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  • SYLVIA DAY

    Enlace-moi

    La série Crossfire

    Traduit de l’anglais (États-Unis)par Agathe Nabet

    Édition J’ai lu

  • Day Sylvia

    Enlace-moi

    Flammarion

    Maison d’édition : J’ai Lu

    Agathe Nabet

    © Éditions J’ai lu, 2013Dépôt légal : juillet 2013

    ISBN numérique : 978-2-290-06930-1

  • Le livre a été imprimé sous lesréférences :ISBN : 978-2-290-06981-3

    Ce document numérique a été réalisé parNord Compo

    http://www.nordcompo.fr

  • Présentation del’éditeur :Parce qu’il mesavait menacée,Gideon avaitpris des risquesinsensés. Pourme protéger, ils’était chargé dupire desfardeaux. Songeste était laplusbouleversante

  • des preuvesd’amour, mais ilnous séparaitautant qu’il nousrapprochait.Prisonniers denos secrets, nousétions plus quejamais prêts àdéfier le destinpour êtreensemble. Jepressentaistoutefois que cepassé qui nousavait déjàtellement

  • meurtrispouvait, à toutinstant, nousrattraper.

    Auteure de renomméeinternationale, classéen°1 sur les listes duNew York Times,Sylvia Day a écrit unedouzaine de romansprimés, traduits dansplus de quarantelangues. Sa sérieCrossfire s’est vendueà plus de 12 millionsd’exemplaires. Elle est

    Couverture: © EdwinTse / ©Penguingroup

  • n° 1 dans vingt pays, etses livres historiques,paranormaux ouérotiques, ont conquisun public enthousiaste.Elle a été nominéepour le prix Goodreadsdu meilleur auteur, etson œuvre a étérécompensée par leprix Amazon dans lacatégorie « Meilleureromance de l’année ».Elle a également reçule prix Romantic Timeset a été nominée à deuxreprises pour le

  • prestigieux RITAAward. Elle estprésidente de lacélèbre associationRomance Writers ofAmerica, à laquelleparticipent 10 000écrivains.

  • Du même auteuraux Éditions J’ai lu

    La série Crossfire1 – Dévoile-moi2 – Regarde-moi

  • Sommaire

    Couverture

    IdentitéCopyright

    Couverture

    Du même auteur aux Éditions J’ai lu

    Chapitre 1

    Chapitre 2

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  • Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 12

  • Chapitre 13

    Chapitre 14

    Chapitre 15

    Chapitre 16

    Chapitre 17

    Chapitre 18

    Chapitre 19

    Chapitre 20

    Chapitre 21

    Chapitre 22

  • Chapitre 23

    Note de l’auteur

    Remerciements

  • 1

    Les chauffeurs de taxi new-yorkaisconstituent une race à part. Intrépides àl’excès, ils se faufilent dans lesencombrements à une vitesse folle touten affichant un calme olympien. Pour nepas perdre complètement la boule,j’avais donc pris l’habitude de meconcentrer sur l’écran de monsmartphone plutôt que sur les voituresentre lesquelles ils zigzaguaient. Parceque si je me risquais à lever le nez,

  • j’enfonçais aussitôt une pédale de freinimaginaire en un réflexe pavlovien.

    Ce soir-là, cependant, je n’avais pasbesoin de distraction. Le cours de kravmaga dont je sortais m’avait lessivée, etje ne cessais de penser encore ettoujours à ce que l’homme que j’aimaisavait fait.

    Gideon Cross. À la simpleévocation de son nom, une bouffée dedésir me submergeait. Depuis quej’avais posé les yeux sur lui pour lapremière fois – que j’avais perçu, au-delà du physique fascinant, les ténèbresqui l’habitaient –, j’avais ressenti cetteirrésistible attraction qui naît de larencontre avec l’autre moitié de soi-

  • même. J’avais besoin de lui commej’avais besoin de respirer, or il s’étaitmis en danger, il avait pris le risque detout perdre – pour moi.

    Un coup de klaxon me ramenabrutalement au présent.

    De l’autre côté du pare-brise, CaryTaylor, mon colocataire, me gratifia deson sourire étincelant depuis l’affichequi s’étalait sur l’autobus qui nousbloquait le passage à un carrefour. Lechauffeur actionna l’avertisseur àplusieurs reprises comme si celasuffisait à dégager la route.

    Cary ne bougea pas d’un pouce.Allongé sur le flanc, pieds et torse nus,la braguette déboutonnée de son jean

  • laissait apparaître l’élastique de soncaleçon et soulignait ses abdominauxd’acier. Ses cheveux châtain clair étaientdélicieusement ébouriffés et une lueurmalicieuse étincelait dans son regardd’émeraude.

    Je réalisai brusquement, et ce fut unchoc, que j’allais devoir dissimuler àmon meilleur ami un terrible secret.

    Depuis des années, Cary était monroc, la voix de la raison, l’épaule surlaquelle je pouvais toujours m’appuyerquoi qu’il advienne – un véritable frère.Et l’idée de lui taire ce que Gideon avaitaccompli pour moi m’étaitinsupportable.

  • J’avais besoin d’en parler, besoind’aide pour analyser les émotions queson acte m’inspirait, mais il étaitimpossible que je me confie à qui que cesoit. Tant d’un point de vue éthique quelégal, notre thérapeute lui-même nepourrait nous garantir le secret.

    Un agent de la circulation engoncédans un gilet jaune fluo surgit soudain aucarrefour et, d’un geste autoritaireaccompagné de coups de siffletstridents, obligea le bus à regagner safile. Il nous fit alors signe de franchir lecarrefour, juste avant que le feu passe aurouge. Les bras croisés, je tâchai de mecalmer en me balançant d’avant enarrière.

  • Le trajet depuis le penthouse deGideon sur la Cinquième Avenue jusqu’àmon appartement de l’Upper West Siden’était pas bien long, pourtant j’avaisl’impression qu’il n’en finissait pas. Ceque l’inspectrice Shelley Gravesm’avait appris quelques heuresauparavant avait bouleversé ma vie etm’avait également contrainte àabandonner la seule et unique personneavec laquelle je voulais vivre.

    J’avais dû quitter Gideon parce queje ne pouvais pas me fier auxmotivations de Graves. L’inspectricem’avait peut-être confié ses soupçonsdans l’espoir que je coure le rejoindre,

  • lui apportant ainsi la preuve que notrerupture n’était qu’une mise en scène.

    Mon cœur cognait dans ma poitrine.Gideon avait besoin de moi – autant, sice n’est plus, que j’avais besoin de lui–, et pourtant j’étais partie.

    Le désespoir que j’avais lu dans sonregard lorsque les portes de sonascenseur privé s’étaient referméesm’avait anéantie.

    Le taxi s’engagea dans ma rue.Quelques secondes plus tard, ils’arrêtait devant mon immeuble. Leportier de nuit m’ouvrit la portière avantque j’aie le temps de demander auchauffeur de me ramener chez Gideon, et

  • une bouffée d’air moite s’engouffra dansl’habitacle.

    — Bonsoir, mademoiselle Tramell,me dit-il en effleurant la visière de sacasquette.

    Une fois que j’eus réglé la course, jepris la main qu’il me tendait pour sortirde la voiture et sentis son regards’attarder un bref instant sur mes jouesstriées de larmes.

    Je plaquai sur mes lèvres un sourirefaussement serein et me ruai dans le hall.Je me dépêchai de gagner l’ascenseur,saluant au passage le veilleur de nuit.

    — Eva !Je tournai vivement la tête. Assise

    un peu à l’écart, une jeune femme svelte,

  • en jupe et chemisier élégants, se leva.Son épaisse chevelure brune retombaiten boucles souples sur ses épaules etson gloss rose mettait en valeur seslèvres pulpeuses. Je fronçai les sourcils– je ne croyais pas la connaître.

    — Oui ? répondis-je, méfiante.Son expression avide m’alarma. En

    dépit de mon abattement, je me redressaiet pivotai pour lui faire face.

    Elle me rejoignit, me tendit une mainparfaitement manucurée.

    — Deanna Johnson. Journalisteindépendante.

    Je haussai un sourcil interrogateur.Elle rit.

  • — Inutile d’être aussi soupçonneuse.J’aimerais seulement bavarder avecvous un instant. Je travaille sur un sujetet je pense que vous pourriez m’aider.

    — Ne le prenez pas mal, mais je nevois pas de quoi j’aurais envie de parleravec une journaliste.

    — Pas même de Gideon Cross ?Les poils se dressèrent sur ma

    nuque.— Surtout pas de Gideon Cross.Gideon figurait au palmarès des

    vingt-cinq personnes les plus riches dumonde, et rien qu’à ce titre il attiraitquotidiennement l’attention des médias.Pour l’heure, ce qui les intéressait,

  • c’était qu’il m’avait quittée pour seremettre avec son ex-fiancée.

    Deanna croisa les bras, un geste quifit ressortir sa poitrine.

    — Allons, Eva, je peux m’arrangerpour ne jamais citer votre nom, proposa-t-elle afin de m’amadouer. Et ne riendire qui permette de vous identifier.C’est une occasion unique de vousvenger que je vous offre.

    Un nœud se forma au creux de monestomac. Elle avait tout pour plaire àGideon : grande, mince, brune, peaumate. Tout le contraire de moi.

    — Vous êtes sûre de vouloir vousengager dans cette voie ? m’enquis-jed’un ton posé, même si j’étais sûre que

  • cette femme avait un jour couché avecl’homme que j’aimais. Personnellement,je n’aimerais pas figurer parmi sesennemis.

    — Vous avez peur de lui ? Pas moi.Son argent ne lui donne pas tous lesdroits.

    Je me souvins d’avoir entendu le DrTerrence Lucas – qui ne portait pas nonplus Gideon dans son cœur – tenir despropos similaires. Alors même que jesavais de quoi Gideon était capable,jusqu’où il irait pour me protéger, jerépondis sans la moindre hésitation :

    — Non, je n’ai pas peur de lui.Cependant j’ai appris à ne me battre quelorsque c’est nécessaire. En

  • l’occurrence, tourner la page constituepour moi la meilleure des vengeances.

    Elle releva le menton.— Tout le monde ne peut pas se

    vanter d’avoir une rock star qui l’attenden coulisses.

    Je réprimai un soupir à l’évocationde mon ex, Brett Kline, chanteur desSix-Ninths, le groupe de rock quimontait. À l’instar de Gideon, le sex-appeal de Brett vous atteignait de pleinfouet. Mais contrairement à Gideon,Brett n’était pas l’amour de ma vie, et ilétait hors de question que je m’aventurede nouveau dans son univers.

    Deanna sortit une carte de visite desa poche.

  • — Bientôt, vous allez réaliser queGideon Cross s’est servi de vous pourrendre Corinne Giroux jalouse et larécupérer. Quand cette idée aura fait sonchemin dans votre tête, appelez-moi. Jeserai là.

    Je pris sa carte.— Pourquoi pensez-vous que je sais

    des choses qui valent la peine d’êtrepartagées ? demandai-je.

    Elle pinça les lèvres.— Parce que quelles qu’aient été les

    motivations de Cross, vous êtesparvenue à l’atteindre. L’homme deglace a quelque peu fondu pour vous.

