t En ski, avec Régis Laure - Bol d'air · hisser au sommet du Brabant. à quelques 1 000 mètres...

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1 PLAISIRS D'HIVER 1 En ski, avec Régis Laure t Texte et photos : Jean-Marc Toussaint ", P RÉCURSEUR DU PARAPENTE À SKI DANS LES A LPES, IL Y A UNE VINGTAINE D'ANNÉES, RÉGIS LAURENT RELANCE l'ACTIVITÉ DANS LES V OSGES. POUR UN VOL SANS BATIEMENTS D'AILES, LES SPATULES AU VENT.

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1 PLA ISIRS D' HIVER 1

En ski, avec Régis Laure t

Texte et photos : Jean-Marc Toussaint ",

P RÉCURSEUR DU PARAPENTE À SKI DANS LES A LPES, IL Y A UNE VINGTAINE D'ANNÉES, RÉGIS LAURENT

RELANCE l'ACTIVITÉ DANS LES V OSGES. POUR UN VOL SANS BATIEMENTS D'AILES, LES SPATULES AU VENT.

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LE paquetage plié dans le sac, bien calé dans le dos,Régis Laurent empoigne la perche d'un téléski pour sehisser au sommet du Brabant. à quelques 1 000 mèt res

d'altitude. Arrivés surune magnifiquecrête ( diadémée )1 deblanc, nous glissons en pleine nature dans le silence glacé,sur les coraux frêles de la neige. Le vent cingle le sol. Le cielrejoint la terre sur un horizon sans tin où se déverse une paixprofonde. En quelques minutes, nous atteignons la Rochede minuit qui domine la haute vallée de la Moselotte. " C'estd'ici que nous allons décoller Le site est idéalement orientéau vent de nord, nord-est », m'explique Régis, en déballantsa voile. Lhomme sait de quoi il parle. Fondateur de Bol d'airà La Bresse, l'une des plus grosses écoles de vol libre dumassif, il flirte avec les nuages depuis plus de vingt ans. Ilest même l'un des précurseurs du parapente à ski enFrance. « C'était en 1987, j'avais lancé l'act ivité à l'école deski de J'Alpes d'Huez », se souvient-il, amusé. Depuis, il amultiplié les initiatives dans le milieu touristique, avant derelancer il y a trois ans (( au compte -gouttes et pour leplaisir )} cette activité originale, mêlant glisse et vol libre.

Comme un oiseau sans ailes

Une fois la voi le étendue sur le blanc immaculé , Régism'harnache et vérifie un à un le verrouillage de mes sangles.Levent léger souffle dans notre dos. En été, cela nous auraitinterdit tout décollage. Pas cette fois. Les skis aux piedsvont nous permettre de gagner en vitesse et de compenserce vent contraire. Nous sommes debours. l'un derrièrel'autre, parés pour l'aventure à ciel ouvert. « Tout est OK, onpeut y aller ». m'i ndique Régis. Les skis face à la pente,nous prenons rapidement de la vitesse. Le vent pénètre lavoile par les ouvertures situées à l'avant des caissons, lavoile se gonfle, se remplit avant de se stabiliser au-dessusde nos tê tes . Je me sens porté, t iré vers le haut, pu issoudainement, mes skis se déroben t. quittent le sol. Jem'assois sur la tablette du harnais, mes jambes pendentdans le vide. La terre ferme s'éloigne. Derrière moi, Régisdirige la manœuvre d'une main experte et rassurante. Notreaéronef culbute dans le transparent silencieux de l'atmo­sphère. Il n'y a plus d'autres voix que celle du vent qui faitplier dans la vallée le mât tendu des peupliers . Sous magrande toile en amande, je goûte au plaisir sublime •

MAsSIF DES VOSGES - 23

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... de voler comme un oiseau sans ailes. D'en haut, jecontemple les montagnes rondes et apaisantes dans le bleuazur de ce palais d'hiver : la forèt de Noiregoutte , le Rond­Faing, Moyemont et , de l'autre coté, plus à l'est, GrossePierre planté devant le Grande crète qui se détache à l'em­porte-pièce sur le bleu du plafond.

