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Tous droits réservés - Les Echos - 2007 ÉDITORIAL PAR HENRI GIBIER La preuve par le changement e coq gaulois est aussi L le champion de l’autodénigrement. Ce mélange paradoxal n’a pas fini d’étonner le reste du monde quand celui-ci tourne son regard vers la France. Le choc entre nos prétentions à l’universalisme et la tentation permanente du repli particulariste entretient cette étrange image d’un pays qui ne cesse de vouloir donner des leçons à la planète en même temps qu’il se distribue allègrement des punitions. Les Français aiment se représenter tels qu’ils voudraient être, se lamenter de ne pas être ce qu’ils ne sont pas, mais ont beaucoup de mal à se voir tels qu’ils sont. Ces dispositions propres au caractère national ne sont pas neutres dans une économie de plus en plus dominée par les éléments immatériels. Chaque fois que ceux-ci entrent en jeu, comme c’est le cas dans les classements mondiaux sur la compétitivité des pays, ou de leurs niveaux en matière d’éducation, il y a de fortes présomptions que la France n’apparaisse pas à son vrai rang, souvent du fait des appréciations émises par ses propres ressortissants. Yann Algan et Pierre Cahuc, deux experts du Cepremap, organisme d’études économiques rattaché au ministère de la Recherche, viennent de publier récemment un ouvrage sur « La Société de défiance », qui établit un constat similaire, à partir d’enquêtes d’opinion menées dans toutes les nations industrialisées. Depuis plus de vingt ans, elles montrent que les Français, par rapport à leurs homologues étrangers, souffrent d’un déficit de confiance, en eux et entre eux, qui entrave leurs capacités de coopération et réduit leur dynamisme économique. C’est pour contribuer à briser ce cercle vicieux que la rédaction des « Echos », accompagnée dans cette démarche par quelques personnalités impliquées à la fois dans la vie des affaires et dans divers chantiers sociétaux, a réalisé ce cahier. Son seul parti pris est d’accorder, pour une fois, plus d’attention aux signes et aux symptômes de changement encourageants pour le devenir du pays qu’aux habituelles recensions de ses blocages et de ses échecs. Non que l’on veuille ignorer ces derniers, régulièrement rapportés et analysés dans notre journal. Mais il ne sert à rien de dénoncer les immobilismes si l’on ne cherche pas aussi à mieux connaître ce qui marche. Tel est l’objectif de ce document auquel la meilleure fortune qu’on lui souhaite est de fournir l’amorce d’une sorte de « rapport annuel » sur ce qui, aujourd’hui, aide la France à avancer dans le bon sens. Bien sûr, l’approche est perfectible, elle se veut plus un appel à débat qu’un palmarès de prix de fin d’année. Les cinquante initiatives retenues dans l’ultime sélection procèdent d’un choix scrupuleux, mais forcément arbitraire, qui ne rend pas justice, par exemple, au foisonnement d’idées et d’expérimentations suscitées par la défense de l’environnement. Le but sera tout de même atteint si l’on y trouve la preuve que « la France qui se réinvente » n’est pas une invention. La France qui se réinvente 50 INITIATIVES QUI METTENT LE PAYS EN MOUVEMENT Bien sûr, il y a les grandes réformes et les grands blocages. Mais loin de cette actualité bien visible, il y a aussi un grand mouvement de réinvention du pays, sous toutes ses formes, dans tous ses recoins, par tous ses acteurs. Un comité de pilotage a travaillé pendant un an pour établir une sélection qui montre une toute petite partie de ce renouvellement en profondeur. Supplément gratuit au numéro 20.052 l Ne peut être vendu séparément 99 e année l ISSN 0153.4831 Jeudi 22 novembre 2007 SOMMAIRE FRANCE FIGÉE ET FRANCE QUI BOUGE. Pages 2-3 ENTREPRISES. De Netvibes à ModeLabs en passant par la Logan et Alstom. Pages 4 à 7 SECTEUR PUBLIC. Des frais de justice au placement des chômeurs. Pages 8 à 10 ÉCONOMIE DU SAVOIR. De l’Idei de Toulouse à HEC. Page 11 TERRITOIRE. De Lyon au TGV Est. Pages 12-13 COHÉSION SOCIALE. De 100. 000 entrepreneurs à l’Agence nouvelle des solidarités actives. Pages 14-15 REGARDS D’EXPERTS ÉTRANGERS. Suzanne Berger et Tito Boeri. Page 16 Sur www. lesechos. fr Apportez votre témoignage sur cette France qui se réinvente et aussi vos suggestions ou vos indignations. Et retrouvez des interviews vidéo. Jupiterimages, Bloomberg, Michel de Vries, DR

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ÉDITORIAL PAR HENRI GIBIER

La preuvepar le changement

e coq gaulois est aussiL le champion del’autodénigrement. Ce mélangeparadoxal n’a pas fini d’étonnerle reste du monde quand celui-citourne son regard vers la France.Le choc entre nos prétentions àl’universalisme et la tentationpermanente du repli particularisteentretient cette étrange image

d’un pays qui ne cesse de vouloirdonner des leçons à la planète enmême temps qu’il se distribueallègrement des punitions. LesFrançais aiment se représenter telsqu’ils voudraient être, se lamenterde ne pas être ce qu’ils ne sont pas,mais ont beaucoup de mal à se voirtels qu’ils sont. Ces dispositionspropres au caractère national ne

sont pas neutres dans uneéconomie de plus en plus dominéepar les éléments immatériels.Chaque fois que ceux-ci entrent enjeu, comme c’est le cas dans lesclassements mondiaux sur lacompétitivité des pays, ou de leursniveaux en matière d’éducation, il ya de fortes présomptions que laFrance n’apparaisse pas à son vrairang, souvent du fait desappréciations émises par sespropres ressortissants. Yann Alganet Pierre Cahuc, deux experts duCepremap, organisme d’étudeséconomiques rattaché au ministèrede la Recherche, viennent depublier récemment un ouvrage sur

«La Société de défiance », quiétablit un constat similaire, à partird’enquêtes d’opinion menées danstoutes les nations industrialisées.Depuis plus de vingt ans, ellesmontrent que les Français, parrapport à leurs homologuesétrangers, souffrent d’un déficitde confiance, en eux et entre eux,qui entrave leurs capacités decoopération et réduit leurdynamisme économique.C’est pour contribuer à briser cecercle vicieux que la rédaction des«Echos », accompagnée dans cettedémarche par quelquespersonnalités impliquées à la foisdans la vie des affaires et dans

divers chantiers sociétaux, a réaliséce cahier. Son seul parti pris estd’accorder, pour une fois, plusd’attention aux signes et auxsymptômes de changementencourageants pour le devenir dupays qu’aux habituelles recensionsde ses blocages et de ses échecs.Non que l’on veuille ignorer cesderniers, régulièrement rapportéset analysés dans notre journal.Mais il ne sert à rien de dénoncerles immobilismes si l’on ne cherchepas aussi à mieux connaître ce quimarche. Tel est l’objectif de cedocument auquel la meilleurefortune qu’on lui souhaite est defournir l’amorce d’une sorte de

« rapport annuel » sur ce qui,aujourd’hui, aide la France àavancer dans le bon sens. Bien sûr,l’approche est perfectible, elle seveut plus un appel à débat qu’unpalmarès de prix de fin d’année.Les cinquante initiatives retenuesdans l’ultime sélection procèdentd’un choix scrupuleux, maisforcément arbitraire, qui ne rendpas justice, par exemple,au foisonnement d’idées etd’expérimentations suscitées par ladéfense de l’environnement. Le butsera tout de même atteint si l’on ytrouve la preuve que « la France quise réinvente » n’est pas uneinvention.

La France quise réinvente50 INITIATIVESQUI METTENT LE PAYSEN MOUVEMENT

Bien sûr, il y a les grandes réformes et les

grands blocages. Mais loin de cette actualité

bien visible, il y a aussi un grand mouvement

de réinvention du pays, sous toutes ses

formes, dans tous ses recoins, par tous ses

acteurs. Un comité de pilotage a travaillé

pendant un an pour établir une sélection

qui montre une toute petite partie

de ce renouvellement en profondeur.

SOMMAIREFRANCE FIGÉE ET FRANCE QUI BOUGE. Pages 2-3

ENTREPRISES. De Netvibes à ModeLabsen passant par la Logan et Alstom. Pages 4 à 7

SECTEUR PUBLIC. Des frais de justiceau placement des chômeurs. Pages 8 à 10

ÉCONOMIE DU SAVOIR. De l’Ideide Toulouse à HEC. Page 11

TERRITOIRE. De Lyon au TGV Est. Pages 12-13

COHÉSION SOCIALE. De 100.000 entrepreneursà l’Agence nouvelle des solidarités actives. Pages 14-15

REGARDS D’EXPERTS ÉTRANGERS.Suzanne Berger et Tito Boeri. Page 16

Sur www.lesechos.frApportez votre témoignage sur cette France qui seréinvente et aussi vos suggestions ou vos indignations.Et retrouvez des interviews vidéo.

