Sur Le Cartésianisme de Michel Henry

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  • 8/10/2019 Sur Le Cartsianisme de Michel Henry

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    douard Mehl Auto-affection et cogito

    Sur le cartsianisme de Michel Henry Abstract: In this paper, the aim is to reconstruct Michel Henrys interpretationof Descartes cogito through the various phases of its elaboration (from the Essence de la Manifestation to the Phnomnologie matrielle ), and to discussits supposed phenomenological character. Henry claims that Cartesian doubtreverses the clara et distincta perceptio (lumen naturale ); furthermore, he con-siders that the disqualification of the lumen naturale is a condition for attain-ing the cogito itself. Arguing that doubting cannot be implemented withoutthe exercise of the intellect, an intellect that considers the rationes dubitandi ,I attempt to show here that (and how) the feeling of existence, though stillwithout a concept, can however be evoked and conceived as the production of an intelligible idea (idea mei ipsius ), even though this idea, in my opinion,possesses no objective reality.

    Une thorie des passions et des motions lge classique ne peut gure quesancrer dans la discussion sur la possibilit du cogito et la problmatiquecartsienne de lunion de lme et du corps. La connaissance des passions delme prsuppose celle de lme, au moins autant que celle du corps.Enrevanche, peut-on en effet admettre que la connaissance des passions de lmeapporte quoi que ce soit celle de la cogitatio et llucidation de son essence?Une philosophie qui conoit avant tout les passions comme des causes detrouble ou de diversion de lesprit, qui nenvisage la possibilit de la pure

    theoria que dans la mditation solitaire, labductio a sensibus et le silence despassions , peut-elle puiser en elles de quoi nourrir une rflexion sans prc-

    Dautant que ce que lon prend pour des passions de lme sont en fait, le plus souvent,des penses raisonnables qui ne requirent aucun corps, cf. Descartes Chanut ,

    er fvrier , AT IV, , : Et tous ces mouvements de la volont auxquels consistentlamour, la joie et la tristesse, et le dsir, en tant que ce sont des penses raisonnables, etnon point des passions, se pourraient trouver en notre me, encore quelle net point decorps.

    Descartes, Discours de la Mthode, IIe partie, AT VI, , : [] ne trouvant aucune con-versation qui me divertt, et nayant, par bonheur, aucuns soins ni passions qui me troublas-sent, je demeurais tout le jour enferm seul dans un pole, o javais tout loisir de mentre-tenir de mes penses.

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    dent et sans exemple, comme veut ltre celle des Meditationes de prima philo-sophia , sur ce que penser est et signifie?

    Cette question est notamment souleve par une analyse contemporaine quirelve de la phnomnologie au sens large encore que cette interprtationnous confronte justement la quaestio vexata de la dfinition de la phnom-nologie: il sagit de linterprtation du cogito par Michel Henry dans son matreouvrage, l Essence de la Manifestation ( ), et poursuivi dans sa Gnalogiede la Psychanalyse ( ). Une tude de Jean-Luc Marion (Gnrosit et ph-nomnologie. Remarques sur linterprtation du cogito cartsien par MichelHenry) donne encore cette lecture une extension nouvelle, en trouvantdans le Trait des Passions de lme et dans la gnrosit une illustration etune confirmation de ce que Michel Henry donne pour la structure intime dela cogitatio cartsienne: lauto-affection. Cette lecture appelle trois questions,auxquelles on sefforcera de rpondre ici: . Lauto-affection dcrit-elle, au lieude lintentionnalit, la structure de la cogitatio ? . Quy a-t-il de strictementirrductible au simple cogito dans la gnrosit cartsienne? . Doit-on sentenir cette disjonction reprsentation / (auto-)affection pour penser lamanire dont lexistence affecte lesprit?

    Cogito ergo sum : Auto-affection vsintentionnalit?

    Pour aborder ce premier point, il faut dabord retracer, avec M. Henry et J.-L.Marion, les grandes lignes de lhistoire de linterprtation du cogito , que cesdeux auteurs ramnent trois figures exemplaires: Kant, Husserl, Heidegger.On passera rapidement sur le premier, Kant, avec qui samorce une irrmdia-

    ble Ichspaltung , entre le Je sujet de la connaissance et celui qui en est lobjet,cest--dire tel quil sapparat lui-mme dans le sens interne. Cette Ichspaltung nest en fait pas originaire: elle est prcde par une autre, plus essentielle du moins plus gnrale entre la reprsentation et la sensation. La sensation,pour Kant, serait lautre absolu de la reprsentation, de telle sorte que dans

    Marion (repris ); version anglaise Marion ; recension critique de cette tudepar Kambouchner , .

    Ces textes sont encadrs par plusieurs articles rdigs dans les annes , quonpourra lire dans Henry , notamment La critique du sujet, Lego du cogito et Lecogito de Descartes et lide dune phnomnologie idale. On se reportera galement ici la Phnomnologie matrielle, Henry .

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    la reprsentation il ny a pas de sensation possible, affirme Henry proposde Kant; ceci, selon lui, vaut aussi bien de Husserl, auteur et victime dunruineux dualisme au sein mme des vcus entre les moments matriels,hyltiques, et les intentions de signification.

    Do lide directrice que les reprsentations sont neutres, et naffectentpas le sujet pensant; que la pense reprsentative et le milieu extatique de lavisibilit o se dploie le voir clair et distinct, excluent laffectivit, sauf nendonner voir que la reprsentation vide ou, si lon prfre, morte.Fautede voir ou de saisir que lauto-affection originaire en quoi consiste la Vie estla condition primaire de tout apparatre, la pense refoule laffectivit en sendissimule lessence sous la forme dune dfinition neutre (les sentiments sontdes penses obscures comme disait Descartes, traduisant ainsi lincapacit

    de la reprsentation se saisir de la vie). Toute reprsentation dans lek-stasis du temps et de lespace est donc une opration de substitution ou desca-motage; la reprsentation comme telle masque et dissimule la vrit questlauto-affection originaire. Le Je pense nest lui mme quun principe pensable,mais vide, dvitalis, indigent, une reprsentation vide substitue lauto-affection quest la Vie sprouvant elle-mme:

    Dentre de jeu Kant a substitu au cogito une reprsentation de celui-ci, il a substituau mode selon lequel se phnomnalise la phnomnalit dans cette dimension originellede rvlation qui dfinit le cogito lui-mme, lme, la pense de Descartes rvlationdont Kant ne sait rien la phnomnalit de la reprsentation, la seule quil connaisse,celle qui se produit dans lekstasis , dans la pense considre comme reprsentation, etaussi dans lintuition.

