Le modèle de croissance de Solow Justine Bouyssou – Julien Levesque.
Système financier et croissance dans un modèle à générati ...
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1
Système financier et croissance dans un modèle à générations
imbriquées avec contrainte de liquidité endogène
Eric BERNARD####
LEO - UMR 6586 CNRS
Résumé :
Par le biais d’un modèle à générations imbriquées avec contrainte de liquiditénous cherchons à réinterpréter le lien entre développement du système financier etcroissance économique. La contrainte de liquidité est ici appréhendée comme unindicateur pertinent de mesure de l’efficacité du système financier. Mais,contrairement à la littérature usuelle, issue des travaux de Diamond [1965], noussupposons que celle-ci n’est pas une variable exogène. En fonction de la naturede l’externalité du secteur réel vers le secteur financier, il est alors possible dedéfinir différents régimes d’accumulation. Si la contrainte suit une évolution nonlinéaire, la dynamique du capital devient complexe et différents régimesd’accumulation apparaissent.
Abstract :
The aim of this article is to study the link between the development of thefinancial system and economic growth using an overlapping generation modelwith a cash in advance constraint. We suppose that liquidity constraint is a goodmeasure of the efficiency of the financial system. By contrast with the usualliterature developed by seminal work of Diamond [1965], the constraint isendogenous. According to the nature of the externality between economicdevelopment and the efficiency of financial system, different kinds of capitalaccumulation regimes appear : a “high” and stable steady state and a “low” andunstable one. In multiple steady states, a tiny variation in the initial capital stockcan drive the economy either in a good situation, where banking system isefficient and capital stock important, or in a poverty trap.
codes JEL : G21 - O16 - E44mots clés : économie bancaire - macro-économie monétaire - contrainte de liquidité -équilibres multiples
#### Allocataire de recherche au Laboratoire d’Economie d’Orléans.Université d’Orléans, Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion – rue de BloisBP 6739 45067 Orléans Cedex 2. Email : [email protected] ; tel : 02 38 41 70 37Je remercie Patrick Villieu, Jean-Baptiste Desquilbet et Stefano Bosi pour l’aide et les nombreux conseils fournisdans l’élaboration de cet article ; toutes les erreurs restant évidemment miennes.
2
Introduction
La mise en place d’un système financier efficace apparaît aujourd’hui comme un
élément essentiel à la croissance de longue période. Une large littérature, initiée par les
travaux fondateurs de Mac Kinnon [1973] et Shaw [1973], place les politiques de
libéralisation financière au cœur de la problématique de la croissance. Plus récemment, les
travaux de Pagano [1993], Bencivenga et Smith [1992] ou Greenwood et Jovanovic [1990]
montrent, dans un cadre de croissance endogène, comment un système financier plus efficace
peut jouer favorablement sur le taux de croissance de long terme. La mise en place d’une
politique financière adéquate, qui vise à améliorer l’efficacité du système financier sans en
accroître l’instabilité, représente un enjeu majeur dans les pays en développement (Fry
[1995], Levine [1997]).
L’objet de cet article est de montrer que le lien entre développement du système
financier et croissance économique est complexe du fait des interrelations croisées qui
existent entre la sphère réelle et la sphère financière. Le développement des systèmes
financiers en Europe, qui a accompagné la révolution industrielle, a été marqué par la
monétisation et la bancarisation de l’économie. Plus généralement, au cours des différentes
phases de développement, l’économie passe d’une économie de troc à une économie
monétaire, puis à une économie de crédit, où la monnaie ne tient qu’une place marginale dans
les encaisses des agents. Ainsi, la vitesse de circulation de la monnaie suit une évolution
caractéristique en U comme le montrent les travaux de Ireland [1994] pour les Etats-Unis ou
le Royaume Uni. Le modèle proposé vise à réinterpréter le lien entre développement du
système financier, vitesse de circulation de la monnaie et contrainte de liquidité où celle-ci est
considérée comme un bon indicateur de l’efficacité du système financier dans les pays en
développement.
3
Dans une première étape, nous décrivons le cadre général de l’économie. L’existence
d’une contrainte de liquidité dans les modèles à générations imbriquées permet de justifier la
présence de monnaie (Crettez et al. [1999]). La section 2 est consacrée à l’étude de l’équilibre
de court terme. Dans la section 3, nous endogénéisons la contrainte de liquidité en supposant
que celle-ci est fonction du niveau de développement de l’économie. Ses évolutions, inverses
à la vitesse de circulation de la monnaie, mesurent l’efficacité du système financier et la
capacité à gérer au mieux les ressources financières disponibles. Une dernière étape étudie la
dynamique de l’économie. Dans le prolongement des travaux de Saint-Paul [1992] et de
Berthelemy et Varoudakis [1994], nous montrons que l’existence d’externalités croisées
conduit à définir des situations d’équilibres multiples. Le développement des systèmes
financiers peut donc apparaître, sous certaines hypothèses, comme un facteur d’instabilité.