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2 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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Précision. La numérotation des initiativesde 01 à 50 reflète un simple décompte et nonun classement ou une hiérarchisation.

Genèse d’une idéeL’idée de proposer un dossier sur « la France qui seréinvente » n’avait pas pour but de nier les médiocresperformances françaises en termes de croissance, d’em-ploioudedéficitpublic.Ilétaitdesoulignerqu’endépitdeces handicaps macroéconomiques la France bouge et seréinvente dans les entreprises, les collectivités locales, lesassociations et les services publics.

Reconnaître qu’un tel mouvement existe malgré tousles freins est une clef pour penser et conduire le change-ment. Les tenants de la France bloquée ont tendance àtout attendre d’un big bang politique, de réformes del’Etat et de changements par décret. Ils ignorent la forcedetransformationquereprésententl’énergieetlavolontédes acteurs sur le terrain.

LaFranceabesoinderéformesdestructure,maiselleaaussi besoin d’encourager ceux qui prennent des initia-tives et qui innovent pour qu’ils soient de plus en plusnombreux.

PromouvoirlaFrancequiseréinvente,c’eststimulerunedynamique fondée sur la reconnaissance des acteurs, ladissémination de l’innovation et le désir du changement.

JÉRÔME TUBIANAdirecteur de la prospective sociale de Danone

MéthodologieLasélectiond’initiatives présentéedanslespagessuivantesestlefruitd’untravailentaméilyaplusd’unan.Suruneidéede Jérôme Tubiana, un comité de pilotage de neuf per-sonnes venant d’horizons très variés (voir compositionci-dessous) a été formé à la rentrée 2006. Il s’est ensuiteréuni une fois par mois. Le travail s’est fait en trois temps.D’abord, le groupe a tenté d’identifier des initiativessusceptibles d’être retenues en mobilisant des réseauxd’experts travaillantdans différentsdomaines (entreprises,secteur public, etc.) pour faire remonter des expériencesoriginales. Ensuite, des sous-groupes ont travaillé plusspécifiquement sur chacun des domaines pour faire desfiches d’évaluation relatives aux différentes initiatives, ensoupesant leur efficacité, leur caractère réplicable, leurportéeet leurarticulation entrel’économiqueetlesocial.Al’issue de cette phase, une bonne centaine d’initiatives ontété présélectionnées. Enfin, le comité de pilotage a passéplusieursséancesdetravailàétablirlasélectionfinaleetdescartonsrougesmontrantuneFrancequineseréinventepas.

Ce travail donnera lieu à un débat dans le cadre d’unséminaireAspenFranceenjanvier2008.Ilavocationàêtrerenouvelé les années suivantes afin d’établir peu à peu unvéritable observatoire de la France qui se réinvente. Lapremière sélection comporte des initiatives parfois an-ciennes,maisquiontfaitlapreuvedeleurefficacitéau-delàdes effets d’annonce. Les sélections ultérieures reflèterontdavantage des réalisations toutes fraîches.

Les apparences d’une Francefigée dans ses habitudes

’était en 1960. Un grand ré-C sistant devenu patron de laSNCF et un fameux économisteproposent dans un rapport ex-plosif l’ouverture des professionsréglementées. Près d’un demi-siècle après ce rapport rédigé parLouis Armand et Jacques Rueff,les taxis, les géomètres, les no-taires, les pharmaciens, les comp-tables sont toujours régis par desrègles antédiluviennes qui ontpour effet premier de bloquer laconcurrence. Qui ose encore es-pérer que la France peut chan-ger, s’adapter, progresser ? Lepays semble avoir une allergieprofonde au changement. L’élec-tion d’un candidat de « rupture »à la présidence de la Républiquene change rien à l’affaire. Il suffitde regarder la chronique des der-nières semaines. Modifier desrègles de la retraite établies àl’époque où celui qui arrêtait detravailler avait une espérance devie de deux ans, alors que cetteespérance dépasse désormais lesvingt ans ? Grève. Changer unecarte judiciaire vieille d’un demi-siècle, alors que 25 % des Fran-çais ont quitté depuis la cam-pagne pour la ville ? Scandale.Toucher au statut des universitéscomplètement débordées parleur succès ? Tollé. Le pays pa-raît incapable de muer dans unmonde qui va de plus en plus vite.

Les grandeurs macroécono-miques confirment hélas l’im-pression. Malgré des politiquesincessantes de relance, la crois-sance française est à la traîne(0,2 % de moins que la moyenneeuropéenne cette dernière dé-cennie). Le commerce extérieurdu pays sombre dans des déficitsrecord qui reflètent la trop faible

teurs. Manquant de moyens pouracheter de nouvelles machines,les entreprises financent à peineplus de la moitié de leurs investis-sements sur leurs ressources.Malgré un beau recul, le taux dechômage reste parmi les plus éle-vés de l’Union européenne. Unautre stock témoigne de la lan-gueur tricolore : la dette pu-blique qui ne cesse d’augmenter− malgré un joli tour de passe-passe budgétaire réalisé l’an der-nier et en dépit d’une des fiscali-tés les plus lourdes au monde. Endix ans, le poids de la dette pu-blique dans le PIB a augmenté de7 % alors qu’elle reculait d’au-tant dans les autres pays de lazone euro.

Encore plus inquiétant : les dé-ficits « sociaux » (santé, retraite)s’accumulent aussi, alors qu’ils’agit d’assurances qui devraientdonc être à l’équilibre ou excé-dentaires. Là encore, c’est lapreuve d’un pays impuissant à

corriger les règles du jeu quand ille faut.

Machine à écrémerSi au moins le pays sacrifiait leprésentpourmieuxpréparerl’ave-nir… Mais ça n’est hélas pas le cas.Le système scolaire fonctionnetoujours comme une machine àécrémer, et non à former, avec40 % des élèves qui redoublent aumoins une classe − trois fois lamoyenne des pays développés.L’ascenseur social est bloqué.Autre exception française : le paysaunedépense inférieure pourl’en-seignement supérieur. L’Etat dé-bourse 30 % de moins pour unétudiant que pour un lycéen.Dansla recherche, ce n’est pas mieux.Tous acteurs confondus, la dé-pense française de recherche etdéveloppement plafonne à 2,2 %du PIB, malgré les engagementsrépétés d’atteindre l’objectif de3 % affiché dans la stratégie deLisbonne. Même l’inscription du

principe de précaution dans laConstitution, qui devait être lesigne d’une France qui se tournevers l’avenir, pourrait devenir l’ex-cuse suprême pour ne surtout rienfaire au motif que l’action a deseffets parfois imprévisibles.

Comment sortir de cette paraly-sie ? Certains affirment que le dé-clin est irréversible. D’autres veu-lent croire à un réformismeintrouvable. D’autres encore sou-lignent que la France mue seule-ment dans les convulsions, commeen 1789 ou en 1968. Ce n’est pastout à fait vrai. Si le rapport Ar-mand-Rueff de 1960 n’a pas réussà modifier l’effectif des taxis pari-siens, l’ouverture à la concurrencequ’il prônait a préfiguré les boule-versements induits par le Marchécommun. Mais le temps n’est plusoù les élites du pays pilotaient lechangement. Aujourd’hui, laFrance change par le bas. Et lesblocages sont en haut.

J.-M. V

Un changement inchiffrable« Signal faible ». La France qui seréinvente, combien de divisions ? Iln’y a pas de réponse à cette ques-tion. Et c’est l’une des raisons pourlesquelles le changement est diffi-cile à voir, du moins quand onchercheà lemesureravecles instru-ments habituellement employéspour décrire le mouvement écono-mique et social. Dans l’informationen général et dans l’informationéconomique en particulier, lechiffre joue de plus en plus ce rôle.Parfois, il surprend ou illustre. Sou-vent, il appuie un argument ouétaie le raisonnement. En dernierressort, ildevientargumentd’auto-

rité, celuiqui clouelebecaucontra-dicteur. Pour parvenir à cette puis-sance, le chiffre doit être issu de lastatistique, c’est-à-dire du travaildes grands nombres qui lui donnesa légitimité. Il devient alors uninstrument de masse. Il montre desquantités globales, des moyennes,des distributions, des rythmesd’accroissement. Autrement dit, ilest incapable de montrer les chan-gements tant qu’ils ne sont pasmassifs. Il peine à capter les « si-gnaux faibles », comme disent lesélectroniciens.Or l’invention ou la réinvention re-lève par excellence du « signal

faible ». Il faut donc renoncer ici auxmillions d’hommes et de femmes,aux échantillons représentatifs, auxpourcentages. Il faut prendred’autres instruments de mesure,abandonner legrandangleauprofitdu zoom, tâtonner au risque del’échec ou de l’erreur, délaisser lesgrandeurs pour se concentrer surles exemples tout en évitantlapeti-tesse. En un mot, il faut passer dumilliard grandiose à l’unité à peineperceptible. La France ne se réin-vente pas sous les feux des projec-teurs qui éclairent souvent uneFrance bloquée. Mais elle se réin-vente tout de même ! J.-M. V.

décennie une croissance sans

La puissance du levier associatifaldeck Rousseau n’imagi-W nait sans doute pas en ins-

pirant la loi du 1er juillet 1901reconnaissant « le droit d’associa-tion » lesuccèsque connaîtrait,unsiècle plus tard, le mouvementassociatif français. Avec un mil-lion d’associations actives, près dedeux millions de salariés, plus dedix millions de bénévoles et plusde 20 millions d’adhérents, laFrance constitue un modèle sin-gulier. Certes, la plupart des paysindustrialisés disposent d’un sys-tème associatif, corporatiste etinstitutionnel en Europe del’Ouest, citoyen dans l’Europe duNord, à forte influence religieusedans la Méditerranée, d’inspira-tion caritative ou lobbyiste dansles pays anglo-saxons, alors queles sociétés asiatiques n’ont pasdéveloppé de structures de cetype.