    Cette lecture, sur laquelle on ne peut gure sattarder ici, est fortement impr-gne de linterprtation schopenhauerienne de Kant, un Schopenhauer selon

    Henry / , . Les sentiments ou sensations reprsentes taient caractrises,dans lEssence de la Manifestation, Henry / , , comme un sentiment irrel. Sibien que [] cest l ce qui fait de celui-ci, du milieu de la reprsentation et de la transcen-dance, le milieu ontologique de lirralit.

    Dans lessence nomatique de la cogitatio le pathos nest jamais quune significationvide [] Quest-ce qui nous permet dappeler pathos un tel contenu nomatique mort ,dpourvu de la capacit de se sentir soi-mme, quand le pathos nest rien dautre que cettecapacit, que le souffrir immdiat de la vie?. Henry , .

    Dans la rvlation du sentiment, dans son tre phnomnologique effectif et rel, il ny arien qui puisse tre rendu homogne la phnomnalit o saccomplit la perception de lapense ni se glisser en elle. Cest pourquoi il est faux de dire, comme le fait Descartes, quily a dans nos sentiments une part de vrit, au sens o il lentend, quon peut apprendre distinguer en eux ce quil y a de clair davec ce quil y a dobscur. Henry / ,

    . [AT VIII, = PP I, art. ]. Henry / , .

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    qui la reprsentation dtermine bien lobjectivit, mais recouvre le champde lexprience vivante et de lintuition par le voile des apparences.En tousles cas, cest avec Kant que la fentre entrouverte sur la Vie pense commeauto-affection immanente se referme pour lui substituer la problmatiquedune critique de la reprsentation et des conditions de possibilits de lexp-rience (celle-ci entendue en son sens le plus restrictif comme le domaine delobjectivit).

    Si Henry se montre par ailleurs trs critique vis--vis de la phnomnologiehusserlienne, quil accuse de poursuivre au fond le projet dune critique dela reprsentation, il reste que sa lecture du cogito cartsien demeure, aumoins deux gards, tributaire de la lecture husserlienne.

    ) Eu gard, dabord, linflexion fondamentale et llargissement que

    Husserl veut donner la notion de transcendantal pour y rintgrer la sub-jectivit vivante : Henry, lui, dans un geste qui nest pas sans voquer Husserl,mais retourn contre Husserl lui-mme, abandonne la notion mme de trans-cendantal au profit de la notion dorigine: ce qui tait transcendantal chezHusserl devient originel, originaire, archique. Lorsquil est donc questiondune dimension originelle de rvlation qui dfinit la pense elle-mme (lapense au sens de Descartes), il sagit dun pathos , dune auto-affection origi-naire qui prcde toute phnomnalit et toute reprsentation dobjet, et vis--vis de laquelle la pense est radicalement passive, sans possibilit de se

    Henry / , . M. Henry a cependant bien relev le contresens de Schopen-hauer propos du phnomne kantien, dralis et interprt en un sens qui renvoie davan-tage Platon ou la pense indienne qu Kant lui-mme. Mais ce contresens manifeste,pour Henry, le vritable gnie de Schopenhauer dvoilant ainsi limpossibilit daccder laralit dans lek-stasis de la reprsentation.

    Cette lecture par trop radicale de la Critique de la Raison Pure, selon laquelle lessencede la subjectivit devient littralement impensable et anantie par la position du sujet trans-cendantal, on prfrera lanalyse plus mesure de Benoist , ch. III ( Que signifie pour le sujet dtre transcendantal? ).

    Dj, pour Husserl, lego ne peut tre pens comme un pur et simple ple des reprsenta-tions quen rapport la vie: lego nest pas un vcu, mais bien celui qui les vit, ou biencelui en qui la vie se vit elle-mme: Il nest rien sans ses actes, sans son flux de vcus,sans la vie vivante, qui flue de lui-mme tout en tant contemporaine de lui (Dieses reineIch als Pol ist aber nichts ohne seine Akte, ohne seinen Erlebnisstrom, ohne das lebendigeLeben, das ihm selbst gleichsam entstrmt) Ms. E, III , , cit par Benoist ,

    . Linflexion du transcendantal se marque donc dj par la substitution des vcusaux reprsentations. Il faut noter que cette emphase dans la description de la subjectivitvivante, jusqu une certaine forme de tautologie (das lebendige Leben), prend directe-ment position contre louvrage exactement contemporain dHeinrich Rickert Die Philosophiedes Lebens (Rickert ), pamphlet rationaliste dirig contre les soi-disant philosophiesde la vie depuis le Sturm und Drang jusqu Nietzsche, Bergson, Scheler.

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    soustraire ce souffrir qui est un se-souffrir et souvrir soi-mme, un pathosqui dfinit lessence mme de lipsit du je pense . Il y a donc chez Henryquelque chose comme un redoublement et une radicalisation de la critiquehusserlienne du kantisme, conu comme une simple enqute sur les conditionsde possibilit de lexprience, et comme une ontologie de ltant en tantquobjet.

    Reste savoir si ce redoublement et cette radicalisation avec, en sus,labandon progressif du concept (mme largi) de transcendantal, demeuredans le champ de la phnomnologie, ou retourne une forme de mtaphysi-que archi-idaliste construite sur ce pur noumne quest lauto-affection(limportance du recours Schopenhauer dans la Gnalogie de la Psychana-lyse en tmoignerait dailleurs). Henry maintient son appartenance la phno-

    mnologie en redfinissant le champ de la phnomnalit, dont la phnom-nalit extatique nest selon lui quune espce. Mais peut-on parler sanscontradiction de phnomnalit inextatique, dun apparatre qui demeureabsolument htrogne tous les modes de la manifestation du visible, ou decette immanence muette suppose dfinir la pense? On le peut, estimeHenry, la condition de renoncer demander comment ceci la pense apparat , car Henry identifie strictement la pense et lapparatre: Lappara-

    tre comme tel, Descartes, dans son langage, lappelle pense; lme tientson essence de lapparatre et le dsigne proprement. En ce sens, pourHenry, la question nest pas de savoir sil y a une phnomnalit (et partantune phnomnologie) inextatique, mais de comprendre pourquoi la phnom-nologie historique, cartsienne puis husserlienne, sest immdiatement rabat-tue vers les plus pauvres des phnomnes, et, pour ainsi dire, vers larrire-ban de la phnomnalit, moyennant quoi lego transcendantal peine consti-tuer un monde vivant et vivable.