Contrairement au modèle de Hahn et Solow [1995] qui définissait une dynamique
d’accumulation simple où l’économie convergeait rapidement vers un état stationnaire unique
et stable, l’endogénéisation du développement du système financier aboutit à des résultats
complexes. L’économie dans ce cas peut soit converger vers un équilibre bas caractérisé par
les insuffisances du secteur réel et du secteur financier, soit converger vers un équilibre haut
où finance et croissance se renforcent mutuellement.
1 présentation du modèle
Par l’introduction d’une contrainte de liquidité, nous cherchons à réintroduire des
aspects monétaires et financiers dans un modèle à générations imbriquées du type Diamond
[1965]. On dénombre une grande variété de travaux sur ce thème, nous choisissons la
formulation proposée par Hahn et Solow [1995] et Crettez et al. [1999] qui permet une
analyse simple de la dynamique économique. Dans une économie avec les hypothèses
4
usuelles sur la fonction de production (fonction Cobb-Douglas), l’évolution démographique
(la population croît à taux constant n), et les préférences des agents, nous proposons un
modèle dans lequel les agents peuvent diversifier leur épargne. Il existe deux actifs auxquels
les agents ont accès : le capital et la monnaie. La justification de la détention de monnaie
repose sur l’existence d’une contrainte d’encaisses préalables à la Clower [1967]. Si les
agents souhaitent acheter des biens, ils sont contraints de détenir une fraction de leur richesse
sous forme de dépôts bancaires. Dans ce cas, la présence de monnaie dans l’économie trouve
sa justification dans l’existence implicite de coûts de transactions.
Le développement du système financier est symbolisé par l’importance de la
contrainte de liquidité qui pèse sur les agents. Un système financier efficient va permettre aux
ménages une économie de ressources au profit de l’épargne productive, ce qui est un facteur
favorable à la croissance et à l’accumulation du capital. Ainsi, on supposera comme Hahn &
Solow [1995] que les agents doivent détenir entre leurs deux périodes de vie une quantité de
monnaie au moins égale à une fraction de la valeur de leur consommation future. Plus
précisément dans notre cas, les individus doivent financer une fraction µ de leur
consommation future sous forme de monnaie bancaire (0 ≤ µ ≤ 1). En première période, ils
sont donc contraints de placer une partie de leur épargne sous forme de dépôts Dt .
vttt cPD 11 ++≥ µ (1.1)
Mais on suppose, dans cet article, que la contrainte de liquidité µ n’est pas exogène,
elle est au contraire fonction du niveau de développement de l’économie et plus
particulièrement du stock de capital par tête à chaque période kt. Le développement du secteur
réel exerce une influence sur le secteur financier. La nature de cette externalité, par essence
non linéaire, est essentielle pour générer des fluctuations autour de l’équilibre stationnaire.
5
Au-delà d’un certain seuil, l’augmentation des ressources financières accroît l’efficacité du
système financier dans son ensemble, il est donc possible d’écrire )( tkµµ = . Nous
réinterpréterons par la suite cette contrainte en terme de vitesse de circulation de la monnaie
en utilisant les estimations empiriques d’Ireland [1994].
Par souci de simplicité, nous supposons que la rémunération de la monnaie est nulle.
Comme les ménages sont rationnels, ils n’ont donc aucun intérêt à détenir des encaisses
oisives, hormis pour effectuer une partie de leurs transactions en t +1. Ainsi, nous supposons
que cette contrainte est saturée à chaque période.
vtttt cPkD 11)( ++= µ (1.2)
De plus, nous supposons que les autorités monétaires créent, à chaque période, de la
monnaie, au taux θt. Cette monnaie est redistribuée indirectement aux agents sous la forme de
transferts forfaitaires. Nous supposons que la monnaie créée est cédée au système financier à
la date t. Ainsi, dans notre modèle, seuls les vieux profitent de l’augmentation de la masse
monétaire1. Comme nous le montrons par la suite, la création monétaire modifie le rendement
des dépôts via l’inflation, et influence l’accumulation du capital.
Les consommateurs jeunes en t
Les Nt ménages jeunes perçoivent en t leur salaire Wt ce qui leur permet de
consommer, d’épargner et d’acquérir de la monnaie. A la période suivante, ils disposent de
l’épargne précédemment accumulée, des dépôts et des transferts vtT 1+ .
1 Il est possible d’étudier le cas où la monnaie est également distribuée aux jeunes (Crettez et al [1999]). Dans cecas, l’Etat dispose d’un instrument supplémentaire de politique économique. Cela ne modifie pas les résultatsgénéraux concernant l’accumulation du capital, mais seulement la consommation des jeunes.
