Synode

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6 RÉFORME N O 3507 4 AVRIL 2013 U n vent frais souffle-t-il sur les facultés de théologie ? Tout porte à le croire, selon les res- ponsables des établissements protestants. Et d’abord le premier d’entre eux, l’Institut protestant de théologie (IPT), qui possède les facultés libres de théologie protestante de Paris et de Montpellier. La référence en matière de formation des pasteurs de l’Église protestante unie de France (EPUdF) et la voie royale pour de nombreux étudiants. « Nous accueillons dans ces deux établisse- ments des centaines de personnes, assure Laurent Schlumberger, président du Conseil national de l’Église protestante unie de France. Nous sommes dans une situation privilégiée par rapport à d’autres Églises en panne de recrutement. Certes ces deux facultés coûtent cher, mais cet effort financier traduit notre volonté de proposer une formation de qualité et de stimuler l’offre d’enseignement. » Et de rappeler que l’IPT a été pionnier dans la création de l’Église unie puisque le rassemblement des luthériens et des réformés y est effectif depuis 1973. Une bonne santé que confirme Raphaël Picon, doyen de la faculté de théologie protestante de Paris : « Le public luthéro- réformé reste majoritaire, mais nous avons aussi des étudiants d’autres Églises et des personnes sans confession qui choisissent des modules pour renforcer leur culture générale. En 2002, il y avait 20 étudiants en première année. Depuis quatre ans, ils sont 40. Certes, quelques-uns seulement iront jusqu’au master 2 pour devenir pas- teur, mais il y a de quoi être optimiste ! » unie doivent faire une année d’étude supplémentaire à l’IPT. » Vocation pasteur Reste une évidence, les valeurs reli- gieuses sont un repère clé en ces temps économiques incertains. « Les difficultés de la vie poussent les gens à s’interroger davantage, témoigne Laurent Schlum- berger. Sur une génération entière, le nombre de pasteurs au service de notre Église est stable. Il n’y a pas de crise de vocation. » Même constat pour Christian Baccuet, président de la commission des minis- tères de l’Église unie qui évalue la capa- cité des étudiants à exercer le ministère. « Chaque année, 12 nouveaux pasteurs sont nommés. Dans cette société en crise, la charge pastorale reste une valeur sûre. Mais elle demande toujours une grande capacité d’adaptation. C’est pourquoi nous accompagnons l’étudiant de la licence au proposanat pour discerner au mieux sa vocation et son évolution personnelle. » Les deux responsables apportent néanmoins un bémol à la bonne santé du ministère. L’Église protestante unie Un enthousiasme partagé par Michel Bertrand, doyen de la faculté libre de théologie protestante de Montpellier. Le profil des étudiants ? « Il n’y en a pas ! Il y a une grande diversité de confes- sions, de sexes, d’origines et d’âges. C’est l’évolution majeure de ces 30 dernières années : les étudiants viennent de tous horizons et certains ne sont pas issus du sérail historique de l’Église protestante. Nous sentons un intérêt pour la théologie au-delà des cercles confessionnels. On l’a vu avec le succès des cours décentralisés à Nice, Bordeaux, Toulouse, Marseille… qui ont accueilli 300 personnes. » Dans les autres facultés protestantes, le public a aussi beaucoup évolué. C’est la conviction de Rémi Gounelle, doyen de la faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg, la seule à délivrer des diplômes d’État. « Depuis 15 ans, nous avons de moins en moins d’étudiants issus des Églises réformée et luthérienne et une augmentation des personnes proches des Églises évangéli- ques ou qui ne sont pas insérées dans des paroisses. C’est un défi pédagogique. » Si la faculté n’a pas de liens institutionnels avec l’Église unie, la convention signée avec l’IPT Paris permet aux étudiants de la capitale d’ob- tenir une licence à Stras- bourg reconnue au niveau national. Michel Johner, doyen de la faculté Jean-Calvin à Aix-en-Provence, confirme l’évolution du public univer- sitaire. « Il y a trente ans, la majorité des étudiants venaient des milieux réformés. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : les étudiants majoritaires viennent des milieux évangéliques. Un tiers se destine à un ministère dans le giron de l’Union nationale des Églises protestantes réfor- mées évangéliques de France. Ceux qui souhaitent devenir pasteurs de l’Église souffre d’un manque d’environ 10 % de pasteurs. « Dieu donne à l’Église les ministres dont elle a besoin, souligne Laurent Schlumberger. Il faut donc envisager ce manque comme un don de Dieu et un appel à intensifier la forma- tion des membres de l’Église et à recruter des candidats. » C’est l’ambition de la campagne d’in- formation « Pasteur, pourquoi pas toi ? » lancée dès 2010 et du « Grand Kiff », un rassemblement national de la jeu- nesse de l’Église protestante unie de France qui aura lieu du 26 au 30 juillet à Grenoble. Pour de nombreux observateurs, le grand changement de ces 30 derniè- res années est l’extrême diversité des parcours des étudiants qui souhaitent devenirs pasteurs. Pour Michel Johner, « le modèle de l’étudiant postbac est périmé et a laissé la place à des voca- tions tardives ». Même analyse de Christian Baccuet : « La moyenne d’âge des nouveaux pas- teurs est de 35 ans. La plupart ont eu une vie professionnelle avant de commencer leurs études de théologie. Beaucoup font le choix courageux d’interrompre leur éGLISE UNIE (1) : LA FORMATION. Loin d’être désertées, les facultés de théologie protestante attirent toujours un large public. Gros plan La force tranquille des facultés Religions En marche vers l’Église Unie Étudiants à la faculté de Montpellier de l’Institut protestant de théologie « Sur une génération entière, le nombre de pasteurs au service de notre Église est stable » Théovie, formation biblique interactive

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Cette série présente les articles publiés par Réforme, avant, pendant et après le synode de l'Eglise protestante unie de France en avril et mai 2013

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6 réforme No 3507 • 4 avril 2013

Un vent frais souffle-t-il sur les facultés de théologie ? Tout porte à le croire, selon les res-ponsables des établissements

protestants. Et d’abord le premier d’entre eux, l’Institut protestant de théologie (IPT), qui possède les facultés libres de théologie protestante de Paris et de Montpellier. La référence en matière de formation des pasteurs de l’Église protestante unie de France (EPUdF) et la voie royale pour de nombreux étudiants. « Nous accueillons dans ces deux établisse-ments des centaines de personnes, assure Laurent Schlumberger, président du Conseil national de l’Église protestante unie de France. Nous sommes dans une situation privilégiée par rapport à d’autres Églises en panne de recrutement. Certes ces deux facultés coûtent cher, mais cet effort financier traduit notre volonté de proposer une formation de qualité et de stimuler l’offre d’enseignement. » Et de rappeler que l’IPT a été pionnier dans la création de l’Église unie puisque le rassemblement des luthériens et des réformés y est effectif depuis 1973.

Une bonne santé que confirme Raphaël Picon, doyen de la faculté de théologie protestante de Paris : « Le public luthéro-réformé reste majoritaire, mais nous avons aussi des étudiants d’autres Églises et des personnes sans confession qui choisissent des modules pour renforcer leur culture générale. En 2002, il y avait 20 étudiants en première année. Depuis quatre ans, ils sont 40. Certes, quelques-uns seulement iront jusqu’au master 2 pour devenir pas-teur, mais il y a de quoi être optimiste ! »

unie doivent faire une année d’étude supplémentaire à l’IPT. »

Vocation pasteurReste une évidence, les valeurs reli-

gieuses sont un repère clé en ces temps économiques incertains. « Les difficultés de la vie poussent les gens à s’interroger davantage, témoigne Laurent Schlum-berger. Sur une génération entière, le nombre de pasteurs au service de notre Église est stable. Il n’y a pas de crise de vocation. »

Même constat pour Christian Baccuet, président de la commission des minis-tères de l’Église unie qui évalue la capa-cité des étudiants à exercer le ministère. « Chaque année, 12 nouveaux pasteurs sont nommés. Dans cette société en crise, la charge pastorale reste une valeur sûre. Mais elle demande toujours une grande capacité d’adaptation. C’est pourquoi nous accompagnons l’étudiant de la licence au proposanat pour discerner au mieux sa vocation et son évolution personnelle. »

Les deux responsables apportent néanmoins un bémol à la bonne santé du ministère. L’Église protestante unie

Un enthousiasme partagé par Michel Bertrand, doyen de la faculté libre de théologie protestante de Montpellier. Le profil des étudiants ? « Il n’y en a pas ! Il y a une grande diversité de confes-sions, de sexes, d’origines et d’âges. C’est l’évolution majeure de ces 30 dernières années : les étudiants viennent de tous horizons et certains ne sont pas issus du sérail historique de l’Église protestante. Nous sentons un intérêt pour la théologie au-delà des cercles confessionnels. On l’a vu avec le succès des cours décentralisés à Nice, Bordeaux, Toulouse, Marseille… qui ont accueilli 300 personnes. »

Dans les autres facultés protestantes, le public a aussi beaucoup évolué. C’est la conviction de Rémi Gounelle, doyen de la faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg, la seule à délivrer des diplômes d’État. « Depuis 15 ans, nous avons de moins en moins d’étudiants issus des Églises réformée et luthérienne et une augmentation des personnes proches des Églises évangéli-ques ou qui ne sont pas insérées dans des paroisses. C’est un défi pédagogique. »

Si la faculté n’a pas de liens institutionnels avec l’Église unie, la convention signée avec l’IPT Paris permet aux étudiants de la capitale d’ob-tenir une licence à Stras-bourg reconnue au niveau national.

Michel Johner, doyen de la faculté Jean-Calvin à Aix-en-Provence, confirme l’évolution du public univer-sitaire. « Il y a trente ans, la majorité des étudiants venaient des milieux réformés. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : les étudiants majoritaires viennent des milieux évangéliques. Un tiers se destine à un ministère dans le giron de l’Union nationale des Églises protestantes réfor-mées évangéliques de France. Ceux qui souhaitent devenir pasteurs de l’Église

souffre d’un manque d’environ 10 % de pasteurs. « Dieu donne à l’Église les ministres dont elle a besoin, souligne Laurent Schlumberger. Il faut donc envisager ce manque comme un don de Dieu et un appel à intensifier la forma-tion des membres de l’Église et à recruter des candidats. »

C’est l’ambition de la campagne d’in-formation « Pasteur, pourquoi pas toi ? » lancée dès 2010 et du « Grand Kiff », un rassemblement national de la jeu-nesse de l’Église protestante unie de France qui aura lieu du 26 au 30 juillet à Grenoble.

Pour de nombreux observateurs, le grand changement de ces 30 derniè-res années est l’extrême diversité des parcours des étudiants qui souhaitent devenirs pasteurs. Pour Michel Johner, « le modèle de l’étudiant postbac est périmé et a laissé la place à des voca-tions tardives ».

Même analyse de Christian Baccuet : « La moyenne d’âge des nouveaux pas-teurs est de 35 ans. La plupart ont eu une vie professionnelle avant de commencer leurs études de théologie. Beaucoup font le choix courageux d’interrompre leur

église unie (1) : la formation. Loin d’être désertées, les facultés de théologie protestante attirent toujours un large public. Gros plan sur un secteur qui ne connaît pas la crise.

La force tranquille des facultés

Religions En marche vers l’église Unie

Étudiants à la faculté de Montpellier de l’Institut protestant de théologie

« Sur une génération entière, le nombre de pasteurs au service de notre Église est stable »

Créé en 2002 par l’Église réformée de France, Théovie est une formation à distance qui porte sur les grands thèmes de l’existence à partir du message biblique. Gratuite et ouverte à tous, elle est un outil pour approfondir ses connaissances. « Dès le départ, nous avons souhaité nous adresser d’abord à des gens qui n’avaient pas de contact avec l’Église afin de leur offrir les ressources pour un cheminement spirituel, assure Laurent Schlumberger, président du Conseil national de l’Église protestante unie de France. Pour autant, nous nous appuyons sur le public déjà membre des Églises locales. Notre cœur de cible est donc large.

» S’inscrire à Théovie n’implique pas de suivre l’ensemble des modules proposés. Chacun choisit « à la carte » en fonction de ses centres d’intérêt. Un accompagnement pédagogique est proposé aux utilisateurs via des questions posées en fin de module. Théovie compte aujourd’hui plus de 4 000 inscrits. Près de 60 % des utilisa-teurs ont moins de 50 ans. En 2011, l’ERF a voté la pérennisation des financements nationaux qui permettent de maintenir la gratuité du service. L’histoire continue.

F. B.www.theovie.org

théovie, formation biblique interactive

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carrière. » C’est le cas d’Antonin Ficatier, diplômé d’une école de commerce, qui a créé il y a deux ans Chinese Institute. Chef d’entreprise, il étudie à mi-temps à la faculté de Paris pour devenir pasteur. « Je vais bientôt céder l’entreprise et me consacrer totalement au ministère. Sans cette expérience professionnelle, j’aurais eu du mal à revêtir les habits du pasteur à seulement vingt-quatre ans. »

Théorie et pratiqueDans l’esprit des étudiants comme du

public, la maturité s’acquiert avec l’âge et… l’expérience. D’où la question posée en filigrane sur le juste équilibre entre théorie et pratique dans la formation des futurs pasteurs. Car c’est seulement en cinquième année (master 2 profes-sionnel) que les étudiants se forment concrètement.

Pour Antonin Ficatier, la psychologie de la relation à l’autre ou la communica-tion non verbale ne s’apprennent pas à la fac, mais sont pourtant indispensables. Autant de matières abordées durant ses études de commerce.

Simon de Cazenove, qui va intégrer le master 2 de Montpellier, a multiplié

les expériences de terrain dans le scou-tisme et dans sa paroisse pour se former. « Cela n’a pas toujours été bien vu par mes professeurs, mais c’était vraiment un objectif pour moi. »

Y aurait-il un hiatus entre les cours théoriques et la pratique du pastorat ? Pour Raphaël Picon, il n’en est rien car les deux sont intimement liés. « L’en-seignement théorique est indispensable pour que la prédication du pasteur ait du contenu. Mais nous avons toujours eu le souci de préparer au ministère via des formations à l’écoute, à l’animation de réunions et à la parole en public. Le plus important est de donner aux étudiants un maximum de ressources pour qu’ils ne s’essoufflent pas plus tard. »

Laurent Schlumberger rappelle que les facultés de théologies ne sont pas sim-plement des écoles pastorales. « Nous ne voulons pas trop renforcer dans la formation initiale un côté pratico-pra-tique car cela se ferait nécessairement au détriment de la formation théologique. Or, celle-ci est fondamentale pour les étu-diants, notamment ceux qui ne sont pas issus du sérail. Nous sommes constam-ment dans une recherche d’équilibre. »

Ce sera sans doute l’une des théma-tiques de la rencontre des facultés de théologie protestante des pays latins d’Europe qui aura lieu du 6 au 8 mai à Strasbourg. « L’occasion, dit Rémi Gou-nelle, de réfléchir aux solutions à met-tre en œuvre en commun et au rôle des facultés protestantes dans les débats de société comme le“mariage pour tous” ou l’euthanasie). » Preuve de la vivacité du protestantisme.•

Fanny Bijaoui

À l’approche de l’union des églises réformée et luthérienne, beaucoup de formations ont été initiées.

