T H É - ecologique-solidaire.gouv.fr©ma... · (les enjeux pour l’alimentation et...

40
T H É M A Analyse L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires Septembre 2017 Commissariat général au développement durable

Transcript of T H É - ecologique-solidaire.gouv.fr©ma... · (les enjeux pour l’alimentation et...

T H

É

M A

Analyse

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoiresSeptembre 2017

Commissariat général au développement durable

sommaire

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

05 – Introduction

09 – Partie I : Une démarche volontariste des collectivités

15 – Partie II : Les axes d’intervention des collectivités

23 – Partie III : Une gouvernance alimentaire en construction

29 – Partie IV : Les facteurs favorables à un système alimentaire durable territorialisé

33 – Partie V - : Les défis à relever pour aller plus loin

35 – Remerciements

Document édité par :Le Commissariat Général au développement durable/Délégation au développement durable et le Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration au développement durable

Remerciement à toutes les organismes et collectivités cités en fin de document, Julien Fosse, Florence Scarsi, IsabelleCouprie, Julia Rambaud, Pauline Potteeuw

2 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

contributeurs

NRNathalie RacineuxCEREMA

ADMAudrey Debroise-MartiCEREMA

DLDavid LandryCEREMA

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 3

alimentation durable constitue une porte d'entrée de plus en plus empruntée

pour la mise en mouvement des territoires dans la transition écologique et

solidaire. Elle impose une approche transversale des enjeux et en cela porte

une visée transformatrice du modèle de développement des territoires : défi

énergétique (lutte contre le dérèglement climatique), défi environnemental (préservation des

ressources naturelles et de la biodiversité), mais également développement de l’emploi local non

délocalisable, aménagement du territoire, santé, mieux vivre ensemble, lien entre les espaces

ruraux et urbains... Aussi, dans le cadre de ses travaux sur les systèmes alimentaires durables

territorialisés menés avec d'autres partenaires, le ministère a demandé au CEREMA de consulter

un panel de collectivités engagées dans des projets alimentaires. Cette publication, reflet de

cette étude, a pour vocation, en montrant des exemples variés et en analysant leurs conditions

de réussite et les défis à relever, de donner des premières clés d'entrée et de compréhension

pour les acteurs locaux qui souhaiteraient par l'entrée de l'alimentation se placer dans une

ambition de transition écologique et solidaire. Cette publication pourra contribuer à l’élaboration

de propositions ambitieuses en la matière dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation.

L’

4 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

avant-propos

>

INTRODUCTION

La question alimentaire a pris une importance grandissante ces dernièresannées, elle est devenue un nouvel enjeu de développement durable pourles territoires, une politique publique transversale à construire, fruit d’unengagement entre de nombreux acteurs publics et privés. Lescollectivités engagées avancent pas à pas. La mise en œuvre d’unealimentation plus durable contribue aux enjeux locaux tels que lapréservation des ressources, les pratiques agricoles, la résilience face auchangement climatique mais aussi les questions sociales et degouvernance.

En réponse aux attentes fortes des consommateurs sur la qualité et la provenance de leuralimentation et à leur prise de conscience des enjeux environnementaux et du changementclimatique, émergent des initiatives publiques et privées visant à satisfaire les besoins quantitatifset nutritionnels des populations dans le respect des équilibres socio-environnementaux et àrelocaliser notre alimentation. Ainsi, progressivement, de nouveaux liens entre les villes et lescampagnes se tissent de façon à répondre aux besoins de reconnexion des citoyens à leuralimentation.

Participant à un mouvement international, l’ancrage territorial est désormais l’une des priorités dela politique agricole et alimentaire du Ministère de l’agriculture dont les collectivités territorialess’emparent. La société civile se mobilise également sur le sujet, mène des expériences et faitpression sur les pouvoirs publics pour agir.De plus en plus de collectivités s’engagent de manière volontaire sur la question alimentaire,dans l’élaboration d’actions, de projets alimentaires territorialisés (PAT issus de la loi de lamodernisation de l’agriculture et de la pêche de 2014) et contribuent à la construction denouvelles politiques transversales. (déclaration de l'ARF ou Pacte de Milan cf page 11). Ellesvisent à développer un approvisionnement plus local et tentent d’articuler plusieurs leviers à leurdisposition en fonction de leurs champs de compétences aux différentes échelles territoriales. Ainsi, chaque territoire construit sa voie, sa propre gouvernance, à son rythme, pour aller vers unsystème alimentaire plus durable. Ce chemin n’est pas pour autant bien balisé et nombreux sontles obstacles auxquels doivent faire face les collectivités pour transformer la chaîne deproduction alimentaire. Pour en savoir plus sur l'implication des territoires sur l'alimentation et identifier leurs besoinsd'appui, le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) a demandé au CEREMA deréaliser une enquête nationale auprès de 38 collectivités sur les systèmes alimentaires durablesterritorialisés (SADT). Ces collectivités, sélectionnées sur la base d'un panel proposé par leComité de pilotage multi-partenarial animé par le CGDD, couvrent une grande diversité deterritoires selon leur taille, leur situation géographique, leur avancement dans un projet autour del'alimentation, leur porte d'entrée dans le sujet, etc. Cette publication présente les principauxéléments ressortis de cette consultation menée en 2016.

Enquête sur les pratiques de 38 collectivités

Des entretiens semi-directifs ontété effectués par téléphoneessentiellement auprès detechniciens et de quelques élus

Introduction

6 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

Système Alimentaire Durable Territorialisé : définitions

- Définition d'un "système alimentaire"Louis Malassis, 1994 : "un systèmealimentaire est la façon dont les hommess'organisent dans l'espace et dans le tempspour obtenir et consommer leur nourriture."

- Définition de l'alimentation durable parla FAO Les régimes alimentaires durables sont desrégimes alimentaires ayant de faiblesconséquences sur l'environnement, quicontribuent à la sécurité alimentaire etnutritionnelle ainsi qu'à une vie saine pourles générations actuelles et futures. Les régimes alimentaires durablescontribuent à protéger et à respecter labiodiversité et les écosystèmes, sontculturellement acceptables,économiquement équitables et accessibles,abordables, nutritionnellement sûrs et sains,et permettent d'optimiser les ressourcesnaturelles et humaines.

