Supply chain magazine - Manager du mois - Jan Fev 2015

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N°91 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 74 MANAGER DU MOIS Pierre « Nous sommes le leader du Pierre Poignant a pris les rênes des opérations de Lazada à Singapour en 2012, peu de temps après sa création. Les enjeux étaient de taille : bâtir l’ensemble d’un réseau logistique en vue de devenir le numéro 1 du e-commerce en Asie du Sud-Est ! Un pari ambitieux que Pierre Poignant et son équipe relèvent avec enthousiasme. Chief Operating Officer Lazada Group Supply Chain Magazine : Quel est votre parcours ? Pierre Poignant : Après l’obten- tion de mon diplôme d’Ingénieur de l’école Polytechnique en 2001, j’ai passé deux ans au MIT à Bos- ton, où j’ai décroché un Master of Science. J’ai travaillé ensuite deux années chez BNP Paribas à Paris, en qualité de Consultant en système d’information. Puis j’ai intégré en 2005 le cabinet McKinsey & Company, au sein de l’entité « technologie » où je suis resté sept ans, dans un pre- mier temps à Paris, puis à Singa- pour à partir de 2009. J’ai intégré le groupe Lazada en 2012 comme Chief Operating Officer (COO) quelques mois après son lancement. Je cherchais à cette époque un environnement plus opérationnel que le conseil. La stratégie et la vision de Lazada étant extrêmement motivantes, j’étais très enthousiaste à la pers- pective d’intégrer le groupe pour accomplir les objectifs ambitieux fixés. En outre, j’ai eu un excel- lent contact avec l’équipe de management. SCMag : Le Groupe Lazada, implanté en Asie du Sud-Est, est relativement méconnu en France. Pouvez-vous nous le présenter ? P.P. : Lazada est une entreprise lancée par Rocket Internet [NDLR : incubateur de start up], en mars 2012 en Asie du Sud-Est. Elle est un pionnier du commerce électronique à travers toute cette région, des marchés encore peu explorés jusqu’à présent, sur le même modèle qu’Amazon. Lazada est une « marketplace » en ligne. Les marchands mettent à disposition leurs produits et nous nous chargeons de leur logis- tique et de l’exécution de la com- mande. Nous distribuons tout type de produits : téléphones, tablettes, appareils électroniques, vêtements, chaussures, sacs, montres, parfums, cosmétiques, équipements de la maison, jouets, articles de sports, etc. Lazada reçoit le soutien financier d’investisseurs (plus de 520 Mde levée de fonds) comme Tema- sek, Tesco, Summit Partners, Ver- linvest, Investment AB Kinnevik et Rocket Internet. Aujourd’hui, deux ans et demi après notre lancement, nous sommes le lea- der du e-commerce en Asie du Sud-Est et dans chacun des pays où nous sommes implantés : Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Vietnam et Singa- pour. SCMag : Pourquoi ces pays ? P.P. : Ces six pays représentent 500 millions de personnes et le commerce en ligne constituera un marché de 38 Mdd’ici 2020, selon un rapport récent d’UBS. Les niveaux de croissance sont comparables à ce qu’il se passe en Chine où la pénétration du Lazada en quelques chiffres 71 Mde transactions pour le 1 er semestre 2014 Plus de 9.500 marchands sur la plate-forme Plus de 50 % du trafic et 40 % des transactions sont sur mobile 3.000 employés en Asie du Sud-Est Plus de 2 millions d’utilisateurs se rendent chaque jour sur le site ou sur l’application mobile 9,5 millions de fans sur Facebook dans la région ©LAZADA GROUP

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N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 201574

MANAGER DU MOIS

Pierre« Nous sommes le leader du

Pierre Poignant a pris les rênes des opérationsde Lazada à Singapour en 2012, peu de tempsaprès sa création. Les enjeux étaient de taille : bâtir l’ensembled’un réseau logistique en vue de devenir lenuméro 1 du e-commerceen Asie du Sud-Est ! Un pari ambitieux que Pierre Poignant et son équipe relèvent avecenthousiasme.

