimerais bien d’ailleurs qu’Arianespace ait plus de lancements ins-titutionnels de la part de l’Europe. Pour autant, le modèle SpaceX est entièrement privé avec un entrepreneur qui investit son argent personnel. Et le modèle fonctionne. Contrairement aux idées reçues, de nou-veaux entrants bousculent les acteurs tradi-tionnels et obtiennent un retour sur inves-tissement. SpaceX a peut-être déjà un retour sur investissement. Cela va donner des idées à d’autres tycoons. Aussi, pour répondre à cette concurrence et ne pas être condamné à terme à disparaître, il fallait, avec Safran, changer la gouvernance d’Ariane, changer notre façon de voir. C’est pour cela que nous avons créé une société commune regrou-pant les systèmes de lanceurs d’Airbus et la propulsion de Safran. Des intermédiaires turcs ont déposé une plainte en France contre le groupe pour des différends commerciaux. Comment réagissez-vous ? Il y a beaucoup de fantasmes autour de ces sujets, beaucoup de «"on dit"». C’est facile de raconter une histoire. Nous travaillons avec beaucoup de fournisseurs. Il peut y avoir des di!érends commerciaux. Airbus dis-pose d’un système de conformité modèle, dans lequel je me suis investi personnelle-ment. Tom Enders y est très attaché, non seulement pour éviter qu’il y ait des mau-vaises pratiques, mais aussi pour qu’il n’y ait pas de soupçons. Quant aux accusations de détournement de fonds à des fins person-nelles, cela relève de la di!amation.

PACTE DE RESPONSABILITÉ : « IL FAUT PASSER DU DISCOURS AUX ACTES »Louis Gallois, l’ancien patron d’EADS, a beaucoup contribué à changer la politique économique de la France, avec une priorité donnée à la compétitivité des entreprises. François Hollande va-t-il assez loin avec son pacte de responsabilité ?L’intention du rapport Gallois, qui connaît bien le secteur aéronautique, était bonne. Mais les seuils de réduction des charges patronales ne sont pas assez élevés pour résoudre nos besoins de compétitivité.

C’est d’ailleurs vrai pour toutes les entreprises exportatrices, où les niveaux moyens de diplôme, donc de salaires, sont plus proches du niveau de 3,5 Smic qu’avait proposé Louis Gallois. Le pacte de responsabilité va plus loin que le Crédit d’impôt compétitivité et emploi. Nous avons l’intention de jouer le jeu. Nous avons fait des propositions au niveau des branches professionnelles du secteur en termes d’investissement et

d’emploi et nous sommes impatients de voir aboutir la démarche lancée par François Hollande et Manuel Valls en faveur des entreprises. Je reconnais qu’un basculement important s’est produit lorsque le gouvernement a dit et reconnu que ce sont les entreprises qui font l’emploi. Il faut maintenant passer du discours aux actes ! Et proposer un dispositif d’ensemble qui fonctionne, renforce la compétitivité de nos industries durablement.

Quel sera l’effet du pacte pour l’industrie aéronautique ?Cela va surtout jouer en faveur des exportations, car cela va nous permettre de compenser un peu la force de l’euro et nous rendre plus compétitifs sur le plan commercial. Quel est l’effet pour le groupe d’un euro qui reste campé à 1,35 $ ? L’effet principal est que l’on doit se couvrir pour se protéger d’un dollar trop faible, qui reste la principale devise de facturation de notre

secteur. Et que ces achats de couvertures nous obligent à dépenser du cash, ce qui rend notre résultat plus volatil qu’il ne devrait l’être. Nous serions évidemment plus à l’aise avec un euro autour de 1,20, car le coût de nos couvertures serait alors plus raisonnable. Airbus Group parvient-il à vendre des avions en euros ? On ne demande que ça. Quelques compagnies acceptent, dans le Golfe ou en Asie. Cela reste confidentiel.

© MA

RIE-A

MÉLIE

JOUR

NEL

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ENTREPRISES

Des espaces de coworking et d’accueil d’événements, une structure de coaching et d’aide à la levée de fonds… Au cœur du Silicon Sentier, à Paris IIe, cette ruche de 1 500 m2 réunit tous les ingrédients pour faire émerger les jeunes pousses du numérique. Suivez le guide !

S weat à capuche, tee-shirt et baskets, une dizaine de jeunes pianotent sur leurs ordinateurs portables autour de grandes tables rectangulaires. En face, une cafétéria où certains discutent en grignotant

leur sandwich. Près de l’entrée, d’autres mènent leurs conciliabules dans un petit espace détente, tablette et iPhone en main. Telle est l’ambiance au rez-de-chaussée du Numa. Une atmosphère agréable… mais surtout studieuse. Et c’est une volée de «!chut"!!» courtois qui rappelle à l’ordre tout

visiteur un tant soit peu bruyant.Calqué sur les écosys-tèmes de travail de la Silicon Valley, le Numa a ouvert ses portes fin 2013 au 39, rue du!Caire, dans le IIe!arrondissement de Paris. Cette ruche de 1"500!m2 sur six étages est entièrement dédiée à l’incubation

des start-up les plus prometteuses. Des entrepreneurs en herbe aux développeurs, des ingénieurs aux financiers… On croise ici tout l’éventail des professionnels qui parti-cipent à l’éclosion des jeunes pousses des nouvelles technologies. Tirant son nom d’une contraction entre «!numérique!» et «!humain!», le Numa apparaît comme un fer de lance de la création numérique dans

2 000C’est le nombre de start-up accompagnées en treize ans par l’association Silicon Sentier, dont le Numa prend la succession et amplifie l’action.

l’Hexagone. En témoignent les 7"000 per-sonnes présentes lors de son inauguration, le 14!novembre dernier. Avec, en invitée de marque, Fleur Pellerin, alors ministre en charge de l’Économie numérique.Il faut dire que derrière ces murs flambant neufs se cachent toute l’expertise et l’expé-rience de Silicon Sentier. À l’origine du Numa, cette association est l’un des plus anciens et importants incubateurs de start-up made in France. Du haut de ses treize ans d’existence, celle-ci a déjà accompagné plus de 2"000 start-up via des espaces de cowor-king et des programmes spécifiques. Jusqu’alors dispersées dans di#érents lieux de la capitale, ces initiatives sont aujourd’hui rassemblées au Numa. Pour financer son immeuble, Silicon Sentier a décroché des financements auprès de la mairie de Paris (0,9!million d’euros), de la région (1,2!mil-lion), auxquels il faut ajouter plus de 113"000!euros de financement participatif.Pour Adrien Schmidt, le président de Silicon Sentier, le Numa constitue d’abord un carre-four entre tous les acteurs du numérique. Pour ce faire, une trentaine d’événements sont organisés chaque semaine. Pêle-mêle, on y trouve des réunions d’aide à la levée de fonds, des tables rondes sur le marketing et les réseaux sociaux, ou des présentations de start-up qui ont réussi. Récemment, le Numa a ainsi accueilli des responsables d’Open Street Map, un spécialiste réputé de la carto-graphie collaborative. Pour attirer un maxi-mum d’acteurs, le Numa ne fait pas payer d’entrée. Au rez-de-chaussée, il o#re même un espace de coworking gratuit. «!On vient, on

s’installe avec son ordinateur, on se connecte à Internet… Nul besoin de consommer quelque chose à la cafétéria!», souligne Adrien Schmidt.

LE LIEU D’UNE PHILOSOPHIE CONCRÈTE DE L’ENTRAIDE

Au premier étage, place au coworking payant. Moyennant 15!euros par jour ou 300!euros pour un forfait au mois, quelques dizaines de personnes bûchent sur leurs écrans et dis-posent d’un casier personnel. «!À côté des free-lances, on accueille régulièrement des petites entreprises, des associations ou des journaux!», a$rme Marie- Vorgan Le Barzic, déléguée générale de Silicon Sentier. À l’instar de Satellinet, un site d’information spécialisé dans l’actualité de la communication et de la presse en ligne.Ici, les cellules grises s’activent, les idées naissent et… les équipes se forment. Installée depuis janvier, Julia développe une applica-tion mobile de guide de voyage culinaire. Ne venant pas du monde du numérique, elle a trouvé au Numa «!une formation continue!», pour faire avancer son projet. Au-delà des événements destinés à se familiariser à la création de start-up, elle a déniché ici son designer Web. «!Le vendredi, des “co-lunch” sont organisés, explique-t-elle. Chaque cowor-ker apporte quelque chose à manger, à partager. Avant le repas, chacun se présente lors d’un tour de table, explique sur quoi il travaille. Un desi-gner Web était assis en face de moi. On a discuté, et, après deux ou trois rendez-vous, il m’a fina-lement aidé à faire mon site.!»

La collaboration, ce pilier de l’entreprise 2.0 tant vanté pour ses vertus innovantes, rythme le quotidien des coworkers. «!Personne ne travaille dans son coin. Si j’ai besoin d’aide, d’une compétence particulière, je peux trouver la bonne personne sur le réseau social interne, puis l’interpeller directement. Jamais on ne m’enverra balader, ce n’est pas la philosophie!», insiste Antoine, 31 ans, qui planche sur un projet de téléconsultation médicale. Chez ces jeunes entrepreneurs, on se serre les coudes. «!Pour tester la “V1” de mon appli en Thaïlande, j’avais besoin de voyageurs prêts à l’utiliser sur leurs smartphones!», raconte Julia. Après avoir expliqué son besoin sur les ardoises de l’open space, elle a glané «!une dizaine de testeurs directement liés au Numa!».Baptisé Experiment, le deuxième étage fait le pont entre l’univers des start-up et celui des écoles et des grandes entreprises. On y trouve notamment Data Shaker. Ce pro-gramme permet aux grandes entreprises de mobiliser la capacité d’innovation de la sphère numérique (lire La Tribune, no!95 du 27!juin 2014). Récemment, la SNCF a ainsi frappé à la porte du Numa. «!Ils ont mis à notre disposition un grand nombre de données internes pour développer de nouveaux produits et services liés à leur écosystème, explique Gaya-tri Korhalkar, membre de ce programme. De notre côté, on a mobilisé les porteurs de projets qu’une telle collaboration pouvait intéresser.!»En quelques mois, après une phase de recru-tement et d’accompagnement, six start-up ont été sélectionnées. Parmi les projets rete-nus, on trouve Home Now. Grâce à un sys-tème de géolocalisation et d’alertes, cette

PAR PIERRE MANIÈRE

@pmaniere

215 millions d’eurosC’est l’enveloppe consacrée par le gouvernement pour promouvoir et aider les start-up de l’Hexagone. Cette manne a été dévoilée au mois de novembre par Fleur Pellerin, ex-ministre en charge de l’Économie numérique. Elle constitue le bras financier du projet de quartiers numériques et de son label French Tech.

Le Sentier, une fourmilière…Le Numa ne s’est pas installé dans le Sentier par hasard. Plus de 200 start-up du numérique ont déjà élu résidence dans ce quartier autrefois chasse gardée des grossistes du textile et où une petite Silicon Valley commence à voir le jour. Preuve de ce dynamisme, en janvier 2013, Google a annoncé un investissement d’un million d’euros sur plusieurs années dans le Numa, qui s’impose comme le vaisseau amiral de ce nouvel écosystème.

… en attendant la halle FreyssinetBâti dans les années 1920, la halle Freyssinet, bâtiment ferroviaire du XIIIe arrondissement de Paris, va devenir un méga-incubateur pour 1 000 jeunes pousses. À l’initiative de Xavier Niel, le patron de Free, ce village numérique verra le jour courant 2016, une fois sa rénovation achevée. Au total, le coût du projet avoisinera les 150 millions d’euros.

Voyage au cœur du Numa, incubateur géant de start-up

INVENTER

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LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

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application permet à son utilisateur de ne jamais manquer le dernier transport de la journée. Certes, la SNCF aurait pu faire appel à une agence pour développer ce type de services. «!Mais cela aurait pris au moins cinq ans"!, souligne Gayatri Korhalkar. Sur-tout, nous pouvons mobiliser l’écosystème numérique de manière beaucoup plus large.!» Ce qui, en définitive, démultiplie les propo-sitions innovantes.Le troisième étage, lui, constitue le saint des saints pour beaucoup de coworkers. C’est le territoire du Camping. Ici, les start-up bas-culent de l’idée au business lors d’un pro-gramme intensif basé sur le mentorat. La sélection est drastique!: seules deux vagues de douze start-up par an sur un total de 500 projets bénéficient de cet accompagnement. À la tête de LocalEyes, Olivier Mougenot vient d’achever le programme. Son applica-tion permet aux marques de récupérer en temps réel des informations sur la présence de leurs produits en magasin, via leurs clients. Avec plus de 28"000 utilisateurs et des clients réputés comme Microsoft, Bic ou Fer-rero, LocalEyes vient de lever 300"000!euros auprès de business angels.