6
Les contraintes budgétaires des ménages s’écrivent :
- pour les jeunes : tttj
tt WDScP =++
- pour les vieux : vttt
et
vtt TDSicP 1111 )1( ++++ +++=
L’épargne totale des agents ( jttt cPW − ) se décompose donc entre l’épargne St, investie
auprès des entreprises, par le biais d’un marché financier primaire (supposé parfait) et les
dépôts Dt. Sous forme réelle, et si l’on distingue les variables anticipées des variables
réalisées, les contraintes des agents s’écrivent respectivement :
tttj
t wdsc =++ (1.3)
et
vt
et
tt
et
vt
P
T
P
DsRc
1
1
1
11
+
+
+++ ++= (1.4)
où wt = Wt / Pt est le taux de salaire réel de la période t, dt = Dt / Pt et st = St / Pt est l’épargne
réelle investie en capital. ( )et
t
tet i
P
PR 1
11 1 +
++ +⋅= représente le facteur de rendement réel anticipé
payé en t+1 par les firmes. Le facteur de rendement réel anticipé des dépôts s’écrit ett PP 1/ + , il
correspond à la quantité de biens dont on peut disposer en t+1 si l’on a épargné une unité de
bien en t sous forme liquide.
Les équations (1.3) et (1.4) permettent de définir la contrainte budgétaire
intertemporelle :
−++=⋅+
++
++
++
+
+e
t
tet
tet
tvte
t
jte
t
vt
et
tP
PR
PR
Dc
Rc
P
T
Rw
1
1
1
1
11
1
1
11(1.5)
Pour ne pas surcharger l’écriture du modèle nous notons µ = µ(kt). Le programme des
consommateurs jeunes s’écrit :
( ) ( )vjt
vt
jt
cct
vt
jt
cacaccUMax 1
1
lnln)1(),( 1),(
+
+
+−=+
sc : vttt cPD 11 ++≥ µ
−++=⋅+
++
++
++
+
+e
t
tet
tet
tvte
t
jte
t
vt
et
tP
PR
PR
Dc
Rc
P
T
Rw
1
1
1
1
11
1
1
11
7
Si l’on suppose que la contrainte de liquidité est saturée, c’est-à-dire si vttt cPD 11 ++= µ , la
contrainte budgétaire devient alors simplement :
vte
t
jte
t
vt
et
t ccP
T
Rw 1
111
11+
+++
+=⋅+ρ
(1.6)
avec t
et
et
et P
P
R1
11
11 +
++
+−= µµρ
et 1+ρ est le facteur de rendement réel anticipé de l’épargne totale qui tient compte du
rendement des investissements productifs et de la monnaie.
Les agents cherchent à maximiser leur utilité intertemporelle sous contrainte. Le
programme des consommateurs jeunes en t, compte tenu des hypothèses sur la contrainte de
liquidité, peut se réécrire :
( ) ( )vjt
vt
jt
cct
vt
jt
cacaccUMax 1
1
lnln)1(),( 1),(
++
+−=+
sc. : vte
t
jte
t
vt
et
t ccP
T
Rw 1
111
11+
+++
+=⋅+ρ
On en déduit les expressions des consommations des jeunes et des vieux nés à la date t :
+−=
+
+
+e
t
vt
et
tj
tP
T
Rwac
1
1
1
1)1( (1.7)
+⋅=
++
+++ e
tet
vt
tet
vt
PR
Twac
11
111 ρ (1.8)
tet
vt
et
tt dP
T
Raaws −−−=
+
+
+ 1
1
1
1)1( (1.9)
8
Les agents vieux en t
A la période t, les agents vieux détiennent le stock de capital acheté lors de la période
précédente. Ils perçoivent donc les profits πt associés à la production. Les profits sont
distribués à parts égales entre les Nt-1 agents vieux. Ils disposent aussi des dépôts qu’ils
avaient placés en banque en t-1, augmentés de la création monétaire qui leur a été donnée sous
forme forfaitaire. Etant donné qu’ils disparaissent à la fin de la période, ils consomment
l’intégralité de leur revenu. Leur consommation en t s’écrit donc :
t
vt
t
t
t
tvt P
T
NP
Dc ++=
−
−
1
1 π(1.10)
Comme la contrainte de liquidité est serrée, il est possible d’écrire :
+
−=⇒++=
−− t
vt
t
tvt
t
vt
t
t
t
vttv
t P
T
Nc
P
T
NP
cPc
11 1
1 πµ
πµ(1.11)
Les firmes
La firme maximise son profit en considérant donné le stock de capital Kt, installé à la
période précédente, et selon une fonction de production à rendements d’échelle décroissants
du type Cobb-Douglas : ( ) αα −== 1, ttttt LAKLKFY .