La France fait une synthèse enproposant sans doute le modèle lepluséclectique et le pluséquilibré.Indicateur peu connu d’un paysqui se réinvente, le monde asso-ciatif français connaît depuis une

équivalent avec70.000 enregistre-ments d’associations nouvellespar an, concentrées dans des sec-teurs touchant aux terrains laisséspour compte par l’entreprise pri-vée, voire par l’Etat : sanitaire etsocial, culturel et sportif, et ré-

Au global, ces initiatives asso-ciatives génèrent aujourd’hui60 milliards d’euros de budget,soit 3 % du PIB. Un vrai espritd’entreprise à la française ! Cen’est sans doute pas un hasard siun gouvernement de la Ve Répu-blique compte pour la premièrefois un portefeuille de « la vieassociative ».

LaboratoireLes exemples ne manquent paspour illustrer cette dynamique so-cio-économique. Deux d’entreeux sont des exemples de cettesynthèse française entre ambitionphilanthropique et esprit d’entre-prise : l’AFM, l’Association fran-çaise contre les myopathies, etEmmaüs. Créée en 1958, l’AFMest aujourd’hui une véritable en-treprise de 500 personnes, qui agénéré 1,2 milliard d’euros en dixans et financé des recherchesjusque-là impossibles autour desmaladiesgénétiquesrarespermet-tant l’émergence d’un nouveausecteur de recherche, à l’instar duGénéthon, qui regroupe aujour-

tion Emmaüs, elle, gère aujour-d’huiavecses3.500 salariésplusde3 millions de mètres carrés demarchandises sur tout le terri-toire !

A l’instar des « pépinières » etautres « incubateurs », l’existencede ce tissu associatif éclectique etdense et la facilité de lancementd’une nouvelle association, confé-rée par la loi de 1901, constituentun véritablelaboratoire de lacréa-tion d’entreprise en France et unferment de l’esprit et de l’initiativeentrepreneuriaux. Qu’il s’agissede recherche ou de d’environne-ment, lemilieu associatif peut per-mettre de financer directement oud’inspirer la créationet ledévelop-pement d’entreprises privéesC’est dans cette perspective que lestatut hérité du XIXe siècle ou-vrierdoitêtreprotégé,même sisesmodalités doivent être revisitéespour éviter certaines dérives. Lemodèle associatif français consti-tue en tout cas une piste intéres-sante de la réinvention de nosmodèles de compétitivité !

JACQUES BUNGERT

Le monde associatif françaisconnaît depuis une décennieune croissance sans équivalentavec 70.000 enregistrementsd’associations nouvelles par an.

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cemment environnemental. d’hui 200 chercheurs. L’associa- coprésident du groupe Young & Rubicam.

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- 3Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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Les signes d’une France qui bougees Français auraient perduL confiance, le sens du travail,

l’esprit d’entreprise. De classe-ments mondiaux en classementsmondiaux, la place de la Francerégresserait. Un des derniers endate, celui du World EconomicForum, place laFrance en 18e po-sition quant à l’attractivité pourles entrepreneurs, un recul de6 places en un an.

Mais la réalité mérite d’êtreregardée sous un autre angle. Lenombre de Français qui ressen-tent un sentiment de déclin…décline. Ils ne sont plus que 40 %à « craindre que la France s’effaceprogressivement, que sa culturedisparaisse, que sa puissance s’af-faiblisse », contre 55 % en 1991.Depuis plus de trente ans queSociovision Cofremca suit lescomportements en Europe, enAmérique du Nord et du Sud eten Asie, rien n’indique un quel-conque décalage entre les Fran-çais et la marche du monde.Comme ailleurs, il y a des chan-gements importants et despoches de problèmes difficiles àrésorber. Nous observons lapoussée continue d’un désird’émancipation et d’épanouisse-ment de la personne, nous obser-vons la montée d’une confianceen soi, en sa créativité, en sacapacité à agir sur son destin, surcelui de la société et de plus enplus sur celui de la planète. L’im-plication au travail et le désir deréussite professionnelle n’ontcessé de se raffermir, tout enétant accompagnés d’une re-cherche d’harmonie de vie.

Une certaine idée du progrèsCertes, les Français sont attentifsà la pauvreté persistante, au chô-mage durable, au manque de dé-bouchés pour la jeunesse, à l’as-censeur social qui ne concernequ’un tiers d’entre eux par rap-port à la génération précédente(10 % déclarent avoir régressésocialement). Mais nous retrou-vons la plupart de ces maux dansles pays développés, y compris lepourcentage de personnes pri-

vées d’emploi et cependant enâge de travailler, classées selonles usages des pays dans la caté-gorie demandeurs d’emplois, etqui viennent grossir les statis-tiques du chômage, ou inaptes autravail et venant grossir les statis-tiques des personnes handica-pées.

Les Français, eux, partagentune certaine idée du progrès,d’abord humain et sociétal. Dansune période où les dérèglements(économiques, géopolitiques,climatiques…) sont nombreux,où les possibilités scientifiquessont porteuses du mieux et dupire, où la gouvernabilité du

monde n’a pas fait les progrèsqu’impose un monde ouvert eten forte évolution, la prudences’impose pour beaucoup d’entreeux.

Pour saisir les Français, onl’aura compris, il faut chercherailleurs. Ne pas se focaliser seule-ment, voire trop, sur des indica-

teurs économiques. Il faut inté-g re r d es i n d i c a te u rs d uchangement sociétal et plus glo-balement de la société durable.

Nouveaux critèresLesFrançaisaspirentàunesociétéchoisie et rejettent une sociétésubie, celle où les individusont descontraintes supérieures à leurs ca-pacités à faire face (mobilités im-posées, endettement, difficultésde santé…). C’est sans doute danscette volonté de ne pas être unfrêle esquif ballotté au gré destempêtes du monde qu’il fautchercher l’explication d’un com-portement national volontiers vi-gilant, voire protestataire.

L’évolution du monde et l’évo-lution de la société portent denouveaux critères pour juger de la« modernité » d’un pays. En voicquelques-uns sur lesquels lesFrançais sont, selon nos travauxplutôt bien placés : les mobilités(mentales et physiques), les pos-tures d’ouverture (aux autres, aumonde,aux changements), l’auto-détermination, la confiance en soila capacité à établir des conne-xions avec son environnement, laprise en compte des dimensionsglobales et desdimensions localesledésir d’expérimentation, legoûtd’entreprendre, l’importance ac-cordée aux connaissances, la placede l’homme dans la société…

Cette posture des Françaiscontraste avec le paysage institu-tionnel sur bien des sujets enretard par rapport à la popula-tion. La place des femmes etcelle des minorités dans la so-ciété en sont deux excellentsexemples. Elle contraste égale-ment avec les critères implicitesqui président le plus souvent àl’appréciation du dynamismedes nations : le goût du risquel’esprit de compétition, le sacri-fice de soi, le libéralisme sanscontrainte… Critères hérités dupassé et sans doute en partiedépassés.

PATRICK DEGRAVEdirecteur général adjointde Sociovision Cofremca

Le nombre de Français qui ressentent un sentiment de déclin… décline. Ils ne sont plus que 40 % à « craindre que laFrance s’efface progressivement, que sa culture disparaisse, que sa puissance s’affaiblisse », contre 55 % en 1991.

Chine*49%

Corée du Sud61%

Allemagne55%

États-Unis57%

Argentine*69%

Brésil*59%

Inde*61%

Italie35%

Suède35%

Royaume-Uni34%

Espagne27%

Japon28%

% de réponsesoui à la question« Etes-vousde ceux quipourraientcréer uneentrepriseou monterleur propreaffaire ? »

% de réponses oui à la question « Considéreriez-vous comme plus important de développerla performance et la croissance économiques que de rendre les villes et la campagneplus agréables à vivre ? »

% de réponsesoui à la question« Pensez-vousque la présenced'étrangersappartenant àd'autres culturesest une chancepour l'avenirde la France ? »

50%60%

35%38%

France44%

Les Français ont l'esprit développement durable

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passement de soi ». P. DE G.

Le mouvement par l’entreprise’univers des grandes entre-L prises est souvent décrit

comme compassé. Pourtant, ellesréinventent elles aussi leurs mo-dèles.Sur leplan économique biensûr, mais aussi sociétal. La preuvepar cinq.