QUAND COSTUMES-CRAVATES ET GEEKS FONT BON MÉNAGE

Pour Olivier Mougenot, le Camping a fait o#ce de catalyseur. «!Le projet a pris une tout autre dimension en termes de visibilité, d’attrac-tion et de déploiement, explique ce diplômé d’école de commerce de 32 ans et passé par

la banque d’investissement. En premier lieu, le Camping nous a permis de trouver notre CTO [Chief Technology O#cer pour directeur de la technologie, ndlr] lors d’un colloque. On a beaucoup profité d’échanges techniques avec les ingénieurs d’autres start-up. Au moment de la levée de fonds, en décembre, on a bénéficié de conseils d’experts. Enfin, il y a ici un côté rassu-rant, car on est entouré de gens qui font la même chose que nous. Si on était dans l’univers de cadres d’une grosse boîte, ils nous regarderaient comme des ovnis.!»Pourtant ce jour-là, les rôles sont inversés. Au quatrième étage, une horde de costumes-cravates et tailleurs sombres prend sa pause déjeuner dans la grande salle de conférences du Numa. Il s’agit du comité exécutif de Per-sonal Finance, une filiale de BNP Paribas, venu faire le bilan de leur stratégie digitale. Dans ce contexte, «!le choix du Numa s’est fait naturellement, d’autant que nous sommes par-tenaires de cet incubateur!», explique Marianne Huvé-Allard, directrice de la communication de Personal Finance. «!Certes, ce n’est pas un univers habituel pour des spécialistes du crédit à la consommation"! Mais cela ne nous fait pas peur!», poursuit la responsable, soulignant l’importance de prendre le pouls de «!cette atmosphère de création digitale!».Car, dans le monde du numérique, les inno-vations proviennent bien souvent des «!petits!». Et les «!gros!», s’ils veulent en sai-sir les opportunités, ne peuvent plus se per-mettre de fonctionner en vase clos. À n’en pas douter, les carrefours rassembleurs comme le Numa ont donc de beaux jours devant eux.

«Améliorer son management de santé et de sécurité au travail permet de réduire le taux d’absentéisme et les accidents du travail. Nos solutions permettent de gérer l’obligation de la prévention, et de la transformer en source de performance», plaide Hubert Krebs. Le fondateur de Eurosoft Plus, une société informatique lorraine d’une vingtaine de salariés, a décidé en 2012 de développer Eureka Plus, un progiciel qui permet de structurer les résultats du diagnostic pénibilité d’une entreprise et de générer automatiquement une fi che pour chaque salarié concerné. «Aujourd’hui cette solution permet d’automatiser la traçabilité des expositions et de calculer dans quelle mesure les futures cotisations seront impactées. Les informations sont prêtes à être imprimées à partir du logiciel ou exportées vers le logiciel de paye», souligne Hubert Krebs.Pour réaliser ce programme, il a reçu le soutien de Bpifrance, en

2012. «Bpifrance nous a accordé 750.000 euros sous forme d’une avance remboursable. Cette somme nous a permis de créer trois emplois hautement qualifi és.» Jusqu’alors, Hubert Krebs, qui a fondé son entreprise en 1991, n’avait jamais voulu solliciter d’aide publique, ce qu’il regrette un peu aujourd’hui : «si j’avais fait appel plus tôt à Bpifrance, notre croissance aurait été plus rapide. Bpifrance dispose de solutions adaptées à toutes les situations.» Surtout, il apprécie la réactivité de traitement de ses demandes au sein du groupe public : «Nous avons noué une relation de confiance avec les équipes de Bpifrance La négociation de cette aide a été conclue en six mois et le contrat scellant notre accord tient en seulement cinq pages. C’est simple et rapide avec Bpifrance.» Avec la commercialisation d’Eureka Plus, Eurosoft Plus prévoit de dépasser 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année.

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Hubert Krebs, fondateur d’Eurosoft Plus ©Eu

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INTERVIEW EXPRESS ROMAIN LAVAULT« L’équipe, c’est 80 % de la valeur d’un projet d’amorçage »

En tant que financier, quelle est votre relation avec le Numa ? Lors de la dernière saison du Camping [le programme d’accompagnement de start-up du Numa, ndlr], je faisais partie du jury d’entrée. À ce stade, les boîtes ne sont même pas encore nées. Il y a de tout. Cela va du porteur de projet solitaire qui nous présente son prototype, à de petites équipes dotées d’un simple PowerPoint… Certaines de ces start-up en devenir nous intéressent pour nos investissements d’amorçage. Sachant que depuis juin dernier, nous disposons d’un fonds dédié de 30 millions d’euros.

Dans combien de sociétés du Camping avez-vous investi ? Quatre au total. Les sociétés sur lesquelles on a misé ont un historique assez court, entre six et douze mois d’existence. Mais pour nous, l’important, c’est de voir les équipes se former, travailler et évoluer. Sachant que sur un projet de ce type, l’équipe, c’est 80 % de la valeur.

On se presse toujours au Numa

lors d'une présentation

de projet. Bien des équipes

naissent de ces rencontres. © JACOB KHRIST

Colorée, résolument geek ou décalée, la déco du lieu rompt avec la grisaille des pépinières classiques. © ALIKAPHOTO

Quelles sont ces start-up ? Ces derniers mois, il y a eu Sketchfab, qui propose un site d’hébergement et de visualisation des fichiers 3D. Un peu à la manière d’un Youtube pour les vidéos. Nous y avons investi 2 millions de dollars avec un fonds britannique. Il y a aussi Pricing Assistant, un service qui permet aux e-commerçants de surveiller les prix de leurs concurrents en temps réel. En septembre, on a mis 300 000 euros. Des business angels se sont aussi joints à nous, à hauteur de 200 000 euros.

Les centres comme le Numa sont-ils l’avenir de la création digitale ? Je le pense, car ce n’est pas un écosystème fermé. Ici, tout le monde interagit. Ce qui est intéressant, c’est que les étages symbolisent l’ascension sociale de l’entrepreneur. On démarre en bas, avec des idées… Puis quand on passe au coworking, on peut commencer à trouver des partenaires. Au Camping, l’idée débouche sur un investissement. Enfin, il y a la salle de presse, où l’on s’occupe du côté promotion. Au Numa, ils sont arrivés à réunir tout l’écosystème en amont.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE MANIÈRE

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De l’appli «!sea, sex and sun!» aux lunettes de soleil géolocalisables…Chaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir.

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Une appli pour mesurer ses performances sexuelles

Amis du romantisme, passez votre che-min. L’application Spreadsheets, télé-chargeable sur l’Apple Store, analyse vos rapports sexuels pour déterminer vos performances. L’objectif!: pimenter la vie

sexuelle des couples en l’abordant sous forme de jeu. Lancez le programme avant de commencer les gali-pettes et le téléphone relève tout un tas de données telles que la durée des ébats, le niveau sonore des par-tenaires ou le nombre de calories brûlées. Plus le rap-port est long et les décibels élevés, plus vous gagnez des points (15 points si vous dépassez quarante minutes). Les plus endurants pourront ainsi gagner

un bonus de 20 points s’ils font l’amour cinq fois le même jour. L’application tient un journal, calcule vos moyennes, vos records, et publie vos résultats, si vous le souhaitez… sur les réseaux sociaux.

1 ÉTATS-UNIS – Santa Monica

Un cerf-volant solaire pour éclairer les sinistrésHumanitaire. Trois étudiants français ont imaginé un dispositif ingénieux pour aider les populations victimes de catastrophes naturelles et privées d’électricité. Zéphyr, primé début juin dans le cadre du concours Humanitech, est un kit énergétique qui capte l’énergie solaire en hauteur grâce à un cerf-volant photovoltaïque. Cette énergie est transmise par un câble jusqu’à un caisson situé au sol, qui se charge de la transformer en électricité. Totalement autonome et particulièrement adapté aux camps de réfugiés, le dispositif permet d’alimenter un

hôpital de fortune, d’apporter de la lumière et du chau"age, ou encore de mettre en place un réseau de communication dans le campement.

5 FRANCE – Paris

Le lave-linge pas cher à pédalesConso. Destinée aux communautés pauvres vivant sans électricité, GiraDora est une machine à laver à bas prix (seulement 40!dollars), qui fonctionne… à «!l’huile de genou!». Il su#t de remplir un cube en plastique d’eau et de savon, de poser un couvercle, de s’asseoir dessus et de pédaler pour actionner le dispositif de lavage des vêtements. Testée dans des zones rurales du Pérou, cette machine économique et

écologique, conçue par deux entrepreneurs américains, pourrait être commercialisée dans le reste de l’Amérique latine et en Inde.

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Le plus grand télescope optique au mondeAstronomie. La construction de l’European Extremely Large Telescope (E-ELT) vient de débuter au Chili. Ce télescope géant disposera, en 2027, d’une surface collectrice de lumière de 10 à 15 fois supérieure à celle des télescopes actuels. L’objectif!: glaner des informations inédites sur la formation des premières structures de l’univers, les trous noirs, et surtout, l’existence de vie extraterrestre. Les scientifiques ont choisi d’implanter l’E-ELT au Chili, sur le mont Armazones, situé à plus de 3$000 mètres d’altitude, pour bénéficier de la vue la plus dégagée possible et la moins parasitée par les lumières artificielles. Problème!: il faut d’abord dynamiter

le sommet pour créer une plate-forme su#samment grande pour accueillir le télescope. Un chantier pharaonique estimé à 1,4!milliard de dollars pour araser 5$000!m3 de roches.

3 CHILI – mont Armazones

PLUS D'ACTUALITÉS ET D'INFOGRAPHIES SUR LATRIBUNE.fr

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LE TOUR DU MONDE DE L’INNOVATION

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La presse mondiale traduite en onze languesMédias. Pas facile pour un Japonais de lire la presse française, allemande, russe ou italienne. Pour répondre à ce besoin, le site Reshare regroupe une communauté de volontaires pour traduire en onze!langues la presse internationale. Pour chaque article, le traducteur se voit o"rir

des points de récompense. Plus l’article est jugé de qualité, plus l’internaute gagne de points et progresse dans le classement mensuel.

9 JAPON – Tokyo

Une caméra à avaler pour explorer les intestinsSanté. Jusqu’alors, la coloscopie représentait l’examen de référence pour visualiser l’intérieur du système digestif à l’aide d’une sonde. Désormais, l’expérience pourra être beaucoup plus agréable pour le patient, grâce à la PillCam Colon!: une capsule à avaler comme un cachet, mais qui contient deux caméras vidéo couleur, huit diodes électroluminescentes (LED), une batterie à l’oxyde d’argent et un émetteur radio. Testée avec succès dans 16 essais cliniques

auprès de 884 patients dans 80!pays, la PillCam a prouvé son e#cacité dans la détection de polypes, des excroissances anormales de tissus.

8 ISRAËL – Tel Aviv

L’appli qui dissuade la violence dans les taxisInsécurité. Face à la recrudescence des agressions dans les taxis, notamment à l’égard des femmes, la start-up ivoirienne Intelgio a lancé Taxi Tracker. Cette application recense tous les chau"eurs de la ville et leur véhicule. Ainsi, quand une personne monte dans un taxi, elle peut envoyer automatiquement des informations en temps réel à ses proches!: numéro d’immatriculation, point de départ, destination… Une manière de se rassurer et de dissuader les comportements agressifs. Lancée le 28!mars sur Android, Taxi Tracker comptait déjà 4$200 utilisateurs au bout de vingt jours seulement. Le décès récent d’une top

model à la suite d’une agression dans un taxi contribue sûrement au succès de l’application, qui prévoit de s’exporter dans d’autres villes, voire à l’international.

4 CÔTE D’IVOIRE – Abidjan

Contrôler sa maison avec la voixDomotique. Plus besoin de configurer vos objets connectés, il su#t de leur parler. La start-up néerlandaise Athom a conçu Homey, un nouveau système de reconnaissance vocale capable d’interagir avec tous les équipements domotiques de votre maison. Livré avec un réseau de microphones, le dispositif permet donc d’e"ectuer des tâches ponctuelles très précises (fermer les volets, éteindre les lumières, allumer la radio, etc.) juste en parlant. Lancé en juin sur

la plate-forme de financement participatif Kickstarter, il a déjà récolté près de 200$000!euros. Commercialisation prévue au printemps 2015.