« Lorsqu’on parle de formation, on y voit des aspects techniques, professionnels, de la for-mation continue, alors que c’est un processus de développement qui touche la personne et sa communauté, explique Andy Buckler, res-ponsable national de la formation au sein de la nouvelle Église protestante unie de France. Ce n’est pas uniquement acquérir des compéten-ces techniques, mais impulser une dynamique spirituelle dans le cadre d’un développement personnel et d’une vie d’Église. »

Et il existe une multitude de formations dans différents domaines, à des échelons locaux, consistoriaux, régionaux et nationaux et sous des formes très variables : ateliers clé en main, conférences, parcours ou modules de forma-tion, support vidéo ou Internet. Et Andy Buckler de nommer quelques initiatives originales qui allient à la fois un enseignement théologique et un ancrage local. Par exemple, l’itinéraire spirituel initié à Marseille qui mélange ensei-gnement et temps d’échange en groupe. Cette année, cinq séances autour de la figure de Jésus sont développées en parcours.

Cette idée de cheminement est également au coeur de la démarche du « Voyage au pays de la foi ». Comme l’explique la pasteure Caroline Bretones-Baubérot, secrétaire générale de la Mission intérieure de l’Église luthérienne de Paris, « ce parcours d’évangélisation s’adresse à des personnes extérieures à une Église mais en quête de sens, et également à des fidèles qui cher-chent à approfondir leur foi. C’est un voyage, les gens se sentent embarqués, conduits, et entrent dans la démarche. Les témoignages pendant le culte final montrent souvent comment les par-ticipants se sont appropriés ce qui a été reçu. J’ai eu le témoignage d’une dame engagée dans l’Église depuis longtemps et qui témoignait de cette expérience : “Je viens juste de comprendre pourquoi j’ai fait cela depuis toutes ces années !” Mais ce voyage demande une bonne préparation en amont pour attirer du monde. » Organisé plusieurs fois en France depuis presque dix ans,

d’autres sessions sont prévus en 2013 et 2014.La démarche nationale de « Écoute, Dieu nous

parle » propose des modules clé en main autour de thèmes variés (témoignage, formation bibli-que, culte...). Chaque communauté est libre de réadapter l’outil et peut ensuite témoigner sur Internet de son vécu.

La formation en module à la carte est la for-mule choisie dans le cadre du projet Saint-Paul. « Né de la dynamique autour d’un projet commun entre deux communautés parisiennes, l’Église luthérienne des Billettes et l’Église réfor-mée du Marais, et en vue du rapprochement des Églises, explique Caroline Bretones-Beaubérot, le projet Saint-Paul offre des parcours divers de formation. Un pour les débutants pour devenir croyant, un second pour approfondir ses connais-sances et devenir disciple et un troisième en vue d’un ministère laïc et ainsi devenir apôtre. »

Formation et mise en pratique Cette formation a été complétée par d’autres

offres autour de la louange et de la diaconie. « La spécificité de ce projet Saint-Paul est de former en mettant l’accent sur la pratique, sou-ligne Andy Buckler. Ainsi, une formation d’un trimestre proposait de réfléchir à la mission avec le pasteur Bob Ekblad. Pour une session sur l’an-nonce de l’Évangile aux pauvres, les participants ont écouté le cours, échangé puis ils sont allés à la rencontre de sans-abri. Ce projet Saint-Paul est comme un laboratoire où l’on peut tester de nouvelles choses autour de la formation et de l’évangélisation. »

Le projet a été encore enrichi avec le pro-gramme de l’« Église explosive » pour 2013. « C’est une autre offre de formation autour de ce que l’Église est appelée à être : témoigner, gué-rir, servir, renouveler, poursuit la pasteure. De nombreuses rencontres sont proposées autour de ces thèmes. Après trois ans, on constate que les personnes viennent aussi d’autres communautés chrétiennes. »

C’est important, conclut Andy Buckler, de pouvoir faire profiter de la dynamique locale impulsée dans une Église. Que la Parole s’étende...•

Laure SaLamon

église unie (1) : la formation. Loin d’être désertées, les facultés de théologie protestante attirent toujours un large public. Gros plan sur un secteur qui ne connaît pas la crise.

La force tranquille des facultésLa formation personnelle et locale en pleine dynamique

religions

D. R

.

les études en chiffres

400 étudiants inscrits à l’IPT (200 à Montpellier, 200 étudiants à Paris).100 étudiants inscrits à la faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.150 étudiants inscrits à la faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg.60 % des étudiants inscrits dans les facultés de théologie protestantes sont des hommes et 40 % des femmes.12 nouveaux pasteurs sont nommés chaque année dans l’Église protestante unie de France.L’âge moyen d’entrée dans le ministère est de 35 ans.Le plus jeune pasteur de l’EPUdF a 24 ans.1 500 jeunes attendus au « Grand Kiff ».http://legrandkiff.orghttp://www.iptheologie.fr

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Le 30 mars, une formation du projet Saint-Paul à l’église du marais, à Paris.

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Religions En marche vers l’église Unie6 réforme No 3508 • 11 avril 2013

Devant un auditoire multicolore, sérieux et attentif, le pasteur Robert Shebeck de la paroisse de Villeneuve-Saint-Georges

en banlieue parisienne entame sa prédication. Comme beaucoup de ses confrères en ce dimanche 7 avril, il commence par une allusion à l’affaire Cahuzac. Mais attention à ne pas jeter la pierre avant d’avoir interrogé sa propre conscience…

Tout le culte est empreint d’un calme religieux. À peine Jacqueline utilise-t-elle une maraca lors de l’intervention de la chorale, accompagnée d’un orgue solennel. Pour une paroisse où 75 % des personnes assidues au culte sont origi-naires d’Afrique noire, la liturgie réfor-mée n’a pas été modifiée d’un pouce. Quatre fois par an, un « culte d’offrande » donne lieu à une procession et des dan-ses africaines, mais c’est tout. À la fin du culte, la fraternité se partage à bras ouverts autour du pot de l’amitié offert chaque semaine.

Quand Frieda, 47 ans, camerounaise, d’origine presbytérienne, est arrivée dans cette paroisse il y a trois ans, le choc a été rude. « Ce n’était pas évident, témoigne-t-elle. Nos cultes au pays sont plus vivants. On bouge, on danse, ça captive. Ici, personne n’exprime sa joie, ni une émotion quelconque. C’est figé. » Pourtant, c’est bien ici qu’elle vient au culte. Elle a volontairement quitté les églises de la diaspora camerounaise. « Je suis gênée par le mot “communauté”. Quand je viens ici, ce n’est pas en tant qu’Africaine, mais en tant que moi-

Le pasteur Robert Shebeck, venu des États-Unis il y a quelques mois, se trouve à Villeneuve comme un poisson dans l’eau, lui l’étranger parmi les étrangers. « Je me sens à ma place car tout le monde est de partout ! » Il a compté 18 nationa-lités dans sa paroisse. « Je suis renouvelé dans ma foi grâce aux personnes avec qui je chemine. C’est très enrichissant. » Même témoignage de la part de Claudia Heidemann, pasteure de l’église luthé-rienne de Saint-Denis (93), originaire du nord de l’Allemagne, non loin du Danemark. « Le mot de “frontière” veut dire beaucoup pour moi. Quand je suis venue à Saint-Denis pour la première fois, j’ai vu toutes ces couleurs et nationa-lités, toutes ces personnes qui ont traversé tant de frontières. Je me suis dit que ma place était ici ou nulle part. »

Tradition presbytérienneAinsi, les réalités muticulturelles ne

touchent pas uniquement les Églises ethniques ou évangéliques, mais traver-sent également les paroisses réformées et luthériennes, membres de la nouvelle Église protestante unie de France. On en trouve dans les banlieues de chaque

même. » Elle apprécie particulièrement le pot de l’amitié après le culte, où les participants se montrent plus joyeux. « C’est l’ambiance de fraternité qui prime ici. » Et puis, « le plus important est la Parole qui est dite ».

À côté d’elle, William, 33 ans, égale-ment camerounais, renchérit : « Dans les églises évangéliques, il y a beaucoup de musique et de bruit, mais cela reste trop superficiel. Certes, ici, il n’y a pas de chaleur exubérante, mais l’essentiel est là : la Parole de Dieu. » Jacqueline, 65 ans, béninoise, n’a pas pu rester long-temps dans la communauté évangéli-que qu’elle fréquentait au début : « Il fallait que je me refasse baptiser, et j’ai dit non. » Elle a donc rejoint une paroisse réformée à Paris, mais dont la froideur des relations humaines l’a choquée. « C’était mort, les chants nous endor-maient. Avec des Togolais, on a monté une chorale avec des tam-tams pour les réveiller. » Finalement, elle trouvé sa famille spirituelle à Villeneuve-Saint-

Georges. Pour Renée, 60 ans, il est important que le culte reste calme. « J’ai du mal quand il y a trop d’exubérance car j’ai besoin de me concentrer. » Le juste milieu entre les uns et les autres semble voir été

trouvé, et Isaac, 61 ans, camerounais, salue « le chemin parcouru » car « au début, l’accueil n’était pas évident ». Oli-vier Béchir, président du conseil pres-bytéral, « gaulois », reconnaît qu’« il y a eu des tensions, avant que nous comprenions comment nous recevoir les uns les autres. Aujourd’hui encore, des choses nous surprennent, mais cha-cun l’accepte et ça se passe bien ». À tel point que Rondo, septuagénaire, mal-gache, femme de l’ancien pasteur, sou-haite que « cette ambiance de fraternité continue ».

grande ville, ainsi que dans certains centres-ville. À Orléans, par exemple, 20 % de l’auditoire du dimanche matin est d’origine étrangère (Congo, Came-roun, Togo, Tahiti, Madagascar…). Selon le pasteur Guillaume de Clermont, ces fidèles ont des demandes précises : « Ils souhaitent avoir un pasteur bien identifié, formé, légitime, membre d’une “grosse” Église. Ils sont attachées à une liturgie organisée, car telle était leur tradition, souvent presbytérienne, dans leur pays d’origine. Ils veulent aussi sortir des logi-ques ethniques de tel ou tel clan. Enfin, certains, réfugiés politiques par exemple, ont recours aux services de l’entraide, qui sert à leur insertion dans l’Église. »

À Auvervilliers, « 95 % des paroissiens sont issus de l’immigration africaine », selon la pasteure Christine Leis. D’après elle, « ils sont authentiquement deman-deurs d’un culte réformé, avec une prédi-cation et une liturgie bien structurée ». Elle les décrit donc à l’inverse des « happy clappy » (ceux qui frappent joyeusement dans les mains constamment). « Il n’y a pas de Alléluia qui fusent de partout. » Quant aux chants, il lui faut trouver un savant équilibre entre le Psautier hugue-

église unie (2) : la Multiculturalité. Les personnes d’origine étrangère bousculent les habitudes des paroisses réformées et luthér iennes tout en faisant preuve de capacités d’intégration.

Ces paroisses où vibrent l’orgue et le djembé

Un culte multiculturel à Villeneuve-Saint-Georges en région parisienne

« Il y a eu des tensions avant de comprendre comment nous recevoir les uns les autres »

Contrairement aux paroisses d’Aubervilliers ou de Villeneuve-Saint-Georges en région parisienne, où l’on met de côté les particularis-mes communautaires par souci d’intégration, à Marseille, on fait tout l’inverse. « Ici, on ne rentre pas dans la logique de l’intégration républi-caine », explique franchement le pasteur Fré-déric Keller. La République demande à chacun « d’endosser l’identité française et les ancêtres gaulois en oubliant ses racines culturelles », ce que le pasteur qualifie d’« échec » en terme de valorisation des diversités et des richesses plurielles.

Il souscrit complètement au modèle phocéen de « discrimination positive » qui reconnaît les com-munautés en tant que telles. Au sein de l’Église, cela implique que chaque culture représentée ait son petit moment dédié pendant le culte : les Kanaks, les Ghanéens, les Camerounais… Ainsi, Frédérc Keller estime vivre « une vraie fraternité où l’Église est un port d’attache pour étrangers ». Combien y a-t-il de « Gaulois » au culte ? Aucun, répond-il ! « Marseille a des ori-gines grecques et non gauloises. Quand vous in-terrogez les paroissiens sur leurs grands-parents, aucun n’était gaulois. » M. L.-B.

communautés : l’exception marseillaise

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7Religionsréforme No 3508 • 11 avril 2013

not et le recueil Les ailes de la foi, que les Africains utilisent encore largement dans leurs pays d’origine.

Autre difficulté : gérer les tensions potentielles entre les différentes ethnies. « Quand je suis arrivée il y a sept ans, j’ai fortement ressenti les particularis-mes nationaux. Mais depuis, les enfants ont grandi ensemble et je ne ressens plus du tout ce communautarisme, surtout au niveau des jeunes. L’Église a servi de creuset. » Le fait que la pasteur soit elle-même « gauloise » lui a permis une certaine « neutralité » qui a mis tout le monde à égalité.

Théologie et cultureAutre expérience significative : à Lyon,

trois paroisses ont fusionné il y a cinq ans pour installer leur nouveau temple à Vaulx-en-Velin, ville cosmopolite, mar-quée par l’immigration. L’Église voulait s’implanter dans un secteur marqué par un certain dynamisme de dévelop-pement urbain. Dans ce quartier for-tement maghrébin, les chrétiens sont minoritaires, et répartis en plusieurs Églises distinctes. Entre les commu-nautés malgache, lusophone, africaines,

pentecôtiste et un campement de Roms, les liens se nouent et les interactions se multiplient.

Mais également, à l’intérieur même de l’Église protestante unie, Congolais et Camerounais sont venus rejoindre les « Gaulois ». Pour fédérer les plus engagés, une prière est organisée tous les jeudis matin, suivie d’un échange informel. Quant au dimanche matin, « la question se pose, explique Roger-Michel Bory, président du conseil presbytéral, de savoir comment garder la liturgie de l’Église protestante unie à laquelle les anciens sont habitués tout en tenant compte des autres sensibilités. Mélan-ger l’orgue et le djembé est un travail à toujours développer… » Pour lui, cette tension permet de découvrir ce qui, dans les pratiques, relève de l’habitude ou bien des convictions profondes. « On s’aperçoit que l’on fait porter beaucoup de nos traditions liturgiques sur la théo-logie alors que ce n’est que culturel ! »

À Orléans, l’intégration des person-nes d’origine étrangère dans la liturgie purement réformée se passe bien, mais certaines demandes d’accompagnement laissent le pasteur perplexe : « Elles souhai-tent faire des cultes d’anniversaire pour un défunt mort au pays, demandent des rites d’exorcisme ou encore des cultes de recon-naissance quand elles guérissent d’une maladie grave. » Le pasteur Guillaume de Clermont s’interroge : « Comment répon-dre à ces demandes sans être assimilés à des marabouts ou des guérisseurs ? » Le che-min est encore long pour se découvrir et s’accueillir mutuellement, mais, au moins, la route est belle.•

MaRie LefebvRe-biLLiez

la nouvelle église protestante unie de france élargit ses relations in-ternationales, et montre l’exemple à plusieurs consœurs à l’étranger.

