Supply Chain Magazine 81 - Enquête Cosmétiques et parfumerie

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ENQUÊTE C osmétiques & Parfumerie N°81 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2014 52 Une seconde jeunesse via la collaboration ©ALEXIS RAIMBAULT L’heure est à la collaboration dans le secteur de la cosmétique & parfumerie. L’initiative emblématique menée par les fabricants et les distributeurs de la parfumerie sélective en est une parfaite illustration. Sans oublier l’amont de la chaîne… Les fabricants se préoccupent en effet de plus en plus des modes de collaboration avec leurs fournisseurs. L’expertise des fournisseurs de l’Oréal luxe. COSMÉTIQUES & PARFUMERIE

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ENQUÊTECosmétiques & Parfumerie

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Une secondejeunesse via

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L’heure est à la collaboration dans le secteur de la cosmétique & parfumerie. L’initiative emblématique menée par les fabricants et les distributeurs de la parfumerie sélective en est une parfaite illustration. Sans oublier l’amont de lachaîne… Les fabricants se préoccupent en effet de plus en plus des modes de collaboration avec leurs fournisseurs.

L’expertise des fournisseurs de l’Oréal luxe.

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Jean-Marc Soulier, Président de Metis

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Plusieurs marchés pour unmême secteur ! C’est ainsique les experts dépeignentl’univers des cosmétiques etde la parfumerie. « Il n’y a

pas une version monolithique du mar-ché des cosmétiques et de la parfume-rie. L’organisation du groupe l’Oréalen est une parfaite illustration avecses quatre divisions : L’Oréal Luxe,Produits Grand Public, Produits Pro-fessionnels et Cosmétique Active »,définit Jean-Marc Soulier, Prési-dent de Metis Consulting. A chaque marché, sa SupplyChain et son niveau dematurité. « Il existe cinqmarchés avec des produits,des entreprises indus-trielles, des distributeurs etdes réglementations diffé-rents. Les circuits privés(Yves Rocher, L'Occitane,etc.) ou filières intégréesvivent de manière autarciqueavec leur propre Supply Chain.Les produits de consommation courante distribués en GMS (laques,savons, etc.). Ces sont des produits àforte rotation (P&G, Unilever, l’Oréalgrand public, etc.) qui suivent lesrègles de la Supply Chain des grandsdistributeurs (Carrefour, Leclerc, etc.)avec des modes de collaboration cal-qués sur ceux de l’alimentaire. Lesproduits qui se vendent en (para)pharmacie (Nuxe, la Roche Posay…)

suivent les règles du marché de lapharmacie. Il s’agit alors d’une distri-bution capillaire avec un très grandnombre de points de ventes. Il existeaussi les circuits qui consomment ces produits (ongleries, coiffeurs,esthéticiennes, etc.). Ce sont de petitsmagasins qui commandent de petitesquantités. La Supply Chain est de typerestaurant. Et enfin, le secteur de laparfumerie sélective où des produitsde luxe (Chanel, Dior, etc.) sont ven-dus par des réseaux de distributionspécialisés (Sephora, Marionnaud...).Le refus de vente est la règle ! C’est eneffet l’industriel qui choisit son distri-buteur, ce qui change la relation com-merciale. Avec des produits à rotationtrès lente et à valeur extrêmement éle-vée, ce secteur appartient au mondedu luxe », détaille Jean-Luc Jarrin, ex-Directeur Supply Chain de Sephoraet ex-vice-Président de la FFPS (Fédé-ration Française de la ParfumerieSélective).

