Synthèse du rapport public thématique Les politiques de lutte ......2016/06/13  · É vo lut in...

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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LES CONSOMMATIONS NOCIVES D’ALCOOL Rapport public thématique Évaluation d’une politique publique Synthèse Juin 2016

Transcript of Synthèse du rapport public thématique Les politiques de lutte ......2016/06/13  · É vo lut in...

  • ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES

    LES POLITIQUESDE LUTTE CONTRE

    LES CONSOMMATIONSNOCIVES D’ALCOOL

    Rapport public thématiqueÉvaluation d’une politique publique

    Synthèse

    Juin 2016

  • g AVERTISSEMENT

    Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation durapport de la Cour des comptes.

    Seul le rapport engage la Cour des comptes.

    Les réponses des administrations et des parties prenantes figu-rent à la suite du rapport.

  • Sommaire

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    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

    1 Une absence de consensus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

    2 Une action publique qui peine à agir sur les comportements . . . .11

    3 Des politiques mal coordonnées, reposant sur des basesmal établies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

    4 Faire de la lutte contre les consommations nocives d’alcoolune priorité de l’action publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

    Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23

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  • La consommation d’alcool est un sujet sensible en France, car l’alcool est associéaux évènements festifs, aux modes de vie et à la culture. Cet héritage social etculturel, renforcé par les enjeux économiques qui lui sont attachés, induit unetolérance générale vis-à-vis de la consommation d’alcool qui explique, pour unelarge part, la difficulté à définir et à mettre en œuvre dans la durée une politiqueintégrée de santé et de sécurité.

    Sur les 8,8 millions de consommateurs réguliers, l’observatoire français des drogueset toxicomanies (OFDT) estime à 3,4 millions le nombre de consommateurs àrisque dont 10 % seulement seraient pris en charge. Selon la seule étude récentedisponible en France, publiée en 2013, environ 49 000 décès étaient attribuables àl’alcool en 2009 (soit 13 % de la mortalité pour les hommes et 5 % de la mortalitépour les femmes). Une étude publiée en 2015 notait que l’alcool était la premièrecause d’hospitalisation (580 000 patients pour un coût estimé à 2,6 Md€) et que laconsommation excessive d’alcool était associée à une soixantaine de pathologies.

    C’est sur la base de ce double constat qu’en application de l’article L. 111-3-1 ducode des juridictions financières, la Cour a décidé de procéder à une évaluation despolitiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool. L’évaluation,conduite avec les principales parties prenantes associées au sein d’un comitéd’accompagnement, vise à apprécier l’impact de ces politiques sur la société, enprésentant les facteurs positifs et négatifs à la lumière d’exemples étrangerspertinents. Elle débouche sur des recommandations qui sont formulées en fonctiondes marges de progrès identifiées.

    L’évaluation conduite par la Cour a consisté à examiner la disponibilité desdonnées, à analyser les différents paramètres qui caractérisent lesconsommations nocives d’alcool au regard de l’état des connaissances cliniqueset épidémiologiques, à passer en revue les principaux leviers d’action mis enœuvre par les différents acteurs concernés et relevant de la réglementationde la distribution du produit et des déterminants de son prix, de la santépublique, de la sécurité publique, à en documenter les résultats. Elle s’estattachée à ce que tous ses constats soient traçables et vérifiables.

    Introduction

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  • Introduction

    Les catégories d’usage de l’alcool

    D’après la Société française d’alcoologie, on distingue en France cinq catégoriesd’usage :

    - le non-usage, c’est-à-dire l’absence de consommation (2,3 millions de personnesde 11 à 75 ans n’ayant jamais consommé en 2014 d’après l’OFDT) ;

    - l’usage social ou à faible risque (c’est le cas des 8,8 millions de buveurs réguliersdont 4,8 millions de buveurs quotidiens), où la consommation est inférieure auxseuils de 21 verres par semaine ou 3 verres par jour pour les hommes, de 14 verrespar semaine ou 2 verres par jour pour les femmes, de 4 verres en une seule occasionet une abstinence complète pour les femmes enceintes ;

    - le « mésusage » qui se décompose en trois sous-populations de consommateursréguliers :

    1) l’usage à risque qui se définit par une consommation supérieure aux seuilssusmentionnés et qui entraîne une augmentation des risques de développer uncancer, une maladie du foie (cirrhose), des problèmes cardiovasculaires et digestifs,ainsi que des troubles psychiques (dépression, anxiété) : il caractérise les buveursréguliers excessifs (BRE) estimés à 3,4 millions de personnes en 2014 ;

    2) l’usage entraînant l’apparition effective de complications somatiques,psychologiques ou sociales liées à la consommation d’alcool, non associée àune dépendance ;

    3) l’usage avec dépendance qui se caractérise par la perte de contrôle de laconsommation et est associé à des complications diverses.

    Parmi les consommations à risque, la consommation sous forme d’alcoolisationponctuelle importante (API), plus connue dans son expression anglaise « bingedrinking », est généralement définie par la consommation de cinq verres ou pluspour les hommes et de quatre verres ou plus pour les femmes, soit 50 ou 40 gd’alcool pur sur une durée brève (2 heures ou plus).

