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SUR LES SIGNES ET LES MIRACLES SAINT IGNACE BRIANTCHANINOV Introduction Le saint Evangile rapporte que les pharisiens, insatisfaits des miracles accomplis par le Seigneur, exigèrent de Lui un miracle particulier, un signe venant du ciel (Marc 8,1). L’exigence d’un tel signe, qui dénote une étrange façon d’aborder les signes et les miracles, a été répétée plus d’une fois, au point que le Seigneur a pu dire : «pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ?» (Marc 8,12). Les Sadducéens se sont associés à la demande des Pharisiens, bien que leur croyance ait été très différente. Le désir d’un signe venant du ciel a été quelquefois exprimé par le peuple aussi, et ceci, même après la miraculeuse multiplication des cinq pains qui nourrirent la multitude des cinq mille hommes présents, sans compter les femmes et les enfants. Les témoins oculaires de ce miracle, qui avaient pris part au repas, demandèrent au Seigneur : «Quel signe montres-Tu, que nous puissions voir et croire en Toi ?… Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu’il est écrit : Il leur donna le pain du ciel en nourriture» (Jn 6,30-31). La miraculeuse et admirable multiplication des pains par les mains du Sauveur leur parut fade. Elle avait été accomplie paisiblement, avec la sainte humilité qui caractérise toutes les actions du Dieu- Homme, mais le peuple recherchait le spectacle, l’effet. Il avait besoin de sentir le ciel couvert de nuages menaçants, d’entendre le tonnerre, de voir les éclairs déchirer le ciel, et les pains tomber du ciel. Dans le même esprit, les grands prêtres et les anciens exigèrent un miracle du Seigneur alors qu’Il se tenait librement sur la Croix. Ils se moquèrent avec les scribes, disant qu’Il en avait sauvé d’autres et qu’Il n’était pas capable de se sauver Lui-même. S’Il était vraiment le Roi d’Israël, pourquoi ne pas descendre sur-le- champ de la Croix afin qu’on crût en Lui ? (Mt 27,41-42) Ils acceptèrent les miracles du Seigneur comme de véritables miracles, mais dans le but de les dénigrer et de renier la miséricorde divine, exigeant un signe de leur propre invention, qui, s’il avait été accompli, eut réduit à néant la venue sur la terre du Dieu-Homme, et empêché la rédemption de l’humanité. Hérode fait aussi partie de ceux qui voulaient voir le Seigneur accomplir un miracle qui eut satisfait sa propre curiosité, son impudence sans borne. Il voulut un signe, comme on attend un agréable divertissement, et, ne l’ayant pas obtenu, il se moqua du Seigneur, pour s’offrir au moins cette part de plaisir. Que signifie donc cette exigence générale d’un signe venant du ciel, exprimée par des gens aux intentions si disparates, qui avaient toutefois en commun leur profond dédain pour les stupéfiants miracles du Seigneur ? Une telle exigence ne fait que dénoncer le point de vue du raisonnement charnel à l’égard des miracles. Qu’est-ce donc que le raisonnement charnel ? C’est une façon d’aborder Dieu et les choses 1

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SUR LES SIGNES ET LES MIRACLES

SAINT IGNACE BRIANTCHANINOV

Introduction

Le saint Evangile rapporte que les pharisiens, insatisfaits des miracles accomplis par le Seigneur, exigèrent

de Lui un miracle particulier, un signe venant du

ciel (Marc 8,1). L’exigence d’un tel signe, qui dénote

une étrange façon d’aborder les signes et les

miracles, a été répétée plus d’une fois, au point que

le Seigneur a pu dire : «pourquoi cette génération

cherche-t-elle un signe ?» (Marc 8,12). Les

Sadducéens se sont associés à la demande des

Pharisiens, bien que leur croyance ait été très

différente. Le désir d’un signe venant du ciel a été

quelquefois exprimé par le peuple aussi, et ceci,

même après la miraculeuse multiplication des cinq

pains qui nourrirent la multitude des cinq mille

hommes présents, sans compter les femmes et les

enfants. Les témoins oculaires de ce miracle, qui

avaient pris part au repas, demandèrent au

Seigneur : «Quel signe montres-Tu, que nous

puissions voir et croire en Toi ?… Nos pères ont

mangé la manne dans le désert, selon qu’il est écrit :

Il leur donna le pain du ciel en nourriture» (Jn

6,30-31).

La miraculeuse et admirable multiplication des

pains par les mains du Sauveur leur parut fade. Elle

avait été accomplie paisiblement, avec la sainte

humilité qui caractérise toutes les actions du Dieu-

Homme, mais le peuple recherchait le spectacle,

l’effet. Il avait besoin de sentir le ciel couvert de

nuages menaçants, d’entendre le tonnerre, de voir les éclairs déchirer le ciel, et les pains tomber du ciel.

Dans le même esprit, les grands prêtres et les anciens exigèrent un miracle du Seigneur alors qu’Il se tenait

librement sur la Croix. Ils se moquèrent avec les scribes, disant qu’Il en avait sauvé d’autres et qu’Il n’était

pas capable de se sauver Lui-même. S’Il était vraiment le Roi d’Israël, pourquoi ne pas descendre sur-le-

champ de la Croix afin qu’on crût en Lui ? (Mt 27,41-42) Ils acceptèrent les miracles du Seigneur comme de

véritables miracles, mais dans le but de les dénigrer et de renier la miséricorde divine, exigeant un signe de

leur propre invention, qui, s’il avait été accompli, eut réduit à néant la venue sur la terre du Dieu-Homme, et

empêché la rédemption de l’humanité.

Hérode fait aussi partie de ceux qui voulaient voir le Seigneur accomplir un miracle qui eut satisfait sa

propre curiosité, son impudence sans borne. Il voulut un signe, comme on attend un agréable divertissement,

et, ne l’ayant pas obtenu, il se moqua du Seigneur, pour s’offrir au moins cette part de plaisir.

Que signifie donc cette exigence générale d’un signe venant du ciel, exprimée par des gens aux intentions

si disparates, qui avaient toutefois en commun leur profond dédain pour les stupéfiants miracles du

Seigneur ? Une telle exigence ne fait que dénoncer le point de vue du raisonnement charnel à l’égard des

miracles. Qu’est-ce donc que le raisonnement charnel ? C’est une façon d’aborder Dieu et les choses

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spirituelles selon la nature humaine déchue, et non pas selon la Parole de Dieu. La défiance et l’hostilité

envers Dieu qui la caractérisent sont particulièrement évidentes dans l’exigence du miracle. La fausse sagesse

inattentive aux miracles va même jusqu’à nier et rejeter les miracles accomplis par le Christ dans son

indicible bonté. Et pourtant, Il a bel et bien accompli ces miracles car Il est la Puissance de Dieu, et la

Sagesse de Dieu (1 Cor 1,24)

Première Partie

C’était un grave péché, inspiré par l’esprit charnel, que d’exiger un miracle du Seigneur. En entendant

cette demande insolente et blasphématoire, le Seigneur soupira profondément en esprit et dit : pourquoi

cette génération cherche-t-elle un signe ? En vérité Je vous le dis, aucun signe ne sera donné à cette

génération. Et il les quitta, entra dans le bateau et partit (Marc 8,12-13).

Il y a une grande joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent, et, au contraire, il y a de la tristesse

lorsqu’un homme tombe dans le péché et refuse de se repentir (Luc 15,10). En contemplant l’infinie bonté de

Dieu à l’égard de l’humanité, et son désir de voir tous les hommes sauvés, saint Macaire le Grand a pu dire

que notre très saint Dieu, bien qu’impassible, éprouve une sorte de divine peine à voir l’homme se détruire.

Une telle peine, qui dépasse notre entendement, n’est donc pas étrangère à l’Esprit de Dieu, qui vient faire sa

demeure en nous, intercédant Lui-même pour nous en des gémissements ineffables (Rom 8,26). C’est cette

peine qu’a éprouvée le Fils de Dieu en entendant la demande d’un miracle, demande à la fois orgueilleuse et

déraisonnable. Soupirant donc en Esprit, Il dit : pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? (Marc

8,12) Voilà comment Dieu réagit à la demande hostile d’un signe. Quelle peine profonde nous sentons là dans

cette question, la peine de Dieu ! Elle traduit la perplexité engendrée par la folie et l’impertinence de la

demande. Ceux qui ont présenté cette requête ont perdu l’espoir du salut, puisque leur requête même est

contraire à l’Esprit de Celui qui dispense le salut.

Le Seigneur quitte ceux qui s’enchaînent obstinément dans les liens des sophismes humains, sans désirer

la guérison. Il les abandonne à eux-mêmes, à leur choix destructeur et délibéré : Et il les quitta (Marc 8,13).

Un mort ne ressent pas son état et l’intelligence charnelle ne ressent pas sa mort spirituelle. Incapable de

voir sa propre ruine, elle ignore à quel point elle a besoin de la vie. Sa conception de la vie étant erronée, elle

a renié et renie encore la Vie véritable, c’est-à-dire Dieu.

Est-ce qu’un signe venant du ciel peut avoir un quelconque intérêt ? Ceux qui l’exigent, bien sûr, lui

trouvent un intérêt. Mais d’abord, pouvons-nous affirmer qu’un tel signe est toujours un signe de Dieu ? La

sainte Ecriture ne nous montre pas les choses ainsi.

L’expression même «signe venant du ciel» est imprécise, que ce soit pour les gens de l’époque du Christ,

ou pour ceux d’aujourd’hui. Ceux qui ne sont pas habitués aux sciences voient le «ciel» comme le domaine

aérien. Ainsi, le soleil, la lune et les étoiles sont communément placés dans le «ciel», alors qu’ils flottent dans

l’espace au-delà de l’atmosphère. La pluie, le tonnerre et les éclairs sont communément qualifiés de

«manifestation du ciel», alors qu’il serait plus logique de les associer à la terre, puisqu’ils surviennent dans

l’atmosphère terrestre.

La sainte Ecriture rapporte que sous l’action du démon, le feu du ciel tomba et consuma les moutons et les

serviteurs de Job (Job 1,16). Il est clair que ce feu se forma dans l’air au même titre que les éclairs.