Didier Crouzet, responsable des relations internationales de l’Église protestante unie de France, et son futur secrétaire général au 1er juillet prochain, commence l’entretien par un lapsus révélateur. « Pour nous, luthé-riens… » Quand il s’en rend compte, il est ravi : bien que n’étant pas luthérien, l’union s’est si bien faite dans sa tête qu’il est devenu les deux à la fois, réformé et luthérien. Il vou-lait dire : « Pour nous, réformés, l’Église unie nous fait découvrir les luthériens au niveau mondial. » En effet, l’union de l’Église évan-gélique luthérienne de France (EELF) et de l’Église réformée de France (ERF) change la donne au niveau international. Tout d’abord, la nouvelle Église protestante unie de France (ÉPUdF) deviendra membre de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) – un univers que l’ERF connaissait peu. « Nous découvrons une organisation axée sur le diaconat et le travail théologique, plus ancrée dans la tradition, alors que les réformés ont tendance à réinven-ter l’Église à chaque génération. »

Il salue le véritable travail qui est fait au niveau international entre les différentes Égli-ses luthériennes pour vivre concrètement une communion réelle, qu’il estime plus aboutie que dans le monde réformé. « Les luthériens sont beaucoup plus solidaires, et se sentent plus liés les uns aux autres alors que le monde réformé est plus éparpillé. » D’ailleurs, pour rejoindre la FLM, l’ÉPUdF devra présenter une délibération de son Conseil national adhé-rent à sa « base théologique ». Un vote qui ne devrait poser aucun problème, surtout grâce à la Concorde de Leuenberg, mais qui franchit un pas symbolique fort.

Didier Crouzet se réjouit également de l’ouverture que la nouvelle Église unie aura sur les pays nordiques, grâce aux relations bilaté-rales qui devront se nouer avec les luthériens de ces pays. Ceci constituera d’ailleurs une des premières missions de Claire Sixt Gateuille,

nouvelle responsable des relations internatio-nales de l’Église unie au 1er juillet prochain.

Côté luthérien, l’union apporte des rela-tions internationales au niveau mondial, alors que jusqu’alors les deux inspections françaises avaient des liens avec des Églises régionales principalement : l’Inspection de Montbéliard était jumelée avec l’Église du Wurtemberg, celle de Paris avec celle de Munich. Désormais, les luthériens français rejoignent également la Communion mon-diale d’Églises réformés (CMER, ancienne Alliance réformée mondiale).

« L’esprit a soufflé » Toutes ces instances au niveau mondial

regardent de près l’union entre luthériens et réformés en France. Didier Crouzet a reçu plusieurs messages de soutien et de félici-tations, notamment de la CMER. « Dans un monde qui se confessionnalise de plus en plus, où les protestants font des scissions pour un oui ou pour un non, la CMER nous a félicités pour notre témoignage d’unité assez unique. Alors que la tendance de la fin du XXe siècle est à la fragmentation, la CMER a estimé que nous étions un exemple à suivre. » La FLM, quant à elle, a envoyé un délégué à chaque synode important. Elle compte désormais deux vis-à-vis en France : l’Union des Égli-ses protestantes d’Alsace-Lorraine (UÉPAL), qui s’est faite en 2007, et celle de la France de l’intérieur.

Les réactions ont aussi été vives et positi-ves du côté des Églises presbytériennes de Corée, très fragmentées, invitées au synode de l’ERF à Orléans en 2011. Une déléga-tion de vingt personnes s’était déplacée de Séoul. « Les représentants de l’Église pres-bytérienne de Corée (PCK) nous ont dit, très émus, que l’Esprit avait soufflé et que nous étions un modèle. Ils avaient sous les yeux une Église vieille de 450 ans, qui avait survécu à beaucoup de persécutions et qui innovait en s’unissant aux luthériens. Eux qui voient Calvin comme leur père étaient émus aux larmes. »•

M. L.-b.

église unie (2) : la Multiculturalité. Les personnes d’origine étrangère bousculent les habitudes des paroisses réformées et luthér iennes tout en faisant preuve de capacités d’intégration.

Ces paroisses où vibrent l’orgue et le djembéUne plus grande ouverture à l’international

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L’Église protestante unie de France représente l’union entre l’Église évangélique luthérienne de France (EELF) et l’Église réformée de France (ERF). Votée lors de leurs synodes concomitants en 2012, l’union est le fruit d’une longue préparation depuis un vœu émis par la paroisse luthérienne de Bourg-la-Reine en région parisienne en 2001, avec une étape importante franchie en 2007.L’EpUdF vivra son premier synode à Lyon du 8 au 12 mai Elle compte aujourd’hui 400 000 membres, sur 1,5 million de protestants en France.

La sEmainE pRochainE

« La lecture de la Bible ». Troisième volet de notre série « En marche vers l’Église unie ».

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Les Églises coréennes ont félicité l’eRf pour son union avec les luthériens (Orléans, 2011)

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6 Religions réforme No 3509 • 18 avril 2013

e t, sans être approuvé par le clergé romain, Tout protestant fut pape, une Bible à la main ». La formule a fait date. Ces vers

de Nicolas Boileau, pourtant clairement hostiles aux protestants, pourraient presque leur servir de credo aujourd’hui. Avec la sola fide (la foi seule) et la sola gratia (la grâce seule), la sola scriptura (l’Écriture seule) est l’un des trois piliers de la Réforme. En affirmant que tout ce qui repose sur la Tradition mais qui ne se trouve pas dans l’Écriture doit être supprimé, Martin Luther place la Bible comme autorité suprême, seule garante de la foi chrétienne. C’est en se fondant sur cette sola scriptura que les réforma-teurs récusent le purgatoire, le culte des intercesseurs et l’autorité du Pape. « De toutes telles fariboles, écrit Calvin dans son Institution de la religion chrétienne, on n’en trouvera point une seule syllabe dans l’Écriture. »

Dans le même temps, la proclamation par Luther du sacerdoce universel, c’est-à-dire la fin de la distinction entre clercs et laïcs, révolutionne l’organisation de l’Église. Tous les croyants appartiennent à l’État ecclésiastique et chaque chré-tien est désormais tenu de pouvoir lire la Bible lui-même.

« L’idée des réformateurs a été de dépas-ser les exégèses savantes afin de revenir aux Écritures, explique l’historienne

et théologienne Liliane Crété. Ils ont également souhaité se servir de la Bible afin d’instruire et d’édifier le peuple. Cal-vin notamment avait une vraie volonté d’éduquer la population pour qu’elle puisse lire la Bible. Les femmes, par exemple, devaient apprendre à lire afin de pouvoir enseigner à leur tour la lecture aux enfants et aux domestiques. »

Le rapport personnel à la lecture est donc inscrit dans les gènes du protes-tantisme. Mais qu’en est-il aujourd’hui, près de cinq cents ans après la publica-tion des 95 thèses de Luther ? Un son-dage de l’IFOP de mai 2010 indique que seulement 17 % des luthéro-réformés déclarent lire la Bible à domicile « au moins une fois par semaine ». En paral-lèle, 74 % de ceux qui se définissent comme évangéliques affirment le faire. Pour la nouvelle Église protestante unie, le défi est de taille.

« C’est un problème qui n’est pas nou-veau dans notre Église et ce sondage n’a fait que révéler une évolution lente,

Écritures passe également par le fait de promouvoir d’autres formes de lec-ture, notamment autour de la notion de « partage biblique ».

Depuis peu, l’Église unie soutient la mise en place de « groupes de maisons », qui ne nécessitent pas de connaissan-ces théologiques poussées. Chaque semaine, plusieurs personnes se réu-nissent chez l’un ou l’autre des partici-pants afin d’échanger sur la façon dont les textes bibliques résonnent dans la vie de chacun.

Lecture partagéeDans l’Église unie, et toujours dans l’op-

tique de donner des clefs de lecture pour lire et comprendre la Bible, l’accent est également mis sur l’animation. L’équipe biblique de la Fédération protestante de France travaille dans ce sens, avec pour objectif de mettre à disposition de tous des outils théoriques et pratiques pour aider ceux qui le souhaitent à organiser des groupes de lecteurs de la Bible.

« L’animation biblique fait beaucoup de bien aux paroisses et aux fidèles, estime Laurence Belling, membre de l’équipe. L’animateur apporte des méthodes ludi-

indique le pasteur Andy Buckler, res-ponsable du pôle national de formation de l’Église unie. La réalité est parfois dif-férente de l’image que l’on peut se faire des protestants. On constate que chez nous, les formes de lecture traditionnelle, comme les études bibliques, fonctionnent de moins en moins. Elles tendent à être perçues comme une transmission de savoir et intéressent essentiellement un public cultivé, qui connaît déjà bien les Écritures. »

Gare à l’intellectualisme« Je pense que chez les luthéro-réfor-

més, il nous faut absolument “dé-savan-tiser” la Bible, ajoute Laurence Belling, chargée de mission pour la catéchèse des enfants et des jeunes dans l’Église unie et ancienne animatrice biblique à la Ligue pour la lecture de la Bible. L’exégèse est certes très importante, mais certains peuvent s’interdirent de lire la Bible car ils craignent ne pas avoir les capacités intellectuelles requises. Or, il y a différentes façons de parcourir les Écritures »

Au sein de l’Église unie, le constat est le suivant : s’il y a un réel désir de découvrir la Bible chez les luthéro-réformés, il y a paradoxalement un manque d’outils pour aborder les textes. Pour y remédier, plusieurs pistes ont été lancées. Que ce soit les guides pour enfants, la Bible en

jeux ou en manga, de nom-breux instruments existent déjà pour la jeunesse. Lau-rence Belling insiste sur la nécessité de créer mainte-nant des outils de lecture adaptés à chaque âge.

« Nous devons nous atta-cher à montrer à l’enfant que la lec-ture de la Bible est une chose agréable, résume-t-elle. Je pense que l’on lira d’autant plus la Bible seul qu’on a eu plaisir à la lire ensemble auparavant, avec ses parents par exemple. »

Destinée aux 15-25 ans, le projet ZeBi-ble, lancé en 2004 par la communauté catholique Fondacio et l’Alliance bibli-que française, et achevé en 2011, entre dans cette perspective de renouvelle-ment de la lecture biblique. Cette Bible à la fois imprimée et numérique a connu un vrai succès commercial.

« Le projet ZeBible a justement répondu d’une belle manière à cette question qui nous anime : comment présenter la Bible autrement pour aider les gens à la lire autrement ?, confie Andy Buckler. Ses concepteurs ont essayé d’imaginer un rapport différent au texte pour un public, en l’occurrence la jeunesse, qui trouve la lecture “classique” de plus en plus rébarbative. »

Encourager les protestants à lire les

ques, parfois surprenantes, mais qui mènent néanmoins à des réflexions pous-sées. » L’animatrice insiste sur la perti-nence de la lecture partagée. « Lorsque l’on lit et qu’on comprend à plusieurs un texte biblique, on démultiplie les pistes d’approche, on élargit notre horizon. »

Que ce soit les études bibliques, les groupes de maison ou les cercles de lecteurs, la lecture à plusieurs séduit de plus en plus de fidèles.« J’ai bien sûr essayé de lire la Bible seul, mais cela n’a pas été une grande réussite, admet Olivier Welti, membre du cer-cle de lecture de la paroisse de Pen-temont-Luxembourg à Paris. Au fond, j’ai besoin des autres, de la sensibilité de chacun, pour qu’ils m’éclairent sur le sens de certains textes. »

Une idée que partage Véronique Real del Sarte, paroissienne à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine. « La Bible, je l’ai toujours lue, même étu-diante, mais je dois admettre que la lecture en groupe pousse à approfon-dir la réflexion, confie-t-elle. Certains textes sont ardus, obscurs, et si l’on n’a personne à qui poser nos questions, on peut passer à côté d’éléments essentiels.

Église unie (3) : la lecture de la bible . Longtemps cette pratique est restée un trait fondamental de la manière d’être protestant. Elle doit aujourd’hui être relancée et encouragée.

La Bible à lire et relire

En marche vers l’église unie

ÉGLISE UNIE �3� : LA LECTURE DE LA BIBLE. Longtemps cette pratique est restée un trait fondamental de la manière d’être protestant. Elle doit aujourd’hui être relancée et encouragée.

La Bible à lire et relire, seul ou à plusieurs

Au grand Kiff, à Lyon, des jeunes découvrent le bonheur de lire ensemble la Bible

« Je pense que l’on lira d’autant plus la Bible seulqu’on a eu plaisirà la lire ensemble »

Page 6: Synode

7Religionsréforme No 3509 • 18 avril 2013

Discuter avec un pasteur et d’autres paroissiens du combat entre les Hébreux et Amalek, exposé dans l’Exode, m’a par exemple beaucoup apporté. Le fait de comprendre que ce récit plus que mil-lénaire aborde des questions qui tra-versent nos vies à tous, notamment la nécessité de rester vigilant face au Mal, ou l’éternel combat de la vie contre la mort, cela me donne une vraie sérénité quant à ce que je peux personnellement vivre aujourd’hui. »

« Il nous faut retrouver ce plaisir à se retrouver à plusieurs, redécou-vrir la richesse du partage,complète Agnès von Kirchbach, pasteure de la paroisse de Saint-Cloud, qui anime plusieurs groupes de lecture biblique. Cette démarche de revenir au texte, à la source, permet de remettre en question certaines idées reçues sur le christia-nisme ou de s’opposer aux instrumen-talisations, car l’Écriture résiste aux manipulations indues ».

Les temps ont changé, les modes ont passé, mais la lecture de la Bible reste au cœur de l’expérience de foi. Ces textes ont beau avoir été analysés sous toutes les coutures, de génération en généra-

tion, des millions de personnes ne ces-sent pourtant de s’y replonger chaque jour, parfois toute leur vie durant.

« Il y a certes d’autres façons de rece-voir la parole, mais à ne pas lire la Bible, j’aurais le sentiment de ne pas progresser, glisse Olivier Welti. Ne pas lire la Bible, c’est prendre le risque de ne plus écouter que des commentaires, de perdre cette relation de plain-pied avec le texte. »

« La Bible nous apporte des pistes de réflexion par rapport à notre propre vie et à nos propres questionnements, avance en écho Véronique Real del Sarte. Le fait de la lire et de la relire n’apporte pas nécessairement toutes les réponses, mais nous amène à se poser les questions autrement. »

Un immense défiMalgré l’enthousiasme et les idées, la

réflexion n’en est qu’à son commen-cement. Les membres de l’Église unie sont conscients de la montagne qui se dresse devant eux. Car tout semble lié. Ainsi, comment évangéliser lorsque la majorité de ses propres fidèles rechi-gne à lire la Bible, élément majeur de l’évangélisation ?