- Les fondamentaux des SATpar Jean-Louis Rastoin (Professeurémérite de Montpellier SupAgro ChaireUNESCO Alimentations du monde) :

• des objectifs d'alimentation durable(FAO) et de souveraineté alimentaire

• une économie de proximitéécosystémique

• une gouvernance participative.

- Le terme de système alimentaire durableterritorialisé (SADT) apporte :

• une dimension systémique qui meten avant les interrelations en jeuentre acteurs de la chaînealimentaire

• une approche transversalepermettant de mettre en avant lesenjeux liés à l'alimentation et de faireécho aux préoccupations descollectivités territoriales : lutte contrele dérèglement climatique,préservation des ressourcesnaturelles et de la biodiversité,aménagement du territoire,développement de l’emploi local,santé, lien social...

Partie 1 : Introduction

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 7

Les cinq principes de l’alimentation et de l’agriculture durables(les enjeux pour l’alimentation et l’agriculture – source FAO)

Introduction

8 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 1

Une démarche volontariste des collectivités

L’engagement des collectivités sur la question alimentaire se fait de manièrevolontaire souvent dans le prolongement des projets de territoire dedéveloppement durable tels que les agendas 21 locaux. L’impulsion peut aussivenir des associations porteuses de projets. Elle peut être portée par des élusinvestis dans la transition vers le développement durable ou des servicesimpliqués dans l’agriculture ou la restauration scolaire. Un appel à projets ciblésur l’ancrage territorial de l’alimentation, tel que celui lancé annuellement par leMinistère en charge de l'agriculture sur les Projets Alimentaires Territoriaux(PAT) dans le cadre du Programme National pour l’Alimentation (voir encadrépage 32), peut aussi être une opportunité saisie par une collectivité

LES OBJECTIFS POURSUIVIS :

Les objectifs poursuivis par les collectivités enquêtées sur la question alimentaire sont plus oumoins ambitieux au regard des enjeux territoriaux et de la vision d’une nécessaire réorientationde l’action publique. Aussi les principaux objectifs cités sont les suivants :

✔ maintenir l’emploi agricole et renforcer l’ancrage territorial ; ✔ préserver et valoriser les ressources locales, le patrimoine (naturel, culinaire),

l’identité territoriale ✔ offrir une alimentation saine et locale au plus grand nombre ; ✔ préserver la qualité de l’eau, l’environnement (sols, biodiversité, paysages) ; ✔ aller vers l’autonomie alimentaire et plus de résilience ; ✔ changer le modèle de production, de transformation et de distribution.

C’est surtout la notion de durabilité qui fait débat entre les acteurs au sein des territoires. Aussi,le niveau d’exigences visé n’est pas souvent affiché, pour favoriser la mise en mouvement et lafédération progressive de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire.

Partie 1 : Une démarche volontariste des collectivités

10 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

Le Pacte de la politique alimentaireurbaine de Milan du 15 octobre 2015énonce clairement la nécessité d'uneréorientation de l'action publique pourconstruire une politique alimentairelocale durable, inclusive et encohérence avec les objectifs dudéveloppement durable selon uneapproche écosystémique. Cela supposede considérer le PAT ou le SADT commeun outil de cohérence des politiquespubliques relatives à l'aménagement,l'agriculture, le développement économiqueet l'emploi, l'environnement, la santé, lacohésion sociale, la valorisation dupatrimoine, la lutte contre le changementclimatique, etc. Ce pacte a été signé par113 villes dans le monde. Cinq de cescollectivités font partie de cette enquête(Bordeaux Métropole, MontpellierMéditerranée Metropole, Lyon, NantesMétropole, Paris) sur les 8 françaises(Marseille, Grenoble et Conseildépartemental de Gironde).

La promotion des systèmes alimentairesterritorialisés (SAT) a été actée par unedéclaration de l'Association desRégions de France (ARF) signée àRennes lors d'une journée consacrée ausujet le 4 juillet 2014.Dans cette déclaration, l'ARF s'engagenotamment "à promouvoir des systèmesalimentaires territorialisés grâce à despolitiques alimentaires dédiées audéveloppement de leurs territoires,favorisant le développement économiquelocal, la gestion durable de leursressources naturelles et la promotion del'emploi agricole et rural". L'ARF demande,entre autres, à ses membres de "faciliterl'installation d'agriculteurs qui répondent àces exigences..." Les crédits du FEADER(deuxième pilier de la PAC), désormaisgérés par les régions, peuvent d'ailleursfavoriser le développement du systèmealimentaire territorialisé.

LE NIVEAU D’IMPLICATION ET DE TRANSVERSALITÉChaque territoire construit sa propre voie, privilégie tel ou tel champs d’intervention, mode decoopération et d’animation, expérimente à son rythme. Toutefois, de l’enquête menée, cinqtendances se dégagent selon les territoires :

• des territoires encore peu engagés qui mènent des actions ponctuelles,

• une approche à dominante économique basée sur l’ancrage territorial et le maintien del’emploi local,

• une approche ciblée sur la qualité alimentaire qui s’appuie sur la restauration collective,

• une approche à dominante environnementale qui nécessite l’accompagnement auchangement de modèle de production,

• une démarche systémique de l’alimentation qui articule plusieurs finalités.

Partie 1 : Une démarche volontariste des collectivités

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 11

Pour les territoires en phase d’engagement, beaucoup expriment des intentions et essaient decréer des liens entre leurs actions sur différents champs d’intervention. Au stade du diagnostic,ces territoires cherchent des outils, des moyens et méthodes de mise en œuvre d’un SADT.

Les démarches à dominante économique s’appuient souvent sur des financements dedéveloppement local européens avec pour objectif prioritaire l’ancrage territorial et l’emploi. Cesdémarches sont créatrices de valeur ajoutée pour les producteurs et les transformateurs.

L’approche nutrition-santé de la restauration collective permet de créer un important levier sur laproduction durable du territoire via la commande publique. C’est une entrée souvent privilégiéequi invite les collectivités à réfléchir sur leurs ambitions en termes de qualité alimentaire et derelocalisation de la production. En effet, l’offre étant largement insuffisante, des actions surl’accompagnement des changements de pratiques et l’orientation vers de nouvelles productionssont souvent investies en parallèle. Ainsi le travail fait autour de la restauration collective peutdevenir un axe de transversalité.

Typologie des politiques publiques de restauration collective locale et durable (http://www.observatoire-restoco-durable.org/)

Partie 1 : Une démarche volontariste des collectivités

12 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

L’approche à dominante environnementale est moins fréquente, elle s’inscrit dans desdémarches volontaristes de développement durable du territoire, s’appuie souvent sur lapréservation des ressources : eau, biodiversité et sur des programmes de développementdurable des territoires.