Plus de diversité : la SNCF3. Un jeune ou une personne issuede l’immigration a trois fois moinsde chances d’être embauché surCV qu’un trentenaire blanc.Quand on est à la fois jeune et issudel’immigration, commec’estsou-vent le cas dans les quartiers diffi-ciles, l’obstacle peut semblerinsur-montable. Palme de l’initiative, lesentreprises publiques Gaz deFrance et SNCF. La compagnieferroviaire a recruté en 2006 enbanlieue 350 jeunes sur les 4.000qui se sont bousculés aux cam-pagnes d’embauche dans les quar-tiers populaires. Avec un argu-

ment choc : « Nous voulons desemployés qui ressemblent à nosclients. »

Plus de femmes : Alcatel2068. Si le rythme actuel se main-tient, c’est à cette date seulementque les conseils d’administrationdes grandes entreprises mondialescomporteront autant d’hommesque de femmes. La France dans celot fait mieux que le Japon oul’Italie, avec 8 % de femmes, maisbeaucoup moins bien que lesEtats-Unis, le Royaume-Uni oules Pays-Bas. Quant au taux defemmes parmi les cadres diri-geants, il atteint 21 % en France,presque le même score que lesEtats-Unis, loinderrièreles Philip-pines, les seuls à avoir atteint leseuil fatidique des 50 %. L’arrivéede Patricia Russo, la patronned’Alcatel-Lucent, comme pre-mière PDG femme d’une entre-

prise du CAC 40, a changé ladonne : son comité exécutif com-porte quatre femmes et cinqhommes. PSA, de son côté, est leseulgroupeduCAC 40àavoirunefemme à la tête de ses finances.

Plus d’étrangersdirigeants : Carrefour

4. Quatre entreprises du CAC 40sont dirigées par un non-Français.Deuxà la suited’une fusion-acqui-sition, ArcelorMittal, dirigé parLakshmi Mittal, et Alcatel,conduit par Patricia Russo. Uneparce qu’elle est franco-italienne,STMicroelectronics, pilotée parCarlo Bozzoti. Au-delà de ces casparticuliers,unesociété françaiseavu un étranger arriver à sa têteuniquement parce que le conseild’administration a estimé qu’ilétait le mieux placé pour ce poste :Carrefour. L’espagnol José LuisDuran a pris les commandes en

2005 après avoir gravi tous leséchelons.

Plus de championsmondiaux : Vallourec

1er. L’entreprise, leader mondialdu tube sans soudure, a été éluecette année par les consultants duBoston Consulting Group, parmi5.000 candidats, comme la sociétéau monde qui a créé le plus devaleur pour ses actionnaires surcinq ans, avec un rendement de90 % par an. Personne ne ditmieux ! Autre nouvel arrivé dansl’indice CAC 40, Essilor, leadermondial du verre correcteur, estaussi l’un des champions françaisquia connu la plus fortecroissancecesdernièresannées.Lamoitiédesquarante premières entreprises deFrance peut prétendre à un pre-mier rang mondial dans au moinsl’une de ses activités. Derrière, dejeunes et moins jeunes champions

fréquentent aussi la premièremarche du podium sur leur cré-neau : Soitec, Maped, DaregalNexans, Roquette, Zodiac, JCDe-caux, Eurofins, Bel, Bongrain…

Plus de privatisation : EDF45 %. C’est la hausse de la valeurdu portefeuille boursier de l’Etatsur la seule année 2007, avec desvedettes comme EDF, devenu lapremière capitalisation françaiseMercila Bourse ! Car,enréalité, lapuissance publique poursuit sondésengagement, notamment enpoursuivant son désengagementde France Télécom. En 2006, ladécrue avait été très importanteavec la cession de trois sociétésd’autorouteset de 21 %d’AlstomEn dix ans, le nombre d’entre-prises contrôlées majoritairementpar l’Etat estpassédeplus de 2.600à moins de 1.200.

PHILIPPE ESCANDE

Une autreformed’invention :la tradition desexplorateurs-aventuriers

a seule chose promiseL d’avance à l’échec, c’est cellequ’on ne tente pas », aimait à répé-ter Paul-Emile Victor. Sans lui, in’y aurait sans doute pas eu d’ex-péditions françaises dans les ré-gions polaires ni de base antarc-tique Dumont d’Urville en TerreAdélie. A lui seul, ce précurseurde l’écologie, né à Genève en1907, incarne bien cette traditionfrançaise d’explorateurs-aventu-riers dont les Charcot, LessepsBesançon et Hermite… font fi-gure d’éminents pionniers. Despionniers qui ont beaucoup d’hé-ritiers. Deux exemples parmbeaucoup d’autres : en pleine an-née polaire internationale(2007-2008), cinquante ans aprèsla dernière du genre, l’expéditionTara Arctic, qui doit terminer sadérive sur la banquise en dé-cembre, et la prochaine missionTotal Pole Airship, pilotée par lemédecin-explorateur Jean-LouisEtienne, montrent bien que cettetradition reste vivace.

« Notre but avec le programmeTara Expéditions,quiexistedepuistrois ans, c’est de sensibiliser lesgens sur les dangers qui guettent laplanète », explique Etienne Bour-gois, directeur-général d’Agnès Bet directeur de l’expédition Tarasoutenue par le programme derecherche européen DamoclèsInitialement construite à l’initia-tive de Jean-Louis Etienne, lagoélette polaire sortira de l’océanglacial Arctique avant Noël, avecde 9 à 10 mois d’avance sur lecalendrier prévisionnel. Le recuspectaculaire de la banquise à lafin de l’été 2007, avec plus d’unmillion de kilomètres carrés deglaces de mer qui ont disparu endeux ans, a accéléré sa dérivetranspolaire. A ce rythme, lesscientifiques estiment que la ban-quise d’été pourrait disparaître en2030-2040. Le « vaisseau spatial »de Damoclès doit servir à mieuxcomprendre ce « cycle de fonte ».

Depuis, le nouveau patron del’Institut océanographique deMonaco, Jean-Louis Etienne, oula navigatrice scientifique Ra-phaëla le Gouvello, premièrefemme à traverser l’Atlantique enplanche à voile en 2000, jusqu’àune autre navigatrice, Maud Fon-tenoy, la liste est longue de cesFrançaises et ces Français qui sontprêts à défendre ces valeurs de« courage, d’obstination et de dé-

Jean-Louis Etienne.

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4 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

01 Netvibes ou la liberté donnée à l’internaute créateurécembre 2005. A la fin d’uneD journée organisée à Parisau-

tour du phénomène naissant desblogs Internet, Martin Varsavskyconvieunequinzainedepersonnesà prendre un verre chez lui. Parmiles invités à venir dans l’apparte-ment du richissime entrepreneurdes technologies de l’information,place des Vosges, Tariq Krim,trente-trois ans.« Lors de cette soi-rée, il s’est mis devant l’ordinateurpour me montrer son site,Netvibes,lancé depuis trois mois, se souvientMartin Varsavsky. J’en suis tout desuite tombé amoureux. Je suis unromantique, qui investit dans desproduitsqu’il aimeutiliser. »Lesitepropose aux internautes de per-sonnaliser une page avec des blocsde texte quel’utilisateurpeutorga-niseràsaguise.Cesdifférentsblocsaccueillent des flux d’informationen provenance de tous les jour-naux du Net, des blogs et mêmedes services (messagerie Internet,service de météo, bloc notes, etc.).

Résultat : l’info vient à l’inter-

naute qui n’a plus besoin de navi-guer d’un site à l’autre pour latrouver et peut la hiérarchisercomme bon lui semble. « Aprèsavoir écrit des articles sur des start-up américaines, j’ai décidé d’agir etde créer ma propre société », ex-plique Tariq Krim, ancien corres-pondant à San Francisco pour lequotidien économique « La Tri-

bune ». En août 1999, il ouvre lesite musical MPTrois, en pleinerévolution numérique. Echec. « Ila beaucoup appris de ce faux pas »,explique un ami. Le projet devientun site d’information grand public.« A l’origine, Netvibes est né d’unbesoin,sesouvientTariqKrim.Surce site, je voulais suivre la rédactionde quinze blogsen même temps sur

une seule page. » De là naît l’idéede rassembler tous les blogs en unseul endroit. Très rapidement, leservice est proposé à des proches.« Tariq m’a fait tester le site,que j’aitrouvé formidable, se souvient unami, Jean-Baptiste Soufron. Enquelques jours,Netvibesétait utilisépar plus de10.000 internautes ».Enseptembre 2005, le site est ouvert.

Deux ans plus tard, pas moins de10 millions d’internautes se sontemparés du phénomène ! Googlea même décidé de lancer iGooglepour contrer la start-up française.

