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Français II : Histoire littéraire : synthèse Pourquoi étudier la littérature ? Elle fait partie du patrimoine, de la culture d'un pays C'est un témoignage du passé (cf : autodafé 1 ) Pour s'opposer à toute forme de censure Pour exercer son sens critique C'est le reflet des mentalités C'est un des composants de la culture générale Étudier des textes et leur fonctionnement La littérature permet de guérir des souffrances (pour l'auteur, mais aussi pour le lecteur) C'est une expression de soi Fonction d'identification par les lecteurs (homosexualité, maltraitance, maladies,...) moyen de trouver des réponses aux questions qu'on se pose Permet de voyager (faire étudier des littératures étrangères) Le charme 2 de la littérature Depuis longtemps, beaucoup d'hommes et de femmes s'intéressent à la littérature, lui consacrent du temps, voire leur vie, soit en la lisant soit en l'écrivant. La littérature suscite des passions, des plaisirs, des satisfactions psychologiques et affectives multiples ; elle peut aussi susciter l'envie de se livrer à des supercheries, à des plagiats. Elle possède donc des enjeux passionnels . Elle aide également l'homme à se sentir plus lucide, plus riche intérieurement, plus sensible au monde, aux autres, à réfléchir, à défendre des causes. La littérature possède donc aussi des enjeux rationnels . Mais beaucoup de personnes ne ressentent pas ces enjeux parce qu'elles n'ont pas été assez familiarisées avec la lecture et le livres dans leur enfance ou parce que leur expérience des livres a été décevante et leur a fait percevoir la lecture comme une activité difficile, voire rebutante. Entre lecture gloutonne et lecture gourmette La lecture gloutonne : la personne dévore tous les livres qui lui passent sous la main. Et se souviennent bien de ce qu'ils ont lu. La lecture gourmande : les jeunes enfants nourris régulièrement d'histoires lues à voix haute la pratiquent. Ils mémorisent certains fragments du récits. La lecture gourmette : les lectures dispensées dans la prime enfance devraient préparer à cette lecture. Elle est comparable à un repas raffiné, le lecteur savoure chaque chapitre de son livre. Il tisse des liens entre ses diverses lectures comme le gourmet compare avec d'autres plats en faisant appel à la mémoire de ses papilles. Et la lecture devient plaisir, elle fait partie de la vie. Des enjeux passionnels Lire des textes littéraires peut provoquer deux sortes de plaisirs psychologiques ou affectifs : une expérience de décentrement et une expérience de centrement . 1 Le fait de brûler des livres, par décision politique, pour opprimer les écrivains (acte symbolique de « purification ») Hitler a fait brûler des monceaux de livres sur la place publique car ils avaient été écrits par des juifs ou qu'ils allaient à l'encontre de ses idées (ce qu'il considérait comme de l'art dégénéré) 2 Le mot est à prendre au sens premier : ce qui est supposé exercer une action magique (enchantement, envoûtement, sortilège) PIRLET Elise Session de juin 1re BAC AESI Français – FLE Année 2009 - 2010

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

Pourquoi étudier la littérature ?➢ Elle fait partie du patrimoine, de la culture d'un pays

➢ C'est un témoignage du passé (cf : autodafé1)

➢ Pour s'opposer à toute forme de censure

➢ Pour exercer son sens critique

➢ C'est le reflet des mentalités

➢ C'est un des composants de la culture générale

➢ Étudier des textes et leur fonctionnement

➢ La littérature permet de guérir des souffrances (pour l'auteur, mais aussi pour le lecteur)

➢ C'est une expression de soi

➢ Fonction d'identification par les lecteurs (homosexualité, maltraitance, maladies,...) moyen de trouver

des réponses aux questions qu'on se pose

➢ Permet de voyager (faire étudier des littératures étrangères)

Le charme2 de la littératureDepuis longtemps, beaucoup d'hommes et de femmes s'intéressent à la littérature, lui consacrent du temps,

voire leur vie, soit en la lisant soit en l'écrivant.

La littérature suscite des passions, des plaisirs, des satisfactions psychologiques et affectives multiples ; elle

peut aussi susciter l'envie de se livrer à des supercheries, à des plagiats. Elle possède donc des enjeux

passionnels.

Elle aide également l'homme à se sentir plus lucide, plus riche intérieurement, plus sensible au monde, aux

autres, à réfléchir, à défendre des causes. La littérature possède donc aussi des enjeux rationnels.

Mais beaucoup de personnes ne ressentent pas ces enjeux parce qu'elles n'ont pas été assez familiarisées

avec la lecture et le livres dans leur enfance ou parce que leur expérience des livres a été décevante et leur

a fait percevoir la lecture comme une activité difficile, voire rebutante.

Entre lecture gloutonne et lecture gourmette

• La lecture gloutonne : la personne dévore tous les livres qui lui passent sous la main. Et se

souviennent bien de ce qu'ils ont lu.

• La lecture gourmande : les jeunes enfants nourris régulièrement d'histoires lues à voix haute la

pratiquent. Ils mémorisent certains fragments du récits.

• La lecture gourmette : les lectures dispensées dans la prime enfance devraient préparer à cette

lecture. Elle est comparable à un repas raffiné, le lecteur savoure chaque chapitre de son livre. Il

tisse des liens entre ses diverses lectures comme le gourmet compare avec d'autres plats en faisant

appel à la mémoire de ses papilles.

Et la lecture devient plaisir, elle fait partie de la vie. Des enjeux passionnelsLire des textes littéraires peut provoquer deux sortes de plaisirs psychologiques ou affectifs : une expérience

de décentrement et une expérience de centrement.

1 Le fait de brûler des livres, par décision politique, pour opprimer les écrivains (acte symbolique de « purification »)Hitler a fait brûler des monceaux de livres sur la place publique car ils avaient été écrits par des juifs ou qu'ils allaient à l'encontre de

ses idées (ce qu'il considérait comme de l'art dégénéré)2 Le mot est à prendre au sens premier : ce qui est supposé exercer une action magique (enchantement, envoûtement, sortilège)

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➢ Le décentrement : Lire divertit, permet de s'évader, notamment par le biais de l'identification aux

personnages ou aux situations du texte, ce qui ressemble à la fois à une fuite par rapport au

quotidien et à une expérience psychologique fondamentale. En effet, le lecteur voit le monde

autrement, à travers le regard d'un autre ; il vit des expériences nouvelles, pose un regard nouveau

sur le monde, sur autrui et sur lui-même ; il éprouve des désirs et des émotions qui lui seraient

restés étrangers sans les livres.

=> accepter de ne plus être le nombril du monde.

➢ Le centrement : Lire permet également au lecteur de retrouver dans ses lectures des éléments de

son univers familier, d'être confronté dans son identité, de trouver un écho à ses expériences

personnelles. En découvrant le monde intérieur des personnages ou de l'écrivain, le lecteur a

l'impression de revivre des sensations, des impressions, des souvenirs qu'il a déjà éprouvés, mais

qui restaient enfouis au fond de lui. La lecture est alors un moyen de mieux se connaître et de

s'analyser soi-même.

=> mon centre d'intérêt : c'est moi. Le lecteur s'identifie au héros

Il est toutefois bon de souligner que le décentrement et le centrement ne sont pas des garanties absolues de

plaisir.

Des enjeux rationnels (ce qui relève de la raison)

A côté de sa dimension psychologique et affective, la littérature possède une dimension intellectuelle dans la

mesure où elle permet de développer un certain nombre de connaissances, de compétences et de

réflexions.

1. Connaissances et réflexions sur le monde

Cet aspect de la littérature va de pair avec l'expérience de décentrement : par les savoirs nouveaux qu'elle

apporte, la littérature permet de sortir de soi, de s'enrichir intérieurement et de se transformer.

2. Connaissances et compétences langagières

La plupart des textes qualifiés de littéraires se distinguent par la richesse de leur vocabulaire, la rigueur de

leur syntaxe, la finesse de leur style et la variété de leurs registres. Le lecteur de tels textes a beaucoup plus

de chances d'acquérir une bonne maîtrise de la langue écrite que celui qui ne lit jamais ou qui ne lit que des

textes utilitaires.

=> plus on a des élèves de milieux défavorisés, plus il faut leur faire lire des textes d'auteurs et de qualité

3. Connaissances sur la littérature elle-même

La littérature nous familiarise aussi avec des scénarios, des situations, des personnages, des mythes, des

stéréotypes qui reviennent régulièrement dans les textes, et dont la connaissance sera utile pour reconnaître

les citations, les allusions, les imitations, les transformations qui en sont faites par d'autres écrivains.

=> travailler sur les stéréotypes MAIS bien les décortiquer et les expliquer

=> travailler la parodie

4. Réflexion

La littérature développe la réflexion, la conscience critique à propos du monde et du langage.

Elle rend les lecteurs plus compréhensifs et plus tolérants à l'égard des autres hommes et de leurs actions.

La littérature apprend également la tolérance envers les cultures qui diffèrent de la nôtre.

=> apprendre aux jeunes la tolérance

=> travail important sur les différences de goûts

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Conclusion

Parce qu'elle se prête à des enjeux à la fois passionnels et rationnels, la littérature suscite constamment

chez ses lecteurs deux sortes de lectures complémentaires : une lecture affective3, participative, centrée sur

la matière traitée, et surtout sur les personnages et les émotions qui leur sont associées ; et une lecture plus

analytique4, plus distante, centrée sur la manière dont le texte est écrit, sur les différentes significations qu'on

peut lui donner.

Par ailleurs, il est évident que la lecture de distanciation5 nécessite un effort plus grand que la lecture de

participation, qui suscite des satisfactions plus immédiates.

S'ajoute à cela le plaisir physique que peut procurer un livre, par ses qualités matérielles ou par son odeur.

=> faire l'expérience avec eux : visite d'une bibliothèque, d'une librairie

Qu'est-ce que la littérature ?La première mention du terme de « littérature » revient à l'abbé Charles Batteux (XVIIIe siècle) qui l'employa

pour distinguer les œuvres des écrivains au sein de ce que l'on appelait alors les « Belles-Lettres », mot qui

désignait la culture lettrée au sens large.

La littérature était un ensemble stable de textes qui illustraient de manière exemplaire des valeurs relevant

du Beau, du Vrai et du Bien (opinion philosophique).

Le doute s'insinua lorsque des poètes comme Rimbaud et Lautréamont, puis les surréalistes dans les

années 20, contestèrent les valeurs traditionnelles associées à la littérature. Cette remise en cause est allée

de pair avec les essais de description scientifique dont la littérature a fait l'objet de la part des chercheurs

appartenant à divers champs des sciences humaines. Désormais, deux problèmes liés, mais néanmoins

distincts sont débattus :

– Celui de l'extension du corpus littéraire : quels sont les auteurs, les œuvres et les genres qu'on

peut qualifier de littéraire ?

– Celui de la spécificité de la littérature : existe-t-il des caractéristiques propres aux œuvres dites

littéraires ou un mode de lecture spécifiquement littéraire ?

Interrogation sur l'étendue du corpus dit « littéraire »Au cours du 2e siècle, les amateurs de littérature se sont séparés entre deux perspectives.

D'un côté, une perspective de type « ségrégationniste », qui considère la littérature comme un ensemble

homogène, limité et relativement stable d'œuvres bien identifiées, correspondant en gros au corpus des

œuvres « reconnues ». Cette perspective, qui a prévalu de la fin du 18e siècle jusqu'aux années 1960,

préconise la perpétuation d'une culture « classique », qui est surtout familière à la classe sociale privilégiée.

D'un autre côté, une perspective de type « intégrationniste », qui se développe pendant le dernier tiers du

20e siècle et défend l'idée d'un corpus littéraire hétérogène, qui intègre les genres dits mineurs (écrits

journalistiques, romans policiers, science-fiction...), voire des genres non proprement textuels (chansons,

BD, cinéma...). Les défenseurs de cette perspective, souvent gênés par la hiérarchie qu'implique le mot

même de littérature, préfèrent parler de « textes » ou de « discours ».

Interrogation sur la spécificité de la littératureUne autre manière de cerner le phénomène littéraire consiste à s'interroger sur les qualités des œuvres

littéraires, c'est-à-dire sur les traits qui paraissent distinguer la littérature des œuvres non littéraire.

3 J'aime, j'aime pas => centrée sur les émotions4 pourquoi je n'ai pas aimé, pourquoi j'ai aimé ?

5 Prendre de la distance, se détacher de ses émotions

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Au cours du 20e siècle, le phénomène littéraire a ainsi fait l'objet de deux approches opposées, l'une que l'on

peut qualifier d'interne, centrée sur l'écriture et sur la recherche d'une « littérarité » immanente aux textes ;

l'autre, qu'on peut qualifier d'externe, centrée sur l'utilisation qui est faite des textes par leurs lecteurs.