L’agenda 21 a souvent été mentionné comme la source de la politique alimentaire descollectivités. Effectivement, la démarche systémique est celle qui se rapproche le plus desfinalités du SADT. Toutes les dimensions précédentes sont travaillées. Il s’agit de territoiresengagés dans une transition écologique. Ils sont soucieux de leur souveraineté alimentaire, de lapréservation des ressources, de l’équité de l’accessibilité et de la participation citoyenne. Cesdémarches ont l’intérêt d’être en plus créatrices d’emplois, notamment celles qui incluent unepolitique sociale et s’appuient sur l’économie sociale et solidaire (ESS).

Exemple de démarches systémiques :

La ville «en transition» d’Ungersheim affiche dans ses 21 actions pour le 21e siècle, unobjectif d’autonomie alimentaire. Les actions qu’elle a engagées sont :

la mise en place de la restauration scolaire 100 % bio à l’accueil enfance depuis avril2009, tous les jours de la semaine, goûter inclus ;

la création d’une exploitation maraîchère bio de 8 hectares en chantier d’insertion ;

l’édification de la ferme du Kohlacker ou Maison des Natures et des Cultures ;

l’aménagement d’une légumerie-conserverie dans les annexes de la salle dessports, opérationnelle depuis juin 2015 ;

la construction d’une cuisine collective bio, certifiée Ecocert au 3e niveau, pour larestauration scolaire, opérationnelle depuis septembre 2014 ;

le lancement d’une « Filière de la Graine à l’assiette ».

Partie 1 : Une démarche volontariste des collectivités

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 13

Exemple de projet intégrateur : l’écopôle alimentaire

La communauté de communes de la régiond’Audruicq a fait l’acquisition foncière d’uneexploitation agricole et a ainsi pu créer en2011 l’écopôle alimentaire en s’appuyant surdeux structures opérationnelles de l’ESS(économie sociale et solidaire) : Terred’Opale et les Anges Gardins. Ces deux structures représentent 40emplois, la moitié en CDD ou CDI etl’autre en contrat d’insertion L’écopôle, reconnu Pôle d’excellence ruraledu pays du Calaisis, et l’action pilote«Maison de l’alimentation» du ProgrammeNational de l’Alimentation, est un projettransversal autour de l’alimentation ouvrantnon seulement sur l’économique mais aussisur le social, la santé, la culture… Multi-services : les principales fonctionsde l’Écopôle Fonction de distribution et decommercialisation : • plate-forme de distribution de paniers bio

et de produits locaux • point de vente • livraison en diffus (80 points relais)

Fonction de transformation alimentaire • atelier de transformation conventionnel

et bio, produits de terroir, ouvert auxproducteurs et artisans locauxsouhaitant explorer de nouveauxmoyens de valorisation desproductions

• atelier cuisine Fonction de pédagogie à l’alimentationpour les professionnels des métiers del’alimentation et du social • espace pour valoriser les savoir-faire des

métiers de bouche et l’approchenutritionnelle

• programme croisé de stages deformation et de visites avec lesacteurs del’alimentation du territoire

• dispositif d’éducation à la diversitéalimentaire auto-production, ateliercuisine, programme desensibilisation.

Fonction de pédagogie autour de labiodiversité et du «jardin au naturel »

• espace de support paysager etartistique

• programme annuel de stage deformation

• vitrine des techniques d’entretien, degestion durable et de la biodiversitédes paysages et des jardins

Terre d’Opale, une associationde coordination d’un dispositif decircuit alimentaire local «Bio etsolidaire», qui anime un réseaude 15 producteurs locauxcertifiés AB, gère le système dedistribution hebdomadaire de paniers delégumes AB (350 abonnés) et organisel’offre locale de produits AB pour laRestauration Hors Domicile (RHD). Les Anges Gardins, uneassociation pour l’insertion, ledéveloppement de nouvellespratiques sociales et d’activitésliées à l’alimentation : activitéspour les publics fragiles sousforme d’ateliers d’insertion dans lesdomaines du maraîchage, duconditionnement et de la livraison de fruitset légumes locaux certifiés en agriculturebiologique, des ateliers cuisines (formationd’ambassadeurs, guide du jardinage, guidede cuisine.)

Partie 1 : Une démarche volontariste des collectivités

14 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 2

Les axes d’intervention des collectivités

Les collectivités entrent dans la question alimentaire généralement par une thématique choisieau regard de leurs champs de compétences et des enjeux territoriaux. Pour ce faire, elless’appuient sur leurs projets de territoire, leurs différentes politiques publiques, documents-cadreet outils réglementaires notamment liés à l’aménagement. Elles saisissent aussi des opportunitéstelles que des appels à projets pour accélérer le processus et/ou expérimenter de nouvellesapproches et actions.

Mémoire de fin d’études SupAgro Anna Faucher “initier une gouvernance alimentaire territoriale”

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

16 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

LA PROTECTION DU FONCIER AGRICOLE

La première thématique traitée par les collectivités et intégrée dans une démarche autour del’alimentation est la problématique de l’agriculture de proximité, de préservation du foncier et desactivités agricoles.

Les outils de la planification et de gestion du foncier peuvent permettre d’établir des politiquesfavorables aux zones agricoles (SCOT, PLUi, PLU). Des zones agricoles protégées (ZAP) ou despérimètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains(PPEANP) ont ainsi vu le jour. Certaines collectivités ont même converti, dans les zonesagricoles, des terrains urbanisables en zone agricole ou naturelle.

Dans l’ancienne région du Nord Pas de Calais, un Schéma Régional d’Alimentation etd’Agriculture Durable (SRAAD) est cité comme déclencheur de l’entrée dans une démarche detrame verte et bleue et de réflexion sur les productions de proximité par les territoires.

En espace rural, une opération concertée d’aménagement et de gestion de l’espace rural(OCAGER), a été lancée pour gérer le foncier de sorte à structurer une filière de production.

Certaines métropoles ont mis en place des stratégies de remise en activité agricole enproposant des subventions au « défrichage » de parcelles non valorisées.