« Il ne faut pas se mentir, c’est là l’un des principaux défis que nous aurons à relever dans les années à venir au sein de l’Église unie, mesure, réaliste, Andy Buckler. Il va falloir aider les fidèles à renouer avec le goût de la lecture, à retrouver le chemin vers la Bible, source de la foi. »

Laurence Belling invite de son côté tous les membres de l’Église à ne pas se désintéresser de cette question, qu’elle considère comme essentielle.

« Les outils que nous mettons en place ont évidemment un rôle à jouer, mais pour donner le goût de la lecture des Écritures, le mieux serait que ceux qui éprouvent du plaisir à la lire le disent aux autres, en témoignent, qu’ils mon-trent que dans ce livre, c’est de la vie qui circule !, s’exclame-t-elle. C’est d’autant plus important pour nous, luthéro-réformés, qui sommes parfois un peu frileux sur ces questions. N’hési-tons plus à dire le bonheur que procure la lecture de la Bible ! »•

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Parmi les très nombreuses traduc-tions disponibles, comment choisir la sienne ? Des conseils pour dé-couvrir les spécificités des diffé-rentes bibles.

De nos jours, toutes les traductions sont rigoureuses, faites à partir des langues origi-nales, l’hébreu pour le Premier Testament et le grec pour le Nouveau Testament.

Les différences viennent des présupposés de traduction. Nous trouvons certaines tra-ductions qui favorisent une bonne lisibilité en français mais qui s’éloignent de l’original, et d’autres qui cherchent à se tenir au plus près de l’original mais qui sont plus difficiles à lire en français.

En allant d’une borne à l’autre, voilà une présentation des différentes traductions disponibles.

Critères de choix Parole de Vie, est une traduction en fran-

çais fondamental qui a été rédigée pour les personnes dont le français n’est pas la langue maternelle. Elle propose des phrases courtes, une grammaire simplifiée et un vocabulaire limité. C’est une bonne traduction pour les enfants. Elle est particulièrement éloquente pour une lecture orale.

La Bible en français courant, comme son nom l’indique, est une traduction accessible recommandée pour une première lecture. Cette traduction est celle de la Bible expliquée qui propose des notes qui cherchent à répon-dre aux questions que se pose un individu qui connaît mal la Bible. C’est aussi la traduction utilisée par ZeBible dont les commentaires et les illustrations s’adressent spécifiquement aux jeunes.

La Bible du semeur a été traduite sur les mêmes principes que la Bible en français courant mais par des théologiens évangéli-ques. On la trouve surtout dans ces Églises qui l’apprécient beaucoup.

La TOB (Traduction œcuménique de la Bible) est une bonne bible de travail.

Comme son nom l’indique, elle est le fruit d’une collaboration entre théologiens catho-liques, protestants et orthodoxes. La version avec notes développées est une mine de renseignements.

La NBS (Nouvelle Bible Segond) est la Bible d’étude appréciée des protestants. Elle com-porte de nombreux commentaires et index. Elle est recommandée pour les étudiants en théologie.

En plus de ces traductions, nous pouvons relever deux autres bibles typées.

La Bible Bayard est le fruit d’une collabo-ration entre des exégètes et des écrivains. Elle soigne le style littéraire tout en restant rigoureux d’un point de vue exégétique. Ce n’est pas une bible de travail mais je la recom-mande pour une lecture littéraire.

La Bible Chouraqui privilégie la fidélité au texte original. Cela donne une langue colo-rée mais qui n’est pas toujours accessible à ceux qui ne connaissent pas les langues bibliques.

Des traductions savoureuses Pour donner un exemple voici un verset du

livre de l’Exode dans les différentes traduc-tions (Ex 34.6).

Parole de Vie : Oui, je suis un Dieu de pitié et de tendresse. Je suis patient, plein d’amour et de fidélité.

Bible en français courant : Je suis un Dieu compatissant et bienveillant, patient, d’une immense et fidèle bonté.

Bible du semeur : L’Éternel, un Dieu plein de compassion et de grâce, lent à se mettre en colère, et riche en amour et en fidélité.

TOB : Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté.

NBS : Dieu compatissant et clément, lent à la colère et grand par la fidélité et la loyauté.

Bible Bayard : Yhwh dieu de grâce et de misé-ricorde ! Lent à la colère, généreux d’amour fidèle et de vérité.

Bible Chouraqui : El matriciel, graciant, long de narines, abondant en chérissement et vérité.•

antoine noUis

Église unie (3) : la lecture de la bible . Longtemps cette pratique est restée un trait fondamental de la manière d’être protestant. Elle doit aujourd’hui être relancée et encouragée.

la Bible à lire et relireÉléments et critères pour bien choisir son édition

à suivre

http://www.animationbiblique.orghttp://www.theovie.orghttp://www.lautreexperience.com

la semaine prochaine

« La jeunesse ». Quatrième volet de notre série « En marche vers l’Église unie »

En marche vers l’église unie

ÉGLISE UNIE �3� : LA LECTURE DE LA BIBLE. Longtemps cette pratique est restée un trait fondamental de la manière d’être protestant. Elle doit aujourd’hui être relancée et encouragée.

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Certaines traductions favorisent une bonne lisibilité au détriment de l’original

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Religions En marche vers l’église unie6

à l’heure de l’union entre les églises luthérienne et réfor-mée, il est clairement affiché que la jeunesse est une prio-

rité, avec notamment l’organisation d’un second rassemblement du Grand Kiff en juillet.

Pour Laurent Schlumberger, « il est sûr qu’on a un effort à faire sur la jeunesse, car proportionnellement à la population, on a assez peu de jeunes dans notre église. Ce n’est pas une nouvelle politique, plutôt un rebond par rapport au travail effectué depuis près de dix ans et qui avait abouti à un premier temps fort avec le Grand Kiff 2009 ». Cette thématique, portée par le synode d’Orléans en 2011, avait abouti à la création d’un poste d’animateur des réseaux jeunesse et au choix d’un second Grand Kiff en 2013.

Et le pasteur Marc Schaefer, l’anima-teur national désormais en poste, de compléter : « La jeunesse, c’est l’église d’aujourd’hui. Le synode d’Orléans a ouvert une autre voie à cette dynamique sur la jeunesse, celle de l’inscrire dans l’intergénérationnel. L’église ne doit pas

mettre les jeunes à part mais bien veiller à les intégrer. » Pour mieux compren-dre le lien entre les générations, Jean-Luc Crémer, animateur jeunesse pour la région Centre-Alpes-Rhône, rap-pelle l’image de la maison, utilisée au synode : « Chacun a sa chambre, mais on se retrouve ensemble dans la cuisine ou au salon. On a des temps spécifiques

qui m’ont raconté avoir frappé à notre porte avec des questions et des envies. Ils ont été bien accueillis et sont res-tés alors que leurs parents n’avaient pas forcément de connexions avec le protestantisme. »

Ce que confirme Jean-Luc Crémer, responsable jeunesse en région Cen-tre-Alpes-Rhône. Pour lui, « le fait que l’église est mis la jeunesse parmi ses priorités, c’est aussi un témoignage des adultes envers les jeunes, on leur dit : on vous prend au sérieux ». L’église unie a ainsi décidé d’investir un grand coût dans ce Grand Kiff, car le prix payé par les participants est de 40 euros, alors que le coût de revient est de plusieurs centaines d’euros. Un budget spé-cifique a été débloqué avec l’aide de fondations et de mécènes pour arri-ver à hauteur des centaines de milliers d’euros prévus.

« C’est un peu comme un investis-sement, poursuit Jean-Luc Crémer, l’église donne aux jeunes, peut être qu’un jour l’église recevra à son tour. Ceux qui auront vécu un tel événement n’oublieront jamais. » Et Marc Schaefer d’ajouter : « Il ne faut pas culpabiliser

par âge et par intérêt mais rien n’empê-che de se retrouver pour partager. »

Pour le président de l’église unie, l’ob-jectif affiché de cette nouvelle dynami-que est de « rendre vivante une expé-rience spirituelle partagée. C’est cela que l’on offre avec le Grand Kiff, un temps fort à vivre qui puisse porter des fruits en montrant aux jeunes que c’est possible de croire, avec d’autres. Nous devons les inviter à imaginer cette possibilité-là pour eux-mêmes. Tel est le cœur de l’ani-mation jeunesse : ouvrir des portes, des fenêtres, des chemins. Qu’ensuite ils trouvent leur place ou non, cela ne nous appartient pas, c’est une affaire entre Dieu et eux. Mais notre responsabilité, c’est de rendre la chose possible. »

Un grand coupC’est ce qui est arrivé à Samuel Roblin,

vingt ans aujourd’hui, qui était dans une paroisse avec peu de jeunes dans le Périgord. « En 2009, je croyais que nous allions à une réunion d’une centaine de jeunes. Je me suis retrouvé dans ce bain du Grand Kiff, avec un millier d’autres.

C’était une très bonne expé-rience de se rendre compte que nous n’étions pas tout seuls dans notre coin à être actifs et à croire en Dieu. J’ai participé à des ateliers sur l’art et le religieux, peu de gens s’y intéressent autour de moi

mais là j’ai pu rencontrer d’autres gens qui partageaient cette même curiosité », témoigne cet étudiant en arts plastiques à Toulouse qui a prévu de retourner au Grand Kiff l’été prochain.

« Notre église est interpellée par ce public, car on passe d’une église histo-rique à une église d’attestation, décrit Marc Schaefer. J’ai croisé des jeunes

si les jeunes ne continuent pas, ils se construisent par étape, et peut-être que ce sera plus facile pour eux de revenir vers ce qui les a nourris à un moment. À condition que ce lieu reste ouvert et que la distance ne se creuse pas. C’est à nous d’y veiller. »

Lumières du mondePour l’église unie, ce Grand Kiff 2013

offre aussi l’occasion de travailler le thème de « Vous êtes lumières du monde » au niveau local. C’est le choix qui a été fait pour la fête du consistoire de la Haute-Normandie, au Havre, comme l’explique Emmanuel Rouanet, pasteur-proposant. « Pour le rassemble-ment du consistoire, le 2 juin, le thème choisi est le même que celui du Grand Kiff : “Vous êtes lumières du monde”. C’est l’occasion de réunir les jeunes et les moins jeunes pour une fête intergénéra-tionnelle. Les jeunes du Havre, de Rouen et des paroisses aux alentours se rencon-treront ainsi avant le Grand Kiff. On les a invités la veille pour qu’ils fassent plus ample connaissance. »

L’idée de reprendre le même thème est pertinente mais encore faut-il travailler

église unie (4) : la jeunesse. Depuis plusieurs années, la question des jeunes devient une priorité. Un animateur national a été nommé et un grand rassemblement est en préparation pour cet été.

Accueillir les jeunes, un défi po ur l’église

réforme No 3510 • 25 avril 2013

Le Grand Kiff 2009

« Le Grand Kiff, un temps fort à vivre qui montre aux jeunes que c’est possible de croire, avec d’autres »

Pour ce Grand Kiff 2013, plus de 1 500 jeunes de l’Église protestante unie de France entre 15 et 25 ans sont attendus du 26 au 30 juillet à Grenoble autour du thème : « Vous êtes lumiè-res du monde ». Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 31 mai au prix de 40 euros. Au-delà de cette date, il passe à 60 euros et sans garantie de place. Le rassemblement aura une dimen-sion artistique, festive et spirituelle. Au programme de ces cinq jours : soirée d’ouverture le 26 juillet, spectacle de Sketch Up le 27 juillet, Festival des créations le 28 juillet, soirée musicale le 29 juillet avec un DJ anglais et des artistes en lien avec l’Église comme Matt Marvane, pasteur chanteur dont Réforme par-

lera bientôt. Des animations bibliques tous les matins à 9 h 30 et un culte autrement (chant, lecture, témoignage, méditation biblique). Les après-midi : un grand jeu être témoin, le village des solidarités, le Festival des créations.Le spectacle Sortie de crise sera joué pour la première fois au Grand Kiff. Les textes ont été écrits par des jeunes protestants, encadrés par Olivier Arnera de Sketch Up. Il sera ensuite présenté à « Protestants en fête », et enfin aux Églises locales. Le casting pour les jeunes aura lieu les 3 et 4 juin à Paris et les 7 et 8 juin à Marseille. L. S.

Toutes les informations : http://legrandkiff.org/ ¿

le grand Kiff, quelques informations pratiques

Page 8: Synode

7ReligionsEn marche vers l’église unieréforme No 3510 • 25 avril 2013

sur cette rencontre intergénérationnelle. Car ce n’est pas tout de mettre ensemble des gens en se disant qu’ils vont se par-ler, se rencontrer. Comme pour la mixité entre filles et garçons, ou l’interculturel entre deux groupes de nationalités dif-férentes, la rencontre se réalise si elle est pensée et construite en amont dans les animations.

Rassemblements régionauxPour coller au plus près des préoccu-

pations de chacun, l’idéal est d’avoir des jeunes dans les équipes d’organi-sation. De plus, certaines régions ont monté des équipes de bénévoles sur la jeunesse et même parfois embauché des permanents. « La dynamique est très forte quand il y a un permanent et une équipe jeunesse », atteste Marc Schaefer.

Il existe également des outils comme le livret ou le projet éducatif de l’église unie sur ce sujet pour aider les conseils presbytéraux ou les consistoires à se saisir de cette question. Des rassem-blements régionaux sont organisés régulièrement pour maintenir la dyna-mique, par exemple à Pierrefonds pour

la région parisienne ou Cévennes-Kiff en Cévennes-Languedoc-Roussillon.

Laurent Schlumberger reconnaît que c’est tout un travail de tissage à mener, avec patience, dans la durée pour que cela donne des résultats. Mais, pour lui, le Grand Kiff reste un bon outil pour susciter de l’intérêt et des envies avant, pendant et après.

Car l’un des constats de l’édition 2009, à Lyon, fut de reconnaître l’échec de l’après-rassemblement. « En 2009, on a noté un fossé entre ce que propo-sait l’église d’un côté avec le Grand Kiff et les paroisses de l’autre côté. Les jeu-nes vivent un temps fort, et ensuite que se passe-t-il s’ils ne sont pas accueillis pour témoigner de ce qu’ils ont vécu, ou invités à s’investir dans l’église autrement que pour porter des bancs ou tenir un vestiaire ?, interroge Marc Schaefer. Dans les paroisses où on les a laissés s’investir, ils sont restés et ont pris des engagements. »

De la place aux jeunesTous les interlocuteurs restent luci-

des sur la difficulté de l’animation jeu-nesse car la rotation est importante, les individus changent tous les trois-quatre ans, il faut se renouveler sans cesse. Pourtant ce n’est pas mission impossible. « J’ai la conviction que ce n’est pas si compliqué d’intégrer les jeu-nes dans les églises, avance Laurent Schlumberger. Dans les paroisses où j’étais en poste, ils étaient invités à jouer de la musique chaque diman-che, pas uniquement pour les cultes des familles. »

La première étape pour une paroisse n’est-elle pas d’accepter de faire un peu de place à ces jeunes, quitte à devoir faire autrement, à être bousculé par de nouvelles idées ?

