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DOSSIER N°66 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUILLET-AOÛT 2012 48 S &OP Le concept du S&OP (Sales & Operations Planning) date du début des années 70 mais reste indémodable. Cela s’explique notamment par l’extension de son périmè- tre au fil des années. Utilisé initialement pour équilibrer la charge et la capacité, il s’est enrichi progressivement de nouveaux éléments (finance, gestion de produits, etc.). Le S&OP est désormais un processus de pilotage reconnu, même si toutes les entreprises ne sont pas au même niveau de maturité… S&OP Vers un processus de pilotage de l’entreprise ©NEFTAIL-FOTOLIA ©PRESSMASTER-FOTOLIA S &OP (Sales and Operations Planning), cet anglicisme parle a priori à tous les Directeurs Supply Chain…. si tel n’est pas le cas, sa traduction française, le PIC (Plan Industriel et Commercial) le fait davantage. Dans le terme S&OP, on retrouve deux composantes principales : « Sales » pour la dimension commerciale et « Operations » pour la dimension industrielle et productive. C’est bien cette idée d’équilibrage de l’offre et de la demande qui est au cœur de ce pro- cessus. Il met en évidence la nécessité de réconci- lier ces deux dimensions, à première vue antagonistes. « L’idée forte du S&OP est de conver- ger vers un scénario de demande de référence », résume Simon Segal, Directeur S&OP de la Busi- ness Unit Base installée d’Areva (voir interview page 56). Simple en théorie mais plus compliqué en pratique. Car en général, il n’existe pas un mais des plannings dans les entreprises (production, pré- visions de ventes, approvisionnement, etc.). Les arbitrages sont définis localement, ne contribuant pas à l’atteinte d’un optimum global. D’où la néces- sité de partager les informations afin de définir col- légialement les mêmes objectifs. « Le management doit pouvoir s’appuyer sur le S&OP pour com- prendre l’impact des scénarii de demande sur son

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Le concept du S&OP (Sales & Operations Planning) datedu début des années 70 mais reste indémodable. Celas’explique notamment par l’extension de son périmè-tre au fil des années. Utilisé initialement pour équilibrerla charge et la capacité, il s’est enrichi progressivementde nouveaux éléments (finance, gestion de produits,etc.). Le S&OP est désormais un processus de pilotagereconnu, même si toutes les entreprises ne sont pas aumême niveau de maturité…

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S&OP (Sales and Operations Planning),cet anglicisme parle a priori à tous lesDirecteurs Supply Chain…. si tel n’estpas le cas, sa traduction française, lePIC (Plan Industriel et Commercial) lefait davantage. Dans le terme S&OP, onretrouve deux composantes principales :

« Sales » pour la dimension commerciale et « Operations » pour la dimension industrielle etproductive. C’est bien cette idée d’équilibrage del’offre et de la demande qui est au cœur de ce pro-cessus. Il met en évidence la nécessité de réconci-lier ces deux dimensions, à première vueantagonistes. « L’idée forte du S&OP est de conver-ger vers un scénario de demande de référence »,résume Simon Segal, Directeur S&OP de la Busi-ness Unit Base installée d’Areva (voir interviewpage 56). Simple en théorie mais plus compliquéen pratique. Car en général, il n’existe pas un maisdes plannings dans les entreprises (production, pré-visions de ventes, approvisionnement, etc.). Lesarbitrages sont définis localement, ne contribuantpas à l’atteinte d’un optimum global. D’où la néces-sité de partager les informations afin de définir col-légialement les mêmes objectifs. « Le managementdoit pouvoir s’appuyer sur le S&OP pour com-prendre l’impact des scénarii de demande sur son

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business et prendre des décisions d’allocation desressources (financières, humaines, industrielles) »,complète Simon Segal. Luc Baetens, DirecteurGénéral de Möbius France, estime que les deuxgrands objectifs du S&OP sont les suivants : « Prendre les décisions qui permettent à l’entreprisede s’entendre sur des objectifs opérationnels cohé-rents avec l’objectif stratégique et donner la possi-bilité de corriger au fur et à mesure, si nécessaire,les moyens pour réaliser la stratégie ». Avis partagépar Catherine Schmitt-Weber, Consultante et Asso-ciée Oliver Wight France : « Le S&OP apporte de lavisibilité et permet d’intégrer et de réconcilier lesdifférents niveaux décisionnels, ce qui est particu-lièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’une SupplyChain mondiale avec des acteurs répartis au qua-tre coins du globe ». Vous l’aurez donc compris : leS&OP est un processus stratégique avec une visionà long terme…

Des gains substantielsLes bénéfices escomptés dépendent de la manièredont le S&OP est piloté (orienté taux de service,niveau de stocks, etc.). « En général, la mise enœuvre d’un S&OP permet d’améliorer le taux deservice (jusqu’à 20 points), de réduire les stocks(et donc des immobilisations financières) et les

obsolescences », illustre Catherine Schmitt-Weber.La marge est également impactée positivement. « Nous considérons que l’augmentation du chiffred’affaires est un élément clef, à la base du busi-ness case. En effet, un S&OP efficace offre la pos-sibilité aux entreprises de vendre davantage ou demieux gérer les prix. Par ailleurs, le S&OP opti-mise l’utilisation de ses capacités », ajoute LucBaetens.