Chief Operating Officer Lazada Group

Supply Chain Magazine : Quel est votre parcours ?Pierre Poignant : Après l’obten-tion de mon diplôme d’Ingénieurde l’école Polytechnique en 2001,j’ai passé deux ans au MIT à Bos-ton, où j’ai décroché un Masterof Science. J’ai travaillé ensuitedeux années chez BNP Paribas àParis, en qualité de Consultant ensystème d’information. Puis j’aiintégré en 2005 le cabinetMcKinsey & Company, au seinde l’entité « technologie » où jesuis resté sept ans, dans un pre-mier temps à Paris, puis à Singa-pour à partir de 2009. J’ai intégréle groupe Lazada en 2012comme Chief Operating Officer(COO) quelques mois après sonlancement. Je cherchais à cetteépoque un environnement plusopérationnel que le conseil. Lastratégie et la vision de Lazadaétant extrêmement motivantes,j’étais très enthousiaste à la pers-pective d’intégrer le groupe pouraccomplir les objectifs ambitieuxfixés. En outre, j’ai eu un excel-lent contact avec l’équipe demanagement.

SCMag : Le Groupe Lazada,implanté en Asie du Sud-Est,est relativement méconnu en France. Pouvez-vous nousle présenter ?P.P. : Lazada est une entrepriselancée par Rocket Internet[NDLR : incubateur de start up],en mars 2012 en Asie du Sud-Est.

Elle est un pionnier du commerceélectronique à travers toute cetterégion, des marchés encore peuexplorés jusqu’à présent, sur lemême modèle qu’Amazon.Lazada est une « marketplace » enligne. Les marchands mettent àdisposition leurs produits et nousnous chargeons de leur logis-tique et de l’exécution de la com-mande. Nous distribuons touttype de produits : téléphones,tablettes, appareils électroniques,vêtements, chaussures, sacs,montres, parfums, cosmétiques,équipements de la maison,jouets, articles de sports, etc.Lazada reçoit le soutien financierd’investisseurs (plus de 520 M€

de levée de fonds) comme Tema-sek, Tesco, Summit Partners, Ver-linvest, Investment AB Kinneviket Rocket Internet. Aujourd’hui,deux ans et demi après notrelancement, nous sommes le lea-der du e-commerce en Asie duSud-Est et dans chacun des paysoù nous sommes implantés :Indonésie, Malaisie, Thaïlande,Philippines, Vietnam et Singa-pour.

SCMag : Pourquoi ces pays ?P.P. : Ces six pays représentent500 millions de personnes et lecommerce en ligne constitueraun marché de 38 Md€ d’ici 2020,selon un rapport récent d’UBS.Les niveaux de croissance sontcomparables à ce qu’il se passeen Chine où la pénétration du

Lazadaen quelques chiffres

■ 71 M€ de transactions pour le 1er semestre 2014

■ Plus de 9.500 marchandssur la plate-forme

■ Plus de 50 % du trafic et40 % des transactionssont sur mobile

■ 3.000 employés en Asie du Sud-Est

■ Plus de 2 millions d’utilisateurs se rendentchaque jour sur le site ou sur l’application mobile

■ 9,5 millions de fans sur Facebook dans la région

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Poignant e-commerce en Asie du Sud-Est »

e-commerce est plus importantequ’en France et aux Etats-Unis.La révolution du e-commerce enChine, dont l’étendard est Ali-baba, a démarré il y a cinq/sixans, en raison de l’émergenced’une classe moyenne et d’uneexplosion de l’accès à Internet,notamment via les smartphones.En outre, dans des pays tels quela Chine, l’Inde ou d’Asie du Sud-Est, l’offre de distribution tradi-tionnelle est réduite, voireinexistante dans certaines zones.

SCMag : En tant que COO,quel est votre périmètre de travail ?P.P. : Nous parlons des opéra-tions plutôt que de la SupplyChain. Elles couvrent l’ensembledu périmètre lié à l’exécution descommandes : la gestion opéra-tionnelle des marchands, lesapprovisionnements, la mise enligne des produits, l’ensemble desopérations, depuis la création de la commande jusqu’à lalivraison au client final, ainsi queles processus de flux retours.Soit les marchands livrentleurs stocks dans nos entre-pôts, soit ils les stockentchez eux. Dans ce cas, je m’assure qu’ils dis-posent des bonsniveaux de stockset de leur capa-cité à traiter lescommandesd a n s l e s

délais requis. Je suis encharge des six pays. Nousdisposons pour l’heured’entrepôts, gérés eninterne, dans chaquecapitale de ces payspour être proches desconsommateurs. Ceschéma est voué às’étendre puisque nousprévoyons d’ouvrir denouveaux entrepôts àproximité des grandscentres de consomma-tion afin d’optimiser les délais de livraison.Notre réseau est doncamené à grossir et à secomplexifier. S’agissant dutransport, une partie estgérée en interne et une autreen externe. Lazada développes a p r o p r e f l o t t e d elivreurs, de motos et devéhicules et gère lalivraison en directaux clients dans

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une quarantaine de villes en Asiedu Sud-Est. Je gère aussi six cen-tres d’appel client.

