t c 320 Manager Les Conditons de Travail

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CHANGEMENT Travail & CHANGEMENT Man M M an nager les l es ns n s ns s conditions s de de e e travail • des a des accords d'entreprise • des des s outils de pilotage • des • de s s formations adaptées es Manager les conditions de travail • des accords d'entreprise • des outils de pilotage • des formations adaptées Revue de la qualité de vie au travail Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail ARGUMENTS (P. 4 À 6) Pierre Chartron (UIMM) ; Jean-François Naton (CGT) ; Bernard Salengro (CFE-CGC) Norbert Alter (Université Paris 9 - Dauphine et directeur du Cerso), Thierry Montfort (cabinet conseil Équidistance, président du CA d’Aravis). CÔTÉ ENTREPRISES (P. 07-12) Industrie Manager les managers Énergie Les centres d’appel d’EDF sur une nouvelle ligne managériale BTP Sur la bonne voie avec GPS Pays anglo-saxons Le poids de la balance N O 320 JUILLET/AOÛT 2008

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Manager les conditionsde travail• des accords d'entreprise• des outils de pilotage• des formations adaptées

Revue de la qualité de vie au travail

Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail

ARGUMENTS (P. 4 À 6)

Pierre Chartron (UIMM) ;Jean-François Naton (CGT) ;Bernard Salengro (CFE-CGC)Norbert Alter (UniversitéParis 9 - Dauphine et directeurdu Cerso), Thierry Montfort(cabinet conseil Équidistance,président du CA d’Aravis).

CÔTÉ ENTREPRISES (P. 07-12)

IndustrieManager les managersÉnergieLes centres d’appel d’EDF sur une nouvelle ligne managérialeBTPSur la bonne voie avec GPSPays anglo-saxonsLe poids de la balance

NO 320 JUILLET/AOÛT 2008

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 ENJEUX

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des réponses aux évolutions et auxpréoccupations nouvelles concernantle travail.L’enjeu actuellement le plus fort: celuides seniors. La mise en œuvre de laréforme des retraites et l’allonge-ment des carrières supposent d’amé-liorer leurs conditions de travail pourpermettre leur maintien dans l’em-ploi. Aménagements de postes, d’ho-raires, de statut, valorisation del’expérience : les seniors sont desatouts que les entreprises ont toutintérêt à jouer. Autre urgence: celle dela prévention de l’usure prématuréepour tous les salariés. Précarité, forteexposition aux risques profession-nels, accès insuffisant à la formation:certains cumulent les difficultés.Rendre employables les salariés, c’estaussi préserver leur santé au travail.Troisième enjeu : l’amélioration desconditions de travail renforce l’enga-gement des salariés. Ouvrir le débatsur les organisations, les styles et lescontraintes de management, l’articu-lation vie au travail et hors-travail etla reconnaissance peut contribuer àrésoudre des problèmes rarementabordés. Enfin, l’accélération de lacompétition économique complète letableau. Pour attirer et garder lesmeilleurs, le niveau de qualité de vieau travail devient déterminant, aumoins autant que la seule préoccu-pation de rémunération.

> Du trois en un

Ces enjeux incitent à regarder plussouvent ce qui se passe dans le travailréel et quotidien des salariés. Lesentreprises le font déjà mais de manièreéclatée et cloisonnée, à travers troistypes de management.Le management de la production estle plus ancien. Niveaux de charge,standards de temps, ressources entermes d’effectifs: il envisage le travail

Par Thierry Rochefort (département changementstechnologiques et organisationnels de l’Anact) et Michel Weill (directeur général adjoint de l’Anact)

Coordinateurs de ce dossier

Manager les conditions dLes conditions de travail doivent devenir une clef essentielle du management global des

entreprises. À de nouveaux outils mis en application dans certaines entreprises s’ajoutent ceux

qui, existant déjà, nécessitent un travail de coordination et de croisement de données.

Quelques traces à suivre pour voir se profiler les managers de demain.

L es conditions de travail sont-elles les parents pauvres dumanagement ? Variablesd’ajustement, regardées a

posteriori ou tardivement voire pasdu tout, elles échappent le plus sou-vent à la vigilance des managers. Etsi, au contraire, elles devenaient uneclé essentielle du management globaldes entreprises et ouvraient une nou-velle voie pour piloter différemmentle travail ? Deux avantages à cela :hiérarchiser les actions à mener faceaux nouveaux enjeux économiques etsociaux et articuler des pratiques demanagement déjà existantes, commeles ressources humaines, la santé-sécurité et la production. Commentfaire ? Certaines entreprises, petiteset grandes, ont commencé à cher-cher d’autres outils de pilotage, à tra-vers des accords ou des observatoiressur les conditions de travail, préala-blement négociés autour de sujetsprécis ou sensibles.

> Des priorités mieux ciblées Premier intérêt d’un managementpar les conditions de travail : apporter

Ils ne sont pas encore très nombreux mais gagnent du terrain… Les accords et observatoires des conditions de travailémergent. On peut citer, à partir d’une préoccupation « gestion des âges »,l’accord Adapei de l’Ain dans le secteur social,l’accord national de la branche papier carton(Formapap) qui fait le lien entre les parcours et les questions de santé ou encore, avec desperspectives de performance en toile de fond,

l’accord d’entreprise au sein de la directionCommerce d’EDF. La constructiond’observatoires des conditions de travail ou de la qualité de vie au travail (EDF, ANPE, ST-Micro…) est aussi utilisée pour mettre en place des outils d’observation de l’évolutiondu travail et des conditions de travail, pourpartager des diagnostics entre partenairessociaux, voire construire des orientations, des stratégies ou des plans d’action.

Accords et observatoires des conditionsde travail : ça démarre.

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« Manager les conditions de travail? Ils vont

encore faire un observatoire et pfuitt! comme d’habitude, plus rien. Et puis c’est bon pour les grandes boîtes, mais dans une PME, c’est impossible. » Manager les conditions de travail…Est-ce difficile? Comment faire pour avancer concrètement et utilement sur la question?Insensiblement, la valeur ajoutée

du travail ne se repère plus dans la seule production visible mais dans des interstices d’innovation et de régulation. Pour « voir cetinvisible » qui impacte les résultatsdes ventes ou de la productivité, il devient nécessaire de manager les conditions de travail dans la durée.Piloter la performance, c’est donc aussi piloter le travail et ses conditions. Pas si simple,effectivement… Mais des solutionsexistent, ce numéro en propose un premier aperçu. Plus fondamentalement, le management des conditions de travail n’est pas réservé à quelquesélites en mal de nouvellesproblématiques RH. Il est une question d’avenir pour les entreprises de notre pays, une des conditions de l’attractivitédes emplois et de la performance des entreprises sur les marchésnationaux et internationaux. Celles qui ne relèveront pas ce défi auront-elles des regrets?Rendez-vous dans dix ans.

« Piloter la performance,c’est donc aussi piloter le

travail et ses conditions. »

sous forme d’opérations facilementdécomposables en tâches. Ses limites:les questions d’innovation, de service,de délais, de qualité, d’interactionentre les collectifs sont peu ou malprises en compte.

Le management des ressourceshumaines, lui, confond implicitementt r a v a i l , e m p lo i e t p e r s o n n e s .Rémunérations, compétences, car-rières: des outils et des démarches indi-viduelles (entretien d’évaluation,référentiels métiers…) en permettentle suivi. Mais le travail reste encore ettoujours en arrière-plan, angle mortdes démarches de GRH.Le management de la santé-sécurité autravail est plus récent. Normalisation etréglementation l’ont porté, permettantde professionnaliser la fonction et de dif-fuser des référentiels connus des mana-gers. Mais le travail est analysé sousl’angle unique de potentiels risquesprofessionnels et non d’un potentiellevier de développement des hommeset des organisations.Manager les conditions de travail,c’est un moyen de réunir et croiserces différents regards, de les coor-donner pour les piloter ensemble enles rendant cohérents et d’avoir ainsiune approche pluridisciplinaire, glo-bale, du travail.Des entreprises ou des branches ontdéjà exploré des pistes: accords sur lesconditions de travail, observatoiresdes conditions de travail ou de la qua-

lité de vie au travail (voir encadré p.3).La formation des managers aux condi-tions de travail ou la structurationd’une fonction « management du tra-vail » est également un levier puis-sant qu’expérimente l’ANPE et que le

Réseau Anact va développer à desti-nation de professionnels, avec l’uni-versité Paris Dauphine (voir encadré p.2).