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  • 1Une absence de consensus

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    La place très particulière qu’occupeen France l’alcool dans l’histoire, laculture, l’économie et la vie socialeexplique la tolérance générale vis-à-vis de la consommation de boissonsalcoolisées, dont les effets négatifssont largement sous-estimés.

    Une tradition bien ancrée deproduction et de consommation

    Le poids économique du secteurdes boissons alcoolisées expliquel’extrême sensibilité des acteursenvers toute remise en cause, aunom de considérations de santépublique, du statut de l’alcool et duvin en particulier. En France, le vinet l’alcool en général font partieintégrante de l’art de vivre, ce quirend particulièrement délicate lamise en œuvre d’une politique delutte contre les consommationsnocives d’alcool, en réduisant forte-ment l’efficacité des mesuresrépressives ou préventives.

    Une consommation qui baissemais reste supérieureà celle des autres pays

    La consommation moyenne d’alcoolbaisse régulièrement de 1,7 % par andepuis 1960, pour atteindre enFrance environ 12 litres d’alcool pur parhabitant et par an en 2014, selon les

    données les plus récentes de l’officefrançais des drogues et toxicomanies(OFDT), mais reste nettement supé-rieure à la moyenne des pays euro-péens membres de l’OCDE.

    Cette diminution est essentiellementdue à la baisse de la consommation devin, tandis que, parallèlement, onconstate une évolution à la haussedes alcoolisations ponctuelles impor-tantes et des ivresses répétées etrégulières. Ces augmentations sontparticulièrement marquées chez lesfemmes et les jeunes.

    Pour autant, la baisse globale de laconsommation d’alcool ne permet pasd’occulter la persistance de conduites àrisque chez les femmes enceintes, lesjeunes ou les personnes en situation deprécarité sociale, ni de négliger les8,8 millions de consommateurs réguliers.

    Une appréciation incomplètedes conséquences des consom-mations nocives d’alcool

    Les effets des consommations nocivesd’alcool ne sont encore que partiellementévalués, faute de données suffisantes.

    La consommation d’alcool est d’abordresponsable de conséquences sanitairesaussi bien à court qu’à moyen et longterme.

  • Une absence de consensus

    Mais les données de mortalité liées àl’alcool ont fait l’objet en France dedeux études récentes seulement quine permettent pas un suivi épidémio-logique rigoureux. Pour la morbiditéliée à l’alcool, il est seulement possiblede déterminer le nombre depersonnes prises en charge à 100 %par le système de santé pour unepathologie dont l’alcool est en tout ouen partie responsable, et les donnéessont donc largement sous-estimées.

    La frontière entre une consommation àfaible risque et une consommationdangereuse est par ailleurs difficile àétablir, et l’idée qu’il existe uneconsommation exempte de risque estde plus en plus remise en question parla science. C’est pourquoi la question

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    des repères de consommation est trèscontroversée, mais décisive pour ciblerles messages de prévention. Ainsi, leconstat que les risques de cancer appa-raissaient pour des niveaux de consom-mation inférieurs aux repères ontconduit de nombreux pays à réviser leursrecommandations.

    L’abus d’alcool se traduit aussi pardes actes de violence, en particulieren famille, des incivilités et des actescriminels ou délictueux, tout enaggravant fortement l’insécuritéroutière. Si le rôle de l’alcool dans lesaccidents de la route est bienmesuré, celui-ci est plus diffus en casd’atteinte aux personnes, très peud’études étant disponibles.

    Évolution entre 2000 et 2014 des niveaux d’usage régulierdes principaux produits actifs à 17 ans, en métropole (%)

    Source : HBSC 2010, exploitation OFDT, ESPAD 2011 années lycée, OFDT-INSERM-MEN

  • Le difficile équilibre à trouverentre les enjeux économiques,la santé et la sécurité

    Il n’existe pas en France de consensussur la nécessité de développer unepolitique publique spécifique enmatière d’alcool. La filière de productionmet en avant son rôle dans l’économieet dans la vie en société, et les autori-tés sanitaires les risques liés auxconsommations nocives.

    Dans ce contexte, les acteurs publicssont en position de faiblesse face ausecteur des boissons alcoolisées,très présent auprès des institutionseuropéennes et nationales.

    L’absence d’un plan global de luttecontre les consommations nocivesd’alcool concourt en France à cedéséquilibre entre acteurs écono-miques et acteurs publics, et a privéles acteurs de santé d’une « feuillede route » intégrée qui engageraitles pouvoirs publics.

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    Une absence de consensus

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    Un certain nombre de sujets relatifsaux consommations nocives d’alcoolfont dans notre pays l’objet decontroverses :

    - le bilan économique global desconsommations nocives d’alcooln’est pas posé de manièresereine ;

    - la mesure de la modération enmatière de consommationd’alcool ne fait pas consensus ;

    - enfin, les champs d’investigation,les orientations et les résultats dela recherche clinique et épidémio-logique ne font pas non plusl’unanimité, chaque camp cher-chant à en tirer des conséquencesopposées.