Divers niveaux de maturité Le concept ne date pas d’hier ! Et pourtant il faitde plus en plus parler de lui. « La notion de S&OPa émergé dans les années 70 avec les travauxd’Oliver Wight et de Tom Wallace », indique Phi-lippe Rechaussat, Senior Supply Chain Consultantchez JDA Software. Néanmoins, si la théorie sem-ble bien définie et les grands concepts connus, lamaîtrise de la pratique reste, quant à elle, moinsévidente. D’où la multiplication de projets dans ledomaine. « Aujourd’hui, il n’y a pas un nouveaudossier signé chez Futurmaster, sur lequel nosclients ne nous demandent pas de les accompa-gner dans la mise en œuvre d’un S&OP », constateEtienne Allier, Directeur Marketing et Communi-cation de Futurmaster. Les niveaux de maturitésont extrêmement disparates selon l’entreprise.

Simon Segal,Directeur S&OPde la BusinessUnit Base installée d’Areva

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Elisabeth Auzanneau,Associée chezDiagma

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« Une première vague de mise enplace de S&OP a eu lieu il y aplusieurs années. Néanmoins,beaucoup de ces entreprises ontconnu au fil du temps unedégradation du processus, quiest devenu très opérationnel etcourt-termiste. Je vois nombrede PIC se réduisant à une dis-cussion entre les industriels etles commerciaux qui rappelledavantage des réunions de PDP(plan directeur de production).Nous constatons actuellementque nous traversons unedeuxième vague de mise enœuvre de S&OP où les notionsd’horizon long terme et de prisede décisions structurantes sontremises en avant », développeLuc Baetens. Question maturité,le S&OP se cantonne parfois àun équilibrage charge/capacitéou va beaucoup plus loin dansson approche. Il n’existe doncpas un seul type mais unevariété de S&OP ! PhilippeRechaussat évoque même unetroisième phase : « Nous avonsdes clients américains très avan-cés qui s’appuient sur un S&OPcollaboratif, avec leurs clients et fournisseurs.Néanmoins, nous ne voyons pas encore cela enFrance ».

Intégrer les décideursQui met-on autour de la table ? Pour éviter que leS&OP ne se résume à une simple discussion entrela Supply Chain et la production, toutes les fonc-tions critiques doivent être impliquées dans sonélaboration. Il faut réunir à minima : la Direction,la Supply Chain, la Production, les Ventes, le Mar-keting et la Finance. Il peut être judicieux d’yintégrer en plus, selon le degré de maturité duprocessus et les points structurants de l’activité :la Recherche et Développement, les Achats, lesRessources humaines et les fournisseurs/clientscritiques. Le S&OP n’est pas qu’un processus Sup-ply Chain mais un processus de pilotage de l’en-treprise. « Il faut mettre autour de la table lespersonnes en mesure de prendre des décisions. Undes pièges récurrents est l’absence de vrais déci-deurs à ces réunions », prévient Luc Baetens. Lechoix des personnes requises aux réunions S&OPest donc conditionné par les décisions à prendre.Une fois le casting défini, il faut spécifier lamaille, l’horizon, etc. « Les entreprises sont géné-ralement prisonnières des horizons budgétaires

(12 mois). Il y a donc un réel intérêt à avoir de lavisibilité sur un horizon de temps plus étendu »,déclare Simon Segal. En général, les bonnes pra-tiques préconisent une fourchette de 18 à 36 mois.« Le S&OP doit avoir un horizon suffisammentlong pour prendre les décisions qui impactentréellement les résultats de l’entreprise. Il doit êtresuffisamment éloigné pour voir les évolutions de la demande et du « Supply » (introduction denouveaux produits, évolutions dans la capacité disponible, changements prévisibles dans le com-portement du marché) et permettre de les influen-cer (horizon plus long que le lead-time d’appro-visionnement le plus long et que la durée descontrats commerciaux) », précise Luc Baetens. Lecycle est très majoritairement mensuel. La maillede travail est la famille de produit, satisfaisantepour observer les tendances. Une quinzaine ouune vingtaine de familles est amplement suffi-sante. Il est indispensable d’agréger suffisammentpour faciliter et favoriser la réflexion au niveau dela direction.