> L’efficacité en quatremodalitésUn bon management du travail et desconditions de travail est possible,même pour une PME ou une TPE, auxmoyens plus limités, moins outillée, s’ilréunit quatre modalités :• l’engagement de la direction de l’en-treprise pour manager le travail et lepiloter sur la durée: un gage de péren-nité pour le développement social et laperformance de l’entreprise ;• l’ouverture du champ du manage-ment du travail simultanément à lasanté, la sécurité, l’organisation, lescompétences, la qualité de vie, la pro-duction, la performance… pourconstruire un dispositif de suivi largemais précis ;• l’élaboration des constats et desactions dans la concertation ;• la formation des managers aux ques-tions du travail, voire l’invention d’unenouvelle fonction de management desconditions de travail dans l’entreprise,lorsque sa taille le permet… ■

Jean-Baptiste Obéniche,directeur général de l’Anact

ÉDITORIAL

Manager les conditions de travail, c’est un moyen

de réunir et de croiser ces différents regards et d’avoir

ainsi une approche pluridisciplinaire, globale, du travail.

de travail

En fin d’année, l’Anact et l’université ParisDauphine proposeront aux professionnels(managers, partenaires sociaux,consultants, préventeurs…) uneformation diplômante : « Management,travail et développement social ».Objectifs : articuler apports et outils

des sciences de gestion et scienceshumaines, construire, animer et coordonner des dispositifsd’observatoire des conditions de travail, ancrer les conditions de travail dans un management global de l’entreprise.

Un master pour manager les conditions de travail

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 ARGUMENTS

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QQue pensez-vous des accords sur les conditions de travail quicommencent à émerger ? Les conditions de travail recouvrent unlarge spectre du travail qu’il est difficiled’appréhender complètement dans unaccord de branche ou d’entreprise. Lesnégociations autour des conditions detravail, au sens « exécution du travail »,dépendent beaucoup du contexte propre àl’entreprise. Celles que nous avons menéesau niveau de la branche sont ciblées surdes sujets bien précis et communs àplusieurs entreprises: le temps de travail,l’organisation, le travail posté, de nuit,etc. L’amélioration des conditions de travaild’un poste ou d’une équipe ne se réalisepas au niveau d’une branche mais au seinde l’entreprise.

Comment aborder le sujet dans les entreprises et avec le management ?Il faut qu’il y ait une prise en compte desconditions de travail par le management,c’est évident et c’est déjà bien souvent lecas. C’est un état d’esprit que le managerdoit intégrer dans sa pratique. Il faut fairede la sensibilisation, mobiliser des aidesau bon moment et si nécessaire. Enrevanche, imaginer une fonction dédiéeau management des conditions de travailne me paraît pas une solution trèsconvaincante sauf, peut-être, quand lataille de l’entreprise le justifie. On peutaider les dirigeants à réfléchir, leurtransmettre des méthodes, mais lesréponses adaptées aux difficultés de terrain ne s’inventent pas à l’université.N’oublions pas que les progrès dus aux

cercles de qualité et, depuis, à tous lesdispositifs d’amélioration permanenteque l’on trouve quasiment partout dansles industries, viennent avant tout despersonnes travaillant dans l’entreprise.

Comment faire dans les PME et TPE où existent peu de moyens de négociation, peu d’outils ?Nous travaillons avec les PME pour lesaccompagner dans cette prise en comptedes conditions de travail. Cela peut être unregard extérieur, soit en posant undiagnostic, soit en les orientant vers laprestation qui leur permettra de traitertel ou tel problème, avec, le cas échéant,un dossier de financement. Cela peut êtreune intervention d’un ingénieur sécurité…Il existe une gamme de services de plus en plus utilisée par nos adhérents. Parailleurs, la négociation collective peuteffectivement être le bon vecteur lorsqu’ils’agit d’améliorer, par exemple, des

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Le point de vue des partenaires sociaux Propos recueillis par Béatrice Sarazin (rédactrice en chef)

BERNARD SALENGRO, secrétaire national confédéral de la CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres)

Les conditions de travail sont-elles négociables?Les discussions entre partenaires sociaux pour aboutir à des accords sur les conditions detravail reflètent indéniablement des différences de perception : culture de la négociation,difficultés à surmonter, vision de la situation… CGT, CFE-CGC et UIMM en témoignent.

même avec une certaine condescendance.Dans ce contexte, les accords se négocienten fonction du bon vouloir du chef d’en-treprise. C’est le « fait du prince ».

Comment surmonter les difficultésde négociation ? Le management doit être mieux formé.En cela, la création d’un diplôme de mana-gement du travail que proposeront bien-tôt Paris Dauphine et l’Anact est d’un grandintérêt. La formation initiale est fonda-mentale et elle permettra de faire bou-ger les choses. Car ce n’est pas lorsquele manager a 50 ans et des habitudes dumême âge qu’il peut changer. Mieux mana-ger les conditions de travail et mieux lesnégocier passent aussi par une autreapproche du salarié. Il doit être un sujet

conditions de travail à caractère collectifdans une entreprise, ou dans des structuresdifférentes partageant la même difficulté.

Les conditions de travail se sont-ellesaméliorées ?Oui, nettement. Mais comme les aspirationsévoluent et que les exigences de bien-être augmentent aussi, la tendance esttoujours à croire que rien n’a été fait. Il estévident que les nouvelles générationsplacent plus haut les valeurs de confort, deconvivialité… C’est un phénomène globalde société que l’on retrouve dans la façond’appréhender le travail. Les dirigeantsd’entreprises en sont tout à fait conscients,et notre rôle est de les aider à cette priseen compte et à les outiller. Certes, il y aencore des efforts à faire pour intégrerl’enjeu d’amélioration des conditions detravail, le plus en amont possible, dès laconception de machines. Mais il y a eubeaucoup de progrès en la matière.

PIERRE CHARTRON, représentant de l’UIMM (Union desindustries et métiers de la métallurgie)au sein de l’observatoire prospectif des métiers et qualifications

QQue pensez-vous des accords sur les conditions de travail qui commencent à émerger ?C’est un phénomène microscopique, refletd’un dialogue social en panne, problèmenuméro un en France. Nous vivons dansun pays soumis et nobiliaire : les cadressont managers par héritage familial ouissus de grandes écoles, très rarementdes entreprises. Le dialogue social ne faitpas partie de leur culture, ils le voient

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QQue pensez-vous des accords sur les conditions de travail quicommencent à émerger ? Tout ce qui concourt à apporter desaméliorations, à parler du travail, à semettre autour d’une table, à faire travaillerensemble directions et organisationssyndicales va dans le bon sens. Et nousl’encouragerons toujours. C’était unerevendication que nous avons portée aumoment de la conférence nationale surles conditions de travail : parler du travail,penser le travail et le transformer lorsqu’ilengendre pénibilité et mal-être. Mais larareté de ces accords est un symptômed’un malaise du dialogue social. Nousavons besoin de changer d’état d’esprit.

Comment surmonter les difficultés de négociation ? Le travail n’est pas seulement la chassegardée des directions d’entreprises. Il fautque les organisations patronales, notammentle Medef, acceptent que les situations detravail soient analysées, que les conditionsde travail soient discutées. C’est un enjeude démocratie. La crise est totale : ladéferlante médiatique autour des suicidesa mis en avant des enjeux de société forts,un vrai questionnement sur ce qui se passedans le monde du travail. Les organisationssyndicales sont interpellées pour agir et

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Cela fait partie de propositions que nousavons faites et que nous voulons mener. Iln’y a pas qu’un enjeu revendicatif de lacondition de travail. Devant les défis qui nous sont lancés, nous pouvons aussi fairevaloir l’enjeu économique induit par demauvaises conditions de travail : lesdirigeants commencent à prendreconscience de cela, face à l’allongement descarrières et la gestion des âges. Il seraitirresponsable de leur part de ne rien faire.