Les approches internes L'approche formelle : la littérature comme travail sur la langue et les textes La première approche de la littérature qui s'est voulue scientifique affirmait que la caractéristique la plus

importante des textes littéraires était leur structure formelle. Développée dans les années 1920 et 30 par des

linguistes qui travaillaient à Moscou (les Formalistes russes), elle a été relayée en France dans les années

1960 par le Bulgare T. Todorov, le Lituanien A. J. Greimas, les Français R. Barthes et G. Genette,

notamment.

Pour ces théoriciens, la littérature se caractérise par un usage particulier du langage, que l'on peut résumer

en trois traits fondamentaux :

1. La mise en évidence du langage pour lui-même

Par le traitement particulier qu'elle réserve au lexique, à la syntaxe, aux rythmes, aux structures narratives,

la littérature ferait perdre au langage son caractère familier et automatique.

R. Jackobson a appelé « fonction poétique » ce traitement du langage par lequel un message attire

l'attention sur lui-même (sa forme, sa matière) plutôt que sur les choses qu'il désigne. Par exemple dans le

vers de Victor Hugo « Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles6 », l'attention est irrésistiblement

attirée par la répétition proche des sons « f » (on parle alors d'allitération) et cette mise en évidence d'un

élément formel vient en quelque sorte court-circuiter le sens ordinaire. Il en va de même pour tout texte en

vers ou dont le lexique ou la syntaxe sortent du commun.

2. Le rapport étroit avec d'autres textes littéraires

Les textes littéraires se distingueraient aussi par les nombreuses relations qu'ils entretiennent avec la

tradition littéraire qui les précède : souvent un même texte cite, actualise, imite, transforme des éléments de

plusieurs types de textes (narratifs, poétiques, argumentatifs, dramatique,...), de plusieurs genres (réalisme,

fantastique, lyrisme...) et de différents textes antérieurs. Le critique russe M. Bakhtine a appelé cela la

« polyphonie ». pour lui, c'est dans le roman que ce phénomène est le plus accentué, car chaque

personnage y parle avec son point de vue, son style, sa culture et même parfois sa langue propre.

Le roman se caractériserait ainsi par son fonctionnement dialogique que J. Kristeva appelle

« intertextualité », par rapport aux œuvres antérieures. Par exemple, le récit de Voltaire, Candide, reprend à

la fois des éléments aux contes de fées, aux romans picaresques et aux écrits du philosophe Leibniz, qu'il

parodie allègrement.

3. L'intégration compositionnelle des éléments et des matériaux du texte

Selon les Formalistes, rien dans un texte littéraire n'est insignifiant ni gratuit. Tout fait sens et contribue à une

composition d'ensemble. Au-delà de leur apparente hétérogénéité, les éléments formels (choix lexicaux,

structure du texte, des phrases, des vers, figures de style...) comme les éléments thématiques pourraient

toujours être reliés par un principe compositionnel dominant.

Ainsi dans un poème comme Correspondances de Baudelaire, les jeux sonores et rythmiques ne feraient

qu'illustrer le propos du texte, qui est de célébrer l'unité reliant les sons et les sens, et les diverses sortes de

sensations entre elles. [cf. p. 12 du syllabus]

6 Dans le poème Booz endormi des Contemplations

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Pour les Formalistes, c'est la combinaison de ces trois caractéristiques qui définit la littérarité d'un texte.

Autrement dit, plus un texte active la fonction poétique, manipule d'autres textes littéraires et crée des

correspondances internes entre ses propres éléments, plus il peut être qualifié de littéraire.

Si elle a eu beaucoup de succès pendant les années 60, l'approche formaliste a fait l'objet durant les années

70 de sérieuses remises en cause, y compris par ceux qui avaient contribué à sa diffusion comme Barthes et

Todorov. On lui a reproché de sous-estimer l'importance des éléments thématiques et sémantiques et

d'attribuer à la littérature des traits qui ne lui sont pas propres : les procédés de la fonction poétique, les jeux

transtextuels et les corrélations entre les éléments textuels de différents niveaux se retrouvent, parfois

massivement, dans beaucoup de textes qui ne sont pas pour autant perçus comme littéraires.

L'approche référentielle : la littérature comme exploration de mondes possibles

Au 3e siècle avant Jésus-Christ, Aristote avait développé dans sa Poétique une approche qui se fondait sur

l'analyse du rapport particulier que la littérature entretient avec le réel. Dans cette approche, reprise au 20e

siècle, la littérature se distingue des autres actes de langage par son pouvoir de présenter un monde : elle

propose des expériences de réalité fictive, ou plutôt de réalité possible, dans la mesure où ses fictions

présentent une dimension historique et/ou psychologique

Dans son ouvrage Temps et récit, le philosophe P. Ricoeur décrit les récits, et en particulier les récits

littéraires, comme la mise en œuvre d'une mimesis à plusieurs niveaux : les éléments de l'histoire (actions,

personnages, temps, lieu) « figurent » ceux du monde réel ; ils sont ensuite interprétés dans le cadre d'une

« configuration » temporelle fictive, et le lecteur peut enfin les « refigurer » dans sa propre lecture.

Pour Ricoeur, les récits ont dès lors un grand pouvoir d'influence sur les choix éthiques de leurs lecteurs : on

peut généraliser le propos en disant que, selon cette conception, il n'y a qu'un pas du texte littéraire à

l'action.

Cette approche de la littérature est fondamentale, mais elle présente le défaut inverse de la précédente dans

la mesure où elle sous-estime l'importance du travail formel et stylistique. On peut se demander si les vertus

qu'elle attribue aux fictions littéraires ne concernent pas tout autant les fictions non littéraires.

Les approches externes L'approche lecturale : la littérature comme construction du lecteur Cette approche étudie la manière dont les textes sont lus, et, en particulier, la manière dont ils sont

« littéralisés » par la lecture. La littérature n'est plus perçue ici comme un objet ou un produit fini, mais

comme une représentation qui se construit dans la tête de celui qui lit.

Deux tendances sont alors possibles.

Certains critiques s'intéressent à la diversité des interprétations et des évaluations qui sont faites des textes

littéraires à différentes époques de l'Histoire ou dans différents groupes sociaux ou culturels.

D'autres, comme l'Américain M. Riffaterre, tentent plutôt d'analyser les opérations communes qui peuvent

faire de la lecture une activité littéraire. Ainsi, la lecture « littéraire » consisterait à passer d'une lecture

ordinaire, centrée sur le contenu et l'anecdote, à une lecture plus analytique, centrée sur la forme et les sens

seconds. On peut reprocher à cette approche de concevoir la lecture littéraire comme une activité purement

intellectuelle sans aucune place pour les opérations psychologiques et affectives.

L'approche institutionnelle : la littérature comme « effet du champ » lié au contexte

L'approche centrée sur la lecture laisse souvent dans l'ombre le cadre socio-économique de la littérature, les

valeurs symboliques liées au nom de l'auteur, à l'éditeur, à la collection, au type de couverture, au prix du

livre, au discours critique le concernant, bref, un ensemble de phénomènes qui relèvent de ce que les

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sociologues P. Bourdieu et J. Dubois ont appelé le « champ » ou « l'institution littéraire ».

Or, lorsqu'on étudie les rapports que la littérature entretient avec ces éléments institutionnels, elle n'apparaît

plus comme un effet de lecture individuel, mais comme un « effet de champ », une valeur collective qui

évolue en fonction des « instances de légitimation », c'est-à-dire des « agents » occupant une place

dominante dans l'institution littéraire : les critiques, les éditeurs, les membres des académies et des jurys

littéraires et les auteurs reconnus, mais ce sont aussi les professeurs et les auteurs de manuels et de

programmes scolaires.

Les instances de légitimation n'ont cependant pas toutes les mêmes buts et n'exercent pas toujours un

pouvoir égal. On oppose ainsi le capital (ou la valeur) « symbolique » qui intéresse le réseau de production

restreinte (textes novateurs et difficiles, d'avant-garde), et le capital économique ou commercial, qui

concerne le réseau de production élargie (textes de série, conformes à des canons établis et faciles à

consommer). Comme la valeur littéraire est censée relever de la première de ces sphères, on qualifie celle-ci

de « légitime », et l'autre d'« illégitime ». Mais ces deux sphères ne sont pas étanches : certaines œuvres

occupent une position intermédiaire, notamment quand elles sont valorisées à la fois par la critique et par le

grand public.

La sociologie du champ littéraire considère donc la littérature comme un espace de luttes où s'affrontent des

défenseurs de diverses valeurs, et où l'on observe, à chaque époque, la domination provisoire de certaines

conceptions sur les autres. Le concept de stéréotype joue une place essentielle dans ce processus, car il

sert aux dominants à dénoncer les contre-valeurs dont se nourrissent les dominés.

En guise de conclusion...

Il est évident que toutes ces approches, malgré leurs oppositions apparentes, ne sont pas du tout

incompatibles. Toutefois, il est indéniablement difficile aujourd'hui de concevoir la littérature comme un fait ou

un corpus stable, aisément objectivable. Il semble plus adéquat d'en parler comme d'une fonction mobile,

car on peut lire de manière littéraire des œuvres très variées, comme d'un mythe fécondant car en tant

qu'idéal à atteindre, elle exerce une forte attraction sur les lecteurs et sur les auteurs, ou encore comme

d'une force transformatrice, car, quel que soit son contenu, elle fait penser, rêver et agir.

La littérature comme institution1. Le champ culturel

Pour le sociologue P. Bourdieu, le monde social est compartimenté en un certain nombre de « champs »,

secteurs d'activités qui représentent autant de domaines identifiables dotés d'une certaine autonomie, c'est-

à-dire qui ont leurs codes, leurs valeurs et leurs règles propres : le champ journalistique, le champ de la

haute couture, etc.

Ces champs sont des espaces de solidarité, mais aussi de concurrence et de conflits, dans lesquels les

individus agissent en fonction de leurs positions et de leurs intérêts respectifs. Le champ journalistique, par

exemple, est dominé par les grands médias et par les quelques journalistes qui font « l'actualité », les

journalistes de base et les pigistes font plutôt figure de dominés.

Il existe ainsi un champ culturel (ou intellectuel), à l'intérieur duquel gravitent tous les « agents » en rapport

avec les « biens culturels » (œuvres d'art et produits de la pensée en général) : artistes, écrivains, éditeurs,

critiques, professeurs, libraires, etc.

La littérature, quant à elle, est produite au sein du « champ littéraire », sous-espace du champ culturel, dans

lequel les écrivains ne cessent de déployer des stratégies de concurrence pour la conquête du pouvoir

symbolique. Ces luttent se traduisent par des œuvres littéraires, des manifestes, des valeurs, des idées...

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qui construisent l'identité du champ littéraire, la spécificité de ses rituels, de ses frontières et de ses

hiérarchies.

La spécificité du champ culturel tient à celle de ses produits : les œuvres d'art. Celles-ci ne sont pas des

biens de consommation comme les autres car, en plus de leur valeur commerciale ou marchande, elles ont

une valeur symbolique ou esthétique. Ces valeurs sont relativement indépendantes. Ainsi, les tableau de

Van Gogh jugés trop originaux ne trouvaient, au début, aucun acheteur.

Il en va de même pour les œuvres littéraires : elles ont une double face, à la fois marchandises et

significations. Chacune de ces deux faces est relativement autonome : un best-seller n'a pas

nécessairement une grande valeur littéraire. Mais elles peuvent tendre aussi à s'ajuster, comme c'est le cas

pour les « classiques », qui cumulent valeur littéraire et valeur symbolique.

[confer schéma page 17]

Le champ littéraire se structure selon cette opposition « commercial vs esthétique/symbolique ».

Il se partage en deux réseaux qui répondent chacun à une logistique propre :

✔ le réseau de diffusion élargie privilégie la valeur économique au détriment de la valeur symbolique.

Les œuvres les plus typiques de ce réseau ont une diffusion très large parce que fondée sur

l'ajustement à la demande du public et sur les techniques du marché.

✔ le réseau de diffusion restreinte privilégie la valeur symbolique ou esthétique (en l'occurrence

littéraire) au détriment de la valeur économique (recherche du profit). Les œuvres les plus typiques

de ce réseau ont une diffusion assez confidentielle parce qu'elles rompent avec la tradition, parce

qu'elles transgressent les normes thématiques, voire idéologiques et que leur appréciation nécessite

une initiation.