    — Possible, mais c’est de l’histoireancienne.

  • — Il n’empêche que vous savez deschoses, Eva. Je peux vous aider àsélectionner celles qui méritent d’êtredévoilées.

    — Quel serait votre angled’approche ?

    Pas question que je reste les brascroisés alors qu’un danger menaçaitGideon. Si cette femme avait décidé delui nuire, j’étais déterminée à l’enempêcher.

    — Cross a une part d’ombre.— Comme tout le monde, non ?Qu’avait-elle deviné chez Gideon ?

    Que lui avait-il révélé au cours deleur… relation ? Si tant est qu’ils enaient eu une.

  • Je n’étais pas certaine d’être jamaiscapable de penser à Gideon ayant eu unerelation intime avec une autre femmesans éprouver une bouffée de jalousieféroce.

    — On pourrait aller quelque partpour en discuter, suggéra-t-elle,mielleuse.

    Je jetai un coup d’œil auxréceptionnistes qui s’appliquaientpoliment à nous ignorer. J’étais encoretrop à vif, trop perturbée par lesrévélations de l’inspectrice Graves pouraffronter Deanna.

    — Une autre fois, peut-être,répondis-je, soucieuse de ne pas fermer

  • définitivement la porte afin de la garderà l’œil.

    Comme s’il avait perçu monmalaise, Chad, l’un des réceptionnistes,s’approcha.

    — Mlle Johnson s’apprêtait à partir,annonçai-je, soulagée.

    Si l’inspectrice Graves n’avait pasréussi à épingler Gideon, ce n’était pasune petite journaliste indépendante quirisquait d’y parvenir, tentai-je de merassurer.

    Hélas, je savais quel genred’informations pouvait fuiter de sourcespolicières, et à quel point c’étaitcourant ! Mon père, Victor Reyes, étant

  • flic, j’avais entendu quantité de choses àce sujet.

    — Bonne nuit, Deanna, dis-je en metournant vers les ascenseurs.

    — J’attends de vos nouvelles,lança-t-elle dans mon dos.

    Je montai dans la cabine et appuyaisur le bouton de mon étage. Une fois lesportes refermées, je me laissai allercontre la paroi. Il fallait absolument quej’avertisse Gideon, mais je ne disposaisd’aucun moyen discret et sûr de lecontacter.

    La douleur qui me comprimait lapoitrine s’intensifia. Notre relationprenait l’eau de partout. Nous ne

  • pouvions même plus communiquernormalement.

    Un instant plus tard, je pénétrai dansmon appartement, traversai le séjour etdéposai mon sac sur l’un des tabouretsdu comptoir de la cuisine. La vueimprenable sur Manhattan quis’encadrait dans la baie vitrée me laissade marbre. J’étais trop bouleversée pourm’intéresser à mon environnement. Laseule chose qui m’importait, c’était queje n’étais pas avec Gideon.

    Alors que je m’engageais dans lecouloir pour gagner ma chambre,j’entendis un bruit de musique étouffés’échapper de celle de Cary. Avait-il dela compagnie, ce soir ? Et si oui, qui ?

  • Mon meilleur ami avait décidé dejongler avec deux histoires en mêmetemps – l’une avec une femme quil’acceptait tel qu’il était et l’autre avecun homme qui ne supportait pas qu’ilvoie quelqu’un d’autre.

    J’entrai dans ma chambre et fonçaidroit dans la salle de bains. Je laissaitomber mes vêtements sur le carrelagetout en me dirigeant vers la cabine dedouche. Tandis que je me savonnais, jene pus m’empêcher de repenser à toutesles fois où j’avais partagé une doucheavec Gideon, à toutes ces fois où ledésir que nous avions l’un de l’autres’était exprimé de la manière la plusérotique qui soit.

  • Il me manquait tellement.J’avais besoin de ses caresses, de

    son désir, de son amour. La faim quej’avais de sa présence me tenaillait, melaissait fébrile et agitée. Je me demandaicomment j’allais réussir à m’endormiralors que j’ignorais quand j’auraisl’occasion de lui parler à nouveau. Nousavions tant de choses à nous dire.

    Enveloppée dans une grandeserviette, je sortis de la salle de bains…

    Gideon se tenait devant la portefermée de ma chambre. Le choc que j’enéprouvai fut proprement physique. Lesouffle coupé, je sentis mon cœurs’emballer, tandis qu’une puissantevague de désir me balayait. Je réagissais

  • comme si je ne l’avais pas vu depuis desannées, et non à peine une heure.

    Je lui avais donné ma clef, mêmes’il était propriétaire de l’immeuble. Unavantage qui lui permettait de merejoindre sans laisser de trace… toutcomme il avait été en mesure d’atteindreNathan.

    — Tu prends des risques en venantici, lui rappelai-je.

    Ce qui ne m’empêchait pas d’êtreaux anges. Je le dévorai des yeux,m’abîmai dans la contemplation de soncorps.

    En pantalon de jogging noir etsweat-shirt de l’université Columbia, ilavait l’allure de l’homme de vingt-huit

  • ans qu’il était, et non celle du puissantmilliardaire que le reste du mondeconnaissait. Une casquette des Yankeesétait vissée sur sa tête. L’ombre que lavisière projetait sur son visage neparvenait pas à dissimuler l’intensité deson regard bleu. Un regard qui medétaillait farouchement, ses lèvressensuelles formant un pli dur.

    — Je ne pouvais pas rester loin detoi.

    Gideon Cross était l’homme le plusséduisant qu’il m’ait été donné derencontrer. Il était si beau que les gensse retournaient sur son passage. J’avaisvu en lui un véritable dieu du sexe, et lesdémonstrations – aussi fréquentes

  • qu’enthousiastes – dont il m’avaitgratifiée dans ce domaine m’avaientdonné raison, mais je savais aussi qu’iln’était que trop humain, et que, toutcomme moi, il y avait en lui des faillesbéantes.

    A priori, notre union était vouée àl’échec.

    Sa présence eut pour effet immédiatde desserrer l’étau qui m’oppressait.Malgré la distance qui nous séparait, jeressentais l’attraction presquemagnétique que la proximité de l’autremoitié de moi-même exerçait toutnaturellement. Nous étions attirés l’unvers l’autre, inexorablement, depuisnotre toute première rencontre. Nous

  • avions pris cette fascination mutuellepour du désir sexuel, jusqu’à ce quenous réalisions que nous ne pouvionsrespirer l’un sans l’autre.

    Je luttai pour ne pas courir me jeterdans ses bras, alors que j’en mouraisd’envie, parce qu’il était trop calme,trop maître de lui. J’attendis avec uneexquise impatience qu’il m’y autorise.

    Mon Dieu, comme je l’aimais !Il serra les poings.— J’ai besoin de toi.— Rien ne t’oblige à paraître aussi

    heureux, le taquinai-je, le souffle court,pour détendre l’atmosphère.

    Je l’aimais. Sauvagement.Tendrement.

  • J’étais prête à le recevoir de toutesles façons possibles, mais cela faisait silongtemps…

    La peau me picotait déjà, et moncorps réclamait ses caresses à cor et àcri. Pourtant je redoutais ce qui seproduirait s’il se ruait sur moi alors quej’avais si faim de lui.

    N’allions-nous pas nousentredéchirer ?

    — Ça me tue, dit-il d’un ton bourru.D’être loin de toi. Tu me manques. J’ail’impression que ma foutue santémentale dépend de toi, Eva, et tuvoudrais que ça me rende heureux ?

    Je m’humectai les lèvres.— Moi, ça me rend heureuse.

  • Il paraissait moins crispé. Il avait dûtellement s’inquiéter de ma réactionaprès ce qu’il avait fait pour moi.

    Pour être franche, à sa place, je meserais inquiétée.

    Ma gratitude signifiait-elle quej’étais encore plus tordue que je nel’imaginais ?

    Le souvenir des mains de Nathan surmoi… du poids de son corps écrasant lemien… de la douleur atroce entre mescuisses tandis qu’il s’enfonçait en moim’assaillit alors… Aussitôt suivi d’unregain de fureur qui me laissatremblante. Si me réjouir de la mort dece monstre faisait de moi une folle, jepréférais la folie à la raison.

  • — Je t’aime, dis-je, les yeux embuésde larmes. Je t’aime comme tu n’as pasidée.

    — Mon ange, souffla-t-il.Il me rejoignit en deux enjambées. Il

    tremblait, et je fondis en larmes. Qu’ilait à ce point besoin de moi mebouleversait.

    Gideon s’empara de ma bouche,mêlant sa langue à la mienne avecfièvre. Sa passion dévorante m’embrasales sens et je gémis tandis que mesmains s’immisçaient sous son sweat-shirt. Le grondement qu’il émit enréponse se répercuta à travers tout moncorps et les pointes de mes seins sedressèrent.

  • Je me pressai contre lui et fis tombersa casquette afin de caresser sescheveux. Son baiser était affolant et jeperdis pied, envoûtée par la puissancedu désir charnel qu’il reflétait. Unsanglot m’échappa.

    — Non, souffla-t-il en s’écartantpour encadrer mon visage de ses mains.Ne pleure pas.

    — C’est trop, murmurai-je,tremblant comme une feuille.

    Son beau regard était aussi las quele mien.

    — Ce que j’ai fait… commença-t-il,l’air sombre.

    — Ce n’est pas ça. C’est ce que jeressens pour toi.

  • Il m’effleura la joue du bout du nez,ses mains glissant doucement le long demes bras nus – des mains tachées desang qui ne me faisaient que l’aimerdavantage.

    — Merci, soufflai-je.Il ferma les yeux.— Quand tu es partie, ce soir… j’ai

    pensé que tu ne reviendrais peut-êtrejamais… que je t’avais perdue…

    — Moi aussi, j’ai besoin de toi,Gideon.

    — Je ne m’excuserai pas. Je lereferais s’il le fallait, affirma-t-il.C’était ça ou être sur le qui-vive jusqu’àla fin de tes jours. Nathan vivant, tasécurité n’aurait jamais été garantie.

  • — Tu m’as repoussée. Éjectée. Toiet moi…

    — … c’est pour la vie, Eva,m’interrompit-il en pressant les doigtssur mes lèvres. C’est fini, maintenant.Inutile de discuter, il est trop tard pourchanger quoi que ce soit.

    J’écartai sa main.— C’est bel et bien fini ? Est-ce

    qu’on peut être ensemble ou devons-nous cacher notre relation à la police ?Avons-nous encore une relation digne dece nom ?

    Gideon soutint mon regard sanschercher à masquer sa douleur et sapeur.

  • — C’est précisément ce que je suisvenu te demander.

    — Si la décision me revient, je ne telaisserai jamais partir, assurai-je avecvéhémence. Jamais.

    Les mains de Gideon glissèrent lelong de mon cou jusqu’à mes épaules,laissant dans leur sillage comme unebrûlure.

    — J’ai besoin de savoir que c’estvrai. Je craignais que tu ne t’enfuies, quetu n’aies peur… de moi.

    — Non, Gideon, je…— Je ne te ferai jamais de mal, Eva.J’agrippai l’élastique de son jogging

    et tirai dessus, sans parvenir à le fairebouger.