Les conditions de travail se sont-ellesaméliorées ?Bien sûr! Tout n’est pas noir. Mais, dansce monde de la modernité, il ne faut pascroire que des pénibilités primaires tellesque le bruit, les odeurs, les ports de chargeetc. ont disparu. Des bâtiments neufs sontconstruits mais, à l’intérieur, les salariés viventdes conditions de travail toujours aussidifficiles. Aussi, si les risques psychosociauxfont l’actualité, nous ne devons pas oubliernos fondamentaux: travailler le travail, etagir sur tout ce qui fait souffrance… Je croistrès fortement à l’approche « bassin devie » pour se fixer des objectifs atteignableset travailler ensemble, organisationssyndicales, Aract, médecine du travail,direction du travail…: transformer le travailen fonction des situations, des différenceslocales; agir de manière positive…

transformer. Stress, pénibilité… Nous osonspenser que nous allons enfin réellementnégocier et aider au changement dans lesentreprises. Il y a urgence à se parler.

Comment faire dans les PME et TPE où existent peu de moyens de négociation ?Les conclusions de la conférence sur lesconditions de travail avaient permis devalider une proposition : ouvrir le droit auCHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et desconditions de travail) à tous. Commentêtre au plus près des besoins des salariésdans les territoires, et agir sur les champsprofessionnels ? Nous avons à inventer.En se fixant des objectifs d’expérimentationssur de nouveaux territoires de négociation.

à part entière et non considéré – cela estsouvent le cas – comme un « problème »pour l’entreprise. Les salariés français sontrecherchés car ils sont très bien formés, ilss’impliquent et placent haut la valeur tra-vail. Quand nos dirigeants en auront-ilsconscience ? Je reste convaincu que, sansmotivation financière, sans démonstrationfaite que de mauvaises conditions de tra-vail ont un coût élevé, rien ne changera.

Comment faire dans les PME et TPE où existent peu de moyens de négociation ? Des leviers existent mais ils ne sont pasutilisés. La médecine du travail est là, les préventeurs sont nombreux, peut-êtremême trop… Les petites entreprises peu-vent les interpeller. Le premier levier,

encore une fois, c’est l’incitation finan-cière. Il faut que le système de tarificationde la branche accidents du travail et mala-dies professionnelles soit incitatif. Ache-tons le droit d’esquinter des salariés. Celuiqui se rendra compte que cela lui coûtecher le fera beaucoup moins… Commenta-t-on fait baisser le nombre de morts surla route ? Grâce à des amendes et desradars, des bonus et des malus, des limi-tations… Second levier : la structurationdes services de médecine du travail. Lesmédecins du travail sont trop contraintsdans des activités de visites médicales.Elles sont importantes mais insuffisanteset, surtout, rarement suivies d’effets. Lemédecin du travail connaît bien les entre-prises dans lesquelles il intervient. S’il estalerté, il peut faire venir la Cram, l’Aract,

l’OPPBTP (Organisme professionnel deprévention du bâtiment et des travauxpublics)… Il sait où sont les leviers et com-ment les actionner.

Les conditions de travail se sont-ellesaméliorées ? Non, la situation s’est aggravée. Nous devonsdésormais faire face à des risques invisiblesou différés. La charge mentale est égale-ment plus forte : c’est une pression peuvisible, encore mal définie, difficile à contrer. Les salariés, eux, font ce qu’on leurdemande, pour garder leur travail. Ce n’estpas un hasard si la France est l’un des payseuropéens le moins syndiqué: les syndica-listes sont victimes d’une chasse aux sorcières dès lors qu’ils s’engagent dansune action revendicative.

JEAN-FRANÇOIS NATON, conseiller confédéral, représentant de la CGT (Confédération générale des travailleurs) à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Cnamts (Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés)

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L

Il y avait urgence ?On managera toujours mal les hommes etles organisations si on ne comprend pas lavaleur réelle du travail. D’un côté, on demandeaux salariés de prendre de plus en plus d’ini-tiatives, de l’autre, on exige d’eux qu’ils res-pectent un nombre toujours plus astrono-mique de règles. Bref, on met les gens soustension. Or, il n’y a pas de développementéconomique sans développement social. EnFrance, dans les pratiques managérialesdes entreprises comme dans les enseigne-ments, on associe volontiers le manage-ment aux ressources humaines, ou encoreaux organisations. Mais jamais au travail.Et lorsque nous parlons de travail, il ne s’agitpas de ce qu’on appelle le travail prescrit,c’est-à-dire tel qu’il est formellement décritdans la fiche de poste ou le contrat. Nousparlons du travail réel. Ce qui nous inté-resse, ce sont les interactions entre le mana-gement et le travail tel qu’il est exercé concrè-tement : activation des ressources effectivescomme le réseau, initiatives, prises de risques,capacités d’innovation…

Et ce travail réel n’est pas pris en compte dans les entreprises ?Aujourd’hui, les actions et dispositifs misen œuvre par les entreprises s’inscriventdavantage dans une logique curative, avecpour finalité une action sur les symptômes.Mais les baromètres sociaux, qui existentau demeurant depuis trente ans, n’ont d’uti-lité que si on les exploite pleinement. Enfait, la question qu’il faut poser en prioritéest celle de la relation sociale au travail. Ils’agit d’intervenir en amont de probléma-tiques comme celle de la santé. Le masterde Dauphine va dans ce sens. L’idée est d’ac-compagner les participants dans l’accom-plissement d’une réflexion approfondie etde faire en sorte qu’ils soient reconnuscomme des experts et des professionnelsde cette articulation entre management ettravail. D’une certaine manière, il s’agit dejeter les bases d’un métier qui n’existe pasencore : manager du travail.

L’L’université de Paris Dauphine et l’Anactouvrent en novembre 2008 un master « management, travail et développementsocial ». C’est une première ?Sans doute. Il s’agit d’un cursus en formationcontinue de quatre cents heures, dispensé enquatorze mois. ll s’adresse à des profes-sionnels occupant des fonctions de mana-gement, aux experts (consultants, syndicalistes),aux techniciens (médecins, ergonomes, psy-chologues…) et, de manière plus générale, àtous ceux qui s’intéressent au développe-ment social des établissements. C’est à cejour la première formation construite autourde la nécessité d’une articulation entre mana-gement et travail.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 ARGUMENTS

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Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Muriel Jaouën (journaliste)

Manager les conditions de travail : immersion dans le réelLe management des conditions de travail n’en est qu’à ses balbutiements. Il nécessite une profonderéflexion sur les relations à entretenir avec les femmes et les hommes dans leur milieu professionnel.Une approche qui va, grande première, jusqu’à être désormais enseignée en université.

Le management des conditions de travail a-t-il un sens ? Si oui, peut-on le formaliser dans l’entreprise ? Je pense qu’il faut considérer l’améliorationdes conditions de travail dans une logiquecontractuelle. Toutes les avancées socialesont un coût. Celui-ci doit être connu de tous dansl’entreprise, donc expliqué. C’est la conditiondu dialogue, lui-même condition de tout accordd’entreprise. D’où l’importance cruciale desinstances représentatives du personnel.

Vous avez été en charge de la politiquesociale de Boiron, entreprise souvent citéecomme référence en matière d’accordssociaux… J’y ai en effet travaillé vingt-deux ans, dont huità la tête de la filiale américaine et douze à ladirection générale. Le chantier social chezBoiron a débuté dans les années 1970. Lepremier accord d’entreprise (l’un des toutpremiers en France), qui porte sur la préparationà la retraite, a été signé en 1976. Depuis, 24autres accords ont été validés, dont beaucoupliés aux conditions de travail : intéressement,temps partiel, formation, individualisation,flexibilité des horaires, 35 heures, aide àl’engagement dans la vie politique, aide auxprojets personnels… À la base de l’édifice, ily a une réflexion radicale sur le financementdes avancées sociales, qui débouche sur lanotion de productivité. L’idée centrale étantd’indexer cette productivité sur le nombred’heures travaillées et non sur le nombre depersonnes. Lorsqu’on raisonne en heurestravaillées, on s’autorise une vision beaucoupplus souple du temps de travail, avec une plusgrande ouverture sur le temps partiel, ce quiest socialement pertinent dans une organisationemployant à 80 % des femmes. L’entreprise a

THIERRY MONTFORT, président fondateur du cabinetconseil Équidistance et président duconseil d’administration d’Aravis (Agence Rhône-Alpes de valorisation de l’innovation sociale)

NORBERT ALTER, professeur de sociologie à l’Université Paris 9 - Dauphine, directeur du Centre d'étude et de rechercheen sociologie des organisations (Cerso)

défini un seuil minimal de productivité, au-delà duquel tout gain se partage et se répartitsur des avancées sociales en fonctiond’indicateurs choisis par les salariés eux-mêmes (hausse des salaires, réduction dutemps de travail, préparation à la retraite...).C’est à partir de ces indicateurs que les accordsd’entreprise ont été définis.