Marc Schaefer est convaincu que les paroissiens plus âgés ont des choses à vivre avec les jeunes, qu’il faut d’abord oser leur donner la parole. « La foi et l’écriture les questionnent, ils ont des cho-ses à dire dans cette relecture, par rapport à leur vécu. Bien loin des préjugés que l’on peut avoir sur eux, ils ne partent pas en courant face à l’écriture. S’ils sont là, c’est qu’ils ont envie de partager. » Pour preuve, le succès au dernier Grand Kiff des études bibliques du matin. Cette année, les organisateurs ont décidé de les mettre en ligne, pour en faire un outil à destination des paroisses.

Certains jeunes s’engagent même au point de devenir ministre du culte. Jean-Luc Crémer témoigne que sa pro-pre vocation est sans doute née grâce à des pasteurs qui lui ont fait de la place et qui l’ont écouté.•

LauRe SaLamon

engagés depuis 2007 dans une re-fondation identitaire, les éclaireu-ses et éclaireurs unionistes de france (eeUdf) revendiquent leur attachement à l’église unie.

Pendant longtemps, la dimension reli-gieuse des éclaireuses et éclaireurs unio-nistes de France (EEUdF) a été sinon taboue, du moins discrète. Le mouvement, qui se voulait d’« inspiration chrétienne et d’ori-gine protestante » semblait mal à l’aise avec son identité. L’arrivée, en 2007, de Marion Veziant-Rolland à la présidence a permis de remettre en lumière les fondamentaux spirituels du mouvement. « Dans notre rap-port d’orientation 2008-2020, nous rappe-lons clairement que nous sommes un mouve-ment protestant de scoutisme ouvert à tous, sans distinction d’appartenance religieuse, assure Marion Veziant-Rolland. Si ce travail de résurgence de l’identité en interne a fait grincer des dents, il a permis de revitaliser le lien entre les éclaireurs unionistes et l’église protestante. » À l’occasion du centenaire du scoutisme en 2007, elle avait d’ailleurs interpellé les responsables religieux en leur lançant : « On a les mouvements de jeunesse que l’on mérite ! »

Un partenariat institutionnel renforcé pour les uns, clarifié pour les autres. À l’instar de Laurent Schlumberger, président du Conseil national de l’église protestante unie de France : « Cette question est récurrente dans l’histoire des Unionistes, mouvement à la fois laïc et confessant. Les liens avec eux sont forts, mais il n’existe aucune dépendance. Nos rela-tions sont les mêmes qu’avec La Cimade, les Baladins ou les Unions chrétiennes de jeu-nes gens. Notre conviction est que le protes-tantisme ne se résume pas aux paroisses et va même au-delà de l’église unie. On n’en connaît jamais les limites et les frontières. Les mouvements de jeunesse sont une richesse et cette relation se travaille. »

Elsa Bouneau, l’actuelle présidente du mouve-ment, confirme que la diversité de propositions pour les jeunes dans les églises est une chance. Et rappelle que si les Unionistes ne sont pas au

service de l’église unie dans une mission évan-gélisatrice ou prosélyte, ils ont la même ambi-tion : celle de la rencontre. « En proposant la rencontre avec Jésus-Christ dans le cadre de nos animations, nous permettons à des enfants qui n’ont pas fait l’expérience de la foi de peut-être la faire auprès des EEUdF. Ces moments spirituels sont fondés sur des textes bibliques qui offrent à chacun la possibilité de s’interroger, d’échanger, de témoigner de ses convictions tout en respec-tant celles des autres. »

un équilibre à maintenir Pour la responsable, la question de la concur-

rence entre les différents mouvements de jeunesse de l’église unie ne se pose pas. « La proposition pédagogique en elle-même n’est pas concurrentielle. Nous ne faisons pas du sous-catéchisme. Nous proposons des anima-tions autour de la Bible. Un enfant peut trou-ver des choses dans le scoutisme ou/et dans le catéchisme. C’est à l’église et aux Unionistes de s’accorder sur la manière de faire leurs propositions. »

Mais peut-on maintenir l’équilibre entre indépendance pédagogique et partena-riat actif quand les 110 groupes locaux sont accueillis gratuitement dans des paroisses protestantes ? Sans aucun doute pour Adrien Chaboche, secrétaire général des EEUdF. « Nous ne sommes pas la proposition jeune de l’église. Certes, nous occupons ses locaux, mais nos acti-vités spirituelles s’adressent à des jeunes qui ne seraient pas venus dans les activités paroissia-les. En effet, la moitié de nos membres n’ont pas de lien avec l’église protestante. La plupart du temps, la bonne gestion du calendrier permet aux jeunes de participer aux deux activités, les nôtres et celles de la paroisse. Plus il y a de propositions jeunesse, plus la paroisse est vivante. »

Pour Elsa Bonneau, il est crucial de maintenir un dialogue permanent entre les responsables unionistes, les pasteurs et les équipes du conseil presbytéral afin de permettre aux enfants d’avoir un panel de propositions complémentaires. « Nous appelons nos responsables à être dans une démarche de collaboration avec la paroisse qui nous accueille. Nous les formons d’ailleurs en ce sens. »•

fanny bijaoui

église unie (4) : la jeunesse. Depuis plusieurs années, la question des jeunes devient une priorité. Un animateur national a été nommé et un grand rassemblement est en préparation pour cet été.

accueillir les jeunes, un défi po ur l’égliseUn scoutisme revitalisé et animé

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Des éclaireurs à l’assemblée du Désert en 2012

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6 Religions En marche vers l’église unie réforme No 3511 • 2 mai 2013

Tout deux trentenaires, Marie et son futur époux Pierre ont d’abord connu le catholicisme avant de s’orienter progres-

sivement vers l’Église protestante. Pourtant, aucun n’est attiré par le culte traditionnel, « trop éloigné au niveau de la forme pour notre âge et notre façon de vivre ». Sur les conseils de Georges Fauché, pasteur à Vergèze, dans le Gard, ils ont pris part au culte participatif, organisé chaque vendredi pair, à 19 h. Cette formule reprend les éléments fondamentaux de la liturgie réformée de manière plus participative.

Mis en place à la fin du parcours Alpha, qui propose à chacun de découvrir les bases de la foi autour d’un repas, le culte participatif pérennise, depuis un an, l’accompagnement des fidèles. « Nous avons reçu tellement de bénédictions, se souvient la pasteure Françoise Delan-noy, qui co-anime ce rendez vous, il fal-lait proposer une formule qui intéresse les anciens membres du parcours et qui s’adresse aussi aux personnes extérieu-res. » Ainsi, comme les futurs mariés, ils

sont plus d’une vingtaine à se retrouver pour ce temps de partage. « Je ne rate jamais ce rendez-vous, c’est un vrai lieu de rencontre, confie Christine, soixante ans, longtemps conseillère presbyté-rale. Il fallait que mon engagement très ancré dans l’Église le soit aussi dans la cité. C’est ce que je retrouve ici en ren-contrant des personnes qui ne viennent pas du sérail historique protestant. » Au sein de cette assemblée, les paroissiens

générations. Aujourd’hui, pour ce culte événementiel, il valorise le langage cor-porel « longtemps délaissé au profit de l’intellect » et sollicite la participation de l’assemblée. Très loin de vouloir faire du sensationnalisme, Daniel Schrumpf décrit ce moment comme « un concert de jazz improvisé où chacun se sent soulevé » en parvenant à donner corps à l’Évan-gile. Cet investissement personnel, il le demande aussi aux intervenants (groupe de catéchumènes, école biblique, caté-chètes, ACAT) qui participent avec lui à l’élaboration de ce culte particulier. Cette préparation collective représente déjà une façon de transmettre la foi et l’humilité qui l’animent.

Dans nos temples souvent désertés par les jeunes adultes, il suffit parfois de choisir un autre créneau horaire pour inverser la tendance. C’est effectivement le cas dans la paroisse de Pentemont-Luxembourg, où les pasteurs Simon Wiblé et Jean-Paul Morley préparent, depuis quatre ans, un culte supplémen-taire le dimanche à 18 h 30, suivi d’un repas. Ce dernier intéresse particulière-ment les étudiants et jeunes actifs pour qui le dimanche matin est synonyme de

sont particulièrement acteurs du culte. Accompagnés de musiciens, ils choisis-sent et chantent les louanges qui inau-gurent chaque rassemblement et après la liturgie et la prédication, ils échangent points de vue et questions.

Afin de faciliter ces échanges, le lieu de culte est choisi à taille humaine. Au fil des arrivées, les rangs se resserrent et les liens fraternels se tissent très vite. La communauté veille également à réser-ver une place aux jeunes et aux plus petits et ces derniers sont accueillis dans un espace de jeux aménagé au centre de la salle. Une attention qui séduit le jeune couple, également parents d’une petite fille de cinq mois : « On appré-hendait un peu de l’emmener mais on voit que les enfants sont les bienvenus. » Chacun est ensuite libre de prolonger cet échange intergénérationnel par un repas convivial.

Une dynamique particulièrement appréciée par le prédicateur laïc Nello Chauvetière : « Un culte joyeux, c’est un culte où il se passe quelque chose. J’aime que ça se termine par un repas car il ne

faut jamais oublier que Jésus a fait la cène au cours d’un repas et non au cours d’un culte. »Oser des expériences d’écou-tes originales, c’est la démar-che « Écoute, Dieu nous parle » engagée en 2011 et

qui accompagne la constitution de l’Église unie. Pour parler au plus grand nombre, certains pasteurs organisent, une fois par mois, un culte moins tra-ditionnel. C’est ce que propose Daniel Schrumpf, pasteur depuis six mois à Sèvre-Meudon. Longtemps responsable d’une Église de dissémination au cœur de la Savoie, il organisait, chaque mois, avec sa paroisse, un dimanche entier de catéchèse où se retrouvaient toutes les

grasse matinée. Pourtant le prédicateur et la liturgie des deux cultes sont identi-ques, seuls apparaissent quelques ajuste-ments. Le piano est préféré à l’orgue, un vidéoprojecteur permet à tous de visua-liser les cantiques et textes bibliques en français et en anglais et, de manière plus exceptionnelle, un paroissien est invité à partager son expérience, un poème ou une illustration qui témoigne d’une approche personnelle de la foi.

« Chemin de prière »Ces « cultes alternatifs » éveillent l’at-

tention de tous les fidèles mais sont aussi une porte d’entrée plus facile d’ac-cès pour ceux qui n’ont pas l’habitude des cultes traditionnels, souligne Mary Rakotovao, pasteure et responsable du projet « culte autrement » de l’Inspec-tion luthérienne de Paris. Expérimen-tant régulièrement d’autres horaires, elle organise la cérémonie cultuelle selon un « chemin de prière ». Ce dernier invite chaque paroissien à s’associer à la liturgie en participant, selon son pro-pre choix, aux différents lieux de prière et ateliers proposés dans le temple. Les personnes qui ne sont pas attirées par

Église unie (5). À côté des cultes traditionnels, de nombreux pasteurs cherchent d’autres formes de célébrations. Nous en avons rencon tré quelques-uns.

Le culte n’est pas forcément le dim anche à 10 h 30

Un culte participatif à Vergèze, dans le Gard

« Les cultes alternatifs ne s’opposent pas aux traditionnels, ils célèbrent autrement l’Évangile »

« On a renoncé à l’ordre presque définitive-ment. » C’est de cette manière que le pasteur suisse Jean Chollet présente le culte de l’église Saint-Laurent à Lausanne. Le dimanche, de 9 h à 14 h, les paroissiens sont invités à se rendre au culte et partager le petit déjeuner et le déjeuner. Le dernier dimanche du mois, le culte change d’horaire et passe à 18 h 30. Pour intéresser ceux qui ne pratiquent plus et montrer que l’Église est ouverte à tous, les deux pasteurs font preuve d’audace. Au cœur du temple, ils n’ont pas hésité à remplacer une partie des bancs par un immense tapis rouge qui accueille de nombreux enfants. La porte du

temple reste constamment ouverte sur la cité et permet à toutes personnes et à tout moment d’entrer, rencontrer, s’informer. Détaché de sa structure traditionnelle, ce culte consacre un temps important à l’accueil fraternel. La pré-dication n’est pas réservée aux pasteurs mais laisse régulièrement des témoins (homme po-litique, homme d’affaires) venir témoigner de leur foi. Chacun peut ensuite réagir en prenant la parole. Depuis peu, l’aspect participatif de ce culte se retrouve jusque dans la prière d’inter-cession, composée uniquement de l’ensemble des intentions de prière écrites sur des Post-it durant l’office. E. F.

À lausanne, un culte différent

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7ReligionsEn marche vers l’église unieréforme No 3511 • 2 mai 2013

les célébrations traditionnelles peuvent ainsi explorer d’autres voies.

D’autres formules privilégient davantage l’accueil et le partage, c’est le parti pris du « culte-café-croissants », destiné à ouvrir tout grand la porte du temple au monde extérieur. Présent dans plusieurs villes de France, ce rendez-vous allie proximité et convivialité. À Montélimar, Pierre Blanzat, pasteur et doctorant en théologie prati-que, organise une fois par trimestre ce grand rassemblement. Au cœur du temple transformé pour l’occasion en « salon de thé », chaque personne est accueillie par une collation puis est conviée à partager ses expériences de foi autour d’une table. Ouverts et chaleureux, ces petits déjeu-ners bibliques invitent à la discussion dans un cadre convivial.

Ils accordent une place importante aux témoignages, plus accessibles qu’une prédication classique. Les curieux et les personnes invitées par les paroissiens profitent ainsi d’un culte où se mêle une très grande liberté dans la forme tout en gardant une structure assez tradition-nelle, respectant notamment des temps de prière, de louanges et de prédication. Fort de leur succès, ces cultes-café-crois-

sants sont devenus des rendez-vous mensuels dans plusieurs paroisses.

Mais célébrer autrement, c’est parfois préférer des espaces plus intimes et confidentiels. À Paris, les « miniglises » rassemblent les croyants selon des cri-tères géographique ou générationnel. Guidés dans leur approche par des pré-dicateurs laïcs, les membres de chaque groupe se réunissent autour d’un apéritif hebdomadaire et partagent des témoi-gnages, textes bibliques, louange et prière d’intercession. Selon François Danthon, assistant de paroisse au Marais, pour que ces formations perdurent, il faut, à présent, qu’elles se trouvent une vision commune et un projet collectif.