Le profit de la firme s’écrit donc :
( ) ttttt LwLKF −= ,π (1.12)
Avec ttt LKk /= , intensité capitalistique, la solution de ce programme aboutit au
résultat usuel :
9
)()1(),( ααα −−=′= ttttLt LKLKFw ⇒ αα tt Akw )1( −= (1.13)
t
ttttt
t
tt K
LLKLAK
KR
αααα απ −− −−== )1(1
⇒ 1−= αα tt AkR (1.14)
A la période t, la firme qui produira en t+1 reçoit l’épargne non thésaurisée des
jeunes et la transforme en capital pour la période suivante :
tttt sNIK ==+1 (1.15)
Le système financier
On note ttt DND = la masse totale de dépôts à la date t. Celle-ci croît au taux
exogène θt de sorte que : 1)1( −+= ttt DD θ (1.16)
La banque subit seulement une contrainte de bilan, il n’existe pas de technologie
spécifique associée à l’activité d’intermédiation. Elle collecte les dépôts des jeunes et reverse
aux vieux la monnaie précédemment accumulée, augmentée de la création monétaire entre les
deux périodes : 11 −− = ttv
tt DTN θ ⇒ 1−= ttv
t DT θ (1.17)
Le fait que les agents soient contraints de soustraire une partie de leur épargne sous
une forme non productive a des conséquences macroéconomiques importantes. La diminution
de l’épargne financière consécutive à l’introduction d’une contrainte de liquidité se traduit par
une baisse de l’investissement productif, ce qui conduit à un équilibre stationnaire plus bas
que celui observé dans une économie purement réelle.
10
La loi de Walras
On dénombre dans cette économie trois marchés : le marché des biens, du travail et de
la monnaie ; il existe donc deux prix relatifs : le prix du bien de consommation (et de
production) et le taux de salaire. Les relations comptables des différents agents s’écrivent :
- pour les jeunes : ttt
tttt
jtt wN
P
DNsNcN =++
- pour les vieux : t
vt
tt
ttt
vtt P
TN
P
DNcN 1
111 −
−−− ++= π
- pour la firme qui produit : tttt LwY −=π
- pour la firme qui investit : ttt sNI =
- pour le système financier : 1)1( −+= ttt DD θ ⇔ t
tt
t
tt
t
tt
P
D
P
DN
P
DN 111 −−− += θ
D’où il vient : [ ] [ ] [ ] 01
111 ≡−+−+−++ −−− tttttv
ttt
ttvtt
jtt LNwDTN
PYIcNcN θ
Si le marché du travail est à l’équilibre (Nt = Lt) et si les transferts sont financés par
création monétaire (1.17) alors la loi de Walras s’applique. On a bien équilibre sur le marché
des biens : ICY += (où C est la consommation agrégée des jeunes et des vieux).
2 Equilibre temporaire
On suppose qu’à chaque période l’équilibre sur les différents marchés est réalisé.
Comme la contrainte de liquidité est saturée (équation (1.1)) ; on peut donc
écrire : vttttt cPNDN µ111 −−− = . Or
t
vt
tt
ttt
vtt P
TN
P
DNcN 1
111 −
−−− ++= π
d’où : vtttttttt TNDNPDN 11111 −−−−− ++= µµπµ
11
Avec (1.17), il vient : ttt
tt PDN πµθµ
µ−−
=−− 111 (1.18)
Or πt = RtKt et comme (1.16) peut se réécrire t
tttt
DNDN
θ+=−− 111 , on a :
( ) ( )tt
t
t
t
tt
t
t
t
tt kR
N
KR
P
Dd
µθµµθ
µθµµθ
−−+=
−−+==
1
1
1
1(1.19)
Le niveau d’encaisses réelles détenu par les jeunes dépend positivement de
l’importance de la contrainte de liquidité et du taux de croissance de la masse monétaire. Si θt
et µ augmentent alors la demande de monnaie dt augmente également.
On peut déduire le niveau général des prix2 en utilisant l’équation (1.18) :
ttt
ttt
tt
tttt kRN
DN
KR
DNP 1111 11 −−−− −−=−−=
µµθµ
µµθµ
(1.20)
Le transfert réel de monnaie permis par l’émission de monnaie par la Banque Centrale
s’écrit en utilisant (1.17) et (1.20) :
11 −−−=
t
ttt
t
t
t
vt
N
kRN
P
T
µθµµθ
(1.21)
On suppose que les agents font des anticipations parfaites concernant les valeurs
futures des prix et des taux d’intérêt ( 11 ++ = tet RR et 11 ++ = t
et PP ). Si l’on suppose que la
monnaie croît au taux constant θθ =t , l’équation précédente peut se réécrire :
θµµθµ
−−⋅+
= +
++
+
1
)1( 1
11
1 t
tt
vt kn
PR
T(1.22)
12
Sachant que αα αα ttttt AkkAkkR =⋅= −1 , les équations (1.13), (1.19) et (1.22) nous
permettent de déterminer la consommation et l’épargne de l’économie :
- consommation des jeunes :
−−
⋅++−−=
+−= +
++
+
θµµθµα α
1
)1()1()1()1( 1
11
1 tt
tt
vt
tj
t
knAka
PR
Twac (1.23)
- consommation des vieux (avec (1.21)):
θµµαπ
µ
α
−−+==
+
−=
− 1
)1(...