Quels sont selon vous les conditions d’une politique d’avancées sociales ?Il faut faire preuve de discernement, établir encommun des points de repères et partagerune conception de l’entreprise. Et une entreprise,ce sont des hommes et des femmes quitravaillent ensemble pour faire avancer unprojet. Il faut se départir de toute visionangélique. Les conditions de travail sont uneconséquence, pas un objectif. Le social, c’estdu pragmatique : concilier les aspirations dessalariés et les contraintes de fonctionnementde l’entreprise.

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LLorsque Novoferm lance unedémarche compétence (pro-jet de développement et de

valorisation des compétences), lavolonté de la direction est d’aiderà structurer le développement decette PME de Machecoul (Loire-Atlantique) récemment intégréedans un groupe international. Lacroissance est forte et les défis nom-breux (qualité, flexibilité, étoffe-ment de l’organigramme, etc.).Deux ans après le déploiement duprojet, la direction demande à l’Aractdes Pays de la Loire et à une équipede recherche (université de Nantes)de réaliser un bilan d’étape. Trente-cinq personnes sont interviewées,des opérateurs au comité de direc-tion. Si l’appréciation des salariésest diversifiée vis-à-vis des impactsdu projet compétences, l’avis de sixchefs d’ateliers, sortis du rang etencadrant 15 à 35 personnes, estcohérent et homogène du point devue des conséquences de ladémarche sur leur fonction. Maissont-ils à la hauteur ? Quelles clésleur permettraient de mieux mana-ger le travail, le management descompétences ayant déjà apporté sa

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

Par AntoineMasson (Aract des Pays de la Loire)

d’une enveloppe annuelle. Lemanagement des compétences adonc permis à l’encadrement deproduction de s’engager dans unrôle de manager plus complet, quifacilite le dialogue sur les condi-tions de travail, les contraintesd’organisation, les façons de faireface aux difficultés.

Les clés del’organisation

Il n’en demeure pas moins qu’undoute est très souvent exprimépar la direction et surtout par leschefs d’atelier eux-mêmes sur« leur capacité à réaliser le postede manager de terrain » (voirencadré). Un plan d’action est donc ensuitemis en place par l’entreprise, quivise à structurer un soutien orga-nisationnel… aux managers eux-mêmes : décentralisation de laprime de productivité, meilleursuivi local de la qualité, allocationde ressources en atelier sur leremplissage du progiciel de ges-tion intégré. Il s’agit finalement dedonner aux responsables les vraiesclés pour agir avec leurs équipesdans les projets d’entreprise.L’entreprise doit donc enrichir etdécentraliser ses projets pourpermettre aux chefs d’ateliers decontinuer à être des ressourcespour les salariés, dans leur tra-vail et leur évolution profession-nelle. Manager le travail, c’estdonc surtout avoir les clés de l’organisation. ■

pierre à l’édifice ? L’entreprise s’in-terroge et comprend qu’elle doitaccompagner aussi ses managers.

Une amorce demanagement du travail

Les six chefs d’atelier partagentle même constat : la réalisationpériodique d’entretiens individua-lisés a modifié leur manière d’ap-préhender les individus dansl’équipe. Ces entretiens constituentdes temps de dialogues respectés.Ils y collectent les besoins de for-mation et proposent des évolutionsde compétences. Mieux, les aug-mentations individuelles desouvriers, décidées auparavantdeux niveaux hiérarchiques au-dessus d’eux, ont été déléguéesaux chefs d’atelier qui disposent

Manager les managers

Grâce à un dialogue instauré sur les compétences, un bilan d’étape chez Novoferm donne à voir

une amorce de management du travail. Mais l’entreprise doute du type de management attendu

et se rend compte du soutien qu’elle doit apporter aux managers.

NOVOFERMSecteur : industrieActivité : fabrication de portes de garages et de portes coupe-feuEffectifs : 280 salariésRégion : Pays de la Loire

POUR ALLERPLUS LOIN :

des témoignagesvidéo du DRH deNovoferm et d’unchercheur sont sur le site www.demar-checompetence.com

Les modifications profondes de l’organisation sur plusieurs points sont sans doute à l’origine des profonds questionnement des personnes du management. Tout d’abord, la mise en place d’un progiciel de gestion intégré a chamboulé leur travail et a fortement chargé leurs journées.L’encadrement a dû aussi prendre en main une démarched’amélioration continue (réunion de cinq minutes, résolution de problèmes). Mais la liste

de dysfonctionnements à régler par les services techniques s’allonge…Enfin, la prime de productivité est calculée différemment. Elle n’est plus basée sur des indicateurs sensibles pour les ateliers et motive donc moins.Chaque mois, elle doit êtreréexpliquée par les managers… Un contexte qui montre quel’encadrement est surchargé, car il est le creuset de tous lesprojets actuels de l’entreprise.

Lorsque que le doute s’installe

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

C’est dans ce contexte que la DP&Pet ses partenaires sociaux ontentamé, en avril 2007, des négo-ciations sur l’amélioration des condi-tions de travail. Le 22 février 2008,elles ont abouti à la signature d’unaccord sur le sujet. Particularité àsouligner, car très rare à EDF, lescinq organisations syndicales y ontchacune apposé leur paraphe. Il pose

La division commerce d’EDF a signé un accord sur les conditions de travail avec les cinq

organisations syndicales. Celui-ci fait du management un axe majeur du mieux-être au travail.

Des observatoires régionaux sont chargés de sa bonne application.

EDF COMMERCESecteur : énergieActivité : commercialisation auprès des particuliers et des professionnelsEffectifs : 9 000 salariés, dont 7 000 dans la relation clients France entière

Les centres d’appel d’E Dsur une nouvelle ligne

Depuis le 1er juillet 2007 et l’ouverture à la concurrencedes marchés de l’énergie,

EDF a perdu son monopole de four-nisseur de l’électricité auprès desparticuliers. Deux mois et demi plustard, elle lançait « Bleu Ciel » pourà la fois garder ses clients particu-liers et reconquérir ceux qui seraientpartis à la concurrence. À la divi-sion Particuliers et Professionnels(DP&P) d’EDF Commerce, cette libé-ralisation s’est accompagnée de lamise en place d’une nouvelle orga-nisation: près de 6000 personnesont rejoint la relation clients, s’ajou-tant aux 3000 agents déjà en poste.Et la fonction de conseil a cédé laplace à la fonction de vente.

comme principe que bien-être etperformance au travail sont inti-mement liés. Quatre thématiquessont abordées, qui expriment autantd’objectifs à atteindre : travaillerensemble, mieux organiser l’acti-vité, favoriser un meilleur équi-libre entre vie professionnelle etvie privée et, enfin, encourager lesparcours professionnels, ce der-nier point ayant été ajouté au coursdes négociations, à la demande dessyndicats.