  • — Je le sais, Gideon.Physiquement, il s’était toujours

    montré attentif vis-à-vis de moi.Émotionnellement, en revanche, iln’avait pas hésité à utiliser messentiments contre moi avec uneprécision méticuleuse. Je luttais encorepour réconcilier ces deux aspects siparadoxaux de sa personnalité.

    — Vraiment ? demanda-t-il en mescrutant avec cette intensité qu’il mettaittoujours à débusquer le non-dit. Telaisser partir me tuerait, mais je ne teferai jamais de mal pour te retenir.

    — Je n’ai pas l’intention de partir.Il soupira.

  • — Demain, mes avocatss’entretiendront avec la police, histoirede prendre la température.

    Je pressai doucement les lèvrescontre les siennes. Nous étionscomplices pour dissimuler un crime. Lafille de flic que j’étais mentirait endisant que cela ne la perturbait pas, maisil n’y avait pas d’autre choix possible.

    — Il faut que je sache si tu peuxvivre avec ce que j’ai fait.

    — Je crois que je le peux,murmurai-je. Et toi ?

    — Je peux tout supporter si je suisavec toi.

    Je glissai les mains sous son sweatet savourai les retrouvailles avec sa

  • peau et ses muscles. Je fis courir lapointe de ma langue sur sa bouche,mordillai délicatement sa lèvreinférieure. Son gémissement me fitl’effet d’une caresse.

    — Touche-moi.C’était un ordre, mais le ton était

    suppliant.— C’est ce que je fais.Me saisissant le poignet, il

    immobilisa ma main au niveau de sonentrejambe et, d’une impudique pousséedes hanches, nicha son sexe au creux dema paume. Mon pouls s’accéléra : il neportait pas de slip sous son jogging !

    — Tu me rends folle, soufflai-je.

  • Son regard bleu ne quitta pas lemien ; ses joues s’empourprèrent et seslèvres s’entrouvrirent. Il ne cherchaitjamais à dissimuler l’effet que j’avaissur lui, n’essayait jamais de feindrequ’il maîtrisait mieux que moi le désirque je lui inspirais. Le savoir aussivulnérable que moi ne faisait que rendreplus excitante sa suprématie dans lachambre à coucher.

    Je n’arrivais toujours pas à croirequ’il m’appartenait, qu’il se livrait aussitotalement, avidement, crûment…

    Il tira sur mon drap de bain et pritune brève inspiration quand il atteignitle sol et que je me retrouvai entièrementnue devant lui.

  • — Eva !L’émotion dans sa voix me fit monter

    les larmes aux yeux. Il se débarrassa deson sweat. Puis il se rapprocha de moi,lentement, retardant à dessein l’instantoù nos peaux nues entreraient en contact.

    Il m’empoigna les hanches, lesdoigts crispés d’impatience, le soufflerapide. Les pointes de mes seins lefrôlèrent d’abord, déclenchant un tel flotde sensations que je poussai un criinarticulé. Il m’attira contre lui, je sentismes pieds se détacher du sol et il meporta jusqu’au lit.

  • 2

    Mes jambes entrèrent en contactavec le matelas et j’atterris sur lesfesses, puis Gideon me fit basculer enarrière et s’installa au-dessus de moi.Déjà, sa bouche se refermait sur monsein, et il entreprit d’en sucer la pointeavec avidité tandis que sa main lepétrissait avec vigueur.

    — Dieu que tu m’as manqué !gronda-t-il.

  • Sa peau était brûlante contre lamienne, et mon corps accueillait le sienavec reconnaissance après ces longuesnuits solitaires.

    J’agrippai ses fesses et le plaquaicontre moi tout en creusant les reinspour sentir son sexe à travers l’étoffe. Jele voulais en moi pour être certaine qu’ilm’appartenait de nouveau.

    — Dis-le, le câlinai-je, avided’entendre les mots dont il prétendaitqu’ils étaient inappropriés.

    Il se redressa, écarta délicatementmes cheveux de mon front. Je le visavaler sa salive et soulevai la tête pourcapturer ses lèvres au dessin parfait.

    — Je le dis la première : je t’aime.

  • Il ferma les yeux, me prit dans sesbras et me serra si fort que je pouvais àpeine respirer.

    — Je t’aime, murmura-t-il. Trop.Sa voix empreinte de ferveur me

    bouleversa. J’enfouis le visage au creuxde son épaule et me mis à pleurer.

    — Mon ange.Sa main se crispa dans mes cheveux.

    Je m’emparai à nouveau de sa bouche etle gratifiai d’un baiser au goût de sel. Unbaiser passionné, éperdu, comme s’ildevait partir d’une seconde à l’autre etque je n’avais pas le temps de merassasier de lui.

    — Eva, laisse-moi…

  • Il s’interrompit pour prendre monvisage entre ses mains, puis plongeaprofondément la langue dans ma bouche

    — Laisse-moi t’aimer.— Je t’en supplie, soufflai-je,

    nouant les doigts sur sa nuque. Ne cessejamais de m’aimer.

    Son érection exerçait une pressiondélicieuse sur mon clitoris.

    — Jamais. Je ne pourrais pas.Il passa la main sous mes fesses et

    me souleva tout en exerçant une habilerotation des hanches. Le plaisir sedéploya en moi, m’arrachant un cri, etles pointes de mes seins durcirentcomme de petites billes contre son torse.Mon ventre se contracta, se préparant à

  • accueillir les puissantes poussées de sonsexe.

    Mes ongles coururent le long de sondos. Gideon se cabra et rejeta la tête enarrière en un geste d’abandondélicieusement érotique.

    — Encore, exigea-t-il d’une voixrauque.

    Je levai la tête et plantai les dentsdans sa chair, juste au-dessus du cœur. Ilaspira bruyamment et frémit de la têteaux pieds.

    Je ne parvenais plus à contenir leflot d’émotions qui me submergeait –amour et désir, peur et colère. Douleuraussi. Mon Dieu, cette douleur ! Elle metourmentait encore et me donnait envie

  • de le punir autant que de lui donner duplaisir. De lui offrir un échantillon de ceque j’avais enduré quand il m’avaitrepoussée.

    Je passai la langue sur la tracequ’avaient laissée mes dents dans sachair. Ses hanches basculèrent en avantet son sexe glissa entre les replis dumien.

    — À mon tour, murmura-t-il d’un tonlourd de promesses.

    Il prit appui sur un bras, ce qui fitsaillir son biceps, et referma la mainautour de mon sein. La seconde d’après,il léchait goulûment le mamelon. Sabouche était brûlante et sa langue commeun fouet de velours sur ma chair

  • sensible. Lorsque ses dents mordillèrentdoucement la pointe érigée, une flèchede désir me traversa, si acérée que jepoussai un cri.

    Je me cramponnai à ses cheveux,trop passionnée pour faire preuve detendresse. Mes jambes l’enserrèrentétroitement, comme en écho à monbesoin de le posséder, de le faire miende nouveau.

    — Gideon…Son nom avait franchi mes lèvres

    dans un gémissement. Mes tempesétaient humides de larmes, ma gorgedouloureusement nouée.

    — Je suis là, mon ange, souffla-t-ilavant de se lancer à l’assaut de mon

  • autre sein.Ses doigts diaboliques pinçaient la

    pointe humide que ses lèvres venaientd’abandonner, la titillaient si habilementque je me cambrai pour la plaquercontre sa paume.

    — Ne résiste pas. Laisse-moit’aimer.

    Je réalisai alors que je tirais sur sescheveux comme si j’essayais del’écarter alors même que je cherchais àme rapprocher de lui. Gideonm’assiégeait, s’appliquait à me séduireavec son corps et la connaissanceapprofondie qu’il avait du mien. J’étaisau bord de la reddition. Mes seinsétaient lourds, mon sexe moite, mes

  • mains le parcouraient inlassablement etmes jambes l’emprisonnaient.

    Sa bouche glissa plus bas et desmurmures s’élevèrent au niveau de monventre. Tellement manqué… besoin detoi… besoin de te posséder… Je sentisquelque chose d’humide sur ma peau etdécouvris qu’il pleurait, lui aussi, sonbeau visage dévasté par le même flotd’émotions que celui qui mesubmergeait.

    Je cueillis ses larmes du bout demes doigts tremblants. Il pressa alors lajoue contre ma main et le gémissementqui lui échappa me fendit le cœur. Sasouffrance m’était encore plusinsupportable que la mienne.

  • — Je t’aime, murmurai-je.— Eva.Il s’agenouilla, ses cuisses écartées

    calées entre les miennes, son sexe épaiset dur oscillant sous son propre poids.

    Mon corps entier se crispa de désir.Un voile de sueur emperlait sa peaubronzée et ses muscles parfaitementdéfinis semblaient avoir été sculptésdans un bloc de marbre. À l’exceptionde son pénis, si brutalement primitif, ilincarnait l’alliance parfaite de la forceet de l’élégance. Un moulage de soncorps aurait permis de réaliser unestatue aussi belle que le David deMichel-Ange, dans une versionnettement plus érotique.

  • À vrai dire, Gideon Cross semblaitavoir été conçu dans le seul but d’affolerles femmes.

    — Tu es à moi, déclarai-je d’unevoix enrouée en me redressantmaladroitement pour me plaquer contreson torse. Tu m’appartiens.

    — Mon ange, murmura-t-il, avant dem’embrasser presque brutalement.

    Puis il me souleva dans ses bras etpivota sur lui-même, le dos face à la têtedu lit. Nos peaux luisantes de sueurglissèrent l’une contre l’autre quand ilm’allongea sur lui.

    Ses mains étaient partout à la fois, etson corps musclé se tendait vers moicomme le mien vers lui un instant plus

  • tôt. Mes mains encadrèrent son visage etj’enfouis la langue dans sa bouche pourtenter d’étancher la soif que j’avais delui.

    Il insinua la main entre mes cuisses,se fraya un chemin avec une infiniedélicatesse. Il effleura mon clitoris avantde s’aventurer jusqu’à l’orée de monsexe. La bouche pressée contre lasienne, un gémissement remonta dans magorge. Mes hanches se mirent à onduler.À la caresse habile de ses doigtsrépondit celle, plus suave, de sa langue,dont les mouvements évoquaient le va-et-vient de son sexe que j’appelais detous mes sens.

  • J’avais du mal à respirer, jetremblais comme une feuille tandis queson doigt s’enfonçait en rythme dans machair palpitante, sa paume frottantdélicieusement contre mon clitoris. Sonautre main me tenait fermement lahanche, m’interdisant de me dérober àses caresses.

    Le contrôle que Gideon exerçait surmoi semblait total, et l’entreprise deséduction à laquelle il se livrait d’uneméticulosité diabolique, pourtant, iltremblait plus que moi et son souffleétait plus erratique encore. Les mots quilui échappaient étaient suppliants etteintés de remords.

  • Je m’écartai et enroulai les doigtsautour de son sexe. Je connaissais bienson corps, moi aussi, ses besoins et sesdésirs. Au premier va-et-vient, une perlede liquide vint en couronner l’extrémitéengorgée. Il se redressa contre la tête delit avec un gémissement.

    — Arrête, haleta-t-il. Je suis tropprès de jouir.

    Ignorant sa supplication, jerenouvelai le mouvement, et l’eau mevint à la bouche quand une deuxièmeperle translucide succéda à la première.Son plaisir et le fait de savoir quej’exerçais un tel pouvoir sur un hommeaussi viril m’excitaient violemment.