Un bureau à San FranciscoDes entrepreneurs de l’Internettentent de joindre Tariq Krim paremail pour investir dans la société.Finalement, le fonds suisse IndexVentures et des grands noms del’Internet, dont Marc Andreessen(Netscape), Martin Varsavski(Jazztel, Fon) et Pierre Chappaz(Kelkoo) s’invitent au capital. Enaoût2006,Netvibeslève12millionsd’euros. La société ouvre un bu-reau à San Francisco et s’installedans le Sentier, à Paris. « Son idéen’a jamais été de devenir riche pours’acheter une belle voiture ou unesuperbe villa, estime Freddy Mini,directeur de Netvibes. Tariq faitpartie des rares personnes à vouloirchanger le monde. »

Fils d’un professeur d’économieet d’une mère prof d’éducation

physique, Tariq Krim veut avanttout proposer le meilleur produitpossible aux internautes. L’argentviendra ensuite, via les revenuspublicitaires issus de petites appli-cations utilitaires intégrées dans lapage personnalisée des inter-nautes. Aujourd’hui, le jeune en-trepreneur,« très mal organisé » desonpropre aveu,court lemonde deSalons professionnels en événe-ments clients. Comme le dit Lau-rent Binard, un entrepreneur del’Internet avec Wikio, « il est de-venu le super-VRP de la société »Le plus souvent entre Paris et SanFrancisco...

EMMANUEL PAQUETTE

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 2/5Avec Internet, une bonne idéeest d’emblée mondiale. Ce quiélargit la clientèle… et lessources de financement.

Google a décidé de lancer iGoogle pour contrer la start-up française, qui a ouvert son site en septembre 2005.

DR

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02 La Logan, une voiture mondialefaite à l’économie

utour de450.000exemplairesA vendus cette année et proba-blement 1 million en 2010… LaLogan, voiture spartiate et écono-mique conçue pour les pays émer-gents mais qui a également trouvésa place sur les routes françaises,railléeparsesconcurrentsaudébut,est désormais prise très au sérieux.Au point que Toyota seraiten trainde préparer une voiture exacte-ment aux mêmes dimensions pour2009-2010… « Le succès de la Lo-gan est basé sur le fait que Renault aosé », résume le PDG du construc-teur, Carlos Ghosn, qui n’en finitpasd’ajouter descapacités de parlemonde pour ce programme provi-dentiel (Maroc, Russie, Brésil…).

Pour être exact, le vrai géniteurde lavoiture n’estpasRenault maisson ancien patron, Louis Schweit-zer. Lorsqu’il a lancé devant sescadres l’idée de faire une voiture à

bas coûts, il a « fait un four », sesouvient-il. C’est lors d’un voyageen Russie, en 1997, que l’idée seprécise : concevoir unevoiture ven-due au prix d’une Lada (6.000 dol-lars), mais dotée d’une technologiefiable et moderne. Avec deux élé-ments décisifs pour serrer les prix,reprendre des composants et desmoteurs déjà validés pour d’autresmodèles comme l’ancienne Clio etréduire de manière drastique lenombre total de pièces (trois foismoins qu’une voiture tradition-nelle). Résultat, la voiture est à lafois plus grande qu’une Clio etbeaucoup plus légère, modérant saconsommation.

Face à des ingénieurs moyenne-ment intéressés car adeptes du« toujours plus », le PDG de Re-nault est passé en force en faisantlargement « fuiter » son projet àl’extérieur. « Pendant les années de

miseau point, toutes lesétudes mon-traient évidemment que c’était idiotet que nous allions perdre de l’ar-gent. Comme j’avais le privilège, entant que président, de pouvoir m’as-seoir sur les études économiques, jeme suis assis dessus. Et aujourd’hui,cette voiture gagne de l’argent », ré-sume-t-il avec ironie (« MesannéesRenault », Gallimard, 2007).

Une véritable gammeAutre manière de dérouler irrévo-cablement son plan : le rachat duroumain Dacia, en 1999. Avec sesratios de productivité déplorableset sa main-d’œuvre peu formée,personne d’autre n’aurait voulu dupetit constructeur des Carpates.Mais Louis Schweitzer avait sonidée : sans usine dans un pays à trèsbas coûts salariaux, la Logan n’au-rait jamais vu le jour. Si l’équiped’ingénieurs ayant élaboré la voi-

ture était française, les ouvriers deDouaioudeFlinsneverront jamaispasser ce modèle.

Le lancement de cette voitured’un nouveau type, en 2004, futdélicat à piloter, mais s’est bienpassé. Du coup, depuis son arrivée,Carlos Ghosn a mis les bouchéesdoubles pour faire de la rustiqueberline une véritable gamme, avecdes breaks, pick-ups, 4 × 4, etc. Aufinal, lafamille Logancompterapasmoins de 9 ou 10 variantes à l’hori-zon de 2012. DENIS FAINSILBER

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Le « low cost » n’est pas réservéau consommateur à faible pou-voir d’achat et aux marchésémergents.

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04 Thuasne, une PME familialequi résiste dans le textile

lleaétéfondéeen1847etresteE à la pointe de l’innovation. ASaint-Etienne, la société Thuasne asu opérer une profonde mutationpourrésisterdansledifficilesecteurdu textile. Avec 900 salariés pourprès de 100 millions d’euros dechiffre d’affaires, elle est devenuel’un des leaders de la fabricationd’orthèsesetdeproduitsdeconten-tion. Au départ, l’entreprise fami-liale a débuté dans le négoce derubans,avantdefabriquerdestissusélastiques pour la lingerie et lesbretelles. Aujourd’hui connue sur-tout pour ses ceintures lombaires,elle conçoit des produits finis àhaute valeur ajoutée sous marque,

avec un cahier des charges trèsprécis. « Le virage a été initié defaçon intelligente par mon grand-père après la Seconde Guerre mon-diale, indique Elizabeth Ducottet,aux commandes du groupe. Lesgénérations suivantes ont poursuivison travail. »

La crise textile a obligé l’entre-prise à bouger,notamment ens’im-plantant à l’étranger, où elle pos-sède16filialesetréalise40 %desonactivité. « Il faut se réadapter tout letemps, se remettre en question, ex-plique la dirigeante. Tout décalageserait mortel. »

L’innovation est la clef de cetteréussite, avec la volonté de ne

vendre que des produits dont l’effi-cacité thérapeutique peut êtreprouvée. D’où un important travailde recherche, auquel la sociétéconsacre 5 % de son chiffre d’af-faires et qui donne lieu au dépôt debrevets chaque année. La créationde nouvelles gammes s’appuie surlesrelationsétroitesnouéesaveclesprofessions médicales, les cher-cheurs, les patients et les sportifs− Thuasne s’est diversifié il y a cinqans dans les sous-vêtements desport − afin de mettre au point desproduitscorrespondantàleursréelsbesoins. L’esthétique dans le choixdescouleursouletouchersontaussidevenus des arguments pour

vendre,ycompris lesbasdeconten-tion. Les femmes ne veulent plusseulement du beige, mais du sableou du caramel. Même dans le do-maine dela santé, il fautjouersurlaséduction. D. CH

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 3/5Parmi les toutes premières fi-lières à travailler à l’échelle duglobe,le textile,poursurvivreauchoc de la mondialisation, doitmiserd’abordsurla créativité, larecherche et la réactivité.

Les entreprises au cœur du changementt les entreprises ? Elles aussi,E elles bougent, elles innovent,

elles se réinventent ! En France, lemouvement est sans doute plusdifficile et plus lentqu’ailleurs. Lo-gique dans un pays où l’Etat estaussi présent, où l’esprit du capita-lisme a eu du mal à souffler, où lespesanteurs restent très fortes.

Globalement, la situation de-meure d’ailleurs préoccupante.Lesentreprises tricoloresprofitentmoins que d’autres de lamondiali-sation et de l’explosion du com-merce international. Leurs expor-tations ne suivent plus lecommerce mondial depuis 2001.La désindustrialisation seconfirme de semaine en semaine,

au fil des fermetures de sites et desplans de licenciements. Quant auxprofits, si ceux des poids lourds dela Bourses’envolent, lesmargesdel’immense majorité des autres en-treprises ont plutôt eu tendance àbaisser ces dernières années. Pasde quoi les inciterà accentuerleursefforts de recherche ou à investir.

Et pourtant… Malgré cecontexte difficile − ou parfois àcausedelui,parcequec’estlaseulesolution pour survivre −, certainessociétés tirent leur épingle du jeu.Les exemples rassemblés ici ensont la preuve. On y trouve biensûr une poignée de plus ou moins« jeunes pousses ». Des entrepre-neurs qui ont eu la bonne idée,

flairé lecréneauporteur,ontréussià concrétiser leur projet et surtoutà le faire grandir. C’est le cas,typique, de Tariq Krim, un ancienjournaliste de trente-trois ans. Sonidée ? Rassembler sur une mêmepage Web des informations ve-nues dedix ou vingt blogset autressources. Son site n’a ouvert qu’enseptembre 2005.Maisaujourd’hui,il est déjà utilisé par 10 millionsd’internautes,etGooglealancé unsystèmeconcurrent pour tenter decopier ce succès bleu-blanc-rouge !

Dailymotion et Free ont un peusuivi le même genre de parcours.Innate Pharma aussi. Cette start-up marseillaise, qui a trouvé de

nouveauxmodes d’action pour sti-muler le système immunitaire, estreprésentative d’une nouvelle va-gue d’expériences tricolores dansles biotechnologies, un secteur oùla France avait connu une série dedéboires.