    ) Deuxime caractre husserlien de la lecture henryenne du cogito car-tsien: la fulgurance et la dchance de labsolu phnomnologique dans lediscours cartsien. Comme Husserl, Henry gratifie Descartes dune dcouvertesans prcdent, dune forme de commencement absolu mais aussitt perdu enmme temps que retraduit dans le code mtaphysique de la substantialit, etnoy dans le projet cartsien, en quoi se rsume la mtaphysique des TempsModernes: un projet dobjectivation de ltant. Ce point de vue interprtatif prsente lavantage insigne quil permet dassigner Descartes la fois laclairvoyance et la ccit, il permet de distinguer entre un cartsianisme primor-dial, authentique, dans lequel le philosophe aurait nonc, avec le gnie des

    Henry / , . Henry / , , .

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    somnambules, la premire vrit de ltant, et un cartsianisme dchant, pri-sonnier des intrts pistmiques de la science classique et incapable de saisirltre en dehors de lide claire et distincte, de lvidence. On reconnat sansdifficult le tour husserlien de cette lecture, mme si, pour finir, exactement loppos de Husserl, elle fait justement du primat du transcendantal le signemme de la dchance du cartsianisme, quand Husserl, lui, voyait plutt cettedchance dans le fait davoir rat (Verfehlen ) lorientation transcendantalede la science quappelait la dcouverte de lego comme subjectivit transcen-dantale.

    Le rsultat de cette critique radicale nest pas labandon du cogito maislaffirmation dun cogito non-reprsentatif, loppos de la lecture heidegge-rienne qui interprte tout cogito comme un cogito me cogitare ce que, selon

    J.-L. Marion cette fois, Descartes dment expressment dans un texte capitaldes Septimae Responsiones , au nom de limmdiatet dun ego cogitans quise sent penser sans cart entre un Je et un moi, sans redoublement rflexif,enfin sans lextase de la reprsentation. Linhrence des cogitationes est telle-ment immdiate quil est dailleurs impossible de les rcuser, comme Descartespeut laffirmer des passions de lme qui sont si proches et si intrieures notre me, quil est impossible quelle les sente sans quelles soient vritable-ment telles quelle les sent. Do, contre la formule forge par Heideggerpour atteindre lessence du cogito (cogito me cogitare ) , laccent port sur cetteautre, authentiquement cartsienne: videre videor (il me semble que je vois, Meditatio Secunda ), dont Henry fait la formule canonique du cogito . Par cetteformule, Descartes dplacerait le poids de la certitude du voir, quon peuttoujours rcuser, la semblance elle-mme, un sembler en quoi consistelapparatre mme de la pense, sans lextase de la reprsentation.

    Dans le procs de lordo rationum cartsien, la formule videre videor doitservir dmontrer que le sentir est un mode de la pense, ce qui na riendvident; dans son commentaire henryen, il sagit plutt de montrer que pen-ser est sentir, un se-sentir-pensant qui ne se laisse pas dcrire dans la languedes phnomnes constitus, ni comparer avec ce que lon appelle, dune for-mule trs amphibologique et problmatique, les objets des sens. La dmons-

    Husserl, Cartesianische Meditationen, . Marion , . Descartes, Trait des Passions de lme (dsormais TPA), art. , AT XI, . Sur limm-

    diatet de la conscience, PP , , AT IX-, : Par le mot de penser, jentends tout ce qui sefait en nous de telle sorte que nous lapercevons immdiatement par nous-mmes. Cf.Expos gomtrique, AT VII, : [] ut ejus immediate conscii simus [].

    Cest principalement dans le Nietzche II que se rencontre cette formule. Pour lvaluationcritique de sa pertinence, voir Marion , , n. , puis Marion , .

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    tration de M. Henry se fonde de manire constante sur la citation de lart. des Passions de lme , que lon vient de citer, et plus prcisment sur le dernieralina de cet article, qui fait ressurgir la situation du videre videor:

    Ainsi souvent lorsquon dort, & mme quelque fois tant veill, on imagine si fortementcertaines choses, quon pense les voir devant soi, ou les sentir en son corps, bien quellesny soient aucunement; mais encore quon soit endormi et quon rve, on ne saurait sesentir triste, ou mu de quelque autre passion, quil ne soit trs vrai que lme a en soicette passion.

    Henry conclut de ce texte limmanence radicale du sentir, dans la mesure o,pour lui, le rve dsigne limmanence dune cogitatio dont la phnomnalitextatique est forclose. Mais il faut demander si le texte ne dit pas prcisment

    linverse, savoir que lintentionnalit que le rve postule, au lieu de lannuler(puisque rver cest imaginer [] certaines choses, quon pense [] voirdevant soi, ou [] sentir en son corps, et que les imaginations [] peuventtre daussi vritables passions que les perceptions []) porte elle seule lepoids de la constitution dun monde: le monde public de la veille, et le mondepriv du rveur, qui nest pas moins monde que lautre.Nest-ce pas laussi tout le sens du videre videor , qui nest pas de disqualifier le voir commetel (celui que Husserl appelle la vue pure) mais bien daffirmer quencoreque tout soit possiblement faux, et encore mme quil ny ait peut-tre aucun vrai monde, je ne laisse pas davoir le sentiment de voir , dentendre, de mechauffer, etc. Quest-ce dire, de surcrot, sinon affirmer le caractre purementtranscendantal de lide de monde, monde qui ne dsigne pas le tout deltant subsistant, mais la structure mme du penser, ou bien du sentir , tou-jours ressenti et interprt dans et comme une certaine exprience dun mon-de , ft-il celui, souvent pauvre et asphyxiant mais alors dautant plus imp-rieux, et pour parler comme Heidegger, waltend du rve ou de la folie?

    La dmonstration entreprise par la Gnalogie de la Psychanalyse pour

    exhumer la vrit du cogito comme immanence du sentir originel (donc un

    AT XI, , , . Cf. Hraclite, Fragments, Diels-Kranz B , Pradeau , Hraclite , . On notera lusage du pronom indfini dans le Synopsis des Meditationes, contrastant

    avec le caractre assertif de lnonc ( revera esse ), AT VII, , : revera esse aliquem mun-dum.