Des managers de tous niveaux

L’accord se veut un outil d’évolutiondu modèle managérial de la divisioncommerce d’EDF. De fait, le rôledu management dans l’améliorationdes conditions de travail est parti-culièrement mis en avant. Il luiincombe d’assurer la cohésion deséquipes et d’instaurer un climat deconfiance favorisant l’écoute desagents. Des formations doivent êtremises en place pour aider les mana-gers à accomplir leur mission, leurprofessionnalisation constituantun axe important de l’accord. Celui-ci déclare en outre la nécessitéqu’« émergent des managers detous niveaux qui soient issus dumétier de conseillers clients ». Unréférent RH aura pour tâche d’in-former les agents des possibilités

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QUESTIONS À HERVÉ BERTIN,animateur fédéral CGT pour l’ensemble du commercial du secteur de l’énergie

Pourquoi avoir signé l’accord?Au départ, nous n’étions pas pour la signature d’un accord, qui ne nous semblait pas répondresuffisamment aux préoccupations des agents,comme, par exemple, celle du nombre d’heurespassées au téléphone. Ceci étant, les retours que nous avons eus de notre consultation auprèsdes agents étaient plutôt favorables à ce que l’on a signé. En outre, seuls les signataires peuventparticiper aux observatoires régionaux.

Comment concevez-vous votre rôle au sein de ces observatoires?À partir du moment où nous allons au plus près des agents, c’est mieux. Ce n’est pas du nationalque nous réglerons les choses, même s’il y a des questions très sensibles comme celle des effectifs. De même, pour la pause entre deux appels, cela ne peut venir que d’une directive

nationale. Toutefois, plus nous aurons une demande « en bas », plus nous seronsefficaces « en haut ». Ces observatoires vontpermettre de révéler certains dysfonctionnements.La question maintenant reste de savoir commentrépondre à ces différentes attentes. Un accordn’est viable que si on a les moyens d’y répondre.C’est l’interrogation que nous avons.

Quelle est votre principalepréoccupation? Aujourd’hui, l’accord n’a pas changé l’organisationdu travail. Or c’est cette organisation qui génère un certain stress. Il faut être attentif à la façon dontle management est mis en exergue. Il ne faudraitpas que la direction reporte la responsabilité de ce qui ne va pas sur les managersintermédiaires. C’est aussi notre rôled’organisation syndicale de veiller à cela.

«

»

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d’évolution professionnelle. Des mesures concrètes visent àaméliorer la visibilité qu’ont lessalariés sur leur travail. Les plan-nings, affichés à l’avance, per-mettront aux agents de savoir àquelle activité ils sont affectés.

Une vision annuelle des jours deforte intensité téléphonique, avecmise à jour mensuelle, sera com-muniquée aux personnels descentres d’appels afin de mieuxanticiper et gérer le nombre derequêtes des clients. La questiondes challenges commerciaux estaussi évoquée, certains person-nels désapprouvant ce type de pra-tique jugée trop commerciale.L’accord stipule que les organisa-tions syndicales et les agents serontinformés au préalable de la tenuede ces challenges mais, plus encore,que ceux-ci « ne peuvent être unmode permanent d’animation descentres de relations clients ». Unecharte éthique des challenges esten cours d’élaboration, en asso-ciation avec les organisations syn-dicales signataires.

60-40, la bonne cote

Concernant l’organisation de l’ac-tivité, l’accord indique que le modèled’activité du métier de conseillerclient doit tendre vers 60% du tempsde travail à s’occuper de l’accueilclient au téléphone, les 40% restantétant consacrés à gérer les dos-siers, le management devant veillerà cette alternance. L’accord recon-naît, en outre, la nécessité d’unepause (hors pause physiologiqueet pause méridienne), dont la duréeest de l’ordre de quinze minutespar demi-journée. Le moment de la

QUESTIONS À MARTIN LEŸS, directeur des ressources humaines et de la conduite du changement de la DP&P

Pourquoi cet accord?Dès 2006, nous avons souhaité afficher notreambition sociale; EDF a été le premier opérateurimportant des centres d’appel à obtenir le label« responsabilité sociale ». Lors de la préparationde l’ouverture des marchés, nous avons négociéun volet social pour accompagner l’entrée de 6000 personnes dans la fonction clientèle.Dans ce cadre, les organisations syndicales ont demandé l’ouverture d’une négociation sur les conditions de travail. En 2008, notre projetmanagérial est d’améliorer celles-ci, ce qui atteste du volontarisme de notre démarche.

Quel était votre mandat de négociation?Nous n’avons pas voulu faire un accord« classique », mais une déclinaison de notre projetsocial, qui est de concilier la performance socialeet économique, parce que nous croyons que l’une ne va pas sans l’autre. Nous ne souhaitionspas de mesures trop statiques, et surtout pas de mesures figées comme, par exemple, ce que demandaient certaines organisations:« Pas plus de quatre heures de téléphone par jour. »

Qui, au sein de l’entreprise, va être chargé de la bonneapplication de l’accord? Sa bonne application repose sur le managementde proximité, notamment sur les responsablesdes centres d’appel. Les résultats sociaux seront inclus dans l’appréciation de laperformance du management. Dans le contrat de performance d’une entité, le domaine socialpèse 9 % du contrat, dont 5 % pour la bonneapplication de l’accord, ce qui attestel’importance que nous y apportons.

In fine, comment mesurer l’évolutiondes conditions de travail? Nous avons mis en place un outil de suivi sous la forme d’un baromètre social trimestriel,enquête anonyme et confidentielle menée par Ipsos auprès de tous les conseillers clients.Pour le management, c’est un outil essentiel, qui permettra à chaque chef de centre d’appel demesurer l’efficacité de ses actions et ses impactssur le climat social. Pour le personnel, c’est un moyen d'exprimer ses attentes et decontribuer à l'évolution des conditions de travail.

«

E DF e managériale

»

merce en comptant huit. Des obser-vatoires régionaux des conditionsde travail – composés de repré-sentants syndicaux, de représen-tants de la direction de vente et dela DRH – seront chargés de suivrela bonne application de l’accord,et d’échanger sur les bonnes pratiques. Un comité de suivinational se réunira également tousles trimestres. Pour l’heure, lesefforts se concentrent sur le déploie-ment de ce qui est convenu avec,notamment, un kit de communi-cation distribué aux managers.L’enjeu est déterminant afin quechacun des acteurs en ait une vision partagée. ■

Caroline Delabroy (journaliste)

pause est au libre choix de l’agent,qui devra cependant respecter lacourbe d’appels et le bon équilibreavec les autres membres de l’équipe.La responsabilité individuelle etcollective est ainsi posée commeun axe majeur de l’accord.

Une volonté commune est aussiaffichée pour développer les crèchesd’entreprise, les services à la per-sonne et les plans de déplacementd’entreprise. Sur ces sujets, lessituations varient souvent d’unerégion à l’autre, la division com-

Avec cet accord, le rôle du management

dans l’amélioration des conditions de travail est

particulièrement mis en avant.

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

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Initier et mettre en œuvre unepolitique de gestion des com-pétences et d’amélioration des

conditions de travail, rien n’estmoins évident pour une PME. Il enest ainsi pour Secma : créée en1972, implantée à Bordeaux. Secmaest une PME indépendante, spé-cialisée dans la construction, larénovation et l’entretien de bâti-ments industriels, commerciauxou collectifs. Ses trente-neuf sala-riés travaillent en majorité sur leschantiers, pour le compte d’uneclientèle essentiellement giron-dine, partagés entre marchés pri-vés (70 %) et publics (30 %). Comme toute entreprise soucieusede s’inscrire dans une stratégiede performance et d’assurer sond éve lo p p e m e n t , S e c m a e stconfrontée à des enjeux de fidéli-sation de ses effectifs, mais ausside recrutement. Attractivité etrétention des collaborateurs, undouble objectif qui nécessite desmoyens de management adaptés.