  • Avec un juron, il m’attrapa auxhanches, me forçant à lâcher son sexe.Puis il me souleva, s’empala en moi etcommença à me besogner.

    Je poussai un cri et me cramponnai àses épaules. Mon sexe se crispa enréaction à son intrusion.

    Le corps tendu comme un arc, il criamon nom avant d’exploser en moi.

    Sa semence me lubrifia, je m’ouvrisspontanément à lui et coulissai aisémentle long de son érection jusqu’à ce qu’ilm’emplisse entièrement. Mes ongless’enfoncèrent dans les muscles durs deses épaules. J’ouvris la bouche pouraspirer une goulée d’air commequelqu’un qui se noie.

  • — Prends ça, dit-il d’un ton mordanten appuyant sur mes hanches pours’enfoncer en moi jusqu’à la garde.

    Retrouver la sensation familière decette pénétration intense me tira ungémissement de reconnaissance.L’orgasme m’envahit par surprise, et leplaisir fulgurant qui me secoua me fitcambrer le dos.

    L’instinct reprit le dessus, meshanches remuant spontanément, mescuisses se contractant tandis que je meconcentrais sur l’instant présent, sur lareconquête de mon homme. De moncœur.

    Gideon se plia à mes exigences.

  • — Voilà, mon ange, comme ça,m’encouragea-t-il d’une voix rauque,son sexe fiché en moi aussi raide ques’il n’avait pas joui.

    Il prit appui sur ses poings fermés.Ses biceps se contractaient et sesabdominaux luisants de sueur saillaientchaque fois que je m’empalais sur lui.Son corps était une mécanique bienhuilée que j’exploitais sans vergogne.

    Il me laissait l’utiliser à ma guise, sedonnait à moi.

    Je pris mon plaisir en criant sonnom. Mes muscles intimes secontractèrent spasmodiquement commeun nouvel orgasme s’annonçait, trop tôt à

  • mon goût. Je faiblis, emportée par lavague.

    — Je t’en supplie, Gideon, haletai-je. S’il te plaît…

    Il referma une main sur ma nuque,l’autre sur ma taille et me fit ployer enarrière jusqu’à ce que je me retrouveallongée sur le dos. Pesant sur moi detout son poids, il commença alors à mepilonner, chaque coup de reins pluspuissant et plus rapide que le précédent.La friction de son sexe devint viteinsupportable, et mon corps tressautaquand l’orgasme déferla brutalement.Mes ongles s’incrustèrent dans sesflancs.

  • Gideon me rejoignit en frémissant,ses bras m’étreignant si fort quej’arrivais à peine à respirer.

    — Mon Dieu, Eva, souffla-t-il enpressant le visage contre ma gorge, j’aitellement besoin de toi !

    — Mon amour.Je l’étreignis. Encore trop terrifiée

    pour oser lâcher prise.

    Mes cils palpitèrent, et je me rendiscompte que je m’étais endormie. Lapanique me saisit : j’avais fait un rêvemerveilleux et j’allais devoir affronterla réalité cauchemardesque. Je meredressai vivement, suffoquant presque.

  • Gideon.Je faillis éclater en sanglots quand

    je le découvris endormi près de moi, sonsouffle régulier s’échappant de seslèvres à peine entrouvertes. L’amant quim’avait brisé le cœur m’était revenu !

    Je me laissai retomber sur l’oreilleret me forçai à me détendre, à savourer leplaisir rare de le regarder dormir. Dansle sommeil, son visage paraissaitmétamorphosé, et si jeune. On avaittendance à oublier qu’il l’était lorsqu’ilétait éveillé et qu’il émanait de lui cetteforce de volonté qui m’avaitlittéralement foudroyée la première foisque je l’avais rencontré.

  • J’écartai avec précaution une mèched’un noir d’encre de sa joue etremarquai de nouvelles rides autour deses yeux et de sa bouche. J’avaiségalement constaté qu’il avait minci.Notre séparation ne l’avait pas laisséindemne, mais il s’était appliqué à endissimuler les effets. À moins que monregard idolâtre ne m’ait pas permis dedistinguer ses défauts…

    Je m’étais, quant à moi, révéléeparfaitement incapable de masquer mondésespoir quand j’avais cru que toutétait fini entre nous, et tous ceux quim’avaient croisée avaient pu le constater– ce sur quoi Gideon avait tablé depuisle début. Possibilité de démenti

  • plausible, avait-il appelé cela.Personnellement, j’appelais cela l’enfer,et tant que nous ne pourrions pas cesserde feindre d’avoir rompu, jecontinuerais de vivre un enfer.

    Doucement, je roulai sur le flanc,calai la tête au creux de ma main etcontemplai le fabuleux spécimenmasculin qui partageait mon lit. Allongéà plat ventre, il serrait l’oreiller entreses bras, sa position mettant en valeur laperfection de ses biceps et de son dos,strié de griffures et de marques en formede croissant laissées par mes ongles. Jem’étais agrippée à ses fesses aussi,follement excitée par la contraction de

  • ses muscles tandis qu’il me régalait deses puissants coups de reins.

    Infatigablement…Je commençai à m’agiter, gagnée par

    un désir naissant. Si courtois et raffinéfût-il, Gideon se révélait dans l’intimitéun amant aussi fougueux qu’indompté quimettait mon âme à nu chaque fois qu’ilme faisait l’amour. Dès qu’il metouchait, je me retrouvais sans défense,incapable de résister au plaisir enivrantd’écarter les jambes pour ce mâle aussiviril que passionné…

    Il ouvrit les yeux et ses iris d’unbleu vif me stupéfièrent comme aupremier jour. Son regard glissa

  • paresseusement sur mon corps nu et moncœur manqua un battement.

    — Hmm… Tu as le regard d’unefemme qui meurt d’envie de remettre lecouvert, observa-t-il.

    — C’est peut-être parce que tu m’asl’air tout à fait comestible, répliquai-je.Quand je me réveille à côté de toi, j’ail’impression de découvrir des cadeauxau pied du sapin le matin de Noël.

    Sa bouche s’incurva sensuellement.— Ça tombe bien, parce que je suis

    déjà déballé et que je fonctionne sanspiles…

    Le désir me contracta la poitrine. Jel’aimais trop. Je redoutais enpermanence de ne pas être capable de le

  • garder. Gideon était aussi impossible àcapturer qu’un éclair zébrant le ciel etincarnait à mes yeux un rêve auquel jetentais désespérément de m’accrocher.

    Je poussai un soupir.— Tu représentes une merveilleuse

    extravagance pour une femme, tu sais.Une succulente, appétissante…

    — Silence.Avant que j’aie le temps de

    comprendre ce qui m’arrivait, je meretrouvai sous lui.

    — Je suis monstrueusement riche,mais tu ne m’aimes que pour mon corps.

    Je levai les yeux et admirai la façondont ses cheveux sombres encadraientson merveilleux visage.

  • — Ce que je veux, c’est le cœur quise trouve à l’intérieur de ce corps.

    — Tu l’as.Ses bras m’enserrèrent et ses jambes

    se mêlèrent aux miennes.J’étais entravée. Délicieusement

    prisonnière de son corps ferme. Jesoupirai d’aise et sentis une partie demes craintes s’apaiser.

    — Je n’aurais pas dû m’endormir,dit-il calmement.

    Je lui caressai les cheveux, sachantqu’il disait vrai, qu’en raison de sescauchemars et de sa parasomnieatypique dormir à ses côtés étaitdangereux. Il lui arrivait de se déchaînerdans son sommeil et si je me trouvais

  • près de lui, c’était sur moi que sa ragese déversait.

    — Je suis contente que tu l’aies fait.Il me saisit la main et la porta à ses

    lèvres.— Nous avons besoin de passer du

    temps ensemble, rien que toi et moi.— Oh, mon Dieu, j’ai failli oublier !

    Deanna Johnson m’attendait dans le hall,hier soir.

    À peine ces mots eurent-ils franchimes lèvres que je regrettai de les avoirprononcés.

    Gideon cligna des yeux. En unefraction de seconde, toute chaleurdéserta son regard.

  • — Garde tes distances avec cettefemme. C’est une journaliste.

    Je l’enlaçai et murmurai :— Elle veut ta peau.— Qu’elle prenne sa place dans la

    file d’attente !— Pourquoi s’intéresse-t-elle tant à

    toi ? C’est une indépendante. Personnene lui a assigné de mission teconcernant.

    — Laisse tomber, Eva.Son refus de dialoguer me hérissa.— Je sais que tu as couché avec

    elle.— Non, tu n’en sais rien. Et tu ferais

    mieux de te concentrer sur le fait que

  • c’est avec toi que j’ai l’intention decoucher.

    Cette fois, je fus absolument certainequ’il y avait eu quelque chose entre eux.Je le lâchai et le repoussai.

    — Tu m’as menti.Il eut un mouvement de recul comme

    si je l’avais giflé.— Je ne t’ai jamais menti.— Tu m’as affirmé que tu avais eu

    plus de relations sexuelles depuis que tume connais que tu n’en avais eu au coursdes deux années précédentes, mais tu asaussi dit au Dr Petersen que la fréquencede tes relations sexuelles avant de meconnaître était de deux fois par semaine.Où est la vérité ?

  • Il roula sur le dos et fixa le plafond,les sourcils froncés.

    — Tu tiens vraiment à parler de çamaintenant ?

    Il était si tendu, si visiblement sur ladéfensive, que l’irritation qui m’avaitgagnée face à sa dérobade m’abandonnad’un coup. Je n’avais pas envie de medisputer avec lui. Surtout pas au sujet dupassé. Tout ce qui comptait, c’était leprésent et l’avenir. Je devais croire ensa fidélité.

    — Non, pas vraiment, répondis-jecalmement en me tournant vers lui.

    Une fois que le soleil serait levé,nous recommencerions à faire semblantde ne plus être ensemble. Et je ne savais

  • pas combien de temps durerait cettemascarade ni quand je le reverrais.

    — Je voulais seulement te prévenirqu’elle est en train de fouiner sur toncompte. Tu ferais bien de te méfierd’elle.

    — Le Dr Petersen m’avait interrogésur mes relations sexuelles, Eva,déclara-t-il posément. En ce qui meconcerne, cela ne signifie pas forcémentcoucher avec quelqu’un. Je n’ai pas jugébon de le préciser sur le moment, je vaisdonc clarifier les choses : j’invitais desfemmes dans ma chambre d’hôtel, maisje ne couchais pas systématiquementavec elles. Cela n’arrivaitqu’exceptionnellement.

  • Je repensai à sa garçonnière rempliede sex-toys en tout genre, située dansl’un des innombrables hôtels qui luiappartenaient. Il ne l’avait plus, Dieumerci, mais je ne l’oublierais jamais.

    — Il vaudrait peut-être mieux que jen’en sache pas plus.

    — C’est toi qui as ouvert cetteporte, répliqua-t-il sèchement. Nousallons en franchir le seuil.

    — Je t’écoute, soupirai-je.— Parfois, je ne supportais pas de

    me retrouver seul, mais je n’avais pasenvie de parler. Je n’avais pas envie depenser et encore moins de ressentir quoique ce soit. Tu peux comprendre cela ?