Un cycle en cinq étapesLe S&OP s’est enrichi avec le temps. Historique-ment, il se concentrait essentiellement sur l’équi-librage charge/capacité et l’aspect financier était

Etienne Allier,Directeur Marketing etCommunicationde Futurmaster

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CatherineSchmitt-Weber,Consultante et Associée Oliver WightFrance

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IBP pilote la performance des entreprises (source Aberdeen Group)Complete Order Percent Gross Percent Customer

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Les cinq étapes de l’IBP, selon Oliver Wight

Les différences entre IBP et S&OP, selon Oliver Wight1 More robust financial integration2 Inclusion of strategic plans, initiatives, and activities3 More robust product & portfolio review4 Improved simulation, modelling, and scenarios5 Improved operational risk visibility and management6 Gap indentification, improved decision-making7 Easy, effective translation – aggregate and detail8 Improved trust across the entire management team

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peu intégré. Mais on assiste progressivement à unaccroissement de l’importance du volet financier.« Le S&OP est un processus de top management etnon d’exécution, rappelle Catherine Schmitt-Weber, qui énumère les grandes étapes : Nousdéfinissions le S&OP en cinq étapes : la gestion duportefeuille de produits (introduction, rationali-sation etc.), la gestion de la demande (connaître leclient, le marché, élaborer les prévisions de lademande, etc.), la gestion de la fourniture (lesmoyens mis en œuvre pour répondre à la demandeque ce soient des équipements, des ressourcesmatières ou humaines, des centres de distribution,etc.), l’étape d’intégration-réconciliation (récon-cilier les trois premières étapes et se mettre d’ac-cord sur un seul jeu de chiffres, valoriser lerésultat financièrement) et la revue de Direction(régler les problèmes non résolus à l’étape anté-rieure, s’assurer de la cohérence globale avec lastratégie de l’entreprise et prendre les décisionsqui relèvent de la Direction comme un investisse-ment important par exemple). Et de préciser : Cescinq étapes sont communes au S&OP et à l’IBP(Integrated Business Planning). Mais nous avonschoisi un nouveau nom car beaucoup d’entre-prises appellent S&OP un simple équilibrage tac-

tique demande /fourniture géré par la SupplyChain. L’IBP intègre la gestion des produits, desprojections financières et le déploiement straté-gique de l’entreprise pour devenir un véritableprocessus de pilotage. » La plupart des cabinetsde conseil proposent une méthodologie calquéesur ces cinq étapes.

Un processus avant tout !Se pose également la question de l’utilité d’unoutil. Nombre d’observateurs s’accordent à rap-peler que le S&OP est avant tout un processus.Au-delà d’un logiciel, c’est la disponibilité et lafiabilité des données qui importent. Néanmoins,une solution adaptée facilite le partage de l’infor-mation. « Nous ne recommandons pas spéciale-ment d’outils. L’aspect fondamental est ladisponibilité des données. Il faut bien entendu êtrecapable de les agréger pour les analyser et bâtirdes scénarios. Excel s’avère souvent suffisant maisil peut atteindre ses limites si l’entreprise souhaitefaire de la simulation complexe. Il existe des outilsqui permettent de réaliser rapidement des évalua-tions de coûts », confie Catherine Schmitt-Weber.Attention donc à ne pas mélanger les étapes :commencer par mettre en œuvre le processus

Luc Baetens,Directeur Général de Möbius en France

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(avec Excel) puis dans un second temps, si néces-saire, installer un outil métier plus robuste et plusefficace. L’outil prend toute son importance dansle cas où l’utilisateur souhaite analyser différentsscénarios et hypothèses, les valoriser et les com-parer. « Le PIC est avant tout un sujet d’organisa-tion. Il ne devient une problématique d’outil quelorsque l’entreprise, au travers d'un processusstructuré, souhaite aller beaucoup plus loin :simuler différents scénarios en réunion, les com-parer et en obtenir instantanément la valorisation,etc. », confirme Etienne Allier. L’éditeur JDA Soft-ware, par exemple, dispose d’un module dédiédepuis environ deux ans : « JDA S&OP ». « Exceln’est pas une base de données et touche très rapi-dement ses limites s’agissant des simulations.Nous proposons dans notre outil de gérer notam-ment des workflows, la gestion des produits, descalendriers, de scénarios, etc. Nous constatons quebien souvent les outils informatiques ont des dif-ficultés à désagréger les informations à la maillearticle pour élaborer le plan de production, unefois le cycle du S&OP terminé », explique PhilippeRechaussat.

Les facteurs clefs de succès d’un S&OP efficaceLa mise en place d’un S&OP s’accompagne sou-vent d’une perte du pouvoir décisionnel local quipeut-être mal vécue par certains. Parmi les écueilsrégulièrement cités, on retrouve une tendance àtrop rentrer dans le détail ainsi qu’une implica-tion trop faible des acteurs décisionnels. S’agis-sant des facteurs clefs de succès d’un S&OP