SCMag : Quelle était votrefeuille de route ?P.P. : Au démarrage, ma missiona consisté à mettre en place toutel’organisation logistique et lesplates-formes. Désormais, jepoursuis le développement. Ils’agit d’être meilleur pour pour-suivre notre croissance. Parmi lesindicateurs clefs, nous suivons deprès le coût par commande, lavitesse, la fiabilité et le respect dela promesse client en matière dedélai de livraison. Nous sommestrès attentifs à l’agilité de notreSupply Chain. Elle doit êtredynamique et capable d’intégrerde nouveaux marchands et denouveaux produits. Elle doitaussi nous permettre d’absorberles pics d’activité, à l’occasionpar exemple de la journée descélibataires où les ventes battentdes records. Nous apportonsaussi une grande attention autaux de retour et à la satisfactionclient.

SCMag : Quelles sont lescaractéristiques logistiquespropres au e-commerce ?P.P. : Les aspects liés à la vitesseet à la fiabilité, le délai de livrai-son jusqu’au client final et l’im-portance du respect de la pro-messe client. Nous proposons descentaines de milliers de réfé-rences sur notre plate-forme viades milliers de marchands. Celacrée une complexité logistiqueforte, et ce dans un contexte oùle nombre de marchands conti-nue de croître. L’autre grandespécificité du e-commerce est lalogistique des retours. La capa-cité à proposer un processus deretour simple est très importante.Par ailleurs, le client étant extrê-mement sensible au prix, il fauts’assurer que le coût de la logis-tique soit très faible pour êtreplus compétitif en matière deprix. Sans oublier l’attention par-ticulière à accorder aux réseaux

sociaux, pouvant être un vecteurde communication pour lesclients insatisfaits.

SCMag : Outre les spécificitésbusiness, quelles sont cellesliées à la géographie ?P.P. : Par exemple, les spécificitésde l’Indonésie sont liées à sonétendue géographique. D’Est enOuest, elle mesure 5.500 km et

est constituée de plus de 17.000îles. Nous livrons néanmoinspartout ! Le réseau de transport(rail et route) est beaucoup moinsdéveloppé qu’en Europe. Il s’agitdonc d’un vrai challenge logis-tique d’assurer des délais delivraison courts malgré lemanque d’infrastructures à desniveaux de prix compétitifs. Leréseau des transporteurs est aussimoins développé. Tel est le caspar exemple de la Poste indoné-

sienne. Nous nous heurtons aussià des difficultés concernant lepaiement. Le taux de pénétrationde la carte bancaire étant nette-ment moins élevé qu’en Europe,beaucoup de clients paient enliquide à la réception du colis.Nous devons donc intégrer auflux logistique le processus com-plexe de collecte de cash à lalivraison. En outre, le niveau dematurité de notre base de mar-chands est très variable. Par ail-leurs, les clients de la régiondécouvrent l’e-commerce etcommuniquent beaucoup avecnotre service client. Etant la pre-mière plate-forme d’e-commercedans la région, nous contribuonsà éduquer nos clients (gestiond’un retour, processus d’achat enligne, etc.), d’où l’importance denos centres d’appel client.

SCMag : A quels types de sujets réfléchissez-vousactuellement ?P.P. : Nous avons défini troisaxes de développement. Le pre-mier vise à accroître nos infra-structures et étendre notre réseaulogistique en agrandissant lesentrepôts existants et en enouvrant de nouveaux. Nous sou-haitons aussi développer leséchanges d’information dansnotre réseau avec nos parte-naires. Aujourd’hui, les transpor-teurs ne sont pas très informati-sés. Nous les accompagnons,ainsi que les marchands, danscette quête d’intégration. Nousvoulons à terme disposer d’unebonne visibilité en temps réel del’état et de l’activité du réseau.Enfin, nous devons soutenir lesmarchands afin qu’ils soient enmesure de nous accompagnerdans notre développement etnotre forte croissance. Nousavons créé à cet effet des forma-tions (Lazada University). Deséquipes de Lazada leur dispen-sent des cours pratiques (gestiondes stocks et d’entrepôt, desapprovisionnements, etc.). ■

PROPOS RECUEILLIS PAR

BRUNO SIGUICHE

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