    Cette absence de consensus nuit àl’unité de l’action publique.

  • 2Une action publique qui peineà agir sur les comportements

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    L’évaluation de la Cour a montré quel’État ne se donnait pas les moyensd’infléchir les comportements à risqueen n’agissant qu’imparfaitement surles différents leviers disponibles :réglementation de la distribution,fiscalité, sanction de l’alcoolémie auvolant, prévention et prises en chargesanitaires.

    Une réglementationde la distribution en décalagepar rapport à l’évolutiondes habitudes de consommationUne réglementation qui ne prendpas en compte l’évolution du marché

    L’accès aux boissons alcoolisées estfavorisé aujourd’hui par la multiplicationdes débits de boissons à emporter outemporaires, que la réglementation neparvient plus à maîtriser.

    La règle dite « des quotas » (un débitpour 450 habitants) ne s’appliquepas aux ventes à emporter (grandedistribution, supérettes), ni à la ventesur internet. Par ailleurs, la vente àemporter, particulièrement celleeffectuée dans les épiceries de nuit,ainsi que les ventes aux mineurs,échappent aux contrôles.

    Des remises en cause successivesde la loi Évin

    La France s’était dotée en 1991, avec laloi Évin, d’un dispositif d’encadrementde la publicité des boissons alcooliqueset d’interdiction de vente de toute bois-son alcoolique aux mineurs de moinsde 16 ans, cité en exemple en Europe.

    Les modifications successives de cetteloi, en ont amoindri l’efficacité.L’autorisation donnée au groupementsportifs de vendre de l’alcool a étéinterdite en 1999. Le durcissementdes conditions de vente introduit parla loi HPST du 21 juillet 2009 a étéaccompagné par un encadrement de lapublicité sur Internet. Un assouplisse-ment, motivé par la défense des ter-roirs et de l’œnotourisme, a été intro-duit par l’article 13 de la loi du26 janvier 2016 de modernisation denotre système de santé. Malgrél’existence d’un cadre législatif restrictif,les marques d’alcool mobilisent tous lessupports y compris les réseaux sociauxpour développer leur publicité enl’adaptant aux différents publics-cibles.Une étude de l’INPES de 2015 montreque les Français ont le sentimentd’omniprésence de la publicité et deses dangers pour les jeunes.

    Un encadrement des groupesde pression peu contraignant

    Les actions de lobby en faveur de l’al-cool ne font pas l’objet d’un encadre-ment suffisant en France. Les règlesqui s’imposent aujourd’hui aux seulsparlementaires mériteraient d’êtreétendues et renforcées.

    Une fiscalité sans objectifs clairs

    La fiscalité des boissons alcoolisées estfortement encadrée par les directiveseuropéennes. Les droits indirects com-prennent la TVA et les droits d’accise.Des cotisations sociales sont aussiappliquées sur certaines boissonsfortes en alcool. Les recettescorrespondantes (environ 6,6 Md€ avecla TVA) sont pour partie affectées à laprotection sociale des agriculteurs.

  • Une action publique qui peine à agirsur les comportements

    Il n’existe aucune relation entre laconsommation, les chiffres d’affairesréalisés et le niveau de taxation par caté-gorie de boissons. Ainsi, le vin représente58 % de la consommation, 71 % du chif-fre d’affaires hors exportation etseulement 3,6 % des droits d’accises.

    De plus, les taux des différentes accisesne sont pas strictement proportionnelsà la teneur en alcool ou à la nocivitéparticulière des différentes boissonsalcoolisées, sauf exception pour lesalcools forts et les « premix ». La finalitédu régime fiscal paraît donc peu ins-pirée par des objectifs de santépublique.

    Des comportements à risquemal contenus par les dispositifsde contrôle et l’arsenal de sanctions

    Le constat concerne notamment laconduite en état alcoolique et l’ivressepublique manifeste.

    Le dépistage de l’alcool au volant esten régression depuis plusieursannées, du fait de certainescontraintes liées aux forces de sécuritéet de la lourdeur de la procédure, tandisque les sanctions restent peu dissuasives(amendes) ou difficiles à mettre enœuvre (suspension de permis).

    Quant à la police de l’ivresse publique,elle se heurte à plusieurs difficultés :outre les agressions et les violencesque les forces de sécurité doivent subir,elle s’avère coûteuse en personnel etaucune mesure d’accompagnementn’est prévue pour orienter la personnedégrisée vers une démarche de soins.

    Une approche évaluative del’éducation à la santé et à lasécurité routière insuffisammentdéveloppée

    Les actions d’éducation à la santé etde prévention en matière de sécuritéroutière ont un rôle important à jouer,mais leurs résultats sont mal connus.

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    Une fiscalité plus lourde sur les spiritueux

    Source : Cour des comptes

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    Des actions d’éducation à la santé faiblement évaluées

    Si les actions de prévention sont princi-palement dévolues à l’INPES, d’autresacteurs sont également concernés, enparticulier ceux intervenant dans desmilieux spécifiques, à savoir la santéscolaire et la santé au travail, maisaussi les associations.