efficace, Elisabeth Auzanneau, Associée chezDiagma, en a dressé un panel complet lors d’uneconférence qui s’est tenue en juin sur le thème duS&OP : « Favoriser les arbitrages objectifs dans unenvironnement incertain (travailler selon des scé-narii avec des mini et des maxi de la demande etvaloriser les scénarios de ressources sous l’anglefinancier), développer l’intelligence collective desacteurs à impliquer (garantir l’implication de laDirection Générale sur ce processus transverse,faire état des objectifs contradictoires et encoura-ger la recherche de bons compromis pour l’entre-prise), faire fonctionner le S&OP au bon niveau(pays et groupe de pays si les flux entre pays sontimportants), outiller pour accélérer la prise dedécision collégiale plutôt que pour automatiser(pour l’aide à la décision) et ne pas attendre deréussir pour entreprendre (faire régulièrement desretours d’expérience) ». On n’insistera en effetjamais trop sur l’importance fondamentale du sup-port et de l’implication de la Direction. Pour cela,il faut « parler sa langue », c’est-à-dire en euros etfaire du S&OP un processus stratégique qui aide àpiloter l’entreprise. Autre sujet d’attention : la défi-nition précise des rôles et des responsabilités desdifférents intervenants dans le processus ainsi quela nomination d’un animateur. Il existe des moyenspour s’assurer de l’efficacité de son S&OP. Interro-gez-vous sur la prise de décision : s’agit-il biend’une réunion pour décider ou s’informer ? Lesoptions importantes (investissement, etc.) sont-ellesdéterminées lors de la réunion S&OP ? Si vousrépondez oui à ces deux questions, c’est que votreS&OP est efficace ! ■ JULIA FUSTIER

PhilippeRechaussat,Senior SupplyChain Consultantchez JDA Software

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Interview de Véronique Adenis, Directrice Associée Demand Planning France chez Johnson & Johnson Santé Beauté France

« La transversalité et la collaboration entre les services sont, à mon sens,

la clef du succès »Johnson & Johnson Santé Beauté France dispose déjà depuis plusieurs années d’un « S&OP »(Sales and Operations Planning). Mais, la maturité du processus était inégale selon les caté-gories de produits. C’est dans ce contexte que Véronique Adenis, Directrice AssociéeDemand Planning, a été chargée, en novembre dernier, du projet de refonte et d’améliora-tion continue du processus S&OP, afin d’en faire un outil de pilotage transversal du business.

Supply Chain Magazine : Vous animez deuxcycles de S&OP (grande distribution/pharmacie-cosmétique) chez Johnson & Johnson. Quandont-ils été mis en œuvre et pour quelles raisons ?Véronique Adenis : A mon arrivée chez Johnson& Johnson (J&J), en septembre dernier, le proces-sus S&OP existait mais ne correspondait pas à lamême chose selon les entités. Sur la pharmacie,le processus S&OP était plus développé, histori-quement, sur l’activité santé que sur l’activité

beauté. Concernant la grande distribution, ils’agissait principalement d’un processus d’élabo-ration et de discussion des prévisions de venteavec la Direction. Auparavant, nous nous limi-tions à communiquer les informations à la SupplyChain amont et n’avions pas de visibilité sur cequi se passait ensuite. Nous avons développé ceprocessus pour rendre les prévisions plus colla-boratives, élaborer des hypothèses, des risques etdes opportunités et surtout, pour développer lelien avec la Supply Chain amont. Ainsi le pro-cessus S&OP a gagné ses lettres de noblesse. Noustravaillons avec un seul jeu de données s’ap-puyant sur une prévision partagée et entretenonsdes relations plus constructives avec la « Supply ».L’objectif final étant bien entendu d’améliorer laqualité de service.

SCMag : Pouvez-vous détailler les étapes du cycle S&OP chez Johnson & Johnson ?V.A. : Il se décompose en cinq phases, qui sedéroulent sur quatre semaines puisqu’il s’agit d’uncycle mensuel. L’horizon vient d’être étendu à 24 mois et la maille de travail est la famille deproduits. Pour l’instant, toutes les familles de pro-duits sont revues chaque mois, mais nous envi-sageons de réduire cette fréquence pour celles quine nécessitent pas une gestion mensuelle. Le cycledémarre par une étape de revue du portefeuilleproduits (activités, promotions, lancements,arrêts). Elle implique essentiellement les servicesMarketing et Administration des ventes. Puisvient l’étape d’élaboration des prévisions deventes, gérée par mon équipe de prévisionnistes,en collaboration avec le Marketing, les Ventes etla Finance. Notre outil de prévisions statistiquesAPO (Module Advanced Planner & Optimizer deSAP) fournit une prévision sur base de modèlesstatistiques que nous retravaillons en fonctiond’hypothèses et des informations échangées aucours de la première étape. A l’issue de ce travail,©

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nous établissons un plan de demande valorisé. Laprojection financière est donc visible à tous lesmoments du cycle. Nous pré-validons ensuite ceséléments au niveau local avec l’ensemble desChefs de service. Nous réconcilions nos points devue dans le but de nous accorder sur un scénariode demande qui sera présenté au Comité de direc-tion. En parallèle de cette étape, nous envoyonsnos besoins au niveau européen à la Sup-ply Chain amont qui centralise lesinformations en provenance des dif-férents marchés. C’est à ce niveauque se tient la revue capacitaire.La réunion en Comité de direc-tion, où sont validés les diffé-rents plans d’action est ladernière étape du cycle. Tousles Directeurs opérationnels etle DG y assistent. Cette réu-nion est animée par la SupplyChain (les prévisionnistes etmoi-même).