  • Je le pouvais, oui, malheureusement.Il me suffisait de repenser aux fois où jem’étais agenouillée devant un type pourchasser, ne serait-ce qu’un instant, lespensées qui me polluaient l’esprit. Dansces moments-là, il n’avait jamais étéquestion de préliminaires ni même derapports sexuels.

    — Deanna Johnson fait-elle partiedes femmes avec lesquelles tu ascouché ?

    Poser cette question me déplaisait,mais il fallait s’en débarrasser.

    Il tourna la tête vers moi et meregarda franchement.

    — Une seule fois.

  • — Une fois qui a dû être mémorableparce que, apparemment, elle ne s’en esttoujours pas remise.

    — Je ne saurais le dire, marmonna-t-il. Je ne m’en souviens même pas.

    — Tu étais saoul ?— Non. Bon sang, ajouta-t-il en se

    passant la main sur le visage, qu’est-cequ’elle t’a dit, exactement ?

    — Rien de personnel. Elle amentionné ta « part d’ombre ». Jesuppose qu’il y avait une connotationsexuelle. Je n’ai pas demandé deprécision. Elle faisait comme si nousétions complices, sous prétexte que nousavions toutes deux été plaquées par toi.

  • La « sororité des rebuts de Gideon », enquelque sorte.

    Il me décocha un regard glacial.— Ça ne te va pas de dire des

    vacheries.— Oh, pardon ! répliquai-je, piquée

    au vif. Je ne cherchais pas à me fairepasser pour une pétasse intégrale,seulement pour une aspirante pétasse. Jepense que j’en ai le droit, tout bienconsidéré.

    — Qu’est-ce que j’étais supposéfaire, Eva ? Je ne savais même pas quetu existais, se rebiffa Gideon en haussantle ton. Si je l’avais su, j’aurais passé mavie à te traquer. Je ne le savais pas,alors je me contentais de pis-aller. Tu en

  • faisais autant de ton côté. Nous avonsl’un et l’autre perdu notre temps avecdes gens qui ne nous convenaient pas.

    — Oui. C’était très bête de notrepart.

    — Tu es fâchée ? demanda-t-il aprèsun silence.

    — Non, ça va.Il me dévisagea et j’éclatai de rire.— Tu t’attendais à une scène, pas

    vrai ? Je peux t’en faire une, si tu y tiens,mais si tu n’y vois pas d’inconvénient, jepréférerais faire l’amour.

    Gideon me couvrit de son corps. Lemélange de soulagement et de gratitudedans son regard me fendit le cœur. Jesavais combien il était essentiel à ses

  • yeux d’être cru quand il faisait l’effortde dire la vérité.

    — Tu as changé, dit-il en mecaressant le visage.

    Évidemment que j’avais changé.L’homme que j’aimais avait tué pour

    moi.Bien des choses paraissent sans

    importance après un tel sacrifice.

  • 3

    — Mon ange.L’arôme du café me parvint avant

    même que j’ouvre les yeux.— Gideon ?— Hmm ?— S’il n’est pas 7 heures, ma

    vengeance sera terrible.Son rire me toucha en plein cœur.— Il est tôt, mais il faut qu’on parle.— Ah bon ?

  • Je soulevai une paupière, puisl’autre pour savourer la vision deGideon en costume trois pièces. Il étaitsi appétissant que j’eus aussitôt envie dele lui retirer… avec les dents.

    Il s’assit au bord de mon lit.— Avant de partir, je voudrais

    m’assurer que nous sommes sur la mêmelongueur d’onde.

    Je me redressai en position assise etm’adossai à la tête du lit sans me donnerla peine de couvrir ma poitrine car jesavais que tôt ou tard nous parlerions deCorinne Giroux, son ex-fiancée.

    Je peux jouer de sales tours quandc’est nécessaire.

  • — Je vais avoir besoin de café pourcette conversation.

    Gideon me tendit ma tasse, puiseffleura la pointe d’un de mes seins.

    — Tu es si belle, murmura-t-il. Departout.

    — Essaierais-tu de me distraire ?— C’est toi qui me distrais. Très

    efficacement.Était-il possible qu’il admire autant

    mon physique que moi le sien ? Cetteidée me fit sourire.

    — Ton sourire m’a manqué, monange.

    — Je connais ça.Chaque fois que je l’avais croisé et

    qu’il ne m’avait même pas gratifiée d’un

  • sourire, j’avais eu l’impression derecevoir un coup de poignard en pleincœur. À la fin, mon cœur saignait enpermanence, et je ne pouvais repenser àces instants sans que la douleur seréveille.

    — Où avais-tu caché ce costume,champion ? Il n’était pas dans ta poche,j’en suis sûre.

    Il lui avait suffi de changer de tenuepour se transformer en hommed’affaires. Son costume était taillé surmesure, et sa chemise et sa cravateparfaitement assorties. Il étaitimpeccable, jusqu’aux boutons demanchettes d’une élégance discrète. Lescheveux sombres qui frôlaient le col de

  • sa chemise venaient cependant rappelerque Gideon Cross était loin d’êtreapprivoisé.

    — C’est une des choses dont il fautjustement que nous parlions, déclara-t-il.

    Il se redressa, mais son regard neperdit rien de sa chaleur.

    — J’ai emménagé dansl’appartement d’à côté. Nous allonsdevoir faire semblant de nousréconcilier petit à petit, je continueraidonc à occuper mon penthouse, mais jem’arrangerai pour passer le plus detemps possible en face.

    — Est-ce bien raisonnable ?— Officiellement, je ne suis pas

    suspect, Eva. Je ne suis même pas digne

  • d’être entendu en tant que témoin. Monalibi est solide et je n’ai aucun mobileconnu. Je tiens juste à manifester durespect vis-à-vis des inspecteurs depolice en évitant d’insulter ouvertementleur intelligence. Nous leur faciliteronsla tâche pour qu’ils concluent que leurenquête aboutit à une impasse.

    Je bus une gorgée de café etréfléchis à ce qu’il venait de dire. Ledanger n’était peut-être pas immédiat,mais il était inhérent à sa culpabilité.J’avais beau m’efforcer de me rassurer,il n’en demeurait pas moins présent.

    C’était de notre réconciliation qu’ils’agissait, et je sentais que Gideon avaitbesoin d’être certain que nous avions

  • franchi un cap et que la douloureuseépreuve de notre fausse séparation étaitdésormais derrière nous.

    — Si je comprends bien, observai-je d’un ton volontairement léger, alorsque mon ex-petit ami habitera sur laCinquième Avenue, moi, je m’amuseraiavec mon nouveau voisin ? Voilà quis’annonce intéressant…

    Il haussa les sourcils.— Tu veux jouer à des jeux de rôles,

    mon ange ?— Je veux te satisfaire, admis-je

    sans détour. Et je veux que tu trouves enmoi tout ce qui a pu te plaire chez lesautres femmes que tu as connues.

  • Des femmes qu’il avait emmenéesdans sa garçonnière remplie de sex-toys…

    Son regard s’embrasa, mais ildéclara d’un ton égal :

    — Je ne peux pas me passer de toi.Cela devrait suffire à te prouver que jen’ai besoin de rien d’autre.

    Il se leva, me prit la tasse des mains,la posa sur la table de chevet, puis ilattrapa le coin du drap et le rabattit, medécouvrant entièrement.

    — Allonge-toi, ordonna-t-il. Écarteles jambes.

    Mon pouls s’accéléra tandis que jeme pliais docilement à sa volonté.J’étais soudain si vulnérable sous son

  • regard perçant que j’éprouvai le besoininstinctif de me couvrir. J’y résistaicependant. Dire que me retrouverentièrement nue alors qu’il était vêtud’un de ses élégants costumes troispièces ne me plaisait pas seraitmalhonnête. L’avantage que cela luiconférait était très excitant.

    Il insinua un doigt entre les replismoites de mon sexe, le fit glisser surmon clitoris en une caresse aussiprovocante qu’habile.

    — Cette belle petite chattem’appartient.

    Le timbre rauque de sa voixdéclencha une délicieuse contraction aucreux de mon ventre.

  • Pressant la paume sur mon mont deVénus, il leva les yeux vers moi.

    — Tu as dû te rendre compte quej’étais très possessif, Eva.

    Je frémis comme il s’égarait plusbas.

    — En effet, confirmai-je.— Les jeux de rôles, les entraves,

    les moyens de transport et leschangements de décor… Je suisimpatient d’explorer tout cela avec toi,Eva.

    Le regard brillant, il inséra son doigten moi avec une exquise lenteur, émitune sorte de ronronnement et se morditla lèvre inférieure. À en juger par

  • l’étincelle dans ses yeux, il avait senti sasemence en moi.

    C’était si bon, cette doucepénétration, que j’en restai sans voix.

    — Tu aimes ça, murmura-t-il.— Mmm.Son doigt s’enfonça plus

    profondément.— Je doute fort qu’un instrument en

    plastique, en métal ou en verre, fût-ilgainé de cuir, parvienne à te faire jouir.Ce vibromasseur auquel tu as prétenduun jour que t’unissait une longuecomplicité va devoir se trouver unenouvelle confidente.

    Ma peau devint brûlante comme sij’avais la fièvre. Gideon avait tout

  • compris.S’inclinant vers moi, il s’appuya sur

    le matelas et approcha ses lèvres desmiennes. Tandis que son pouce exerçaitune pression sur mon clitoris, son indexme fouaillait. L’onde de plaisir qui sedéploya depuis mon ventre me fit durcirles seins. Je les saisis à pleines mains etles pressai. Les caresses de Gideon, sondésir étaient magiques. Comment avais-je pu vivre sans lui ?

    — J’ai tellement envie de toi que çame fait mal, Eva, avoua-t-il. J’aiconstamment envie de toi. D’un simpleclaquement de doigts, tu fais de moi tachose.

  • Il suivit de la langue le contour dema lèvre inférieure, inhala mon soufflehaletant.

    — Quand je jouis, je jouis pour toi,reprit-il. À cause de toi, de ta bouche,de tes mains et de ta petite fenteinsatiable. Et il en ira de même pour toi.Ma langue, mes doigts, ma semence entoi. Rien que toi et moi, Eva. Dansl’intimité la plus crue.

    Quand il me caressait ainsi, je nedoutais pas d’être au centre de sonunivers. Il ne voyait que moi, ne pensaitqu’à moi. Cependant ce lien physique nepouvait être permanent. J’allais devoirapprendre à croire en ce qu’il y avaitd’invisible entre nous.

  • Mon corps ondulait de façonparfaitement impudique. Gideon inséraun autre doigt en moi ; mes talonss’enfoncèrent dans le matelas comme jeme cambrais en réponse.

    — Chaque fois que tu fondras deplaisir, ce sera toujours grâce à moi, pasà un gadget.

    Il me mordilla la gorge, puis,repoussant mes mains du menton, happaentre ses lèvres la pointe dressée d’unsein qu’il se mit à sucer doucement. Leplaisir que j’en ressentis était si aiguqu’il flirtait avec la douleur. Et lesentiment qu’un gouffre nous séparaitencore, que tout n’avait pas été résoluentre nous ne fit qu’attiser mon désir.

  • — Encore, haletai-je, aussi avide deson plaisir que du mien.