La maîtrise foncière publique est une autre solution pour permettre l’installation de nouveauxagriculteurs, en mobilisant du foncier ou en achetant en fonction des opportunités et en lien avecla Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). On peut par exemple citer lecas de la Communauté d’agglomération Coeur d’Essonne qui a eu l’opportunité de convertir unepartie d’une ancienne base d’essais aériens (soit 75 hectares) en « pôle agricole bio » grâce àson acquisition foncière dans le cadre d’un plan de « redynamisation » de l’État.

Plus généralement, l’accès au foncier reste difficile, en particulier pour les nouveaux agriculteursqui s’installent en dehors du cadre familial et ne peuvent acquérir des exploitations devenuesinabordables au fil des agrandissements.

Partie 1 :

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 17

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

LA PROTECTION DE LA QUALITÉ DE L’EAU

Assurer la qualité de l’eau représente un coût financier de plus en plus important pour lesterritoires. Dans ce cadre, afin de privilégier une approche préventive et d’éviter des travauxcoûteux, les collectivités peuvent être amenées à intervenir en amont sur les modes deproduction agricole.

Exemples d’actions :

aide à l’investissement aux porteurs de projet « protection de la ressource en eau oudéveloppement des circuits courts » via une grille d’analyse avec des exigences précises surles aires de captage (Rouen métropole),

protection des champs captants, sur les pratiques phytosanitaires (Strasbourg),

marché expérimental, baptisée « Eau en saveurs » (afin de permettre l’utilisation decette méthodologie et d’en faire une marque grand public) pour travailler sur l’améliorationdes pratiques agricoles avec les agriculteurs du bassin versant (Rennes).

LA RESTAURATION COLLECTIVE

Le thème de la restauration collective est fortement investi par les collectivités car considérécomme un levier prioritaire d’action via la commande publique. L’accent n’est plus seulementmis sur le prix, mais sur la proximité, la saisonnalité et la qualité des produits. C’est aussil’occasion de faire de la pédagogie sur l’équilibre alimentaire, la nutrition au sein de larestauration scolaire.

Il y a différents niveaux d’engagement des collectivités sur la restauration collective durable.

L’antériorité de la démarche joue beaucoup sur la part de relocalisation de la commandepublique, qui nécessite une très bonne inter-connaissance des professionnels de la chaînealimentaire. De plus, la proximité n’étant pas une garantie de qualité, des processus de longuehaleine sont engagés pour trouver une offre d’alimentation locale qui répondent aux critères dela durabilité et de qualités attendus. Certaines collectivités de l’échantillon servent 100 % deproduits bio (Ungersheim, Grande-Synthe), d’autres ne se fixent pas d’objectifs chiffrés maiss’inscrivent dans une démarche de progrès.

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

18 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

Exemples d’actions :

la fixation d’objectifs chiffrés à atteindre en alimentation durable dans la commande enrestauration scolaire,

la retour à la régie municipale avec augmentation des moyens alloués à la restaurationscolaire,

l’aide au renouvellement de marché dans l’objectif « d’accroître la performance » sur lebio et le local.

Le code des marchés publics est très souvent perçu par les collectivités enquêtées comme uneentrave à la préférence locale : peur du contentieux, complexité, effets de seuils, frein àl’expérimentation, etc. Les collectivités évoquent également comme frein les normes éditées parle groupe d’études des marchés de restauration collective et nutrition (GEMRCN) qu’elles jugentcontraignantes et ne facilitant pas le changement vers des régimes alimentaires durables ni lalutte contre le gaspillage.

Pour les collectivités, il subsiste des idées reçues sur le coût d’une alimentation plus qualitative etdurable qui freinent la mobilisation de certains acteurs, notamment des élus.

Or, pour faire émerger de nouvelles pratiques, il faut pouvoir agir sur plusieurs leviers. En effetdes actions sur les approvisionnements, la conservation, la transformation, la préparation desplats, les équilibres alimentaires, la réduction du gaspillage, entre autres, peuvent dégager deséconomies suffisantes pour permettre l’achat de produits labellisés.

Les repères nutritionnelsSaisie par la Direction générale de la santé, l’Agence nationale de sécurité alimentaire del’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a récemment actualisé (janvier2017) les repères nutritionnels du Programme national nutrition santé (PNNS) pour lesadultes.Les travaux de l’Agence conduisent à des évolutions fortes au regard desrecommandations antérieures.Elles portent en particulier sur une consommation renforcée et régulière de légumineuses(telles que les lentilles, les fèves ou les pois chiches), la nécessité de privilégier les produitscéréaliers les moins raffinés (tels que les pains, les pâtes et les riz complets ou semi-complets), ainsi que l’intérêt de favoriser la consommation d’huiles végétales riches enacide alpha-linolénique (telles que les huiles de colza et de noix). Les consommations de fruits et légumes restent cruciales et doivent être renforcées enprivilégiant les légumes.

Partie 1 :

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 19

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

L’ÉDUCATION ALIMENTAIRE

Beaucoup de collectivités mènent des actions d’éducation au goût, à l’alimentation locale etdurable. Certaines d’entre elles ont inscrit leurs actions dans le cadre du Programme nationalnutrition santé (PNNS).

Exemples d’actions pédagogiques :

Visites à la ferme, aux marchés, animations sur les temps d’animation périscolaires (TAP),ateliers du goût, etc. De plus, certaines collectivités ne se contentent pas de faire de lapédagogie auprès des scolaires mais mènent des actions de sensibilisation nutrition-santétout public, notamment en direction des familles et des populations fragiles.

On peut aussi citer des actions-phares comme « les défis familles à alimentation positive »qui se déclinent dans différents territoires.

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

20 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE

Réduire le gaspillage alimentaire contribue à limiter les coûts de traitement des déchets, et peutà ce titre contribuer au financement de la démarche qualitative de la restauration collective. Cetaxe de travail s’inscrit souvent en complément des démarches d’éducation alimentaire.

Cette thématique a fait l’objet d’un appel à projets « territoires zéro gaspillage zéro déchet »,dont un certain nombre des collectivités enquêtées sont lauréates.