Un enivrant tourbillon

Sous la fine lum ière de ce ciel pur et cru se réalise letriomphe de la ligne et de la nuance, ce spectacle merveilleuxet sans cesse renouve lé des illuminations de couleurs, decette alch im ie bizarre qui fo rme des paysages toujour sressuscités. Partout, les grands arbres dénudés font l'inven­taire de leurs membres. La montagne courbe qui nous faitface paraît comme enveloppée dans des voiles de mousse­lines grises. Parmi la neige, quelques feuilles rouillées tissentleur tapis de velours sous la forêt dépouillée, tourmentée parles vents et aquilons. Plus loin, les fiers épicéas ont déverséà leurs pieds de lourdes cargaisons de neige. Dans leshameaux accrochés au coteau, le vent emporte les fuméesbleues des cheminées. La route déserte trace de grands Sdans la montée. Finie l'i nvasion touris tique de l'é té. Lesbipèdes citadins sont rentrés chez eux. Désormais, la plupartdes routes d'altitude sont fermées. La neige rend l'accès dessommets plus difficile. « Vu du ciel, un peu de beauté rensîtde chaque chose ». pensais-je en détaillant le fouillis végétaldes sous-bois. Christophe, qui s'est élancé juste après nous,vient se positionner à nos côtés, tout comme Daniel Géhin,

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le vieux complice de l'aventure Bol d'Air, co-instigateur de cequi donnera naissance à l'un des principaux pôles touris­tiques de plein air des hautes Vosges. Nous avons rnèrne leloisir de nous parler et de nous ente ndre. Nos voiles sefrôlent. Régis me fait descendre en toupille dans un enivranttourbillon. Le paysage change, la neige se fait plus rare avantde totalement disparaître. En cette saison, impossible de pra­tiquer « le crossing ». de trouver des thermiques, ces bullesd'air chaudes, moins denses qui s'élèvent en colonnes dansl'atmosphère et qui permettent aux parapentistes de prendrede l'altitude jusqu'à 2 000 ou 2 500 mètres. « Les massesd 'air sont stables, bloquées par les inversions thermiques. Cequi fait que les bulles d 'air chaudes sont très vite stoppéesdans leur élan n, m'explique Régis.

De joyeux illuminés

Nous sommes désormais à moins de 200 mètres du sol. Jecontemple une dernière fois ce bout de terre à mes pieds:ici, c' est la chevelure argentée d'un ruisseau tapi dans lebourrelet des montagnes qui s'écoule à travers des assisesétagées, là c'est la terre qui étale ses larmes dans le calmeauguste de la nature. Plus loin, des promeneurs gouttent à ladouceur de ce radieux début d'hiver Tout est petit, écrasé.Nous voilà face au pré d'atterr issage, à quelques mètres dela bondissante Moselotte, à la gonflée des ombres desderniers clairs de cette journée d'h iver. Le soleil étire samélancolie. La lueur courbe du jour qui défaille projette, dansl'herbe jaunie, l'ombre de notre aéronef. En l'air, les skis aux

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pieds, sans lamoindre trace de neige au sol, nous passons pourdejoyeux illuminés. Mais nous n'en avons cure. Sur l'herbe, leslattes glissent aussi, moins facilement ce rtes, mais suffi­samment pour accompagner notre atterrissage en douceur.Dans la campagne bleue, où un monde glacé se repose, déjàprisonnier des premières tentacules du soir renaissant. •

... Bol d 'Air

78 rue du Hohneckà La Bresse

Tél. : 03 292562 62.

Les sauts se font en fonction des conditions météorologiques,

depuis le Brabant (380 mètres de dénivelé) ou sur les hauteurs

de la station du FrèreJoseph à Ventron (200 mètres de dénivelé).