    — Toujours plus, répondit-il, sabouche s’incurvant en un sourireespiègle contre ma peau.

    Un gémissement de frustrationm’échappa.

    — Je te veux en moi.— Un désir parfaitement naturel.Sa langue s’enroula autour de l’autre

    mamelon et le titilla jusqu’à ce que jemeure d’envie de sentir à nouveau lasuccion de ses lèvres.

    — C’est de moi que tu dois avoirenvie, mon ange, pas d’un orgasme. Demon corps, de mes mains. Mon souhaitle plus cher, c’est que tu sois incapable

  • de jouir si ta peau ne touche pas lamienne.

    Je hochai vigoureusement la tête enréponse, la bouche trop sèche pourparler. Le désir tapi au creux de monventre était pareil à un ressort enroulésur lui-même qui se contractaitdavantage à chaque mouvement de sesdoigts. Je repensai à mon vibromasseurcomplice qui m’avait si souventsoulagée, et je réalisai que, si Gideoncessait à l’instant de me caresser, rien nesaurait me faire jouir. Ma passion luiétait tout entière destinée, mon désir nepouvait s’enflammer qu’en réaction àson désir pour moi.

  • Un tremblement irrépressibles’empara de mes cuisses.

    — Je… je vais jouir.Sa bouche recouvrit la mienne,

    douce et cajoleuse, en un baiser vibrantd’amour. Je laissai échapper un cri etfrémis de la tête aux pieds, emportée parun orgasme aussi bref que fulgurant,accompagné d’un long gémissement. Jeglissai les mains sous sa veste pourl’attirer contre moi et gardai la bouchecollée à la sienne jusqu’à ce que lesspasmes qui me secouaient s’apaisent.

    Lorsque je me détachai de seslèvres, il y porta les doigts et goûtal’essence de mon plaisir.

    — À quoi penses-tu ? murmura-t-il.

  • Je luttai pour reprendre mon souffle.— Je ne pense à rien d’autre qu’à te

    regarder.— Pas toujours. Il t’arrive de fermer

    les yeux.— Seulement parce que tu parles

    quand tu fais l’amour et que ta voixm’excite. J’adore t’entendre, Gideon.J’ai besoin de savoir que ce que je tefais te plaît autant que ce que tu me fais.

    — Suce-moi, chuchota-t-il. Fais-moijouir pour toi.

    Je glissai au bord du lit, m’assis etm’attaquai sans attendre à sa braguette.Long et dur, son sexe tendait l’étoffe deson pantalon. Je soulevai les pans de sachemise et baissai son caleçon pour le

  • libérer. Je fis disparaître d’un coup delangue la preuve de son excitation,admirant la façon dont il tenait sesappétits en bride pour satisfaire lesmiens.

    Levant les yeux vers lui, je fiscoulisser ma bouche le long de son sexe.Il tressaillit et son regard se voila.

    — Eva.Il me fixait, les paupières lourdes,

    l’air ailleurs, déjà.— Oui ! Comme ça… Dieu que

    j’adore ta bouche !Son compliment m’électrisa et je

    l’avalai aussi profondément que je pus.J’adorais l’aimer ainsi, j’adorais songoût et cette odeur qui n’appartenait

  • qu’à lui. Je fis aller et venir mes lèvressur toute sa longueur de son sexe.Doucement. Amoureusement.

    — Tu aimes ça, dit-il en plongeantles doigts dans ma chevelure pour memaintenir la tête. Tu aimes ça autant quemoi.

    — Plus. Je voudrais te faire jouirpendant des heures.

    — Tu n’aurais aucun mal. Je ne melasserai jamais de ta bouche.

    Du bout de la langue, je suivis letracé saillant d’une veine jusqu’àl’extrémité de sa verge, que je repris enbouche. Mon cou ploya en arrière quandje m’accroupis, les mains sur lesgenoux, offerte.

  • Dans le regard que Gideon posa surmoi, l’excitation se teintait de tendresse.

    — N’arrête surtout pas, souffla-t-il.Se carrant sur ses jambes, il fit

    glisser son sexe jusqu’au fond de magorge, puis se retira lentement,abandonnant sur ma langue une traînéede liquide séminal. Je l’avalai et enappréciai la riche saveur.

    Il gémit, et ses doigts se crispèrentsur mon crâne.

    — Continue, mon ange. Suce-moijusqu’à la dernière goutte.

    Mes joues se creusèrent à mesureque nous trouvions un rythme, notrerythme, où les battements de nos cœursfaisaient écho à la montée du plaisir.

  • Nous avions tendance à tropanalyser les problèmes au milieudesquels nous nous débattions, mais noscorps, eux, savaient à quoi s’en tenir. Ilnous suffisait de nous toucher pour avoirla certitude que nous étions là où nousdevions être, avec la personne qui nousétait destinée.

    — C’est tellement bon…Je l’entendis distinctement grincer

    des dents.— Je vais jouir…Son sexe enfla dans ma bouche. Son

    poing se referma dans mes cheveux, etun spasme violent le secoua quand iléjacula.

  • Un juron lui échappa commej’avalais sa semence. Il se déversa dansma bouche aussi abondamment que s’iln’avait pas joui de la nuit. Quand il eutterminé, j’étais tremblante et à bout desouffle. Il m’aida à me relever et nousbasculâmes sur le lit.

    — Ce n’est pas ce que j’avais entête en t’apportant ton café, avoua-t-il endéposant un baiser sur mon front. Nonpas que je m’en plaigne.

    Je me blottis contre lui, plus quereconnaissante de l’avoir de nouveaudans mes bras.

    — On devrait sécher le boulot etpasser la journée ensemble pourrattraper le temps perdu, suggérai-je.

  • En guise de réponse, Gideon meserra contre lui.

    — Ça m’a laminé, commença-t-ild’une voix calme. De voir combien tusouffrais, combien tu étais en colère. Desavoir que c’était moi qui étais la causede ton chagrin, moi qui t’obligeais àt’éloigner de moi… C’était l’enfer pournous deux, mais je ne pouvais pasprendre le risque que la police teconsidère comme une suspecte.

    Je me raidis. Je n’avais pasenvisagé cette possibilité. S’ilapparaissait que Gideon avait tuéNathan pour moi, rien n’interdisait depenser que j’étais au courant de cemeurtre. Mon ignorance n’avait pas été

  • ma seule protection ; Gideon s’étaitassuré que j’avais un alibi. Il meprotégeait toujours – quel que soit leprix à payer.

    — J’ai glissé un téléphonerechargeable dans ton sac. J’ai entré lenuméro d’Angus afin que tu puisses mejoindre en cas de besoin.

    Je serrai les poings. Pour atteindremon amant, j’allais devoir passer parson chauffeur !

    — J’ai horreur de cela.— C’est provisoire. Nous permettre

    de communiquer normalement est mapriorité absolue.

    — Ce n’est pas dangereux pourAngus, de nous servir d’intermédiaire ?

  • m’inquiétai-je.— C’est un ancien du MI6. Pour lui,

    passer des coups de fil intraçables est unjeu d’enfant. Je vais être franc avec toi,Eva, ajouta-t-il après une pause. Cetéléphone me permet de te localiser et jen’hésiterai pas à le faire en cas debesoin.

    — Quoi ?Je bondis hors du lit, ne sachant ce

    qui m’énervait le plus – découvrirqu’Angus était un ex-agent des servicessecrets britanniques ou que Gideon avaitl’intention de surveiller mesdéplacements.

    — C’est absolument hors dequestion !

  • Il se leva à son tour.— Si je ne peux pas être avec toi ni

    entendre ta voix, j’ai au moins besoin desavoir où tu es.

    — Ne fais pas ça, Gideon !— Rien ne m’obligeait à t’en parler,

    répliqua-t-il, imperturbable.— Tu es sérieux ? m’exclamai-je en

    fonçant vers l’armoire pour en sortir unpeignoir. Je crois pourtant t’avoirentendu dire qu’avouer une erreur nesuffit pas à l’excuser.

    — J’en appelle à ton indulgence.J’enfilai mon peignoir de soie rouge

    en le fusillant du regard.— Non. Je pense que tu veux

    toujours tout contrôler et que ça te plaît

  • de me suivre à la trace !— Ce qui me plaît, c’est de te

    garder en vie, rétorqua-t-il en croisantles bras.

    Je me figeai. Puis je me remémorailes événements de ces dernièressemaines – en ajoutant Nathan dans letableau. Tout s’expliquait : la façon dontGideon avait perdu les pédales quandj’avais voulu aller au bureau à pied, laprésence d’Angus, qui me suivait commemon ombre à travers toute la ville, lafureur de Gideon lorsqu’il avaitréquisitionné la cabine d’ascenseur danslaquelle je me trouvais…

    Toutes ces fois où je l’avais détestéde se comporter comme un sale type

  • autoritaire, il ne pensait qu’à meprotéger de Nathan.

    Mes genoux faiblirent et je melaissai choir sur le sol.

    — Eva !— Donne-moi une minute.J’avais déjà compris un certain

    nombre de choses au cours de notreséparation. J’avais réalisé que Gideonne pouvait permettre à Nathan de sepointer à son bureau avec des photos demoi en train de me faire violer, puis des’en aller tranquillement.

    Brett Kline s’était contenté dem’embrasser et Gideon l’avait dérouillé.

    Nathan m’avait violée régulièrementpendant des années et avait filmé et

  • photographié ses exploits. Gideon avaitforcément réagi très violemment à cettepremière visite de Nathan. Celui-ci étaitsans doute venu au Crossfire Building lejour où j’avais trouvé Gideon sortant dela douche, une tache écarlate maculant lepoignet de sa chemise. Ce que j’avaispris pour du rouge à lèvres était en faitle sang de Nathan. Et le canapé et lescoussins avaient été déplacés au coursd’une bagarre et non parce qu’il s’étaitenvoyé en l’air avec Corinne.

    Gideon s’accroupit en face de moi,les sourcils froncés.

    — Tu crois que ça me fait plaisir dete surveiller ainsi ? Il me semble que jepeux invoquer des circonstances

  • atténuantes, Eva. Crois-moi, jem’efforce de respecter tonindépendance, mais ta sécurité compteplus que tout à mes yeux.

    Examiner la situation avec du reculn’avait pas seulement clarifié leschoses, cela m’avait aussi remis lesidées en place.

    — Je comprends.— J’en doute. Ce que tu vois là, dit-

    il en se désignant d’un geste impatient,n’est qu’une coquille vide. Ce qui memet en mouvement, c’est toi, Eva. Tupeux comprendre, n’est-ce pas ? Tu esmon cœur et mon âme. S’il t’arrivaitquelque chose, j’en mourrais. Teprotéger relève pour moi de l’instinct de

  • survie ! Tolère-le pour l’amour de moisinon pour toi.

    Je me jetai à son cou avec une tellefougue qu’il tomba à la renverse. Lecœur battant, je l’embrassai follement.

    — Je ne supporte pas que tut’inquiètes à cause de moi, murmurai-jeentre deux baisers. Tu es vraiment accro,on dirait

    Il m’étreignit avec force.— Alors on est d’accord ?Je fronçai le nez.— Peut-être pas pour le portable,

    m’entêtai-je. C’est dingue de me traquercomme ça ! Franchement, ce n’est pasdrôle du tout.