SCMag : La dimension financièreest intégrée en amont du cycle. En quoi est-ce essentiel selon vous ?V.A. : Les contrôleurs financiers participent auxréunions dès la deuxième étape, voire dès la pre-mière. Intégrer les chiffres dès le début nous per-met d’éviter d’arriver au stade de la réconciliation /pré-validation avec des hypothèses qui ne tien-nent pas la route financièrement. L’impact desdécisions et des plans d’action est immédiatementvisible. Grâce à cela, nos réunions de réconcilia-tion / pré-validation ne durent pas plus d’une oudeux heures.

SCMag : Comment estimez-vous qu’un S&OP estefficace ? Quel est le type de décisions prises àl’issue des réunions avec le Comité de direction ?V.A. : Pour être efficace, il faut surtout éviterl’écueil du court terme ; élargir la visibilité au-delà du mois en cours ou du mois prochain. Avoirdu recul (et une anticipation correspondant audélai nécessaire pour agir sur la Supply Chainamont) est essentiel. Par ailleurs, il est fonda-mental de ne pas remettre en cause en perma-nence les hypothèses. La réunion finale du cyclea comme objectif de valider les hypothèses maissurtout de déterminer les priorités pour piloterl’écart entre ces hypothèses et le plan stratégiquede l’entreprise. Nous travaillons davantage sur desleviers « marché » que sur des leviers « Supply »,pour lesquels notre impact est encore limité. Lesressources humaines ne sont actuellement pasintégrées dans le processus mais cet axe pourraitse développer à moyen terme, si nous en perce-vons l’utilité. Pour l’heure, nous en sommes

encore à une phase de consolidation des actionsmises en place depuis quelques mois.

SCMag : Constatez-vous déjà des bénéfices liés à la mise en œuvre de ce S&OP ?V.A. : Oui, nous constatons des améliorations auniveau de la communication transversale. Nous

avons déjà gagné en efficacité. En outre,travailler avec un unique jeu

de données représente uneénorme avancée. Par ail-

leurs, les prévisionnistesse focalisent davan-tage sur le futur.Sans oublier quenous avons large-ment stabilisé laSupply Chain etoptimisé notre por-tefeuille de produits.

SCMag : D’unemanière générale,

quels sont les facteursclefs de succès d’un S&OP ?

V.A. : La transversalité et lacollaboration entre les services sont,

à mon sens, la clef du succès. Il faut des personnesengagées sur les sujets. Et pour ce faire, il faut lesformer convenablement et bien définir les rôles etles responsabilités de chacun. Sans oublier le sup-port de la Direction qui est un élément détermi-nant dans la réussite ou non du projet. Autrepoint d’attention : ne pas se laisser rattraper parle court terme ! ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIA FUSTIER

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Interview de Simon Segal, Directeur S&OP de la Business Unit Base installée d’Areva« Un processus S&OP est une aventure

au long cours »Chez Areva, l’unité d’affaires Base Installée a mis en œuvre depuis deux ans et demi un pro-cessus de Sales & Operations Planning. Avec des spécificités liées tant à son secteur qu’àson activité de services orientée « Engineering to Order ». Simon Segal, Directeur S&OP decette entité, nous éclaire sur les raisons et la méthode adoptée pour mettre en œuvre cettedémarche de planification à moyen terme.

Supply Chain Magazine : Pourquoi un processusS&OP dans un groupe comme Areva ?Simon Segal : C’est la conjonction de deux fac-teurs. Il y a d’abord eu la réorganisation d’Arevaen cinq business groups, qui a coïncidé avec leregroupement dans une entité transverse de toutesles ressources d’ingénierie, vis-à-vis de laquelle ildevenait impératif d’organiser de manière plusstructurée les besoins internes des différents busi-ness groups. Et puis il y avait la nécessité de pilo-ter la croissance et le développement de l’activitéavec des méthodes plus industrielles. Le businessgroup Réacteurs et Services, et plus particulière-

ment l’une de ses business units, Base Installée (àlaquelle j’appartiens), s’est donc posé la questionen 2010 de la nécessité d’une fonction de planifi-cation tactique et stratégique à part entière.

SCMag : Quelles sont les activités de cette business unit Base Installée ? S.S. : La BU Base Installée est l’entité d’Areva quifournit des solutions intégrées innovantes pour lamaintenance, la remise en état, la modernisation,la construction et l’allongement de la durée de viede réacteurs de tous types. C’est un business inter-national, qui concerne plus de 300 réacteurs dansle monde dans une vingtaine de pays. Au coursd’une année, nous sommes amenés à travailler surplus de 7.000 projets, dont les montants vont dequelques dizaines de milliers d’euros jusqu’au mil-liard. Cette importante granularité de businessinduit une certaine complexité intrinsèque. Cesont aujourd’hui des activités phares pour Arevaet nous avions besoin de davantage d’anticipa-tion et de déploiement des ressources.