    Weltlosigkeit et solipsisme ne sont donc pas du tout les caractres fondamentaux delego cartsien, comme au fond, Heidegger lui-mme semble lavoir entrevu en esquissantune interprtation du Dasein par un retour la formule ego sum cogitans ( Sein und Zeit , ; nous rejoignons ici par dautres voies Marion , ). De fait, la critique heideg-gerienne de la subjectivit en est surtout une de la Vorhandenheit , comme le rappelleCourtine , .

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    cogito non reprsentationnel et non transcendantal) repose en grande partiesur lanalyse du doute en ce quil a dhyperbolique; en effet, lhyperbole dudoute consiste rcuser et mettre entre parenthses le transcendantal lui-mme, ou bien le dimensional extatique de la reprsentation qui constitue lechamp et le domaine dexercice de la lumire naturelle: M. Henry dcrit encorele doute comme la mise hors-jeu de la structure de la reprsentation elle-mme. Le doute hyperbolique nest pas un doute rationnel, mais un doutecontre la nature de lentendement, contre la ratio . Aussi Henry peut-il affir-mer que lentendement nintervient en aucune faon dans le procs de larduction, un rduction qui naboutit donc pas lego comme intellectus siveratio , mais au videor , cet apparatre dit originel qui dfinit lui seul lme,autrement dit, selon des formules propres Henry, o la redondance nest pas

    cense noncer une pure tautologie: la venue soi de lapparatre, lautoimpression originelle en laquelle toute impression sauto-impressionne elle-mme , lauto donation originelle de la donation [] soit [] la cogitatio ,etc.

    Pareille lecture fait videmment violence au texte cartsien, qui ne cessede clamer et revendiquer sinon la parfaite rationalit du doute, du moins sapleine et entire vraisemblance. Si lego mditatif peut effectivement douter,cest parce que des raisons de douter (rationes dubitandi ) soffrent lui avecune certaine vraisemblance, ft-elle momentane seulement. Si le mme egomditant doit se rendre lvidence que cette affirmation, je suis, jexiste , estla premire et la plus certaine de toutes, cest parce que linconsistance delargument du malin gnie simpose une lumire naturelle qui ne peut tremise hors-circuit, le doute y trouvant sa condition de possibilit. Cest donccertainement l, ds le doute, quachoppe la lecture henryenne du cogito .Mais lobjection la plus srieuse quon puisse lui faire concerne la prtenduedisjonction entre la reprsentation (qui est toujours reprsentation dun autre,jet en face) et la sensation, ou plutt le sentir comme mode originel selonlequel la pense sapparat elle-mme, hors lextase de la reprsentation et

    Henry, La critique du sujet, in Henry , . Henry / , . Henry / , . Henry , . Henry signale dailleurs que toutes ces formules tautologiques enten-

    dent dsigner rigoureusement ltre mme, ni plus ni moins, puisquelles ont toutes trait lapparatre pur (sens : phnomne au sens strict) de ce qui parat (sens : phnomne ausens trivial, mondain, ontique, etc.), donc la phnomnalit pure, autrement dit -avecHeidegger Lapparatre [sens ] qui lui [sc. le phnomne au sens ] donne de se montrerainsi et dtre de la sorte le se-montrant, le manifeste, cest ltre dans sa diffrence davecltant. Henry , .

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    la distance quimpose la Gegenstndlichkeit . Cette disjonction fonde une nou-velle espce de dualisme qui nous semble ruineux pour la comprhension des Meditationes et des Passions de lme , dualisme auquel il faudra tenterdopposer lindiffrenciation des noncs cartsiens, comme celui-ci qui estbien connu: Cette connaissance [je pense donc je suis] nest point unouvrage de votre raisonnement [] votre esprit la voit, la sent et la manie.Ici, voir et sentir que lon voit sont une seule et mme chose, cest lacte proprede ce que Descartes appelle, assez rarement de fait, mais sans tats dme, laconscience.

    Le texte des Septimes Rponses , suppos militer contre le caractre repr-sentationnel du cogito , nonce bien le caractre immdiat de la cogitatio quinexige ni redoublement ni ddoublement rflexif:

    Car la premire pense, quelle quelle soit, par laquelle nous apercevons quelque chose,ne diffre pas davantage de la seconde, par laquelle nous apercevons que nous lavonsdj auparavant aperue, que celle-ci diffre de la troisime par laquelle nous apercevonsque nous avons dj aperu avoir aperu auparavant cette chose; et lon ne saurait appor-ter la moindre raison pourquoi la seconde de ces penses ne viendra pas dun sujetcorporel, si lon accorde que la premire en peut venir.

    Ce texte appelle plusieurs remarques. Premirement il na pas vocation dcrire la structure de la cogitatio mais valuer le poids dune objection faite

    Descartes [ Newcastle?] , mars ou avril , AT V, , . Descartes, Principia Philosophiae, I, art. , AT VIII-, , l. : [] ipso sensu sive con-

    scientia videndi aut ambulandi []. Pour lintroduction par Descartes du nosmantismeconscience (qui nest donc pas, de ce fait, linvention de Locke), voir Carraud ,

    . Septimes Objections et Rponses, AT VII, , . Voir lanalyse de cette discussion

    chez Leibniz Reflexio [ bis (?)], N , in Leibniz , VI, , B, , pourqui Descartes affirme sans droit ni preuve (nulla allata probatione) que (tr.) la perceptionde cette chose ne diffre pas plus de notre perception de la perception, que la perceptionde la perception de la chose [ne diffre] de la perception de la perception perue (a per-ceptione perceptionis perceptae [!]). De fait, Leibniz nie lidentification cartsienne de la pen-se et de la pense consciente au motif que le redoublement infini de la perception con-sciente condamnerait lesprit navoir quun seul objet ( Nouveaux Essais sur lentendement humain, livre II, ch. , Leibniz , (cf. Henry / , ): il nest pas possibleque nous rflchissions toujours expressment sur toutes nos penses; autrement lespritferait rflexion sur chaque rflexion linfini sans pouvoir jamais passer une nouvelle pen-se).

    On en trouvera le commentaire le plus labor dans les premires pages de lexpos ducartsien Lambertus van Velthuysen, De Initiis primae philosophiae juxta fundamenta claris- simi Cartesii tradita in ipsius Meditationibus, nec non de Deo et mente humana, Utrecht, T.ab Ackersdijck, . Texte reproduit en annexe.