Collaboration fabricants - distributeurs, des initiatives

bien engagées…Différentes Supply Chains avec despratiques collaboratives variables.Nous nous focaliserons dans ce dos-sier spécifiquement sur le marché de

la parfumerie sélectiveainsi que sur le casd’Yves Rocher (voirITW page 62). Côtéaval, le secteur dela parfumerie sélec-tive est en effer-vescence depuis lel a n c e m e n t e n2011 de l’initiativeassociant les fabri-

cants et les distribu-t e u r s d u s e c t e u r

(voir page 56). Il s’agiten effet de la démarche emblématiquedu secteur. « Les démarches collabora-tives (prévisions collaboratives, GPA,etc.) ont démarré à la fin des années1990 dans le secteur des produitsgrand public mais ont souvent été liéesà des aspects de négociation tarifaire.Ces initiatives ont débuté plus tar-divement dans le monde de la distri-bution sélective, il y a environ qua-tre/cinq ans (voir page 56) mais ont

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Antoine Bernard,DirecteurAssocié

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Yann Benaïs, DirecteurAssocié d’Elyka

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été découplées des aspects de négo-ciation. Le contexte d’échange est plusdépassionné et il y a une très bonnedynamique de rattrapage. L’initiativelancée en 2011 est une approche decollaboration remarquable », exposeJean-Marc Soulier.

… ainsi qu’entre fabricants et fournisseurs

Et s’agissant de l’amont ? Pas de démar-che aussi novatrice et fédératrice quecelle lancée entre fabricants et distri-buteurs. Mais de nombreuses initia-tives voient également le jour actuel-lement (voir encadré Guerlain ci-dessous et l ’Oréal page 59).

« Les industrielséchangent plusrégulièrement avecleurs fournisseursles variations desplans d’approvi-sionnement afinde permettre uneplus grande réac-tivité par rapportà la variation dela demande. Lefournisseur s’en-gage alors sur sacapacité à produire. Ces collabora-tions sont en général mises en œuvre au travers d’outils simples. Certains

industriels intro-duisent aussi desnotions de stocksde consignationavec leurs four-nisseurs », illustreAntoine Bernard,Directeur Associéde Citwell. SelonJean-Luc Jarrin, « Il existe beau-coup de collabo-ration entre lesindustriels et leurs

fournisseurs sur les aspect de R&D.Concernant les prévisions, on ne peutpas encore parler de S&OP. Il s’agitdavantage de partage d’informationque de prévisions partagées ». Denombreuses initiatives ont lieu entreflaconniers et industriels. « Les fla-conniers et les parfumeurs travaillenten flux tendu. Compte-tenu de la crise,la collaboration est une nécessité quis’est accentuée encore plus. Par ail-leurs, la capacité ou non des fournis-seurs à collaborer est un critère desourcing pour les industriels. Ce sontsouvent les clients, bien que pas tou-jours matures sur ces sujets, qui pous-sent leurs fournisseurs à collaborer,précise Yann Benaïs, Directeur AssociéElyka Consulting. Et d’ajouter : Engénéral, les verriers font du CPFR(Collaborative Planning, Forecastingand Replenishment) avec leurs clients.Les clients transmettent leurs prévi-sions de ventes et les verriers confir-ment en retour la capacité à livrer,parfois même en EDI. D’une manièregénérale, même s’ils manquent encorede maturité sur la question, ils sou-haitent aller vers la GPA (gestion partagée des approvisionnements).Par ailleurs, les verriers mettent enplace de la collaboration avec leurssous-traitants, en particulier pourfaire de la réserve capacitaire. » LaR&D (conception et design du produit,etc.) est aussi un des leviers de colla-boration majeurs. Sans oublier le par-tage d’informations concernant lagestion des spécifications et celle desdonnées techniques des articles (siteweb, outils de PLM, etc.). Un douxparfum de collaboration plane doncdans le secteur… ! ■

BRUNO SIGUICHE

Guerlain prend soin de ses fournisseurs

Guerlain a bien intégré l’intérêt de collaborer avecses fournisseurs et le prouve via plusieurs initia-tives menées ces deux dernières années. « Nouscommuniquons à nos fournisseurs tous les mois nosvolumes détaillés à la référence sur un horizon de12 mois. Ce plan d’approvisionnement long termeleur permet de mieux adapter leur outil industriel »,introduit Stéphane Limpalaer, Responsable Amélio-ration Continue Logistique. Une pratique encorepeu répandue dans ce secteur. La mise en place del’EDI (échanges de données informatisées) en estune autre illustration. « Nous utilisons l’EDI pourtrois types de message : la prévision précédemmentévoquée, l’émission de la commande et l’accusé de