7 PAYS-BAS – Amsterdam

Des lunettes de soleil enfin « imperdables »Confort. La société australienne Tzukuri a développé une gamme de lunettes de soleil géolocalisables, qui se synchronisent avec les smartphones pour les retrouver en cas de perte. Disponibles à partir de fin 2014 dans six modèles di"érents, les lunettes Tzukuri sont équipées d’une puce Bluetooth qui utilise l’énergie solaire pour se connecter à un smartphone. Ainsi, vous recevrez une notification si vous vous

éloignez à plus de cinq mètres de vos lunettes. Mais cette garantie de ne plus jamais égarer ses binocles a un prix!: 250!euros.

10 AUSTRALIE – Sydney

Faire surveiller ses bureaux par un robotHigh-tech. Bob, un robot conçu par un groupe de chercheurs de l’université de Birmingham, pourrait bientôt aider les agents de sécurité à surveiller des bureaux. Cet assistant robotisé aux grands yeux bleus et au design amusant se déplace en roulant de pièce en pièce, filmant et numérisant chaque détail. Toutes ces informations sont stockées sur son disque dur interne. Doté d’une mémoire, il peut remarquer tout changement entre deux passages et en informer ses «!collègues!»

humains. Autonome, il recharge lui-même ses batteries. Testé en ce moment dans le comté de Gloucestershire, Bob pourrait être commercialisé dans quelques années.

6 ROYAUME-UNI – Birmingham

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SÉLECTION RÉALISÉE PAR SYLVAIN ROLLAND

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ENTREPRISES LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

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Turbomeca, modèle français de l’usine du futurLa nouvelle usine de cette filiale du groupe Safran, à Bordes, dans les Pyrénées-Atlantiques, a fortement inspiré les pouvoirs publics au moment de déterminer les 34 plans de reconquête industrielle.

L’usine de Turbomeca, à Bordes, (Pyrénées-Atlantiques), à une dizaine de kilomètres de Pau, est le berceau du leader mon-dial des turbines d’hélicoptère.

«!C’est aussi le berceau de l’usine du futur!», lance Alain Rousset, le président de la région Aquitaine, qui dit avoir sou!é l’idée à François Hollande en s’appuyant sur le succès de cette nouvelle usine inaugurée le 22"juin 2010 par Nicolas Sarkozy… «!Tur-bomeca a vu la productivité du site augmenter de 50"%!», souligne l’élu socialiste. Une usine ultra-performante, qui n’aurait peut-être pas vu le jour ici sans l’aide des collectivités locales. Mais, l’enjeu était de taille. Il s’agis-sait de maintenir cette filiale de Safran et plus de 2#500 emplois dans le Béarn.Construit en 1942, le site de Turbomeca à Bordes s’est agrandi au fur et à mesure du développement de l’entreprise, «!mais sans perspective industrielle, sans vision d’ensemble, regrette Laurent Mazoué, l’actuel directeur de l’usine. Nous en étions arrivés au point où une pièce passait plus de temps à être transportée d’un poste à un autre, plutôt qu’à être transformée…!», explique-t-il. En outre, les locaux n’étaient même plus aux normes d’hygiène et de sécu-rité. Autre problème de taille, cela entraînait un cloisonnement entre les services. «!Il aura fallu un certain nombre d’années pour que cette usine émerge!», rappelle François Pellerin, le directeur du site à l’époque, qui pilote aujourd’hui le projet «"Usine du futur"» pour le conseil régional d’Aquitaine. La réflexion a été entamée au début des années 2000. Mais sa construction, à 800 mètres du site histo-rique, a débuté au printemps 2007 et a été

achevée en septembre"2009. Symbolique-ment, elle porte le nom Joseph Szydlowski, fondateur de Turbomeca. «!Au total, c’est un investissement de 100!millions d’euros, soit 10"% du chi#re d’a#aires de Turbomeca!», précise Laurent Mazoué. Mais, il faut dire que l’entre-prise fabrique à Bordes au moins 600 des 1#000 moteurs conçus chaque année par le groupe dans le monde.Les collectivités régionales ont largement contribué à l’e$ort financier pour recons-truire l’usine": 11"millions de la région Aqui-taine et 4"millions du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Par ailleurs, 38"millions d’euros de subventions publiques ont été investis sur les bâtiments annexes de la zone industrielle, Aeropolis, avec un centre de for-mation interentreprises, un hôtel d’entreprise pour sous-traitants, un restaurant interentre-prises, une crèche intercommunale…Le challenge était de taille. Il a fallu construire cette usine de 42#000"m%, déplacer plus d’un millier de personnes et 450 machines, sans avoir d'incidence sur la production de Tur-bomeca et «!sans retard pour les clients!», sou-ligne Laurent Mazoué. À cet e$et, une équipe spéciale a été missionnée pour organiser au quotidien le mouvement des machines dans l’usine. Plusieurs scénarios ont été imaginés afin de prévoir l’indisponibilité de celles-ci et anticiper le stock supplémentaire à produire. «!La clé aussi, c’est d’avoir impliqué très tôt les salariés dans le projet à travers des visites de chantier!», complète Bettina Frey, directrice de la communication de Turbomeca.

Mais, le défi en valait largement la peine. Ce site high-tech et la nouvelle approche orga-nisationnelle ont permis des gains de pro-ductivité de 50#%#! «!L’ancienne usine était organisée en métiers. Maintenant, tout est en ligne de produits, en centre de compétences autour de familles de pièces pour fabriquer dans les meilleurs délais! », explique Laurent Mazoué. «!Ainsi, s’il y a des annulations de com-mandes, on peut fabriquer plus vite et l’impact sur les stocks est moindre!», analyse François Pellerin. Tout a été pensé pour réduire le temps d’immobilisation des machines.

UN CYCLE DE PRODUCTION DÉJÀ DIVISÉ PAR DEUX

En outre, «!cette nouvelle usine favorise le travail collaboratif et rapproche la direction des études des opérateurs qui fabriquent les pièces, ce qui évite les incompréhensions entre services!», met-il en avant. Parallèlement, 25"millions d’euros ont été investis en trois ans dans de nou-velles machines pour davantage gagner en productivité. «!On essaie de ne pas remplacer les machines pour des raisons d’obsolescence!», précise-t-il. Au final, le résultat parle de lui-même": «!Nous avons divisé par deux le cycle de production!», se réjouit Laurent Mazoué. Selon lui, le cycle de production peut être encore abaissé de 30#%, tout en améliorant continuellement la qualité. Car, «!dans nos métiers, on ne peut pas prendre de risques!», insiste-t-il. À cet égard, le lean management,

inspiré de Toyota, a été mis en place. Il s’agit d’impliquer l’ensemble des opérateurs dans le contrôle visuel des pièces, de traiter les anomalies au plus près et de les détecter au plus vite. Mais aussi d’écouter les proposi-tions des salariés pour résoudre des pro-blèmes et «"libérer"» des énergies. «!Notre cheval de bataille, c’est le gaspillage et de le faire apparaître aux yeux de tous!», souligne-t-il. Turbomeca a été beaucoup plus loin en repensant même son organisation avec ses sous-traitants afin de limiter les flux entrants et sortants de pièces. «!Les clés de ce succès, c’est une vision industrielle claire, une organisa-tion projet bien rodée et d’impliquer au plus tôt le personnel, voire les collectivités locales!», résume Laurent Mazoué.Tout ceci a permis de maintenir les e$ectifs à 2#600 personnes. L’usine a retrouvé un second sou!e. Cette année, 50 cadres et 50"non-cadres ont été recrutés. «!Cette recons-truction était un message fort témoignant de la volonté de pérenniser nos sites dans le Sud-Ouest!», avance le directeur de l’usine.Aujourd’hui, l’expérience de Turbomeca à Bordes fait donc figure de modèle au sein du groupe Safran. Les mêmes méthodes ont été utilisées pour le transfert en 2011 du site de Mézières-sur-Seine vers Buchelay, tou-jours dans les Yvelines. «!Une partie de l’équipe projet de Turbomeca a même été envoyée sur place!», indique Laurent Mazoué. Désormais, c’est un site voisin, Turbomeca à Tarnos, dans les Landes, qui se prépare à ce grand changement.

PAR NICOLAS CÉSAR, À BORDEAUX, OBJECTIF AQUITAINE

@Nico33news

La nouvelle usine et siège social de Turbomeca, à Bordes (Pyrénées-Atlantiques). © ÉTIENNE FOLLET VISUELS

Un technicien contrôlant les éléments d'une turbine d'hélicoptère, dont Turbomeca est le leader mondial. © ÉTIENNE FOLLET VISUELS

CHANGER

DE 63 À 100 PME-ETI

À la suite d'un appel à manifestations d’intérêt lancé en février dernier, 88 dossiers de candidature ont été

déposés. La région Aquitaine a sélectionné 63 entreprises. Ce sont à 70 % des PME et à 30 % des ETI, dans la métallurgie, l’agroalimentaire, le bois, le médical, l’électronique, la construction, les composites… Elles vont désormais bénéficier d'un diagnostic individuel gratuit de leur « chaîne de valeur », réalisé par un consultant spécialisé. Un deuxième appel à candidature est en cours. L’objectif est, cette fois, de sélectionner 100 PME-ETI pour créer des emplois et de la valeur ajoutée industrielle.

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Rezopole tisse sa toile haut débit dans la capitale des GaulesL’association à but non lucratif a inauguré le troisième point de son nœud Internet. Un réseau qui représente la face cachée de l’écosystème numérique lyonnais.

R ezopole continue de tisser sa toile sur l’agglomération lyon-naise. L’association vient d’y inaugurer son troisième point de présence!: LyonIX 3, implanté à

Limonest, dans le centre de données de DCforData. Fondée en 2001, Rezopole est une association à but non lucratif dont la vocation est le développement de l’infras-tructure Internet, notamment des réseaux à très haut débit dans la région Rhône-Alpes. «!Notre métier, c’est de permettre à tous les acteurs d’échanger du trafic. On crée de la mutualisation!», explique Samuel Triolet, directeur de Rezopole.L’association a développé LyonIX, le nœud d’échange Internet de Lyon. Il permet aux acteurs économiques (opérateurs, SSII, FAI, grands comptes, acteurs publics) de faire du peering. Autrement dit d’échanger de très gros volumes de données en faisant transiter directement entre eux le trafic Internet, via un point d’échange local. Ces points sont désormais au nombre de trois sur l’agglomé-ration!: LyonIX 1 à Villeurbanne, LyonIX 2 à Vénissieux et le troisième, donc, à Limonest. Il vient sécuriser les deux premiers et o"rir une ouverture vers l’Ouest.Pour les entreprises présentes sur le nœud lyonnais, le principal avantage est une baisse du coût de la bande passante, avec plus de

rapidité dans la transmission des données et de fluidité dans le trafic. LyonIX est aussi un network access point (NAP). Techniquement, il permet l’achat et la vente de services Internet et télécoms, directement entre les membres de LyonIX. Le nœud devient alors une place de marché Internet.

UNE DÉCENTRALISATION DU TRAFIC INTERNET

Ce réseau n’offre pas que des avantages d’entreprises à entreprises. À l’échelle macro-économique, son rôle est essentiel dans le développement de l’économie numérique à Lyon et en Rhône-Alpes, comme le confirme Samuel Triolet!: «!Si nous n’étions pas là, le trafic passerait en totalité par Paris. On peut faire une analogie avec le secteur aérien. Sans aéroport, vous voyez les avions qui passent au-dessus de votre tête, mais vous n’en avez pas qui se posent, et donc pas de retombées économiques. Avec le trafic Internet, c’est un peu la même chose.!»Autrement dit, il s’agit ni plus ni moins que de décentraliser l’Internet, qui transite à 80#% par Paris, ou plutôt de le conserver sur Lyon. Ce trafic restant local, il tend à dynamiser le secteur numérique dans son ensemble, sou-ligne Samuel Triolet!: «!Il évite la délocalisation

de services informatiques en maintenant des emplois sur la région et permet de développer de nouveaux services. Il y a un e"et levier, nous contribuons à créer un écosystème numérique. De plus en plus d’acteurs externes à la région souhaitent venir s’installer à Lyon, c’est un signe.!» Il y a cinq ans, on comptait, par exemple, deux centres de données à Lyon, contre dix-huit aujourd’hui, parmi lesquels treize sont raccordés à LyonIX.Partie immergée de l’iceberg numérique, la structure LyonIX devrait représenter un atout non négligeable dans la candidature de

Lyon au label French Tech. Rezopole réfléchit déjà à un quatrième point sur le secteur de l’aéroport Lyon–Saint-Exupéry, et travaille sur des connexions internationales. L’asso-ciation gère d’autres nœuds en Rhône-Alpes (notamment à Saint-Étienne et Grenoble) et espère aussi réaliser en 2015 une boucle interconnectée Lyon, Roanne, Saint-Étienne, Valence, Grenoble, Chambéry, Genève. Elle emploie une dizaine de personnes avec un budget annuel d’un million d’euros, alimenté par le Grand Lyon et la région, mais avec 70#% d’autofinancement en 2014.!