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    Descartes: savoir quon ne passe pas si facilement du concept indterminde res cogitans celui dune substance spirituelle dont toute la nature oulessence nest que de penser. Selon lobjecteur, la spiritualit de la res cogi-tans ne satteste que dans un acte rflexif, ou encore dans laperception quiprend conscience des cogitationes :

    par une action rflchie il envisage sa pense (actu reflexo intueatur ) et la considre, cequi fait quil pense, ou bien quil sait et considre quil pense (ce que proprement onappelle apercevoir, ou avoir une connaissance intrieure [quod vere est esse conscium, & actus alicujus habere conscientiam ]).

    Cest ce que conteste Descartes en affirmant que le nom de pense (cogitatio )revient ce dont nous sommes immdiatement conscients , en sorte quil estimpossible et contraire la dfinition mme de la pense de supposer unediffrence entre une pense (quelconque) et la conscience quon en a. Cecininterdit nullement le redoublement rflexif, mais Descartes lentend autre-ment que Bourdin, dabord parce que ce redoublement est temporalis: lalettre, la formule cogito me cogitare na pas de sens, parce quil faudrait luiprfrer cette autre, cogito me cogitasse . Mais penser une pense passe,cest penser nouveau, ni plus ni moins, sans que la pense seconde ajouterien la premire. Ensuite, en faisant valoir le caractre immdiat de la pen-

    se, Descartes ne prtend nullement dfinir un cogito non-reprsentationnel,mais tendrait au contraire souligner le rapport dimmdiatet qui unit lego ses reprsentations, ou pour utiliser un lexique plus cartsien, sesides.

    Ses ides, savoir des modes de la pense, dont certaines peuvent signifierdes objets, dautre non: lidea mei ipsius nest pas autre chose que la pense,comme une species intelligible qui lui servirait se penser elle-mme, et lonpeut dire de lego que son ide est dpourvue de toute ralit objective ausens cartsien de la realitas objectiva . Quant lide de Dieu ou celle de lten-

    Sept. Obj .; Rponse la deuxime question, , n , AT VII, , , . Immdiatet au demeurant bien perue et rappele par M. Henry: voir le texte de Phno-

    mnologie Matrielle, quil faut citer in extenso: Ainsi Husserl se rend-il confusmentcompte, au moment mme o il commet son erreur la plus grave la rduction de la cogita-tio lvidence qui la donne quen ralit entre lvidence de la cogitatio et son existenceil faut choisir . Que Descartes ait fond lexistence de la cogitatio sur elle-mme, sur sa struc-ture phnomnologique interne en tant que la forme par la perception immdiate delaquelle la cogitatio a conscience delle-mme [cf. AT VII, , ], sans aucune mdia-tion par consquent et sans la mdiation de lvidence notamment, laquelle est rpute dou-teuse en cet instant, cest ce que Husserl ne peut se reprsenter, pour autant quil rduit ladonation lvidence comme sa formulation la plus parfaite. Henry , .

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    due gomtrique, elles prsentifient immdiatement leur contenu plus quellesne reprsentent un objet . La problmatique de la reprsentation (dfinis-sant l objectivit ) napparat donc chez Descartes quen ce qui concerneles choses matrielles et donc les objets des sens.Comment les perceptionssensibles, en tant que simples affections corporelles, peuvent-elles en mmetemps reprsenter des choses distinctes supposes tre la cause de ces affec-tions? Et comment dire que ces choses nous affectent par elles-mmes, sansen tre elles-mmes affectes daucune manire? Cette question montre bienque la difficult pour Descartes nest pas de comprendre la possibilit duneauto-affection (empirique ou non) car toute affection est celle dun ipse quisen ressent et sprouve lui-mme au travers de ces affections. Le problmecartsien est bien plus celui de lhtro-affection: comment la cloche peut-elle maffecter, comment puis-je dire entendre sonner une cloche, alors que jenentends proprement rien que des sons, engendrs par la vibration du tym-pan? cette question, Descartes tente une rponse qui met en avant lunionintime de lme et du corps, et lactivit de lesprit, qui par une oprationrelevant de la gomtrie naturelle du regard, mais aussi bien par une sortede mtonymie transcendantale, assigne la cause de ses perceptions des cho-ses: nous pensons voir le flambeau mme, alors que nous ne voyons vi-demment aucun flambeau, nous nentendons aucune cloche, etc., et tout cetravail par lequel lesprit se figure un monde lorigine des sensations estluvre de limagination. En dniant toute ralit ce travail, qui dfinit pour-tant ce que Descartes appelle, en son langage, linstitution de nature , MichelHenry entrane Descartes dans lextrme de lidalisme, avec les consquencesruineuses que cela comporte.

    Voir, en ce qui concerne lide dtendue, Kambouchner , . Comme Leibniz labien not, la dfinition gnrale de lide comme forme de la pense ( Sec. Resp., AT VII,

    , ) se caractrise par labsence de rfrence un objet: Si lide tait la forme dela pense, elle natrait et cesserait avec les penses actuelles qui y rpondent; mais entant lobjet, elle pourra tre antrieure et postrieure aux penses ( Nouveaux Essais, II, ,Leibniz , ).

    Prcisment, le concept de reprsentation nest mobilis par Descartes que pourdcrire la ralit objective de lide comme lentit ou ltre de la chose reprsente parlide, en tant que cette entit est dans lide ( Sec. Resp., AT VII, , / AT IX-, ).

    Formule assez quivoque, dont on trouve au moins une occurrence dans les Mditations(MM V, AT IX-, ), traduisant sensuum objectis (AT VII, , ).

    TPA, art. , AT XI, .

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    douard Mehl

    La gnrosit lpreuve de lauto-affectionDans un deuxime temps il convient de sinterroger sur le prolongement donnpar Jean-Luc Marion au cogito inextatique de Michel Henry travers la thmati-que de la gnrosit, envisage comme lillustration adquate de lauto-affec-tion et comme offrant donc la meilleure dfinition du cogito . Comme lon sait ,la gnrosit est, chez Descartes, la passion qui fait quon sestime soi-mme,pour une juste et unique raison: savoir pour ce que nous sommes libres etdcids faire toujours le meilleur usage de notre libert. Tout autre motif ouraison de sestimer soi-mme est illgitime et ne donne lieu qu un orgueilvicieux et blmable.