réception de la commande par le fournisseur. 20 % de notre volumétrie de com-mande est réalisée par EDI. Le déploiement de l’EDI va se poursuivre mais il fautgarder à l’esprit qu’un projet EDI entre un fournisseur et nous requiert une volu-métrie suffisamment importante pour en justifier l’intérêt », développe StéphaneLimpalaer. Par ailleurs, après avoir mis en place il y a quelques années la notion

d’appel court terme (c’est-à-dire la possibilitéde passer des commandes dans un délai trèscourt compris entre un et quelques jours)

pour les références avec un niveau derotation élevé, Guerlain a récemmentdéveloppé le concept de plate-formeavancée. « Lorsque nous avons mis en

place l’appel court terme, nécessitant laconstitution d’un stock, nos fournisseurs ont

rapidement compris que cela leur donneraitdavantage de flexibilité et leur permettrait donc

de produire des tailles de lots plus importantes, et en conséquence de réaliser de meil-leurs rendements. La deuxième étape a consisté à leur faire apporter ce stock d’appel àproximité de nos usines sur une plate-forme gérée par le prestataire Sitrans, d’où la notionde plate-forme avancée (déployée en 2013). Ils réalisent ainsi des gains en transport(optimisation des tournées et du remplissage des camions)», explique Stéphanie Rott,Directrice Achats Guerlain. ■ BS

Stéphanie Rott, Directrice Achats, Guerlain

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Shiseido relooke ses prévisions !Avant 2010, l’ensemble des filiales de Shiseido élaboraient leurs prévisions de manière autonome en termes desystèmes d’information et de processus. Le groupe japonais décide alors de mener un projet de refonte de sesprévisions visant à instaurer un système de prévisions des ventes commun à l’ensemble des filiales. Se pose alorsla question de l’outil… A cette époque, Shiseido a déjà démarré un projet plus global, ayant pour vocationd’harmoniser et de standardiser son organisation Supply Chain avec le déploiement de SAP. Néanmoins,SAP APO n’est pas l’outil retenu pour la partie prévisions. La direction Supply Chain de Shiseido opte plu-tôt pour l’éditeur Futurmaster. Au-delà de l’outil, la prévision de ventes est devenue un processus men-suel qui s’intègre aux contraintes et aux activités de la Supply Chain européenne. Il s’agit en interne d’établirune réelle collaboration entre l’équipe centrale et les filiales, et de partager les informations. A titre d’illustration, les filiales locales transmettent à l’équipe centrale le calendrier des évènements locaux (pro-motions, animations, coffrets, etc.). L’équipe centrale, quant à elle, intègre les informations dont elle dispose(lancements de nouveaux produits, cycles de vie des produits, etc.) dans sesprévisions communiquées aux filiales. Shiseido souligne qu’une des difficul-tés majeures a été le changement d’état d’esprit général… Auparavant, pré-visions de ventes rimaient avec stocks de sécurité ! La mise en œuvre deFuturmaster et de ce nouveau processus de prévisions a permis de déve-lopper une plus grande collaboration entre les filiales et un langage com-mun autour de la prévision. Les résultats s’en sont vite fait sentir. Le tauxde rupture est passé de 4 à 2 %. Le stock a fondu de 20 %. Par ailleurs, lavariabilité des besoins émis vers les usines a également diminué, atteignant15 % contre 30 % autrefois. La prochaine étape consistera à établir un pro-cessus S&OP fiable, en réconciliant les prévisions de ventes et le budget.Affaire à suivre… ■ BS

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Karine FermeDuval,

Responsablelogistique

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Parfumerie sélectiveUn remarquable exemple de collaboration