L’AIDE À LA STRUCTURATION DE NOUVELLESFILIÈRES

Les collectivités peuvent aider les porteurs de projets à mettre en œuvre la logistique nécessaireà l’approvisionnement et la transformation au sein leur territoire. En effet, pour intégrer les productions de légumes ou de viandes locales dans la commandepublique de la restauration scolaire par exemple, de nouveaux ateliers de transformation ou dedécoupe sont souvent nécessaires. Les collectivités peuvent pour cela faciliter la création de réseaux pour mettre en relation lesprofessionnels susceptibles de réorienter leurs activités vers les demandes enapprovisionnements locaux. Des nouvelles filières pour le pain, pour des protéines végétales, dela châtaigne, du malt ont ainsi pu voir le jour. Pour favoriser le rapprochement des producteurs et des consommateurs, les collectivitéspromeuvent les circuits courts, via des outils de communication variés, des événements ou lacréation de nouveaux marchés dédiés. Les territoires cherchent aussi à développer des labels et des certifications pour se faireconnaître et mieux valoriser leurs ressources spécifiques. Ainsi des chartes « qualité-proximité » se sont créées pour mettre en avant des produits, maisaussi des producteurs, des transformateurs et des restaurateurs engagés dans la démarche. Les parcs naturels ont développé une marque « Valeurs Parc Naturel Régional » pour valoriserles productions de leurs périmètres. A l’inverse, le patrimoine culinaire des territoires peut être utilisé pour valoriser leur image. Mêmepour les territoires non associés à un terroir ou à une production particulière, la communicationsur la qualité alimentaire semble être un nouvel axe de marketing territorial (exemple du Gard). D’ailleurs le secteur touristique n’est pas oublié dans les débouchés étudiés pour la création denouvelles productions identifiées comme locales.

Partie 1 :

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 21

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

L’ACCOMPAGNEMENT DES AGRICULTEURSAU CHANGEMENT DE PRATIQUES

En complément du levier de la commande publique pour augmenter la demande sur lesproductions plus respectueuses de l’environnement, plusieurs interventions sur les pratiquesagricoles ont été observées :

✔ la création de charte « qualité-proximité » incluant le suivi de l’amélioration des pratiquesvers plus de durabilité,

✔ des dispositifs de « couveuse » pour permettre d’expérimenter un changement de modede culture,

✔ l’aide foncière à la création d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA) pour descultures en Agriculture Biologique,

✔ des aides financières à la conversion à l’agriculture biologique, ✔ des aides financières au groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE), ✔ des subventions sur des analyses d’azote dans le sol pour accompagner des

changements de pratiques de fertilisation, ✔ une majoration à l’aide au redéploiement d’activités agricoles s’il y a un projet

d’agriculture biologique ou de maraîchage, ✔ la création de régies agricoles municipales.

D’AUTRES CHAMPS D’ACTIONS :LA COHÉSION SOCIALE ET LA SOLIDARITÉ

Le champ d’action de la cohésion sociale et de la solidarité est également investi dans desprojets d’agriculture urbaine ou périurbaine en lien avec des centres sociaux ou des acteurs del’économie sociale et solidaire : mise à disposition de terres agricoles pour alimenter les épiceriessociales en légumes locaux et de saison, ateliers participatifs et collectifs chez le producteur,insertion dans le domaine du maraîchage...

Parmi les collectivités enquêtées, cet axe est particulièrement développé au sein de l’écopôlealimentaire d’Audruicq en région des Hauts-de-France (cf. p.14).

Partie 2 : Les axes d’intervention des collectivités

22 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 3

Une gouvernance alimentaire en construction

Au travers des programmes alimentaires territoriaux (PAT) ou des systèmes alimentairesdurables territorialisés (SADT), une nouvelle politique publique transversale se définitprogressivement dans les territoires engagés qui s’appuie sur une nouvelle gouvernance trèsouverte. L’enjeu est de repenser l’organisation du système alimentaire. Cette gouvernancefédère un très grand nombre d’acteurs concernés par la chaîne alimentaire tels que desstructures publiques, privées, associatives, des groupements d’acteurs, coopératives, syndicatset citoyens organisés. L’enquête menée auprès des 38 collectivités révèle une pluralité de modesde coopération et de gouvernance selon les contextes territoriaux, avec toutefois une prioritésouvent donnée aux approches empiriques, à l’activation des réseaux de professionnelsnotamment autour de l’agriculture biologique. La plupart des collectivités soulignent la complexitéde cette gouvernance.

Grille d'analyse de la gouvernance alimentaire territoriale et intégrée, d'après Wiskerke (2009)

Partie 3 : Une gouvernance alimentaire en construction

24 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

LES ACTEURS MOBILISÉS

Parmi les acteurs en présence, on citera outre les collectivités aux différents échelons : lesagriculteurs et producteurs locaux, les artisans, les restaurateurs, les chambres consulaires et aupremier chef les chambres d’agriculture, la SAFER, les entreprises agroalimentaires, les grandeset moyennes surfaces, les transporteurs, les services de l’État, les associations telles que Terresde liens et Terres en villes mais aussi des organismes de recherche et d’innovation. La mobilisation de ces acteurs aux intérêts souvent divergents diffère fortement selon lescatégories, les contextes, le degré de maturité des territoires en matière de durabilité,l’engagement dans la transition et la capacité à coproduire des compromis et à travailler entransversalité.

LES MODES D’ORGANISATION ET D’ANIMATION

Les partenariats se constituent autour de la réalisation de diagnostics de territoire, del’élaboration de projets, chartes d’engagement et programmes d’actions ou/et directement autourd’actions structurantes. C’est dans ce cadre que des instances d’échanges, de travail et depilotage se mettent en place avec les différents acteurs concernés. Quelques collectivités ont fait le choix de créer une instance dédiée aux PAT ou SADT : parexemple, Conseil consultatif de Bordeaux métropole ou Conseil de gouvernance alimentaire duPays Basque. D’autres s’appuient sur des équipes projets ou des binômes d’acteurs qui animentdes réflexions et des programmes de travail sur la question alimentaire.Au-delà de la construction et du pilotage des projets et programmes d’actions, des nouvellesstructures émergent telles que l’Ecopôle alimentaire de la Communauté de communes de larégion d’Audruicq qui viennent expérimenter, asseoir, relayer de nouvelles pratiques dans lesterritoires et de nouveaux modes de coopération.La gouvernance alimentaire repose sur une animation territoriale assez horizontale qu’il fautpouvoir inscrire dans le temps long.

LES MODES DE COOPÉRATION ET DE CONTRACTUALISATION

Des coopérations professionnelles et interprofessionnelles se développent de manière spontanéeou plus institutionnelle, des partenariats avec des organismes de recherche et d’innovation maisaussi entre collectivités.