    Il y a bien, sans conteste, un lment dcisif qui fait le lien entre le lego

    du cogito et le gnreux cartsien: cest la libert. Comme les Principes y ontinsist aprs les Meditationes , le Moi se dcouvre lui-mme en mme tempsquil dcouvre sa libert, sinon comme celle-ci: [] en mme temps que nousdoutions de tout [] nous apercevions en nous une libert si grande, que nouspouvions nous empcher de croire ce que nous ne connaissions pas encoreparfaitement bien. Ceci dit, le texte dit sans la moindre ambigut quelexprience interne par laquelle notre libert est connue est une connaissanceclaire et distincte, et le noyau de lexprience intrieure dans laquelle la

    libert est connue na rien dobscur: cest la vision vidente, videntissimemme, ut nihil sit quod evidentius comprehendamus. Le royaume du voirclair et distinct ne se confond donc en aucune faon avec le domaine de lext-riorit et de ltranget propre aux objets de lexprience: au contraire, lideadei et lidea mei ipsius doivent tre tenues pour les plus claires de toutes lesides quon puisse trouver en nous. Cette clart nest pas autre que celle danslaquelle nous sont donns les objets de lexprience: il ny a prcisment pas ,entre la lumire qui me fait voir (ou sentir) que je pense, et celle qui me faitjuger que ceci est un morceau de cire, la diffrence quil y a entre la lumirede la nature et celle de la grce. Il ny a pas mme la diffrence entre deuxfacults (un sens interne, et un sens externe), il y a au contraire lunit duneseule et mme lumire, spontane, instinctive, invincible: la lumire natu-relle.

    Mais il y a plus: on peut en effet se demander si aborder la gnrositcomme un cas exemplaire dauto-affection ne conduit pas perdre le sensdune vertu qui gt tout entire dans le rapport la transcendance dAutrui: il

    Voir ici mme la communication de Theo Verbeek. PP I, , AT IX-, . PP I, , AT VIII-, , .

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    conviendrait donc plutt de soustraire la gnrosit son interprtation mta-physicienne pour la replacer dans la grande tradition du commentaire moralet la thorie de lme noble telle quon la voit par exemple expose dans le Banquet de Dante , lme noble et gnreuse tant celle qui, par dfinitionest dabord affecte par la vertu et la grandeur dAutrui; le gnreux se repr-sente en effet Autrui comme une autre soi-mme, cest--dire comme un autreaussi bien capable de libert et de fautes quil lest lui-mme; autrement dit,le gnreux ne sestime lui-mme quen tant quil porte estime aux autres aussibien qu lui-mme. La gnrosit cartsienne ne suppose pas la possibilitthorique de lintersubjectivit: elle la produit, par cela mme que le gnreuxne se tient pas dans la sphre dimmanence de sa cogitatio , quil dcouvreaussi bien hors de lui, en Autrui. La gnrosit est une passion ncessairementtransitive; en ce sens, Descartes a parfaitement assur le passage du sensarchaque et aristocratique du terme (la gnrosit comme bonne naissance), son sens moderne, o la gnrosit est cette vertu qui fait regarder autruiautrement que comme un autre, et le fait regarder comme aussi bien capablede cette volont que le gnreux sent en lui-mme.Ce faisant, Autrui pr-sente les mmes caractristiques phnomnologiques que lego lorsque celui-ci se pense, et lorsquil considre, solitairement, lidea sui ipsius : une vidence pure , ce que lon peut entendre comme vide de ralit objective, comme, analo-

    giquement, la lumire nest rien des objets quelle claire.Cette dimension intersubjective de la gnrosit constitue prcisment

    llment irrductible au cogito cartsien, et plus encore au cogito inextatiquede Michel Henry, en sorte quau lieu den offrir la dfinition la plus exacte, lagnrosit cartsienne en serait plutt lau-del et, pour user dune mtaphorespatiale peut-tre trop facile, comme lenvers . La gnrosit est prcisment uncogito extasi, par lequel je pense quun autre peut sentir en soi la mme chose(la mme volont) que moi. Quant au sentiment mme de soi, auquel seul le

    gnreux peut sadonner de manire lgitime, et qui a pour nom la satisfac-tion de soi-mme, elle nest jamais quune consquence habituelle de la gn-rosit, et nen saurait tre une condition.

    Ou bien encore dans lessai que lui consacre Leibniz , VI, , C, (N , Sur la gnrosit , ?): Il ne reste donc que de dire quelque chose de la justice; qui estlme de la gnrosit [] Or le principe de la justice est le bien de la socit, ou pourmieux dire le bien gnral, car nous sommes tous une partie de la Rpublique universelle,dont Dieu est le Monarque, et la grande loi tablie en cette rpublique est de procurer aumonde le plus de bien que nous pouvons.

    Descartes, Trait des Passions de lme, art. , AT XI, . Descartes, Trait des Passions de lme, art. , AT XI, .

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    Cogito et sentiment dexistenceReste la question de laffection, dont on a dit plus haut quelle tait toujoursauto-affection au sens o seul un ipse peut se sentir affect et se ressent deses affections (siennes). Affection immanente, sans distance, dit Henry: ni ladistance spatiale (que Gassendi, dans un texte comment dans LEssence de la Manifestation , considre comme une condition de possibilit des phnomnesen gnral ), ni distance phnomnologique, celle-ci tant comprise commela possibilit de la premire, et comme le pouvoir ontologique qui nous donneaccs aux choses . Mais faut-il distinguer entre distance spatiale et distancephnomnologique? Ici comme ailleurs, avec ce redoublement de laffectivitempirique par une affectivit originaire, comprise comme rvlation de

    ltre lui-mme dans le sentiment, rvlation sans distance et sans reste,navons-nous pas affaire une forme de ralisme transcendantal invitable-ment double didalisme empirique? Bref, ceci ne mne-t-il pas la phnom-nologie retomber dans une mtaphysique, voire une mystique de la con-science comme apparatre pur et purement invisible ? Faut-il vraimentquitter le nouveau sol, dcouvert dans les Meditationes la lumire naturelle,que Descartes ne prend ni pour une mdiation ni pour un milieu de visibi-lit, mais pour linstinct intellectuel pour la nuit o toutes les vaches sontgrises?