L'opposition commercial vs esthétique/symbolique structure toutes les composantes du champ littéraire,

comme le montre le tableau suivant :

Diffusion restreinte Diffusion élargie1. Dénigration de l'économie, recherche d'un capital

symbolique

Soumission à l'économie, recherche d'un capital

économique

2. Refus de toute promotion tapageuse (relations

publiques, confidences, colloques)

Techniques de promotion, publicité, marketing,

pressions, jaquettes tapageuses

3. Cycle de production long, pas de marché présent,

acceptation du risque

Cycle de production court, minimalisation des

risques, rentrée rapide des profits et obsolescence

rapide des produits

4. Cible visée : les producteurs, les pairs, les

fractions intellectuelles de la classe dominante

Cible visée : le « public », les fractions non

intellectuelles de la classe dominante (« public

cultivé ») et les autres couches sociales

5. Espoirs : reconnaissances des pairs , succès

différé et durable => classique

Espoirs : succès immédiat et temporaires => best-

seller

6. Produit sa demande, conteste et détruit les

normes en vigueur, recherche formelle

Ajustement à une demande préexistante, soumission

aux normes dominantes : thèmes, stéréotypes,

modes d'écriture : produit socialement quelconque,

gommage des clivages

7. Recherche d'une prise de pouvoir, de la légitimité Soumission aux instances en place ; ou refus de s'y

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culturelle soumettre. Assurance de sa propre légitimité

8. Auteur se voulant libre, inspiré et novateurAuteur subordonné aux détenteurs des moyens de

production et de diffusion et aux attentes du public

9. Éditeur se voulant libre, inspiré et novateur Éditeur se présentant comme un homme d'affaire

10. Critique suspectant le succès Critique faisant du succès sa valeur.

Une autre caractéristique remarquable du champ littéraire contemporain est son autonomie. Celle-ci n'a pas

toujours existé : au Moyen Age, toutes les activités culturelles dépendaient de l'Église, qui dominait tous les

rouages de la vie sociale.

Au fil du temps, le champ littéraire s'est affranchi de la tutelle des autorités : Église, pouvoir politique,

aristocratie..., qui prétendaient légiférer dans les domaines artistiques et intellectuel. Il est devenu

indépendant économiquement et socialement (cf. Fin du mécénat, des « pensions » accordées par le roi...)

Ce processus d'autonomisation s'est timidement amorcé au 16e siècle, comme le prouvent la création de

l'Académie française en 1635 ou l'apparition des salons au 18e siècle. Il ne s'est vraiment réalisé, en France

et en Belgique, que vers 1850, à la suite de changements décisifs : l'apparition d'un véritable marché

littéraire, lui-même effet de la constitution d'un public plus nombreux et plus diversifié, de la scolarité

obligatoire, de la multiplication des livres, du rôle grandissant des journaux... On assiste à la naissance d'une

nouvelle catégorie de professions intellectuelles, - les écrivains -, à l'apparition d'instances de sélection et de

consécration spécifiquement littéraires, comme la critique, par exemple.

2. Les institutions du champ littéraire

Le champ littéraire est constitué de et traversé par des institutions : l'édition, la critique, les prix littéraires, les

médias, les librairies, l'école.., qui ne sont qu'en partie intégrées au champ littéraire. En effet, certains

secteurs de l'édition dépendant des aides de l'Etat ; les médias ne sont pas totalement indépendants ; quant

à l'école, elle n'est pas neutre idéologiquement ni politiquement. Le champ littéraire est donc travaillé par

une tension entre sa volonté d'autonomie et des forces d'hétéronomie.

L'édition

En France, l'empire Lagardère est une entreprise leader dans les domaines des médias et des hautes

technologies. Ses activités sont aussi nombreuses que variées. Possédant des chaînes de télévision, des

radios, Lagardère est aussi le premier éditeur et distributeur de presse magazine, au travers de ses filiales

Hachettes Filipacchi Medias, qui édite 222 titres dont Elles et Paris-Mach, et Hachette Distribution Services

qui possède les enseignes Relay et Virgin Megastore.

En 2002, en absorbant Vivendi Universal Publishing, filial du secteur d'édition de Vivendi Universal, le

groupe Lagardère a créé le plus gros monstre de l'édition française, dix fois plus gros que n'importe lequel

des éditeurs français, dont Gallimard, deuxième groupe d'éditions.

Déjà propriétaire de Hatier, Fayard, Grasset, Livre de Poche et J'ai lu, Lagardère s'est offert, pour 1,25

milliards d'euros, les maisons d'édition française Bordas, Larousse, Le Robert, Nathan, Colin, Plon-Perrin,

Lafont Pocket et la collection 10/18.

Cette concentration pose un certain nombre de problèmes : les éditeurs doivent se conformer aux règles

imposées par le système de distribution Lagardère ; ils n'ont plus les moyens de discuter et de marchander

les conditions de distribution des livres ni d'imposer certains livres et auteurs dont les succès ne sont pas

certains. C'est la qualité et la diversité littéraire qui sont en jeu.

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Pour les éditeurs belges, il n'existe que deux politiques : soit se faire reconnaître sur la scène parisienne,

considérée comme la seule légitime ; soit se faire reconnaître privilégiée par le public belge, ce qui implique

la revendication d'une spécificité du champ littéraire belge, mais aussi l'acceptation d'un marché moins

vaste.

Les prix littéraires

Ils constituent l'une des rares occasions d'intéresser le grand public à la littérature. Chaque saison littéraire

(octobre et novembre) est dominée par six grands prix, tous fondés au 20e siècle, et qui attestent la

suprématie acquise aujourd'hui par le roman : le prix Goncourt (créé en 1903), le prix Fémina (créé en 1904 et dont

le jury est exclusivement féminin), le Grand Prix de l'Académie française (créé en 1914), le prix Théophraste

Renaudot (créé en 1926), le prix Interallié (créé en 1930 et destiné à un auteur journaliste de profession) et le prix Médicis

(créé en 1958).En Belgique, le prix Rossel est le plus important de tous.

Les prix littéraires ont été et restent très controversés. En cause, les intérêts avant tout commerciaux des

prix, leurs intrigues. De plus, les chances que le lauréat soit choisi en dehors de Gallimard, du Seuil ou de

Grasset sont pratiquement nulles.

Par ailleurs, les jurés entretiennent souvent des liens étroits avec des maisons d'édition, ce qui fausse le

choix. Enfin, le bilan des prix littéraires est très discutable, car à côté des navets couronnés, on peut évoquer

les occasions manquées de couronner des auteurs exceptionnels ou les choix idéologiques contestables

(aucun surréaliste, par exemple, n'a reçu le prix Goncourt !)

Les médias

Force est de constater que le monopole de la légitimité culturelle est désormais passé aux mains des

médias, après l'université et les maisons d'édition. Les médias en sont venus véritablement à créer

l'évènement, qu'il soit politique ou culturel. A la limite, un livre vaut moins que l'article du journal qu'on fait sur

lui ou l'interview à laquelle il donne lieu. Il convient de se souvenir de l' « effet Pivot7 » dont l'émission

« Apostrophes » était la première vitrine des livres en France. Les ventes des auteurs qui y passaient

augmentaient en moyenne de 20%. Cela explique pourquoi les écrivains s'efforçaient à tout prix d'être sur le

plateau de l'émission du vendredi soir.

3. Les « mauvais genres »

Il y a la « Littérature » avec un L majuscule, la seule qui compte vraiment, à laquelle il est de bon ton de se

référer, qu'il faut lire absolument... et l'autre, la littérature de masse, la littérature à succès, les best-sellers, la

paralittérature, très en dessous de la « grande » littérature, méprisée par l'intelligentsia.

Il y a de « bons » genres et de « mauvais » genres. (cf. Page sur les pistes didactiques)

Selon le manuel Littérature Référentiel (De Boeck, 2003), quelques caractéristiques permettraient de

reconnaître un modèle d'écriture paralittéraire :

– un prétexte éditorial établissant sans équivoque, par le biais de signaux matériels (présentation,

couverture illustrée, appartenance à une collection, etc) et textuels (titres), un véritable contrat de

lecture dans le cadre d'un sous-genre romanesque immédiatement repérable (roman d'aventure,

polar, roman sentimental,etc) ;

7 Apostrophes était une émission de télévision littéraire française créée et animée par Bernard Pivot chaque vendredi soir à 21h30 (de 1975 à 1985) puis à 22h20 sur Antenne 2 entre le 10 janvier 1975 et le 22 juin 1990.

L'émission consistait en la présentation de romans et d'essais par leurs auteurs et par l’animateur ainsi qu'en un débat. Quelques Grands Entretiens introduisent un peu de variété dans la formule.

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Page 10: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

– une tendance à la reprise des mêmes procédés (types de lieux, de décors, de situations

dramatiques, de personnages, etc) sans aucune mise à distance ironique ou parodique susceptible

d'amorcer la réflexion critique du lecteur ;

– un maximum de procédés textuels tendant à produire l'illusion référentielle, donc à abolir la

conscience de l'acte de lecture, notamment l'espace accordé au discours des personnages et le

recours systématique aux clichés ;

– un système de significations marqué par la polarisation idéologique ;

– la domination du narratif et des effets de suspens ;

– des personnages réduits à des rôles facilitant la lecture identificatoire et les effets de pathétique.

Pour R. Bozzetto, la paralittérature est une notion récente et peu claire. Récente, puisque le Tome III de

l'histoire des Littératures, dans l'édition de la Pléiade (1953) emploie le vocabulaire de « littérature

marginale » ; puisque le Petit Robert dans son édition de 1973 n'en fait pas mention.

Peu claire, parce que, lors du colloque de Cerisy qui lui était consacré en 1967, la notion semble avoir été

créée dans le but de rassembler des domaines épars : celui de la littérature populaire, et ceux de la

littérature marginale, ou encore de consommation.

Pour Bozzetto, il s'agissait d'échapper à la condamnation véhiculée par un autre terme, celui d'

« infralittérature », qui, appliqué à des œuvres, semble signifier qu'il ne serait pas digne de s'y intéresser.

Au-delà de ces querelles de préfixe, employer le mot « paralittérature » signifie qu'il est devenu possible de

rendre compte de ce que l'on aime à lire, même si l'objet de cette lecture ne relève pas d'une culture

légitimée.

La littérature comme jeu avec les codes8 et les normes9

L'écrivain ne crée pas ses œuvres au départ de rien. La littérature, comme tout langage, s'écrit

nécessairement au départ de codes existants qui lui permettent de se faire comprendre et elle est amenée à

se situer par rapport à un certain nombre de normes, c'est-à-dire de règles et d'usages.

Ces codes et ces normes sont de diverses natures :

– les codes et normes du langage : mots, expressions, phrases conventionnelles, règles syntaxiques,

règles régissant la cohérence d'un texte, procédés stylistiques et théoriques ;

– les codes et normes liés aux différents types et genres littéraires ainsi qu'aux textes déjà écrits :

types de personnages, de décors, d'actions, de scènes, scénario typique du roman sentimental, du

théâtre tragique, de la poésie lyrique, etc.

– les codes et les normes sociaux : règles de la vie en société, opinions qui circulent dans la société,

etc.

Souvent les écrivains réinventent ces différents éléments, les détournent, les transforment, ce qui nécessite

de connaître les plus importants de ces codes pour identifier ensuite les jeux dont ils font l'objet.

1. A quels codes et normes la littérature a-t-elle affaire ? Trois manières de classer ces codes et ces

normes

a) Les références concrètes et les stéréotypes

Une première opposition peut être faite entre

8 Dérivé du latin juridique « codex », planchette, recueil, notamment de lois9 Dérivé du latin « norma », règle, équerre

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Page 11: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

Les codes particuliers et concrets et Les codes généraux et abstraits

Liés à une situation, un personnage, un

texte spécifiqueQui émanent d'un ensemble de textes ou de

situations

Qui ont une origine repérable avec précision

Qui n'ont pas d'origine précise

Ex : Le scénario des Trois Mousquetaires Ex : Le schéma narratif du récit fantastique

= Systèmes de références = Systèmes de stéréotypes

D'après les chercheurs, le terme « stéréotype » désigne une structure, une association d'éléments, qui peut

se situer :

– sur le plan proprement linguistique : syntagme10, phrase ;

– sur le plan thématico-narratif : scénarios, schémas argumentatifs, actions, personnages, décors ;

– sur le plan idéologique : valeurs, représentations mentales.

Pour éviter toute confusion, certains auteurs ont proposé de désigner chacun de ces niveaux par des

thèmes distincts :

• « clichés » pour les stéréotypes langagiers (ex : « l'aurore aux doigts de rose »)

• « poncif » pour les thèmes littéraires (ex : le retour du méchant qu'on croyait mort)

• « lieu commun » pour les stéréotypes idéologiques (ex : « les hommes politiques sont tous

corrompus »)

Le mot « stéréotype » garde, quant à lui, une valeur générale et peut désigner chacune de ces espèces.