Mais ce qui est frappant, c’estque des entreprises centenairescomme Thuasne se réinvententaussi. De même que des poidslourds comme Alstom et AirFrance.Deuxmastodontesquiontbien failli disparaître etquela crisea obligé à tout bousculer, avec lesoutien de l’Etat, qui, pour unefois, a plutôt bien joué son rôled’actionnaire. Renault aussi aconnu et connaît bien des difficul-

tés. Si le groupe tient le choc, c’estlargement grâce à la Logan, cettevoituredupauvrequeleprécédentPDG, Louis Schweitzer, a eu tantde mal à imposer à ses ingénieursférus de véhicules toujours plushigh-tech.Aujourd’hui, elle fait untabac. Un changement de modèleéconomique voisin de celui qu’ex-périmenteEssilorenInde,avecseslunettes à 5 dollars.

Les uns innovent. D’autres telsque Bénéteau jouent la carte duluxe. D’autres encore reviennentau contraire à des produits ba-siques, mais adaptés aux besoinsde la masse des clients… Les voiesdu succès sont décidément mul-tiples ! DENIS COSNARD

03 L’Adam, un levierde bonne gouvernance

ien de tel qu’une pasionariaR pour faire avancer la démo-cratie. Toujours prête à mobiliserles médias et à arpenter les pré-toires, Colette Neuville se bat de-puis plus de quinze ans pour impo-ser les principes de la « bonnegouvernance » dans les sociétés co-tées. L’histoire de son association,l’Adam (Association de défensedes actionnaires minoritaires), dé-bute par un combat digne de Davidcontre Goliath. Fin 1991, la toutejeune association se saisit du rachatduPrintempspar legroupePinault.Elle dénonce la manœuvre de l’in-dustriel : faisant mettre « au por-teur »leblocd’actionsqu’ilachèteàla famille Maus, il annule ainsi lesdroitsdevotedoublesqu’ellescom-portent etéchappe àl’obligationdefaire une offre sur la totalité ducapital. Les petits porteurs crient àla manipulation. L’Adam est dé-boutée en justice. L’affaire a pour-tant mis en évidence l’inégalité detraitemententreactionnairesmajo-ritaires,quiprofitentdel’opération,et minoritaires, qui ne bénéficientpastousduprixd’OPA.C’estcequipousse le ministre des Finances,Pierre Bérégovoy,à imposer,début1992, l’offre sur 100 % du capitaldès franchissement du seuil de33 %. La dénonciation d’un casparticulier a servi de catalyseur à laréforme du cadre légal.

Contre-pouvoirLa conviction de Colette Neuvilleest faite :avec lesprivatisations et lepoids croissant des minoritaires,l’actionnaire a désormais un rôle àjouer dans le bon fonctionnementdes entreprises. En économiecommeenpolitique,souligne-t-elle,« le traitement fait aux minoritairesest un bon indicateur du degré dedémocratie et de la légitimité du sys-tème ». Elle érige donc son associa-tionencontre-pouvoir.D’affaire enaffaire, elle construit sa crédibilité

auprès des investisseurs et des pa-trons pour se donner les moyensd’influer sur le comportement dessociétés ciblées et sur l’évolution ducadre institutionnel. Un autre brasdeferperdufaceà FrançoisPinaultlors de l’absorption de La Redoutepar son groupe en 1994, sera àl’origine d’une nouvelle règle obli-geant l’acquéreur à faire une offrede sortie aux minoritaires en cas defusion. En 1998, une bataille contreJean-MarieMessier,alorspatrondela GénéraledesEaux et actionnaireprincipal − mais non majoritaire −d’Havas, mettraen évidence le pro-blème du contrôle par un concertd’actionnaires. Une notion intro-duite dans le droit par la loi de 2001sur les nouvelles régulations écono-miques, qui trouvera application en2005, à la suite d’une plainte del’Adam contre Carrefour.

Membre du Forum européen decorporate governance, ColetteNeuville participe à la réflexionconfiée à cette instance par Bru-xelles. Car c’est de plus en plus auniveau européen que sont fixées lesrègles du jeu. Les problèmes queposent la montée en puissance desfonds souverains et la dictature ducourt terme ne sont pas, à ses yeuxuneraisonpourrenonceràl’idéaldela démocratie actionnariale. La so-lution serait, selon elle, à chercherdu côté d’une nouvelle gouver-nance, non seulement des sociétésmais du marché lui-même. La« market governance », de nou-veaux combats en perspective.

BENJAMIN JULLIEN

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5Les discours sur l’actionnariatpopulaire se heurtent trop sou-ventencoreaupeudecasfaitdesactionnaires minoritaires.

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- 5Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

05 Air France, de la quasi-failliteau premier rang planétaire

ix années auront suffi à AirD France pour passer de la si-tuation d’une entreprise publiqueen faillite à celle de numéro unmondial du transport aérien. Unemétamorphose inimaginable pourune entreprise qui semblait cumu-ler tous les handicaps : statut héritédu monopole, endettement massif,outil industriel vieillissant,manage-mentadministratifetpersonnelpeuproductif, divisé par de puissantscorporatismes et démobilisé pardes plans d’économies à répétition.Autant d’ingrédients qui aboutis-sent en octobre 1993 à un conflitsocial sans précédent.

Mais c’est de ce chaos que vontsurgir les bases de la refondation,menéeendeuxtempsparsesPDG,Christian Blanc et Jean-Cyril Spi-netta. Avec, pour commencer, unerecette française, associant le sou-tien de l’Etat via un chèque de20milliardsdefrancsetunnouveaucontrat social avec les salariés. En

échangedu maintiendel’emploi, lepersonnel consent des efforts pourassurer le retour à l’équilibre finan-cier en 1996. On est loin de laméthodechoisiedixansauparavantparMargaretThatcherpourBritishAirways, privatisée et restructuréeà la hache.

« Croissance rentable »Pour Christian Blanc, l’étape sui-vante est la privatisation, sans quoila compagnie nepourranouer d’al-liance stratégique. Mais, en 1999, lenouveau ministre communiste desTransports, Jean-Claude Gayssot,s’y oppose. Trois mois plus tard,Christian Blanc démissionne.

Comme en 1993, la crise préparela phase suivante, avec l’arrivée deJean-Cyril Spinetta. Le nouveauPDG veut faire d’Air France une« major ». Ilcopie lesautres,avec lacréation, en 1999, de l’alliance Sky-team. Mais, plutôt que de taillerdans les coûts comme ses concur-

rents, Air France augmente sonoffre à effectif constant en espérantaugmenter la productivité par têtesanslicencier.C’est lastratégiedela« croissance rentable », qui s’ap-puie sur le potentiel de RoissyCDG.

Mais le coup de maître de Jean-Cyril Spinetta est le mariage avecKLM.En 2003, le nouvel ensembledevient le numéro un mondial dutransport aérien en chiffre d’af-faires, avec un « double hub » quipermet d’offrir beaucoup plus decorrespondances que ses concur-rents. Pour contourner l’obstacledes deux nationalités, Jean-CyrilSpinetta et son complice Pierre-Henri Gourgeon s’inspirent del’exemple de Renault-Nissan. Lesdeux compagnies se marient sansfusionner. Simple en apparence, cemode de fonctionnement supposeuneparfaiteadhésion desdeux par-ties et de leurs salariés, aucunecoopération ne pouvant fonction-

ner sous la contrainte. Le dialoguesocial instauré par Christian Blancet développé par son successeurs’avérera déterminant pourconvaincre les personnels d’AirFrance de l’intérêt de dépenser8 milliards d’euros pour KLM sansen prendre formellement lecontrôle. D’autant que le mariagesupposait également la poursuitede la privatisation et donc un chan-gement de statut. Air France seraainsi la première grande entrepriseà passer d’un statut public à unstatut privé, en 2006, sans faire lamoindre vague. BRUNO TRÉVIDIC

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5Unemeilleure pratique du dia-logue en interne permet ausside réussir à bien collaboreravec de nouveaux alliés.

09 JCDecaux, premier vélibataire

Vingt-deux kilos, trois vitesses antidéraillement, un panier à l’avant et un guidon quidessine un joli V : le Vélib’ est la star de l’année parisienne. En moins de quatre mois, plus de150.000 citadins qui ont adopté ce mode de transport révolutionnaire, bien dans l’air du temps, àmi-chemin entre l’individuel et le collectif. Il ne fallait plus qu’une grève des transports pourparachever lesuccès.Celui-citientà troiséléments :sonprixmodique,safacilitéd’utilisationetsonomniprésence.Ilyauraàterme6foisplusdestationsdevélosquedemétro.Untrès jolicouppourlaMairie de Paris. Et une belle réussite pour JCDecaux, l’opérateur, qui consolide son implantation àParis et devrait y doubler son chiffre d’affaires publicitaire au moment où les édiles de la capitaleentendentréduirelessurfacesd’affichage.Ungagnant-gagnantmiraculeux,quidevraitseretrouverdans la conquête de nouveaux marchés en France et à l’étranger. En fait, pas de miracle, mais lapoursuitedelastratégiedeJCDecauxquipropose,depuis1964,auxmunicipalitésdeconstruiredeséquipements publics en échange d’espaces publicitaires qu’il se charge de commercialiser. Latactiquead’abordfinancédesAbribus,puisdespanneauxdesignalisation,desSanisettes,etc.Maisl’ingrédient qui a fait la différence, c’est la concurrence. La compétition a été si intense avecl’américain Clear Channelque l’on est passé de 3.000vélosà20.000.Le vraimiracle c’est celui-là, lamultiplication des petits vélos par la grâce des dieux de la pub et de la concurrence. PH. E.