    — C’est temporaire.

  • — Je sais, mais…Il posa la main sur ma bouche.— J’ai aussi glissé dans ton sac des

    instructions pour te permettre delocaliser mon portable.

    Cette nouvelle me laissa sans voix.— Tu vois, ce n’est pas une si

    mauvaise idée que ça, ajouta-t-il avec unpetit sourire satisfait.

    — Tais-toi, dis-je en me dégageantpour lui appliquer une tape sur l’épaule.On est complètement dysfonctionnels.

    — Je préfère dire « sélectivementdéviants ». Mais autant garder cela pournous.

    Un grand froid m’envahit soudain enmême temps qu’une bouffée de panique

  • au souvenir de l’obligation dans laquellenous étions de dissimuler notre relation.Combien de temps avant que je lerevoie ? Plusieurs jours ? Je nesupporterais pas de revivre les semainesqui venaient de s’écouler. Le simple faitd’envisager une nouvelle séparation,quelle qu’en soit la durée, me rendaitmalade.

    — Et on est censés se revoirquand ? risquai-je, la gorge serrée.

    — Ce soir.Son beau regard s’assombrit.— Eva, je ne supporte pas que tu

    sois triste.— Tu n’as qu’à rester avec moi,

    murmurai-je, les yeux brûlants de

  • larmes. J’ai besoin de toi.Gideon effleura ma joue du bout des

    doigts.— Tu étais avec moi, Eva. Tout le

    temps. Tu n’as pas quitté mes penséesune seule seconde. Je t’appartiens. Oùque je sois, quoi que je fasse, je suis àtoi.

    J’accompagnai sa caresse d’unmouvement de la tête, laissant satendresse me pénétrer et dissiper mescraintes.

    — Tu ne verras plus Corinne. Je nesupporte pas de te savoir avec elle.

    — C’est fini, promit-il à ma grandesurprise. Je le lui ai déjà dit. J’espéraisque nous pourrions être amis, mais elle

  • veut ce que nous avions autrefois, etmoi, c’est toi que je veux.

    — Le soir où Nathan est mort…c’était elle, ton alibi.

    Je fus incapable d’en dire plus.Imaginer la manière dont il avait passétoutes ces heures avec elle me faisaittrop mal.

    — Non, mon alibi, c’est l’incendiede la cuisine. Régler la situation avecles pompiers, la compagnied’assurances et organiser une solutiond’urgence pour continuer à assurer leservice m’a pris une bonne partie de lasoirée. Corinne est restée un moment,puis elle est partie. De toute façon, la

  • plupart des employés de l’hôtel étaienten mesure d’attester m’avoir vu.

    Mon soulagement dut se lire sur monvisage, car le regard de Gideons’adoucit et prit cette expression deregret que je lui avais si souvent vue.

    Il se leva, puis m’aida à me relever.— Ton nouveau voisin aimerait

    t’inviter à dîner. Vers 20 heures, si celate convient. Tu trouveras sa clef – ainsique celle de mon penthouse – sur tontrousseau.

    — J’aime bien mon nouveau voisin.Il est très sexy, plaisantai-je, histoire dedétendre l’atmosphère. Je me demandes’il est du genre à coucher le premiersoir…

  • Gideon accueillit cette répliqueavec un sourire si machiavélique quej’en fus tout émoustillée.

    — Je pense que tu as d’assez bonneschances de t’envoyer en l’air.

    — Comme c’est romantique !m’exclamai-je avec un soupir théâtral.

    — Je t’en donnerais, de la romance,rétorqua-t-il.

    M’attirant à lui, il me fit ployer enarrière avec une aisance consommée.

    Pressée contre lui, le dos cambré,les pans de mon peignoir s’écartèrent,révélant ma poitrine. Gideon me fitployer davantage de façon à glisser sacuisse musclée entre mes jambes, et la

  • conscience aiguë que j’eus soudain de saforce physique me chavira.

    En un clin d’œil, il m’avait séduite.Malgré un tout récent orgasme, j’étaisprête à lui céder sur-le-champ,subjuguée par sa force, son assurance,cette maîtrise qu’il avait, tant de lui-même que de moi.

    Lorsque j’entrepris de chevauchervoluptueusement sa cuisse, il posa leslèvres sur mon sein, bouche ouverte, salangue en agaçant la pointe érigée.

    Je fermai les paupières et gémis ensigne de reddition.

  • La chaleur et l’humidité du moisd’août m’incitèrent à choisir une robe delin légère et à relever mes cheveux enqueue-de-cheval. Une paire de créolesen or, un soupçon de maquillage, et letour était joué.

    Tout avait changé.Gideon et moi étions de nouveau

    ensemble. Je vivais à présent dans unmonde dont Nathan Barker ne faisaitplus partie. Je ne risquais plus de lerencontrer au coin d’une rue. Il nerisquait pas de se présenter à ma porteun beau matin. Je n’avais plus àm’inquiéter de ce que Gideon pouvaitapprendre sur mon passé, car il savaittout et m’acceptait telle que j’étais.

  • Cependant cette paix naissantes’accompagnait d’une crainte terrible ausujet de Gideon – je voulais avoir lacertitude qu’il n’allait pas être traduit enjustice. Comment pouvait-il être déclaréinnocent d’un crime qu’il avait bel etbien commis ? Allions-nous devoirvivre dans la crainte que ce dernierrevienne un jour nous hanter ? Et en quoicela nous avait-il transformés ? Car nousne pouvions espérer que tout redeviennecomme avant. Pas après un acte aussigrave.

    Je sortis de ma chambre et medirigeai vers la cuisine pour récupérermon sac sur le tabouret où je l’avaislaissé la veille. Je tombai sur Cary, qui

  • avait de toute évidence passé la nuitaussi agréablement que moi.

    Appuyé contre le comptoir, il enagrippait le rebord, tandis que Trey, sonpetit ami, encadrait son visage de sesmains pour l’embrasser passionnément.Celui-ci était en jean et T-shirt, alorsque Cary ne portait qu’un pantalon dejogging gris qui tombait bas sur seshanches étroites. Tous deux avaient lesyeux fermés et étaient trop absorbés l’unpar l’autre pour réaliser qu’ils n’étaientplus seuls.

    J’eus conscience de commettre uneindiscrétion en les observant, mais je nepouvais m’en empêcher. D’une partparce que j’avais toujours trouvé

  • fascinant de regarder deux hommess’embrasser sur la bouche, d’autre partparce que la pose de Cary étaitextrêmement révélatrice. Alors que sonbeau visage reflétait une profondevulnérabilité, le fait que ses mainsagrippent le bord du comptoir plutôt queson amant trahissait son besoin demaintenir une certaine distance entreeux.

    J’attrapai mon sac, sortis à reculonssur la pointe des pieds et quittail’appartement.

    Sachant que je serais en nage si jefaisais le trajet à pied, je décidai dehéler un taxi. Depuis la banquettearrière, j’admirai la spirale noire et

  • étincelante du Crossfire Building quandelle se matérialisa au bout de la rue. Legratte-ciel abritait, entre autres, leslocaux de Cross Industries ainsi queceux de Waters, Field & Leaman,l’agence de publicité – l’une des plusprometteuses du pays – pour laquelle jetravaillais.

    Mon travail en tant qu’assistante deMark Garrity, chef de projet junior, étaitun rêve devenu réalité. Si certains – dontRichard Stanton, troisième époux de mamère et magnat de la finance – n’avaientpas compris que je veuille démarrer aubas de l’échelle alors que j’aurais pufaire fonctionner à plein mes relations,je n’en étais pas moins fière de gravir

  • les échelons sans bénéficier du moindrepiston. Mark était un patron idéal qui mefaisait profiter de son expérience et deson savoir-faire tout en me laissant unemarge de manœuvre appréciable.

    Le taxi s’arrêta derrière une Bentleynoire que je ne connaissais que tropbien. Mon cœur fit un bond dans mapoitrine, car sa présence signifiait queGideon était dans les parages.

    Je réglai la course et quittail’habitacle climatisé pour affronter lachaleur extérieure. Je gardai les yeuxrivés sur la Bentley dans l’espoird’apercevoir Gideon, ce qui étaitd’autant plus ridicule que je venais depasser la nuit avec lui.

  • Je réprimai un sourire narquois,poussai la porte à tambour du Crossfireet traversai l’immense hall. D’unecertaine façon, ce luxueux building étaità l’image de son propriétaire. Tout enverre bleu cobalt et sols de marbre, ilreflétait la puissance et l’influence del’homme qui l’avait conçu, son éléganceaussi, et cette part d’ombreindissociable de sa personne. J’adoraisy travailler.

    Je franchis le portique de sécurité etpris l’ascenseur jusqu’au vingtièmeétage. En sortant de la cabine, j’aperçusMegumi, la réceptionniste, assisederrière le comptoir de l’autre côté de laporte vitrée. Elle en actionna l’ouverture

  • et se leva vivement pour venir à marencontre, plus élégante que jamais enpantalon noir et chemisier de soie dorée.

    Ses yeux en amande brillantsd’excitation, elle me gratifia d’unsourire. Elle arborait un nouveau rouge àlèvres d’un écarlate plutôt audacieux,notai-je au passage.

    — Salut, Eva, je voulais savoir si tuavais des projets pour samedi soir,débita-t-elle.

    — Euh…J’aurais volontiers passé tout mon

    temps libre avec Gideon, mais j’ignoraissi ce serait possible.

    — Rien de précis, non, répondis-je.Pourquoi ?

  • — Un des copains de Michael va semarier et il l’a invité à son enterrementde vie de garçon. Je n’ai pas envie depasser la soirée seule.

    — Michael ? Tu veux dire, le typeque t’a présenté ta colocataire ?

    — Oui, confirma-t-elle.Son visage s’illumina un instant

    avant de s’assombrir.— Il me plaît beaucoup, et je crois

    que je lui plais aussi, mais…— Mais ?Elle haussa une épaule et détourna le

    regard.— Il a peur de s’impliquer dans une

    relation. Je suis sûre qu’il tient à moi, etil n’arrête pas de dire qu’il n’y a rien de

  • sérieux entre nous, qu’on est ensemblepour le fun. Pourtant, on se voit tout letemps et il a arrangé son planning pourêtre plus souvent avec moi. Ce n’est pasjuste un truc physique.

    J’affichai une expression contrite. Jesavais combien il était difficile demettre fin à une relation de ce genre. Lessignaux contradictoires entretiennent latension et l’adrénaline, et la promessede bonheur, à condition que le mecaccepte de se jeter à l’eau, est tellequ’on ne peut se résoudre à ne pas ycroire. Quelle fille ne rêve d’obtenir cequi semble a priori inaccessible ?

    — Je suis partante pour samedi soir,déclarai-je, soucieuse de la soutenir.

  • Qu’est-ce que tu aimerais faire ?— Boire, danser, déconner, répondit

    Megumi en retrouvant le sourire. Peut-être que tu rencontreras l’homme qui tefera oublier le passé ?