Cinq critères permettent d'identifier un stéréotype :

➔ La fréquence : un stéréotype est une structure souvent répétée, largement diffusée au discours

social

➔ Le figement : à force d'être employée, l'association des termes du stéréotype a fini par former un

bloc monolithique

➔ L'absence d'origine précisément repérable, ce qui le distingue de la citation

➔ La permanence dans la mémoire collective : un stéréotype se signale par son caractère durable (sa

durée de vie peut s'étaler sur plusieurs générations, voire sur des siècles) et son inscription dans la

mémoire socioculturelle (une structure répétée dans un groupe restreint ne constitue pas vraiment

un stéréotype)

➔ Le caractère abstrait et synthétique : lorsqu'il consiste en une représentation thématique ou

idéologique, le stéréotype apparaît comme un formule simplifiée, comme la condensation d'un

ensemble plus complexe.

La valeur du stéréotype pose aussi quelques problèmes car le stéréotype suscite des jugements opposés de

la part de ses utilisateurs et de ses observateurs. Pour les uns, c'est une parole légitime ; pour les autres, un

signe qui trahit l'incompétence et la sottise de ses utilisateurs.

10 Désigne un groupe de mots qui se suivent avec un sens

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

Trois griefs lui sont faits :

• du point de vue référentiel, on lui reproche son caractère simpliste ou erroné ;

• sur le plan éthique, on lui reproche son injustice et son caractère socio ou ethnocentriste (le fait qu'il

exprime le seul point de vue et les seuls intérêts du groupe ou du peuple qui le véhicule) ;

• sur le plan esthétique, on lui reproche sa banalité, sa trivialité.

Par ailleurs, il s'agit d'un concept spécifiquement moderne : ce que nous rejetons aujourd'hui sous le label

« stéréotype », c'est ce que nos ancêtres vénéraient jadis comme les emblèmes de la Tradition, de la

Communauté et de l'Unité.

Ce clivage historique est aussi socioculturel : le stéréotype, de nos jours, s'attire les foudres des

intellectuels, tandis qu'il continue d'enchanter les masses.

Clivage ethnique et national enfin : chaque peuple a ses stéréotypes.

On peut donc affirmer que le stéréotype est le lieu privilégié des malentendus entre les générations, les

classes socioculturelles et les peuples. Pour la classe intellectuelle contemporaine, la tentation est grande

de ne retenir que sa seule acceptation péjorative. Or rien n'empêche que le stéréotype fasse l'objet d'une

science et d'un enseignement et qu'il soit soumis, comme tout autre phénomène à une observation neutre et

sereine.

b) Les codes socioculturels et littéraires

Les systèmes de référence et les stéréotypies peuvent concerner deux types de savoirs :

• Des situations ou des textes proprement littéraires (ou « paralittéraires »), c'est-à-dire qui se

manifestent, prioritairement, dans les genres qualifiés comme tels.

Ex : des expressions comme « l'aurore aux doigts de rose » ; des personnages comme le prince

charmant ; des scénarios comme celui du récit de vie ; des théories comme celles du vraisemblable

textuel.

• Des situations ou des textes relatifs à la vie ordinaire, qui circulent dans la société sans être liés à un

genre précis : les conversations sur la pluie et le beau temps ; les personnages historiques ; des

évènements de l'actualité ; .. ce second ensemble est appelé celui des codes socioculturels

c) Elocutio, dispositio, inventio

Le troisième classement se fonde sur la distinction établie par la rhétorique ancienne entre les niveaux de

l'elocutio, de la dispositio et de l'inventio, c'est-à-dire entre les niveaux verbal, thématique et idéel du

discours. Or, chacun de ces ensemble est constitué en grande partie de stéréotypies.

• Les codes d'elocutio ou les normes langagières

Ce sont les connaissances formelles, linguistiques et rhétoriques qui permettent de construire le sens des

phrases isolées.

Parmi ces codes, on distingue

ceux qui relèvent de la langue proprement dite, dont le pouvoir explicatif est limité aux significations

littérales des énoncés

et

les codes stylistiques et rhétoriques qui permettent de conférer des sens sous-jacents aux énoncés.

La langue naturelle dans laquelle le texte est écrit se compose :

➢ d'un système de conventions (ortho)graphiques ;

➢ d'un code typographique, qui comprend les divers types de caractères, les signes et les règles de

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Page 13: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

ponctuation ;

➢ d'un dictionnaire de base (code lexical) ;

➢ d'une grammaire (système de contraintes morphologiques et syntaxiques) ;

➢ des règles de cohésion qui servent à relier deux phrases (substitution, ellipses, renvois

anaphoriques...) et à assurer la progression thématique des discours ; ensemble appelé grammaire

de texte.

Le code rhétorique et stylistique est le système de connaissances qui permet de saisir tout ce qu'une phrase

peut comporter comme charge connotative (esthétique ou argumentative) :

➢ des figures de rhétorique ;

➢ des règles d'écriture régissant l'ensemble des discours (ex. Règle selon laquelle le titre d'un texte

annonce son contenu) ;

➢ des conventions langagières propres aux différents genres discursifs (ex. Le « il était une fois » du

conte de fées) ;

➢ des stéréotypes langagiers, des clichés, des lieux communs.

• Les codes de dispositio ou les normes génériques

Ils comprennent les diverses structures formelles et sémantiques qui permettent d'identifier un texte en

terme de « genre » ou de scénario type. Ils comportent deux sortes d'éléments :

➢ des référents et des intertextes qui proviennent de textes ou d'expériences particuliers (souvenirs

relatifs à certains faits ou situations du monde réel, scénarios d'œuvres littéraires ou mythiques,

personnages et détails descriptifs retenus dans certains textes...)

➢ des stéréotypies qui composent les différents modes, genres et sous-genres du discours.

On classe parmi les codes de la dispositio les éléments suivants :

➢ les systèmes de conventions formelles qui régissent la présentation et la disposition du texte dans

l'espace du livre et de la page. Ex : le texte poétique traditionnel s'identifie grâce à son découpage

en strophes et à l'emploi de vers et de rimes

➢ les structures syntagmatiques qui permettent au lecteur de rattacher un texte à un type de

progression connu. Le plus étudié jusqu'à aujourd'hui est le type narratif.

Par exemple, selon R. Barthes, un récit d'aventures classique intègre simultanément des stéréotypes de

détail : la nervosité des deux adversaires avant un duel ; des séquences stéréotypées comme celle qui régit

le récit d'un duel classique (provocation, convocation, rencontre, combat, dénouement) et une

macrostructure stéréotypée, c'est-à-dire un scénario général du type : crise initiale, rétablissement progressif

du bon droit par le héros, victoire finale du bon droit.

➢ les structures thématiques, c'est-à-dire les systèmes de motifs, de thèmes, de topoi qui entretiennent

entre eux des rapports de ressemblances ou d'oppositions. Par opposition au thème qui est une

unité sémantique très générale et abstraite (« l'amour », « l'aventure »...), le motif est un signe doté

d'un référent concret (« le baiser », « le cheval »,...).

Thème et motif peuvent se combiner dans des ensembles figés (par exemple le thème stéréotypé de l'amour

platonicien ou le motif stéréotypé de l'anneau magique), que l'on appelle des topoi. Par exemple « le bon

sauvage », « le paradis perdu »

➢ les scénarios et les genres : un genre11 peut être défini comme un ensemble plus ou moins organisé

11 Lire Karl KANVAT, Enseigner la littérature par les genres, De Boeck, 1999

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Page 14: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

de séquences stéréotypées et de topoi qui permet de structurer une série illimitée de discours.

Par exemple, le genre fantastique est caractérisé à la fois par une séquence narrative type (calme et

normalité initiaux ; émergence des signes précurseurs d'étrangeté ; irruption de l'insolite ; angoisse du (des)

personnage(s) ; bouleversement des repères rationnels) et par un ensemble de topoi plus ou moins obligés

(la nuit sans lune, le brouillard, la lande déserte, la demeure hantée...).

• Les codes de l'inventio ou les normes idéologiques

Ce sont les divers systèmes axiologiques12 et idéologiques qui aident à dégager les valeurs véhiculées par le

texte.

Parmi les schémas axiologiques, on peut distinguer :

➢ les schémas actantiels, relatifs aux rôles thématiques, aux positions stratégiques occupées par les

personnages dans le texte, que celui-ci soit narratif ou non ;

➢ les schémas idéologiques, c'est-à-dire les systèmes de lieux communs et de valeurs philosophiques,

politiques, religieux, symboliques, esthétiques que le lecteur peut associer aux attitudes des

différents actants, y compris celles du narrateur et de l'auteur.

2. Quels rapports les textes littéraires entretiennent-ils avec les codes et les normes ?

L'analyse du sort que la littérature réserve aux stéréotypes permet de distinguer trois sortes fondamentales

de textes, trois degrés d'énonciation.

• Le premier degré ou l'écriture « classique »

L'écriture du premier degré innocente ou faussement innocente, emploie les stéréotypes sans distance, afin

de servir au mieux la lisibilité du texte, sa vraisemblance, sa force persuasive, son appartenance générique

et sa (pseudo) valeur esthétique. [exemple cf. texte p. 28 du syllabus]

Simplicité des personnages, caractère caricatural de leur psychologie, rapidité de l'action, omniprésence des

dialogues, banalité des métaphores, tout facilite la lecture et rassure le lecteur. Même s'il existe une énorme

différence entre les romans populaires de ce genre et les textes classiques du 17e siècle, ils fonctionnent

tous deux selon le même schéma : celui de la conformité aux stéréotypes, aux modèles reconnus de leur

époque. Ce premier régime d'écriture peut donc être qualifié de classique si l'on admet que le classicisme

dont il est ici question n'est pas limité à une époque donnée, mais définit une attitude générale d'adhésion

aux stéréotypes. Cette manière d'écrire relève clairement des caractéristiques de la paralittérature.

• Le deuxième degré ou l'écriture « moderne »

Ce régime d'écriture s'oppose au précédent en ceci qu'il caractérise par un mode d'énonciation distant,

critique, ironique ou parodique. Le début de Candide de Voltaire en est l'illustration [cf. Texte page 29-30 du

syllabus]

Par divers procédés (parodie de l'univers des contes, simplification du décor et des personnages,

raisonnements absurdes, fausse naïveté de la narration...), l'écriture dénonce ici l'usure des stéréotypes

narratifs ou philosophiques, leur caractère simpliste ou mensonger.

Ce mode d'écriture axé sur l'écart était déjà très présent chez les philosophes du 18e siècle et les romanciers

réalistes du 19e siècle ; il est particulièrement mis à l'honneur chez les poètes symbolistes et plus tard, les

nouveaux romanciers.

D'une manière générale, être moderne, quelle que soit l'époque, c'est se vouloir original, en rupture avec les

stéréotypes et les conventions. Rabelais est un bon exemple d'auteur moderne du 16e siècle.

12 Axiologie désigne la science et théorie des valeurs morales

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Page 15: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

• Le troisième degré ou l'écriture « postmoderne »

Ce troisième registre est celui de l'écriture ambivalente, qui table sur les deux faces du stéréotype, le rend à

son caractère double comme bon nombre de poèmes de Charles Baudelaire où le spleen, le mal de vivre se

heurte constamment à l'idéal.

En conclusion...On peut dire que le rapport aux stéréotypes donne lieu à trois conceptions distinctes de l'écriture littéraire :

– la conception classique, fondée sur la fidélité aux canons (normes, règles) ;

– la conception moderne, axée sur la différence

– la conception postmoderne, centrée sur le va-et-vient

Cette analyse permet aussi de comprendre que plusieurs modes d'écriture peuvent coexister au sein d'une

même époque, voire au sein de l'œuvre d'un même auteur.

3. La transtextualité

Une autre manière d'analyser la littérature en tant que jeu avec les codes et les normes est l'étude des

différents types de relations qui peuvent exister entre deux textes.

Ce domaine d'étude, que G. Genette a appelé la « transtextualité », comporte cinq types de relations

possibles :

✔ L'intertextualité => la citation ou l'évocation plus ou moins explicite d'un texte par un autre. Il arrive

qu'un auteur cite ses propres œuvres : on parle alors d'autocitation. Par contre, lorsqu'un auteur

reprend le propos d'un autre sans le dire, on parle de plagiat, acte assimilé à une usurpation du bien

d'autrui et passible de condamnation pénale. Notons enfin la diversité des fonctions exercées par les

citations ou les évocations explicites : citer pour révérer quelqu'un ou se mettre sous son autorité,

mais aussi pour le disqualifier ou s'en moquer...