    L’INPES, principal opérateur dans lechamp de la prévention, a cherché às’adapter, malgré la diminution de sesmoyens.

    En milieu scolaire, une vision globale desactions mises en place fait défaut, lessynergies entre personnels de santé etpersonnel enseignant tardent à seconcrétiser, et les interventions assuréespar des représentants des forces del’ordre ne sont pas évaluées.

    En milieu universitaire, les services demédecine préventive et de promotionde la santé sont démunis. En milieu pro-fessionnel, la rareté des données sur lesconsommations nocives d’alcool, ainsique sur les pratiques et sur les acci-dents du travail liés à l’alcool ne per-met pas le développement d’une stra-tégie pertinente.

    Une éducation à la sécurité routièreinsuffisamment évaluée

    Les actions de prévention de la sécuritéroutière sont désormais répartiesprincipalement entre des campagnesde communication nationales menéespar la délégation à la sécurité et à lacirculation routières et les actionsdéployées à travers les plans départe-mentaux d’action de sécurité routière(PDASR). Mais l’efficacité de ces actionsn’est aujourd’hui pas suffisammentévaluée.

    Par ailleurs, les dispositifs d’auto-dépis-tage, comme l’éthylotest obligatoire etl’éthylotest anti-démarrage (EAD), sontencore peu développés, malgré leurutilité.

    Le rôle insuffisant de la médecine depremier recours

    La prise en charge des patients présentantdes consommations excessives et despathologies liées à l’alcool peut sefaire à plusieurs niveaux, sans quele parcours de soins ne soit toujoursformalisé. Il pâtit de la faible implicationde la médecine de premier recours,notamment de la médecine générale,mais aussi de la dispersion des prises encharge spécialisées et de l’articulationsouvent insuffisante entre les filièresmédicales et médico-sociales.

    Ainsi, un sondage effectué par l’IFOPpour la Cour montre que deux tiers desmédecins généralistes interrogés neconnaissent pas le dispositif du RPIB(repérage précoce et interventionbrève) et que seulement 2 % d’entre euxle pratiquent de manière formalisée.

    Un effort de structuration de la priseen charge à l’hôpital, des prises encharge trop dispersées dans le sec-teur médico-social et associatif

    Si la prise en charge hospitalière estdésormais bien structurée, les prisesen charge paraissent trop dispersées.Elles se partagent entre le secteurmédical et hospitalier, le secteurmédico-social spécialisé (notammentles centres de soins, d’accompagnementet de prévention en addictologie– CSAPA – et les centres d’accueil etd’accompagnement à la réduction desrisques chez les usagers de drogues– CAARUD –), et le secteur associatif.

  • Une action publique qui peine à agirsur les comportements

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    La procédure de dépistage et les sanctions de l’alcoolémie

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    3Des politiques mal coordonnées, reposant sur desbases mal établies

    Les enjeux en termes de coûts sani-taires, économiques et sociaux desconsommations nocives d’alcool restentmal connus. Il n’existe pas par ailleursen France une politique mais desactions juxtaposées de lutte contreles consommations nocives d’alcool,dont les résultats sont globalementdécevants et mal évalués, faute d’unecoordination permettant de surmonterleurs contradictions.

    Des coûts qui restent à préciser

    À la différence de certains pays, lescoûts sanitaires et sociaux de l’alcoolsont mal évalués en France.

    Les coûts sanitaires sont largementsous-estimés, car la Caisse nationale del’assurance maladie des travailleurssalariés (CNAMTS) ne prend encompte, dans ses estimations, que troispathologies entièrement attribuablesà l’alcool (la cirrhose alcoolique, lescancers des voies aérodigestives et lesmaladies mentales liées à l’alcool).

    Les coûts de prévention restent,quant à eux, difficiles à isoler, étantrépartis entre de nombreux acteurs :structures interministérielles, directionsd’administration centrale, agencessanitaires, sécurité sociale, servicesdéconcentrés et décentralisés,associations subventionnées.

    Enfin, les coûts économiques etsociaux des consommations nocivesd’alcool ne sont pas aujourd’huiévalués par les pouvoirs publics,mais par des chercheurs, comme leprofesseur Kopp, qui aboutissait en2015 à un coût social de 120 Md€pour 2010.

    Or, la Cour a constaté que d’autrespays se sont au contraire donné lesmoyens d’agir (comme la Suède, laNorvège, le Royaume-Uni ou l’Italie)en mettant au point des outils desuivi des données relatives auxconsommations nocives d’alcool,plus réguliers, performants et mieuxcentralisés qu’en France.

    Un effort de formationet de recherche peu soutenu

    En France, l’enseignement et larecherche dans le domaine de l’alcooln’ont pas constitué de véritablespriorités au cours des dernièresannées.

    L’enseignement de l’addictologie àl’alcool dans les formations médicaleset paramédicales varie en fonctiondes régions mais est globalement trèsinsuffisant.

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    Des politiques mal coordonnées,reposant sur des bases mal établies

    La recherche est peu ambitieuse, aussibien dans le domaine de la recherchemédicale que dans celui de la santépublique, par comparaison notammentaux travaux menés à l’étranger.