Musique et peintureEnfin, certains pasteurs en appellent

à la sensibilité artistique pour rendre grâce. Dans l’Église de Lille-Centre, le pasteur néerlandais Jan-Albert Roetman a eu l’idée de réunir les talents musicaux de ses fidèles et de les associer au culte dominical. Près d’une cinquantaine de paroissiens de tous âges s’investissent désormais dans l’un des trois ensembles, vocal, à cordes ou à flûte. Chaque diman-che, l’un d’eux accompagne le service liturgique. Sans en modifier la structure, la musique se conjugue à l’offrande, au temps de louange ou conclut la prédi-cation. Rejetant l’idée de performance, Jan-Albert Roetman souhaite « mettre en valeur les talents qui sont à l’intérieur de l’Église, sans chercher la perfection ». Selon lui, introduire la musique au cœur du culte a plusieurs effets : « Elle renforce la liturgie et permet de créer des liens, d’abord entre les musiciens puis vis-à-vis des membres de l’Église. »

L’investissement personnel et la créa-tion artistique sont également au cœur de la réflexion de Béatrice Hollard-Beau, pasteure à Paris-Montparnasse-Plai-sance. Architecte, elle s’intéresse à la corrélation entre la théologie et le sens du geste créateur. Dans certains de ses cultes, la peinture est au service de la liturgie : « La peinture est pour moi un intermédiaire mais ce qui est important c’est la parole biblique. » Elle ose, depuis peu, prêcher sur ses propres toiles – « Une démarche très intime ». Et si à travers ce geste, Béatrice Hollard-Beau souhaite avant tout que la parole soit entendue, elle invite aussi les fidèles à comprendre autrement la parole car, rappelle-t-elle, « nous sommes tous créateurs ».

D’autres formes cultuelles sont encore à explorer mais tous les pasteurs s’en-tendent sur un dernier point, ces cultes alternatifs ne s’opposent pas au culte tra-ditionnel mais sont autant d’alternatives dans la façon de célébrer l’Évangile.•

Éva FicheFeux

De plus en plus de pasteurs de l’église unie utilisent les outils numériques pour porter la bonne parole. Pari gagné.

L’image du responsable religieux derrière son pupitre déclamant sa prédication a encore de beaux jours devant elle. Mais, désormais, il faut compter avec un acteur incontour-nable : les outils numériques. Internet avec ses cohortes de blogs, de sites dédiés et les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter ont bouleversé la donne. Les courriels sont désormais entrés dans nos vies et la révolution numérique nous touche tous. Rien d’étonnant à ce que les croyants s’y mettent aussi ! Gilles Boucomont, pasteur de l’Église unie du Marais à Paris, a été l’un des premiers à comprendre l’intérêt du Web pour l’Église. « Depuis 2004, nous retransmettons tous les cultes en direct et en différé, via le site www.dumarais.fr. Nous nous adressons à nos fidèles, mais surtout à un public qui n’ira pas de lui-même pousser la porte d’une paroisse par manque d’intérêt ou gêné d’affronter les regards des fidèles. Notre credo : apporter une prédication intelligible pour des gens qui n’ont pas les codes protes-tants. Et ça marche puisque depuis 2008 la paroisse grandit de 50 % par an et la moitié des gens que je baptise sont venus par Internet. Beaucoup de jeunes nous disent qu’ils nous ont trouvés en tapant les mots clés “Église”, “Jeunes” et “Paris” ! »

Entre information et évangélisation, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement Gilles Boucomont : « Parler avec les moyens de l’épo-que aux gens de son époque, c’est ce que faisait déjà Luther qui imprimait des tracts, des bibles et prêchait en allemand. Nous faisons la même chose avec les outils technologiques ! »

Pour le pasteur, les protestants ont souvent peur d’exprimer leur foi au-delà de cercles très fermés. Une discrétion intégrée d’une façon subliminale depuis la révocation de l’édit de Nantes et qu’il est nécessaire de rompre. C’est la conviction de Marc Pernot, pasteur de l’Église unie à l’Oratoire du Louvre, qui, depuis six ans, raconte la vie de la paroisse

sur le site www.oratoiredulouvre.fr. « Nous mettons en ligne le culte tous les dimanches à l’écrit, en audio et en vidéo, mais aussi des lectures bibliques et un dictionnaire de théolo-gie. Notre objectif ? Aider les gens à avoir une lecture autonome de la Bible et nourrir leur réflexion. Certes, nous faisons de l’évangélisa-tion, mais le site n’est pas seulement une option marketing pour faire venir des gens ! »

Outre les sites Internet des paroisses, des initiatives privées suscitent l’engouement des internautes. C’est le cas du site www.pas-teurdudimanche.fr, créé par Joël Dahan il y a deux ans sur lequel huit pasteurs proposent en alternance toutes les semaines, une parole biblique via leur webcam. « L’écran change la manière d’aborder le texte et Internet redonne le sens de l’écrit. L’imprimerie a changé le rapport au texte, Internet le changera aussi ! L’Église unie gagnerait à recenser sur son site l’ensem-ble des initiatives protestantes. » Idem pour Éric Georges, pasteur à Évreux et créateur du blog miettesdetheo, pour qui l’outil Internet correspond très bien à la culture protestante. « Il permet d’écrire, de susciter les débats et de donner un témoignage personnel fort. »

Relayer la vie réelleSi le Web est un formidable relais de la parole

protestante, les pasteurs rappellent tous l’im-portance de la vie « réelle » et du partage spi-rituel dans le cadre paroissial. « Internet est un outil important, assure Gilles Boucomont. Mais un site doit être à l’image d’une commu-nauté et le reflet d’un vécu dans la vie réelle. S’il s’agit seulement d’une vitrine artificielle, cela n’a aucun intérêt. Le risque, c’est d’attirer les gens via un site grandiose, et qu’une fois dans la paroisse ils soient déçus. On appelle d’ailleurs cela l’effet JMJ ! » Des convictions partagées par Roland Poupin, pasteur de l’Église unie de Poitiers qui a créé son premier blog en 2005 (rolpoup.blogspot.fr). « Certes, ces outils sont incontournables aujourd’hui, mais faire Église, c’est d’abord de personne à personne. Rien ne remplace l’échange et la communauté vivante ! » CQFD.•

Fanny Bijaoui

Église unie (5). À côté des cultes traditionnels, de nombreux pasteurs cherchent d’autres formes de célébrations. Nous en avons rencon tré quelques-uns.

Le culte n’est pas forcément le dim anche à 10 h 30Des connexions protestantes qui se portent bien

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Sur le site de l’oratoire du Louvre

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6 Religions réforme No 3512 • 9 mai 2013

Pour Fred-Éric Vinglassalom, trente ans, paroissien de l’Église unie de Pantin en région pari-sienne, « être protestant est un

vrai bonheur, cela devrait se savoir ». C’est pourquoi il a suivi une journée de formation au témoignage fin avril, ani-mée par le pasteur en retraite Christian Tanon. Il en est ressorti avec une plus grande confiance et « des arguments ». Ainsi, quand des collègues de travail musulmans l’ont interrogé sur la Bible, la Trinité ou Marie, il a su répondre avec aplomb.

Selon Pierre Blanzat, pasteur à Monté-limar et doctorant sur le sujet de l’évan-gélisation, « si l’Évangile est perçu comme un message libérateur et la rencontre du Christ dans la foi comme décisive au plan existentiel… pourquoi ne pas la partager et l’annoncer ? ». De plus en plus de luthéro-réformés se mettent à parler publique-ment de leur foi. Pour les y encourager, Christian Tanon prend un exemple tout simple : « Imaginez que, ce matin, vous ayez été touché par un magnifique lever de soleil sur un lac. Vous allez en parler à

vos amis, leur dire où cela a eu lieu et leur proposer de venir partager ce moment-là avec vous demain. On ose le faire pour un lever de soleil, alors pourquoi pas pour la foi ? Il suffit de dire : “Cela m’a touché, viens et vois.” »

Pourtant rien de cela n’est naturel ni spontané chez un luthéro-réformé, comme l’explique Guillaume de Clermont, pasteur à Orléans et coordi-nateur de la démarche « Écoute, Dieu nous parle », qui met l’accent sur le témoignage personnel. « Nous avons une sorte de pudeur très ancienne lié à

avons ouvert le temple, et nous avons vécu une expérience énorme : des gens en recherche venaient à nous avec des questions ! » L’année suivante, en 2012, ils se sont joints aux équipes mission-naires dans l’Est (voir ci-contre). « On avait envie de partager l’Évangile avec des gens en dehors de l’Église sans faire du rentre-dedans », témoigne Élise Deu-ker, vingt-trois ans. Si elle n’a jamais été à l’aise avec la distribution de tracts, elle

“l’effet minorité”. Nous pensions que pour vivre heureux, il fallait vivre caché. Ainsi, la foi a rejoint l’ordre de l’intime qu’on ne partage pas sur la place publique. » Et puis certains avaient peur d’être assi-milés aux évangéliques…

DécomplexéMais ces réticences sont aujourd’hui

moins prononcées. Pierre Blanzat expli-que : « La sociologie des Églises locales a profondément évolué depuis quarante ans : aujourd’hui le renouvellement des membres se fait moins par transmission généalogique qu’au travers de parcours spirituels singuliers, qui amènent des per-sonnes à se retrouver dans le message et les valeurs du protestantisme. Ces personnes, de plus en plus nombreuses et impliquées, sont souvent moins marquées par la légen-daire “pudeur protestante”, et contribuent à développer cette vision de la mission de l’Église plus “décomplexée”. »

Guillaume de Clermont témoigne d’une créativité inventive : flash-mobs, expositions, marchés de Noël, fête de la musique, etc. Autant de moments et de

lieux où le croyant va sur la place publique pour rendre témoignage à Jésus-Christ. Pour Christian Tanon, l’enjeu est de taille : « Les personnes qui sont en recherche peuvent aller chez les bouddhistes, dans une secte, ou bien… chez nous.

Mais sommes-nous capables d’accueillir ces gens qui s’interrogent et de leur donner une nourriture qui saura les convaincre ? »

Les étudiants en théologie qui ont par-ticipé à l’expérience « ERF on Tour » en 2011 et 2012 ont voulu relever le défi. L’idée, à l’origine, était de proposer des activités aux paroisses désertées l’été, telles que des contes bibliques, des conférences, des projections de films, etc. « Nous étions en Vendée, il y avait du passage touristique, raconte l’un des participants, Benjamin Boriès. Comme nous étions à côté d’un marché, nous

a vraiment apprécié la distribution d’un café gratuit et un temps de discussion libre avec les personnes rencontrées. Pascale Renaud-Grobars, quarante ans, également. Elle a constaté que, abor-dés par un café gratuit, « les gens parlent beaucoup. Il faut les écouter, c’est une question d’hospitalité. On n’arrive pas avec les questions et les réponses, mais quand on prend juste le risque d’entrer en contact, c’est passionnant ! ».

Église unie (6) : l’ ÉvangÉlisation. La légendaire pudeur protestante a fait place ces dernières années à une nouvelle hardiesse pour rendre témoignage à Jésus-Christ auprès de son entourage.

Parler de sa foi en public ne fait plus peur

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En marche vers l’église unie

Jeu de rôles à l’église de la Rencontre, à Paris : un grand-père explique à son petit-fils la Résurrection

« Si l’Évangile est perçu comme un message libérateur, pourquoi ne pas l’annoncer ? »

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7Religionsréforme No 3512 • 9 mai 2013

Guillaume de Clermont confirme, lui qui a participé à plusieurs événements : l’anniversaire des 500 ans de Calvin en 2009 avec des concerts, des colloques et l’inauguration d’une statue ; un flash-mob coorganisé avec les catholiques et les orthodoxes à Pâques 2011 ; une expo-sition biblique l’année dernière dans un grand lieu culturel laïc d’Orléans, qui a réuni 7 000 visiteurs. « À travers ces événements, j’ai fait des rencontres avec des gens qui sont hors de l’Église », se félicite le pasteur.

Avant de chercher à toucher des gens sur le seuil de la foi, Jan-Albert Roet-man, pasteur à Lille, insiste pour que les personnes faisant déjà partie de la paroisse soient d’abord valorisées, car alors cette dernière sera vivante et donc naturellement attractive. « Il y a beau-coup de potentiel dans nos Églises loca-les qu’on n’exploite pas », regrette-t-il. C’est pourquoi, selon lui, « le B.A.BA de l’évangélisation est… un grand travail de visite ». À Lille a été montée une cho-rale, qui chantera une cantate de Bach en partenariat avec une consœur des Pays-Bas pour l’inauguration de la nou-velle appellation « Église protestante

unie de Lille » mi-juin. « Comme nous vivons de bons moments ensemble, cela nous donne envie d’inviter d’autres per-sonnes. Donc, oui, il y a des nouveaux, mais ce n’est pas l’objectif. Le souffle de vie qui nous fait chanter est aussi celui qui nous pousse vers l’autre, vers un but ultime : la reconnaisance. Ainsi, l’évan-gélisation se fait au quotidien. »

Une rencontre à troisLes luthéro-réformés ne font pas de

démarchage commercial selon une stra-tégie bien huilée. Selon Christian Tanon, « il ne s’agit pas d’un débat qui chercherait à convertir l’autre. On dit quelque chose de personnel et on espère que l’autre sera touché par la Parole de Dieu, par l’Esprit saint... ». Pour Guillaume de Clermont, « nous ne sommes pas comptables de notre succès. Il y a de la place pour un tiers – Dieu – et pour la grâce. Ce n’est pas nous qui convertissons notre prochain, et la rencontre se passe à trois ».

Autre différence avec les évangéliques, il n’est pas question de grands rassem-blements comme ceux de Billy Gra-ham (quoique les événements comme « Protestants en fête » ou l’Assemblée du Désert, qui réunissent plusieurs milliers de fidèles, fassent masse). Les initiatives se vivent à échelle humaine pour faciliter la rencontre interpersonnelle. À ce titre, il faut noter les groupes de maison qui se développent un peu partout. À Marseille notamment, le pasteur Frédéric Keller en anime huit, regroupant 80 personnes. « Cela permet d’atteindre des gens qui n’iraient pas au temple mais qui ont un intérêt pour la lecture de la Bible. »

Pierre Blanzat cite d’autres initiatives comme les Thomas Messe, les cultes café-croissants, les cultes artistiques ou participatifs, les manifestations comme « Voyage au pays de la foi », ou les iti-néraires spirituels. Mais le pasteur pré-vient : « Toutes ces initiatives me semblent prometteuses à condition que l’on n’en fasse pas de purs outils dans une stra-tégie marketing. Je suis convaincu que, parmi les moteurs privilégiés de l’évan-gélisation, les plus puissants sont aussi ceux qui ne peuvent pas rentrer dans un plan stratégique : la joie, la sincérité, le naturel… Ainsi, tout ce qui dans la vie de l’Église contribuera à construire ces qualités d’être participera grandement à l’évangélisation. »•

MaRie LefebvRe-biLLiez

À lire ¿ : Oser - Pour une dynamique d’évangélisation dans les Églises luthéro-réformées, Christian Tanon, autoédition, 2009.

retrouvez ¿ une interview de Pierre Blanzat sur reforme.net

Dans le Nord-est, deux pasteurs missionnaires de la nouvelle égli-se protestante unie (ePUdf) rem-plissent un rôle d’évangélisation, une pratique peu commune dans la culture luthéro-réformée.