✔ La paratextualité => elle englobe tous les éléments textuels et iconiques qui encadrent

physiquement le texte que nous lisons : couverture, titre, intertitres, nom d'auteur, mention du genre,

préfaces et postfaces, avant-propos, exergues, illustration, quatrième de couverture... Tous ces

éléments, qui constituent un ensemble assez hétérogène, exercent souvent une influence

déterminante sur la lecture : d'une part, ils aiguillent le lecteur vers le choix de lire ou de ne pas lire ;

d'autre part, ils proposent de nombreuses pistes interprétatives qui, à la fois, limitent et orientent le

lecteur.

✔ La métatextualité => c'est la relation de commentaire. Constitutifs des écrits critiques, très présents

dans le paratexte, les commentaires sur les autres textes sont également présents de manière

diffuse dans beaucoup d'œuvres littéraires.

✔ L'hypertextualité => c'est la relation d'imitation ou de transformation d'un texte (appelé l'hypotexte)

par un autre (appelé hypertexte). Trois régimes d'imitation ou de transformation sont à distinguer

* le régime sérieux où le sens de l'hypotexte est traité avec respect

* le régime satirique où le sens de l'hypotexte fait l'objet d'une critique ou d'une moquerie

* le régime ludique où l'hypotexte est imité ou transformé par jeu, sans qu'il y ait d'autre intention

repérable.

✔ L'architextualité => c'est la relation qui unit un texte à un ou plusieurs types ou genres. Par

exemple, on peut dire que l'architextualité du récit Candide de Voltaire est subversive car ce texte

parodie le genre (l'architexte) du conte merveilleux.

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

Attardons-nous sur l'hypertextualitéEn croisant les deux relations (imitation et transformation), avec les trois régimes (sérieux, satirique et

ludique), on distingue 6 types d'hypertextualité :

Régimes Relations

SERIEUX SATIRIQUE LUDIQUE

Imitation

ForgerieEx. Le roman de Barjavel L'enchanteur par rapport aux romans de Chrétien de Troyes

Charge ou caricatureEx. Chronique du règne de Nicolas Ier dans lesquelles Patrick Rambaud s'inspire de Saint-Simon pour caricaturer le président Sarkozy

PasticheEx. Les imitations de Flaubert par Proust dans L'affaire Lemoine

Transformation

TranspositionEx. La pièce de J. Anouilh Antigone par rapport à la pièce du même titre de Sophocle

TravestissementEx. Les propos du docteur Pangloss dans le Candide de Voltaire par rapport à la philosophie de Voltaire

ParodieEx. Le conte de Dumas et Moisard Le Petit Chaperon Bleu Marine par rapport au conte de Perrault

La publicité recourt souvent à la parodie dont l'intention satirique la sert lorsqu'il s'agit de suggérer un effet

de discrimination entre les utilisateurs d'un produit et ceux qui ne l'utilisent pas. La publicité fait évidemment

rire aux dépens des non-utilisateurs.

La littérature comme système de formesQu'appelle-t-on genre littéraire ?C'est une catégorie qui permet de réunir des textes qui présentent des ressemblances structurelles,

thématiques, énonciatives.. on distingue généralement trois genres littéraires :

• les genres narratifs (ou genre du récit) : roman, nouvelle, conte, mythe...

• les genres poétiques (ou genre de la poésie) : sonnet, ballade, rondeau...

• les genres dramatiques (ou genres du théâtre) : comédie, drame, tragédie, mélodrame...

Une 4e catégorie concerne l'essai et regroupe des genres comme les mémoires, le journal intime, le récit de

voyage.

1. Le récit

On définit généralement le récit comme « la relation orale ou écrite de faits vrais ou imaginaires » (Petit Robert)

Dans le langage courant, récit, histoire et narrations sont des termes à peu près équivalents pour désigner

une activité identique : raconter. Pourtant il faut opérer une distinction entre l'histoire (ou contenu narratif) :

ce qui est raconté, la série des évènements qui composent la matière du récit, les circonstances dans

lesquelles ils sont survenus, les personnages qui les ont accomplis.

Le récit, l'ensemble formé par l'histoire et la narration, c'est un(e) :

• épopée

• légende

• roman

• fable

• conte

• nouvelle

• mythe

etc

Le récit n'est pas un genre, mais un type particulier d'organisation des énoncés (écrits, oraux, mixtes [la BD,

le film...]) ; il se caractérise par les traits suivants :

• un acteur humain ou anthropomorphe qui présente un certain nombre de qualifications

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

• une succession temporelle

• une transformation des qualifications

• une logique particulière (cause/conséquence)

• une fin-finalité sous forme d'évaluation finale (« morale ») explicite ou implicite

a) Notions clés

Auteur / narrateur

L'auteur est la personne réelle, qui existe ou a existé, et qui inscrit généralement son nom sur la couverture

du roman (un auteur peut aussi utiliser un pseudonyme)

Le narrateur est celui qui semble raconter l'histoire à l'intérieur du roman, la « voix de papier ».

Plusieurs cas de figure sont possibles : (le schéma est très utile pour expliquer aux élèves, ça leur permet de bien visualiser !)

L'auteur se confond TOTALEMENT avec le narrateur

L'auteur se confond +/- avec le narrateur

L'auteur et le narrateur sont tout à fait distincts

Je n'ai pas réussi non plus à faire l'intersection.. enfin vous avez compris ^^

(Voir cours de Mme Raty)

Remarque : le lecteur est la personne réelle qui lit un texte ; le narrataire est le lecteur auquel le narrateur

s'adresse, explicitement ou implicitement. On perçoit le narrataire que par les signes linguistiques

employés : le « tu » et le « vous » par exemple.

Narration

La voix narrative : la voix qui raconte le récit n'est pas celle de l'auteur, mais celle du narrateur, la « voix

de papier ».

NARRATEUR > PERSONNAGE :

✔ Le narrateur peut être absent et ne pas participer à l'action : c'est le narrateur témoin (ou

hétérodiégétique)13, le plus souvent omniscient (le « narrateur-dieu »).

NARRATEUR = PERSONNAGE :

✔ Le narrateur peut être présent et participer à l'action : c'est le narrateur personnage (ou

homodiégétique).

NARRATEUR < PERSONNAGE :

✔ Le narrateur présente l'univers, les actions, les personnages de façon neutre, comme s'il en savait

moins que les personnages et ne pouvait donc délivrer que peu d'informations : c'est le cas de récits

dits « behavioristes, c'est-à-dire qui se bornent à décrire un comportement appréhendé de

l'extérieur.

Le narrateur peut s'impliquer plus ou moins dans l'histoire qu'il raconte. Il peut choisir la proximité ou la

distance avec les faits racontés. S'il choisit la proximité, il propose un récit précis et détaillé, donnant

l'impression d'une très grande objectivité comme dans les romans de Zola. S'il choisit l'éloignement, il

propose un récit donnant l'impression d'une grande subjectivité comme dans l'Etranger de Camus.

13 La diégèse désigne l'histoire, la fiction, ce qui est raconté

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AuteurNarrateur

Auteur Narrateur Auteur Narrateur

Page 18: synthèse histoire littéraire

Français II : Histoire littéraire : synthèse

La représentation narrative: jusqu'à la fin du 19e siècle, le récit cherche à donner l'illusion de la réalité, et

donc de faire oublier la voix narrative. Dans le récit contemporain, la voix narrative se fait plus présente,

notamment grâce à l'utilisation de diverses techniques narratives : le monologue intérieur qui restitue la

complexité de la vie intérieure du personnage ; la focalisation interne qui provoque une identification au

personnage.

La focalisation (ou vision, ou point de vue) :

L'étude de la voix narrative répond à la question « qui raconte ? ».

L'étude de la focalisation répond à la question « qui voit/perçoit ? ».

On distingue trois types de focalisation :

✔ focalisation zéro : le récit n'est focalisé sur aucun personnage. Le point de vue est celui d'un

narrateur omniscient, c'est-à-dire qui en sait plus que les personnages.

✔ focalisation interne : le récit est focalisé sur un ou plusieurs personnages. On ne sait que ce que

sait/savent le/les personnage(s) focalisateur(s).

✔ focalisation externe : le récit n'est focalisé par aucune instance. On a l'impression d'un récit objectif,

dans lequel le narrateur en sait moins que les autres personnages. Comparons avec un spectacle de marionnettes :

la focalisation zéro, c'est le point de vue du marionnettiste, il sait quelle marionnette il doit faire bouger à tel ou tel

moment

la focalisation interne, c'est le point de vue de l'une des marionnettes

la focalisation externe, c'est le point de vue de quelqu'un du public.

Fiction

L'intrigue

L'intrigue est la suite d'actions qui constituent la charpente de la fiction (ou histoire racontée). Cette suite

d'actions est structurée (un début, un milieu et une fin) et logique (ce qui vient après est provoqué par ce qui

se passe avant), selon un schéma invariant appelé le schéma quinaire (ou schéma narratif)

Etat initial Complication Dynamique d'actions Résolutions Etat final

Ce modèle est celui du récit, défini comme la transformation d'un état (initial) en un autre état (final). Cette

transformation est constituée par :

• un élément qui enclenche l'histoire (complication, perturbation)

• l'enchaînement des actions (dynamique d'actions, péripéties)

• un élément qui conclut le processus des actions en instaurant un nouvel état (résolution,

dénouement

Ce schéma a été construit sur le modèle des contes.

Les personnages

Lire un récit, c'est se demander ce qui va arriver à un personnage, comment vont s'organiser les relations

entre le personnage principal (héros) et les autres (amis, adversaires, comparses, ennemis,...)

Si l'on s'attache aux actions des personnages, considérées comme des fonctions définies du point de vue de

leur signification dans le cours de l'histoire, on constate que toutes les histoires, en dépit de la diversité des

rôles, présentent des participants à l'intrigue (des actants), en nombre limité : un SUJET veut s'emparer d'un

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

OBJET, sous l'impulsion d'un DESTINATEUR14 pour le remettre à un DESTINATAIRE avec l'aide d'un ou

plusieurs ADJUVANT(S) et en se heurtant à un ou plusieurs OPPOSANT(S).

Il s'agit du fameux schéma ACTANCIEL, que Greimas, son inventeur, appliquait à l'origine aux récits

mythiques.

Adjuvants Destinateur

Sujet Objet

Opposant Destinataire

[Remarque : ces deux schémas sont des OUTILS, ils aident à comprendre le texte/roman.]Très abstrait et censé être universel, ce modèle est transformé dans beaucoup de textes où plusieurs cas de

figure sont possibles :

• un rôle peut être tenu par un seul acteur / personnage

• un rôle peut être tenu par plusieurs acteurs / personnages

• un acteur / personnage peut jouer plusieurs rôles à la fois

Tout personnage de roman est avant tout un acteur de l'intrigue à laquelle il participe et son rôle dépend de

la place qu'il occupe par rapport aux autres personnages. Le « héros » désigne la figure centrale de

l'histoire. Depuis sa naissance dans l'Antiquité, ce héros s'est totalement métamorphosé : il a perdu son aura

sacrée pour devenir un homme dont on raconte toute la vie, ou une tranche de vie. La survivance du héros

antique se manifeste cependant sous des formes nouvelles, dans la paralittérature notamment.

L'espace

Tout récit s'ancre dans un espace, réel ou imaginaire. Cet espace a essentiellement deux fonctions : donner

l'illusion de la réalité et caractériser un personnage ou une situation sociale. [cf. Textes p41 à 43 du syllabus]Textes : la description de la pension Vauquer dans Le Père Goriot de Balzac / la Cour des Miracles dans Notre-Dame de

Paris de Victor Hugo

La description

La description peut être considérée comme un type de séquence textuelle, ordinairement insérée dans une

séquence narrative. Très souvent, elle correspond à un arrêt dans le récit, elle suspend le déroulement du

temps et donne à voir des lieux, des objets, des personnages.

Elle sert à faire percevoir au lecteur le cadre ou des éléments du cadre dans lequel se déroule une action.

Elle peut faire comprendre une situation historique, un milieu social, un paysage ou une atmosphère. Elle

peut contenir un jugement implicite sur ce qui est décrit ou des indices de l'état d'esprit du narrateur.

[cf. Textes « Claudine à l'école », Colette ; « La bête à Maît' Belhomme », Maupassant ; « L'Education

sentimentale », G. Flaubert p. 44 à 46 du syllabus]

Pour en finir avec le récit

– Trois significations15 pour un même terme :

a) énoncé narratif : le récit est un type de discours, totalement ou partiellement confondu avec

l'œuvre, qui se fixe pour but de raconter en écartant tout ce qui ne relève pas du narratif ;

14 Ce qui pousse le héros à agir15 Référence : G. Genette, « Discours du récit », dans Figures III, Paris, Seuil, 1972

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

b) une série d'évènements, d'épisodes réels ou fictifs considérés indépendamment de toute

référence esthétique : le récit d'un fait divers dans la presse, ou un récit de voyage entrent dans

cette catégorie ;

c) un acte, celui d'un narrateur qui raconte un ou plusieurs évènements.