SCMag : En quoi ce processus S&OP se démarque-t-il ?S.S. : Contrairement à un processus S&OP « clas-sique » dans la production manufacturière, orientéMake to Stock ou Make to Order, nous sommesici dans de l’Engineering to Order, ce qui estquand même assez particulier, car chacun de nosprojets est relativement unique. Il est difficile dese rattacher à une notion de gammes, de nomen-clature que l’on rencontre dans les environne-ments de production. Par ailleurs, les « références »que nous cherchons à planifier, sont avant toutdes ressources humaines : plus de 5.000 personnescontribuent aujourd’hui à la réalisation de cesprojets. Il a donc fallu définir des grilles demétiers, aligner des référentiels avec les RH, afinde cartographier l’ensemble des compétencesnécessaires à mettre en œuvre pour réaliser untype de projet donné. Une dimension plus clas-sique porte aussi sur la planification des outillagesspécifiques en support de la maintenance.©

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SCMag : Cette spécificité entraîne-t-elle desaménagements dans la mise en œuvre du S&OP ?S.S. : Absolument, à commencer par l’horizon detemps. Dans le reste de l’industrie, l’horizon moyend’un S&OP est compris entre 12 et 18 mois. Cheznous, c’est trois ans, parce que dans le nucléaire, lescycles sont bien plus longs. Et que l’horizon estavant tout déterminé par le niveau d’anticipationsouhaité pour pouvoir mettre en œuvre des actionscorrectives. Or, tout ce qui touche aux compétencesde ressources humaines, avec une réelle expertise,nécessite plusieurs années d’anticipation pour for-mer sur certains métiers. Il y a une troisième raison,c’est la volonté d’aller un peu au-delà de la visionà 12 mois du cycle budgétaire, pour être capable deplanifier davantage sur le moyen terme, ce qui per-met aux opérationnels de mieux anticiper et sécu-riser leur exercice budgétaire. C’est le chaînonmanquant entre l’horizon budgétaire et le businessplan à 5 et 10 ans, porté au niveau groupe. Car l’in-térêt de ce processus S&OP est aussi de piloter latrajectoire vers l’objectif stratégique, via cet hori-zon moyen terme, réactualisé régulièrement. Il n’ya pas de réunion mensuelle S&OP comme dansd’autres secteurs, ce sont des cycles trimestriels quise concluent chaque fois par des réunions demanagement où sont présents autour de la table leCommerce, la Finance, l’Industrie, les Achats et lesRessources humaines avec au final une prise dedécision du management, qui recherche l’optimumglobal et non pas la somme des optimums locaux.

SCMag : Comment s’est déroulée la mise en œuvre ? S.S. : La progression a été très incrémentale. Lavolonté forte du management s’est traduite par lacréation d’une fonction dédiée (la mienne), présenteau Comité de direction de la BU, et l’appui d’uneéquipe internationale d’une soixantaine de corres-pondants contributeurs dans plusieurs pays. Il y aeu un gros travail de conduite du changement, etd’accompagnement des opérationnels sur le terrain,notamment pour leur expliquer que l’objectif n’étaitpas de les dessaisir de la prise de décision mais depermettre à chacun de prendre, en conscience, lesbonnes décisions pour le business. Nous avons pro-gressé sur différents axes, en commençant par faireune planification partielle sur un pool de ressourcesassez limité pour nous familiariser avec le processus,puis en l’étendant à l’ensemble des ressources de laBU. Parallèlement, nous avons déployé un outilinformatique pour aider à mettre en place le pro-cessus, à le structurer. Pour simplifier, c’est une sortede base de données SQL en ligne, très customisée,qui permet d’aligner les contributions des uns et desautres, de consolider, d’ « historiser » les données, defaire la comparaison planifié/réalisé d’un cycle deplanning par rapport à un autre et de piloter les

écarts. L’outil a évolué à chaque cycle, en intégrantle feedback. L’idée était de déployer vite, même si lacouverture fonctionnelle n’était pas complète et defaire évoluer l’outil en même temps que le niveaude maturité du processus. Avec le recul, je pense quecette notion de progrès incrémental est essentielle,car un processus S&OP ne se déploie pas enquelques mois, c’est une aventure au long cours. Ilfaut accepter de ne pas remplir tous les objectifs dèsle premier exercice, l’important étant d’arriver àcranter des éléments et à amener petit à petit descompléments parce que les capacités de « digestion »de l’organisation ne sont pas illimitées.