Partie 3 : Une gouvernance alimentaire en construction

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 25

Les politiques alimentaires en construction s’appuient sur différents types de conventions parexemple avec la SAFER pour préserver le foncier agricole et favoriser l’implantation de nouveauxagriculteurs, avec les restaurateurs publics et privés autour de l’approvisionnement local et lapart des produits biologiques, avec des groupements d’agriculteurs.Autour de la commande publique, des groupements d’achats entre collectivités se développent.Des contrats territoriaux sont signés entre conseils départementaux et intercommunalités autourde l’alimentation. Des chartes sont également signées entre partenaires ou en cours d’élaboration dans certainsterritoires telles que des chartes de l’agriculture et de l’alimentation (comme à LorientAgglomération) qui sont des documents à la fois stratégiques et opérationnels mais aussi deschartes qualité-proximité comme au Pays du Mans qui visent, outre le maintien de l’emploiagricole, l’amélioration des pratiques professionnelles. On peut citer également la charte « il faitbio dans mon assiette » d’Inter-bio Bretagne.

LES RÉSEAUX

Les réseaux informels, de travail (diagnostic, aménagement), associatifs (Terres en villes, FNAB,Civam, Terres de liens), réseau national « PAT », de recherche, de projet « projet Goûter »,associent sur un plan national plusieurs collectivités engagées dans une réflexion sur les SADT.

Les associations comme Terres en villes ou le réseau CIVAM jouent un rôle-clé pour mobiliser etfédérer les acteurs, accompagner les collectivités, mettre en lien et essaimer. Elles apportent leurappui à la construction d’une gouvernance alimentaire tout comme l’International urban foodnetwork (IUFN) qui préconise la construction d’un comité de pilotage inter-institutionnel etpluridisciplinaire (ou conseil de gouvernance alimentaire) chargé de définir une vision et desobjectifs communs, un diagnostic territorial à l’échelle des bassins de vie et de production et despistes d’actions avec si possible la signature d’une charte d’engagements avec tous lespartenaires.

Les programmes européens favorisant lacoopération transfrontalière

Les projets interrégionaux : AD-T (alimentation durable transfrontalière, participation àl’axe relatif à la mobilisation des consommateurs vers l’alimentation durable) et ADIn(alimentation durable inclusive, participation à l’axe relatif aux publics les plus éloignésde l’alimentation durable), le projet Interreg IIIA Espace Atlantique Agate piloté parl’Association des chambres d’agriculture de l’Arc Atlantique (AC3A)

Partie 3 : Une gouvernance alimentaire en construction

26 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

DES PARTENARIATS AVEC DES ORGANISMESDE RECHERCHE ET D’INNOVATION

Pour construire leurs politiques alimentaires territoriales, certaines collectivités s’appuient surdifférents programmes de recherche et mènent des expérimentations pour à la fois enrichir leursconnaissances et accompagner des transformations de pratiques.

Exemple de programme de recherche :

Le projet FRUGAL (formes urbaines et gouvernance alimentaire) dans le Grand Ouest etAuvergne-Rhône-Alpes.

Exemples d’expérimentations :

• ZAUE, zone d’agriculture urbaine expérimentale, à la fois vitrine et démonstrateurd’initiatives en matière d’agriculture nourricière urbaine (méthodes culturales, innovationstechniques ...) à Bordeaux Métropole;

• démarche « haut débit alimentaire » du Pays de Combraille en Marche.

LES OBSTACLES À LA CONSTRUCTION D’UNEGOUVERNANCE ALIMENTAIRE

Par rapport à ce nouvel objet transversal qu’est l’alimentation, le lien et la cohérence despolitiques publiques au niveau national comme local restent peu lisibles et insuffisants.L’alimentation n’est pas reconnue par tous comme un enjeu pour l’action publique. Aussi, lemanque de portage politique est souvent évoqué et plus largement la difficulté à fédérerl’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire car l’alimentation est objet de controverses.

Effectivement, le consensus est difficile à trouver sur la question de l’agriculture et del’alimentation durables. Les jeux d’acteurs sont complexes entre les services des ministères, leschambres d’agriculture, les agriculteurs conventionnels, les grandes et moyennes surfaces, lesconsommateurs, la FNAB, les élus, etc. S’entendre sur la bonne échelle territoriale de gouvernance, partager des objectifs stratégiqueset opérationnels, mobiliser les compétences et les moyens nécessaires s’avèrent souventdifficile.

Partie 3 : Une gouvernance alimentaire en construction

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 27

Exemple d'accompagnement à l'émergence de projets alimentaires territoriaux àl'échelle départementale

La politique alimentaire départementaledu Gard C’est un ensemble de dispositifs co-construits avec les acteurs locaux et mis enplace par le département pour inciter etaccompagner les initiatives du territoire enfaveur d’une agriculture durable pour unealimentation de qualité. Pour cela le département propose auxporteurs de projets une aide financièredirecte au projet (investissementfonctionnement) ainsi que del’accompagnement au montage de projet enplus de l’animation territoriale. La gouvernance de la politique alimentaire Le conseil départemental du Gard a désignéune élue déléguée à la qualité alimentaire.Ce portage politique permet de faire le lienentre tous les élus (CoPil interne-CoPilexterne avec des élus en charge dedifférentes thématiques). Un conseil alimentaire départemental, àdécliner au niveau territorial (4 GAL-groupesd’actions locales du Réseau rural français etune chambre d’agriculture), est en cours deconstruction.

Actions phares du département du Gard - Plan bio : les surfaces d’exploitation en agriculture biologique ont doublé entre 2009 et 2015 ; - La restauration collective avec les collèges dès 1994 « manger bien en resto co » : en 2011,les unités de production culinaire ont été supprimées pour céder la place à une unité deproduction de légumes et une cuisine autonome par collège. Sur les 54 collèges dudépartement, 18 sont rattachés à l’unité de production de légumes. Tous les collèges sont géréspar un groupement de commandes, pour que les chefs cuisinent plus de produits frais, bio etlocaux (les hôpitaux et maisons de retraite sont aussi concernés) ; - Filières : le raspaillou, un pain local, la filière locale « plantes à parfum, aromatiques etmédicinales » ; - Un travail est en cours sur le gaspillage alimentaire, des sites pilotes testent la consommationresponsable.