Selon Genette, récit désigne l'énoncé, histoire le contenu narratif et narration l'acte narratif producteur.

– Trois composantes fondamentales :

a) une histoire : un ou des évènements sont restitués et représentés ; cette représentation concerne

des êtres vivants (les personnages) qui évoluent dans un espace et un temps particuliers (cadre

spatio-temporel), en fonction de modes d'être et de pensée (les mœurs) ;

b) une forme : les évènements narrés le sont au moyen d'un code, le langage écrit ou oral (la

littérature se limite à la prise en compte de l'écrit) grâce auquel l'énoncé narratif se transforme en

texte soumis lui-même aux exigences et aux lois de la stylistique ;

c) un sens : derrière les faits racontés se cache une intention de l'auteur, une volonté de donner à

comprendre, à interpréter. Des indices porteurs d'une charge sémantique et donc indépendants du

contenu narratif ou des modes de narration tissent un réseau signifiant : ce ont les motifs, les

thèmes, les topoi, plus ou moins apparents selon l'œuvre, parfois explicitement signalés par l'auteur

(par la teneur du paratexte : titre, préface, notes, intrusion dans le récit), parfois dissimulés dans la

trame du texte sous forme symbolique ou métaphorique.

– Etudié par les travaux de la narratologie qui dégage quelques notions clés :

* l'énonciation : de l'auteur, dont le nom est écrit sur la couverture du livre, on distingue le narrateur,

instance chargée de raconter l'histoire, sauf dans le cas de l'autobiographie où auteur et narrateur

sont confondus ;

* la nature du récit : on distingue la fiction (monde inventé du récit) de la narration (code choisi pour

traduire cette fiction)

* le rôle des personnages dont on a isolé un certain nombre de fonctions : ces forces agissantes

sont appelées actants et réparties en trois couples (objet/sujet, destinateur/destinataire,

adjuvant/opposant) dans l'analyse actancielle de Greimas (dans Sémantique structurale, 1966)

* le système narratif : les fonctions des personnages dénombrées par Propp (dans Morphologie du

conte)

* les modes du récit : trois possibilités = la focalisation zéro quand le narrateur est omniscient ; la

focalisation interne quand le narrateur raconte à travers ce que voit et ce que sait le personnage ; la

focalisation externe quand le récit est fait par un narrateur qui en sait moins que ses personnages.

Le roman1. Origines et évolution

Le roman, forme littéraire dominante aujourd'hui, est un genre récent. Son origine est à rechercher du côté

de l'épopée, qui désigne un long poème où le merveilleux se mêle au vrai, la légende à l'histoire dans le but

de célébrer un héros ou un grand fait. L'Iliade et l'Odyssée d'Homère sont des épopées antiques.

Au Moyen Age, en France, les épopées sont désignées par le terme chansons de geste, poèmes narratifs

chantés, écrits en langue romane, transmise oralement par les poètes et racontant les exploits guerriers (la

geste vient du latin gesta, les exploits) de héros des temps passés, ou les croisades et la vie des grands

barrons. La plus célèbre est la Chanson de Roland (vers 1098) qui conte le retour de Charlemagne

victorieux après une expédition militaire de sept ans contre les Sarrazins et l'attaque de son arrière-garde,

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commandée par son neveu Roland, à Roncevaux suite à la trahison de Ganelon, un proche de l'empereur.

Le mot « roman » apparaît au Moyen Age pour désigner un choix linguistique : la lingua romana (le roman)

désigne la langue parlée, « vulgaire » (du latin vulgus, le peuple), par opposition à la lingua latina, langue

savante et recherchée dans laquelle sont écrites les œuvres sacrées. Le roman est d'abord un mode

d'expression, un « parler » (qui se retrouve dans les langues dites « romanes) avant d'être un type d'œuvre.

Et ce mode d'expression est d'un registre inférieur, populaire, comme l'œuvre qu'il désigne, elle-même d'un

niveau subalterne, car soit traduite ou adaptée du latin, soit écrite dans une langue non noble, héritage

dévalorisant dont le roman souffrira jusqu'à l'époque des Lumières.

L'apparition de la prose au 12e siècle dans le roman dit courtois, parce qu'il est lié à la courtoisie, un art de

vivre fondé sur la politesse, le raffinement, la loyauté et associé à la vie de cour autour de grands seigneurs,

dans le Sud d'abord, en île de France et en Normandie ensuite. Parmi les romans courtois les plus célèbres

figurent le Tristan et Yseut de Thomas (v. 1172) et de Béroul (v. 1181), les œuvres de Chrétien de Troyes

(Lancelot ou le chevalier à la charrette (v. 1179), Yvain ou le chevalier au lion (v. 1179), Perceval ou le roman

du Graal (v.1181)) et le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (v. 1200), terminé par Jean de Meung (v.

1275).

A la même époque apparaît une littérature satirique, qui parodie la chanson de geste comme le roman

courtois et contient de violentes attaques contre les autorités religieuses et politiques. Le Roman de renard

(anonyme v. 1170) illustre cette tendance, tout comme les fabliaux, brefs contes dont la grossièreté produit

des effets comiques.

Le roman en prose fonde progressivement une rhétorique nouvelle d'où procédera le roman moderne :

recours à des situations quotidiennes, souci de la vraisemblance, priorité de l'individuel sur le collectif,

rapidité de la narration, goût de l'amplification. Ce glissement vers un mode de représentation plus

contemporain et plus intime amorce la construction d'une forme autonome.

L'apparition, vers le début du 17e siècle, de constructions romanesques comme L'Astrée (1607 – 1627)

d'Honoré d'Urfé, le Roman comique (1651) de Scarron, Clélie (1664) de Mlle de Scudéry et La Princesse de

Clèves (1678) de Mme de La Fayette, marque l'élargissement du genre qui connaîtra son plein

épanouissement au siècle suivant, avant son développement hégémonique au 19e siècle.

2. Définition

Il est presque impossible de donner une définition du roman dans la variété de ses formes est infinie. Il

convient de s'en tenir à quelques grands principes qui font office de définition : le roman est un texte de

prose narrative littéraire, plutôt long et qui met en scène des personnages assez complexes et présente des

évènements fictifs.

On peut, en effet, admettre que le roman se reconnaît à cinq points précis :

– une écriture en prose ;

– le lieu de la fiction, même si de nombreux romans mêlent le réel et le fictif ;

– l'illusion de la réalité, puisque le roman, depuis le 18e siècle, souhaite reproduire le monde réel et

des évènements plausibles, même si la fantasy, par exemple, ne respecte pas ce critère ;

– l'introduction de personnages, même si le nouveau roman (années 50) souhaite proclamer la « mort

du personnage » ;

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

– la description qui s'est progressivement imposée comme moyen d'authentifier le récit et de l'embellir.

Force est de constater que le roman est un genre hétérogène dont la plasticité pourrait expliquer son

succès.

Si l'on veut étudier la variété des romans et esquisser une typologie romanesque, il est préférable de

regrouper les romans autour de trois critères :

➢ le contexte de l'intrigue (cadre géographique et historique) : roman pastoral, régionaliste, exotique...

➢ l'action (sujet de l'action, nature des évènements, condition sociale des personnages) : roman

d'aventures, policier, d'espionnage, noir...

➢ la technique narrative (principes d'écriture ou de composition, esthétique d'école ou de

mouvement) : roman autobiographique, épistolaire...

Il apparaît que les cloisons entre les catégories sont fragiles, ce qui explique la difficulté de détailler chacun

de ces sous-genres romanesques. Voici les plus importants.

• Roman picaresque : venu d'Espagne, ce roman met en scène un picaro, jeune homme pauvre et

rusé, lancé dans des aventures aux nombreux rebondissements.

(Ex : Gil Blas de Santilane de Lesage (1724))

• Roman par lettres (ou épistolaire) : des lettres, partiellement ou entièrement fictives, sont utilisées

comme véhicule de narration. Ce genre connaît un grand succès entre la fin du 18e siècle et le

romantisme.

(Ex : La Nouvelle Héloïse de Rousseau (1761) – Les liaisons dangereuses de Ch. de Laclos (1782))

• Roman de formation (ou d'éducation) : récit de l'apprentissage, de la transformation d'un jeune

homme. Modèle qui domine au 19e siècle avec par exemple, les Illusions perdues de Balzac ou

l'Education sentimentale de Flaubert.

• Roman historique : il s'inspire de faits historiques auxquels il greffe des évènements fictifs. Le 19e

siècle se fait une spécialité du genre : Walter Scott avec Ivanhoé, Quentin Durward – Alexandre

Dumas avec Les trois mousquetaires – Victor Hugo avec Notre-Dame de Paris...

L'époque contemporaine exploite beaucoup ce modèle, dans une perspective ambitieuse (Ex.

Marguerite Duras – l'Oeuvre au noir) ou populaire (ex. Christian Jacq et ses romans situés dans

l'Egypte antique).

• Roman-fleuve (ou cyclique) : sur le modèle de la grande construction de Zola, les Rougon-Macquart,

apparaît au 20e siècle un roman en plusieurs volumes, qui embrasse plusieurs générations, réunit

de nombreux évènements centrés souvent autour d'une famille, et qui se poursuit de livre en livre.

(Ex. Les Thibault de Roger-Martin du Gard ; La Chronique des Pasquier de Georges Duhamel)

• Roman autobiographique : à la différence de l'autobiographie, le roman autobiographique ne

confond pas auteur et personnage ; le narrateur puise dans sa propre vie des éléments pour nourrir

son récit.

(Ex. Colette dans la série des Claudine)

• Nouveau roman : il s'agit autant d'une école que d'un modèle narratif né vers la fin des années 50. le

nouveau roman, en rupture avec le réalisme et l'humanisme littéraires, fait du récit une recherche et

de l'écriture « une aventure ». Les noms importants sont Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet,

Claude Simon.

On pourrait multiplier à l'infini les listes des sous-genres créés à partir de parentés thématiques et qui

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évoluent au fil des modes : roman érotique, roman-feuilleton, roman sentimental, roman noir, roman de

mœurs, roman policier, etc.

3. Le roman des origines

Les différences entre chanson et geste et roman tiennent essentiellement aux fonctions sociales que ces

genres remplissent : la chanson de geste raconte une histoire collective, le roman, une aventure

individuelle ; la chanson de geste procède de la mémoire, le roman, de la fiction ; la chanson de geste est

chantée devant un public mélangé, le roman, « conté » devant un public plus limité.

L'évolution de la chanson de geste au roman résulterait d'une crise dans l'histoire des sociétés

européennes : le passage d'un monde clos (la société féodale) à un monde ouvert à la pluralité des langues

et des cultures.

Les romans du Moyen Age qui nous sont parvenus ne sont le plus souvent que des reconstitutions faites au

19e ou au 20e siècle, ce qui explique que l'on trouve souvent plusieurs éditions d'un même roman. Les titres

sont aussi des ajouts contemporains, le Moyen Age, où dominait la culture orale, les ignorait, comme il

ignorait les notions d'« auteur », de « propriété littéraire », d'« originalité ». En outre, les textes que nous

lisons aujourd'hui sont des reconstitutions faites à partir de manuscrits différents des 12e et 13e siècles, le

plus souvent fragmentaires. Il a fallu reconstruire ces parties en s'aidant d'autres romans de l'époque.

A la manière des romanciers du Moyen Age, qui reprenaient des motifs narratifs, le Gargantua de François

Rabelais s'inspire de légendes populaires. Les cinq livres constituent, en quelque sorte, une série où l'on

retrouve le même héros.

Le prologue de ce livre indique que la « révolution du livre » a eu lieu :

« Amis lecteurs, qui ce livre lisez,

Dépouillez-vous de toute affection,

Et, le lisant, ne vous scandalisez (...) »

Désormais, le livre est destiné à une lecture silencieuse et non plus à une récitation publique.

Le titre du premier chapitre (« De la généalogie et antiquité de Gargantua ») fait remonter l'histoire « au

commencement du monde », ce qui prouve qu'à la Renaissance comme au Moyen Age, le roman est encore

proche de la légende.