SCMag : Quelle est la plus grande difficulté de ce genre de projet ? Et quels ont été les axesde progrès ?S.S. : La vraie complexité est d’arriver à inscrire leprocessus de manière durable dans les modes defonctionnement, tant au niveau opérationnel quemanagérial. Après un peu plus de deux ans, jepense que l’ancrage a réussi. Certes, il y a toujoursdes progrès à faire, tout n’estpas homogène en termes deniveaux de maturité et d’ap-propriation sur les 18 centresde profit de la BU. Au boutd’un an, nous avons intégréune dimension économique etfinancière au processus, parceque nous nous sommes renducompte que la valorisationéconomique de l’ensemble desscénarios que nous pouvions modéliser était unfacteur clé de la prise de décision managériale. Unautre axe de progrès porte aujourd’hui sur lamesure de la pertinence et de la fiabilité de nos pré-visions, pour être capable, à la même maille, deproduire les données réelles et de les comparer auxdonnées planifiées. Nous envisageons pour celad’interfacer l’outil avec notre ERP (SAP). Noussommes également en train de réfléchir avec lesAchats pour étendre le processus au pilotage de lacharge de nos sous-traitants, ce qui est plus com-plexe car nous n’aurons sans doute pas le mêmeniveau d’informations.

SCMag : Cette démarche S&OP a-t-elle essaimédans tout le groupe Areva ? Quelle pourrait êtrel’étape suivante ?S.S. : Je suis persuadé que ce processus a vocationà se déployer dans le groupe car les probléma-tiques Supply Chain prennent de plus en plusd’importance. Notre BU est assez pionnière dansl’intégration de la dimension financière, mais ilexiste déjà des démarches un peu semblables dansd’autres entités du groupe Areva. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON

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Comap,des résultats édifiants !

Comap a lancé un projet S&OP mi-2010. Les résultats, deux ans après, sont spectaculaires :13 points supplémentaires sur le taux de service et un gain de 15 M€ résultant d’une baissedrastique du niveau de stocks ; de quoi intéresser la Direction générale ! Une réussite quirepose essentiellement sur la refonte totale du processus organisationnel.

Filiale du groupe européen Aalbert Industries(1,9 Md€ de CA), Comap conçoit et produitdes solutions de distribution et de régulation

des fluides. Cette société industrielle réalise un CA de 250 M€ et emploie 1.000 collaborateurs. « 80 % de nos produits sont fabriqués dans nosusines, principalement françaises. Nous disposonsde cinq usines en France (Abbeville, St Denis-de-l’Hôtel, Nevers, Montélier et Arrest), d’une usineen Italie (Brescia) et d’une plate-forme logistiqueinternationale en France (Chécy) », détaille Emma-nuel Bruel, Responsable Supply Chain amont.Chaque usine fabrique une catégorie de produits(les raccords à St Denis-de-l’Hôtel, les couronnesPER à Nevers, les produits de traitement de l’eauà Montélier, etc.). La plate-forme logistique centrale de Chécy s’étend sur 13.000 m2, gère15.000 références et offre une capacité destockage de 20.000 palettes. 60 personnes y tra-vaillent. « Les deux tiers de la facturation y sontréalisés. Le tiers restant est constitué pour partiede livraisons directes fournisseurs (parfois nospropres usines) et pour partie de nos entrepôtsfiliales. Chacune de nos filiales (Pologne, Afrique

du Sud, RépubliqueTchèque, Italie, etc.)dispose d’un petit entre-pôt (< 1.000 m2) quiassure ses propreslivraisons sur son terri-toire. Les filiales fran-çaises et belges (les deuxplus importantes) sontmajoritairement desser-vies depuis l’entrepôt deChécy (environ 90 % de leur CA) », précisePatrick Truyé, DirecteurSupply Chain, Sourcinget IT de Comap.

La genèse du projet…Un état des lieux aumilieu de l’année 2010révèle plusieurs fai-blesses. « Nous utili-sions la solution Azap

depuis 2006. Par ailleurs, nous participions à uneréunion, baptisée GEB (gestion économique desbesoins), qui ne nous donnait pas satisfaction. LesDirections de chaque usine y assistaient ainsi quele Directeur Supply Chain. En revanche, la Direc-tion Générale et le Commerce y étaient insuffi-samment représentés et peu impliqués. Le résultatétait donc médiocre, les sujets très axés sur l’ac-tivité industrielle et nous y prenions très peu dedécisions », se souvient Patrick Truyé. « Un destravers de la réunion était de descendre beaucouptrop dans le détail (à la maille article) alors qu’elleaurait dû servir à donner une vision macrosco-pique », complète Emmanuel Bruel. S’agissant desprévisions, le constat est triple : elles sont tropfaiblement validées par le Commerce, insuffisam-ment soumises à un regard critique et leur nonfiabilité ne porte pas à conséquence. La perfor-mance de la Supply Chain en est significative-ment impactée. Preuve en est avec un serviceclient historiquement bas (85 %), des niveaux destock de produits finis représentant 100 jours deCA (pour « pallier aux aléas ») et une absence devisibilité à 6-12 mois. En effet à cette époque, lesprévisions étaient réalisées sur un horizon com-pris entre un mois et un trimestre. « Cet horizon detravail, très court, et ce niveau de détail contri-buaient évidemment au manque d’intérêt de laDirection Générale. Sans compter que nous étionsincapables de fournir une projection de stock etde CA en valeur », commente Patrick Truyé.