1
1
1
t
t
vt
t
tvt
Akn
P
T
Nc (1.24)
- épargne monétaire
( ) ααθµµµθ
tt kAd−−
+=1
1(1.25)
-épargne destinée à l’investissement ( )11
11++
+−−−=tt
vt
tttRP
Tadaws
⇒ ( ) 11)1)(1(
1
)1(1 +−−
+−−
−−
+−−= ttt knaAkasθµµ
θµθµµαµθα α (1.26)
Le taux d’épargne dépend de la technologie, des préférences des agents, de la politique
monétaire et de l’efficacité du système bancaire. Si la préférence pour le présent diminue (a
augmente) alors le taux d’épargne augmente. Ce paramètre est essentiel dans la détermination
de régimes de sur(sous) accumulation du capital. La présence de contraintes financières,
modélisées ici par une contrainte de liquidité joue négativement sur le taux d’épargne de
l’économie ce qui diminue l’investissement productif.
2 Le niveau des prix à la date t dépend de manière cruciale du niveau de développement du système financier etde la politique monétaire mise en place par le gouvernement. Si l’on omet l’indice t, la relation (1.20) impose
que Pt est positif si et seulement si µ
µθ
−<
1 .
13
3 Contrainte de liquidité endogène
Dans cette section, nous présentons les éléments empiriques qui tendent à prouver
l’existence d’une relation non linéaire entre croissance économique, développement du
système financier et évolution de la contrainte de liquidité. Cette relation est essentielle pour
expliquer l’instabilité de la dynamique d’accumulation dans les pays en développement.
La contrainte de liquidité représente l’inverse de la vitesse de circulation de la
monnaie. La théorie quantitative de la monnaie nous enseigne que Mv ≡ PY, ce qui est très
proche de la formulation de notre contrainte de liquidité : PcDM µ=≈ Il existe donc une
relation inverse entre vitesse de circulation de la monnaie et contrainte de liquidité v
1=µ .
Or, de nombreuses études ont estimé que la vitesse de circulation de la monnaie
suivait une relation non linéaire sur longue période. Par exemple, Friedman et Schwartz
[1982], ou Ireland3 [1994] ont montré que la vitesse de circulation de la monnaie prend une
forme en U au cours du processus de développement. Il existe un lien entre la vitesse de
circulation de la monnaie et le développement économique. Aux premiers stades de
développement, la monnaie est rare et l’économie est proche d’une économie de troc. La
vitesse de circulation de la monnaie est alors très élevée. Le peu d’encaisses liquides
disponible dans l’économie permet d’effectuer un grand nombre de transactions. Mais à
mesure que l’économie se développe, la vitesse de circulation diminue jusqu’à un certain seuil
(noté k~
). L’augmentation de la masse monétaire se traduit par une baisse de v.
3 On peut se référer également à Hromo, J., (1998) : « A Note on Income Velocity of Money in a Cash inAdvance Economy with Capital », Economics Letters, 60(1), juillet, pp 91-96 ou aux travaux de Marlow, M.,(1991) : « Money and Velocity in the 80’s », Quarterly Review of Economics and Business, 31(4), pp 36-46. Uncertain nombre de NBER Working Papers traitent également ce problème (n° 2891 et 2074).
14
Au-delà de ce seuil, l’économie dispose d’un stock important de capital physique. Un
système financier efficient et dynamique se met en place. La vitesse de circulation de la
monnaie augmente à nouveau. Pour résumer de manière très schématique, la vitesse de
circulation de la monnaie diminue puis augmente à mesure que l’économie traverse les
différents stades du développement. Ces faits sont vérifiés empiriquement pour les Etats-Unis,
mais aussi pour l’Australie, le Canada, le Danemark, la Suède…
Fig 1 : Vitesse de circulation de la monnaie (M1). Etats-Unis 1869-1989
source : Ireland [1994]
Ainsi la valeur de la contrainte de liquidité n’est pas constante au cours du processus
de développement de l’économie. La fonction µ suit une évolution inverse à celle de v. En
effet, µ augmente dans un premier temps pour diminuer par la suite.
15
Fig 2 : Contrainte de liquidité et stock de capital
Ainsi, l’économie passe progressivement d’une économie de troc où la monnaie est
rare à une économie monétaire où les agents sont contraints d’utiliser la monnaie dans les
échanges. A ce stade, la contrainte de liquidité augmente. Le développement du système
financier se traduit initialement par une plus forte contrainte : les agents sont dans l’obligation
d’utiliser la monnaie dans les échanges.
Mais à partir d’un certain stade de développement, le besoin de détenir des encaisses
liquides diminue. Les agents, pour effectuer leurs transactions, peuvent transformer
rapidement et sans coûts leurs actifs en moyens de paiement. Le développement d’instruments
financiers alternatifs permet de diminuer les coûts de transaction. Le crédit, en particulier,
permet de diminuer la contrainte de liquidité que subissent les agents.