Simon le Mage époustoufla de ses miracles des gens spirituellement aveugles, à tel point que la puissance

de Satan fut confondue avec la grande puissance de Dieu (Ac 8,10). Simon surprit particulièrement les

romains idolâtres quand, au cours d’une grande manifestation publique, il se déclara dieu, prétendit qu’il

allait s’élever dans les airs, et le fit réellement ! (Selon les écrits de saint Siméon Métaphraste qui tire ses

sources des premiers chroniqueurs chrétiens).

C’est un terrible malheur de ne pas connaître Dieu de façon véritable et de confondre ses oeuvres avec

celles du démon. Juste avant le second Avènement du Christ, quand le christianisme, la connaissance

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spirituelle, et le discernement seront réduits à l’extrême, on verra se lever de faux christs, de faux prophètes,

et il y aura de grands signes et des miracles; et ceci au point d’égarer même les élus, si cela était possible

(Mt 24,24). L’antichrist lui-même déversera généreusement ses miracles sur les hommes, étonnant et

satisfaisant les intelligences charnelles et ignorantes. Il leur donnera les signes du ciel qu’elles recherchent

avec appétit. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, par l’influence de Satan, de toute espèce d’oeuvres de

puissance, de signes et de prodiges mensongers, comme de toutes les tromperies du mal, à l’adresse de ceux

qui sont voués à la perdition pour n’avoir pas accueilli l’amour de la vérité qui leur aurait valu d’être

sauvés. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une puissance qui les égare, qui les pousse à croire le mensonge, en

sorte que soient condamnés tous ceux qui auront refusé la vérité et pris parti pour le mal (2 Th 2,9-12). Les

intelligences ignorantes et charnelles, voyant les miracles, ne reviendront pas à la raison. A cause de l’affinité

de leur esprit avec l’esprit des miracles accomplis, elles accepteront immédiatement dans leur aveuglement

l’activité de Satan en la prenant pour une grande manifestation de la puissance de Dieu. L’antichrist sera

accepté rapidement, sans réflexion. Les gens ne comprendront pas que ses miracles n’ont aucun but

raisonnable ni béni, aucun sens véritable, qu’ils sont étrangers à la vérité, pleins de mensonges, monstrueux,

malicieux, absurdes, destinés à surprendre, à tromper, et à séduire par des effets enchanteurs, vides et

stupides.

Ne nous étonnons pas que les miracles de l’antichrist soient acceptés sans question et avec délice par les

apostats du christianisme, qui sont les ennemis de la vérité et de Dieu. Ils se préparent d’eux-mêmes à

accepter de façon ouverte et active le messager et l’instrument de Satan, ses enseignements et ses actes, et à

entrer en contact spirituel avec lui au moment voulu. Cela doit nous laisser pensifs et tristes de savoir que les

miracles et les oeuvres de l’antichrist causeront des difficultés aux élus de Dieu eux-mêmes. La raison de la

forte influence de l’antichrist sur les hommes est à chercher dans son hypocrisie et sa corruption infernales,

dans le camouflage très élaboré de ses actes les plus démoniaques, dans son insolence sans retenue ni

pudeur, dans la coopération prolifique des esprits déchus, et enfin dans sa capacité à effectuer de faux, mais

stupéfiants miracles. L’esprit humain n’est pas capable de concevoir un homme aussi mauvais que

l’antichrist. Il est impossible au coeur humain, même pécheur, de croire que le mal puisse atteindre le niveau

qu’il atteindra effectivement avec l’antichrist. Ce dernier se mettra en avant avec éclat, comme tous ses

prédécesseurs et prototypes, il se prétendra prédicateur et restaurateur de la véritable connaissance de Dieu.

Les chrétiens sans discernement le verront comme un représentant de la religion véritable, et se joindront à

lui. Il se présentera comme le Messie attendu, et les adeptes de la sagesse charnelle se précipiteront à sa

rencontre, proclamant sa gloire, sa puissance, son génie, et ne tarderont pas à faire de lui un dieu dont ils

deviendront les disciples.

L’antichrist se montrera humble, rempli d’amour et de toutes vertus. Ceux qui l’accepteront comme tel et

se soumettront à lui comme au bien suprême, sont ceux qui adhéreront à la vérité de l’humanité déchue, et

refuseront de la rejeter pour celle de l’Evangile.

L’antichrist présentera à l’humanité une exaltante économie fondée sur le bien-être et la prospérité. Il

offrira des honneurs, des richesses, du luxe, des distractions, du confort matériel, et des réjouissances. Ceux

qui recherchent les choses terrestres l’accepteront comme leur maître. Il se révélera à l’humanité par des

artifices rusés, théâtraux, donnant en spectacle de stupéfiants miracles, inexplicables par la science. Il

suscitera la peur par le déferlement prodigieux de ces miracles. Il donnera satisfaction aux sages de ce

monde, aux superstitieux, et confondra la science humaine. Les hommes, conduits par la fausse lumière de la

nature déchue, aliénés par l’absence de direction émanant de la Lumière de Dieu, seront séduits par ce

séducteur jusqu’à la soumission (Apo 13,8).

Les signes de l’antichrist seront observés d’abord dans les airs, car c’est là que Satan exerce surtout son

influence (Eph 2,2 et 6,12). Ils agiront sur notre vue, la charmant et la trompant. Saint Jean le Théologien,

contemplant les événements qui précéderont la fin du monde, dit dans le livre de l’Apocalypse que

l’antichrist accomplira de grandes choses, comme faire descendre le feu du ciel sur la terre à la vue des

hommes (Apo 13,13). Les saintes Ecritures voient ce phénomène comme le plus grand des signes de

l’antichrist. Ce sera un spectacle magnifique et terrible. Les signes de l’antichrist soutiendront sa conduite

rusée. Ils séduiront la majorité des hommes, qui le suivront. Les adversaires de l’antichrist seront considérés

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comme des rebelles, des ennemis du bien commun et de l’ordre, ils seront soumis à la persécution ouverte, à

la torture, et aux exécutions.

Les mauvais esprits, envoyés de par le monde, susciteront chez les hommes une haute opinion de

l’antichrist, une sorte d’extase universelle, d’attirance irrésistible. Les saintes Ecritures mentionnent à

plusieurs reprises la violence et la cruauté de la dernière persécution contre les chrétiens. Elles attribuent à

cet être effrayant qu’est l’antichrist, un nom bien défini et caractéristique, la bête (Apo 13,1), de la même

façon que l’archange déchu est appelé le dragon (Gen 3,1; Apo 12,3). Ces noms représentent bien les deux

ennemis de Dieu. Un agit secrètement, et l’autre ouvertement. La bête, comme toutes les bêtes, réunit en elle

une large palette de cruautés : la bête que je vis était semblable à un léopard, ses pieds étaient comme les

pieds d’un ours, et sa gueule comme la gueule d’un lion (Apo 13,2), le dragon lui conféra son pouvoir, son

trône et sa grande autorité (Apo 13,2).

Une terrible épreuve s’abattra sur les saints : la ruse et l’hypocrisie du redoutable persécuteur

augmenteront en vue de les tromper et de les séduire. Raffinées, inventives, et rusées seront les persécutions

et les contraintes. Le pourvoir illimité du persécuteur placera les élus dans une situation très difficile. Leur

petit nombre paraîtra insignifiant à l’humanité, et leur opinion sera considérée comme négligeable. Ils

devront supporter le dédain général, la haine, la calomnie et l’oppression. La mort violente sera leur lot.

Seule une aide spéciale de la grâce divine leur permettra de tenir debout devant l’ennemi de Dieu, et de

confesser le Seigneur Jésus devant lui et devant les hommes.

La raison de tout ce discours était, rappelons-nous, de commenter la demande des Pharisiens et des

Sadducéens, qui exigeaient du Seigneur un signe venant du ciel, c’est-à-dire un miracle d’un caractère

semblable à ceux du futur antichrist. Le fait qu’un tel type de miracle ait été demandé explique la réaction du

Seigneur. Devant une telle supplique, le Dieu-Homme exprima son grand dépit, et refusa catégoriquement de

leur donner satisfaction. Plus, Il ne souhaita pas demeurer davantage auprès de ceux qui s’étaient permis de

présenter une telle requête. Il les quitta. A une autre occasion, sa réponse fut encore plus incisive : Une

génération mauvaise et adultère cherche un signe; aucun signe ne lui sera donné, si ce n’est le signe de

Jonas (Mt 16,4). «Cette génération» désigne tous ceux qui exigent un signe du même esprit que celui qui est

décrit plus haut. Ils sont qualifiés de «génération adultère» car ils sont entrés en communication spirituelle

avec Satan, brisant leur union avec Dieu. De plus, bien qu’ayant reconnu les miracles du Dieu-Homme, ils

prétendent ne pas les voir. Boudant et blasphémant les miracles de Dieu, ils demandent un miracle conforme

à leur triste état d’esprit. La requête d’un signe venant du ciel n’est donc pas tant la requête d’un miracle,

qu’une moquerie. Elle tourne en dérision les miracles déjà accomplis par le Dieu-Homme. Elle trahit une

vision ignorante et pervertie des miracles. Les signes du prophète Jonas, comme le Sauveur l’explique Lui-

même (Mt 12,40), sont les signes qui accompagnent sa passion et sa résurrection. A la mort du Seigneur

furent donnés les vrais signes du ciel ! Le soleil, à la vue du Seigneur crucifié, s’obscurcit en plein midi; des

ténèbres recouvrirent toute la terre durant trois heures; le voile du temple se déchira de haut en bas par le

milieu; la terre trembla; les rochers se fendirent; les tombeaux s’ouvrirent ; de nombreux saints

ressuscitèrent et apparurent dans la ville sainte (Luc 23,45; Mt 27, 45,51-53).

A la Résurrection, il y eut un autre tremblement de terre. Un ange de lumière descendit du ciel sur le saint

Sépulcre pour témoigner de la Résurrection, pétrifiant les soldats qui avaient été placés là par ceux qui

cherchaient les signes du ciel (Mt 28,2-3 et 11-15). Ces mêmes soldats parlèrent de la Résurrection du

Seigneur devant les juifs au Sanhédrin. Ceux-ci, qui avaient pourtant reçu leur signe venant du ciel,

n’exprimèrent que haine et dédain à son égard, comme à l’égard de tous les miracles précédants du Dieu-

Homme. Ils s’employèrent à soudoyer les soldats et à cacher le miracle divin par la tromperie.