Une attenteinsoupçonnée

Or les méthodes, outils et presta-tions disponibles sur le marchérépondent essentiellement auxbesoins et capacités d’entités suf-fisamment structurées pour admi-nistrer des processus lourds. Poursa part, le PDG de Secma n’a pas lesmoyens de mettre sur pied uneusine à gaz. Il recherche un outil pra-tique, léger et compréhensible partous. Après un premier contactavec l’Aract Aquitaine, il sera décidé

Sur la bonne voieavec GPS

travaux, chefs de chantier etouvriers. Une population souventissue d’une première générationd’immigration et ne maîtrisant pastoujours les subtilités de la languefrançaise. « C’est sans doute laprincipale limite de cet outil : laconception du questionnaire,

explique Jean-Yves Ségura. Nossalariés de chantiers sont d’ori-gines différentes, ont quitté asseztôt le milieu scolaire, et certains ontété rebutés par la complexité desquestions. » Clause de confiden-tialité oblige, la direction s’esttrouvée dans l’impossibilité d’aiderles collaborateurs en difficultédevant la formulation des items –notamment devant certaines tour-nures négatives. « Certains sesont fa i t ass ister par leursenfants », raconte le chef de projet. Second facteur d’étonnement : lecontenu des réponses. Un bilanglobal en décalage assez radical,non seulement avec le niveau de

d’adopter la méthode GPS. « L’outilnous a intéressés pour plusieurs rai-sons : rapidité de mise en œuvre,objectivité, garantie de confidentialitépour les salariés, qui ont pu trouverici la possibilité de s’exprimer sanscontrainte et sans peur d’êtrejugés », explique Jean-Yves Ségura,

chef de projet chez Secma. Ladirection, épaulée par les repré-sentants du personnel, a réunil’ensemble des salariés pour pré-senter l’outil, sa finalité, ses moda-lités d’administration et lesgaranties de confidentialité asso-ciées. Et chacun est reparti avec unquestionnaire en poche. Première surprise pour la direction:la rapidité et l’ampleur de l’échorencontré : « En moins de quinzejours, près de 70 % des collabo-rateurs avaient répondu », com-mente le chef de projet. Surprised’autant plus forte que les effec-tifs de Secma se composent engrande partie de conducteurs de

SECMASecteur : BTPActivité : construction, rénovation et entretien de bâtimentsEffectifs : 39 salariésRégion : Aquitaine

Pour sa part, le PDG de Secma n’a pas les moyens

de mettre sur pied une usine à gaz. Il sera décidé

d’adopter la méthode GPS.

Évaluer la perception qu’ont les salariés de leurs conditions de travail : c’est la vocation de

la Gestion des perspectives sociales (GPS), dispositif conçu par l’Aract Aquitaine et qu’a

testé Secma, entreprise de BTP, auprès de ses collaborateurs.

C O N TACT

Jean-François Thibault,Aract Aquitaine :[email protected]

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l’entreprise. Enfin, la société bor-delaise a créé ex nihilo une sociétéde services, Secma Logistic, dédiéeà l’amélioration de l’accueil et duconfort des travailleurs sur leschantiers du BTP, de l’industrieet de l’événementiel.« L’outil GPS fournit une photo-graphie des conditions de travail etde leur perception dans l’entre-prise, à un instant T, avec un anglede vue assez large. Pour nous, ça

aura été un élément déclencheurimportant dans notre politiqued’optimisation des ressourceshumaines », énonce Jean-YvesSégura. Un levier d’action queSecma pourrait bien réarmer fin2008 ou début 2009, afin d’établirdes premiers constats d’évolutionet, partant, de mesurer les effetsde la stratégie mise en œuvre. ■

Muriel Jaouën (journaliste)

page 11

perception communément véhi-culé autour des entreprises etmétiers du bâtiment, mais aussiavec les moyennes cumulées parl’ensemble des entreprises ayantdécliné l’outil GPS, tous secteursconfondus. « 75 % de nos salariéspensent que l’entreprise estcapable d’assurer leur avenir,contre 47 % pour le total de labase de données GPS », relèveJean-Yves Ségura.

Un outil pour desmesures concrètes

Le questionnaire a égalementpermis de pointer quelques poten-tielles améliorations : politiqued’intéressement, rôle et impor-tance des délégués du personnel,gestion des compétences et pers-pectives d’évolution dans l’entre-prise, la communication interne…Secma va de fait lancer un trainde mesures concrètes. En déga-geant des investissements consé-quents : aménagement d’unréfectoire, de sanitaires et douches,achat de mobiles de chantier com-prenant kitchenette, réfectoire,douches, sanitaires, achat de vête-ments de travail, renouvellementdu parc de fourgons. Mais aussien engageant des mesures mana-gériales inédites pour la PME :signature d’un contrat de préven-tion avec la Cram Aquitaine, etmise en place d’une formation del’ensemble du personnel à la pré-vention des risques profession-nels, conception d’un livret d’accueilpour les intérimaires et nouveauxentrants, signature d’un accordd’intéressement des salariés auxrésultats. « Nous avons égale-ment défini les divers postes del’entreprise et mis en place desentretiens individuels avec grilled’évaluation, recensement desbesoins de formation, plan de for-mation annuel en concertationavec les délégués du personnel »,développe Jean-Yves Ségura. La démarche GPS a en outre incitéla direction à programmer desréunions mensuelles d’informa-tion avec l’encadrement et les délé-gués du personnel, ainsi que desdébriefings bimensuels avec leschefs de chantiers pour faire lepoint sur le fonctionnement de

La GPS, quèsaco ?GPS : un sigle de trois lettresfacilementmémorisable – la résonance avec la technique bien connue

de géolocalisation n’est pas anodine –pour désigner le dispositif de mesure de satisfaction professionnelle, défini et animé par l’Aract Aquitaine. GPS, pour « Gestion des perspectivessociales ». Objectif : mesurer le degré de satisfaction des salariés enversl’entreprise, le travail, le relationnel et les perspectives individuelles. La GPSrepose sur deux outils complémentaires :un baromètre, dédié à l’évaluation, et une base de données, baptisée Géode. Celle-ci compile l’ensemble des donnéesbarométriques recueillies au fil des applications pour offrir un référentiel. Il permettra à chaqueentreprise de projeter ses propresrésultats sur une moyenne globale, et de se positionner au regard d’un certainnombre d’indicateurs spécifiques.

Le baromètre est articulé autourd’un questionnairevalidé, disponible et immédiatementopérationnel,permettant

aux acteurs de l’entreprise de fixer des objectifs opérationnels pour la performance de l’entreprise, la démarche qualité et, de manière plus générale, la qualité de vie au travailpar l’amélioration des conditions de travail. L’outil va également apporter

des informations sur les attentes des salariés, par exemple en termes decarrière et de perspectives d’évolution. Il s’agit, entre autres, de se donner les moyens de prévenir les conflits et la dégradation du climatsocial dans l’entreprise, de circonscrirerapidement les priorités, d’aider à la décision pour créer un contexteapaisé de dialogue social.

Concrètement, comment ça marche ?

Dans l’entreprise, le pilotage de la mesurerelève d’un comité de quatre à douzepersonnes représentantla direction et lessalariés. Mission dudit

comité: communiquer auprès des salariés,distribuer les questionnaires et les enveloppes T, impulser les retours versl’Aract, analyser et restituer aux salariés les résultats du baromètre. La mise en œuvre et la réalisation de la mesure sont de la responsabilité de l’Aract Aquitaine, qui garantit une totale confidentialité desréponses de chacun, l’impartialité vis-à-visdes directions et des salariés, et l’objectivitédes résultats restitués au comité de pilotage sous forme d’un CD-Rom.

Combien ça coûte ? Hors cofinancementpossible despouvoirs publics, le coût moyen de la mesurebarométriques’élève pour

l’entreprise à 1 500 €, forfait auquel il faut ajouter 9 € par salarié.

LA GPS, UNE BOUSSOLE POUR LES RH

Voir réf. site GPS page 15.

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 CÔTÉ ENTREPRISES

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Par JulienPelletier(responsableveille etprospectiveinternationale de l’Anact)

œuvre: enquêtes, groupes de dis-cussion, évaluation de la chargede travail, simplification des tâches,création d’un « conseil travail-vie » (constitué de douze per-sonnes démographiquementreprésentatives de tous les sec-teurs), formations… Le dispositif estde taille.