    Nous signalions plus haut le recours de la Gnalogie de la Psychanalyse Schopenhauer; mais limportance des lectures fichtennes de M. Henry dansl Essence de la Manifestation et dj permis de le souponner: si Henry neveut comprendre que lapparatre lui-mme dans lego ou la mens cartsienne,cest quil a substitu cet ego la conscience au sens fichten, conscienceidentique ltre au lApparatre. La conscience fichtenne, voire lintellectmatriel dAristote, car en effet dire, dune formule incontestablement adroiteet puissante, que l ego est le lieu de la phnomnalit, est-ce dire vraimentautre chose que ce qua dit Aristote, reprenant aux platoniciens la descriptiondu nous comme topos eidn ? Cest dire que lanalyse henryenne du cogito ,

    Henry / , . Quintae Objectiones, AT VII, . Henry / , . Mersenne, octobre , AT II, . Cest cette lettre (en fait un commentaire sur

    le De Veritate de Herbert de Cherbury) que cite littralement Husserl dans un indit de jeu-nesse sur Descartes dit par Majolino , ( sub fine ).

    Dans un passage du De Anima (III, , a ) qui transpose de manire parfaitementcontrle lindtermination du topos (ou khra ) du Time platonicien lintellect mat-riel. Time, e- a: lentit nomme entre autres khra doit tre dpourvue de toutes carac-tristiques comparables celles des choses quelle reoit, autrement il loffusquerait parson propre aspect (Platon , ); argumentation littralement reprise par Aristote au

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    plus spculative que phnomnologique, fait peu de cas du caractre spcifi-quement cartsien de lnonc qui na de sens et de possibilit qu traverslego qui le profre et le vrifie chaque fois quil le profre. Ce nest pas unego universel, ni une conscience absolue qui aurait absorb le monde dans sasphre dimmanence, cest un ego qui pense, cest--dire qui entend, qui veut,qui voit et qui sent mais qui sent quelque chose , et ne se sent jamais existerque dans quelque monde [aliquem mundum ] .

    Notre propos sera, pour finir, de revenir sur cette lecture minemmentidaliste qui offre un peu trop facilement le cogito cartsien en pture la Rfutation kantienne. Est-il exact que la saisie cartsienne de lexistence soit la fois plus immdiate, plus certaine et indpendante de la perception deschoses extrieures? On peut dabord remarquer que M. Henry est passable-

    ment discret sur la manire, tout aussi immdiate et intime, dont lego mdi-tant est affect par lexistence de Dieu, existence dont on a dit plus haut quelletait plutt prsente et prsentifie que reprsente, si tant est quil faillecomprendre, ainsi que la fait Heidegger, la reprsentation comme cela mmequi isole dramatiquement le sujet du monde, un monde figur dans la repr-sentation sans tre vcu, un Weltbild en lieu et place du monde, donc unWeltbild comme insigne de la Weltlosigkeit des Temps Modernes. Rappelonsque, pour Heidegger, la tentative kantienne pour recomposer le rapport dusujet isol avec un monde, dans sa Rfutation de lidalisme , et pour raccor-der lexistence de lego celle des choses ( Das Dasein der Gegenstnde , ditKant) ne fait, somme toute, quentriner la destruction ( Zertrmmerung ) cart-sienne du phnomne originaire de ltre au monde, et la Rfutation delidalisme (suppos cartsien) ne fait quen confirmer les positions ontologi-ques.

    Il nous semble que toutes ces lectures ont en commun de transformer enthse ce qui nest jamais chez Descartes quun moment de la rflexion, et,qui plus est, de dterminer les consquences pratiques (le sujet isol, saWeltlosigkeit , etc.) dun discours purement thorique qui na aucune prtention dcrire un tat de choses ou la condition humaine. Descartes le rappellesuffisamment: le doute est contre nature. Or ce que Kant dfinit comme uneposition philosophique propre lidalisme subjectif (la seule certitude imm-

    sujet de lintellect matriel: Linterfrence de ltranger cre, en effet, un obstacle et doitfaire cran (cf. Aristote , et n. ). On ne saurait apporter de meilleure raison lappui de lhypothse formule plus haut, selon laquelle lidea mei ipsius est (ncessaire-ment donc) dpourvue de toute ralit objective.

    Ce que rappelle Fischback et quil compare au concept dalination ( partir deMarx et Arendt notamment).

    Voir notre tude Mehl , .

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    diate est celle que lego a de son existence, lautonomie du sens interne parrapport au sens externe) nous renvoie lexercice du doute et ce que Descar-tes entend par mditer. Or il est constant que Descartes, sil met hors-circuitles objets des sens, et mme le corps propre en tant quobjet des sens (ce corpsque je sens tre mien), ne suspend nullement le sentir lui-mme. Lego mdi-tant est un ego qui (se) sent, qui a chaud, froid, qui voit, qui entend, etc., bref irrmdiablement livr sa facticit. Non seulement le doute, loin dabolir lasensation ou la vue, ne fait que modifier le video en videre videor mais desurcrot cette vue pure qui se saisit des cogitationes na pas dautre objet nidautre horizon que celles-ci: sans le flux des cogitationes (quand bien mmefausses, douteuses, illusoires, etc.) en quoi consiste la vie naturelle, le voirpur naurait absolument aucun objet. Quand, en revanche, sans mditer, et

    pour ainsi dire dans la vraie vie, nous pensons our la cloche ou nouspensons voir le flambeau, la pense na pas affaire ses reprsentations ni ses ides: elle est aux choses mmes: le bton parat vraiment bris, la clocheparat vraiment sonner. La philosophie cartsienne commence par constaterque lego vit dans cette prsence aux choses mmes, dans le miracle continuquest la prsence au monde, monde chatoyant, parfois illusoire, mais toujoursvraiment l. Le doute permet certes de saisir cette ralit comme un tissudides, ou de le considrer comme ma reprsentation, et cest seulementdans ce contexte que Descartes est effectivement passible dun idalisme aumoins problmatique, voire dogmatique. Mais cette rduction na de sens etde validit quen rgime de doute, et comme lenvers de lattitude naturelle.On oublie souvent de le dire, et cest ainsi que lon substitue la philosophiepremire des Meditationes la fable de la mtaphysique des Temps Modernes.