Procédons maintenant à l’examen des miracles effectués par notre Seigneur Jésus Christ. Ils sont un

cadeau divin offert à l’humanité. Ce cadeau ne fut pas offert par nécessité, mais uniquement par bonté et par

miséricorde. Les hommes auraient dû le traiter avec la plus grande révérence et la plus grande prudence, car

Celui qui l’a fait n’est autre que Dieu devenu homme pour notre salut. Ce cadeau était en vérité un

témoignage de grand prix.

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L’homme est entièrement libre d’accepter son salut. De la même façon, il est entièrement libre d’accepter

les miracles du Christ, de discuter leur authenticité et leur qualité, et d’en tirer les conclusions de son choix

concernant Celui qui les a accomplis. La reconnaissance et l’acceptation du Rédempteur est le résultat d’un

choix libre et positif, et non pas un acte accompli avec légèreté, précipitation, ou contrainte. Les miracles du

Christ avaient un but bien précis. On peut répéter à leur propos ce que le Seigneur a dit à l’apôtre Thomas :

«Approche tes doigts, et vois mes mains; approche ta main, et mets-la dans mon côté, et ne sois pas

incrédule mais croyant !» (Jn 20,27) Les miracles du Christ étaient tangibles, accessibles aux gens simples.

Ils n’avaient rien de mystérieux. Ils ne pouvaient pas laisser les gens perplexes et incapables de décider s’ils

étaient vraiment des miracles, ou des effets. Les morts étaient ressuscités, les malades incurables étaient

guéris, les lépreux étaient purifiés, les aveugles de naissance recouvraient la vue et les muets la parole, la

nourriture était instantanément multipliée pour nourrir ceux qui étaient dans le besoin, les vagues de la mer

et le vent étaient calmés sur une simple parole, ceux que l’orage menaçait de mort étaient sauvés, les filets

des pêcheurs qui avaient longtemps peiné en vain étaient remplis d’un seul coup, et tout cela devant la voix

discrète du Seigneur. Les miracles du Dieu-Homme avaient de nombreux témoins, et même des personnes

hostiles, ou inattentives, ou ne recherchant qu’un aide physique. Les miracles étaient indéniables. Les

ennemis les plus envieux du Seigneur ne les niaient pas, même s’ils cherchaient à les rabaisser par une

interprétation blasphématoire, ou par tout autre artifice suggéré par leur esprit rusé et malicieux. Les

miracles du Seigneur n’étaient ni vaniteux ni prétentieux. Aucun d’entre eux ne fut accompli dans le but de se

mettre en avant. Tous étaient couverts par le manteau de l’humilité. Ses bienfaits bénis offerts à l’humanité

souffrante exprimaient la toute-puissance du Créateur sur les créatures terrestres et spirituelles. Ils

prouvaient que Dieu est entièrement digne de confiance, qu’Il a pris sur Lui l’humanité, apparaissant comme

un homme au milieu des hommes.

Notons qu’un des miracles du Seigneur revêt un sens mystique, et ne fut accompli pour le bénéfice

d’aucune personne particulière, mais au profit de toute l’humanité. Il s’agit du miracle du figuier stérile qui

n’avait que des feuilles et fut flétri (Marc 11,13-14,20). Cet arbre est mentionné dans le récit de la chute (Gen

3,7) comme l’un des arbres du Paradis. Ses feuilles servirent à cacher la nudité de nos ancêtres, nudité qu’ils

n’avaient pas remarquée avant le péché, et que le péché leur révéla. Il se pourrait que le fruit défendu dans le

Paradis ait été la figue. Le Seigneur ne trouva pas de fruit sur le figuier. Il rechercha le fruit avant le temps,

permettant à sa chair d’exprimer un ultime désir de nourriture, qui rappelle le faux désir de nos ancêtres. Le

Seigneur porta ce désir sur Lui, comme toutes les faiblesses de l’humanité, afin de pouvoir le détruire lui

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aussi. Ne trouvant pas de fruit, Il rejeta les feuilles, et détruisit l’existence même de l’arbre, au moment même

où un autre arbre, l’arbre de la Croix, commençait à être préparé comme instrument du salut de l’humanité.

Un arbre, instrument de la destruction de l’humanité, fut détruit sur l’ordre du Sauveur des hommes. Ce

miracle mystique est accompli en présence des seuls saints apôtres, les disciples de l’enseignement mystique.

Il est accompli juste avant l’entrée du Dieu-Homme dans l’agonie de ses souffrances pour l’humanité, avant

l’élévation sur la Croix.

Les miracles du Seigneur avaient une signification sainte et un but saint. Ils furent en eux-mêmes d’un

grand bénéfice dans l’accomplissement du plan divin, et servirent en plus de témoignage et de preuve à un

acte de bonté infiniment plus élevé. Lequel ? En devenant homme, le Seigneur a offert à l’humanité un

présent éternel, spirituel et sans prix : le salut, la purification des péchés, et la résurrection de la mort

éternelle.

La parole du Seigneur et sa vie furent la réalisation de ce présent universel. Le Seigneur a mené une vie

totalement étrangère au péché, parfaitement sainte (Jn 8,46). Sa parole était puissance (Marc 1,42). Les

hommes étaient tombés dans les ténèbres de l’esprit charnel, leur coeur et leur esprit étaient aveugles. Ils

avaient besoin d’un acte de condescendance spécial, il fallait un témoignage accessible à leurs sens, il fallait

donner aux esprits et aux coeurs une connaissance vivifiante passant par les sens, puisque ces esprits et ces

coeurs mourraient de mort éternelle après la mort naturelle.

Les miracles sont accordés pour appuyer la parole de Dieu. Pour que l’homme puisse comprendre et

accepter le don spirituel que seuls les yeux spirituels peuvent percevoir, le Seigneur ajouta à ce don spirituel

et éternel un don similaire, mais temporaire et physique, la guérison des maladies du corps.

Le péché est la cause de toutes les maladies de l’homme, qu’elles soient physiques ou spirituelles, il est la

cause de la mort temporaire et de la mort éternelle. En montrant sa puissance sur les conséquences

physiques du péché dans le corps de l’homme, le Seigneur a montré sa puissance sur le péché lui-même.

L’intelligence charnelle ne perçoit pas les maladies spirituelles, ni la mort éternelle, mais elle voit et accepte

les maladies du corps, qui l’impressionnent et l’intéressent au plus haut point. Le Seigneur a soigné tous les

malades d’un seul mot. Sur un simple ordre, Il a ressuscité les morts, chassé les esprits impurs, et montré sa

puissance. Il a montré la puissance de Dieu sur l’homme, sur le péché, sur les esprits déchus, et Il a montré

tout cela ouvertement à nos sens, à notre esprit charnel. L’intelligence charnelle, voyant et touchant cette

puissance, pouvait et aurait logiquement dû reconnaître la puissance de Dieu sur le péché, non seulement

dans la relation entre le péché et le corps, mais aussi dans la relation du péché avec l’âme elle-même, et en

déduire le pouvoir de Dieu sur l’âme.

Certains miracles du Seigneur, comme celui de la résurrection d’un mort, montrent la puissance illimitée

de Dieu sur le corps et sur l’âme. Le corps retrouve son intégrité, l’âme est rappelée en lui, bien que déjà

partie dans le monde des esprits. Elle est rappelée de ce monde-là et réunie au corps dont elle avait été

séparée pour toujours. L’homme a reçu des signes au-dedans de lui, pas à l’extérieur. Il a reçu la preuve du

salut en lui-même, pas à distance. Le témoignage du salut éternel de l’âme et du corps lui fut accordé à

travers le salut temporaire du corps des maladies et de la mort. Une observation juste et pieuse des miracles

du Seigneur montre leur raison divine.

L’exigence d’un signe venant du ciel est tout à fait dénué de sens. Bien que la puissance du Seigneur ait

rarement dépassé les limites de l’homme pour s’étendre sur les éléments naturels, ceci est arrivé également.

Et ceci dans le but de montrer que le pouvoir du Seigneur sur toute la nature n’est rien d’autre que le pouvoir

infini de Dieu. Ces miracles opérés sur la nature complétèrent ceux qui furent accomplis sur l’humanité, afin

que l’humanité puisse préciser le sens de l’oeuvre qu’elle attribuait à Celui qui allait effacer nos péchés. Le

Seigneur vint sur la terre pour le salut de l’homme, Ses préoccupations furent donc concentrées sur l’homme,

la plus parfaite des créatures, créée à Son image, Son temple raisonnable. Le terre, ce lieu d’exil, de

souffrance et de passage, et toute la création matérielle, en dépit de son immensité, furent laissée par Lui

sans attention. Et si certains miracles furent accomplis sur la matière, ce fut toujours pour les besoins de

l’homme.

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Voici le sens des miracles accomplis par le Seigneur et ses apôtres. Le Seigneur le leur a d’ailleurs

clairement exprimé. Rappelons-nous qu’une fois, la multitude se rassembla dans une maison où se trouvait le

Seigneur. Cette maison était pleine et la foule se pressait au point qu’il devenait impossible d’entrer. C’est à

ce moment qu’un paralytique fut amené, qui ne pouvait quitter son lit. Ceux qui le portaient, voyant la foule,

passèrent par le toit, faisant une ouverture au plafond afin de pouvoir descendre le paralytique devant le

Seigneur. Voyant cet acte de foi, le Seigneur miséricordieux s’adressa au paralytique en disant : fils, tes

péchés sont pardonnés ! Dans l’assemblée étaient assis quelques scribes, qui connaissaient le Loi à la lettre,

et qui, malades d’envie à l’égard du Dieu-Homme, pensèrent immédiatement qu’un blasphème avait été

prononcé. Pourquoi cet homme blasphème-t-il ainsi ? Qui peut pardonner les péchés si ce n’est Dieu seul ?

Et Celui qui connaît les secrets de tous les coeurs leur dit : Pourquoi raisonnez-vous ainsi dans vos coeurs ?

Qu’est-il le plus facile de dire, tes péchés te sont pardonnés, ou bien, lève-toi, prends ton grabat et marche ?