06 Cellectis,l’intuition dechercheurs-entrepeneurs

e prix Nobel de médecine aL étédécerné cetteannée àMa-rio Capecchi,Martin Evans et Oli-ver Smithies pour leurs travauxsur les cellules souches embryon-nairesdesourisgrâce àlarecombi-naison homologue, un processusbiologique qui se traduit parl’échange de fragments d’ADNdélimités par des séquences iden-tiques. Ce qu’on sait moins, c’estque l’Institut Pasteur détient lesbrevets couvrant cette technolo-gie et qu’il en a cédé la licenceexclusive à sa « spin off », la so-ciété Cellectis.

Tout le talent des fondateurs deCellectis, André Choulika, DavidSourdive et Arnaud Perrin, estd’avoir pressenti le potentiel de cemécanisme biologique en matièrede « chirurgie ».Danslanature,eneffet, la cassure de l’ADN et saréparation par recombinaison ho-mologue interviennent avec unefréquence trop faible pour qu’onpuissel’utiliseràdesfins thérapeu-tiques ou pour obtenir des ani-maux, des micro-organismes oudes plantes génétiquement modi-fiés.D’où l’idéede mettre au pointdes enzymes agissant comme desciseaux moléculaires, qui accrois-sent la fréquence de la cassure del’ADN à un endroit choisi et sonprocessus de réparation par re-combinaison homologue.

Cellectis met donc au point etcommercialise ses enzymes au-près de clients comme les sociétésdéveloppant desanimaux transgé-niques, les grands groupes semen-ciers ou les entreprises qui font dela bioproduction (en utilisant desmicroorganismes). En santé hu-maine, les programmes sontmoins avancés. Ils visent pourl’instant à accroître la précision etdonc l’efficacité d’approches dethérapie génique. Cellectis colla-bore notamment avec le profes-seur Alain Fischer pour améliorerle traitement des « bébés bulle ».

La société qui s’est financéedepuis sa création en 2000 en le-vant 17 millions d’euros auprès ducapital-risque et une vingtaine demillions en entrant sur Alternextdébut 2007, a généré en 20061,2 million d’euros de revenusmais n’est pas encore bénéficiaire.Une situation banale pour les so-ciétés de biotechnologie à longuematuration. CATHERINE DUCRUET

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 3/5Les percées dans les nouvellestechnologies dépendent de laqualité du pont établi avec larecherche fondamentale.

07 Ubisoft, exportateur dela « french touch » au Québec

MEdes jeux vidéoily a encoreP dix ans, l’éditeur français Ubi-soft devrait atteindre le milliardd’eurosde chiffred’affairesà l’hori-zon2010.Unniveauquienferal’undes leaders mondiaux du jeu vidéo,au même titre que lesgéants améri-cains Electronic Arts, THQ ou Ac-tivision. Une telle performance n’aété possible qu’en appliquant trèstôt une stratégie alternative à cellede ses concurrents.

Ne disposant pas de la mêmeforce de frappe financière que lesgrands éditeurs américains, l’entre-prise présidée par Yves Guillemotest allée chercher au Québec lesmoyens de son développement.En1997,contactestprisaveclesautori-tés de la Belle Province. Celles-cicherchent à l’époque un moyend’endiguerunforttauxdechômagechez les jeunes, aux alentours de20 %. Elles décident de miser àfond sur l’industrie des jeux vidéo.Un accord est trouvé : le gouverne-ment provincial paie 50 % des sa-laires,etUbisofts’engageàrecruter

500, puis 800, puis 1.000 salariés…Résultat, Ubisoft compte aujour-d’hui 1.800 salariés au Québec, soitla moitié de ses effectifs ! Le studiode Montréal,qui emploie essentiel-lement des développeurs de jeux,est aujourd’huile plus importantdela société. Et les jeux phares d’Ubi-soft comme « Assassin Creed » oula série « Tom Clancy Ghost Re-con » sont produits là-bas.

Un centre de formationL’implantation d’Ubisoft a d’ail-leurs fait de la ville de Montréal lanouvelle capitale mondiale du jeuvidéo : d’autres grands éditeursmondiaux sont arrivés dans le sil-lage du « frenchy », comme Elec-tronic Arts, SCi-Eidos ou Activi-sion. Ce sont aujourd’hui plusieursmilliersde personnesquitravaillentdans la filière, notamment sur leseffets spéciaux. Ubisoft a mêmecréé un centre de formation quiirrigue toute la profession. Plus im-portant employeur privé de la villede Montréal, l’éditeur français se

targue d’y être plus connu queCoca-Cola.Un nouvel accord a étésigné en début d’année avec lesautorités localespourla créationde500 emplois supplémentaires...

Et cette « success story » franco-canadienne au pays des jeux vidéone s’arrête pas là. UbiSoft compteimplanter un nouveau studio spé-cialisé dans la production de filmsd’animationàMontréal.Alaclef, lacréation de 500 emplois dans cettefilière, et, à terme, la production delongs-métrages. D’ici à un an, Ubi-soft, qui a toujours son QG à Mon-treuil,dans le « 9-3 », devrait comp-ter près de 3.000 salariés de l’autrecôté de l’Atlantique… G. P.

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5L’espace de la francophonie,base privilégiée de conquêtespour les savoir-faire industrielsfrançais.

08 Bénéteau, un leader mondialtoujours ancré en Vendée

nnovation, créativité, remise àI plat des process de fabrication,Groupe Bénéteau, leader mondialdelavoile de plaisance,vità l’heuredu challenge permanent. Cette en-treprise familiale vendéenne, fon-dée en 1884 et encore possession à55 %deshéritiers, a su déceler,dès1964, le potentieldupolyesterpourfabriquer des voiliers de plaisance.Pour un fabricant de bateaux depêche, c’était un vrai défi. En pre-nant, en 1995, le contrôle de sonconcurrent Jeanneau, l’entreprisede Saint-Gilles-Croix-de-Vie adoublé de taille sans perdre sonaiguillon concurrentiel. Une an-née,Jeanneausort5nouveaux mo-dèles, la saison suivante, Bénéteauen lance 6... L’outil de productionet le réseau de distribution Jean-

neau ont été préservés et valorisés,assurant encore aujourd’hui auxclients attachés à cette marque unlien privilégié. « Chaque entité dé-fend son pavillon, chacun continuede vouloir faire la régate en tête etc’est très stimulant pour les deuxmarques », constate Bruno Cathe-linais, président de Groupe Béné-teau.

Désormais, tous les nouveauxmodèles sont dessinés en trois di-mensions avec le logiciel Catia deDassault Systèmes, adapté aux be-soins des deux constructeurs debateaux. Un gain de temps et unesouplesse de travail grâce auxquelsGroupe Bénéteau a pris des lon-gueurs d’avance sur ses concur-rents. D’autant que les moules detoutes les pièces complexes sont

construits par des robots d’usinagetravaillant nuit et jour. Cet outil estla pièce maîtresse du programme« Génération 2012 » qui symboliselamodernitéduvendéenetconcré-tiselecredodeladirection :« Notrequête permanente de compétitivitéest à vocation sociale. Sans elle, onnepourra plushonorernos emploisindustriels », conclut Bruno Cathe-linais. PATRICIA-M. COLMANT

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 2/5Un solide ancrage local peutêtreun atout pour maîtriser lesbouleversements incessantsliés à la mondialisation.

INTERVIEWHERVÉ JUVIN PRÉSIDENT D’EUROGROUP INSTITUTE

Les entreprisesne se dissocient plusdu reste de la société

Hervé Juvin, président d’Euro-group Institute, explique aux« Echos » comment les entre-prises françaises s’adaptent à unmonde qui change, tout en culti-vant leurs valeurs tradition-nelles.

L’attitude des entreprises fran-çaises face à l’innovation a-t-ellechangé ?Le génie français demeure tou-jours davantage porté par degrands projets d’infrastructuresque par des innovations bour-geonnantes de type Silicon Val-

ley. En France, le créateur qui développe rapidementune entreprise finit en général par la vendre à un grandgroupe. Les choses fonctionnent ainsi, et cela n’em-pêche pas le pays de compter des leaders mondiauxdans ses rangs, comme Areva, Airbus, Ariane.

Comment les entreprises s’adaptent-elles ?Toutes s’adaptent à un monde en train de changer,mais l’intangible fait d’elles ce qu’elles sont. En cedomaine, les banques coopératives sont exemplaires :elles réactualisent leur discours sur les valeurs mutua-listes traditionnelles et, dans le même temps, ellesmodernisent leur gestion, créent des véhicules cotés,fusionnentleursétablissements régionaux.Onobservele même phénomène dans le secteur automobile etdans tout le milieu industriel.