Partie 3 : Une gouvernance alimentaire en construction

28 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 4

LES FACTEURS FAVORABLES À UN SYSTÈME ALIMENTAIRE DURABLE TERRITORIALISE

La vision et le portage politique, le partage des objectifs et d’un programme d’actions par lesprincipaux acteurs de la chaîne alimentaire, le souci du bien commun, une gouvernance adaptéeau territoire sont des facteurs-clés pour réussir un projet alimentaire territorial ou un systèmealimentaire durable territorialisé.

Facteurs de réussite de la gouvernance alimentaire

Plusieurs conditions de réussite de la gouvernance ont été identifiés par la région Hautsde France lors d'un forum organisé en juin 2014.

L’AFFICHAGE DE L’ALIMENTATION DURABLE COMME UNE POLITIQUE À PART ENTIÈRE DOTÉE DE MOYENS POUR AGIR

Le portage politique est indispensable à la promotion et à la mise en œuvre de l’alimentationdurable. On peut citer la signature du Pacte de Milan (cf page 11) par plusieurs grandescollectivités françaises.

Partie 4 : Les facteurs favorables à un système alimentaire durable territorialisé

30 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

Souvent, l’engagement repose sur quelques personnes qui ont un leadership et une capacité àfédérer, comme le montrent les expériences d’Ungersheim et de Loos-en-Gohelle, issues de lavolonté de maires qui ont joué un rôle-clé dans la mise en mouvement des acteurs de leursterritoires.Les collectivités prennent en charge financièrement des études (la réalisation de diagnosticsnotamment), la création de postes dédiés, des actions, ce qui renforce leur engagement et lacrédibilité de cette nouvelle politique transversale. Il s’agit de démontrer par l’action pour fairedes émules.

L’APPUI SUR LES PROJETS DE TERRITOIRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET LES APPELS À PROJETS

Les collectivités qui sont engagées dans des projets de territoire de développement durable telsque des agendas 21 locaux ou/et des plans climat air énergie territoriaux (PCAET) disposentd’un cadre favorable à la construction d’une politique alimentaire territoriale, car elles ont déjàacquis une certaine culture de la transversalité. Les appels à projets, les plus mentionnés par les collectivités enquêtées comme suscitantl’émergence de politiques alimentaires territoriales ou l’accompagnant sont : le ProgrammeNational pour l’Alimentation (PNA), le Programme National Nutrition Santé (PNNS), Territoirezéro gaspillage zéro déchet (TZGZD). D’autres appels à projets plus thématiques relatifs à l’économie circulaire par exemple sont aussimobilisés, car ils contribuent à engager de nouveaux types d’actions, à transformerprogressivement les modèles de production et pratiques professionnelles.

LA CAPACITÉ À FÉDÉRER LES ACTEURS AUTOUR DE L’ALIMENTATION DURABLE

La capacité à fédérer progressivement une diversité d’acteurs du territoire autour del’alimentation durable est fondamentale pour bâtir un SADT qui est par définition un projetcomplexe qui ne peut être que co-porté. Cela suppose de réunir plusieurs conditions :• bien connaître les acteurs du territoire (institutionnels, professionnels, associatifs..), lespersonnes et structures-ressources, les différentes actions menées sur le territoire et projets ;• s’appuyer sur les réseaux et partenariats déjà constitués, quelques leaders ;• faire le lien avec les initiatives associatives et citoyennes, proposer des espaces d’échanges, detravail, de pilotage, une animation territoriale à géométrie variable inscrite dans le temps ;• s’entendre sur un cadre commun (état des lieux, objectifs, actions, modalités de gouvernance).

Partie 4 : Les facteurs favorables à un système alimentaire durable territorialisé

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 31

Les collectivités mentionnent l’importance du rôle des associations nationales (telles que Terresde liens, Terres en villes, la FNAB, le réseau Cocagne) qui ont un pouvoir d’interpellation etd’appui à la fédération des acteurs fort apprécié.D’autres acteurs associatifs, souvent liés à l’économie sociale et solidaire, contribuent à la miseen place de projets alimentaires de proximité. Par exemple, des initiatives issues de la sociétécivile qui essaiment sur le territoire des Hauts-de-France.L’environnement scientifique crée aussi un contexte favorable à l’acculturation de laproblématique agronomique et alimentaire et son partage par tous les acteurs du territoire. Ainsila politique alimentaire de Montpellier Méditerranée Métropole est issue d’une réflexionpartenariale entre les élus locaux, les agents et une équipe de chercheurs -Cirad (Centre decoopération internationale en recherche agronomique pour le développement),- ChaireAlimentation du Monde, Montpellier SupAgro et Université de Montpellier.

Le Programme National pour l'Alimentation (PNA)

L'article 1er de la loi n°2010-874 demodernisation de l'agriculture et de lapêche, fonde, pour la première fois enFrance, le cadre de la mise en œuvre d'unepolitique publique de l'alimentation.

Ses orientations sont déclinées au traversd'un programme national interministérieldédié à la qualité de l'alimentation. Créédans un souci de coordination de l'actionpublique dans le domaine de l'alimentation,le programme national pour l'alimentation(PNA) traduit la volonté des pouvoirs publicsde tout mettre en œuvre pour favoriser unealimentation durable et de qualité,accessible à tous, considérant toutes lesdimensions de l'alimentation.Quatre axes prioritaires :• la justice sociale, notamment pour lespopulations les plus démunies ;• l'éducation alimentaire de la jeunesse;• la lutte contre le gaspillagealimentaire ; • le renforcement de l'ancrage territorialdes actions menées et la mise en valeur

de notre patrimoine alimentaire avec unzoom particulier sur l'approvisionnementlocal de la restauration collective.A noter sur ce dernier axe, le lancement en

mars 2017 d'un appel à reconnaissance desprojets alimentaires territoriaux (PAT),évoqués dans la loi, pour, d'une part,identifier et valoriser les projets existants et,d'autre part, favoriser l'émergence denouveaux projets alimentaires territoriaux enpermettant aux porteurs de projets debénéficier d'outils pratiques (guides, appuitechnique).

Partie 4 : Les facteurs favorables à un système alimentaire durable territorialisé

32 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 5

LES DEFIS A RELEVER POUR ALLER PLUS LOIN

Pour aller plus loin, il semble nécessaire de repenser les liens entre les projetsde territoire et l’agriculture et changer les regards et les rapports entre les villeset les campagnes, pour mieux articuler les échelles territoriales et fairesystème. Il paraît aussi important de dépasser la confusion souvent répandueentre proximité et qualité, d’accompagner de manière plus forte leschangements de modèle de production agricole pour un plus grand respectdes écosystèmes et de travailler davantage les questions de nutrition-santé.Pour ce faire, une nouvelle gouvernance territoriale, plus horizontale etparticipative, est à construire.