Nommer des pasteurs missionnaires pour évangéliser des territoires fragilisés ? Le concept a de quoi surprendre dans la culture luthéro-réformée. Mais avec 5 600 familles réparties dans une vingtaine de paroisses très rurales en Lorraine, Franche-Comté et Cham-pagne-Ardenne, le culte réformé apparaît en perte de vitesse dans ces secteurs frappés par l’exode rural. Du coup l’Église réformée de France désormais intégrée à l’Église pro-testante unie (EPUdF) a relevé le défi il y a trois ans en créant deux équipes pastorales missionnaires. L’une à Chaumont qui couvre le sud de la Haute-Marne, l’autre à Toul qui englobe la Meurthe-et-Moselle et le nord de la Meuse. Pour ce faire, elle a bénéficié d’un financement pluriannuel de la discrète Fon-dation en faveur des institutions protestantes européennes basée à Genève.

Trouver les ministres du culte motivés pas le projet n’a pas été chose aisée. Aujourd’hui, sur les quatre postes prévus (deux à Chaumont, deux à Toul), seule la moitié a été pourvue. Le pasteur Éric Perrier est arrivé en 2009 à Chaumont, tandis que Patrice Fondja, un pas-teur camerounais, s’est installé en 2010 à Toul. Pourtant l’originalité de la démarche mérite qu’on s’y arrête.

La carte de l’innovationLa petite communauté réformée de Chau-

mont sud Haute-Marne a accepté de jouer la carte de l’innovation : « Notre préfecture de 23 000 habitants survit grâce à l’admi-nistration. Cela créé beaucoup de passage. Mais du coup la communauté a du mal à se renouveler. Entre dix et vingt personnes fré-quentent régulièrement les cultes, un chiffre qui grimpe à cinquante pour les moments plus exceptionnels. Et notre poste pastoral n’a été occupé que six ans au total sur les vingt-cinq dernières années », témoigne Martine Sengel, présidente du conseil presbytéral. Si les 18 000 habitants de Toul bénéficient de la proximité de Nancy, le contexte économique n’est guère plus florissant.

Doté d’une solide expérience dans des Égli-ses disséminées, Éric Perrier a impulsé une dynamique notamment en revisitant l’ini-tiative d’une Église évangélique : des cultes mensuels « café-croissants » : « Nous cherchons à être pertinents pour un public qui ne connaît rien à la foi chrétienne », résume-t-il. Pas de longues prédications donc, mais le témoi-gnage d’un invité sur la manière dont la foi a transformé sa vie. Pas d’alignement de chaises non plus, mais des tablées invitées à réfléchir sur un thème. Pas de « Notre Père », mais un temps de prière libre et plusieurs chants de louange.

Emblématique des équipes missionnai-res de Chaumont et Toul, cette initiative ne

constitue cependant qu’une étape dans une véritable stratégie d’évangélisation. «L’idée est de conduire des personnes en recherche à s’engager dans une communauté. C’est un long cheminement. Aussi devons-nous veiller à accompagner les personnes à chaque étape », analyse le pasteur missionnaire. Pre-mier niveau, des conférences ou encore des concerts sur des thématiques proches des préoccupations chrétiennes, mais aussi le témoignage des croyants sur la foi dans leur vie quotidienne. Deuxième niveau, les fameux cultes café-croissants. Troisième niveau, un parcours « Alpha » de dix rencontres et un week-end pour les personnes souhaitant découvrir les bases de la foi. À ce stade, les personnes peuvent également participer à des « rencontres de maison », un partage autour de la Bible organisé à domicile. Enfin, Éric Perrier a mis en place un quatrième niveau d’approfondissement début 2013 : des cultes participatifs mensuels, sans liturgie : « L’idée n’est pas d’écouter quelque chose, mais d’ap-prendre à se présenter ensemble devant Dieu », détaille Éric Perrier.

David Stéri, dix-sept ans, figurait parmi les jeunes qui ont accompagné en musique le dernier culte participatif. Ce lycéen né dans une famille catholique non pratiquante est venu assister il y a trois ans avec sa maman à une conférence du pasteur à son retour d’Haïti. Invité à cette occasion à participer à un culte café-croissants, il a pris goût à ces rendez-vous conviviaux. « J’ai voulu approfon-dir le truc », résume-t-il pudiquement. « Peu à peu j’ai aussi sympathisé avec Étienne, un des fils des Perrier. Un été, je suis parti quinze jours pour la montagne avec eux. Cela m’a permis d’échanger et d’obtenir des réponses à mes questions. Cet été-là, j’ai également parti-cipé à un stage musique et louange. Pour moi, l’engagement chrétien est une occasion de sortir du quotidien, de me retrouver, de m’apaiser », témoigne-t-il.

Sont-ils nombreux comme David à avoir rejoint les chemins de la foi grâce aux équipes missionnaires ? On compterait une quinzaine de nouvelles « recrues » au total à Chaumont et à Toul. « Le développement n’est pas spec-taculaire, cependant la communauté locale n’est plus en situation de désespérance, elle a un projet qui donne du sens. Une principe au cœur de l’Évangile », pointe Éric Perrier. Petit à petit, cette communauté va devoir s’appro-prier cette nouvelle dynamique pour conti-nuer à alimenter la flamme sans l’aide de la mission. Car face à l’importance de l’enjeu, les deux pasteurs travaillent également à l’échelle des trois régions : Lorraine, Franche-Comté et Bourgogne à partir de juin. Par exemple, à Besançon, ils ont récemment formé des chré-tiens à témoigner de leur foi.•

PhiLiPPe bohLingeR

coRResPondance d’aLsace-MoseLLe

Contacts : ¿ équipe missionnaire à Chaumont [email protected] équipe missionnaire à Toul www.facebook.com/TPToul

Église unie (6) : l’ ÉvangÉlisation. La légendaire pudeur protestante a fait place ces dernières années à une nouvelle hardiesse pour rendre témoignage à Jésus-Christ auprès de son entourage.

Parler de sa foi en public ne fait plus peurPasteur en mission d’évangélisation dans l’Est

En marche vers l’église unie

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Samedi 11 mai, après le service inaugural de l’Église protes-tante unie de France au Grand temple de Lyon, Didier Sicard,

ancien président du comité national consultatif d’éthique et coordinateur d’un récent rapport sur la fin de vie, est ému. « Cette matinée met fin à un étrange mystère. Depuis cinq cents ans, les protestants vivaient leur séparation avec un mélange de certitude et d’an-goisse. Là, on a le sentiment qu’un vivre ensemble porteur d’espérance est en train de naître. Je suis fier d’appartenir à l’Église protestante unie de France parce qu’elle est ouverture sur le monde. » Dans quelques heures, il animera une confé-rence avec René Schaerer, l’un des pré-curseurs des soins palliatifs en France, et fondateur du mouvement « Jusqu’à la mort, accompagner la vie » (Jalmav), pour témoigner de l’articulation de sa foi dans sa vie professionnelle.

En ce samedi 11 mai, l’EPUdF a choisi d’interrompre les travaux des délégués de son synode pour une journée inau-gurale festive, qui a réuni un millier de personnes dans le centre de Lyon. La veille au soir déjà, deux moments de rencontres et de recueillement ont marqué les premiers pas de la nouvelle Église. Lors d’une veillée œcuménique qui a duré toute la nuit (voir page 6), la pasteure Agnes von Kirchbach a versé de l’eau dans une bassine. La première cruche versée représentait l’eau du bap-tême, puis deux autres symbolisaient les familles luthérienne et réformée. En fin de compte, il restait une eau claire, lim-pide, sans possibilité de distinguer les deux confessions, et qui pourtant sont bien présentes. Une illustration qui a

beaucoup parlé à Jean-Luc Eschemann, laïc, luthérien du pays de Montbéliard, délégué au synode. « Nous ne sommes pas une union d’Églises mais une Église unie, résume-t-il fièrement. Nous for-mons désormais un fleuve unique. »

Lors de son allocution à la chambre de commerce et d’industrie, où les synodaux ont été reçus par le maire de Lyon Gérard Collomb, vendredi 10 mai, le modérateur du synode, Gilles Pivot, avait déjà parlé d’un « synode des confluents », en référence au Rhône et à la Saône qui se rejoignent à Lyon. Une déléguée fait remarquer que le Rhône

Jean Baubérot. Gérard Collomb a qua-lifié ce synode « d’événement historique majeur » ayant « une portée symbolique puissante pour notre pays » car, a-t-il dit aux protestants, « vous avez choisi de faire de la diversité une richesse ». Il a notamment salué une « culture du dia-logue essentielle face à la tentation du repli » et des « réflexes identitaires » en période de crise économique.

Un message qui résonnait également le lendemain dans le discours du minis-tre de l’Intérieur, Manuel Valls, présent

prend sa source en Suisse réformée et la Saône dans le Doux luthérien. Ensem-ble, poursuit Gilles Pivot, « nous sommes entrainés les uns par les autres dans un courant plus fort et plus vigoureux ».

Le synode des confluentsLors de cette réception, le sénateur-

maire a fait preuve d’une très grande culture sur le protestantisme, citant tour à tour Karl Barth, Marc Boegner, Georges Cazalis, la Cimade, le Cham-bon-sur-Lignon, Théodore Monod et

au service inaugural (lire pages 2 et 3). Ancien collaborateur à la fois de Lionel Jospin et de Michel Rocard, Manuel Valls a salué « les valeurs, l’histoire et la résistance des protestants » qui, « à Lyon comme ailleurs ont contribué à écrire l’Histoire de la France et de la Répu-blique ». Il a rendu hommage à Luther et Calvin qui ont « changé le destin de l’Europe », estimant que « la Réforme est un moment historique si actuel ». Il a salué la nouvelle Église « unie et non pas uniforme » car, a-t-il dit, « le protes-tantisme, c’est le pluralisme ». Il a conclu en faisant l’éloge de la laïcité, que les protestants ont contribué à définir et qui protège chacun dans sa liberté de vivre son culte pleinement. Il n’a pas oublié non plus de saluer le Concordat, cher aux Alsaciens. Avec les 800 participants présents au service inaugural, Manuel Valls a tenu quelques minutes une bou-gie allumée pour l’occasion.

Plus tard, lors d’une conférence de presse, le sociologue Jean-Paul Willaime, a replacé l’union luthéro-réfomée dans son contexte. À l’heure où les athées et les agnostiques forment la majorité de la population française, la sécularisation oblige les Églises à afficher un message clair et visible. « Tous les groupes reli-gieux deviennent minoritaires. Voici venu le temps des minorités actives. » Au sein du protestantisme, deux pôles sont

à Lyon. Un millier de personnes et 220 délégués se sont réunis le week-end de l’Ascension, dans un ambiance festive, pour le premier synode de l’Église protestante unie de France.

Luthériens et réformés ont fêté leur union

Religions Spécial église protestante unie réforme No 3513 • 16 mai 2013

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En même temps que le premier synode de l’Église unie, la Fédération baptiste tenait son congrès à Roubaix et les Églises libres leur synode à Orléans. Ces deux Églises ont salué le rapprochement les luthériens et des réfor-més. Le congrès baptiste a voté un vœu dans lequel : « Il se réjouit de la volonté de rendre un meilleur témoignage à l’Évangile et accueille avec joie le nouveau dynamisme que cette union apporte au paysage du protestantisme français. » Le président de la commission synodale de l’Église libre a, quant à lui, salué la création de cette nouvelle Église qu’il veut accueillir avec bienveillance.

Ces deux synodes ont voté par ailleurs trois vœux en commun. Le premier concerne le sou-tien au défi Michée dans sa campagne de lutte contre la corruption en soulignant que cette pratique était un fléau qui pesait majoritaire-ment sur les populations les plus pauvres. Un vœu sur la fin de vie affirme que la loi Léonetti peut être améliorée tout en s’opposant à l’idée d’une nouvelle loi allant dans le sens de l’eutha-nasie ou de suicide assisté. Enfin, un troisième vœu commun s’élève contre l’enseignement de la loi du genre à l’école. A. N.

http://www.eglises-baptistes.fr ¿

Les voeux des autres Églises

« On s’est passé la lumière les uns aux autres, on a transmis la vie »

De gauche à droite : Wulf Oppermann, Anne Faisandier, Manuel Valls, Laurent Schlumberger, Henriette Mbatchou, Mgr Emmanuel, cardinal Barbarin, frère Alois, Gilles Pivot

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La toute nouvelle église protestante unie de France est-elle une jeune vierge attrayante ou une volumineuse matrone

nourricière ? Jacques-Noël Pérès, professeur de patristique à l’Institut protestant de théo-logie à Paris et aumônier du premier synode de ladite église, conclut sur cette question humoristique sa prédication du culte de ven-dredi, lui qui prêche tous les matins devant les 220 délégués présents. Luthérien, emprunt d’une gigantesque culture sur l’histoire de l’église, maniant aussi bien les citations des réformateurs que les versets bibliques, il n’hésite pas à faire rire à grands éclats son auditoire.

Telle a été, cinq jours durant, l’ambiance du synode et des travaux des délégués : humour, joie de vivre, et en même temps profondeur théologique des débats et des échanges. Qui pense encore que les protestants luthéro-réformés sont « coincés » et « austères » en perdrait son latin : partout des sourires, des plaisanteries, voire même des caricatures très drôles, et en même temps cette façon digne d’être joyeux et ce sérieux propices aux réflexions de fond.

Au rang des décisions officielles, on compte l’élection du Conseil national et de son pré-sident, le pasteur Laurent Schlumberger, ancien président de l’ex-ERF, ainsi que la formation d’une seule commission des ministères (CDM). Celle-ci a d’ailleurs eu fort à faire avec Jacques-Noël Pérès, qui a lancé un débat passionnant et grave sur l’accep-tion ou non du port de l’étole par certains ministres de la nouvelle église. Ce vêtement liturgique est en effet le signe du sacerdoce, que les protestants jugent universel, et donc non réservé aux pasteurs. Sur cette question précise, rendez-vous est pris en… 2017 car la nouvelle église se donne quatre ans pour harmoniser ses différentes liturgies.

Le synode a également adopté un texte sur une question d’actualité : la fin de vie. Il n’a pas voulu prendre position pour ou contre le suicide assisté, mais a donné des pistes de

réflexion sur la notion de dignité, de liberté, de responsabilité et surtout d’accompagnement (voir page 14). Par contre, il a refusé de débat-tre du mariage homosexuel, estimant qu’il fallait « marcher dans un monde qui court ». Selon Mayanga Pangu, ancien président de l’ex-commission des ministères luthérienne, « nous aimons prendre du recul. Il nous faut le temps de la maturation pour dire une parole forte, non définitive et intelligible ».