Souvenez-vous… Nous vousannoncions en avril 2011 le lancement officiel du cycle de

travaux portant sur la parfumeriesélective. Sous l’égide de la FFPS(Fédération Française de la ParfumerieSélective) et de la FEBEA (Fédérationdes Entreprises de la Beauté), en asso-ciation avec ECR France (EfficientConsumer Response) et GS1 France,fabricants (l’Oréal Luxe, Guerlain,Dior, BPI, Shiseido, Chanel, Clarins,Procter & Gamble Prestige, etc.) et distributeurs (Sephora, Marionnaud,Nocibé, Douglas, Passion Beauté,Beauty Success, Galeries Lafayette,Printemps, etc.) nous faisaient part deleur volonté de collaborer ensembleautour de la codification et de l’iden-tification, d’une part, et de l’améliora-tion des processus logistiques opéra-tionnels, d’autre part. Harmoniser etoptimiser la Supply Chain collective-ment, une approche particulièrementambitieuse… Les difficultés poten-

tielles à réunir tous les acteurs du sec-teur autour de la table pour échangeret collaborer auraient rapidement pufaire retomber le soufflé. Et pourtant,presque trois ans après, le comité depilotage, co-dirigé initialement parGaëlle Laigo (l’Oréal Luxe) et Jean-Luc Jarrin (Séphora), continue à seréunir régulièrement et à produire denombreux documents. « Le marché dela parfumerie sélective s’est considé-rablement concentré ces dernièresannées, aussi bien côté industriels quedistributeurs. La collaboration est ren-due possible par la diminution dunombre d’acteurs. En outre, l’augmen-tation de leur taille leur permet plusfacilement de dédier des équipes à cestravaux. Ce marché a environ 10-15ans de retard en matière de pratiquescollaboratives Supply Chain par rap-port à celui de la GMS, essentielle-ment car cet effet de concentration adémarré 15 ans plus tard. Le rattra-page est néanmoins très rapide car

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Jean-Luc Jarrin,

ex-DirecteurSupply Chainde Sephora et ex-vice-Président de la FFPS

Voilà trois ans que le secteur de la parfumerie sélective s’est mis enordre de marche… L’idée consiste à élaborer collectivement et collé-gialement les standards et les processus de la profession. Missionaccomplie ! Les premiers résultats sont spectaculaires et laissent augu-rer un bel avenir pour la Supply Chain de ce secteur. La collaboration,un facteur clef de succès ?

La Parfumerie Sélective en bref

■ La parfumerie sélective se distingue par lecontrat de distribution sélective qui permet auxseuls distributeurs agréés de commercialiser lesparfums et les cosmétiques de marques de prestige■ 3 axes : maquillages (15 %), soins (20 %), par-fums (65 %)■ 4 circuits de distribution pour 2.500 points

de vente :■ 75,5 % : grandes chaînes nationales■ 12,5 % : franchises et groupements■ 8 % : grands magasins■ 4 % : parfumeurs indépendants■ Montant en valeur des ventes sur 2013 :

2,87 Md€ (2,91 Md€ en 2012)■ -1,5 % en valeur par rapport à 2012 ■ -3,9 % en volume par rapport à 2012

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Magasin des Champs-Elysées de Marionnaud.

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nous nous inspirons beaucoup despratiques de la GMS », justifie Jean-Luc Jarrin, ex-Directeur Supply Chainde Sephora et ex-vice-Président de la FFPS.

Déjà trois manuels de bonnes pratiques

Concrètement, comment se sontdéroulés les travaux ? « Nous avionsdéfini des objectifs clefs et un calen-drier sur la période 2011-2014. Lespremiers objectifs sont pleinementatteints. Courant 2014, nous adapte-rons la feuille de route avec de nou-velles priorités », se félicite KarineFerme Duval, Responsable logistiqueinternationale Guerlain. Première réa-lisation marquante ? La rédactiond’un manuel de bonnes pratiqueslogistiques des flux marchands surentrepôts. Ce document, utilisé désor-mais par l’ensemble du secteur, pro-pose des recommandations de pra-tiques pour uniformiser les modes defonctionnement et ainsi faciliter lesflux logistiques entre fournisseurs etdistributeurs. On y trouve des élé-ments très concrets portant sur leconditionnement (caractéristiquestechniques des cartons et palettes,identification des unités logistiques etdes unités d’expédition, etc.), la com-mande (aspect contractuel et moded’émission des commandes, contenude la commande, etc.), la prise de ren-