    Cette idalit de la reprsentation (disons-le trs simplement: les repr-sentations nexistent pas!) vaut aussi bien de cette mystrieuse affectivit inex-tatique, qui nexiste pas davantage, et qui na pas plus le privilge de dfinirlessence dun cogito non-intentionnel ou non-reprsentatif. Dans lattitudenaturelle comme dans lattitude thorique, lego cartsien existe, il se sait etse sent exister, et cette sienne existence est absolument identique au sentimentqui la livre, sans cart ni variation (on ne se sent pas plus ou moins existant),

    Sur le virage du cogito au sentiment dexistence, voir Bardout , . Cetteproblmatique du sentiment dexistence et de ses degrs (quil na prcisment pas) pour-rait sans doute tre reconduite la problmatique aristotlicienne des Catgories ( b ): Ilsemble bien que la substance ne soit pas susceptible de plus ou de moins, bien quil aitt reconnu que les substances premires (les individus) sont plus substances que lessecondes (les espces et les genres). Problmatique qui, de Descartes Spinoza, se traduitpar celle du degr de ralit, suppos ncessairement plus grand dans les substancesque dans les attributs et dans les modes. Sur cette question et ses aboutissants, voir notam-ment Benoist , .

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    comme le sentiment dexistence est strictement coextensif la perceptionclaire et distincte dans laquelle la res cogitans sapparat elle-mme commeune res vera et vere existens . Comme le dit si parfaitement le narrateur mdi-tant, aussi bien que Rousseau ou Descartes, au seuil de la Recherche , le senti-ment dexistence, isolable en certaines circonstances exceptionnelles, prcdetoute reprsentation de soi, compose par le souvenir: [] quand jemveillais au milieu de la nuit, comme jignorais o je me trouvais, je nesavais mme pas au premier instant qui jtais; javais seulement dans sa sim-plicit premire le sentiment de lexistence comme il peut frmir au fond dunanimal. Cette perception, loin de dfinir un sentiment irrel selon la ter-minologie de l Essence de la Manifestation , constitue le prototype mme delvidence, et partant, de la certitude. Finalement, si linterprtation hen-

    ryenne du cogito , au demeurant fconde et mme jusqu un certain pointfascinante, nous parat achopper, cest cause du prsuppos que lextase dela reprsentation ne peut fournir quun simulacre de laffect. Disons plutt queles ides en constituent, bien au contraire, la fois toute la grammaire, lachair et la vrit.

    AnnexeLambertus van Velthuysen, De Initiis primae philosophiae juxta fundamentaclarissimi Cartesii tradita in ipsius Meditationibus, nec non de Deo et mentehumana , Utrecht, T. ab Ackersdijck, . Sectio Prima. De cognitione in genere .

    [A r, p. ] Omnium hominum consensu constat, in vera et proprie sic dictacognitione requiri conscientiam; nempe quia est de natura omnis cognitionis,quod is, qui percipit, scit, aut intelligit aliquid, scit se aliquid percipere, scire &intelligere. Neque id tantum de cognitione reflexa , qua cognitionis aut cogita-

    tionis meae conscientiam eam habeo, qua animadverto me aliquid animadver-tisse, intelligendum est, sed idem etiam statuimus de prima quavis percep-tione, aut intellectione, per quam aliquid advertimus: dolorem, famem, sitimverbi gratia. Et quaevis prima cogitatio, aut perceptio, per quam aliquid perci-pimus aut intelligimus, non magis differt a secunda, per quam animadvertimusnos illud primum advertisse, quam tertia a secunda: & ambae sunt aequeimmateriales. Ideo nullus, qui mentis compos est, rebus sensu destitutis, cog-nitionem proprie dictam attribuit: non lapidi, non arbori, non metallis, &c. []

    Marcel Proust, la Recherche du Temps Perdu, dition Pierre Clarac et Andr Ferr,Paris, Gallimard (Bibliothque de la Pliade), , vol. I, p. .

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    [A r, p. ] At per se notum est, conscientiam absque aliqua cogitationisspecie esse non posse: imo esse aliquam cogitationis speciem, sc. illam imma-nentem substantiae cogitantis actionem, qua scit se aliquid reipsa cogno-scere & percipere. Estque illa operatio plane spiritualis, & intellectio strictis-sime dicta, neque minus spiritualis quam cognitio reflexa: quia anima in iisimaginem corpoream non intuetur; doloris enim perceptio , verbi gratia, nonsentiri aut imaginari, sed tantum intelligi potest : & mens in ea operationeseipsa tantum utitur, nullis aliis extra se rebus egens, quod quivis, exper-iundo & explorando quomodo istam operationem exserat, cognoscere potest;intelligetque illas operationes, quae conscientiam inferunt, sine molestia sem-per a se exseri, quocunque etiam modo corpus constitutum esse possit. Namquamvis v. g. sentire, aut imaginari non possum sine corpore, actio tamen illa

    mentis, qua sensationis aut imaginationis conscius sum, plane spiritualis etincorporea est: sic somnia non peraguntur sine corporeis speciebus: sed actioilla mentis, qua conscii sumus nos somniare, aut somniasse, plane spiritualisest. Et tam manifeste in hac cogitationis specie se prodit spiritualitas actionis,quam in actione voluntatis.

    [f. A v, p. A r, p. ] Agemus itaque tantum de cognitione propriedicta; et quidem de cognitione humana; & cujus res spiritualis tantum capaxest: et a qua conscientiam inseparabilem diximus. Quamvis enim variae cogita-tiones dentur, quas etiam postea recensebimus, omnibus tamen id proprium &essentiale est, quod conscientiam involvant: estque illa conscientia menti adeomanifesta & intriseca, ut nunquam in ea falli possit, putando se alicujus cogi-tationis conscientiam habere, & in eo tamen animo falsus esse. Quamvis enimmens de perceptione et intellectione sua varia judicia, etiam falsa, formarepossit, nunquam tamen mens in eo fallitur, quod, cum se percipere & intelli-gere putat, tunc non percipiat et intelligat: quando quidem illa cogitatio siveintellectio semper a mente in mente perficitur, fieri non potest, quod, cumputem me aliquid audire, tunc cogitationem illam non habeam: quamvis fieri

    possit, & saepius contingat, me revera nihil audire, & organum auditus nullare affici, cum illud affici puto; ut contingit quando somniamus.

    BibliographieAristote ( ), De lme, tr. R. Bods. Paris.Bardout, Jean-Christophe ( ), Causalit ou subjectivit: le dveloppement du sentiment

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