Mais pour que vous puissiez savoir que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, Je

te le dis, lève-toi, prends ton grabat, et rentre dans ta maison ! (Marc 2,2-11). Dire sans preuve que «tes

péchés sont pardonnés», c’est à la portée d’un hypocrite ou d’un trompeur. Mais le paralytique fut guéri sur-

le-champ. Il retrouva sa force, prit son grabat, et marcha devant toute l’assistance présente. Ce miracle

montre bien la bonté et la sagesse divine. Il commence par le don spirituel offert au malade souffrant par le

Seigneur, don invisible : la rémission des péchés. Ce don fut l’occasion d’une confession involontaire des juifs

lettrés : Dieu seul peut accorder la rémission des péchés. Le Seigneur, répondant à leurs pensées, leur

accorde un nouveau témoignage sur Lui-même : Il leur montre qu’Il est Dieu. Et pour finir, le don et la

preuve spirituels sont scellés par un don et une preuve matériels : la guérison immédiate et totale du malade.

Le saint évangéliste Marc, en concluant son évangile, rapporte que les apôtres, après l’Ascension du

Seigneur, s’en allèrent prêcher partout la Parole, tandis que le Seigneur travaillait avec eux, confirmant le

message par des signes (Marc 16,20).

Cette pensée est exprimée de nouveau par ces mêmes apôtres dans la prière qu’ils élevèrent devant Dieu

après les menaces du Sanhédrin, qui leur interdisait d’enseigner et d’agir au Nom de Jésus : Et maintenant,

Seigneur, vois ces menaces et fais que tes serviteurs puissent proclamer ta parole avec audace, en étendant

ta main pour guérir; que des signes et des merveilles puissent être accomplis au Nom de ton saint Fils

Jésus ! (Ac 4,29-30)

Les signes de Dieu étaient donc accordés pour assister la Parole de Dieu. Ils témoignaient de la puissance

et de la véracité de cette Parole (Luc 4,36). Mais l’essentiel est la Parole. Les signes sont inutiles là où la

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Parole est acceptée, puisque la fiabilité de la Parole est comprise. Les signes ne sont que condescendance

envers la faiblesse humaine.

Les mots agissent d’une façon, et les signes d’une autre. Les mots agissent directement sur l’intelligence et

le coeur, les signes agissent sur l’intelligence et le coeur par l’intermédiaire des sens. Les effets de la Parole

sont plus forts, plus puissants, plus définitifs que les effets des signes.

Quand les mots et les signes agissent de concert, alors même l’effet des signes passe inaperçu, à cause de la

force abondante de la Parole. Ceci est clair dans l’Evangile. Nicodème fut influencé par les signes, et il n’a

reconnu dans le Seigneur qu’un prédicateur envoyé par Dieu (Jn 3,2). L’apôtre Pierre fut influencé par la

Parole et il confessa le Seigneur comme Christ et Fils de Dieu : Tu as les paroles de la vie éternelle, et nous

croyons et nous sommes certains que Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Jn 6,68-69). Saint Pierre était

témoin oculaire des nombreux miracles du Seigneur. La multiplication des cinq pains qui nourrirent une

grande foule venait juste d’être accomplie par le Seigneur, mais l’apôtre, dans sa confession, resta silencieux

sur les miracles, et parla seulement de la puissance des paroles. La même chose arriva avec les deux disciples

qui conversaient avec le Seigneur sur le chemin d’Emmaüs sans Le reconnaître. En arrivant à la maison, ils

Le reconnurent à la fraction du pain, et dès qu’ils reconnurent le Seigneur, Il devient invisible. Ils ne dirent

rien du miracle stupéfiant, leur attention restant centrée sur les paroles : Est-ce que nos coeurs ne brûlaient

pas à l’intérieur de nous-mêmes, quand Il nous parlait sur le chemin, nous ouvrant les Ecritures ? (Luc

24,32)

Le Dieu-Homme a béni ceux qui croient sans avoir vu les miracles (Jn 20,29). Il a également exprimé de la

sympathie pour ceux qui, insatisfaits de la Parole, ont besoin de miracles : Si vous ne voyez des signes et des

merveilles, vous ne croirez pas, dit-Il à Capharnaüm (Jn 4,48)

C’est ainsi ! Dignes de sympathie sont ceux qui délaissent la Parole et recherchent l’affermissement dans

les miracles. Ce besoin provient pourtant de la prédominance de l’esprit charnel, de l’ignorance, d’un mode

de vie offert à la corruption et au péché, d’un manque de pratique de l’étude de la loi divine et des vertus qui

plaisent à Dieu, d’une incapacité de l’âme à sentir l’Esprit saint, de percevoir la présence de l’Esprit saint

dans la Parole. Les signes sont donc davantage désignés pour convaincre et amener à la foi ceux qui ont

encore un esprit charnel, qui sont préoccupés des choses de ce monde. Immergés dans les affaires de cette

vie, l’âme toujours enchaînée à la terre et ses soucis, peu capables de comprendre les mérites de la parole, le

Verbe miséricordieux les attire vers le salut accordé par la Parole par le truchement de signes tangibles qui

s’affirment de façon matérielle à travers les sens, attirant l’âme faible vers le Verbe Sauveur et tout-puissant.

Ceux qui croient par les miracles constituent une catégorie plus basse de croyants. Quand un enseignement

spirituel, élevé, et saint leur est offert, beaucoup l’interprètent à leur idée (Jn 6,60) et ne souhaitent pas

demander l’explication des paroles de Dieu, qui sont pourtant esprit et vie. Ils sont conduits par le

témoignage superficiel de leur coeur, et souvent s’en vont (Jn 6,66).

Ni les signes, ni les paroles du Dieu-Homme n’agirent positivement sur les grands-prêtres juif, sur les

scribes, les pharisiens, les sadducéens, bien qu’à l’exception de ces derniers, ils connussent à la lettre la Loi.

Etrangers à Dieu et pleins d’inimitié envers Lui à cause de leur état de pécheurs (commun à toute

l’humanité), ils s’installèrent volontairement dans cet état à cause de leur haute opinion d’eux-mêmes, de

leur désir de mener cette vie en y trouvant le succès d’une manière que l’Evangile proscrivait.

Ils n’ont pas voulu entendre le Fils de Dieu leur parler. Ils n’ont pas écouté ses paroles comme ils auraient

dû. Ils ne L’ont pas écouté avec attention, ils ont seulement retenu ce qui leur semblait nécessaire pour

donner une mauvaise interprétation de son discours et L’accuser. Et c’est ainsi qu’ils ont développé de la

haine pour les mots mêmes de Celui qu’ils haïssaient. Pourquoi ne comprenez-vous pas mon discours ? C’est

parce que vous ne pouvez même pas entendre mes paroles ! (Jn 8,43), disait le Sauveur à ses ennemis qui

rejetaient de façon têtue et obstinée le salut qui leur était offert. Pourquoi ne comprenez-vous pas mon

enseignement ? Pourquoi n’acceptez-vous pas mes mots qui vous guériraient ?…Parce que vous ne pouvez

même pas écouter mes paroles, cela vous est insoutenable. Etant les enfants du mensonge et agissant en

conséquence, vous ne Me croyez pas. Et parce que Je vous dis la vérité, vous ne Me croyez pas (Jn 8,45)

Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Vous ne M’écoutez pas car vous n’êtes pas de Dieu (Jn 8,47).

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Si Je ne fais pas les oeuvres de mon Père, ne Me croyez pas. Mais si Je les fais, même si vous ne Me croyez

pas, croyez mes oeuvres, afin que vous puissiez savoir et croire que le Père est en Moi et que Je suis en Lui

(Jn 10,37-38). Et ces paroles, qui portaient pourtant en elles la vérité divine, furent prononcées en vain,

malgré la plénitude du témoignage (Jn 8,14). En vain furent accomplis les miracles, qui apportaient cette

plénitude du témoignage si tangible et évidente que les ennemis du Dieu-Homme, malgré leur désir et leur

effort pour le renier, ne purent s’empêcher de les reconnaître (Jn 9,24).

Ces mêmes moyens qui firent de l’effet sur ceux qui ne connaissaient pas la Loi, ou qui étaient peu

familiarisés avec elle, et qui passaient leur vie dans les préoccupations terrestres sans rejeter volontairement

la loi divine, n’eurent aucune influence sur ceux qui connaissaient la Loi en détail et à la lettre, et la reniaient

volontairement par leur vie (Jn 5,46-47;7,19). Tout ce que l’ineffable miséricorde divine a pu faire pour le

salut des hommes a été fait. Le Sauveur l’a dit clairement : Si Je n’étais pas venu et si Je ne leur avais pas

parlé, ils n’auraient pas de péché; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché. Celui qui Me hait,

hait mon Père aussi. Si Je n’avais pas accompli au milieu d’eux les oeuvres qu’aucun autre n’a faites, ils

n’auraient pas de péché, mais maintenant ils ont vu et haï tant Moi que mon Père (Jn 15,22-24).

Le christianisme a été conduit pour nous à une telle perfection qu’il n’y a pas de justification possible pour

ceux qui l’ignorent. La raison de l’ignorance est seulement la volonté d’ignorer. De même que le soleil brille

dans le ciel, le christianisme brille aussi. Celui qui ferme volontairement ses yeux doit mettre son

aveuglement au crédit de sa propre volonté et pas à celui de l’absence de lumière.

La raison du reniement du Dieu-Homme par l’humanité est à rechercher dans l’homme lui-même. Dans

l’homme aussi se trouve l’acceptation de l’antichrist. Je suis venu au Nom de mon Père et vous ne Me recevez

pas. Si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez (Jn 5,43) Ceux qui renient le Christ et ceux qui

acceptent l’antichrist sont les mêmes, bien qu’on parle ici de l’antichrist comme d’une personne à venir. Le

reniement du Christ vient de l’esprit de l’homme, et c’est ce même esprit qui accepte l’antichrist. Ceux qui

renièrent le Christ jadis sont comptés dans les rangs de ceux qui accepteront l’antichrist, bien qu’ils aient

vécu sur la terre des siècles avant l’arrivée de ce dernier. Ils ont accompli l’acte le plus odieux : le meurtre de

Dieu. Mais un crime analogue au déicide n’est pas à attendre de l’époque de l’antichrist. L’esprit de ces

hommes-là étaient jadis plein d’inimitié à l’égard du Christ, et l’esprit de ceux qui s’uniront à l’antichrist le

sera aussi, bien qu’un grand laps de temps les sépare, puisque nous approchons maintenant de la fin du

second millénaire.