dez-vous et la livraison (conditionsparticulières de livraison, bordereaude transport et de livraison, liste decolisage, procédure de déchargement,etc.). « Nous écrivons des modes defonctionnement atteignables qui nousservent de véritable support. Aujour-d’hui, la plupart de nos distributeursnous proposent ce manuel commeréférence. C’est une vraie satisfactionde voir ces guides utilisés dans lecadre de nos relations contractuelles »,nous révèle Karine Ferme Duval. Enanticipation du règlement européen(n°1223 / 2009 en application depuisle 11 juillet 2013), un manuel desbonnes pratiques logistiques de retraitde produits cosmétiques a égalementvu le jour fin 2012. Il recense la pro-cédure standardisée de retrait d’unproduit cosmétique ainsi que lesconsignes en matière de gestion post-procédure (devenir et destruction des

produits, remise en vente, etc.). Lemanuel des indicateurs partagés enmatière de performance logistique,terminé en octobre 2013, est le petitdernier de la bande. Il vise à harmo-niser les indicateurs de performancede la Supply Chain, en termes de défi-nition et de mode de calcul, au sein dela profession.

Les messages EDI en nette progression

La standardisation des messages EDI(échanges des données informatisées)est un autre fer de lance du comité depilotage. Ce chantier s’est terminé findu premier semestre 2012. Ces mes-sages (commande, avis d’expédition,facture, avis de paiement) sont aujour-d’hui standardisés pour le marchéfrançais et international. Les taux deprogression sont très significatifs.Pour preuve, selon GS1, le taux de

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commandes envoyées par les« grands » distributeurs du secteurconforme au standard internationalest passé de 19 % à 40,8 % entre juinet décembre 2012. Le groupe travailleaussi sur la standardisation de la ficheproduit qui vise un meilleur partagede l’information sur les produits entreles différents acteurs de la profession.Les échanges de données fabricantsvers les distributeurs seront automa-tisés et le processus de création et demise à jour des données produit seraplus fiable. « La fiche produit permet-tra d’accélérer et de fluidifier les fluxlogistiques. Ce chantier a été mené en2013 et a donné lieu à la publicationd'un document listant l'ensemble des

« données logistiques » de la fiche pro-duit du secteur. Ce processus est deplus longue haleine que les projetsprécédents car il nécessitera des inves-tissements informatiques et organisa-tionnels au sein des maisons. Chargeà chacune des sociétés d’avancer à sonrythme, sachant que la boîte à outilsexiste désormais tandis que se profiledéjà l'étude de la phase « donnéesmarketing » pour 2014 », commenteKarine Ferme Duval.

Jusqu’au niveau européen ?

Au printemps prochain, le groupe seréunira pour travailler à un manuel de bonnes pratiques des flux non

marchands (PLV, mobilier, affiches,cadeaux, etc.), qui représentent 50 %des volumes d’échange entre indus-triels et distributeurs. Pour l’instant, iln’est pas encore question de méthodescollaboratives de prévisions dans lafeuille de route du groupe de travail.Mais certaines sociétés en profitent enparallèle pour déployer des pilotes deleur côté. Les travaux du comité depilotage Parfumerie Sélective trouventégalement leur écho au niveau euro-péen. Il existe au sein de GS1 ungroupe de travail européen sur lesproduits cosmétiques de luxe qui éla-borera un guide de recommandationsde standards GS1 à partir des travauxréalisés par les équipes françaises.« Pour l’instant, il n’y a qu’un comitéde pilotage au niveau national mais lapossibilité de monter la structure degouvernance au niveau européen esten cours de réflexion. Cela serait l’oc-casion d’intégrer des distributeursétrangers. Cette évolution est fonctionde la vitesse d’internationalisation desmembres du groupe », conclut Jean-Luc Jarrin. Une illustration exemplairede ce que peut-être la collaboration…Une source d’inspiration pour d’autressecteurs ? ■ BRUNO SIGUICHE