    Une coordination inaboutieentre acteurs

    Un pilotage interministériel encore flou

    En France, la MILDECA a été chargéed’élaborer et de mettre en œuvre leplan de lutte contre les drogues et lesconduites addictives 2013-2017, quicouvre l’ensemble des addictions,sans programme spécifique pourl’alcool, contrairement au tabac,mais c’est plutôt la DGS qui est res-ponsable de la politique et des plansde santé publique relatifs à l’alcool.

    Dans le domaine de la délinquance etdes violences consécutives à desconsommations d’alcool il n’existe pasde stratégie nationale, mais des plansd’action publique comportant chacun,à des degrés divers, des actions enfaveur de la lutte contre les consom-mations nocives d’alcool.

    Un pilotage local partagéentre les préfets et les agencesrégionales de santé (ARS)

    Depuis la loi de 2009, les ARS sontcompétentes pour définir, à partirdu cadre national, leurs prioritésstratégiques de santé et les mettreen œuvre en région, tandis que lepréfet de département est garant dela déclinaison des autres politiquesnationales, notamment en matièrede sécurité routière, en animant lesdifférentes instances territorialeschargées de leur mise en œuvre.Cette gouvernance duale, conjuguéeà la non-concordance des niveauxdécisionnels, n’est pas sans inconvé-nient, d’autant plus que d’autresacteurs locaux, comme les municipa-lités et les conseils départementauxet régionaux, interviennent au nomde leurs compétences. Cette situationcontribue à accroître le manque devisibilité des politiques locales delutte contre les consommationsnocives d’alcool.

    À cette complexité s’ajoute le faitque les financements des actionslocales sont fortement contraints etinsuffisamment ciblés.

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    4 Faire de la lutte contre les consommations nocivesd’alcool une priorité de l’actionpublique

    Au terme de cette évaluation menéepar la Cour, il apparaît clairement queles consommations nocives d’alcoolont des effets très négatifs sur lasanté et la sécurité publique et queles coûts sanitaires et sociaux sontbien supérieurs au produit des taxessur l’alcool. Il est non moins indubita-ble que la dispersion des politiquesconduites jusqu’à présent, commel’absence d’objectifs ciblés et d’ins-truments de mesure de l’efficacitédes actions de terrain, placent laFrance en mauvaise position par rap-port aux meilleures pratiques recom-mandées tant par l’OMS que parl’OCDE.

    Une politique unifiée de lutte contreles consommations nocives d’alcooldoit permettre de sensibiliser lesconsommateurs aux effets nocifs del’alcool sur la santé, la vie sociale, etde les responsabiliser dans leur rap-port individuel à la consommationd’alcool. Cette prise de conscience esten effet une condition nécessaire àl’efficacité de la politique publique.

    Il est à cet égard nécessaire, du faitd’une gouvernance aujourd’hui écla-tée, de mettre en oeuvre un plancohérent dans la durée, au plus hautniveau du Gouvernement.

    Élaborer un programmede réduction des consommationsnocives d’alcool

    Pour répondre à la nécessité urgented’une intervention des pouvoirspublics, il convient d’élaborer unprogramme d’actions interministériellesqui doit être porté au plus niveau,c’est-à-dire par le Premier ministre,comme c’est le cas par exemple auRoyaume-Uni, et qui doit être assurédes moyens nécessaires et évaluérégulièrement.

    Un programme intégréet régulièrement évalué

    Définie dans ce programme national,la stratégie de lutte contre lesconsommations nocives d’alcool doits’appuyer sur des objectifs découlantde données épidémiologiques etsocio-économiques et définir ensuiteles leviers d’action les mieux adaptés àchacune des catégories d’intervention.

    Le suivi des actions du programme seferait à l’aide d’indicateurs définispréalablement et complétés par desétudes spécifiques pour certainesactions. Un bilan de sa mise en œuvre,réalisé tous les trois ou quatre ans,permettrait de mesurer les progrèsaccomplis, en tenant compte de

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    Faire de la lutte contre les consommationsnocives d’alcool une priorité de l’action publique

    l’évolution des connaissancesscientifiques, et de réorienter le caséchéant les actions. Un chiffrageincontestable des coûts sanitaireset socio-économiques des consom-mations nocives d’alcool viendrait àl’appui de ce bilan.

    Un programme fondé sur lespreuves scientifiques

    Une politique de santé sur l’alcoolsuppose, pour être efficace dans ladurée, de faire progresser les connais-sances dans la logique d’une médecinefondée sur les preuves, ce qui impliquede rechercher dans la littératurescientifique la preuve du meilleur niveaud’intervention au bénéfice du patient.

    Assurer un pilotage efficacedes actions

    La mise en œuvre du programmeimplique une gouvernance claire. Lepilotage se décline au niveau national,avec une coordination nécessairementinterministérielle dans laquelle laplace essentielle revient au ministèrechargé de la santé, appuyé par leministère de l’intérieur sur les aspectsde sécurité publique. Au niveau local,la déclinaison du programme doit êtreconfiée aux préfets de région et dedépartement et, sur le volet santé, auxARS, avec l’appui du chef de projet dela MILDECA. Les conseils régionaux etdépartementaux ainsi que les munici-palités les plus impliquées seraientégalement associés.