Et tout esprit qui ne confesse pas que Jésus Christ est venu dans la chair n’est pas de Dieu : et c’est là

l’esprit de l’antichrist, dont vous avez entendu dire qu’il viendrait, qui est déjà maintenant dans le monde (1

Jn 4,3), dit le Théologien. Ceux qui sont menés par l’esprit de l’antichrist renient le Christ, ils acceptent

l’antichrist en esprit, ils entrent en union avec lui, ils se soumettent en esprit à lui, ils lui offrent l’adoration et

le confessent comme dieu. Et pour cette raison Dieu leur enverra une grande illusion, (c’est-à-dire que Dieu

la permettra) de telle manière qu’il croiront un mensonge : que soient damnés tous ceux qui n’ont pas cru à

la Vérité, et qui ont pris plaisir à ne pas marcher avec droiture ! (2 Th 2,11-12) Dieu est juste dans ses

jugements. Tout ceci satisfera l’esprit humain et l’accusera à la fois. L’antichrist viendra en son temps. Sa

venue sera précédée d’une apostasie de la foi chrétienne par presque tous les hommes. Cette apostasie

préparera l’humanité à l’accepter en esprit. L’humeur de l’esprit humain générera une demande, une

invitation de l’antichrist, une sympathie pour lui, comme une maladie grave génère l’envie d’un breuvage

empoisonné. L’invitation est prononcée ! Une voix secrète se fait entendre dans la société, exprimant un

besoin pressant pour le génie des génies, qui pourrait élever le développement matériel et le succès matériel

au plus haut degré, qui apporterait sur la terre un tel bien-être que le ciel et la terre deviendraient superflus

pour l’homme. L’antichrist sera le résultat logique, équitable et naturel de la direction morale et spirituelle

suivie par tous les hommes.

Et pourtant, les miracles du Dieu incarné apportaient les bénédictions matérielles les plus grandes que

l’humanité puisse imaginer. Quelle bénédiction pouvait être plus précieuse que le retour d’un mort à la vie ?

Quelle bénédiction pouvait être plus précieuse que la guérison d’une maladie incurable, rendant la vie d’un

homme semblable à une lente agonie ? Pourtant, en dépit du bénéfice, de la sainteté et du sens spirituel de

ces miracles du Christ, ils n’étaient que des dons temporels. Pour dire les choses précisément, on devrait les

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qualifier de signes. Ils étaient les signes de la Parole du salut éternel. Ceux qui ont été ressuscités par le Dieu-

Homme sont finalement morts en leur temps, ils n’ont été gratifiés que d’une extension de leur vie terrestre,

ils n’ont pas reçu cette vie pour toujours. Guéris par le Dieu-Homme, ils sont tombés de nouveau malades et

sont morts. La santé leur a été donnée seulement pour un temps, pas pour toujours. Les bénéfices temporels

et matériels ont été déversés comme des signes des bénéfices éternels et spirituels, afin que les hommes

puissent croire à l’existence de ces dons invisibles et les accepter. Ces signes les ont délivrés du gouffre de

l’ignorance et de la sensualité et les ont conduits à la foi. La foi implique la connaissance des bénédictions

éternelles et provoque le désir de les acquérir. Avec l’aide de signes merveilleux, les apôtres ont répandu le

christianisme dans le monde. Ces signes étaient un témoignage clair et puissant du christianisme devant les

nations sans éducation, devant ceux qui vivaient encore dans l’ignorance spirituelle et dans la barbarie.

Quand la foi fut plantée partout, la Parole fut plantée, et les signes cessèrent, puisqu’ils avaient accompli leur

mission. Ils cessèrent d’agir partout. Seuls quelques élus de Dieu pouvaient les accomplir de temps à autre.

Saint Jean Chrysostome, Père de l’Eglise et auteur des quatrième et cinquième siècles, rapporte que déjà en

son temps, les signes de la Grâce ont cessé, sauf à quelques endroits, en particulier chez les moines, qui en

sont en quelque sorte les dépositaires. Par la suite, ces dépositaires devinrent plus rares. Les saints Pères ont

fait des prédictions sur les derniers temps, quand ces dépositaires n’existeront plus.

«Pourquoi, demandent certains, n’y a-t-il plus de signes aujourd’hui ? Voici ma réponse, écoutez-la bien,

parce que j’ai déjà entendu cette question souvent, même régulièrement, et venant de nombreuses

personnes. Pourquoi est-ce qu’à l’époque, tous ceux qui recevaient le baptême se mettaient à parler des

langues étrangères, et plus maintenant ? Pourquoi la grâce des miracles est-elle maintenant ôtée aux

hommes ? Dieu fait ainsi non pas pour nous couvrir d’opprobre mais pour nous accorder un honneur encore

plus grand. Dans quel sens ? Je vais vous l’expliquer. Les gens de ce temps-là avaient l’esprit lent, puisqu’ils

venaient seulement de se détourner des idoles. Leur esprit était charnel et lourd, ils étaient plongés dans le

matériel et offerts au matériel, ils ne pouvaient pas concevoir l’existence de biens immatériels. Ils ne

connaissaient pas non plus le sens de la grâce spirituelle, ignorant que tout est accepté par la seule foi, et

pour cette raison, ils recevaient des signes. Parmi les dons spirituels, certains sont invisibles et acceptés par

la seule foi, d’autres sont liés à un signe tangible, et destinés à faire naître cette foi chez les incrédules. Par

exemple, la rémission des péchés est un don spirituel invisible : nos yeux ne voient pas comment nos péchés

sont nettoyés. L’âme est purifiée, mais reste invisible aux yeux du corps. Donc la rémission des péchés est un

don spirituel, invisible aux yeux du corps. La capacité de parler des langues étrangères, qui fait aussi partie

de l’action de l’Esprit, sert cet Esprit par un signe, accessible aux sens, et peut être aisément observé par les

incroyants. Une action invisible accomplie dans l’âme devient visible par l’intermédiaire du langage

extérieur, que l’on peut entendre. C’est pour cette raison que Paul dit : La manifestation de l’Esprit est

donnée à tout homme pour le profit de tous (1 Cor 12,7). Et ainsi, je n’ai pas besoin de signes. Pourquoi ?

parce que j’ai appris à croire à la grâce de Dieu sans les signes. Un incroyant a besoin de preuve, mais je suis

croyant, et je n’ai pas besoin de preuve ou de signe. Je ne parle pas en langues, mais je sais que je suis purifié

de mes péchés. Auparavant, on ne croyait pas avant d’avoir reçu un signe. Les signes étaient donnés comme

une preuve de la foi. Ils étaient donnés non pas aux croyants, mais aux incroyants, afin qu’ils deviennent des

croyants. Comme dit saint Paul : un signe non pas pour ceux qui croient, mais pour ceux qui ne croient pas

(1 Cor 14,22)» (Première homélie de Saint Jean Chrysostome sur la Pentecôte)

Si les signes étaient absolument nécessaires, ils perdureraient. La Parole demeure, et les signes ont

participé à son installation. La Parole s’est répandue, elle a régné, elle a embrassé tout l’univers. Elle est bien

commentée par les Pères de l’Eglise, de manière accessible, facile à comprendre. Elle est absolument

nécessaire, elle est porteuse de bénédictions éternelles, elle accomplit le salut de l’homme. Elle apporte le

Royaume des cieux, elle contient les signes les plus spirituels et les plus élevés de Dieu (Ps 118,18) La parole

du Seigneur dure éternellement (1 Pi 1,25). La vie est dans le Verbe, et le Verbe est vie (Jn 1,4). Elle donne

naissance à la vie éternelle pour ceux qui sont morts, leur accordant du plus profond de ses entrailles la vie

toute sainte. Ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique sont ceux qui sont nés de nouveau, non

pas d’une semence corruptible, mais d’une semence incorruptible, la Parole de Dieu, qui vit et dure pour

l’éternité (1 Pi 1,23) Pour comprendre le sens de la parole, nous devons l’accomplir. Les commandements

évangéliques mis en pratique commencent immédiatement à transformer, à changer, à vivifier l’homme, son

mode de pensée, les sentiments de son coeur, et même son corps. car la parole de Dieu est rapide et

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puissante, et plus acérée qu’une épée à deux tranchants, qui sépare et divise même l’âme et l’esprit … et

sonde les pensées et les intentions du coeur (Hb 4,12)

La Parole de Dieu contient en elle-même son propre témoignage. De la même façon que les miracles qui

guérissent, elle agit dans l’homme lui-même, et par cette action témoigne d’elle-même. Voilà le signe le plus

grand ! C’est un signe spirituel, qui, une fois accordé à l’homme, répond à tous ces besoins en matière de

salut et rend inutile les signes matériels. Un chrétien qui ne connaît pas les attributs de la Parole, se dénonce

comme froid à son égard, ignorant de la Parole de Dieu, ou bien en possession de la seule connaissance

morte de la lettre.

DEUXIEME PARTIE

On ne peut pas ignorer le désir qu’ont les chrétiens d’aujourd’hui de voir, et même de faire, des

miracles. Ce désir doit être considéré avec d’autant plus d’attention qu’il est sévèrement condamné par les

Pères. Il trahit une illusion sur soi-même, fondée sur l’orgueil et la présomption, qui vivent dans l’âme et la

dominent. Le grand maître des moines, Saint Isaac le Syrien, s’exprime ainsi sur cette question : «Le

Seigneur est toujours prêt à secourir ses saints. Cependant, Il ne manifeste pas sans nécessité sa puissance

par une oeuvre ou un signe visible, pour éviter que son aide ne nous semble banale, et que nous

n’abandonnions la révérence qui Lui est due. Cette absence de révérence nous serait nuisible. Le Seigneur

pourvoit ses saints. Il les laisse mener le combat à la mesure de leurs forces et se donner la peine de prier. Il

leur montre également que l’attention secrète qu’Il leur porte ne cesse pas un seul instant. Mais si une

difficulté les renverse, tant leur nature est faible, Lui-même fait comme il le faut et comme Il le sait dans sa

toute-puissance pour qu’ils soient aidés. Il les affermit secrètement quand c’est possible, pour qu’ils aient la

force de supporter l’affliction. Car dans la sagesse qu’Il leur donne Il dénoue leur peine, et la vision de sa

providence les éveille à la glorification, ce qui pour eux représente un double bénéfice. Quand les

circonstances exigent une aide visible, Il l’apporte aussi. Ses voies sont d’une grande sagesse. Elles

soutiennent dans le besoin et la nécessité, et jamais n’importe comment. Celui qui sans nécessité ose prier