Parmi les autres débats abordés, le Défap a présenté ses difficultés en Afrique : à Mada-gascar, les relations entre politique et religion sont trop imbriquées l’une dans l’autre ; en

Centrafrique, l’église sœur connaît des pro-blèmes de malversations financières ; en Côte d’Ivoire, elle s’épiscopalise de façon inquié-tante ; enfin, au Cameroun, aucun changement n’est intervenu pour mettre fin aux dérives qui ont accompagné l’assassinat d’éric de Putter. Christian Bonnet, secrétaire général du Défap, s’est donc sérieusement interrogé sur l’avenir des relations entre l’EPUdF et ces églises.

Au rang des sujets plus légers, deux soirées festives étaient organisées. La première, jeudi 9 mai, avait vocation à remercier les anciens et les nouveaux élus des instances natio-nales. On y a vu Laurent Schlumberger en culotte courte rendre hommage à une secré-taire partant à la retraite. La deuxième soi-rée était organisée samedi 11 mai à l’espace Théodore Monod à Vaux-en-Velin, non loin d’un campement de Roms. Sous chapiteau, les délégués ont dégusté un couscous et des desserts confectionnés par les femmes maghrébines du quartier, pendant qu’un spectacle très drôle de Guignol parodiait l’union de mademoiselle Luth érienne avec monsieur Ré Formé. •

M. L.-B.

désormais bien vivants : les luthéro-ré-formés, et les évangéliques, comme l’a rappelé à la fin du service inaugural Claude Baty, président de la Fédéra-tion protestante de France : « Il y a bien des tribus dans le protestantisme, mais nous avons tous les mêmes patriarches et la même espérance. » Tous devraient se retrouver à Paris en septembre prochain pour Protestants en fête.

Mais avant cela, lors du service inau-gural du synode luthéro-réformé, la pas-teure réformée Anne Faisandier, main dans la main avec le luthérien Wulf Oppermann a remercié Dieu d’avoir « déposé en nous le désir de l’unité, effacé nos préjugés et guéri nos crispations ». Laurent Schlumberger y a pris la parole pour la première fois en tant que prési-dent de l’EPUdF. Il a rappelé qu’il s’ex-primait un samedi, jour situé entre la croix et la Résurrection, « entre l’espoir déçu et la promesse déjà à l’œuvre », entre « l’impossible des hommes et tout ce qui est possible à Dieu ». Estimant que « notre Église est un des visages de l’unique Église du Christ », il a encouragé les auditeurs à « remettre toute chose au Dieu vivant, et de s’abandonner à la confiance ». Il leur a alors donné deux rendez-vous. Tout d’abord au Grand Kiff, rassemblement des jeunes, en juillet 2013 à Grenoble. « Nous croyons que Dieu aime le monde et même qu’il le kiffe en grand. » Puis en 2017, lors de la célébration des 500 ans de la Réforme de Luther, rappelant que d’ici-là le mouvement « Protester pour Dieu, protester pour l’homme » se sera inspiré des thèses du Réformateur pour en écrire de nouvelles, actualisant avec des mots compréhensibles pour aujourd’hui la foi chrétienne.

Unité dans la diversitéPuis Olav Fykse Tveit, secrétaire géné-

ral du Conseil œcuménique des églises, s’est félicité que « pour beaucoup, loin de France, votre union donne de l’espoir. »

A son tour, Emmanuel, métropolite orthodoxe de France, et président de la conférence des églises européennes (KEK), a salué un synode qui constituait « une Pentecôte pour votre Église ». Quant au cardinal Barbarin, il a affirmé que « l’événement étonne et réveille » ; « sti-mulant », il provoque « envie et admi-ration ». Invité à s’exprimer sur la pro-chaine étape vers l’unité des chrétiens, il a pris tout le monde de court en parlant de l’hospitalité eucharistique comme d’une évolution possible, à condition que les protestants comprennent bien et respectent ce que l’eucharistie signifie pour les catholiques – la présence réelle du Christ.

Après un après-midi d’ateliers animés

à Lyon. Un millier de personnes et 220 délégués se sont réunis le week-end de l’Ascension, dans un ambiance festive, pour le premier synode de l’Église protestante unie de France.

Luthériens et réformés ont fêté leur unionpar diverses associations protestantes (voir page 6), un culte a conclu la jour-née, lors duquel la cène a déstabilisé bon nombre de réformés. Jacques-Noël Pérès, aumônier du synode, a prêché depuis la chaire, avec éloquence et humour, comparant luthériens et réformés à Judas et Siméon qui se sont unis dans le livre des Juges, les Cana-néens étant aujourd’hui spirituels et nombreux. Puis, il a utilisé une liturgie « haute église » (high church) pour la cène, proche des rites catholiques, mais très peu de participants connaissaient les répons. Dans les bus de retour au lieu du synode les discussions allaient bon train sur la difficile harmonisation des liturgies…

Mais aux yeux des participants, tout cela n’est qu’un détail. Pour Christelle Adlanmerini, prédicatrice laïque en PACA et déléguée de sa région, il s’agit d’un « synode précieux » car « nous témoi-gnons de notre diversité et de notre ouver-ture au monde ». Pour Mireille, 53 ans, à la fois salutiste et réformée, « on s’unit, mais on ne renonce pas à ce que l’on est. On a réaffirme l’unité dans la diversité de la Bible ». André, 70 ans, laïc de la région parisienne, renchérit : « Malgré tout, on est arrivé à s’écouter, à s’entendre et à se comprendre. Moi, je suis plutôt calviniste, mais les luthériens nous apportent une certaine rigueur et des rites au travers des-quels je redécouvre l’essentiel. Ils ont une autre approche de l’Évangile, tout en pro-fondeur. » Il s’extasie sur les bougies allu-mées lors du service inaugural : « C’était excellent et esthétiquement beau ! On s’est passé la lumière les uns aux autres, on a transmis la vie… »

Mais, à ce synode, il n’y avait pas que des protestants. Marc et Valentine, la cin-quantaine, membres de la communauté du Chemin Neuf, étaient présents aux festivités du samedi 11 mai. « Ce n’était pas possible de ne pas être solidaires de ce bel événement. Au Chemin Neuf, nos donnons notre vie pour l’unité des chré-tiens. Le Christ souhaite que nous soyons un pour que le monde croie. C’est notre prière quotidienne. » Ils espèrent que viendra bientôt le temps de l’hospitalité eucharistique. Nicole, 80 ans, catholique non pratiquante, quant à elle, a écouté le culte inaugural à la radio, puis est venue au Grand Temple suivre les conféren-ces. « Si toutes les Églises pouvaient s’unir comme ça… » •

Marie LefeBvre-BiLLiez

Retrouvez discours et photos ¿sur : www.synodelyon2013.fr

Retrouvez des vidéos ¿sur : www.reforme.net

déLégués synodaux. Liturgie, questions de la fin de vie, mission en Afrique : tels ont été certains des sujets abordés à Lyon.

Un synode profond et joyeux

actualitéSpécial église protestante unieréforme No 3513 • 16 mai 2013

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« Le temps de la maturationpour dire une parole forte,pas définitive mais intelligible »

vote à mains levées lors des travaux synodaux

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6 Religions Spécial église protestante unie réforme No 3513 • 16 mai 2013

veillée de Prières. À Lyon, vendredi, les participants étaient invités à une nuit de louanges et de méditations.

Des psaumes, chantés et « rappés »En écarquillant les yeux, il dit :

« Une nuit, tout une nuit de prières ? » En bon réformé qu’il est, Nicolas n’en revient pas.

Il est vrai que la proposition faite aux participants au synode de Lyon d’une nuit entière passée au Grand Temple n’était pas banale. Et pourtant, si le gros de l’assemblée s’est éparpillé à 23 h, à la fin de la première partie de la veillée, ils étaient encore une quarantaine, à l’aube... Preuve, s’il en fallait, que l’offre crée bien souvent la demande.

Tout a commencé à 21 h, par l’accueil d’une fanfare, aux bas des marches du temple, dont la façade s’est habillée de bleu. À l’intérieur, c’est d’abord le rose qui domine et habille les peintures fraî-chement rénovées du très beau Grand Temple. Plus tard dans la soirée, il pren-dra feu, revêtu d’orange... Les jeux de couleurs, à l’image du logo de la nou-velle Église protestante unie, les bougies sur la table de communion mais aussi les grands bouquets, tout a été pensé pour toucher les sens et éveiller à la méditation et à la beauté.

« Il a fallu d’abord imaginer comment le temple pouvait être transformé, com-ment on pouvait sortir de sa minéralité. C’est pourquoi je suis venue le visiter avec une amie, décoratrice d’intérieur » com-mente la pasteure Agnès von Kirchbach, chargée de l’organisation de la veillée. Le résultat est réussi, les jeux de lumière sont surprenants, inhabituels dans un

temple et les bouquets frappants par leur taille. « Nous avons été exception-nellement autorisés à aller couper des branchages dans le parc de La Tête d’or » sourit la pasteure. Sa seconde préoc-cupation : « Que veut-on ? Là, j’avais deux convictions : insister sur le passé chrétien de Lyon, et montrer des lieux de prières ». C’est pourquoi furent invités des sœurs de Pomeyrol, des diacones-

ses de Reuilly mais aussi des frères de Taizé et des membres de la communauté œcuménique du Chemin Neuf. Et qu’un hommage fut rendu à dix figures de l’his-toire de la capitale des Gaules : sainte Blandine et saint Irénée, Pierre Valdo, Claude Goudimel, Jacob Spon, Pauline Janicot, Marius Gonin, Roland de Pury, Paul Couturier, André Philip. Des noms connus et d’autres beaucoup moins, des

catholiques et des protestants, pour qui l’on a rendu grâce. Portés par ces ancê-tres « qui ont confirmé leurs frères et sœurs dans la foi, parfois au péril de leur vie », l’assemblée d’un millier de fidèles s’est laissé entraîner dans un très beau chant de la communauté de Taizé.

Tout au bout de la nuitElle a aussi écouté des psaumes, repris

selon différentes modalités : chantés par les sœurs, robes bleues (Reuilly) et robes brunes (Pomeyrol) mélangées, pour une fois face à l’assemblée ; mis en musique sous forme de rap par le pasteur Éric Galia, auteur et compositeur; réécrit par le pasteur Daniel Schrumpf, dans une tonalité elle aussi très contemporaine. Un - trop - court moment de partage permettra d’échanger trois mots avec ses voisins. Puis ce seront des chorales coréenne, malgache, camerounaise qui prendront la relève avant que les chants plus méditatifs des communautés reli-gieuses conduisent vers l’aube...

«Nous voulions ainsi témoigner de tant et tant de manières de s’enraciner dans la prière, au cœur de l’intimité de chacun, prière qui permet d’abandonner ce qui doit mourir en nous pour qu’advienne la lumière, commente Agnès von Kir-chbach. Et dire que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, Dieu n’agit pas que dans la clarté du jour. Il advient aussi dans les ténèbres...»•

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les sœurs de Pomeyrol et les diaconesses de Reuilly ont chanté ensemble le psaume 23

il est 12 h 30 et le service inaugural du premier synode de l’ÉPUdF s’achève. La foule des fidèles,

des délégués et des invités quitte tranquillement le temple. Sourires, accolades et conversations enjouées, on sent la fierté d’avoir été témoins de cette union, enfin consommée, entre luthériens et réformés. « Alors, tu n’as pas dormi ? », demande une femme d’une cinquantaine d’années à une amie. « Non, et je vais te dire, je n’en ai pas eu envie ! », lui répond cette dernière du tac au tac.

Dehors, le long des quais du Rhône, chacun s’active afin que les anima-tions puissent commencer à l’heure prévue, 14 h. Cette concentration élevée de protestants au m2 oblige un père et son fils, qui passaient par là à vélo, à patienter plus qu’ils ne l’auraient souhaité pour continuer

leur promenade. « Ah, ils font ch… ces catholiques ! », s’exclame-t-il. Non monsieur, ce ne sont pas ces catho-liques qui vous font ch… ainsi, mais des protestants, et unis qui plus est !

Sur un pont plus en aval, une vingtaine de manifestants hostiles au « mariage pour tous » s’époumo-nent. Portées par le vent, leurs pro-testations accueillent le ministre de l’Intérieur Manuel Valls à sa sortie du temple. Étroitement surveillés par les CRS, déployés en nombre pour l’occasion, ils ne pourront s’ap-procher plus de leur « cible ».

Tout au long de l’après-midi, un village composé d’une vingtaine de pagodes accueille les visiteurs, Lyon-nais en promenade ou protestants de passage. Le programme des ani-mations est varié : finance solidaire avec Oïkocrédit, information sur le

handicap à la Fondation John Bost, atelier pour enfants de découverte de la Bible avec les éditions Passi-flores... À l’intérieur de la pagode de Réforme, l’équipe de rédaction propose aux curieux de participer à une authentique conférence de rédaction. À l’autre extrémité du vil-lage, le chanteur Mister BlaiZ, avec deux choristes, enseigne le gospel à une quinzaine de luthéro-réformés de tous âges. « Mettez votre corps en rythme, ça fait du bien ! », leur assure-il avec enthousiasme. Pas sûr que Calvin aurait apprécié...

Pour nombre de protestants croisés le long des quais, ce rassemblement, à l’occasion de ce premier synode, est un « temps fort ». « Depuis le temps que luthériens et réformés s’échangent leurs pasteurs, cette union devait bien se réaliser un jour ou l’autre ! », estime

Michèle Behr, directrice des biblio-thèques à l’université catholique de Lyon. « Ce village permet de montrer la diversité des actions menées par les protestants en France », ajoute Évelyne Martin, professeur de fran-çais langue étrangère.

Un sentiment partagé par ces jeu-nes que nous croisons quelques mètres plus loin. Si l’essentiel des questions qu’on leur pose a trait au prix des gâteaux et boissons qu’ils vendent pour aider à financer leurs projets d’été – voyage en Israël pour les uns, séjour dans une écoferme en France pour les autres – ils n’en ont pas moins des idées précises sur la pertinence de cette union.

« Ce genre d’événements contribuent à faire connaître le protestantisme, une religion largement méconnue dans notre pays, indique Maëlys,

membre du groupe de jeunes du temple du Change, du 5e arrondisse-ment de Lyon. Se retrouver ici, c’est comme se retrouver en famille. On est tellement peu en France ! » « Concrè-tement, l’union en tant que telle ne va pas changer grand chose pour nous, admet Loïc, aîné dans la branche Confluence des Éclaireuses et Éclai-reurs unionistes de France. Mais il est important que ces deux traditions, qui ont beaucoup en commun, sur-montent leurs divisions pour montrer l’image d’une Église soudée. »

Peu avant 17 h, les pagodes ferment, le village aussi. Les visiteurs se ras-semblent devant le Grand Temple, rapidement bondé. Le culte synodal commence à 17 h 30 précises. Un retour aux sources pour conclure cette journée entre protestants unis.•

louis fRayssE

village. Samedi 11 mai après-midi, un village rassemblant de nombreuses organisations liées au protestantisme a proposé des animations aux passants.

un temps fort au beau milieu de lyon