4. De la légende à l'histoire

Un des romans qui, pour la première fois, s'ancre dans l'histoire, est La Princesse de Clèves écrit par Mme

de La Fayette et est publié sans nom d'auteur en 1678. Son originalité réside dans l'époque à laquelle se

déroule l'histoire : le règne d'Henri II (1547-1559), soit cent vingt ans plus tôt. De nombreux personnages

sont d'ailleurs des personnages historiques : Henri II, sa maîtresse Diane de Poitiers, la reine Catherine de

Médicis, Marie Stuart, reine d'Ecosse, ainsi que des grands seigneurs. A ces personnages bien réels, s'en

ajoutent d'autres, fictifs : le prince de Clèves, mademoiselle de Chartres, le duc de Nemours...

En dépit de cette caractéristique, le roman de Mme de La Fayette comporte encore quelques aspects

« merveilleux » perceptibles notamment dans la description d'une époque présentée comme une sorte d'âge

d'or.

5. Roman et réalisme

La fin du 18e siècle voit naître le roman réaliste moderne en Angleterre. Les traits généraux des romans de

Daniel Defoe, Robinson Crusoë, de Samuel Richardson, Clarisse Harlowe, de Henri Fielding, Histoire de

Tom Jones, enfant retrouvé, imitent la réalité. Ce nouveau réalisme résulte d'un changement de point de vue

sur cette réalité : ces auteurs s'efforcent de rendre fidèlement l'expérience humaine en refusant tout modèle

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antérieur, toute convention formelle, toute intrigue traditionnelle tirée de la mythologie ou de la légende. Les

protagonistes sont de ce fait des personnages particuliers, placé dans des circonstances particulières, et

non des types humains. Ils possèdent des noms propres, et non emblématiques (comme Gargantua, par

exemple).

Les romans épistolaires recourent à l'artifice de la lettre pour fournir aux lecteurs une garantie d'authenticité

et traduire leur défiance à l'égard de l'invraisemblable et du « romanesque ». c'est le cas pour Julie ou la

Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau.

Le roman de Benjamin Constant, Adolphe, marque, quant à lui un tournant dans l'histoire du genre

romanesque par l'usage de la première personne et le dépouillement extrême de l'intrigue (deux

personnages, peu de péripéties, concentration sur la crise).

6. Le triomphe du roman

Le 19e siècle peut-être considéré comme l'âge d'or du roman. C'est en 1855 qu'on peut situer la naissance

d'un courant réaliste en art. Ce courant a pour but de reproduire la réalité le plus fidèlement possible.

Mais Stendhal (pseudonyme d'Henri Beyle) et Honoré de Balzac avaient déjà engagé le roman sur une voie

identique en privilégiant l'observation des faits.

Le Rouge et le Noir, qui porte un sous-titre éloquent : Chronique de 1830, manifeste une volonté d'objectivité

historique. Conformément à l'esthétique réaliste, les débuts de romans de ces deux écrivains donnent

souvent des indications chronologiques précises sur l'ancrage fictionnel.

Les prétentions du roman réaliste s'affirment avec les frères Jules et Edmond de Goncourt dont le roman

Germinie Lacerteux constitue un tournant puisque le peuple des quartiers populaires et des banlieues

sordides entrent dans le roman. A la différence des Misérables de V. Hugo où l'évocation des faubourgs de

Paris se limitait à la relation des agissements de criminels, les frères Goncourt mettent en scène des

ouvriers, emploient le parler parisien et analysent cliniquement la maladie de l'héroïne atteinte d'hystérie. [cf

syllabus p. 53 à 60 : textes à analyser pour l'examen : Stendhal, Balzac, Zola]

La poésie1. Aux origines

Le mot « poésie » vient du grec poiein, « faire », « créer » au sens le plus large du thème.

Étymologiquement, la poésie est donc la création par excellence.

Dans l'Antiquité, la poésie était liée aux Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne (la Mémoire), et le poète

cherchait auprès d'elles la grâce divine de l'inspiration. Au nombre de neuf, chacune des Muses avait une

attribution précise :

• Calliope, la poésie épique ;

• Clio, l'histoire ;

• Polymnie, la pantomime16 et la poésie lyrique ;

• Euterpe, le dithyrambe17 ;

16 La pantomime est un spectacle généralement accompagné de musique, basé sur le moyen d'expression de l'art du mime. Contrairement au ballet qui peut être abstrait et ne faire appel qu'aux figures de la danse pure, la pantomime est obligatoirement narrative.

17 Le dithyrambe est un hymne religieux chanté par un chœur d’hommes accompagné d'un aulos (hautbois double) et d'une danse représentant à l'origine l'emprise de Dionysos sur les hommes. Même si des dithyrambes ont été adressés à d'autres divinités grecques, il s'agit avant tout d'un chant à Dionysos, dont l'une des épiclèses est Dithyrambos.

Par extension, un dithyrambe désigne aujourd'hui une louange enthousiaste, et le plus souvent excessive.

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• Terpsychore, la poésie légère et la danse ;

• Erato, la lyrique chorale ;

• Melpomène, la tragédie ;

• Thalie, la comédie ;

• Uranie, l'astronomie.

La tradition prêtait aux Muses deux domiciles distincts. Pour les uns, elles résidaient au Nord, en Thrace, et

étaient liées à Dionysos, dieu du vin et du délire créateur. Placée sous son signe, la poésie est possession,

délire mystique.

Pour d'autres, les muses séjournaient en Béotie, au sommet du mont Hélicon, puis sur le mont Parnasse,

au-dessus de Delphes, et dépendaient d'Apollon, dieu du soleil, de la lumière, de la beauté, de la musique et

de la divination. Placées sous son signe, la poésie ambitionne de percer le secret des choses.

La poésie antique se plaçait également sous le signe d'Orphée, poète et musicien, fils de la muse Calliope et

d'Apollon. Il savait si bien chanter en s'accompagnant de la lyre ou de la cithare, que les bêtes fauves

l'écoutaient et que les arbres s'inclinaient vers lui pour mieux l'entendre.

Orphée aimait Eurydice, mais un serpent la piqua et elle mourut. Désespéré, Orphée descendit aux Enfers,

charma de son chant le dieu Hadès, et obtint de lui le pouvoir de ramener Eurydice à la vie, à condition de

ne pas se retourner pour la voir avant d'être sorti des Enfers. Hélas, Orphée ne put résister et perdit

Eurydice à tout jamais. Éperdu de chagrin, il erra dans les bois, jouant pour les rochers, les arbres et les

rivières. Enfin, une bande de femmes qui accompagnaient le dieu Dionysos, croisèrent le musicien et le

tuèrent. Après qu'elles eurent jeté sa tête dans le fleuve Hébros, celle-ci continua à appeler Eurydice et

arriva sur les côtes de Lesbos où les Muses l'enterrèrent. Sa lyre fut transformée par les dieux en

constellation. Placée sous le signe d'Orphée, la poésie est essentiellement lyrique, liée à l'expression

personnelle et aux chagrins.

2. Le Moyen Age

Au Moyen Age, l'opposition entre poésie et prose n'existe pas. Essentiellement orale, la littérature médiévale

a longtemps privilégié les formes versifiées, notamment pour des raisons mnémotechniques. Elle tend donc

à se confondre avec la poésie qui se subdivise en différents genres.

Avec la diffusion de l'écrit, la prose enlève à la poésie des pans entiers de la littérature (textes narratifs,

théâtraux...), l'obligeant à se spécialiser, notamment dans l'expression des sentiments personnels (le

« lyrisme »).

Nous distinguerons trois grandes étapes : aux 11e et 12e siècles, la poésie est surtout narrative (les

chansons de geste) si l'on excepte la civilisation du Midi et ses troubadours ; au 13e siècle, les différents

genres coexistent (poésie lyrique et courtoisie, tendance plus réaliste avec Rutebeuf et allégorie avec le

Roman de la Rose) ; aux 14e et 15e siècles, la production poétique souffre des graves difficultés politiques,

sociales et économiques (guerre de Cent Ans (1337-1453), grande peste de 1348,etc.).

La chanson de geste

Dès le 11e siècle, les chansons de geste (« gesta », en latin, signifie « acte accompli ») racontent les exploits

devenus légendaires de personnages pour la plupart historiques. L'idéal de la société féodale

contemporaine est mis en scène : respect des engagements féodaux entre suzerain et vassal, morale

chevaleresque, qualités guerrières au service de la foi. Le chevalier obéit à un code d'honneur très exigeant,

il est toujours fidèle à son seigneur. L'Eglise essaie de détourner vers la Croisade l'énergie violente de ces

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hommes passionnés de combats et les chansons de geste racontent ces guerres saintes contre les infidèles

(Voir La Chanson de Roland).

La courtoisie

Dans le sud de la France, à partir du 11e siècle, la société féodale ajoute une nouvelle valeur à l'idéal

chevaleresque : le service d'amour, qui met les préoccupations amoureuses au centre de la vie. Pour plaire

à sa dame, le chevalier doit maîtriser son désir, mériter son amour à travers une dure discipline. Cet idéal est

celui des gens de cour, d'où le mot « courtoisie ».

Les troubadours, qui sont d'origine et de statut social très divers, répandent cette nouvelle conception qui

gagne progressivement le Nord de la France où les poètes s'appellent les trouvères.

L'idéal courtois a marqué durablement notre conception de la femme et des relations que l'homme entretient

avec elle. (Lire Denis de Rougemont, L'amour et l'Occident).

Au nord, la poésie lyrique prend aussi la forme particulière de la « chanson de toile », dont le nom provient

sûrement de l'activité principale de ses personnages féminins ou de celle à laquelle se livraient les femmes

en la chantant. L'amour dont on y parle est plus proche de l'élan spontané des jeunes filles que de la

fin'amor des troubadours avec laquelle la chanson de toile n'a aucun lien. Se développe aussi la chanson

d'aube qui traduit le regret de la séparation des amants lorsque le jour se lève.

La thématique courtoise imprègne peu à peu le roman, notamment Tristan et Yseult et le Roman de la Rose.

La poésie lyrique du 13e au 15e siècle

Le lyrisme courtois et aristocratique ne convient pas à la bourgeoisie qui s'intéresse davantage à un

nouveau courant poétique, caractérisé par la verve satirique et réaliste. Parmi les « jongleurs » de la société

bourgeoise, les plus connus sont Jean Bodel, Adam de la Halle et surtout Rutebeuf dont les poèmes

ressemblent à une autobiographie poétique.

Le 14e siècle est une période de crise politique, économique et sociale qu'accentuent les catastrophes

naturelles, les famines et les épidémies. À cette époque, la poésie marque la rupture entre le texte et la

musique comme le montre l'œuvre de Guillaume de Machaut. Pour compenser peut-être ce déficit musical,

les poèmes à forme fixe qui apparaissent présentent souvent un refrain et donnent un vers d'une certaine

musicalité : rondeau, ballade, lai et virelai. François Villon illustre notamment ce nouvel art poétique.

À la fin du 15e siècle, certains poètes de cour se laissent tenter par la virtuosité formelle en travaillant les

jeux de mots et les figures poétiques. La poésie ressemble à un jeu formel mis au service de la louange des

princes ou des protecteurs.

3. La Renaissance

Vers 1550, la poésie connaît un essor considérable en France. Savante, coulée dans des formes complexes

parmi lesquelles le sonnet, elle manifeste aussi la volonté de défendre et d'illustrer la langue française,

devenue langue officielle en 1539 par l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose le français dans tous les

actes administratifs et juridiques à la place du latin. C'est une poésie légère qui appelle à l'amour et à ses

plaisirs.

En 1549, paraît la Défense et illustration de la langue française de Joachim Du Bellay qui expose les idées

essentielles de la nouvelle école poétique, appelée la Pléiade. La défense de la langue française passe par

la démonstration qu'elle permet d'exprimer les idées et les sentiments aussi bien que le latin, qui reste à

l'époque la langue des savants et est considérée comme universelle. L'illustration de la langue française

consiste notamment à l'enrichir par l'accroissement du nombre de mots, soit par des emprunts aux dialectes

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provinciaux, aux langages techniques de l'agriculture, de la marine, etc ; soit en forgeant des mots nouveaux

(mots composés, mots formés par dérivation, mots empruntés au grec et au latin). Il faut également

démarquer le langage poétique de la langue courante, notamment en utilisant des figures de rhétorique

(comparaison, métaphore, hyperbole, allégorie...), en recourant à la mythologie et à l'histoire.

Du Bellay recommande l'imitation des auteurs de l'Antiquité afin de donner à la langue française une grande

littérature. Il renie les formes poétiques médiévales et privilégie les formes antiques (ode, élégie, hymne...)

ou des formes nouvelles comme le sonnet.

Pierre de Ronsard illustre cette nouvelle conception de la poésie dans ses Odes (1550).