PAR JEAN-BAPTISTE LABEUR, À LYON, ACTEURS DE L’ÉCONOMIE

Rezopole a inauguré récemment à Limonest le troisième point d’échange de son nœud Internet LyonIX. ©ALINA PETRESCU

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UN EXTRAIT DE LA VERSION

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AUTREMENT

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SALLE SAINT-EXUPÉRY

OUVERTURE 9H20

L’AÉRONAUTIQUE EST-ELLE UNE RÉPONSE À LA DÉSINDUSTRIALISATION ? LE LOW-COST VA-T-IL RAFLER LE MARCHÉ ?

QUELS AVIONS POUR DEMAIN?

L’AFRIQUE, LA GRANDE BATAILLE DE DEMAIN?

TRANSPORT AÉRIEN: LA LIBÉRALISATION EST-ELLE LA MALADIE OU LE REMÈDE?

LE FINANCEMENT D’AVION VA-T-IL SE TARIR?

LES COMPAGNIES AÉRIENNES EUROPÉENNES PEUVENT-ELLES RESTER DES LEADERS MONDIAUX?

LA SOUS-CAPACITÉ AÉROPORTUAIRE, UN MAL EUROPÉEN?

6 MILLIARDS DE PASSAGERS EN 2030, QUELS DÉFIS POUR L’INDUSTRIE ?

10.000 AVIONS À LIVRER, LES SOUS-TRAITANTS TIENDRONT-ILS?

LES AÉROPORTS, CARREFOURS DE LA MONDIALISATION ?

SALLE LINDBERGH

YANN BARBAUX Vice-President Innovation - Airbus

PATRICK GANDILDirecteur GénéralDirection Générale de l’Aviation Civile

BERNARD GUSTINPDG - Brussels Airlines

MARC HOUALLADirecteur - École nationale de l’aviation civile

ALEXANDRE DE JUNIACPDG - Air France-KLM

PASCALE LEFÈVREDirectrice du Département des transports COFACE

AUGUSTIN DE ROMANET PDG - Aéroports de Paris

ARNAUD MONTEBOURG Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique

PIERRE VELLAYConseiller en stratégie de fl otte - ILFC

MICHEL WACHENHEIMConseiller en a! aires publiques - Airbus

MAURICE GEORGESDirecteur - Services de la navigation aérienne

ERIC HERBANECoordinateur déléguéCohor

TONY TYLER Directeur général - IATA

OLIVIER JANKOVECDirecteur Général - ACI Europe

CHRISTIAN MC CORMICKManaging DirectorGlobal Head of Aviation Natixis

DENIS MERCIERGénéral d’Armée aérienneChef d’état-major de l’Armée de l’air

JEAN-CYRIL SPINETTAPrésident d’Honneur- Air France-KLM

MARWAN LAHOUDDirecteur Général délégué à la stratégie et à l’internationalAirbus Group

CAROLYN MCCALLDirectrice Générale - EasyJet

SANI !ENERDirecteur général - TAV Airports Holding, TAV Construction

FREDRICK PICCOLO Président - ACI World

THIERRY VOIRIOTPrésident - Rellumix

OLIVIER ZARROUATIPrésident du Directoire - Zodiac Aerospace

EMERIC D’ARCIMOLESCommissaire GénéralParis Air Show, Le Bourget

VENDREDI 11 JUILLET 2014DE 9H À 18H30

UN SIÈCLE D’AVENIR // A PROMISING CENTURY

AU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna, 75016 Paris

INSCRIVEZ-VOUS AUX CONFÉRENCES SUR HTTP://PARISAIRFORUM.LATRIBUNE.FR

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INFORMATIONS

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LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

MÉTROPOLES20 I

PAR AGATHE VOVARD M al identifié, peu connu du

grand public, mais c’est un projet phare du Grand Paris. En Seine-Saint-Denis, sur le territoire de

Plaine Commune, aux abords de la future et énorme gare Saint-Denis-Pleyel, prévue pour 2023, va se construire la plus impor-tante zone de développement économique d’Île-de-France, après – ou à égalité avec!?"– La Défense. Le défi est de taille": 70 hectares sont programmés au total dans le contrat de développement territorial (CDT) «"Ter-ritoire de la culture et de la création"». Le futur quartier stratégique s’étend de la pointe de la Confluence au Vieux Saint-Ouen, du nord au sud, et de L’Île-Saint-Denis à l’avenue du Président-Wilson, d’est en ouest. Le point de départ, la condition sine qua non du projet, c’est la sortie de terre, en 2023, de la nouvelle gare Saint-Denis-Pleyel. Un pôle unique de correspon-dance entre quatre lignes du Grand Paris Express qui, peut-être un jour, accueillera le TGV. Ce pôle majeur bénéficiera du pro-longement de la ligne 14 du métro, assurant ainsi une liaison avec le centre de Paris et l’aéroport d’Orly, au sud, ainsi que d’un arrêt des futures lignes 15, 16 et 17 de liai-sons entre banlieues. Environ 250!000 voya-geurs fréquenteront, à terme, cette nouvelle gare chaque jour!! Reste à y amener les entreprises. Pour l’instant, les grands groupes ont commencé à s’installer autour du RER Saint-Denis (la SNCF et SFR viennent d’y implanter leurs sièges), mais pas encore côté Pleyel. Un espace qui fut la zone économique la plus importante de France avant la Seconde Guerre mondiale, avec des usines très polluantes, de la métal-lurgie, de la chimie, des industries du plas-tique, des centrales électriques… C’était le paradis de l’industrie lourde et des métallos.Aujourd’hui, c’est l’une des terres les plus polluées qui soient, l’une des plus chères à remettre en état. Or, pour inciter les entre-prises à s’installer dans le quartier Pleyel, Plaine Commune va devoir proposer des

tarifs attractifs. Un pari di#cile, vu le prix à payer" : la zone compte de nombreuses anciennes friches industrielles, donc des espaces potentiellement mutables, mais leur coût pourrait être prohibitif en raison des frais engendrés pour la dépollution.Et, comme les prévisions pour les années à venir ne laissent pas présager une baisse des prix du mètre carré en petite couronne pari-sienne, que certains peuvent déjà penser à acheter pour spéculer, le défi d’un nouveau quartier d’a$aires près de Paris s’annonce colossal. Il a donc fallu trouver un système futé pour éviter l’inflation du foncier. La bonne idée est venue de l’Établissement public foncier Île-de-France (EPFIF) que dirige Gilles Bouvelot": il a proposé à la com-munauté d’agglomération Plaine Commune la mise en place d’un dispositif de portage foncier de long terme pour le moins original.

UNE RÉSERVE FONCIÈRE DE LONG TERME EST CRÉÉE

Principe simple": anticiper pour mieux régu-ler. Méthode simple aussi": Plaine Commune a mis en place début février avec l’EPFIF Foncière commune, dont l’objectif est d’em-pêcher la hausse des valeurs foncières en constituant une réserve de long terme. C’est dans sa stratégie que réside l’innovation la plus marquante. Car, pour un tel projet, les dispositifs classiques de courtage à court et moyen termes s’avèrent en e$et insu#-sants!; or, les calendriers de la sortie des nouvelles infrastructures de transport nécessitent un besoin d’anticipation sur une période allant de quinze à vingt ans. Le hic, c’est que, comme 60!% du foncier potentiel-lement mobilisable est constitué aujourd’hui de parcelles déjà utilisées par des activités, la chose est di#cile à maîtri-ser, notamment en raison des indemnités d’éviction. Donc, «!notre politique consiste à acheter certains terrains potentiellement stra-tégiques, et à maintenir les activités en place le plus longtemps possible, ce qui permet de tenir

les prix!», explique Gilles Bouvelot. Avec les loyers payés par les occupants pendant tout le temps du portage, l’EPFIF peut ainsi arri-ver à sortir des coûts finalement pas trop élevés. Et, dans le même temps, elle limite les risques de spéculation (qui sont déjà réels sur le territoire)": la nouvelle structure achète lorsqu’elle le souhaite, et un privé devra avoir les reins financièrement très solides s’il doit attendre une dizaine ou quinzaine d’années, voire davantage, pour éventuellement faire la culbute financière.C’est pour cela que les sites où Foncière commune est amenée à intervenir devront remplir deux conditions": être localisés près des futurs projets d’aménagement prévus dans le cadre du CDT, et présenter des loyers su#sants pour compenser les frais de gestion. Dans le cas où le bien réservé ne s’inscrirait finalement pas dans le périmètre d’un projet d’aménagement à échéance du portage, il serait alors revendu au prix du marché. La capacité d’intervention de la société de portage s’élève à 100"millions d’euros. C’est bien le moins, car «!le prix moyen de l’hectare près de Paris s’élève à 5!mil-lions d’euros au total, jusqu’à 10!millions par-fois!», souligne Gilles Bouvelot.Aujourd’hui, dans cette zone à reconstruire, la logistique a succédé à la métallurgie, et le quartier, pas franchement agréable, est une succession d’entrepôts et de grandes emprises d’activités logistiques bordées de logements sociaux. La superficie a$ectée aux activités et équipements industriels, et à l’entreposage logistique, régresse régulière-ment depuis 1990, mais occupe encore 20!%

de la superficie du territoire, le double de partout ailleurs en petite couronne. Peu à peu, les bureaux gagnent cependant du terrain. Le parc de bureaux du territoire que couvre le CDT représente 1!774!000"m%, répartis pour 50!% sur Saint-Denis et 25!% sur Saint-Ouen. Le rythme de construction est élevé" : 104!500"m% en moyenne par an de 1999 à 2009, dont près de 70!% à Saint-Denis. Alors, qu’installer à côté!? «!Le Grand Paris compte déjà un cluster technologique à Saclay. Il fallait imaginer un “cluster hybride”!», explique Dja-mel Klouche, l’architecte qui étudie des pro-jets sur 15!% des 700!000"m2 du pôle d’activi-tés économiques.«!Le but est d’éviter la monofonctionnalité. Le projet ne doit pas être une étrangeté localisée autour d’une gare. Nous voulons construire un cluster hybride habité, ne pas tomber dans la logique de La Défense. Dès que l’on sortira de la gare, on sera dans le nouveau quartier et on apercevra tout de suite les logements! », explique l’architecte. L’objectif fixé par le CDT est d’en sortir 4!200 par an. Or, le ter-ritoire en construit actuellement 1!830 en moyenne annuelle, un rythme déjà soutenu. Le projet doit donc s’inscrire dans un sec-teur déjà particulièrement dense et prévoir des immeubles de bureaux hauts (150"m), des immeubles de logements de moyenne hauteur, des surfaces de travail dédiées à l’économie créative, des ateliers, des mai-sons, de grands équipements –"dont une médiathèque innovante dans le quartier de la gare, des groupes scolaires, des équipe-ments sportifs et culturels. Ce devrait être une «"gare-pont habitée"»!!

Saint-Denis-Pleyel résout la quadrature du cercle

Contrer la spéculation naissante et maintenir des prix du foncier pas trop élevés malgré le coût des évictions et de la dépollution pour construire la deuxième zone économique de l’Île-de-France, c’est le challenge à Saint-Denis-Pleyel. Des solutions originales dénouent cette difficile équation.