Un effet neutre sur la productivité

Objectif premier de ces nouvellespratiques managériales : marierla diversité des attentes des sala-riés et les besoins de flexibilité del’entreprise. Est-ce que cela a uneffet positif sur la productivité ?Une étude récente(1) auprès de 732entreprises (États-Unis et Royaume-Uni essentiellement) indique qu’iln’y a pas de corrélation significa-tive entre un bon WLB et la pro-ductivité. Les entreprises ayantprogressé dans l’équilibre travail-vie ont tantôt connu une meilleureproductiv ité, tantôt non. Enrevanche, on constate une rela-tion positive entre un managementde qualité et une meilleure conci-liation profession - sphère privée,c’est-à-dire que les entreprisesayant des pratiques diversifiéeset cohérentes de management duWLB sont aussi celles où cet équi-libre est, d’après les salariés, lemieux atteint. Des résultats quimontrent qu’une bonne harmonietravail-vie est socialement dési-rable puisqu’appréciée par lessalariés tout en demeurant neutresur le plan de la productivité. ■

Work-Life Balance, Management Practicesand Productivity, Nick Bloom, Center forEconomic Performance de la London School of Economics, 2006.

avantages sociaux, comme desservices de garderie en milieu pro-fessionnel, des salles de condi-tionnement physique, un aiguillagevers des services de soins pourpersonnes âgées, des programmesde promotion de la santé, la retraitegraduelle et le partage de l’em-ploi… À ces « services », les entre-prises incluent parfois des actionssur l’organisation du travail enenvisageant la charge qu’il repré-sente, et en préférant le travail enéquipe; elles interviennent aussi surles responsabilités et la rémuné-ration, l’environnement physique dutravail, le télétravail, l’aménagementdu temps de travail, la gestion decarrière… En résumé tout ce qui serattache à la gestion de l’activité pro-fessionnelle entre dans les préoc-cupations des entreprises, qui,avec le WLB, ont envisagé unedémarche globale.Certaines ont même créé un postede responsable du WLB. CommeKraft Canada, où il existe unmanager « harmonie travail-vieet mieux-être » chargé de conce-voir, de manière participative, unprogramme WLB et de le mettre en

Depuis vingt ans, l’oppositionentre travail et vie person-nelle ne cesse d’augmenter,

jusqu’à devenir l’un des principauxproblèmes rencontrés par les mana-gers : c’est ce que démontrent demultiples enquêtes au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et auxÉtats-Unis. Dans ces pays anglo-saxons, le Work-Life Balance (WLB),qui permet de trouver l’équilibreentre la vie privée et la vie profes-sionnelle, est l’une des clés du mana-gement de la qualité de vie au tra-v a i l . L e s t r a n s f o r m a t i o n sspectaculaires de la main-d’œuvre(féminisation, vieillissement, attentesdes jeunes…) et des modes de vie(loisirs, place de la famille, soinsaux aînés, transport…) incitententreprises et gouvernements (voirencadré) à mettre en place de nou-veaux équilibres entre sphère pri-vée et sphère professionnelle.

Sur tous les fronts

Du côté des entreprises, on constateque le management du WLB mobi-lise une grande diversité de pra-tiques et mesures ayant trait aux

Pays anglo-saxons, le poids de la balance

Manager les conditions de travail: un objectif que les entreprises anglo-saxonnes poursuivent aussi,

à travers notamment le Work-Life Balance, ou comment trouver la façon de mieux équilibrer vie

professionnelle et vie privée. Au Canada, il existe même, au sein des entreprises, une fonction dédiée…

Comment fonctionne le WLB dans les politiques publiques ? Du côté des gouvernements, on trouve généralement trois types de programmes d’appui : ☛ des études et les enquêtes visant à suivre l’évolution des besoins des salariés sur ce sujet ; ☛ des programmes et politiques de management du WLB au sein du secteur public ; ☛ la valorisation des bonnes pratiques des entreprises et l’encouragement à la négociation sociale sur le sujet. Par exemple, au Canada, il existe le ministère des Ressources humaines et du Développement social (voir sur le site www.rhdsc.gc.ca) dont l’objectif est d’« aider les Canadiennes et Canadiens à faire les bons choix afin que leurs vies soient productives et gratifiantes, et d’améliorer leur qualité de vie ».

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FORMER LES MANAGERS OU LES ACTEURS DE L’ENTREPRISE

•QUI – les managers d’équipes confrontés

aux changements d’organisation– les managers « fonctionnels »

accompagnant les changements– les représentants du personnel,

en particulier ceux des CHSCT– les consultants et les acteurs

de la prévention des risquespsychosociaux

•QUOIcomprendre les nouvellesproblématiques de l’entreprise :– les nouvelles formes d’organisation– l’articulation travail et hors-travail– les identités professionnelles

et les transformations des métiers – les nouveaux risques (stress, risques

psychosociaux, usure prématurée,vieillissement…)

– les liens entre travail et performanceglobale

•COMMENT– articuler données et diagnostics

de santé, de GRH, de production– analyser les situations de travail– concevoir des stratégies d’action

et des dispositifs de suivi

Fédérer les énergies et les expertises autour du travail en formant, ou au moins en sensibilisant, ceux qui, dans l’entreprise, peuvent agir :

E Cette étape de formation permet d’articuler les apports et outils des sciences de gestionet des sciences humaines pour construire une compétence d’analyse et d’intervention.

PILOTER ET SUIVRE ÉVALUER RÉGULIÈREMENT •METTRE EN RAPPORT COÛT ET VALEUR

DU TRAVAIL – mesurer les coûts directs du travail dans les prix de revient– mesurer les coûts indirects liés à l’absentéisme, aux

maladies professionnelles, à la gestion des remplacements– mesurer les gains de performance liés à un investissement

dans les conditions et la qualité de vie au travail : fidélisationdes clients / innovation /baisse de non-qualité…

– inclure le management du travail dans l’évaluation des managers

•PRENDRE LA TEMPÉRATURE DE L’ENTREPRISE À INTERVALLESRÉGULIERS – construire le suivi avec un groupe de travail dédié– réorganiser la concertation et la négociation– informer et communiquer régulièrement– rediscuter autour des accords et des observatoires

les sujets de la négociation

E L’évaluation des actions permet une adaptation aux contraintes économiqueset sociales. Elle inscrit la démarche dans une gestion globale de l’entreprise par la qualité de vie au travail.

1

2 3

POINTS DE VIGILANCE

•DES PRÉALABLES : – l’identification des situations de travail clés

et l’anticipation des nouveaux risques– la mise en débat et la concertation sur des sujets

précis ou sensibles

•DES OUTILS – des accords sur les conditions de travail ou sur la qualité

de vie au travail autour de sujets précis– des observatoires nationaux ou régionaux, d’entreprises

ou de branches– des outils et des questionnaires de diagnostic

pour connaître la situation de l’entreprise. Un exemple : la Géode des perspectives sociales (GPS) : se connaître et se situer par rapport à un secteur, un bassin d’emploi,des entreprises de même taille, etc.

E Ces outils permettent essentiellementde comprendre les situations de travail et d’accompagner le développement socialde l’entreprise.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 ALLER PLUS LOIN

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MANAGEMENT À CONTRESENS : COMBIEN COÛTE LA DÉMOTIVATION ?C’est un mot à la mode mais il y a une raison à cela : la démotivation serait le nouveau mal des entreprises, se répandant comme une traînée de poudre… Un tableau noir dans lequel le management joue un rôle, produisant le contraire de ce qu’il devrait être :mobilisateur et fédérateur. Mais la force de l’ouvrage d’Anne Dousset est de ne pass’arrêter à ce sombre constat mais d’en analyser les causes profondes. Puis de proposerdes solutions pour tordre le cou (le coût ?) au « management à contresens ».

Management à contresens : combien coûte la démotivation ?, par Anne Dousset, éditions d’Organisation, 2007

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Mettre le plaisir de travailler au poste de commande pour gagner en efficacité? Voilà la thèse audacieusequ’Anne Dousset développe dans son ouvrage Managementà contresens : combien coûte la démotivation? Elle parled’expérience, elle qui a occupé pendant une quinzained’années des postes de DRH ou de conseil dans des environnements très concurrentiels et, même dans un lointain passé, quelques temps à l’Anact…Si le plaisir est le moteur de l’action, le moteur serait-ilgrippé? Nous serions en tout cas, d’après Anne Dousset,en phase de rendement fortement décroissant. Elle l’attribue essentiellement à trois raisons : la centralisation des décisions, la pression du court termeet la distanciation des pouvoirs. Le changement rapide« pour s’adapter, pour anticiper, pour inventer avant et mieux que les concurrents » est confondu avec un « bal des girouettes » qui systématise le « fairedifféremment des précédents ». Face à cette situation,« les salariés éprouvent le sentiment douloureux que l’entreprise est dans l’erreur, que leur avis n’est pas important, que leur apport est de peu de valeur et que leur engagement est sans effet ». Bref, elle constate qu’un fossé contre-productif se creuseentre les stratèges siégeant dans des technostructuresmatricielles et les opérationnels de terrain.