Dieu d’exaucer son désir et Lui demande de faire des signes ou des miracles, est tenté dans son intelligence

par le démon qui se joue de lui. Sa conscience est malade et présomptueuse. Il est juste de demander l’aide de

Dieu dans l’affliction, mais il est désastreux de Le tenter sans nécessité. Qui désire pareille chose est

véritablement injuste. Ce que Dieu a fait à de nombreux saints, Il l’a fait sans qu’ils l’aient voulu. Celui qui

désire recevoir un signe sans en avoir besoin, celui-là déchoit de la garde du cœur, et s’éloigne de l’esprit de

vérité. Si celui qui ose demander est exaucé, le malin trouve en lui un lieu, puisqu’il trouve une personne qui

marche devant Dieu avec insolence et sans révérence. Il le pousse alors plus loin dans la tentation. Quant aux

vrais justes, non seulement ils ne désirent pas accomplir des miracles, mais si le don leur en est donné, ils le

repoussent. Non seulement ils n’en veulent pas devant les hommes, mais ils n’en veulent pas en eux-mêmes,

dans le secret de leur coeur. Un des saints Pères, de par sa pureté, avait reçu par grâce de Dieu le charisme de

discerner les pensées de ces visiteurs. Mais il pria Dieu, et demanda à d’autres saints de prier avec lui, pour

que lui soit enlevé ce charisme. Si toutefois certains saints acceptaient les dons, c’était par nécessité ou

encore parce qu’ils étaient des hommes simples. Les autres ne les acceptaient jamais sans raison, mais

obéissaient aux instructions de l’Esprit saint qui oeuvrait en eux. Les vrais justes se considèrent toujours

comme indignes devant Dieu. Ils attestent qu’ils sont vrais en ceci qu’ils s’estiment misérables et indignes

que Dieu veille sur eux» (Homélie 36).

De ces saintes réflexions, on peut conclure que ceux qui veulent accomplir des signes sont sous la

coupe d’une excitation charnelle, de passions qu’ils ne comprennent pas, tout en ayant l’impression d’être

animés d’un zèle divin. Ceux qui recherchent les signes sont dans un état comparable.

Quel que soit le contexte, il n’est pas permis de tenter Dieu ou de cesser de Le révérer. Certes, il est

possible de demander l’aide de Dieu en cas d’extrême nécessité, quand nous n’avons aucun moyen personnel

de nous en sortir, mais en laissant à Dieu le choix de son intervention, c’est-à-dire en nous remettant à sa

volonté et à sa miséricorde.

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Le Seigneur aide toujours d’une manière profitable pour l’âme. Il apporte l’aide que nous

recherchons, et il mêle à cette aide pour notre bénéfice une sainte saveur d’humilité. L’aide divine n’est pas

recouverte d’un vernis clinquant, comme notre esprit charnel le souhaiterait peut-être. L’âme ne doit pas être

abîmée par la vaine gloire que lui apporterait le plaisir de ce vernis.

Dans les oeuvres de Dieu, dans le service de l’Eglise, nous devons toujours demander à Dieu son aide

et sa bénédiction. Nous devons aussi croire que, de la part de Dieu, seules les réponses divines et spirituelles

peuvent bénéficier à notre foi et à notre piété, et non les réponses suggérées par notre esprit charnel.

Il est difficile à l’homme de supporter la gloire sans dommage pour son âme. Ceci est vrai non

seulement pour les passionnels et pour ceux qui luttent contre les passions, mais aussi pour les saints qui ont

vaincu ces passions. Même si la victoire sur le péché leur a été accordée, ils n’en demeurent pas moins

altérables, et peuvent retourner au péché et retomber sous le joug des passions. Ceci est arrivé à certains qui,

par manque de vigilance, ont laissé aller la confiance en soi jusqu’à regarder avec considération leur état

spirituel. Comme le bienheureux saint Macaire le Grand l’a noté, il reste une inclination à l’orgueil chez les

âmes les plus purifiées. Cette inclination est le début de la glissade vers l’attraction des passions. A cause de

cela, le don de guérison et les autres dons visibles sont très dangereux pour ceux à qui ils sont accordés,

puisqu’ils sont hautement considérés par les gens charnels et sensuels, qui ne cessent de les glorifier.

Les dons invisibles et bénis, comme celui de conduire les âmes au salut et de les purifier des

passions, sont incomparablement plus élevés que les dons visibles, et ne sont ni compris ni perçus par le

monde. Non seulement le monde ne glorifie pas les serviteurs de Dieu qui les reçoivent, mais dans sa logique,

il les persécute, leur reprochant d’oeuvrer contre les puissances ennemies et d’attaquer le Prince de ce

monde.

Notre Dieu miséricordieux donne aux hommes l’essentiel et l’utile, même s’ils ne le comprennent pas

et n’en saisissent pas la valeur. Il n’accorde pas ce qui est de peu d’utilité, qui souvent peut s’avérer nuisible,

et que l’intelligence charnelle ignorante recherche avec avidité.

«Beaucoup, dit saint Isaac le Syrien, ont fait des signes, ressuscité des morts, travaillé à la conversion

des égarés, accompli de grands miracles, et après cela, ceux-là même qui avaient donné leur vie pour les

autres sont tombés dans le mal et l’abomination des passions, s’offrant ainsi à la mort».

Le bienheureux saint Macaire le Grand raconte qu’un ascète qui vivait à proximité de lui reçut jadis

le don de guérison à un tel degré qu’il était capable de guérir les malades par simple imposition des mains. Il

fut glorifié par les hommes, s’enorgueillit, et tomba dans le gouffre du péché.

Dans la vie de saint Antoine le Grand, il est question d’un jeune moine qui commandait les onagres

au désert. Quand le grand Ancien en entendit parler, il émit des doutes sur l’état spirituel du frère. Et peu de

temps après, on entendit parler de la chute du jeune moine.

Au quatrième siècle il y avait un Ancien en Egypte qui s’était vu gratifier du don d’accomplir des

miracles, s’attirant par là la gloire des hommes. Il remarqua bientôt que l’orgueil s’était emparé de lui à un tel

point qu’il n’était plus capable de le chasser par ses propres efforts. Il pria Dieu avec grande ferveur de lui

accorder d’être possédé, afin de trouver l’humilité. Dieu répondit favorablement à la requête de son serviteur

et Satan entra en lui. L’Ancien fut soumis aux attaques de la possession pendant cinq mois, et on dut

l’attacher. Le peuple, qui auparavant accourait en masse et le louait comme un saint, le quitta, colportant la

nouvelle qu’il avait perdu la tête. Ainsi libéré de la gloire des hommes et de l’orgueil, l’Ancien remercia Dieu

de l’avoir sauvé de la destruction. Son salut fut assuré par l’épreuve passagère du déshonneur. Les hommes

charnels ne virent pas que le don des miracles était une tentation pour l’Ancien, et que la possession

démoniaque l’avait remis sur le droit chemin, par la miséricorde de Dieu.

On comprend clairement pourquoi de grands Pères du désert comme Sisoès, Pimène et d’autres, qui

possédaient de grands dons de guérison, cherchaient à les cacher. N’ayant aucune confiance en eux-mêmes,

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ils savaient à quel point l’homme est changeant, et se préservaient par l’humilité d’un grand désastre

spirituel.

Les saints apôtres, qui avaient reçu le don des miracles pour accompagner leur prédication, durent,

par un heureux effet de la Providence, endurer des tourments et des persécutions qui les gardèrent de

l’orgueil. Saint Isaac le Syrien dit à ce sujet : «Un don qui n’est pas accompagné de tentations conduit à la

perdition l’âme qui l’accepte. Si tes actes plaisent à Dieu au point qu’Il en vienne à t’attribuer un don, prie-Le

de bien vouloir te faire savoir comment être humble avec ce don, de te donner une protection spéciale, ou

bien de t’ôter ce don au cas où il viendrait à ruiner ton âme. Tous ne peuvent conserver les richesses sans

dommage».

L’attitude du spirituel envers les maladies du corps et les guérisons miraculeuses est totalement

différente de celle de l’homme charnel. Ce dernier considère la maladie comme un malheur, et la guérison,

particulièrement si elle est miraculeuse, comme le plus grand des bienfaits, sans se demander un seul instant

si elle est utile ou non pour l’âme. Le spirituel voit dans la maladie comme dans la guérison un bienfait de la

miséricorde divine. La raison illuminée par la parole de Dieu, il adopte une conduite qui plaît au Seigneur,

salutaire pour son âme dans les deux cas.

Il est possible de demander à Dieu une guérison, si on a la ferme intention d’utiliser le retour à la

santé pour Le servir, et non pour servir la vanité et le péché. Dans ce dernier cas, la guérison miraculeuse

conduirait à une plus grande condamnation, et entraînerait un châtiment plus sévère dans ce monde-ci et

dans l’autre. Le Seigneur a attesté cela. Après avoir soigné le paralytique, Il lui a dit : «Te voici guéri ! Ne

pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive pire encore !» (Jn 5,14)

L’homme est faible et enclin au péché. Si certains saints qui avaient reçu le don de guérison ont pu

succomber à la tentation, alors qu’ils possédaient en abondance le discernement spirituel, combien plus

facile est-il aux hommes charnels, à qui manque ce discernement, d’abuser des dons divins ! Et beaucoup en

ont abusé ! Ayant obtenu une guérison miraculeuse, ils n’ont pas prêté attention à la Grâce divine, négligeant

la reconnaissance. Ils se sont mis à mener une vie pécheresse, utilisant la Grâce au profit du mal, se

détournant de Dieu et de leur salut. A cause de cela, les guérisons miraculeuses sont rares, bien que

l’intelligence charnelle les désire et les respecte au plus haut point. Vous demandez et vous ne recevez pas,

parce que vous demandez mal, afin de satisfaire vos convoitises (Ja 4,3).