Une maquette de la future gare

de Saint-Denis- Pleyel. Cette

image est indicative, elle fut

réalisée en 2013 lors de l’étude

urbaine et programmatique

de la tête de réseau

du territoire. © PROJET : AUC /

IMAGE : ARTEFACTORY

GRAND PARIS

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LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 21I 21I 21

PAR MARC MEILLASSOUX, À BERLIN

«N ous avons regardé du côté de Londres, San Fran-cisco, New York et Berlin. Notre choix s’est vite arrêté sur la capitale alle-

mande!: il y a des jeunes talents, des loyers abor-dables, des opportunités de financement et une énergie incroyable!», explique Johanna Bre-wer une des trois cofondatrices de Frestyl, une application spécialisée dans le référen-cement et l’o!re de musique live.Quand la crise frappe l’Italie de plein fouet et que la récession balaie leurs der-nières perspectives de croissance à Rome, cette Américaine de 33 ans et ses deux cofondatrices italiennes viennent suivre un programme de dix jours dans l’incu-bateur Bootcamp et plient vite bagage. Trois ans plus tard, l’équipe compte désormais dix employés et boucle une deuxième levée de fonds auprès d’une société de capital-risque.Frestyl fait partie des 5"800 entreprises spécialisées dans le numérique et les nou-velles technologies qui ont fleuri au cours de la dernière décennie dans la métropole berlinoise. Un relais de croissance inespéré pour la ville où le taux de chômage est historiquement élevé (13 "% encore aujourd’hui). Entre# 2008 et# 2012, le nombre d’emplois liés à l’industrie numé-rique a ainsi progressé de près d’un quart. Cette mini-révolution n’est pas le fruit d’un hasard et a été permise par une poli-tique volontariste de la ville, notamment dans un vaste plan de réindustrialisation lancé au début des années 2000. Histori-quement, Berlin était pourtant une cité avec une forte industrie, notamment dans l’électrique et l’électronique, et qui a vu la naissance de conglomérats comme Sie-mens ou AEG. Mais les tournants de l’His-toire et la scission de la ville ont provoqué une fuite des forces vives vers l’Ouest.«!La première chose qui a été nécessaire fut de faire évoluer les mentalités, que les gens arrêtent de pleurnicher et croient enfin aux chances de cette ville. Nous avons ensuite lancé le plan industriel pour fédérer les forces vives et organiser la filière!», explique Frank Jahnke, député et porte-parole social-

démocrate (SPD) de Berlin pour les ques-tions économiques et technologiques.Les initiatives se multiplient dès lors# : la plate-forme «#créer à Berlin#» (gründen in Berlin) organise un vaste réseau entre les créateurs d’entreprises, les universités et les centres de recherche. Plusieurs clusters voient progressivement le jour. Le quartier d’Adlershof, dans le sud-est de Berlin, est réaménagé par étapes en parc technolo-gique sur une surface de 420 hectares. Douze institutions de recherche extra-uni-versitaires et quelque mille entreprises technologiques y emploient aujourd’hui 15"000 personnes. En avril#2011, c’est de l’autre côté de la ville que le Centre d’inno-vation de Charlottenbourg (Chic) ouvre ses portes aux côtés de l’université tech-nique et de l’université des arts de Berlin. En juin dernier, la Factory, un campus de 16"000#m$ dédié aux start-up et entreprises technologiques voit le jour en plein centre-ville. Soutenue par le géant américain Google, elle héberge les équipes de Sound-cloud et de Mozilla.

MOINS DE BUREAUCRATIE, PLUS DE FINANCEMENTS

Pour faciliter la création d’entreprises, les éventuelles lourdeurs administratives ont été gommées. Dans les di!érentes insti-tutions publiques, un e!ort particulier a été porté sur la simplification des procé-dures, notamment pour les startuppers et les travailleurs étrangers. «#La bureaucra-tie a été réduite au minimum, avec un seul

acte notarial pour fonder une société per-mettant une création sous trois jours#», explique un institutionnel. Petit à petit, le travail paie et la scène berlinoise éclôt. En octobre dernier, le cabinet McKinsey évo-quait, dans une étude, la possibilité pour Berlin de dépasser les métropoles euro-péennes d’ici à 2020. Il n’en faudra pas moins au fantasque maire berlinois, Klaus Wowereit (SPD), qui reprend à son compte la formule. «!Un écosystème s’est progressivement formé!: les grandes écoles et les di"érents cursus pro-fessionnalisants de qualité se sont complétés, la réussite des premières entreprises a provo-qué une prise de conscience et favorisé la confiance des investisseurs!», explique Cle-mens Kabel, responsable des finance-ments de l’IBB, la Banque berlinoise d’investissement.L’IBB est le bras armé financier de la ville pour répondre à l’enjeu crucial des finance-ments. L’IBB propose de subventionner pour moitié les jeunes entreprises techno-logiques dans leur phase de démarrage, aux côtés d’un investisseur privé. Elle propose également un vaste éventail d’aides finan-cières et opérationnelles allant de crédits avantageux à des services d’aide à la déci-sion. «!L’Europe a encore du retard en matière de financements par les business angels et les sociétés de capital-risque. Dans un premier tour de levée de fonds, les montants atteignent envi-ron un tiers des financements aux États-Unis!», note Johanna Brewer. Le problème résiderait, entre autres, dans la fiscalité touchant les sociétés de capital-risque, moins «#compétitives#» en Europe

que dans le reste du monde. La ministre de l’Économie du Land de Berlin, Cornelia Yzer, a récemment interpellé la chancelière Angela Merkel sur le sujet et doit rencontrer ses homologues des autres Länder dans le courant du mois de mai pour formaliser une proposition.« Dans les phases d’amorçage, les fondateurs sont plutôt bien lotis à Berlin. Il n’y a pas d’en-treprise sérieuse qui ne trouve pas ses premiers financements. Cela peut devenir plus di#cile dans les phases ultérieures, mais ce n’est pas propre à Berlin!», reconnaît Ingrid Walther, directrice du pôle nouvelles technologies du ministère de l’Économie de Berlin. «!Nous finançons jusqu’à 500$000!euros pour un finan-cement de démarrage d’activité et jusqu’à trois millions au total. Avec la contribution de notre partenaire privé, nous arrivons parfois à des investissements finaux de dix millions, ce qui est conséquent pour une jeune entreprise! », explique Clemens Kabel, de l’IBB.Les e!orts menés ces dix dernières années semblent en tout cas porter leurs fruits. D’après une récente étude de l’institut géo-graphique de Münster, sur le milliard d’eu-ros investi par les sociétés de capital-risque en Allemagne entre 2012 et la mi-2013, 505#millions de financements ont été injec-tés dans la capitale allemande. En glisse-ment annuel, ce montant a plus que doublé. «!De plus en plus d’investissements étrangers se concentrent à Berlin, notamment en prove-nance des États-Unis. Il y a quelques années les sociétés de capital-risque se retrouvaient à Londres, aujourd’hui elles viennent toutes à Berlin. C’est un signe!», conclut l’entrepre-neuse américaine.

Mardi 16 septembre 2014 de 8h30 à 10h00 Renseignements:

[email protected]

Inscrivez-vous avant le 12.09.14

http://bit.ly/1iyO8l4

EN PARTENARIAT AVECUN ÉVÉNEMENT

!"!#$%$#&

à la CCI Rhône-Alpes

La responsabilité du chef d’entreprise face aux risques nouveaux ou en croissance :Risque d ’ image, r i sque env i ronnementa l , cyber r i sque, r i sque péna l . . .

Berlin, capitale du numérique en Europe!?

Le parc technologique

Adlershof, un cluster

sur 420 hectares qui réunit

universités, centre

de recherche, entreprises et start-up

techno, soit 15 000

emplois. © WISTA-MANAGEMENT

GMBH

La politique volontariste de la ville-État de Berlin porte ses fruits : en dix ans, la métropole s’est fait une réputation et se rêve aujourd’hui en championne d’Europe des start-up.

ALLEMAGNE

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VISIONSLA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

22 I22 I

Pour leur 14e édition, les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence (le Davos provençal organisé chaque année par le Cercle des économistes), ont choisi de s’interroger sur la relance de l’investissement. Dans

un monde qui redoute une « stagnation séculaire », pendant trois jours, du 4 au 6 juillet, des universitaires prestigieux, des patrons d’entreprise et des responsables publics vont tenter de dessiner une stratégie de sortie de crise. Celle-ci passera forcément par l’entreprise, porte d’entrée de l’emploi. Mais à quoi ressemblera

l’entreprise du XXIe siècle ? Ce sera l’objet du débat animé par La Tribune, partenaire de l’événement, samedi 5 juillet, avec l’économiste Jean-Paul Betbèze, dont nous publions le texte d’introduction. Ainsi que la contribution d’Alexis Flocon, étudiant à l’université Paris II Panthéon-Assas, qui fait partie des 100 jeunes sélectionnés dans le cadre du concours « La parole aux étudiants ». Son texte sur « les barbares attaquent » et l’économie de la disruption en dit long sur la façon dont la nouvelle génération appréhende la révolution numérique au XXIe siècle.

«!Investir pour inventer demain!»

Les entreprises ne peuvent plus ignorer l’attente forte de leurs clients. Ici, devant l’Apple Store de Paris en septembre 2013, de nombreux acheteurs se pressent, avant même l’ouverture du magasin, pour acquérir l’iPhone 5. © LIONEL BONAVENTURE /

AFP

SPÉCIAL RENCONTRES ÉCONOMIQUES D’AIX-EN-PROVENCE 2014

L e modèle de la grande mul-tinationale verticale est-il dépassé, à l’heure où l’en-treprise doit être réactive et s’adapter aux demandes

individualisées, à la communication transformée par les nouvelles techno-logies!? Quelle forme aura l’entreprise innovante du ""#e siècle!? Sera-t-elle plus horizontale, ouverte, en réseau et davantage collaborative avec ses par-tenaires, ses clients et dans son orga-nisation!? Chacun des collaborateurs deviendra alors artisan du développe-ment de l’entreprise. Qu’implique cette horizontalité en matière de manage-ment!? Par ailleurs, pour rester compé-titives, les entreprises diversifient leur approvisionnement et leur clientèle. Quelles sont alors les nouvelles stra-tégies de coopération, notamment au niveau international!?Entreprendre, c’est «$ commencer$ », nous dit le vieux français du "##e$siècle, qui ajoute aussi (et à la même époque) qu’il peut s’agir d’attaquer, d’interpel-ler, d’«$empiéter sur$», voire de séduire. Peut-on dire que les choses ont beau-coup changé depuis!? Il s’agit toujours d’avancer, de séduire, d’attaquer. Ce qui est nouveau, sans doute, c’est que les choses sont plus variées, plus com-pliquées, plus rapides, plus risquées, sans que les limites soient devenues plus nettes.Produire des «$choses$» plus variées!? Oui, car l’espace de ce qui est produit ne cesse de s’étendre, combinant des biens de plus en plus spécifiques, des services multiples et, désormais, des biens reliés entre eux et connectés à des services.Des «$choses$» plus compliquées!? Oui, car l’univers des prestations o%ertes ne cesse de s’étendre, avec la capacité des demandeurs de préciser de plus en plus ce qu’ils souhaitent et de dessiner ainsi, en amont, ce qu’ils voudraient. Le sys-tème de l’information anime celui de la production, avec la capacité de traiter de plus en plus de données.Des «$choses$» plus rapides!? Oui, car l’économie du big data qui se déploie ainsi combine une capacité de traite-ment croissante et variée. Et, comme les réactions des «$ clients$ », clients finals et clients intermédiaires, sont

de plus en plus rapides, l’entre-prise entre, nécessairement, dans des boucles d’actions-réactions, qui conditionnent en permanence ses organisations et ses choix.Des «$choses$» plus risquées!? Oui, bien sûr, car l’entreprise qui se lance dans le toujours plus subtil, le toujours plus réactif, doit engager plus de frais fixes dans ses capacités de traitement de l’in-formation, de distribution, de produc-tion. Elle devient de plus en plus un en-semble de réseaux qui peut connaître des séries gagnantes, ou non. Jamais, en e%et, attaquer et séduire n’ont été aussi imbriqués, et à des échelles de plus en plus grandes.

UNE ÉPOQUE DE COÛT MARGINAL TRÈS FAIBLE

C’est bien pourquoi l’entreprise du ""#e$ siècle s’interroge en permanence sur ce qu’elle veut, le profit bien sûr –$mais tant d’autres choses aussi!! Elle sait en e%et que son image, sa morale, ses engagements… peuvent lui valoir l’attrait des clients – ou des réactions subitement très négatives si elle rate, si elle ne surveille pas, ou pire, si elle ment.C’est pourquoi cette entreprise se vit comme un centre d’attraction de ta-lents. Les valeurs qu’elle proposera lui attireront des compétences et des per-ceptions favorables, plus qu’aux autres entreprises, à leur détriment bientôt. Cette entreprise «$où il fait bon travail-ler$» deviendra le lieu où viendront les bonnes idées, les bonnes propositions, où iront les clients, bref, la spirale du succès.Jusqu’où!? L’économie de l’entreprise actuelle, celle qui veut attirer les talents pour répondre de mieux en mieux aux demandes, cherche à s’étendre – de plus en plus. La nouveauté de la pé-riode qui est la nôtre est en e%et celle où les écarts sont de plus en plus nets entre les coûts fixes et les coûts va-riables. Nous allons ainsi, de plus en plus, vers une économie de coûts fixes où le coût marginal est donc faible, très faible. Cette logique conduit au mono-pole, sauf si des innovations viennent mettre en péril les investissements réalisés. Ces investissements sont très

largement adossés en e%et à des tech-nologies, qui peuvent être dépassées, ou bien à des logiciels, qui peuvent rapidement devenir obsolescents.