Un S&OP en trois étapesC’est à la suite de ces constats que Comap lance unprojet de refonte de ses prévisions et de son proces-sus S&OP. « Nous avons décidé de découper le pro-cessus en trois étapes », indique Patrick Truyé. Lapremière, « business review », est un rendez-vousmensuel avec les filiales dont l’objectif est de vali-der les prévisions calculées en central par Azap. Elleest supervisée par le « Supply Front-End Manager ».En s’appuyant sur cette « business review », une « industrial review » a également été instaurée. Ils’agit d’une réunion industrielle à laquelle participechaque usine, sous la houlette du « Supply Back-End Manager », où les plans de production sontnégociés, en intégrant les dernières prévisions deventes, et validés. Ces deux réunions sont chapeau-

EmmanuelBruel, Responsable Supply Chainamont chez Comap

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tées par une réunion S&OP avec un comité restreint,correspondant au Comité de direction (DirecteurGénéral, Directeur Industriel, Directeur Supply

Chain, Directeur Marketing, Directeur Administratifet Financier et Directeur Commercial) ainsi qu’unreprésentant des deux réunions « business review »et « industrial review ». Ces trois réunions setiennent chaque mois. Les informations pré-sentées et discutées lors de la réunionS&OP, en l’occurrence la projection dustock et du CA à 12 mois, sont un élé-ment majeur expliquant l’implicationde la Direction Générale. « Enfin onremonte les principales alertes tant surle business que sur l’outil industrielnécessitants d’éventuels arbitrages oudécisions », poursuit Patrick Truyé. « Ce qui

fait la diffé-rence par rapportà avant, c’est notrecapacité à parler eneuros, la langue desfinanciers et de laDirection Générale »,estime EmmanuelBruel.

Quid de l’outil ?Les évolutions de l’ou-til Azap ont été réali-sées de manière à êtreen adéquation avec ceprocessus. « Aupara-vant, le commerce nevalidait pas systéma-tiquement la prévi-sion. Dès que nousavons établi le pro-cessus de « businessreview », nous avonsamplifié le dialogue

avec chaque filiale de façon à les aider et les inciterà s’accaparer l’outil Azap. Nous avons été aidéspour cela par la possibilité de la solution de fonc-tionner en mode web. En effet, Azap donne accès àla prévision de ventes depuis n’importe quel endroit,via le web. Chaque Directeur de filiale peut donc àdistance se connecter à Azap et valider la prévisionqui concerne son activité », explique Patrick Truyé.Le processus est dès lors collaboratif et la validationdes prévisions s’effectue à horizon cinq mois. « LesDirecteurs de filiales disposent de quatre jours pourvalider leurs prévisions sur le web. La « businessreview » a lieu ensuite ; l’occasion de challenger sinécessaire », complète Patrick Truyé. Par ailleurs,Comap est en train d’affiner le modèle Azap pourne plus avoir une seule prévision mais trois pour lesfiliales employant plusieurs canaux de distribution(cross-dock, directe et local). Ce modèle de prévisionmulti-canal est actuellement en cours de mise enœuvre. Néanmoins d’une façon générale, même sil’outil offre de grandes possibilités, Comap insiste

sur l’importance du processus. « Azapétait nécessaire mais pas suffi-

sant, résume Patrick Truyé.Et de compléter : Il nous

fallait passer par unoutil facilement acces-sible et compréhensiblepour que le Commercese l’accapare. Mais laprévision ne se résumepas à Azap. Nous

avons amélioré la loi deconsommation des prévi-

sions de ventes par les com-mandes et parlons désormais

de prévision de la demande (au lieude prévisions de ventes). En outre, nous avons misen place un DRP (Distribution Resource Planning)afin que les quantités approvisionnant les stocks desfiliales découlent directement des prévisions validéespar les filiales. »

Des résultats très satisfaisantsLes résultats sont édifiants ! Le taux de service estpassé de 85 % (début 2010) à 97 % durablement,et même 98 % aujourd’hui. Les stocks de produitsfinis ont chuté de 20 jours équivalents en CA. « Cequi représente 15 M€ », révèle Patrick Truyé.Autre bienfait de ce projet évoqué par Comap :l’amélioration globale de la fiabilité de la prévi-sion malgré la crise et une réelle capacité d’anti-cipation sur les événements à venir. S’agissant dedemain, l’industriel a encore plus d’un tour dansson sac ! Optimiser la gestion de la demande erra-tique, la gestion des promotions et la formationdes prévisionnistes sont les prochains axes d’amé-lioration déjà définis. ■ JULIA FUSTIER

Patrick Truyé,Directeur Supply Chain,Sourcing et IT de Comap

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