Ces considérations sont corroborées, à la fois par une étude historique des systèmes
financiers en Europe, et par l’exemple des pays en développement qui ont vu le
développement récent de l’intermédiation bancaire. Kindleberger [1989], soutient que la
révolution industrielle en Europe a été accompagnée d’une « révolution financière » qui a pris
corps essentiellement par le développement des banques. Il est possible de citer également les
k
k~
µmax
µ(k)
16
travaux de Fry [1995] qui s’intéresse plus spécifiquement aux pays en développement et pour
qui le système financier des PVD s’assimile quasi exclusivement aux banques.
Le développement de la sphère réelle, mesuré ici par le stock de capital installé dans
l’économie, engendre donc un effet retour sur le développement de la sphère financière. Mac
Kinnon [1973] avait déjà mis en avant la relation complexe entre finance et croissance : le
développement du système financier était susceptible d’aboutir à une économie duale. Dans le
prolongement de ces travaux, un résultat intéressant de notre modèle concerne l’apparition de
mouvements cycliques du stock de capital ainsi qu’à la multiplicité des équilibres.
Dans certains cas, l’économie ne va jamais rejoindre son sentier de croissance
équilibré. Même s’il existe un équilibre stationnaire stable k*, la série (kt) ne converge jamais
vers ce point. Les conséquences macroéconomiques du développement du système financier
sont donc complexes. Si dans un premier temps, les intermédiaires financiers tendent à freiner
l’accumulation du capital (µ augmente quand k augmente), ils permettent au contraire de
l’augmenter par la suite (µ diminue quand k augmente). Ainsi, dans le cadre de notre modèle,
la finance apparaît comme un frein à la croissance dans les premières étapes du
développement économique. Mais par la suite, au-delà d’un certain seuil, elle permet au
contraire une économie de moyens. L’augmentation des ressources financières disponibles
pour l’investissement productif permet de se placer sur un sentier de développement plus
élevé et ainsi d’accroître le bien-être social de l’économie.
Les implications en terme de politique économique de cette observation sont
importantes. Les résultats attendus de la mise en place d’une politique favorisant le
développement d’un système bancaire peuvent être contre-productifs dans certains cas. Il
convient pour les pays les moins avancés d’adopter une telle politique avec prudence. En
17
effet, pour ces pays, le développement du système financier peut conduire à une diminution
de l’épargne productive disponible et être un frein au développement.
La modélisation de Pagano [1993] et de Berthélémy et Varoudakis [1995] fait
d’ailleurs référence à ce type de comportement. Les banques s’approprient une partie de
l’épargne ce qui diminue les ressources nécessaires à l’investissement (I = ϕS avec 0<ϕ<1).
En outre, Berthélémy et Varoudakis démontrent l’existence de différents clubs de
convergence. L’économie peut soit converger vers un équilibre bas de piège à pauvreté,
caractérisé par les insuffisances du secteur réel et du secteur financier, ou au contraire
converger vers un équilibre haut avec une forte croissance et la présence d’institutions
financières efficaces.
4 Dynamique du capital : instabilité et équilibres multiples
Afin d’assurer l’existence d’un éventuel équilibre, il convient de poser une limite sur
la valeur maximale de la contrainte de liquidité pour imposer que l’épargne soit positive.
( ) ( )( )ααθαµ
θµµαµθα
+−+−≤⇒⇒≥
−−
+−−⇒≥)1(1
)1(...0
1
)1(10
a
aast
Le terme d’épargne st est positif si et seulement si : ( )( )ααθαµµ
+−+−=≤
)1(1
)1(max a
a (1.27)
Pour que le taux d’épargne soit positif, il convient de supposer que la monnaie est un
actif dominé et que la contrainte de liquidité n’est pas trop pesante4.
4 La relation (1.27) conduit également à imposer que le rendement réel des dépôts est inférieur à la rémunération
du capital : ete
t
t RP
P1
1
++
≤ (équations (1.1), (1.8) et (1.13))
18
La dynamique d’accumulation se déduit de la relation d’investissement (1.15) :
Kt+1=Ntst ⇔ tt skn =+ +1)1(
Avec l’équation (1.26), il vient, si l’on tient compte de l’externalité du secteur réel sur
le secteur financier :
( ) α
θµµαµθα
θµµµθ
ttt
tt
tt
t Akkk
kak
kk
kan
−−
+−−=
−−
−++ + )()(1
)()1(1
)()(1
)()1(1)1( 1 (1.28)
Le cas simple consisterait à supposer que la valeur de µ(kt) est constante et égale à
µµ = . Cette situation aboutit à l’existence d’un équilibre unique et stable. L’économie
converge globalement vers ( )( ) α
µθµθµαµθµα −
−−
+−−−−+
=1
1
*
1
)1(11
1 a
a
n
Ak . Si l’on suppose
la mise en place d’un système financier plus efficace, caractérisé par une baisse de µ, alors la
valeur du capital par tête k* augmente à l’équilibre
<
∂∂
0*
µk
.
La création de monnaie joue négativement sur la valeur d’équilibre du stock de capital.
En effet, l’épargne investie en capital physique diminue lorsque la monnaie est transférée aux
vieux, cela est dû à l’augmentation de l’épargne monétaire : le poids de la contrainte de
liquidité augmente avec la création monétaire.