L’intelligence spirituelle comprend que les maladies et autres tribulations que Dieu permet pour les

hommes peuvent être l’expression toute particulière de sa miséricorde. Comme des remèdes amers, elles

concourent au salut, au bonheur éternel, de façon bien plus sûre que les guérisons miraculeuses. Souvent, et

même très souvent, la maladie est une grâce bien plus grande que ne le serait une éventuelle guérison. Elle

peut être une très grande faveur, une faveur essentielle, alors que la guérison peut priver le malade d’un

grand bien, d’un bénéfice autrement plus important qu’une temporaire santé. Lazare, le mendiant malade de

l’Evangile, ne fut pas guéri de sa pénible infirmité, ni libéré de la pauvreté. Il finit ses jours dans les

souffrances, mais pour sa patience, il fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham (Luc 16,22).

Les saintes Ecritures affirment que tous les saints ont terminé leur voyage terrestre sur la voie

étroite, pleine d’épines, de peines, et de difficultés (Hb 12). Comprenant le véritable sens de ces peines, le vrai

serviteur de Dieu se conduit envers elles avec sagesse et abnégation. Il les affronte, quelles qu’elles soient,

comme faisant partie de lui-même (Voir Saint Marc l’Ascète). Il croit de toute son âme qu’elles n’arrivent pas

sans la permission de Dieu, qui est juste et infiniment bon, et qui recherche l’intérêt de l’homme. Il cherche

et trouve toujours en lui-même la cause de ces peines. Toutefois, s’il remarque que telle peine peut être une

entrave dans ses efforts à plaire à Dieu, il Le prie pour en être délivré. Mais il laisse au Seigneur la décision

d’écouter ou non sa requête, car il sait que sa façon d’interpréter les tribulations n’est jamais correcte.

Le jugement de l’homme, qui est limité, n’est jamais totalement juste, même si l’homme est saint.

L’homme ne peut embrasser du regard toutes les causes des tribulations que Dieu envoie à ses serviteurs

bien-aimés, Lui qui voit tout. Le saint apôtre Paul a prié Dieu à trois reprises pour être débarrassé d’un ange

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de Satan qui le gênait dans sa prédication ; mais il ne fut pas exaucé : le jugement de Dieu en cette matière

fut différent de celui de l’apôtre inspiré (2 Cor 12,7-10).

Une véritable intelligence spirituelle se soumet tout naturellement à la volonté de Dieu et demande

sincèrement et humblement que cette volonté lui soit manifestée. Les saints moines, lorsqu’ils étaient soumis

à la maladie, l’acceptaient comme la plus grande des grâces, et s’efforçaient de toujours remercier et glorifier

Dieu pour cela, sans chercher la guérison. Les guérisons miraculeuses adviennent cependant très souvent

chez les saints. Ces derniers désirent souffrir avec humilité et patience ce que Dieu a permis pour eux,

croyant et confessant qu’une telle attitude est bien meilleure pour l’âme qu’une ascèse qu’on a soi-même

programmée. Le bienheureux saint Pimène le Grand disait : «Trois oeuvres monastiques ont la même

valeur : vivre dans la quiétude, être malade et remercier Dieu, et accomplir son obédience avec une pensée

pure».

Dans le désert de Scété, en Egypte, là où vivaient les plus grands parmi les saints moines, il y eut un

bienheureux, dénommé Benjamin. Sa vie vertueuse lui attira de la part de Dieu un grand don de guérison. En

même temps, il fut atteint d’une longue et pénible maladie : l’hydropisie. Il devint si gros qu’on dut lui

attribuer une cellule plus grande. Pour ce faire, il fallut démonter la porte afin qu’il pût sortir. On lui

confectionna un siège spécial, car il ne pouvait plus s’allonger. Il continua néanmoins à guérir les autres,

s’attirant la sympathie de tous ceux qui le voyaient. Et pourtant, il demandait qu’on voulût bien prier pour

son âme, et non pas pour son corps : «Quant mon corps se porte bien, je n’en tire pas grand bénéfice.

Maintenant que je subis cette maladie, il ne me nuit plus».

Abba Pierre raconte qu’au cours d’une visite au vénérable ermite Isaïe, il trouva ce dernier souffrant

d’une maladie très douloureuse. Comme il lui exprimait sa sympathie, l’Ancien lui dit : «Ainsi écrasé par la

maladie, je peux à peine garder présent à l’esprit le terrible moment de la mort et du jugement. Si mon corps

était sain, ce souvenir me serait totalement étranger. Quand le corps est sain, il est enclin à des actes hostiles

à Dieu. Les tribulations aident à accomplir les commandements de Dieu».

Quand les saints Pères étaient écrasés par la maladie ou les tribulations, ils s’efforçaient en premier

lieu de manifester de la patience, ce qui dépendait d’eux. Pour soumettre leur cœur à la patience, ils se

jugeaient (Cf. saint Dorothée de Gaza), se rappelaient la mort, le jugement, et les tourments éternels. Un tel

souvenir affaiblit la perception qu’on a des peines d’ici-bas ! (Cf. Mt 10,28-31) Ils élevaient leur intelligence

vers la Providence, se souvenant la promesse du Fils de Dieu d’être toujours avec ceux qui Le suivent, et de

les préserver. Gardant cela présent à l’esprit, ils poussaient leur coeur au courage et à la mansuétude (Cf. Mt

28,20). Ils s’efforçaient de glorifier et de remercier Dieu pour les tribulations, de prendre conscience de leur

état de pécheur, qui, puisqu’il méritait le châtiment, nécessitait d’être sérieusement corrigé par Dieu qui agit

toujours avec justice et bonté. En s’exerçant à la patience humaine, chacun selon ses possibilités, ils

intensifiaient leurs prières pour obtenir la sainte et divine patience, qui est un don spirituel, lui-même

inséparable d’un autre don spirituel, la sainte humilité. Ces deux vertus sont d’ailleurs le sûr indice du salut

et de la béatitude éternelle.

Les Pères qui en avaient la possibilité ne guérissaient pas toujours leurs disciples malades, afin de ne

pas les priver d’un profit spirituel qui ne manquait pas de leur être accordé, comme l’atteste la Tradition de

l’Eglise, s’ils supportaient l’épreuve avec patience. L’higoumène d’un monastère de Gaza, le bienheureux

Séridos, disciple du grand Barsanuphe qui était ermite au monastère, fut longtemps malade. Certains des

pères, parmi les plus âgés, demandèrent à Barsanuphe la guérison de l’higoumène : «Quelques-uns des saints

qui vivent ici pourraient prier pour la santé de mon fils, et je lui en ai fait part. Il ne manquerait pas d’être

guéri dans la journée, mais il ne recevrait pas les fruits de la patience … Cette maladie lui est bénéfique pour

la patience et l’action de grâces».

Saint Isaac le Syrien explique pourquoi les peines sont utiles à l’ascète du Christ : «L’épreuve est

bénéfique pour tous. Si elle est bénéfique pour Paul, alors que toute bouche soit fermée, et que le monde

entier soit reconnu coupable devant Dieu (Rom 3,19). Les ascètes sont soumis aux tentations afin d’accroître

leur richesse. Certains sont affaiblis pour être gardés du mal, les négligents sont tentés pour pouvoir se

réveiller, d’autres sont tentés afin de se rapprocher de Dieu, et ceux qui Lui appartiennent déjà, afin de Lui

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appartenir encore plus. Il ne convient pas qu’un fils sans éducation se mette à gérer les biens de son père, car

il aurait tôt fait de mal s’y prendre. Pour cela, Dieu commence par permettre la tentation, et ensuite accorde

le don. Gloire au Maître qui nous accorde les délices de la santé par des remèdes amers ! Il n’y a pas d’homme

qui ne soit affligé pendant la leçon, qui ne trouve pas amère la coupe des tentations. Sans épreuve, il est

impossible d’être fort spirituellement. Mais il est de notre pouvoir d’endurer. Comment un vase d’argile peut-

il contenir de l’eau pure s’il n’a pas été au préalable affermi par le feu divin ? Si, avec révérence et désir

incessant, nous demandons humblement à Dieu de nous accorder la patience, alors nous recevrons tout du

Christ Jésus notre Seigneur».

CONCLUSION

Avant le second avènement du Christ, il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les

étoiles (Luc 21,25), la mer fera du bruit et s’agitera. Comment allons-nous discerner ces signes de ceux de

l’Antichrist, qui accomplira aussi des signes dans le soleil, la lune, les étoiles, et l’air ? Les signes du Christ

seront véritables, donc totalement différents de ceux de l’Antichrist, simples manifestations propres à

tromper les sens. Les signes de l’Antichrist seront accomplis par l’Antichrist lui-même et par ses apôtres. Les

signes dans le soleil, la lune et les étoiles qui annonceront la seconde venue du Christ apparaîtront d’eux-

mêmes, sans intermédiaire. Avec eux, les luminaires célestes achèveront la mission pour laquelle ils ont été

placés là par le Créateur (Gen 1,14). Ils accomplissaient déjà cette mission lors de la Nativité du Christ (Mt

2,2), avec l’étoile miraculeuse, et lors de la Crucifixion du Dieu-Homme, quand le soleil s’assombrit en plein

midi (Mt 27,45). Selon le saint évangéliste Matthieu, les peines consécutives au règne de l’Antichrist

cesseront, et la venue du Christ surviendra immédiatement, annoncée par l’assombrissement du soleil, la

lune qui ne donnera plus sa lumière, et la chute des étoiles (Mt 24,29). Selon saint Théophylacte de Bulgarie,

les corps célestes resteront en place, mais perdront de leur éclat et sembleront disparaître de la voûte céleste,

tant la lumière qui couvrira le monde pour le préparer à accepter la Gloire du Seigneur sera intense.

Nous avons l’audace de dire que notre traité sur les signes et les miracles exprime la pensée des

saints Pères, la pensée de la sainte Eglise orthodoxe. La nécessité de dispenser un tel enseignement de

manière exacte et détaillée est évidente.

Des signes véritables ont été jadis accomplis pour permettre la connaissance du Dieu véritable, et le

salut qui l’accompagne. De faux signes ont assisté l’erreur et la destruction qui la suit. De même, les signes de

l’Antichrist seront vastes et puissants, ils conduiront l’humanité infortunée à adorer comme dieu

l’ambassadeur de Satan.

La pieuse contemplation des miracles accomplis par notre Seigneur Jésus Christ édifie, console, et

agit pour le salut de l’âme. Quelle sainte simplicité dans ces miracles ! Il est si facile de reconnaître Dieu en

eux. Quelle bonté bénie, quelle humilité, quelle indiscutable force de conviction ! La contemplation des

miracles du Christ nous élève vers le Verbe, qui est Dieu.