Un modèle pour convaincre ?L’originalité de l’ouvrage tient dans le fait qu’il combine des éléments rarement réunis.Il illustre tout d’abord ce phénomène de déplaisir du travail, à travers la présentation de trois cas individuelsqui fleurent bon leur vécu et démont(r)ent les mécanismespar lesquels la démotivation, le désengagement, voire le divorce, s’installent entre l’entreprise et ses salariés.

Mais, chaque fois, le « comment aurait-on pu éviter cela? »incite à réfléchir positivement sur les conduites à tenir.Fidèle à sa préoccupation économique, mais aussiconsciente de ce qui peut toucher les managers, l’auteurepropose ensuite un « modèle pour chiffrer le taux de productivité du facteur humain ». Tant pour mesurer le coût du désengagement que le bénéfice de l’engagementindividuel et collectif. Un modèle pour convaincre? Mêmepas. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: si on additionnel’impact du management sur le présentéisme, l’efficacitécollective et « l’énergie motivationnelle individuelle », on arrive facilement à des écarts de 200 % entre une situation initiale où l’on aurait fait confiance auxpersonnes concernées pour trouver une solution adaptéeet une situation finale, à laquelle on est arrivé par un toutautre chemin… Pour beaucoup, cet écart représente le coût de l’incapacité à fidéliser ou du remplacement d’un employé ou d’un cadre ancien et expérimenté.Une troisième partie, très substantielle, le tiers de l’ouvrage, propose enfin trois clés pour faire renaîtrel’engagement : créer une identité d’entreprise qui donneenvie d’en être acteur ; créer une relation de confiance qui conduit au dépassement de soi ; enfin, impliquer lespersonnes dans les différents processus de l’entreprise, enredonnant corps à l’initiative individuelle et à l’expressionde l’intelligence collective, en jouant la transparence.On est frappé par le contraste entre le tableau sombredressé au début de l’ouvrage et la lumière qui se dégageprogressivement de l’analyse et des propositions :pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté?Rassurez-vous : dans les propositions aussi, il y a del’intelligence!

Michel Weill

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°320 juillet/août 2008 ALLER PLUS LOIN

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Les entreprises, les orga-nisations syndicales, maisaussi les pouvoirs publicsn'ont pas le choix: il fautanalyser le travail pour mieux en comprendreles nouvelles exigences. Là où les inter-prétations les plus courantes parlent d'in-tensification du travail, cet ouvrage proposeune grille de lecture revisitée des condi-tions de travail. Ce faisant, il s'interroge surles conditions nouvelles dans lesquelles ondemande aux gens de travailler. Les clés? Ducôté des travailleurs mais aussi du côté dumanagement : comment l'activité est-elleorganisée? Sait-on gérer la montée des exi-gences ? Afin d'éviter de s'enfermer dansla seule dénonciation du sort vécu par les sala-riés, l'auteur a construit une perspectiveanalytique qui fait se croiser les évolutionsdes stratégies d'entreprise, les transfor-mations de l'activité de travail et les effetsdes outils de gestion.

Faire face aux exigences du travailcontemporain, Pascal Ughetto, éd. de l’Anact, mai 2007, 157 p.

Tout sur la Géode desperspectives sociales (GPS)mise en œuvre par l’AractAquitaine… Renseignementspratiques, ressources et pilotage, perspectives :www.gps-aract.fr

sur

le w

eb

Consultez toutes les ressourcessur la qualité de vie au travailet l’amélioration des conditionsde travail et le contenupédagogique ainsi que les modalités d’inscription aumaster « management, travailet développement social » sur

www.anact.frà li

reOUVRAGES

Le travail, un défi pour la GRH,Rachel Beaujolin-Belletn, Michel Parlier et Pierre Louart,éd. De l’Anact, 2008, 270 p.

Qualité de vie et santé au travail - Guide pour le management et la négociation des conditions de travail dans la société d'information,Yves Lasfargue et Pierre Mathevon,Octares Éditions, 2008, 306 p.

Le Capitalisme d’héritiers: la crisefrançaise du travail, Thomas Philippon, éd. du Seuil, coll.«La république des idées», 2007, 109 p.

Les Compétences managériales:enjeux et réalités, FrançoiseDupuich-Rabasse, éd. L’Harmattan,2007, 313 p.

Le Carnet de bord du manager de proximité, Pascal Poudereaux, éd. d’Organisation, coll. «Livres outils-Efficacité professionnelle», 2007.

L’Entreprise réconciliée. Commentlibérer son potentiel économique et humain, Jean-MarieDescarpentries et Philippe Korda, éd. Albin Michel, 2007, 254 p.

Management de la santé et de la sécurité au travail : un champde recherche à défricher, EmmanuelAbord de Chatillon, Olivier Bachelard,Jean-Marie Peretti, éd. L’Harmattan,coll. «Conception et dynamique des organisations», 2006, 467 p.

Les Enjeux sociaux de l’innovation,Yves Lasfargue, éd. Images pour la formation, coll. «CJD», 2006.

Manager par le sens: les clés de l’implication au travail, David Autissier et Frédéric Wacheux,éd.d’Organisation, 2006, 246 p.

Le Manager au quotidien: les 10 rôles du cadre, HenryMintzberg, éd.d’Organisation, coll.«Références Poche», 2006, 283 p.

Changer le travail… Oui maisensemble, Henri Rouilleault et Thierry Rochefort éd. de l’Anact,2005, 509 p.

FAIRE FACE AUX EXIGENCES DU TRAVAILCONTEMPORAIN

ARTICLES

«Schneider met un pilote dans son accord», Patricia Sudolski,Entreprise & carrière, n° 895, 26 février 2008, p. 17.

«Management participatif. Les salariés de la RATP écrivent leplan stratégique de l’entreprise»,Entreprise & carrière, n° 898, 24 mars 2008, p. 14 à 16.

«Un salarié au conseild'administration», Pierre Alanche,Alternatives économiques, n° 241,décembre 2007, p. 74 et 75.

«Le travail contemporain est insuffisamment managé», Entreprise & carrière, n° 869, août 2007, p. 17.

«Le management intermédiaireen transformation», Christian Mahieu, Revue française degestion, n° 172, mars 2007, p. 49 à 61.

«Les relations sociales, oubliées du programme des grandes écoles», Liaisons sociales, n° 83, juin 2007, p. 42 à 44.

«Manager le changement:comment impliquer sonpersonnel», L’Expansionmanagement review, complémentrédactionnel au n° 119, décembre 2005, p. 30 à 32.

« Des observatoires de branchepour montrer le cap », Chantal Attane, Entreprises formation, n° 145, octobre 2004, p. 34 et 35.

«Changement: nouveaux défis,nouveaux outils», dossier de L'Expansion management review,n° 113, juin 2004, p. 41 à 86.

«Mise en œuvre des accordseuropéens sur les conditions de travail dans le rail», Liaisons sociales Europe, n° 97, 5 février 2004, p. 4.

TRAVAIL ET CHANGEMENT, le bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail.Directeur de la publication : Jean-Baptiste Obéniche – directeur de la rédaction : Gilles Heude – responsable des éditions : Sylvie Setier – rédactrice en chef : Béatrice Sarazin, [email protected] au dossier : Antoine Masson, Julien Pelletier, Thierry Rochefort, Michel Weill.

Réalisation Reed Publishing – chef de projet : B. Lacraberie ; journalistes : C. Delabroy ; M. Jaouën ; secrétaire de rédaction : G. Hochet ; illustrateur : Tino ; directrice artistique : A. Ladevie ; fabrication : P. Spadari – 2, rue Maurice-Hartmann, 92133 Issy-Les-Moulineaux – impression : Imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-La-Pendue.Dépôt légal : 3e trimestre 2008. Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 4, quai des Étroits, 69321 Lyon Cedex 05, tél. : 04 72 56 13 13.

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