    Se donner les moyens d’agir

    La mise en œuvre d’un programme deréduction des consommations nocivesd’alcool nécessite des moyens humainset financiers pour la prévention et lesautres actions prioritaires, ainsi quepour la recherche et la formation.

    Agir sur tous les leviers

    Tous les leviers existants doivent êtremobilisés : information, prévention etaccompagnement, mais aussi actionsur les prix, ce qui suppose un relève-ment de la fiscalité. La mise en œuvred’un prix minimum, souhaitable dufait de son efficacité comparée, sup-posera quant à elle que soient crééesles conditions de sa conformité autraité sur le fonctionnement del’Union européenne.

    Enfin, la consommation d’alcool faitl’objet de multiples réglementations,qui concernent essentiellement lapublicité, l’information sur le produit,le lobbying, l’accès au produit et laconduite en état alcoolique. Il s’agit deles renforcer et de les améliorer pourlutter contre les consommationsnocives, encore trop largement tolé-rées dans notre pays.

    Développer des actions d’informa-tion et de prévention plus efficaces

    Une stratégie efficace doit reposer àla fois sur des actions en direction del’ensemble de la population et desactions dirigées vers des populationscibles bien identifiées. En ciblant tropétroitement les « buveurs réguliersexcessifs », on court le risque de nepas prendre en compte les autresbuveurs réguliers non exempts derisque.

    Il n’en reste pas moins essentiel deconduire des actions spécifiques, enparticulier vis-à-vis des jeunes, desfemmes enceintes et des populationsfrappées par la précarité ou dans desenvironnements spécifiques.

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    S’agissant des femmes enceintes, lemessage de prévention doit consisterà recommander l’abstinence complètedans la mesure où il n’est pas possiblede définir un repère d’alcoolisationacceptable pour le fœtus.

    Outre le milieu scolaire trois autrespublics méritent une attention parti-culière : le milieu universitaire, lemilieu du travail et celui des per-sonnes sous main de justice.

    En milieu de travail, il conviendraitd’abord de modifier le code du travailpour interdire totalement, comme enItalie, l’introduction d’alcool sur le lieude travail, des dérogations tempo-raires pouvant être accordées en nom-bre limité dans l’année. Deux axesd’intervention gagneraient par ail-leurs à être développés : d’une part, lamise en œuvre du repérage précoce etintervention brève (RPIB) dans le cadredes interventions du personnel desanté au travail (médecin ou infirmière),d’autre part des actions de nature àfaciliter les orientations de personnesen difficulté avec l’alcool.

    Renforcer la formation et l’implicationdes professionnels de santé pour mieuxrepérer les comportements à risques

    Il conviendrait d’abord de fixer unobjectif de formation sur l’alcoologiedans les études médicales et paramé-dicales, avec validation obligatoire desconnaissances.

    Il est également nécessaire de mieuxformer les professionnels de santé,qu’ils exercent en cancérologie, dansles services d’urgence, en chirurgie oudans les maternités, à repérer précisé-

    ment l’usage d’alcool. Une augmenta-tion des heures d’enseignement dansles différents cursus et l’ouverture depostes universitaires et hospitaliers enaddictologie seraient souhaitables.

    La place des généralistes et des méde-cins du travail pourrait être bien plusimportante qu’actuellement aussibien en matière de repérage que deprise en charge.

    Parmi les pistes visant à inciter lesmédecins généralistes à développer leRPIB dans une approche globale desaddictions, seraient à explorer uneinclusion dans la rémunération surobjectifs de santé publique (ROSP),l’inscription d’une consultation longuede repérage et prise en charge desaddictions à la nomenclature, et ledéveloppement de prises en chargepartagées entre médecins et infir-mières cliniciennes.

    Un renforcement de la prise en chargede premier recours doit égalements’appuyer sur le milieu hospitalier,notamment à partir des urgences. Ilimporte en effet d’encourager le déve-loppement, aux urgences, du repéragedes patients présentant un problèmed’alcool et leur prise en charge dans lecadre de filières coordonnées avec lesservices d’addictologie. Ces dispositifsdoivent être adaptés au cas par cas,selon la capacité d’intervention deséquipes de liaison et de soins en addic-tologie (ELSA) et les coopérationspossibles entre les services concernés.

    Relever les prix pour réduire lesconsommations nocives

    L’action par les prix et la fiscalité appa-raît dans toutes les études récentes(dont la dernière étude de l’OCDE de

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    2015) comme l’une des mesures les plusefficaces pour la santé publique et laréduction des coûts sociaux de l’alcool.

    Le prix minimum vise essentiellementla consommation de boissons alcooli-sées à bas coût par des buveurs régu-liers excessifs, souvent issus desmilieux défavorisés. La Cour de justicede l’Union européenne (CJUE), à lasuite de la question préjudicielleposée par la Cour de session d’Écosse,a conditionné l’instauration d’un prixminimum à la fixation d’objectifs desanté publique précis et l’a subordonnéeà une démonstration de l’insuffisanteefficacité de la fiscalité nationale.