4. Baroque et classicisme

De la fin du 16e siècle au milieu du 17e, se développe un courant de sensibilité nouvelle qui connaît son

apogée entre 1620 et 1640 : le baroque.

La poésie baroque se caractérise par quelques thématiques : la métamorphose (images d'eaux qui coulent,

de miroirs, de vents, de nuages...) ; l'illusion, d'où le goût de l'époque pour le théâtre où se déploient les

mirages du faux-semblant, du trompe-l'œil, du déguisement et l'outrance, la profusion (d'où l'emploi récurrent

de figures de style comme l'hyperbole, l'oxymore, l'accumulation, etc.). En France, ce courant est représenté

par des poètes comme Théophile de Viau, Saint-Amant, Jean de Sponde.

Mais dès le début du 17e siècle, des poètes réunis autour de François Malherbe travaillent à discipliner.

Refusant le lyrisme et les transes de l'inspiration, Malherbe estime qu'écrire est une question de technique,

un métier et que le poète a besoin d'une langue impeccable pour y parvenir. Malherbe va donc s'employer à

réformer la langue française, notamment en la débarrassant des provincialismes, des archaïsmes et en la

rendant d'une clarté totale. Son influence s'exercera sur Nicolas Boileau lorsqu'il écrira son Art Poétique en

1674, dont une des maximes les plus célèbres est : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. »

5. Le siècle des Lumières

Ce siècle s'intéresse peu à la poésie, même si un certain renouveau se manifeste à travers l'œuvre d'André

Chenier (1762-1794) par exemple, dont la sensibilité privilégie l'imagination, le rêve, le sentiment de la

nature, la nostalgie du passé, annonçant par là le romantisme.

6. Le 19e siècle

Ce siècle a profondément transformé le langage poétique.

Victor Hugo bouscule toutes les traditions classiques : il recommande l'enjambement, l'atténuation de la

césure médiane de l'alexandrin, la souplesse dans le choix des rimes et la liberté pour le choix du

vocabulaire. Charles Baudelaire s'en prend à l'opposition vers/prose et invente le poème en prose, ouvrant

ainsi l'ère de la poésie moderne.

Les recherches des symbolistes les conduisent à assouplir le vers traditionnel : le règne de l'alexandrin

prend fin avec l'apparition du vers libre.

La plupart des poètes du 19e siècle se réfèrent à cette nouvelle esthétique, qui va dans le sens d'une

libération maximale des contraintes. Ils remettent en question les dogmes classiques.

7. La poésie contemporaine

La singularité des itinéraires des poètes contemporains est telle qu'elle rend très difficile toute tentative de

classification ou de regroupement. Désormais, la poésie adopte une grande variété de formes et de

démarches, qui témoignent de son souci de ne pas se laisser enfermer dans des cadres préétablis.

Ce pendant, elle est peu lue et se vend mal. Peut-être à cause de l'évolution du monde et des mentalités qui

amène les gens à se tourner vers des genres plus accessibles, plus pragmatiques. Peut-être en raison

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même de sa diversité qui la rend difficile à cerner.

8. Le poète

Dans l'Antiquité, le poète (ou aède) communique avec le monde divin : il reçoit son inspiration des Muses,

son langage est celui des dieux, sa parole est sacrée. Cette conception se retrouve à la Renaissance, chez

Du Bellay et Ronsard qui parlent de l'« enthousiasme » poétique, en calquant le mot français sur un mot

grec « enthousiasmos » qui désigne le délire sacré saisissant l'interprète de la divinité. L'enthousiasme

poétique suggère la présence du dieu dans le poème et entretient le sentiment d'une proximité entre le

poète et le prophète, entre la poésie et le sacré. Ces idées sont à l'origine de la conception élitiste qui fait de

la poésie une activité réservée à une aristocratie de l'esprit, et du poète, un être supérieur, doué de pouvoirs

quasi surnaturels.

Au 19e siècle, les figures du poète se diversifient.

Chez les romantiques, il est un être voué à la souffrance et au malheur (cf. Musset) ou un mage, un

prophète, voire l'interprète et l'inspirateur du monde moderne (cf. Hugo).

Dans la seconde moitié du siècle, le poète revendique sa différence, avant de se retourner contre la société,

les hommes et Dieu. Ce changement de perception s'explique par l'échec de la révolution de 1848 et les

désillusions qu'elle a engendrées parmi les écrivains. Déçus par l'action politique, ceux-ci se coupent du

peuple et de la bourgeoisie et se replient sur eux-mêmes pour se consacrer exclusivement à leur art.

Cette réaction se produit au moment où s'achève le processus d'institutionnalisation de la littérature, amorcé

à l'époque romantique.

Le champ littéraire acquiert une relative autonomie dans le champ social et se clive en deux sphères de

production aux logiques de fonctionnement et aux valeurs inverses : la sphère de grande production

obéissant à une logique essentiellement économique et une sphère de production restreinte où domine la

dénégation de l'économique et la recherche d'un capital symbolique.

La poésie traverse une crise grave, encore aggravée par le développement de la presse écrite. Pour éviter la

contamination, les poètes se replient sur eux-mêmes, la poésie cesse de porter un message sur l'homme et

le monde, et devient une activité gratuite, mais difficile et ingrate. C'est la conception de l' « art pour l'art »

chère aux Parnassiens, ces poètes à la recherche d'une poésie à la perfection formelle absolue et réservée

à une élite.

Avec Baudelaire et, à sa suite, les poètes « maudits » (Verlaine, Lautréamont..), le poète devient un révolté,

un rebelle. Le dandysme, l'alcool, la drogue, la débauche peuvent se comprendre comme les signes d'une

marginalité vécue douloureusement mais revendiquée bien haut.

Rimbaud impose la figure du poète « voyant ». [cf. Texte p66 du syllabus]

Avec Mallarmé, l'écriture elle-même devient un objet d'interrogation : qu'est-ce qu'écrire ? La poésie cesse

d'être un moyen d'action sociale ou d'expression lyrique pour devenir une expérimentation sur le langage. La

langue se fait opaque, la syntaxe alambiquée, les mots précieux. À une poésie fondée sur l'expression du

moi, lisible, succède une poésie « pure », qui cherche à se démarquer du discours social et de rend

hermétique.

Au 20e siècle, la figure du poète-voyant est reprise par les Surréalistes, notamment par André Breton.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux poètes entrent en clandestinité et utilisent l'arme

poétique au service de la résistance. Parmi eux, Louis Aragon, Paul Eluard, Francis Ponge ou René Char.

Certains le paieront de leur vie comme Robert Desnos mort dans un camp de concentration en

Tchécoslovaquie.

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La littérature et l'auteur1. Auteur et/ou écrivain

L'auteur d'un texte est celui qui l'a écrit. Cette notion d' « auteur » a une valeur juridique et concerne les

rapports de propriété et les droits d'auteur. Etymologiquement, le mot vient du latin « auctor », issu du verbe

« augeo » (accroître, augmenter), ou d' « auctoritas » (droit de possession, garantie, autorité). L'auteur

est donc quelqu'un qui prolonge une tradition qu'il contribue à enrichir, qui apporte quelque chose de plus

dans la culture.

Le terme « écrivain » vient du latin « scribanus » (celui qui écrit) et il a, au départ, une acceptation large

puisqu'il désigne quiconque écrit, y compris le scribe et l'écrivain public. Ce n'est qu'à partir du 17e siècle

qu'il désigne l'auteur d'une œuvre littéraire.

Notons que l'auteur n'est pas indispensable à la littérature. Les contes populaires sont des œuvres sans

auteur qui ont été transcrites (cf. Perrault ou les frères Grimm). En dehors de l'aire occidentale, les

gigantesques épopées du Mahâbhârata et du Râmâyana, qui sont à l'origine des traditions indiennes et

sanskrites, n'ont pas un auteur mais « des » auteurs multiples.

2. Quelques mots sur l'histoire de la notion d' « auteur »

La problématique de l'auteur apparaît comme un phénomène distinctif de l'Occident européen. Ses

premières mentions, visibles dans l'Antiquité grecque et romaine, sont liées à une ébauche de

professionnalisation rendue possible par le mécénat des nobles et les concours théâtraux en Grèce.

Cependant, même les plus illustres créateurs individualisés, d'Eschyle à Virgile, de Socrate à Séneque

restent tributaire des instances politico-religieuses.

Cette situation persiste, pour l'essentiel, jusqu'au Moyen Age : la notion d' « auteur » n'existe pas.

L'anonymat est la règle et, lorsqu'un nom apparaît, soit il ne renvoie pas à un individu que l'on peut

reconnaître avec certitude (par exemple, on ne sait pas qui était réellement Chrétien de Troyes), soit on

hésite entre auteur, récitant et copiste (par exemple, on ignore qui est « Thuroldus » qui signe le manuscrit

d'Oxford de la Chanson de Roland).

L'apparition de l'imprimerie contribue à fixer une nouvelle définition de la notion d' « auteur ». Le nom de

l'auteur commence à figurer sur la page de garde à proximité du titre. Ronsard est le premier à voir l'édition

complète de son œuvre ornée de son portrait qui garantit l'authenticité de l'œuvre.

L'entrée dans l'ère du livre imprimé a des effets importants.

Des formes de contrôle social apparaissent : si le nom de l'auteur garantit l'œuvre qu'il donne, la loi doit

garantir ce rapport du nom et de l'œuvre. Au départ, il s'agit moins de protéger l'auteur et ses droits, que de

le responsabiliser en lui imputant la responsabilité juridique de ses écrits. La pratique fréquente de

l'anonymat ou du pseudonymat ne s'explique pas autrement : les Provinciales de Pascal paraissent en

feuillets anonymes en 1656, puis sous un pseudonyme.

La figure moderne de l'auteur émerge progressivement au cours du 17e siècle, qui voit la naissance de

l'écrivain. En quelques décennies, le terme « écrivain » rejoint celui d' « auteur » dans l'ordre des titres de

dignité, puis le dépasse. « Ecrivain » désigne celui qui écrit avec art, et se distingue ainsi d' « auteur », plus

général. Si la plupart des écrivains vivent difficilement de leur plume, certains touchent des pensions dans le

cadre du mécénat ou profitent des avantages du clientélisme. Leur prestige est lié au fait qu'ils fournissent

des spectacles aux Grands tout en diffusant des idées pour le grand public. Ils sont aussi ceux qui

établissent les normes de la langue : l'Académie française, fondée en 1634, est une assemblée de gens qui

« écrivent bien ».

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

Au 18e siècle, avec le développement du marché du livre, se met en place un statut juridique des auteurs.

Une règlementation des conditions d'acquisition de la quantité d'auteur et des droits qui en découlent se

développe. Les auteurs obtiennent des droits moraux, une certaine protection contre le plagiat et le droit de

modifier un texte déjà publié.

La propriété des auteurs sur leurs écrits est reconnue, et devient foi à la fin du 18e siècle. Pour défendre

leurs droits financiers, ils s'organisent en associations professionnelles, dont la plus ancienne est la Société

des Auteurs et Compositeurs dramatiques, fondée en 1777 à l'instigation de Pierre de Beaumarchais. Cette

reconnaissance du droit d'auteur (qui rétribue l'auteur à proportion des ventes de ses œuvres) change

profondément le rapport de l'auteur à la société. Après la Révolution, le déclin de l'autorité religieuse induit

un transfert sur l'art littéraire du rôle de référence idéologique collective, annonçant le mythe de l'auteur-

génie, du poète-créateur cher aux Romantiques.

Le 19e siècle valorise la singularité de l'auteur qui n'est pas celui qui écrit mieux que les autres, mais celui

qui écrit d'une manière radicalement autre. Son « style » ne tire plus sa valeur de sa conformité à l'idéal

classique, mais de son caractère unique. La notion d' « auteur » se double alors de celle de « style ».

Les développements technologiques de la fin du 20e siècle et début du 21e siècle ont profondément remis en

cause la notion d' « auteur » et l'autorité qui l'entourait. Ainsi, les écrivains qui présentent leur œuvres sur

leur site web sont-ils encore des auteurs ?

Par ailleurs, l'immédiateté de l'édition électronique, qui permet la publication de livres numériques à une

vitesse accélérée, accroît le risque d'erreurs de toutes natures (erreurs de ponctuation, d'orthographe,

coquilles, vers omis...), tout en rendant inutiles la philologie et l'édition critique.

Les formes d'écriture aussi changent avec l'électronique qui permet aux auteurs de créer des livres

numériques jamais achevés, que ce soient les leurs ou ceux des auteurs du passé, de les réviser

indéfiniment en y incluant des notes, des commentaires...

Enfin, le droit d'auteur lui-même devient vulnérable face aux nouvelles technologies qui rendent très facile le

plagiat en toute impunité.

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