LES BESOINS D’APPUI POUR POURSUIVRE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE

Les entretiens réalisés auprès des collectivités montrent la nécessité de clarifier à la fois les rôleset compétences aux différents échelons mais également le vocable lié à la gouvernancealimentaire. Les collectivités souhaiteraient disposer d’un cadre commun.Pour mettre en place tout type de projet territorial d’alimentation durable, les territoires sont aussidemandeurs d’appui méthodologique, de conseils, d’outils et de formations.

Nombre de collectivités mettent l’accent sur le besoin d’une évolution du code des marchéspublics et des règles de concurrence pour favoriser l’approvisionnement local des restaurantscollectifs dans le cadre de la commande publique. Elles évoquent également l’inadaptation decertaines normes telles que celles fixées par le GEMRCN. Ce groupe n’a pas été reconduit suiteà la réforme de la commande publique d’avril 2016. Il semblerait opportun que les travaux quipourraient être conduits sur ce sujet à l’avenir prennent davantage en compte l’importance d’unrégime alimentaire plus adapté à chaque public et plus durable (moins de sucre, moins deviande, etc.).

Pour améliorer le processus de transformation de la chaîne alimentaire, les collectivitésexpriment toutes le besoin de soutien, de moyens financiers, d’ingénierie et aussi de mise enréseau et d’animation nationale au-delà de la multitude des appels à projets. Ces derniersfacilitent certes l’entrée dans cette nouvelle thématique mais apportent des moyens et appuistrop ponctuels alors que la construction d’une politique alimentaire s’inscrit dans un temps long.

“Il est nécessaire d’avoir des lignes de financement claires, transversales pour animer, coordonner, sensibiliser

et accompagner (..) Il y a besoin d’une ingénierie suffisante.”

(Montpellier Métropole) “Nous avons besoin d’une mise en réseau des collectivités engagées pour avancer, capitaliser, échanger

les pratiques et essaimer.”(Pays Combraille en Marche)

Partie 5 : Les défis à relever pour aller plus loin

34 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

>

Partie 6

REMERCIEMENTS

Les auteurs et le Ministère de la transition écologique et solidaire tiennent à remercier toutparticulièrement : Tous les élus et agents des collectivités qui ont accepté de donner de leurtemps pour leur accorder des entretiens :

- La Couronne- Pays Combraille en Marche- Bordeaux Métropole- Pays Basque- Pays du Grand Bergeracois - Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile- Châteaurenard- Montpellier Méditerranée Métropole- Conseil départemental du Gard- Syndicat mixte de la Vallée du Galeizon- Pays de Balagne- Ville de Paris- Communauté d’agglomération Coeur d’Essonne- Communauté d’agglomération Marne et Gondoire- Établissement public territorial de Plaine Commune- Conseil régional de la Martinique- Métropole de Lyon- Communauté de communes du Pays d’Aubenas Vals- Communauté urbaine d’Alençon- Pays Vendômois- Pays du Mans- La Roche-sur-Yon - Parc Naturel Régional de Brière- Métropole Rouen Normandie- Conseil régional des Hauts de France- Grande-Synthe- Communauté d’agglomération du Douaisis- Communauté de communes de la Région d’Audruicq- Loos-en-Gohelle- Parc Naturel Régional de Scarpe-Escaut- Rennes- Saint Brieuc Agglomération- Pays de Brest- Communauté d’agglomération du Pays de Lorient- Nantes Métropole- Strasbourg- Ungersheim

Partie 6 :Remerciements

36 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

- Contrexeville

Le Comité de pilotage informel animé par le CGDD sur les questions de systèmes alimentairesdurables territorialisés pour leur suivi de l’étude, leurs conseils, leurs contacts et leurs ressourcesmises à disposition :

- Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Nouvelle Aquitaine- Ministère de l'agriculture et de l’alimentation- Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)- Agence régionale de Santé (ARS) Nouvelle Aquitaine Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)- Agence de l'environnement et de la Maîtrise de l'énergie (ADEME)- International Urban Food Network (IUFN)- Association France urbaine – représentée par Nantes Métropole- Association des départements de France (ADF) – représentée par le Conseil départemental du Gard- Association des Régions de France (ARF) - Organisation des Régions Unies - ORU-FOGAR - Agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies (ARENE ) Île-de-France- Centre de ressources du développement durable (CERDD) Hauts de France

Partie 6 : Remerciements

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires -37

Partie 6 :Remerciements

38 - L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires - 39

Dépôt légal : septembre 2017ISNN : 2552 - 2272ISBN :

Conditions générales d’utilisationToute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (3, rue Hautefeuille — 75006 Paris), est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d’autre part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’oeuvre dans laquelle elles sont incorporées (loi du 1er juillet 1992 — art. L.122-4 et L.122-5 et Code pénal art. 425).

commissariat général au développement durable

CGDDDDD/SEEIDDTour Séquoia92055 La Défénse cedex

Courriel :[email protected]

www.ecologique-solidaire.fr

L’alimentation constitue aujourd’hui un enjeu fort de durabilitéen termes de santé, de cohésion sociale, d’environnement etde développement économique territorial. Au cœur despréoccupations des habitants, elle fait l’objet de nombreusesinitiatives dans les territoires mobilisant les citoyens et denombreux acteurs territoriaux (agriculteurs, entreprises,associations…) et donne lieu à de nouvelles politiquestransversales appuyées notamment par le ministère del’agriculture ( loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et laforêt de 2014 qui promeut l’élaboration de projets alimentairesterritoriaux).

Ces politiques s’articulent autour de plusieurs leviers : laprotection du foncier agricole, la préservation de la qualité del’eau, l’éducation alimentaire, l’approvisionnement local de larestauration collective, le soutien à l’agriculture biologique et àla structuration de nouvelles filières de production mais ausside distribution.

La consultation de 38 collectivités en France en 2016 nous apermis de mieux connaître la fabrique des politiquesalimentaires territoriales. Pourquoi s’engagent-elles ?Comment ? Quelle gouvernance adoptent-elles ? Quels sontles freins à dépasser pour aller plus loin dans ces politiquesalimentaires ?

L’alimentation : un nouvel enjeu de développement durable pour lesterritoires