    Mieux encadrer la publicité, l’informa-tion sur le produit et le lobbying

    La limitation de la publicité est consi-dérée comme un instrument perti-nent et efficace pour freiner laconsommation, tout particulièrementcelle des jeunes, qui constituent unpublic prioritaire dans notre pays. Lalimitation de la publicité devraitconcerner tous les vecteurs de diffu-sion, y compris numériques.

    Il faut d’autre part tirer les leçons desarbitrages rendus en défaveur de lasanté publique sur la plupart desmesures pouvant affecter la vente deboissons alcoolisées, sous l’influencedes intérêts des producteurs. Il existedes procédures permettant de rendrel’action des lobbies la plus transpa-rente possible, à l’instar de ce quiexiste de longue date dans lesenceintes européennes ou plusrécemment pour les lobbies du tabac.

    Rénover la législation sur les débitsde boissons et se donner les moyensde la faire respecter

    La réglementation des débits de bois-sons est devenue obsolète et n’est passuffisamment contrôlée. Il convientde la moderniser et de la faire respec-ter, certaines infractions comme lavente aux mineurs restant insuffisam-ment contrôlées.

    Améliorer l’efficacité des mesuresen matière de conduite en étatalcoolique

    Les mesures à prendre doivent êtreguidées par la nécessité de sanction-ner plus efficacement et plus ferme-ment la conduite sous l’emprise del’alcool et de convaincre parallèle-ment l’opinion publique de l’incompa-tibilité absolue de la consommationd’alcool avec la conduite automobile.

    Il convient d’abord de mieux orienterles campagnes de communication enrenforçant leur évaluation et de mieuxorienter l’action préventive des assu-rances, en mettant en place un malusprogressif pour les contrevenants.Parallèlement, il convient de dévelop-per un accompagnement préventif quidoit d’abord reposer sur le renforce-ment des modalités d’auto-dépistage.

    Sans écarter l’idée d’étudier la pers-pective d’abaisser le seuil d’alcoolé-mie à 0,2 g/l pour tous les conduc-teurs, il paraît prioritaire de simplifierles procédures de dépistage qui sontaléatoires, longues et compliquéespour augmenter la probabilité pour

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    chaque automobiliste d’être contrôlé,de manière à tendre vers l’efficacitédes radars automatiques en matièrede vitesse excessive.

    Pour améliorer l’efficience du dépistage,il conviendrait de revaloriser le montantdes contraventions forfaitaires en casd’alcoolémie et de faire passer letaux plafond de 0,8 g/l à 1,2 g/l. Celapermettrait de rendre plus effectivela sanction des alcoolémies les pluscourantes.

    Par ailleurs, il serait plus efficient dene recourir qu’à un seul type d’appa-reil pour mesurer l’alcoolémie et éta-blir la charge de la preuve. Ce nouvel

    appareil cumulant les fonctions del’éthylotest et de l’éthylomètreactuels pourrait ainsi déterminer l’al-coolémie dès le dépassement du seuilcontraventionnel.

    Enfin, l’obligation de faire poser dansson véhicule un éthylotest anti-démarrage, qui a démontré son effica-cité sur les récidivistes, pourrait êtreétendue, en confortant le réseau degarages agréés pour leur installation.

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    En conclusion de cette évaluation, la Cour effectue six grands constats et formuletrois orientations possibles pour améliorer la lutte contre les consommations nocivesd’alcool.

    Les six constats sont les suivants :

    - il n’existe pas de consensus dans notre pays sur des points aussi fondamentauxque, sur le plan collectif, le bilan économique global des consommations nocives d’al-cool et, sur le plan individuel, le couple volume consommé / risque ;

    - le deuxième constat tient à la double limite de la baisse de la consommation glo-bale : l’augmentation de comportements à risques en particulier chez les jeunes, lesfemmes et les populations précaires et le fait désormais établi qu’une consommationrégulière et non excessive peut elle aussi emporter des risques ;

    - le troisième constat est celui d’une insuffisance des efforts de recherche permet-tant de documenter de manière robuste les effets nocifs des différentes formes deconsommation d’alcool, de manière à mieux définir les stratégies appropriées desanté ;

    - l’action publique peine dans ce contexte à modifier les comportements car ellen’utilise pas assez efficacement les leviers existants qui ont démontré leur utilité dansd’autres pays ;

    - les réponses sanitaires aux consommations nocives d’alcool sont tardives et malcoordonnées ;

    - le sixième et dernier constat porte sur la définition et la mise en œuvre des poli-tiques : non seulement il n’existe pas de feuille de route claire pour les différentsacteurs, sous forme d’un programme national spécifique dédié à la lutte contre lesconsommations nocives d’alcool, mais il n’existe pas d’autorité assez forte pourdéfendre les intérêts de la santé publique face aux acteurs économiques et pour assu-rer la nécessaire coordination interministérielle des actions menées, cette gouver-nance mal assurée se retrouvant également au niveau local.