DU CAPITOLE À LA ROCHE TARPÉIENNE

Voilà pourquoi les entreprises qui se développent actuellement, de plus en plus vite, deviennent mondiales, en liaison avec la nouvelle économie, mettent en avant des valeurs, attirent des talents… Elles deviennent glo-bales, mais peuvent disparaître$: qui se souvient de Nokia ou de BlackBerry!? Voilà pourquoi les grandes entreprises mondiales gardent autant de liquidi-tés$ : pour résister peut-être, pour se développer surtout, en achetant des idées, des nouveautés, des concurrents potentiels – pour les ajouter à leur pa-noplie. Voilà pourquoi les prix atteints sont sidérants$: pour attirer, là encore, les talents et les propositions vers ceux qui pourront les payer le mieux.Bien sûr, il peut y avoir des risques et des erreurs dans ces choix. Notre monde devient polaire$ : «$The winner takes it all, the loser loses all$» – et la ga-gnante d’aujourd’hui…Plus mondiale, plus réactive, plus liquide, plus portefeuille d’innova-

tions, plus sensible… L’entreprise qui naît est ainsi au carrefour de la «$nou-velle économie$», du point de vue des techniques, mais aussi de nouvelles valeurs, d’une «$ nouvelle société$ », qui se soucie de respect du travail et de la nature. Elle marie économie et écoconception, mondialisation et éco-nomie circulaire.Et les autres!? À suivre Google ou Apple, Facebook ou Tweeter, on mesure ce qu’elles apportent et on oublie ce qu’elles ont détruit. Les livres, les jour-naux, les appareils photos, les réseaux de distribution$: beaucoup!! Mais les ap-ports sont immenses, notamment pour les pays moins développés. Chaque fois il faut s’adapter et changer, de plus en plus vite, avec de plus en plus d’incer-titudes et de formations à la clef, mais tous ne le peuvent pas…Comment définir l’entreprise du ""#e$siècle qui va gagner, économique-ment, financièrement, écologiquement, socialement!? Comment va-t-elle per-mettre plus de diversités que celles du siècle qui s’achève$: grande usine, grand centre de distribution, grand entrepôt logistique… Après le grand, voilà donc le subtil, le profond, le long terme, l’adapté à chacun!? Le réseau du plus fort devient-il celui du plus fin!? C’est toute notre tâche de la dessiner, de la préparer, de la mettre en œuvre!!

Fonder l’entreprise du ""#e siècleElle marie(ra) économie et écoconception, mondialisation et économie circulaire. À nous de la dessiner !

JEAN-PAUL BETBÈZEMEMBRE DU CERCLE DES ÉCONOMISTES, AUTEUR DE L’ESSAI « SI ÇA NOUS ARRIVAIT DEMAIN… » (PLON 2013)

© DR

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I 23

ALEXIS FLOCONÉTUDIANT À L’UNIVERSITÉ PARIS II PANTHÉON-ASSAS 22 ANS

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Les «! barbares! » attaquent. Ils sont partout, ils sont des millions. Ils veulent tout do-miner, vite et en imposant leurs nouvelles valeurs. Car

investir l’avenir, c’est avant tout l’enva-hir. Depuis la révolution numérique, la domination d’une entreprise sur un secteur est hégémonique ou elle n’est pas. Il su"t pour cela de regarder les parts de marché de Google, Facebook ou Amazon qui, en quelques années, ont su révolutionner leurs secteurs respectifs et s’y imposer sans conteste. On crée aujourd’hui une start-up pour dominer et que l’herbe ne puisse plus repousser sous nos pieds. Les projets disruptifs qui constituent les start-up et les futurs grands groupes industriels de demain doivent donc acquérir une mentalité!: celle du «!barbare!».L’expression vient de Nicolas Colin et Oussama Ammar. Cofondateurs de l’accélérateur de start-up parisien The Family, ils estiment que seuls certains comportements permettent au mieux de donner toute leur puissance à des projets innovants. Être un «!barbare!», c’est tout d’abord un état d’esprit avant d’être une liste de techniques. Le «!bar-bare!» est celui qui croit au «!hack!», dans son sens le plus classique!: entrer sans autorisation. Alors qu’une entre-prise a pour but d’optimiser au maxi-mum son business model, la start-up va, à l’opposé, être une entité à la recherche d’un business model. Cette dernière va entrer sur un marché où elle va totalement redéfinir la création de valeur en bouleversant les plans des acteurs traditionnels.Imposer ses valeurs peut passer par deux moyens di#érents pour une start-up! : porter ses convictions au cœur même de son projet ou bien mettre en place une certaine culture d’entreprise pour permettre leur développement. Les entreprises de l’économie du par-tage (sharing economy) sont des compa-gnies qui portent les valeurs de solida-rité et de coopération au cœur même de leur concept. Leur business model est simple! : un particulier réalise une prestation pour un autre particulier et l’entreprise touche une commission. Même si une grande partie de l’écono-mie du partage est née aux États-Unis,

la France, notamment grâce à Blabla-Car, a réussi à prendre part à ce mou-vement. La coopération entre les indi-vidus est un facteur qui avait pendant longtemps été oublié par les grands groupes. Des entités comme le géant américain Airbnb ont réussi a redonner une place plus importante à la solida-rité et au partage dans l’économie.

L’EFFECTUATION : AGIR VITE ET SANS PEUR

D’autres entreprises ont réussi à mettre en place des techniques simples pour pouvoir embrasser au mieux leurs va-leurs. L’exemple le plus évident est bien sûr celui de Google et sa promotion de l’innovation perpétuelle auprès de ses employés. De simple moteur de re-cherche, l’entreprise a su devenir un vé-ritable géant industriel sans renier son identité de start-up. Ainsi, cette culture entrepreneuriale se retrouve dans les techniques managériales de la firme américaine. En e#et, existe encore aujourd’hui la règle dite des «!80/20!». Chaque employé doit passer 80$% de son temps à e#ectuer des tâches pour lesquelles il a été embauché. Mais, à côté, il dispose des 20$% restants pour pouvoir se concentrer sur des activités personnelles et des projets annexes. Ce temps libre où chaque employé est invité à penser «!en dehors de la boîte!» a été le terreau de projets innovants, comme Google Maps. Investir l’avenir passe donc ici plus par un état d’esprit que par un ensemble de techniques. Agir sans peur et le faire rapidement sont alors deux éléments essentiels.Pour investir l’avenir comme un «!barbare!», il faut en e#et agir vite. Presque par surprise. C’est toute la thèse de l’e#ectuation, portée en France par Philippe Silberzahn, professeur à l’EM Lyon. Ce dernier a organisé en 2013 le plus grand MOOC (massive on-line open course) francophone. Il a réussi à réunir plusieurs milliers de personnes autour de leçons sur l’entrepreneuriat. Alors que la création d’une entreprise est souvent précédée de la rédaction fastidieuse d’un business plan et de recherches approfondies sur le marché visé, l’e#ectuation propose au contraire

d’agir sans attendre. Grâce à plusieurs principes, ce courant de pensée permet à chacun de devenir rapidement actif pour lancer son projet. Désacraliser l’avenir y est un point essentiel.On ne peut agir si on a peur. La France a longtemps été un pays où la vision de l’échec a freiné voire bloqué l’entrepre-neuriat. L’e#ectuation vient enseigner l’importance du rôle de l’échec dans les réussites futures d’un entrepreneur. Sur ce sujet, les choses sont en train de changer dans notre pays. Naguère encore vu comme quelque chose de honteux, l’échec est aujourd’hui raconté et mis en avant par bon nombre de star-tuppers au cours de FailCon ou Fuck Up Nights [rebondir après un échec, voire le transformer en succès, ndlr] orga-nisées à Paris depuis 2014. Le but est désormais d’«! échouer, échouer encore, échouer mieux!», comme l’écrivait Bec-kett. Débarrassés de la peur de l’échec et de l’avenir, les entrepreneurs peuvent alors prendre tous les risques et devenir des «!barbares!».Cette acceptation de l’échec a aussi per-mis à beaucoup de start-up d’être plus souples avec la vision de leur activité. Au cours de leur existence, elles peuvent ainsi changer de business model ou de cible. Cette adaptation perpétuelle per-met de se concentrer uniquement sur le court terme dans un premier temps. Elle permet aussi d’apporter une atten-tion toute particulière au produit ou au service commercialisé. C’est grâce à une vision souple que Critéo ou Mindie ont pu devenir de véritables succès.

DES MESURES DE SOUTIEN AUX « BARBARES »

Pour investir l’avenir de manière «!bar-bare! », plusieurs mesures concrètes peuvent être prises!:

L’enseignement de la program-mation informatique dès le se-condaire. Le développeur Web est aujourd’hui bien trop rare pour per-mettre d’accueillir au mieux la révolu-tion numérique. On estime en France qu’il en manque actuellement plus de cinq mille. Enseigner cette matière dès le collège permettrait aux plus jeunes de se familiariser au plus tôt

avec les langages les plus connus de développement et de monter en toute autonomie leurs propres projets.

Aide à un accès au capital plus rapide. L’action de Bpifrance va au-jourd’hui en ce sens, et l’on peut s’en féliciter. De nouveaux modes de finan-cement, comme le programme AIR [aide à l’innovation responsable, ndlr] de quasi-equity peuvent faire penser que nous sommes sur la bonne voie.

Création d’un incubateur de start-up dans chaque établissement public d’enseignement supérieur. C’est un des grands soucis français! : beaucoup de gens pensent qu’il faut avoir fait une école de commerce pour devenir entrepreneur. En réalité, tout le monde peut devenir entrepreneur, la diversité des profils peut constituer une des plus grandes forces des entre-prises. C’est un diplômé de philoso-phie qui a créé le «!like!» de Facebook. Le fait que presque seules les écoles de commerce bénéficient en France d’incubateurs d’entreprises est une situation anormale.

Cours optionnels d’entrepre-neuriat, quelle que soit la filière de l’étudiant. C’est un des autres poncifs sur l’entrepreneur! : on imagine qu’il possède des qualités innées qui lui ont permis de réussir. Il n’en est rien$; on ne naît pas entrepreneur, on le devient. Un entrepreneur n’est pas un amoureux du risque, un aventurier prêt à perdre tout son argent sur un coup de poker. Si on ne peut apprendre comment réussir à coup sûr une entreprise, on peut ensei-gner aux étudiants comment mettre toutes les chances de leur côté pour éviter d’échouer.Ces propositions ont toutes pour base ma propre expérience. À 22 ans, j’ai créé deux entreprises. La première est une société qui exploite un site d’e-commerce de vente de produits alimentaires français à l’étranger, à destination des expatriés. La seconde est en plein lancement. Il s’agit d’une plate-forme de MOOC pour former un maximum de personnes aux CAP des métiers de bouche dans le but de rem-plir des emplois existants mais inoc-cupés en France. Pour notre première année d’activité, en 2014, nous espé-rons plusieurs centaines de diplômés.

La parole aux étudiants!: Les «!barbares!» attaquent"!Loin de l’image infantilisante trop souvent attribuée aux start-up, l’innovation dans les jeunes entreprises doit être portée par des « barbares ». Entre domination hégémonique et rupture de valeurs, il est temps d’envahir l’avenir.

LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

Airbnb, le site de location entre particuliers, s’est

engouffré dans un créneau oublié

des grands groupes

en (re)mettant au goût du jour

la solidarité et le partage

dans l’économie. © DENIS ALLARD / REA

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VISIONS24 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

Octobre! 2013. Agathe* M.!est décontenan-c é e . C e t t e jeune femme de 34 ans, tout h e u r e u s e d’ouvrir son

cabinet médical à Paris d’ici à la fin de l’année, vient d’apprendre que son mari – conseiller en fusions et acqui-sitions au sein d’une grande banque française – risque d’être «!délocalisé!» à Londres, dans les tout prochains mois. «!La pression fiscale sur les entreprises, et sur les hauts salaires est moins forte là-bas qu’à Paris!», explique Agathe, imaginant déjà la vie de famille avec leurs deux jeunes enfants réduite aux week-ends, à moins de renoncer à sa propre ambition professionnelle pour suivre son mari outre-Manche.Les banques d’a"aires ne sont pas les seules à délocaliser une partie de leurs équipes parisiennes. En oc-tobre!2012, Nicolas Chanut, le patron d’Exane – le plus important courtier indépendant français – o#cialisait dans la presse son déménagement à Londres. Quelques mois plus tard, c’est l’une des plus fameuses sociétés de gestion d’actifs indépendante en France – Carmignac – qui décidait de

délocaliser une partie de ses équipes au Luxembourg. Autre délocalisation partielle, celle du gestionnaire alter-natif français ABC Arbitrage, qui a an-noncé en mars dernier la création de filiales en Irlande et à Singapour. Et cet été va voir le déménagement, aux États-Unis, de Chris Viehbacher, le patron de Sanofi, deuxième capitali-sation de la Bourse de Paris. Ainsi que le transfert, à Londres, de quelque 70!collaborateurs de Total, travaillant dans les départements de gestion de la trésorerie et de la communication financière de la première capitalisa-tion boursière française.Autant d’exils qui alimentent le débat sur l’attractivité de la place financière de Paris. Et si ces expatriés se faisaient couper la langue plutôt que d’avouer que leur départ tient en grande par-tie à des considérations fiscales$? Paris Europlace – l’association chargée de promouvoir la place financière de Paris, qui organise ses rencontres financières annuelles les 8 et 9! juillet prochains –, n’hésite pas, elle, à pointer du doigt la surfiscalisation de l’industrie financière.De fait, pour le seul secteur bancaire, le taux d’imposition du résultat comp-table est passé de 38$% en 2010 à 65$% en 2013. Pour Paris Europlace, la fis-calité n’est pas seulement excessive,

elle est également instable. Une cri-tique qui ne vaut pas seulement pour le gouvernement actuel, mais force est de constater que les projets d’alour-dissement de l’imposition des plus- values de cession de valeurs mobi-lières – à l’origine de la révolte dite des «!pigeons!» à l’automne 2012 – et de taxation à 75$% de la tranche de reve-nus supérieure à 1!million d’euros sont à cet égard édifiants. Sur le premier, le gouvernement de François Hollande a fait machine arrière. Sur le second, il a finalement décidé que ce ne seraient pas les salariés, mais les entreprises, qui s’acquitteraient de la taxe à 75$% sur les hauts revenus.

PARIS « RISQUE D’ÊTRE RAYÉE DE LA CARTE »

Mais «! nos politiques oublient que les mauvais messages laissent des traces durables dans les esprits! », a regretté Michel Chabanel, le nouveau pré-sident de l’Afic (Association française des investisseurs pour la croissance), dans La Tribune Hebdo du 20! juin. Comme la fameuse tirade «! Mon véritable adversaire, c’est la finance! », prononcée début 2012 au Bourget par François Hollande, alors candidat à la présidentielle.Lentement mais sûrement, la place financière de Paris se vide donc de son sang. Tout en reconnaissant dans un entretien au quotidien L’Opinion, publié le 17!avril, qu’il est «!très di"cile de donner des chi#res, car on constate des “localisations ailleurs” plutôt que des dé-localisations stricto sensu!», Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), juge que ces exils de la finance française à l’étranger constituent «!un vrai sujet existentiel pour la place finan-cière de Paris!», laquelle «!risque d’être rayée de la carte!».De fait, Paris, qui était la 5e place finan-cière mondiale en 2010 selon l’indice Xinhua Dow Jones, n’occupe plus au-jourd’hui que le 8e rang. Pis, la capitale française a encore perdu sept places dans le dernier classement bis annuel Global Financial Centres Index, pu-blié en mars. La capitale française, qui était encore 29e en octobre, pointe désormais au 36e rang, sur 80, entre Kuala Lumpur et Melbourne, et à des années-lumière de New York, Londres et Hong Kong, qui forment le trio de tête. Et, même si Paris Europlace peut se targuer de récents succès, comme la signature, le 28! juin, d’un accord entre la Banque Populaire de Chine et la Banque de France, destiné à créer, à terme, une infrastructure de compen-sation et de règlement des transac-tions en renminbi (ou yuan) à Paris, «! ce ne sont pas des initiatives comme celles sur le yuan qui changeront grand-chose au fait que Paris n’est plus, depuis bien longtemps, la place de référence des échanges, y compris pour l’euro! »,

assénait Hubert de Vauplane, avocat associé chez Kramer Levin, dans une tribune publiée en avril dernier.Or, derrière l’attrition de la place financière de Paris, c’est le finance-ment des entreprises françaises qui est en jeu, surtout à l’heure où les marchés des capitaux sont appelés à prendre le relais de banques deve-nues moins prêteuses, du fait de la nouvelle réglementation de Bâle III. Le financement des entreprises et, partant, leur capacité à créer de la croissance économique et de l’em-ploi. Les pouvoirs publics semblent conscients de cet enjeu. Le comité Place de Paris 2020, lancé le 16! juin par le ministre des Finances, Michel Sapin, comprend ainsi un groupe de travail chargé de réfléchir à la construction d’une place financière «!attractive et dynamique!».

À QUI PROFITE LA TAXE SUR LES TRANSACTIONS ?

D’ores et déjà, les acteurs de la place de Paris plaident notamment pour une mise en extinction de la taxe sur les salaires subie par les banques, pour une a"ectation de la taxe systé-mique de ces dernières à la constitu-tion du fonds européen de résolution des crises bancaires, et non plus au budget de l’État. Surtout, Paris Euro-place s’insurge contre la taxe sur les transactions financières, qui a fait l’objet, le 6!mai, d’un accord entre onze!pays d’Europe, dont la France, et qui concernera dans un premier temps les actions et quelques pro-duits dérivés! : «! Taxer ces contrats dérivés produira une relocalisation massive de ces instruments et des acti-vités dans les centres financiers [situés] en dehors de la zone de coopération renforcée.!» Autrement dit, une relo-calisation à Londres, première place financière d’Europe.Reste que si le Royaume-Uni déci-dait de quitter l’Union européenne, il y a fort à parier que la Banque cen-trale européenne (BCE) exigerait des banques européennes qu’elles rapa-trient dans la zone euro une bonne partie de leurs actifs actuellement gérés à la City. Paris tiendrait alors peut-être là une chance de regagner du galon sur l’échiquier des places finan-cières mondiales.

* Le prénom a été changé.

Comment sauver «!le soldat Place de Paris"? »Paris pointe désormais à la 36e place – sur 80 – du classement Global Financial Centres Index. C’est que de plus en plus d’acteurs de la finance française quittent la place, en raison, surtout, d’une fiscalité trop élevée et instable.

CHRISTINE LEJOUXJOURNALISTE, SERVICE FINANCE

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IDÉES

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@ChLejoux

Président de GDF Suez,

Gérard Mestrallet préside aussi

Paris Europlace, l’association

dédiée à la promotion de la place financière

de Paris, qui organise

ses rencontres financières

annuelles les 8 et 9 juillet

prochains. © PIERRE VERDY / AFP

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I 25LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

POINT DE VUE

Google, grand Satan numérique!?

GOOGLE NE FAIT QUE CRISTALLISER LES ENJEUX D’UN MONDE EN MUTATION

N ée en 1998, Google a connu une expansion fulgurante qui fait de cette société, une quinzaine

d’années plus tard, le symbole par excellence de la firme hégémonique. Les reproches formulés, de critiques en procès, sont considérables, érigeant la firme aux jumelles en menace polymorphe pour la concurrence, le droit d’auteur, la création artistique, la vie privée, la vie démocratique et même, plus fondamentalement, l’humanité telle qu’on la connaît. Cependant, en faisant de Google la référence obsessionnelle de toutes les attaques, nous perdons de vue l’essentiel!: la firme n’est pas la cause génératrice des problèmes, elle ne fait que cristalliser les enjeux du monde numérique. La focalisation sur Google comme grand Satan numérique occulte trois débats fondamentaux qui devraient avoir lieu.Le débat économique, tout d’abord. La digitalisation du monde a déplacé les sources de création de valeur et les points de contrôle, créant de très puissants e"ets de concentration. Les modalités de production et de distribution connaissent d’inéluctables transformations, appelant une remise à plat des

régulations, afin d’entretenir une dynamique d’innovation qui profite à tous. Les structures, en particulier fiscales, sont encore trop marquées par la volonté de conserver l’existant plutôt que par celle d’accompagner au mieux les mutations.Le second débat est politique. Les nouveaux moyens de communication et d’échanges concurrencent plus que jamais la légitimité du pouvoir représentatif, tout en donnant à ce dernier des possibilités orwelliennes de surveillance totale (possibilité largement utilisée, comme Snowden l’a montré). La crise de l’autorité démocratique traditionnelle, la disparition de la possibilité même de la vie privée et l’exposition publique infinie de tous nos faits et gestes

sont des perspectives qui devraient faire l’objet de prises de conscience collectives dont les récents débats sur le droit à l’oubli ne sont encore que de trop timides prodromes.Le débat civilisationnel enfin. Le plus glaçant… La société telle qu’on la connaît va subir dans les prochaines décennies un bouleversement fondamental avec la grande conjonction de l’intelligence artificielle et du transhumanisme. Alors que, grâce à l’intelligence artificielle, les machines vont pouvoir rejoindre (et dépasser) l’intelligence humaine, l’être humain va avoir accès à des ressources biotechnologiques nouvelles pour accroître ses capacités physiques et intellectuelles, faisant de lui, selon le terme consacré, un transhumain. Dans le monde qui naîtra de cette conjonction, l’ensemble de nos structures économiques et sociales (que l’on songe à la disparition des emplois humains et au système d’assurance maladie) sera obsolète. Plus préoccupant encore, la probable émergence d’humains de seconde zone, nouvelle caste d’intouchables du ##$e siècle!: les humains non augmentés. Que les créateurs de Google soient des fervents zélateurs du transhumanisme (c’est-à-dire de l’utilisation maximale des possibilités données à l’homme de se transformer par la technologie) n’est pas en soi important!: Google n’est qu’un accélérateur d’un mouvement beaucoup plus large, qui aura lieu de toute façon%; elle n’est que l’instrument à travers lequel les problèmes s’expriment et progressent, et non les problèmes eux-mêmes. Incroyablement puissante, innovante et ubiquitaire, Google peut certes éveiller des craintes. Mais en devenant une référence-valise aux maux de notre modernité numérique, la firme nous empêche de les penser correctement. Cette référence ultime trop facile suggère implicitement que la racine du mal serait à trouver dans une sorte de volonté maléfique de la firme. Comme la méchante sorcière, il su&rait alors qu’un vaillant chevalier lui plante un couteau dans le cœur pour que le soleil luise à nouveau sur un monde rasséréné. Un espoir illusoire qui dispense d’aborder avec courage les considérables débats sur des sujets aussi vertigineux que la fin du travail, la surveillance généralisée, l’eugénisme ou la manipulation du vivant.

VU DE BRUXELLES

Faillibles souverains

Lundi 30!juin, Klaus Regling était à Bruxelles. Ce haut fonctionnaire à l’anglais fortement mâtiné d’accent

allemand est le patron du MES. Le mécanisme de stabilité européen, créé en 2012 et doté de 500!milliards d’euros, est là pour prêter aux pays que la défiance des investisseurs a coupés du financement des marchés. À l’invitation de l’institut économique allemand ZEW, il était venu débattre de l’art et la manière de mettre un État en faillite. Par faillite, il faut entendre l’annulation de tout ou partie de sa dette, autrement dit l’appauvrissement, à due concurrence, des créanciers dudit État. Depuis le déclenchement de la crise de l’euro en 2010, un seul pays a eu le privilège de passer par la case du défaut partiel!: la Grèce. Cela s’est passé dans la douleur à défaut de procédure préétablie. Une restructuration a toujours pour but de réduire le stock de dettes, de façon à rétablir la solvabilité, rendre crédible le remboursement des dettes restantes… et futures. En un mot, lui permettre de revenir sur les marchés. En Grèce, elle a porté le nom de «!PSI!»,

pour Private Sector Involvement. Les banques européennes et autres fonds ont dû renoncer à 75%% de leurs créances (53,5%% de la valeur faciale). Une perte sèche de 155!milliards d’euros, la plus grosse restructuration de dette jamais réalisée, plus encore que celles pilotées par le FMI en Amérique du Sud ou en Asie.Le défaut est un peu comme le paludisme, ponctué de crises plus ou moins espacées. C’est une maladie dont on ne guérit pas, à la fois parce que la confiance s’érode et parce que les mauvaises habitudes qui ont mené au défaut sont di&ciles à perdre. Dans le cas de la Grèce, pays «!serial defaulter!» par excellence, tout le monde s’attend à devoir

remettre le couvert. Les créanciers privés tondus, les publics sont les prochains sur la liste. Le premier d’entre eux n’est autre que le MES, qui porte dans son bilan 99!milliards d’euros de papier grec.Et pourtant, le MES n’a jamais eu autant la cote sur les marchés. Son directeur financier, Christian Franken, annonçait le mois dernier que le fonds avait, pour la deuxième fois consécutive, placé ses titres à un taux d’intérêt de… 1,42%%, autant dire, sans risque.C’est que l’Europe tout entière sou"re d’une sous-évaluation du risque souverain. Au point que la BCE encourage les banques à abandonner le dogme du «!risque zéro!» attaché à leurs obligations d’État. La banque flamande KBC a été la première à s’engager sur cette voie. Il y en aura d’autres, même si la réglementation bancaire considère toujours les titres souverains comme non risqués. Il faut dire que ladite réglementation est adoptée par le Parlement européen et par les ministres des Finances… qui eux-mêmes ont des déficits à financer. En 2002, après l’e"ondrement de l’Argentine, la chef économiste du FMI, Anne Krueger, avait proposé de créer une procédure d’insolvabilité des États. Elle pensait que cela renforcerait la discipline de marché. Tant que le défaut restait impossible, les investisseurs pouvaient partir du principe que leurs créances sur un pays étaient garanties (en dernier ressort par le FMI lui-même). Leurs décisions seraient biaisées et, au lieu d’envoyer un signal d’alerte en temps réel, ils risquaient d’attendre le constat de la faillite pour couper la liquidité et accélérer la faillite. Exactement comme cela s’est passé en Grèce en 2010. Il fallait donc clarifier les conditions d’une restructuration. L’initiative Kruger est restée sans suite.Le débat auquel se prête Klaus Regling est salutaire. Lever le tabou d’un défaut souverain ne veut pas dire que l’on souhaite qu’il advienne. C’est aider le marché à sortir du déni, quitte à ce que le financement des déficits coûte un peu plus cher. Encore un dossier pour Jean-Claude Juncker quand il reprendra la présidence de la Commission européenne, en novembre. !