    — Heu…Aïe. Galère.— Ça va plutôt bien de ce côté-là,

    en fait.Elle haussa les sourcils.— Tu as une petite mine, toi.Je me suis fait sauter par Gideon

    Cross toute la nuit…— Mon cours de krav maga a été

    assez intense, hier soir.— Ah ouais ? Bon, quoi qu’il en

    soit, regarder le paysage ne peut pas te

  • faire de mal, pas vrai ?J’assujettis la bretelle de mon sac

    sur mon épaule.— Je ne cherche pas de mec pour

    oublier le passé, d’accord ? insistai-je.— Eh ! s’exclama-t-elle en posant

    les mains sur ses hanches. Je tesuggérais juste de rester ouverte à lapossibilité de rencontrer quelqu’un. Çane doit pas être facile d’oublier GideonCross, je m’en doute, mais crois-moi,passer à autre chose est la meilleure desrevanches.

    Cette déclaration me fit sourire.— Je te promets de garder l’esprit

    ouvert, transigeai-je.

  • La sonnerie du téléphone retentit.Megumi décrocha avec un sourired’excuse et j’empruntai le couloir quimenait à mon bureau. M’adapter à monnouveau rôle de célibataire alors que jene l’étais pas allait demander du temps.J’appartenais à Gideon autant qu’ilm’appartenait. Appartenir à qui que cesoit d’autre était inconcevable.

    Je commençais seulement àenvisager de quelle façon j’allais luiannoncer que je sortais samedi soirquand Megumi m’appela. Je meretournai.

    — C’est pour toi, je transfèrel’appel sur ton poste ! annonça-t-elle.J’espère que c’est personnel parce que

  • le mec a une voix à tomber. Le genresexe, drogue et rock’n’roll intégral !

    Un frisson d’excitation fit sehérisser les poils sur ma nuque.

    — Il a donné son nom ?— Oui. Brett Kline.

  • 4

    Je gagnai mon bureau et me laissaitomber sur mon siège. J’avais les mainsmoites rien qu’à l’idée de parler à Brett.Je devais me blinder pour me préparer àl’émotion que ne manquerait pas dedéclencher sa voix ainsi qu’à la boufféede culpabilité qui lui succéderaitimmanquablement. Ce n’était pas que jeveuille qu’il me revienne ou que jesouhaite être avec lui. Entre nous,l’attirance était purement physique. Je ne

  • pouvais le nier, et je ne voulais pasprendre de risques.

    Alors que je fourrais mon sac dansle tiroir inférieur de mon bureau, monregard s’arrêta sur le cadre contenant lesphotos de Gideon et moi. Il me l’avaitdonné pour être toujours dans mespensées. Comme s’il les quittait ! Mêmela nuit, c’était de lui que je rêvais.

    La sonnerie de mon téléphoneretentit. Brett ne lâchait pas prise. Jedécrochai, déterminée à adopter un tonboulot-boulot pour lui signifier qu’ilm’appelait sur mon lieu de travail et quele moment était mal choisi pour uneconversation personnelle.

  • — Bureau de Mark Garrity, EvaTramell à l’appareil.

    — Eva, enfin ! C’est Brett.Je fermai les yeux. Sa voix –

    tellement « sexe, drogue et rock’n’roll »comme l’avait si justement définieMegumi – avait toujours le même effetsur moi. Elle était encore plus sexyquand il parlait que lorsqu’il chantait.Le groupe qu’il avait créé, les Six-Ninths, était en passe d’acquérir unenotoriété internationale. Il avaitd’ailleurs signé chez Vidal Records,label dirigé par Christopher VidalSenior, le beau-père de Gideon – dontGideon était, inexplicablement,

  • l’actionnaire majoritaire. Le monde étaitpetit…

    — Salut, Brett. Comment se passe latournée ?

    — C’est surréaliste. Je n’arrivetoujours pas à croire que c’est à moi queça arrive !

    — Tu en as rêvé assez longtemps ettu le mérites. Profites-en !

    — Merci.Au cours du silence qui suivit, je ne

    pus m’empêcher de me le remémorer telqu’il était la dernière fois que je l’avaisvu, si attirant avec ses cheveux enbataille aux pointes décolorées, sonregard émeraude brûlant de désir rivésur moi… Grand et musclé, il irradiait

  • cette énergie qui semble être l’apanagedes rock stars. Il était couvert detatouages et j’avais un souvenir aussiprécis que sensuel des piercings de sestétons pour avoir appris à les sucerquand je voulais sentir son sexe durciren moi…

    J’étais sensible au charme de Brettcomme n’importe quelle femme digne dece nom, mais il ne faisait pas le poidsface à Gideon.

    — Écoute, reprit Brett, je sais que tues au boulot et je ne veux pas tedéranger. J’appelais pour te dire que jevais revenir à New York et quej’aimerais qu’on se voie.

  • — Je ne crois pas que ce soit unebonne idée.

    — Le lancement de la vidéo deGolden aura lieu à Times Square, Eva,et je veux que tu sois là.

    — Que je sois là pour le… Waouh !Je me passai la main sur le front,

    bouleversée par son invitation, et tâchaide me ressaisir en pensant à ce qu’auraitdit ma mère si elle m’avait vue mefrotter le front ainsi – elle étaitconvaincue que cela accentuait les rides.

    — Je suis très flattée, mais il fautque je sache… cela te va si on se voituniquement en amis ?

    — Sûrement pas ! Tu es célibataire,golden girl, me rappela-t-il en riant. Je

  • considère donc que j’ai le champ libre.Et merde.Cela faisait maintenant trois

    semaines que les photos de Gideon et deCorinne circulaient sur Internet.Apparemment, tout le monde avaitdécidé qu’il était temps pour moi detourner la page.

    — Ce n’est pas aussi simple. Je nesuis pas prête pour une nouvellerelation, Brett.

    — Je t’ai juste proposé d’assister aulancement d’une vidéo et tu fais commesi je te demandais en mariage.

    — Brett, franchement, je…— Il faut que tu viennes, Eva, dit-il

    de cette voix grave à laquelle je n’avais

  • jamais su résister. C’est ta chanson. Jen’accepterai aucun refus de ta part.

    — Tu y seras pourtant bien obligé.— Je serai vraiment blessé si tu ne

    viens pas, déclara-t-il posément. Je neplaisante pas. J’ai besoin que tu sois là.On se verra en amis, si c’est ce que tusouhaites.

    Je laissai échapper un long soupir.— Je n’ai pas envie de te donner de

    faux espoirs.Et encore moins envie de mettre

    Gideon de mauvaise humeur…— Je te promets que je considérerai

    ça comme une faveur strictementamicale.

  • Je ne mordis pas à l’hameçon etpréférai m’abstenir de répondre.

    Il ne lâcha pas prise pour autant. Leferait-il jamais ?

    — D’accord ? insista-t-il.Une tasse de café surgit près de mon

    coude. Je levai les yeux et découvrisMark derrière moi.

    — D’accord, répondis-je, pour medébarrasser de lui.

    — Yesss ! hurla-t-il d’un tontriomphal, et j’étais à peu près certainequ’il avait brandi le poing. Le lancementaura lieu jeudi ou vendredi soir, la daten’est pas encore arrêtée. Donne-moi tonnuméro de portable, que je t’envoie unSMS dès que ce sera sûr.

  • Je débitai mon numéro à toute allure.— C’est noté ? Il faut que j’y aille.— Je te souhaite une bonne journée,

    dit-il d’un ton si sincère que je me sentiscoupable de l’évincer de façon aussiabrupte et inamicale.

    Brett n’était pas un méchant garçon,et il aurait pu devenir un ami génial si jen’avais pas tout gâché en l’embrassant.

    — Merci, Brett. Je suis sincèrementcontente pour toi.

    Je raccrochai et souris à Mark.— Bonjour.— Tout va bien ? s’enquit-il, un

    soupçon d’inquiétude voilant son regardbrun.

  • Son costume bleu marine et sacravate lie-de-vin s’harmonisaientparticulièrement bien avec son teint.

    — Oui, tout va bien. Merci pour lecafé.

    — Il n’y a pas de quoi. Prête àbosser ?

    — Comme toujours, assurai-je avecun grand sourire.

    Je ne tardai guère à sentir quequelque chose clochait. Mark était àcran et distrait, ce qui ne lui ressemblaitpas. Il n’arrivait pas à se concentrer surle projet sur lequel nous travaillions – lacampagne de promotion d’un logiciel

  • d’apprentissage de langues. Je suggéraide passer à une autre campagne – celledes producteurs bios –, mais lamanœuvre demeura sans effet.

    — Tout va bien ? risquai-jefinalement, passant maladroitement auregistre amical – un territoire sur lequelnous évitions l’un comme l’autre de nousaventurer au bureau.

    Il nous arrivait de mettre le travailde côté quand il m’invitait à déjeuneravec Steven, son compagnon, mais àl’agence, nous nous efforcions demaintenir des relations strictementprofessionnelles. Mark savait qui étaitmon beau-père et je lui étais d’autantplus reconnaissante de son attitude. Il

  • avait compris que je ne voulais pasqu’on me traite avec des égards qui nem’étaient pas dus.

    — Pardon ? fit-il en levant les yeux.Puis il se passa la main dans ses

    cheveux ras.— Désolé, soupira-t-il.— J’ai comme l’impression que

    quelque chose te tracasse, dis-je enposant ma tablette sur mes genoux.

    Il haussa les épaules et fit pivoterson fauteuil Aeron de droite à gauche,puis de gauche à droite.

    — Dimanche prochain, cela feraquatre ans que nous vivons ensemble,Steven et moi.

  • — Waouh ! m’exclamai-je.Félicitations.

    De tous les couples que jeconnaissais, celui que formaient Mark etSteven m’apparaissait comme le plusstable et le plus aimant.

    — Merci, répondit-il avec unsourire qui manquait de conviction.

    — Vous allez fêter ça au resto ? Tut’es occupé des réservations ou tu veuxque je m’en charge ?

    Il secoua la tête.— Ce n’est pas encore décidé. Je ne

    sais pas ce qui serait le plus approprié.— Voyons voir… Je n’ai pas

    beaucoup d’expérience en la matière, àmon grand regret, mais ma mère, qui a

  • un talent fou pour ce genre de choses,m’a appris deux ou trois trucs.

    Après avoir été mariée à troishommes particulièrement fortunés,Monica Tramell Barker Mitchell Stantonpourrait envisager de devenirorganisatrice d’événements si elledevait un jour subvenir à ses besoins.

    — Tu veux quelque chose d’intime,rien que vous deux ? Ou une fête avecles amis et la famille ? Est-ce que vousavez l’habitude d’échanger descadeaux ?

    — Je veux me marier, lâcha-t-il.— Ah, d’accord, dis-je en

    m’adossant à mon siège. Dans le genre

  • romantique, j’avoue que je ne vois pasmieux.

    Mark laissa échapper un rire sansjoie qui me fit penser à un aboiement,puis m’adressa un regard malheureux.

    — Ça devrait être romantique. Dieusait que quand Steven m’a fait sademande, il y a quelques années, il avaitmis le paquet. Tu le connais.

    Je clignai des yeux, stupéfaite.— Et tu as dit non ?— J’ai dit que c’était trop tôt. Je

    venais à peine d’entrer à l’agence alorsque la carrière de Steven était déjàlancée, et on en était encore à recollerles morceaux après la rupture dont jet’ai parlé. Le moment me paraissait mal