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Kiss pour Keys for IntegratedSupply Chain Solutions. Il s’agitdu projet de transformation de

la Supply Chain mondiale du groupel’Oréal (quatre divisions : produitsprofessionnels, produits grand public,produits de luxe et cosmétique active).Deux volets constituent ce projetlancé en 2010 et qui devrait aboutir en2016 : un sur l’organisation et l’autresur le système d’information. Kiss apour objectif d’améliorer le taux deservice, l’agilité et la réactivité de laSupply Chain du groupe. « Aupara-vant, les schémas de planificationétaient essentiellement mensuels. Afind’être plus réactifs, nous avons décidé

de passer à une maille inférieure et dedisposer d’une vision globale et entemps réel pour un certain nombred’informations (stocks, etc.) », intro-

duit Yves Gouret, Directeur du pro-gramme Kiss. En parallèle, l’Oréal sou-haite aussi améliorer des indicateursinternes tels que le niveau de stockset des obsolescences. « Nous noussommes fixés de faire progresser notretaux de service de trois points entre2011 et 2016 et de réduire d’au moins15 % notre niveau de stocks », nousconfie Yves Gouret.

Un périmètre de taille Kiss concerne différents domaines :prévisions de ventes, calcul debesoins, planification de production,déploiement du stock et pilotage. « Onpart du besoin brut exprimé par la

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Yves Gouret,

Directeur duprogramme

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L’OréalRefait une beauté à sa Supply Chain

L’Oréal a lancé depuis 2010 un projet de transformation mondial et global de sa Supply Chain. Ce programme, baptisé Kiss, veut améliorer significativement la qualité de service du groupe français. Outreson large périmètre en interne, Kiss étend sa toile à l’extérieur même du groupe. De quoi favoriser des projets de collaboration…

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filiale ou le marché (correspondant àune division dans un pays). La SupplyChain dans les structures de DemandPlanning collecte la demande et animele process mensuel S&OP au sein dela filiale. La partie de Supply Plan-ning (expression des besoins nets, desbesoins de sous-traitance, etc.) estégalement incluse dans le périmètre deKiss. Les besoins sont ensuite trans-mis à la structure internationale (MSL– Market Supply Logistics) qui lesconsolide par zone géographique etpar division. L’ensemble des besoinsest alors transmis aux usines. Le plande production est ensuite transformé enplan d’approvisionnements », détailleYves Gouret. Toutes les divisions du

groupe et zones géographiques sontvisées par ce programme d’envergure.Vous l’aurez compris, Kiss recouvre unchamp d’action très large…

Une Supply Chain refondueAuparavant, la gestion de la demande,l’expression des besoins réalisés dansles filiales et au niveau de la structureinternationale, les plans de produc-tion, les plans d’approvisionnementainsi que la confirmation du déploie-ment se géraient dans des outils sépa-rés. Il était donc très difficile d’avoirune vision globale. « Avec Kiss, notrebut était d’obtenir une vision mondialedes stocks et des besoins nets, et cepour toutes les divisions du groupe »,insiste Yves Gouret. La synchronisa-tion est également un enjeu fonda-mental. L’information de stock estsynchronisée en temps réel sur la

chaîne. Grâce à cela, les usines saventen permanence ce qu’il se passe surles marchés en matière de stocks. Enrevanche, la demande est mise à jourmensuellement. Seuls les lancementset les promotions le sont à une maillehebdomadaire », explique le patron du programme. L’organisation ayantconsidérablement évolué, l’Oréal adonc pris son temps pour élaborer lesnouveaux processus et les tâches dechacun. « Nous sommes encore entrain de faire des ajustements, en par-ticulier sur les partages des rôles etdes responsabilités ».