LE DÉFAUT, UNE MALADIE DONT ON NE GUÉRIT PAS

FLORENCE AUTRETCORRESPONDANTE À BRUXELLES

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OLIVIER BABEAUENSEIGNANT-CHERCHEUR À L’UNIVERSITÉ PARIS VIII VINCENNES ET CONSULTANT EN STRATÉGIE D’ENTREPRISE

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GÉNÉRATION26 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 4 JUILLET 2014 - NO 96 - WWW.LATRIBUNE.FR

Zone d’influence : #hardware #expérience utilisateur #Kickstarter #disruption

SÉVERIN MARCOMBES

Entrepreneur sans limitesIl commercialisera en septembre Lima, son dispositif qui unifie les mémoires informatiques. À 27 ans, après avoir collecté 1,2 million de dollars de commandes sur le site de crowdfunding Kickstarter, il vient de recevoir 2,5 millions de dollars de Partech Ventures.

TIME LINESéverin Marcombes

Juin 1987 Naissance à Paris.

2000 Stage de découverte de l’entreprise dans

un incubateur.

2010 Diplômé de l’ECE

et de l’ESCP, entre à l’incubateur de l’ESCP.

Décembre 2011 Dépose les statuts

de Forgetbox.

Septembre 2013 Lève 1,2 million de

dollars sur Kickstarter.

Juin 2014 Lève 2,5 millions de dollars auprès

de Partech Ventures.

Septembre 2014 Lancement

commercial de Lima.

2016 Lima a des bureaux en Chine et aux États-Unis

et développe la v2.

PAR PERRINE CREQUY

@PerrineCrequy

© MA

RIE-A

MÉLIE

JOUR

NEL

Le calme avant la tem-pête. Séverin Marcombes, 27!ans, finalise les prépara-tifs du lancement commer-cial, en septembre, de son premier produit!: Lima, un boîtier qui tient dans une

poche et qui permet d’unifier la mémoire de ses ordinateurs – Mac et PC –, smart-phones et tablettes, en o"rant la disponi-bilité du cloud computing, tout en gardant le contrôle de ses données. Plutôt que de se répandre en explications, le fondateur de la société Forgetbox, qu’on appelle désormais Lima, préfère lancer une vidéo de démons-tration. En deux minutes, le film tourné à la mi-juin lors du festival du numérique Futur en Seine, montre comment le boîtier, bran-ché sur une box Internet et sur un disque dur externe, devient la mémoire de tous vos appareils, vous permettant de récupé-rer en moins de deux secondes sur votre ordinateur au bureau la dernière version du document que vous avez créé à votre domicile puis annoté via votre smartphone. Tout en soulignant qu’il reste consultable sans connexion Internet.

« IL SAIT CE QU’IL NE SAIT PAS, N’HÉSITANT PAS À S’ENTOURER »«!Dès cet été, nous allons livrer les premiers exemplaires produits!: une série spéciale, noire avec une bague bleue, pour nos “backers”, qui ont précommandé Lima sur Kickstarter! », précise posément Séverin Marcombes, qui parsème volontiers son discours de termes anglais. Quand il a lancé sa campagne sur le site de crowdfunding américain, le 10 juil-let 2013, refusant de se laisser décourager par ceux qui lui déconseillaient l’opération sur ce site, car «! trop compliquée pour un Français! », il cherchait à engranger 1#000! précommandes pour financer une première production de son appareil en Chine. L’objectif est atteint en 24!heures. Et, au terme de la campagne, deux mois plus tard, 13#000! précommandes ont été passées, générant 1,2!million de dollars de financement. De quoi hisser Lima au rang de «!projet français ayant levé le plus d’argent sur Kickstarter, mais aussi de 6e projet tech-

nologique le plus financé sur la plate-forme de crowdfunding depuis son lancement, et le 35e toutes catégories confondues!».«! 94"% des précommandes seront exportées, dont la moitié aux États-Unis. Nous sommes une entreprise française à l’ambition inter-nationale! », souligne l’entrepreneur, qui a vu son équipe passer de deux à seize personnes dès octobre 2013. Pour autant, ce démarrage international sur les cha-peaux de roues a été ponctué de défis. Par exemple, le nom initial du produit a dû être modifié au cours de la collecte, à la suite du recours d’une entreprise utilisant un nom similaire. Barbara Belvisi, directrice financière de Lima, se souvient du coup de semonce provoqué par cette décision judi-ciaire!: «!Alors que toute l’équipe craignait de voir la collecte pâtir de ce changement de nom contraint, Séverin a réagi avec un sang froid blu#ant. En deux jours, il a renommé le pro-duit et a transformé cette avarie en opportunité pour fédérer encore davantage la communauté autour du projet.!»«!Séverin a une résistance au stress colossale. Il bouillonne d’idées, avec une vision très claire de ce à quoi il veut aboutir, tout en gardant du recul dans la réalisation de son projet. Et il sait ce qu’il ne sait pas, n’hésitant pas à s’entou-rer!», confirme Gilles Labossière, directeur financier de Parrot et «!advisor!» de Séverin Marcombes de longue date. «!Séverin avait treize ans quand je l’ai accueilli en stage au sein de l’incubateur Republic Alley, que j’avais fondé. Il a tout de suite manifesté l’envie d’en-treprendre. Mon premier conseil a été!: “passe ton bac d’abord, et finis tes études”.!» Per-sévérant, Séverin Marcombes tente, dès lors, année après année, de convaincre son mentor de l’accepter dans son incubateur.Le lycéen reprend consciencieusement le chemin de l’école tout en multipliant les projets parallèles. Ainsi, il donne des cours d’informatique aux seniors de son voisinage. Étudiant à l’ECE Paris, l’apprenti ingénieur en systèmes d’information em-barqués consacre ses soirs et week-ends (et quelques heures de cours) à élaborer une technologie de comptage de passants pour la start-up Majority Report. «!À cette époque, je commençais déjà à plancher sur un projet de “machin” pour centraliser les données.! » Séverin Marcombes complète ensuite ses connaissances commerciales dans un Mas-ter à l’ESCP. C’est finalement en 2010 qu’il se lance, au sein de l’incubateur de l’école de commerce. Au bout de deux ans, il s’as-socie à Gawen Arab, rencontré chez Majo-

rity Report, et entre au Camping. Stephan Ramoin, aujourd’hui président de Gandi, faisait partie du comité de sélection de l’incubateur parisien! : «!À l’époque, Séverin était seul et cela faisait peur. J’ai insisté pour qu’il soit retenu, car un profil technique comme le sien avec une telle connaissance de l’expé-rience utilisateur, c’est rare. Séverin ne se met aucune limite. Il fait partie des gens capables d’inventer des choses radicalement nouvelles. Il sait écouter les conseils et ne pas les suivre,

pour mieux réaliser sa vision.!» Certains ont ainsi recommandé à l’ambitieux Séverin de renoncer à son projet de hardware, et de se concentrer sur un projet de moindre envergure. Appliqué, il réalise en neuf mois le système d’échange de fichiers qu’on lui suggérait. Avant de se recentrer sur son projet initial, Lima. L’engouement sur Kickstarter a rapidement validé son choix, et piqué la curiosité des investisseurs. Et, début juin, Séverin Marcombes a annoncé avoir levé 2,5!millions de dollars auprès de Partech Ventures.Séverin Marcombes n’est pas avare de conseils pour ceux qui veulent suivre ses pas. «!Nous voulons rassembler la communau-té des entrepreneurs parisiens dans le hard-ware. Nous avons organisé une première ren-contre consacrée à Kickstarter, qui a réuni une trentaine de personnes.!» Il accompagne plus particulièrement deux start-up, My Robo-tics, dans les objets connectés, et We Are Leka, qui fabrique un jouet robotisé et inte-ractif pour les enfants autistes. «!Séverin est l’entrepreneur que j’aimerais devenir!: il réussit en développant sa propre vision du monde, et en restant humble et accessible. Mettre au point un produit physique, c’est autre chose que de construire une application numérique. Les discussions avec lui sont très enrichissantes, autant sur les questions de production que sur la vie de l’entreprise en général!», salue Ladis-las de Toldi, PDG et cofondateur de We Are Leka. Séverin Marcombes se réjouit que son exemple puisse inspirer d’autres entre-preneurs. Lui ne cache pas son admiration pour Archos, la société présidée par Henri Crohas. Un autre adepte de technologies pointues di"usées au grand public.!

MODE D’EMPLOI « Je déjeune

souvent au Bioburger, à deux pas du métro Le Peletier, où sont nos bureaux. Sinon, envoyez-moi un mail : [email protected]. »

Soulignez votre envie de changer les choses et la dimension novatrice de votre offre. « Je suis curieux de tout ce qui se fait en dehors de mon secteur. J’aurais plaisir à vous écouter me présenter votre projet disruptif, que ce soit dans la mode, la technologie spatiale ou l’art culinaire. »

Le fatalisme. « Les gens qui jugent que ”de toute manière ça ne marchera jamais“ m’agacent. Regardez autour de vous : tous ceux qui réalisent leurs rêves sont des gens normaux, convaincus que chaque problème a sa solution. Battez-vous ! »

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LA CONFIANCE NE SE DÉCRÈTE PAS. ELLE SE CRÉE TOUS LES JOURS.

À CHAQUE INSTANT ELLE SE CONSTRUIT, ELLE SE MÉRITE, ELLE SE

GAGNE ET S’ENTRETIENT. LA CONFIANCE, C’EST CETTE ÉNERGIE

À LA FOIS FRAGILE ET PUISSANTE QUI CIRCULE ENTRE LES HOMMES,

DU PREMIER PAS DE LA VIE JUSQU’AU DERNIER JOUR. QUAND ELLE

N’EST PAS LÀ, RIEN N’EST POSSIBLE. DÈS QU’ELLE EST TRANSMISE,

ELLE DÉCLENCHE L’ACTION, ENCOURAGE L’AUDACE, DÉCUPLE

LES FORCES. ELLE ENGAGE À CULTIVER LA TERRE QUEL QUE

SOIT LE CIEL. ELLE DONNE ENVIE DE SOURIRE QUAND ON PENSE

À L’AVENIR. ELLE GUIDE LES OPTIMISTES POUR FAIRE AVANCER

LE MONDE. ELLE INCITE LES ARTISTES À CHANGER NOS REGARDS.

ELLE POUSSE À TRAVERSER DES MERS AUSSI SÛREMENT QUE LE

VENT. LA CONFIANCE, C’EST CETTE SUBLIME VALEUR AU CŒUR

DE NOTRE MÉTIER. À LA FOIS ÉVIDENTE ET ESSENTIELLE.

POUR NOUS, LA CONFIANCE EST CONCRÈTE. NOUS VOULONS

LUI REDONNER TOUT SON SENS. DEPUIS PLUS DE 100 ANS,

NOUS AVONS À CŒUR DE CRÉER LA CONFIANCE CHEZ NOS

COLLABORATEURS, CLIENTS ET PARTENAIRES. C’EST NOTRE FAÇON

DE FAIRE NOTRE MÉTIER. NOUS EN SOMMES FIERS. NOUS SOMMES

LE GROUPE GROUPAMA. ASSUREURS CRÉATEURS DE CONFIANCE.

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