    Les trois grandes orientations proposées par la Cour sont les suivantes :

    - élaborer, au sein du plan contre les addictions, un programme de lutte contre lesconsommations nocives d’alcool, fondé sur les preuves scientifiques et porté au plushaut niveau gouvernemental. Doté d’indicateurs permettant un suivi rigoureux desactions dans la durée, il serait régulièrement évalué et adapté en fonction desrésultats obtenus ;

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    Conclusion et recommandations

    À l’intention du Premier ministre :

    1. élaborer un programme nationalde réduction des consommationsnocives d’alcool assorti des indica-teurs adéquats, et définissant lesmodalités d’un pilotage efficace auniveau national et local. Procéder àson évaluation périodique, selonune méthode internationalementreconnue et la rendre publique ;

    À l’intention du ministère chargé del’enseignement supérieur et de larecherche :

    2. mettre en place une politiquepluriannuelle de recherche surl’alcool (fondamentale, translation-nelle, clinique, en santé publique eten sciences sociales) en privilégiantles travaux interdisciplinaires et lescollaborations internationales ;

    À l’intention du ministère chargé dela santé, du ministère de l’intérieur,de la MILDECA et de l’Agencenationale de santé publique :

    3. adapter les messages en directiondes consommateurs à risque au vudes résultats des travaux sur lesrepères de consommation et des

    recherches en cours sur les fractionsattribuables à l’alcool de la morbi-mortalité ;

    À l’intention du ministère chargé dela santé, de la MILDECA et del’Agence nationale de santépublique :

    4. développer les actions de préven-tion et de communication vers lespublics les plus fragiles (jeunes,femmes enceintes en vue de prévenirle syndrome d’alcoolisation fœtale,personnes en difficulté) ; dans cecadre, accorder une attentionparticulière à la prévention desviolences faites aux femmes ;

    À l’intention du ministère chargédu travail et du ministère chargéde la santé :

    5. supprimer, en recourant à la loi,pour le vin, la bière, le cidre et lepoiré l’autorisation d’introductionet de consommation sur le lieu detravail actuellement prévue par lecode du travail et renvoyer auxrèglements intérieurs des entreprisesles conditions de mise en œuvre etles dérogations applicables ;

    - provoquer une prise de conscience et prévenir les risques des consommationsnocives d’alcool par une information et des actions de prévention appropriées etmises en cohérence avec les avancées de la science.

    - renforcer l’impact des leviers d’action existants qui s’avèrent souvent peuefficients. Alors que certains méritent une attention particulière car ils sontaujourd’hui sous-utilisés (comme le repérage précoce ou l’action sur les prix etla fiscalité), d’autres pourraient être plus simplement rénovés et adaptés auxbesoins de l’action publique (comme la réglementation de la distribution, dulobbying et de la publicité ou le contrôle et les sanctions de la conduite en étatd’alcoolisation).

  • À l’intention du ministère chargéde la santé et du ministère chargéde l’enseignement supérieur et dela recherche :

    6. développer la détection et le suivides consommateurs à risque selonla procédure codifiée du repérageprécoce et de l’intervention brève(RPIB) dans la démarche médicale.À cet effet, renforcer la formationinitiale et continue à l’addictologie,associer davantage les personnelsinfirmiers dans la mise en œuvre duRPIB et systématiser le repérage de laprésence d’alcool lors des admissionsaux urgences ou en établissementde santé ;

    À l’intention du ministère chargéde l’économie et des finances etdu ministère chargé de la santé :

    7. relever les droits d’accise surl’ensemble des boissons alcooliséesafin de contribuer à réduire lesconsommations à risque ;

    À l’intention du ministère chargéde l’économie et des finances etdu ministère chargé de la santé :

    8. préparer la mise en place d’unprix minimum de l’unité d’alcoolpur contenu dans chaque boisson,compatible avec le droit européen,pour réduire la consommation despersonnes dépendantes ;

    À l’intention du ministère chargéde l’économie et des finances etdu ministère chargé de la santé :

    9. appliquer à tous les supportsnumériques (internet et réseauxsociaux) les restrictions de publicitéen faveur des boissons alcooliques,conformément à l’arrêt de la Courde cassation du 3 juillet 2013 ;

    À l’intention du ministère chargéde l’économie et des finances, duministère de l’intérieur et duministère chargé de la santé :

    10. étendre les règles de formationapplicables aux établissements devente sur place à toutes autres formesde vente de boissons alcoolisées etinstituer un recueil nationalnumérisé des demandes de licencespermanentes et temporaires, consul-table par les forces de sécurité ;

    À l’intention du ministère del’intérieur, du ministère de lajustice, du ministère chargé del’économie et des finances etdes sociétés d’assurance :

    11. accroître la probabilité descontrôles et des sanctions immé-diates : en ayant recours à un seulappareil portatif homologué demesure de l’alcoolémie contra-ventionnelle et délictuelle ; enaugmentant le montant desamendes forfaitaires pour conduiteen état d’alcoolisation jusqu’à laclasse 5 ; en appliquant le régimede sanctions contraventionnellesimmédiates jusqu’à une alcoolémiede 1,2 g par litre de sang.

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