Par contre si on suppose que la fonction µ(kt) est non linéaire alors il est possible
d’obtenir des résultats biens plus complexes en terme de dynamique d’ajustement. Le cadre
général des modèles à générations imbriquées nous permet donc de rendre compte de
l’existence d’équilibres multiples.
19
La dynamique du capital peut aboutir à des fluctuations de nature déterministe pour
certaines valeurs des paramètres. Dans un premier temps, nous représentons une dynamique
du capital qui converge vers son état stationnaire, avant d’étudier une situation où les
fluctuations ne sont pas amorties. En fait tout dépend de la valeur du paramètre a qui
représente, rappelons-le, la préférence pour le présent. Trois cas sont successivement étudiés :
- en cas de suraccumulation l'économie converge vers un équilibre « haut »
- pour des valeurs intermédiaires de a, l'économie connaît trois points d'équilibre
- en cas de sous accumulation, l'économie suit un sentier de croissance cyclique autour
d'un point d'équilibre, nous appellerons cet équilibre « bas ».
Les préférences des agents représentent alors un élément essentiel pour passer d'un
stade de développement à un autre. Notre modélisation réintroduit la problématique de
l'épargne au cœur du phénomène de croissance, dans une optique assez traditionnelle. Afin de
simplifier la lecture des résultats, et étant entendu que la création monétaire joue
négativement sur k*, nous supposons par la suite que θ = 0. Dans ce cas la dynamique est
définie par : α
µαµ
α tt
tt Ak
k
ka
nk
−
−−+
=+ )(1
)()1(
1
11
(avec ( ) 0>′ tkµ pour kk~< et ( ) 0<′ tkµ pour kk
~> )
Nous allons donc étudier les principales propriétés de la fonction ( )µ,1 tt kgk =+ qui
détermine les évolutions du stock de capital par tête lorsque la contrainte de liquidité est
endogène.
20
Cas de fluctuations amorties : existence d’un état stationnaire unique et stable
Le premier cas étudié correspond à une dynamique traditionnelle du capital, où la série
k(t) converge vers une valeur unique d'équilibre de long terme.
( )α
µαµα
−
−
−−+
=1
1
*
**
)(1
)(1
1 k
ka
n
Ak
S’il existe une externalité du secteur réel vers le secteur financier, et avec un taux de
préférence pour le futur élevé, la solution d'équilibre stationnaire est représentée de la sorte :
Fig 3 Dynamique du capital : fluctuations amorties
La dynamique du capital montre que celui-ci converge rapidement vers sa valeur de
long terme comme nous l'indique le graphique suivant :
kt
kt+1
k*
21
Fig 4 Simulation de la dynamique du capital : fluctuations amorties
Le cas où les fluctuations perdurent est bien entendu plus intéressant. Deux cas de
figure vont être successivement traités. Pour des valeurs de a faibles, c'est-à-dire dans un cas
où les agents ont une forte préférence pour le présent, l'économie va converger vers un
équilibre instable et bas, appelé piège à pauvreté.
Persistance des fluctuations : le piège à pauvreté
Ce cas correspond à une situation où les agents ont une forte préférence pour le
présent. Dans ce cas, ils épargnent peu et l’économie se trouve dans une situation de sous-
accumulation du capital. L’équilibre obtenu se caractérise par son instabilité ; en fait, le stock
de capital suit des évolutions cycliques de nature déterministe. Il serait possible d’étudier les
différentes bifurcations de la relation de récurrence ( )µ,1 tt kgk =+ .
0
2
4
6
8
10
12
14
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
k(t)
t
22
Fig 5 Le piège à pauvreté
Le cas de figure défini ici correspond donc à une situation où l’économie ne converge
pas vers un équilibre unique ; le stock de capital oscille autour d’un point bas kc.
Fig 6 Simulation de la dynamique du capital : piège à pauvreté
Une dernière situation, caractérisée par l’existence d’équilibres multiples, peut être
mise en évidence.
kt
kt+1
kc
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14t
k(t)
23
Persistance des fluctuations : équilibres multiples et instabilité
Pour des valeurs intermédiaires du paramètre a, la dynamique du capital est encore
plus complexe. Trois points d'équilibre différents de k = 0 apparaissent et l'économie peut
converger vers :
- un équilibre stable « haut » (k*)
- un équilibre instable (ki) (au voisinage de ce point, le stock de capital converge soit
vers k* soit vers kc)
- un équilibre cyclique « bas » (kc)
La situation initiale revêt alors une importance cruciale quant à la trajectoire suivie par
l'économie. Les simulations nous indiquent que pour de faibles différences du stock de capital
initial, l’économie peut converger aussi bien vers l’équilibre haut que vers l’équilibre bas. De
manière surprenante, l’augmentation de ko ne conduit pas nécessairement à une situation
meilleure en terme de développement.