Pour restaurer la communion de l’humanité déchue avec Lui, Dieu a béni que son Verbe s’incarnât et

vécût au milieu des hommes, entrant en relation intime avec eux, faisant d’eux les Siens, les attirant vers le

ciel. En revêtant l’humanité, le Verbe demeure et agit comme Verbe de Dieu, comme le veut sa nature divine.

Il siège à la droite du Père dans son humanité assumée, et, dans sa divinité, se trouve partout présent. Le

Verbe S’est fait inscrire sur les livres. Il s’est drapé de paroles, mais, étant Esprit et Vie (Jn 6,63), Il ne cesse

de pénétrer les âmes et les coeurs, remodelant ceux qui s’unissent spirituellement à Lui, conduisant même le

corps à une vie spirituelle.

En contemplant les miracles du Christ, nous comprenons quel terrible sens revêt le Verbe de Dieu.

L’Unique Nécessaire (Luc 10,42) pour notre salut, ce n’est rien d’autre que le Verbe, qui accomplit le salut

dans toute sa perfection. Par la connaissance de Dieu le Verbe que nous apportent les saintes Ecritures,

dictées et commentées par l’Esprit saint, nous sommes dirigés par le Verbe, bénis par la connaissance

apportée par la grâce divine, et nous recevons la pureté chrétienne de l’âme et du coeur. Cette pureté conduit

à la lumière spirituelle, qui brille comme le soleil dans un ciel clair et sans nuages.

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A l’aube, quand disparaissent les ténèbres de la nuit, l’aspect des objets sensibles change. Certains

objets, jusque là invisibles, deviennent visibles. D’autres, qu’on ne percevait que confusément, sont

maintenant distincts et clairement définis. Tout ceci arrive non pas parce que les objets eux-mêmes

changent, mais parce que notre vue entretient avec eux une nouvelle relation due au changement d’éclairage.

Il en va de même dans la relation entre l’esprit humain et les choses spirituelles. L’âme est éclairée

par la lumière spirituelle de l’Esprit saint. C’est seulement sous cet éclairage qu’elle peut appréhender les

voies saintes de Dieu ! C’est seulement sous cet éclairage que l’invisible marche de l’esprit et du coeur vers

Dieu peut être accomplie sans péché ! C’est seulement sous cet éclairage que l’on peut échapper à l’erreur,

aux filets, et à l’abîme de la destruction ! Quand cette lumière n’est pas là, on ne peut pas voir la Vérité.

Quand cette lumière n’est pas là, nulle vertu ne plaît à Dieu, nulle vertu ne peut conduire aux demeures du

paradis. Afin d’éviter l’infortune qu’apporte à l’esprit charnel la vision des signes et des miracles, les yeux

spirituels doivent être éclairés par la lumière de la vision spirituelle.

Nous venons de voir la nature spirituelle des miracles accomplis par le Dieu-Homme, et leur but. Les

signes ont accompli leur tâche, ils appartiennent au passé, ils ont cédé la place à l’Acteur par excellence, le

Verbe, qui reste et restera l’Acteur par excellence, jusqu’à la fin du monde, comme Il l’a d’ailleurs dit Lui-

même : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20).

Quand les signes à portée universelle cessèrent, ces signes qui furent accomplis par les apôtres et

ceux qu’on dit Egaux-aux-Apôtres pour semer le christianisme, d’autres signes furent accomplis ici et là par

les vases élus du saint Esprit. Mais, le temps passant, le christianisme s’affaiblit, entraînant la corruption

morale. Les thaumaturges sont de moins en moins nombreux (l’Echelle 26-52). Ils finissent même par

disparaître complètement.

Parallèlement, les hommes perdent toute révérence et tout respect pour le sacré, ils perdent aussi

l’humilité, et deviennent indignes, non seulement d’accomplir des miracles, mais aussi de les voir, bien qu’ils

aient, plus encore que jadis, soif de ces miracles. L’humanité, enivrée par la suffisance, la présomption et

l’ignorance, agit sans discernement, avec dureté et audace, envers tout ce qui semble miraculeux. Elle ne

refuse pas de jouer un rôle dans l’accomplissement des miracles, et même, manifeste fermement l’intention

de le faire, sans hésiter une minute. Une telle attitude est encore plus dangereuse que par le passé.

Nous approchons petit à petit du grand spectacle des innombrables, stupéfiants, faux, et séduisants

miracles, qui jettera dans la destruction les infortunés enfants du raisonnement charnel.

Le réveil de l’âme par le Verbe de Dieu résulte d’une foi vivante dans le Christ. La foi vivante, pour

ainsi dire, voit le Christ (Hb 11,27). Le christianisme lui est révélé, tout en restant un mystère. Tout en

restant inconcevable, il devient clair et compréhensible. Il n’est plus couvert d’un voile épais et impénétrable,

comme au temps de l’absence de foi. La foi vivante raisonne spirituellement. Elle n’a pas besoin de signes,

elle se satisfait pleinement des miracles du Christ, et du plus grand de ses miracles, de la couronne de ses

miracles : sa Parole. Le désir de voir des miracles dénonce l’incrédulité. Jadis, les signes furent donnés aux

incroyants pour les amener à la foi. Tournons-nous de toute notre âme vers le Verbe de Dieu, unissons-nous

à Lui en esprit, et les signes de l’Antichrist n’attireront pas notre attention. Avec dédain et répulsion, nous

détournerons d’eux nos yeux, comme d’un spectacle démoniaque, comme d’une réalisation de l’ennemi

fanatique de Dieu, comme d’une moquerie de Dieu, comme d’une poison infect et mortel.

Rappelons-nous la remarque suivante qui provient de l’expérience des saints ascètes : toutes les

manifestations démoniaques sont d’une nature telle, qu’il est dangereux de leur prêter attention, fut-ce un

instant, même si ces manifestations n’attirent pas notre sympathie, car elles peuvent laisser une impression

des plus nuisibles, et entraîner une sérieuse tentation.

Un raisonnement humble est inséparable d’un raisonnement spirituel. Saint Isaac le Syrien dit que

seul l’humble peut être reconnu comme raisonnable. Celui qui n’a pas l’humilité ne raisonnera jamais avec

sagesse. Une foi vivante révèle Dieu au regard de l’âme. Le Verbe de Dieu unit l’âme à Dieu. Celui qui

s’approche de Dieu de cette façon, qui sent la présence de Dieu, celui-là réalise son indignité, et se trouve

empli d’une indicible révérence envers Dieu, envers ses actes, envers sa volonté, envers ses enseignements, et

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trouve l’humilité dans son raisonnement. Celui qui raisonne humblement n’aura pas l’audace d’être curieux

de ce qui arrive en dehors de la volonté de Dieu, et qui a été condamné en son temps par le Verbe de Dieu.

Les signes de l’Antichrist seront étrangers à son humble raisonnement, puisqu’il n’a pas de lien avec eux.

Le fait de reconnaître son indignité et sa faiblesse devant Dieu, sa majesté, sa puissance, et son

infinie bonté, hisse l’âme vers une prière instante. L’espérance d’une telle âme est concentrée en Dieu, elle

n’est pas distraite dans la prière. L’âme prie, ramassant ses forces, tendue vers Dieu de tout son être. Elle se

met en prière aussi souvent que possible, et finit par prier sans cesse.

Quand viendront les grandes épreuves du temps de l’Antichrist, tous ceux qui croient véritablement

vont crier une magnifique prière à Dieu. Ils vont crier pour obtenir aide et protection, pour recevoir la grâce

divine qui pourra leur donner des forces et les guider. Bien qu’il soient fidèles à Dieu, leur propre force sera

insuffisante pour résister aux pouvoirs associés des anges déchus et des hommes, qui agiront sous le coup de

la rage et du désespoir, présentant leur destruction imminente (Apo 12,12).

La grâce divine couvrira de son ombre les élus, les immunisera contre les tromperies du séducteur,

chassera la peur de ses menaces, et leur permettra de regarder avec dédain ses miracles. La grâce divine

donnera aux élus le courage de confesser le Sauveur qui a accompli le salut du monde, et de dénoncer le faux

messie, venu détruire l’humanité. Elle conduira les élus au trône royal de leur exécution, au festin des noces.

L’expérience de l’amour de Dieu est plus douce que la vie, dit le saint martyr Jacques le Persan (26

novembre). De la même façon que la mort et ses souffrances sont le commencement des tourments éternels

pour le pécheur, la souffrance pour le Christ et la mort en martyr sont le début des joies éternelles du paradis.

Nous voyons ceci nettement dans les vies des martyrs des premiers siècles du christianisme. Au début, les

tyrans autorisent les martyrs à dire où va leur choix. Ensuite, quant ils ont accepté les premières souffrances,

une aide leur vient d’en haut, qui rend ces souffrances et la mort pour le Christ éminemment désirables.

Le Seigneur, en prophétisant sur les peines qui adviendront lors de sa seconde venue, a commandé à

Ses disciples de veiller et de prier : prenez garde, veillez et priez ! (Mc 13,33) La prière est toujours

nécessaire et utile pour l’homme. Elle entretient sa communion avec Dieu et le garde sous sa protection. Elle

le préserve de la confiance en soi, de la séduction des vanités, et de l’orgueil, de ce qui peut lui advenir de

mauvais à cause de son état déchu, ou des pensées et rêveries occasionnées par les esprits déchus. En cas de

danger ou de tristesse, visible ou invisible, la prière est tout spécialement utile, car elle exprime le rejet de la

confiance en soi, l’espérance dans le Seigneur, et attire sur nous l’assistance de Dieu. Le Dieu tout-puissant

devient Acteur chez celui qui prie dans des circonstances difficiles, et sort son serviteur des embûches par sa

providence miraculeuse.

La connaissance de Dieu, la foi vivante, l’humilité bénie, la prière pure, sont les attributs du spirituel.

Au contraire, l’ignorance de Dieu, l’incroyance, l’aveuglement spirituel, l’orgueil, la confiance en soi, et la

présomption, sont les attributs de l’esprit charnel. Un tel esprit ne connaît pas Dieu. Il ne comprend pas, et

refuse les moyens que Dieu lui offre de Le connaître. Il emploie les moyens dévoyés et destructeurs pour

l’âme qui correspondent à son état : il demande un signe du ciel. Amen.

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