Sans oublier l’informatiqueKiss est avant tout un programmemétier. Néanmoins, l’informatique y aaussi son importance. Plusieurs outilsont donc été choisis pour supporterefficacement les nouveaux processus.Futurmaster pour l’aspect DemandPlaning, SAP APO pour les activitésde Supply Planning, E2open pour larelation avec les fournisseurs (projetSésame) et Microsoft BI pour le repor-ting. Le programme se divise en cinqsous-modules, chacun disposant deson autonomie et de ses plans dedéploiement (pour les usines, pour lesMSL, pour le Demand Planning desfiliales, etc.). « Les premiers grandsdémarrages ont eu lieu en 2012.Futurmaster couvre actuellement toutel’Asie et une grande partie de l’Europepour l’ensemble des divisions. SAPAPO est pour l’instant en cours dedéploiement sur la division des pro-duits grand public en Europe. 80 %du chiffre d’affaires devrait êtrecouvert mi-2014. Par ailleurs, noussommes en cours de déploiement enAsie. La mise en œuvre en Europepour les trois autres divisions et enAmérique est prévue à horizon 2015 »,précise Yves Gouret.

Une collaboration accrue avec les fournisseurs

Kiss est-il voué à étendre sa toile au-delà des frontières de l’Oréal, chez ses clients et ses fournisseurs ? « Audémarrage, Kiss était un projet interneau groupe, mais le but est maintenantde l’étendre au-delà. S’agissant del’aval, nous menons actuellement desinitiatives en Asie consistant à inté-

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grer directement les ventes dans laconstruction de la demande, soit entant qu’élément de calcul, soit en tantqu’information, de façon à mieuxintégrer le client dans notre Supply »,commente Yves Gouret. La collabora-tion en amont semble plus avancée.Les fournisseurs ont été intégrés dèsle démarrage de Kiss. Cette collabora-tion s’est matérialisée par la mise en place d’échanges de données infor-matisées (EDI) standardisés. Cette première étape a ensuite laissé place à une nouvelle initiative menéepar l’Oréal, une plate-forme Cloud(E2Open) sur laquelle de l’information(plans de commandes et de stocks,plans de production, etc.) est mise à la disposition des fournisseurs. « Nousenvisageons de mettre en place unsystème permettant à nos planningsde production de calculer leur faisabi-lité en s’appuyant directement sur lesstocks des fournisseurs disponibles surle portail », illustre Yves Gouret. Outrele partage d’informations, les échanges

électroniques sont aussi intégrés sur ceportail commun, actuellement en coursde déploiement.

Un ROI de trois ansCe programme de transformation, enrupture avec la situation antérieure, arequis de fédérer l’ensemble deséquipes. « Entre 60 et 70 % des pro-grammes de cette nature n’aboutissentfinalement pas dans les grandsgroupes, souvent à cause de ralentis-sements et de difficultés à maintenirla motivation et l’investissement dansla durée. Dans notre cas, il y avait unevolonté très forte des dirigeants. Lastructure programme est autonome et dispose de ses propres équipes

(métiers et informatiques). Un desgrands challenges de ce projet a été defaire collaborer les équipes entreelles », analyse Yves Gouret. Mais lejeu en vaut la chandelle ! Selonl’Oréal, la Supply Chain du groupe aincontestablement gagné en agilité eten réactivité. Par ailleurs, le taux deservice de la division des produitsgrand public en Europe a atteint unniveau record en octobre dernier et se maintient depuis. S’agissant desniveaux de stocks, les signaux sontaussi très positifs. Il faudra attendreencore un peu avant de disposer de résultats plus quantitatifs. Le retoursur investissement a été calculé enannée pleine et sur toute la base ins-tallée. Il est inférieur à trois ans pourl’ensemble du programme. « Comme lamontée en charge est très progressive,il ne sera en réalité obtenu qu’en cinqans », complète Yves Gouret. RDV en 2016 pour faire le bilan chiffré dece projet ambitieux ! ■

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Interview de Yann de Feraudy, Directeur des Opérations du Groupe Yves Rocher

« Nous avons besoin de travailler en étroite collaboration avec nos fournisseurs »

Sécuriser la chaîne d’approvisionnement et accélérer les flux tout en optimisant les coûts, tels sont les objectifs majeurs d’Yves Rocher. En conséquence, le groupe breton mise beaucoup sur la collaboration avecses fournisseurs.