Fig 7 équilibres multiples
kt
kt+1
kc ki k*
24
Fig 8 Simulation de la dynamique du capital : équilibres multiples
Le modèle proposé ici, malgré sa simplicité permet donc de rendre compte de
situations d’équilibres multiples. La prise en compte d’une relation non-linéaire entre
développement du système financier et développement de la sphère réelle engendre une
dynamique complexe, dans laquelle « l’histoire compte ». En fonction de la situation de
départ, une économie peut soit converger vers un équilibre haut et stable ou alors se retrouver
sur un sentier de développement chaotique. Les conditions initiales revêtent alors une
importance cruciale, comme nous l’enseignent par ailleurs les théories de la croissance
endogène.
Ces réflexions s’insèrent dans la problématique de la comparaison des trajectoires de
développement entre les nouveaux pays industrialisés d’Asie et les PMA Africains depuis les
années 1960. Des pays comme la Corée du Sud ou Taiwan ont (presque) rattrapé leur retard
vis-à-vis des pays industrialisés du Nord et ont mis en place les institutions financières
capables de soutenir le développement à long terme (banques, marchés financiers,
0
2
4
6
8
10
12
14
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14t
k(t)
25
investisseurs institutionnels). La crise de 1997 est sans doute la conséquence d’un sur-
investissement chronique ainsi que de la fin de la période de rattrapage. En un sens, cette crise
au cours de laquelle les banques ont trop investi et l’économie trop profité des flux financiers
internationaux démontre que les politiques de développement ont réussi dans ces pays et que
la phase de transition touche à sa fin.
Dans le même temps, l’Afrique sub-saharienne a connu une crise financière d’une
ampleur sans précédent, comparable par ses conséquences macroéconomiques à la crise de
1929 (Severino [1999]). Tout au long des années 1980, le système financier souffre de
problèmes de liquidités. La crise systémique éclate lorsque les banques publiques, fortement
engagées dans des projets économiquement non rentables, doivent annoncer de réels
problèmes de solvabilité (on estime que les créances irrécouvrables représentent 25 % de la
masse monétaire à la fin des années 1980). Ainsi, toutes les banques privées et publiques au
Bénin se déclarent en faillite en 1991. Douze banques sont contraintes de fermer au Cameroun
entre 1989 et 1997, sept banques sur douze au Sénégal. Les dépôts quittent massivement les
banques (presque la moitié des dépôts quittent le système bancaire camerounais entre 1985 et
1987), le crédit chute dramatiquement. Ainsi, on assiste dans toute la zone au développement
de la finance informelle (tontines, banquiers ambulants) au détriment du système bancaire
officiel, complètement discrédité.
Certes, suite à une politique volontariste des gouvernements et des institutions
internationales, la confiance semble un peu revenue aujourd’hui, mais les problèmes
subsistent : les banques par excès de prudence et par insuffisance du secteur privé se
retrouvent dans une situation anormale de surliquidité. Ainsi, la détresse des systèmes
26
financiers dans certains pays en développement est à la fois la cause et la conséquence
d’insuffisances dans le secteur réel.
Conclusion
La contrainte de liquidité apparaît être un bon indicateur de la mesure de l’efficacité
du système financier dans les pays en développement. L’approche proposée nous conduit à
prendre en compte les interrelations qui existent entre développement de la sphère réelle et
développement de la sphère financière. Bien évidemment, la mise en place d’un système
financier plus efficace conduit à accroître le bien-être de l’économie, grâce à l’économie de
ressources financières autorisée par la diminution de la masse d’encaisses oisives.
Cependant nous montrons que la relation peut être bien plus complexe et que, dans
certaines situations, l’économie reste plongée dans un cercle vicieux. La mécanique du sous
développement s’auto-alimente par la conjonction d’insuffisances du secteur réel, et de crise
du système financier. Nos résultats rejoignent ainsi les travaux de Berthélémy et Varoudakis
[1996] où le système financier (mesure par le ratio M2 / PIB) explique le passage d’un
équilibre à un autre. En un sens, ce type de modèle permet d’expliquer pourquoi des pays
comme la Corée du Sud et le Sénégal, qui avaient des revenus par tête similaires dans les
années 1950, ont connu des trajectoires de développement si différentes depuis.
La dynamique du capital observée dans ce modèle conduit nécessairement à
s’interroger sur le rôle de l’Etat. Nos travaux rejoignent donc la problématique de la
répression financière, critiquée par Mac Kinnon et Shaw [1973]. Nos travaux montrent, a
contrario, la nécessité d’une politique financière active pour éviter les situations de détresse
financière. L’Etat doit donc jouer sur différents aspects de la structure de l’économie et
27
favoriser, en particulier, le développement du système financier. Une politique de
réglementation du secteur bancaire apparaît nécessaire pour éviter à l’économie de sombrer
dans un piège à pauvreté. Il revient aux pouvoirs publics de chercher à réduire l’importance
de la contrainte de liquidité pour promouvoir une allocation efficace de l’épargne afin
d’assurer un meilleur développement de l’économie.
Bibliographie
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28
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