Supply Chain Magazine : Quellessont les problématiques actuelles devotre secteur en logistique ?Yann de Feraudy : J’observe depuisquelques années deux phénomènescausant des difficultés en termes dedisponibilité des produits. D’une part,l’instabilité économique grandissanteà l’origine de problèmes financiers decertains de nos sous-traitants, en par-ticulier ceux de taille intermédiaire(entre 10 et 50 M€ de CA). D’autrepart, le renforcement des exigencesréglementaires qui contraint des four-nisseurs, pour se protéger, à arrêter laproduction de certains produits oucomposants. En résumé, notre préoc-cupation actuelle concerne notrechaîne d’approvisionnement amont etsa sécurisation. Par ailleurs, compte-tenu de l’environnement concurren-tiel et des difficultés liées au pouvoird’achat du consommateur, nous vou-lons être encore plus compétitifs. La maîtrise de nos prix de revient(coûts de fabrication, coûts de trans-port et logistiques) est donc un objec-tif majeur. Nous devons être plusperformants pour rester une marqueaccessible.

SCMag : Concrètement, de quellemanière collaborez-vous avec vosfournisseurs ?Y. de F. : Nous menons des actionsvisant à renforcer nos partenariatsavec nos fournisseurs. A titre d’illus-tration, nous menons depuis plusieursannées en interne un programme deLean/Six Sigma que nous avonsdécidé d’étendre à nos fournisseursmajeurs depuis deux ans. Cela sup-pose de partager nos méthodes et detravailler en étroite collaboration aveceux pour optimiser la chaîne de valeurglobale. A l’issue de ces programmes,

nous partageons les économies. Nousavons ainsi réussi à baisser le coûtd’un article d’une quinzaine de pour-cents, en appliquant cette démarcheavec un de nos grands fournisseurs eten déployant nos méthodologies horsde nos usines.

SCMag : Quelles sont les actionsmises en place pour améliorer votrecompétitivité ?Y. de F. : Nous avons lancé fin 2012un grand projet interne, annoncé àl’ensemble de nos fournisseurs mi-2013, visant à réduire d’au moins 10%le coût de fabrication de nos produits.Ce projet concerne toutes les stratesde l’entreprise : la R&D, le marketing,les achats, l’outil industriel, lesréseaux commerciaux, etc. Pour cefaire, nous avons besoin de travailleren étroite collaboration avec nos four-nisseurs. Au niveau de la logistique,

nous menons des actions visant àaccélérer les flux entre nos usines etnos clients. Avec l’avènement duconsommateur numérique, noussommes en train de faire évoluer notremodèle de vente à distance vers unmodèle de vente… sans distance !

SCMag : A ce propos, commentgérez-vous le développement ducanal e-commerce ?Y. de F. : Plus de 50 % de nos com-mandes sont passées par téléphone ouInternet, contre un faible pourcentageil y a quelques années. Le traitementde ces commandes requiert d’aller trèsvite et de disposer d’une grande flexi-bilité industrielle. Notre stratégie dechemins de picking en entrepôt, éla-borée historiquement pour la VPC, neconvenait pas au traitement des com-mandes Internet. Nous avons fait évo-luer nos processus de préparation decommandes de manière à être plusréactifs et rapides. S’agissant de nosdéveloppements futurs, nous dispo-sons pour le moment en France d’unsite en charge des ventes à distance etd’un autre site pour les approvision-nements palettes et magasins. Nousréfléchissons à un outil logistiquecapable de servir tous les canaux enmême temps (expédition à la palette,expédition au colis, préparation uni-taire au produit). Cela permettra demassifier les coûts, d’éliminer les rup-tures de charge et d’abriter l’activitée-commerce coûteuse dans un con-texte qui a lui-même sa propre renta-bilité. Nous disposons aujourd’huid’un prototype en France, avec le système d’information, capable deservir à la fois les magasins et lesventes à distance. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR

BRUNO SIGUICHE

Site de production soins corps et visage Les Villes Geffs

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