Et les salariés ?Aujourd’hui, ils se mobilisent sur ce qui fait sens et leurpermet de se projeter à moyen terme. Résultat : ils serendent flexibles et acceptent la prise de risques, dèslors qu’ils se sentent rassurés sur des points essentielscomme leur rémunération ou leurs perspectives decarrière.

Comment alors trouver un juste équilibre entre l’indivi-duel et le collectif ?Depuis quelques années, l’entreprise française multi-plie les groupes transverses, favorise le travail partici-patif et, de fait, bouleverse le fonctionnement pyrami-dal classiquedans le butde provoquer delacréativitéetde la génération d’idées. L’entreprise se redécouvredans sa vocation à produire des cérémonies et descroyances. Aller très loin dans l’individualisation nel’empêche pas deréaffirmer le collectif avecdes rites etdes grand-messes.

Et comment devenir l’ultime lieu structurant ?L’univers professionnel se substitue aux grands corpsintégrateurs qu’ont toujours été les syndicats, les partispolitiques, les Eglises. L’entreprise, cette forme socialequi n’a pas 150 ans, a réussi à intégrer des dizaines demillionsdepersonnesàlavieurbaineetàl’universsalarial.Ilresteaujourd’huiàsavoir jusqu’oùellepeutallerdanslecollectif de vie et dans sa fonction extra-économique.

Surtout quand elle se positionne aussi sur les enjeux desociété…Aggravation du risque pénal du chef d’entreprise, loiRSE, développement durable, non-discrimination… lesentreprisesnesedissocientplusdelasociétécivile.Mieux,nous assistons à un mouvement inverse à celui desprivatisations : la société reprend le contrôle sur lesentreprises,pasparenhautouparl’Etat,maisdemanièretransverse, par porosité. Le temps où les entreprisesdécidaient de ce qui sortait de leurs murs est révolu. Lesblogs de salariés et de clients les placent en permanencesouslesfeuxcroisésdel’opinionetdesmédias.Attaquéesde toutes parts, doivent-elles répondre ou ester en jus-tice ? Je n’ai pas la réponse.

Comment alors réussir partout dans le monde ?Les entreprises françaises savent qu’il leur faut faire ledeuil des grands systèmes de management universels etles troquer contre du sur-mesure. La tâche n’est passimple.La richesse denotre histoire doit leur avoir apprisl’inverse de l’arrogance que sont la modération, l’intelli-gencedeladiversité, lerespectdessingularités.Cesontlesatouts du monde qui vient, et c’est la chance d’uneapproche européenne de l’entreprise mondialisée.

PROPOS RECUEILLIS PAR MURIEL JASOR

Hervé Juvin.

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6 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

10 En Inde, Essilor bâtit un modèle pour les plus pauvreschaque marché sa stratégie.A Après dix ans d’efforts, Essi-

lorest parvenu à mettre sur pied enInde un modèle de vente de lu-nettes adapté aux pauvres. Un sys-tème innovant et rentable, pourbénéficier du potentiel de ce mar-ché où seuls 7 % des habitants sontéquipés de lunettes contre 60 % enEurope,etoùprèsde12millionsdepersonnes sont aveugles faute desoins. « Ce sont nos équipes in-diennes sur le terrain qui sont àl’origine de ce projet, insiste XavierFontanet, le PDG du groupe. Pourréussir, il faut partir des coûts etproposerun produitqui correspondà une vraie demande. »

Pour que les villageois puissents’équiper, Essilor propose des lu-

lages, des marchands ambulantslouaient jusqu’alors des lunettes unquartd’heureparsemainepouruneroupie, le temps pour ses utilisa-teurs de lire un courrier, d’écrireune lettre ou de faire un travaild’aiguille. « Nous avons découvertqu’ilyavaitunmarchéetque,sinousproposions des modèles à 5 dollars,les gens seraient prêts à les payer. »

L’aventure a démarré avec ungroupe hospitalier basé à Madurai,Aravind. Il organisait des tournéespour contrôler la population et dé-tecter la cataracte à l’origine denombreuxproblèmesdecécité.Es-silor lui a proposé de vendre deslunettes dans ses bus. Puis, il y a unan et demi, le groupe français aenvoyésespropresminibusdansles

vaient aller à la ville pour s’équiper,ce qui demandait au moins deuxjours, plus lecoût du bus. En venantàeux,nousavonsconsidérablementbaissé leur coût », note le PDG.Depuis, Essilor travaille avec unsecond groupe hospitalier installé àChennai.

Production localeDeux minibus circulent désormais.Dans l’un, les habitants subissentdes analyses de l’œil, ensuite trans-misesparInternetàunmédecinquiles contrôle. Dans l’autre, verres etmontures sont découpés sur place.Dansunvillage de 2.000 personnes,le groupe vend environ de 100 à120 paires.

« La clef consiste à former des

de les transformer en proto-opti-ciens », poursuit Xavier Fontanet.Etàjouersuruneproductionlocaledans l’une des plus grandes usinesdu groupe, qui alimente aussi lesmarchésfrançais,américainetjapo-nais. Ce sont des gammes an-ciennes. Elles étaient vendues auxEtats-Unis il y a une trentained’an-nées.Lesverressontde« trèsbonnequalité mais épais ». Pour les fabri-quer, Essilor utilise des moulesd’une usine américaine qui a étéfermée.

Quant aux montures, elles sontimportées de Chine. Sinon, lescoûts étaient trop élevés. « C’estcomme cela qu’on construit un sys-tème rentable. Aujourd’hui, nousavonssurtout d’importants volumes

un modèle de développement du-rable, beaucoup plus puissant ques’il était fondé sur la générosité »,souligne Xavier Fontanet.

L’avenir de ce système, Essilor levoit dans l’installation progressivedespetitsopticiensdanslesvillesde10.000 habitants. Après avoir pa-tiemment installé sa marque, legroupe tricolore pourrait alors pro-fiter de tout ce travail de proximitéet du formidable essor de la classemoyenne, qui croît de 15 % par an.Déjà, l’équipe indienne lance denouvelles initiatives : elle visite despetites entreprises de textile, enproposant au patron d’équiper delunettes ses salariés, avec à la clefunehaussede sonprofit.Maiscetteopération n’est qu’un des aspects

cet immense pays, le groupe vendaussi ses verres dela dernièregéné-ration aux classes plus aisées.

Le modèle indien est-il transpo-sableailleurs ?Non,estimelePDGEn Afrique, les villages sont tropéloignés et le pays n’a pas la mêmedensité. Testé dans un autre paysl’expérience a tourné court, car lescamions ont été volés. D. CH

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 3/5Inventer un marketing adaptéaux populations des paysémergents, une compétencedésormais décisive pour nosindustries « matures ».

nettes à… 5 dollars. Dans les vil- villages. « Jusque-là, les gens de- gens qui gagnent 1 euro par jour, et et peudechiffred’affaires,maisc’est du travail d’Essilor en Inde. Dans

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11 Bourbon, un mutant permanentodeste producteur de sucreM à la Réunion en 1979, de-

venu dans les années 1990 unconglomérat présent dans le mari-time et la grande distribution,avant de se recentrer à partir de2001 sur la marine de services…Bourbon, l’actuel leader mondialdes servicesmaritimes aux compa-gnies pétrolières opérant dansl’offshoreprofond,n’enfinitpasderéinventer son modèle. Est-ce dûaufaitqu’avantde prendreen1979− à vingt-huit ans − les rênes de cegroupe familial, Jacques de Cha-teauvieuxétait passé par le BostonConsulting Group (BCG) ?

Aprèsune décennie consacréeàla sucrerie réunionnaise, Jacquesde Chateauvieux se remeten ques-tion en 1989. « L’année avait ététrès mauvaise à cause d’un cyclonequi avait ravagé les champs decanne à sucre, se souvient-il. J’aicherché à diversifier le groupe. » Ala Réunion, il se lance dans lagrande distribution. En dehors del’île, il acquiert, un peu par hasard,l’entreprise maritime marseillaiseChambon.

En 1998, ce qui est devenu unconglomérat, réalisant 1 milliardd’euros de chiffre d’affaires danstrois métiers, entre en Bourse.Pendant deux ans, les investisseursboudent l’entreprise. Avec JeanEstin − un ancien du BCG −,Jacques de Chateauvieux entre-prend alors une réflexion. Il en

résulte la cession de la branchesucre et la décision d’adosser lepôle distribution à un industriel.Ce sera Casino.

Plan bouclé avec un an d’avanceAinsi devenu, dès 2001, un poten-tiel « pure player » des servicesmaritimes, Bourbon mise alors àfond sur l’offshore profond. En-couragé par des succès commer-ciaux remportés auprès du fran-çais Elf, puis de l’américainExxon, le groupe lance un ambi-tieux plan 2003-2007 de 1,2 mil-liard d’euros d’investissements.

Bouclé avec un an d’avance, ceplan a, depuis, été reconduitjusqu’en 2010, avec à la clef laréception d’un bateau neuf tousles… douze jours.

Leplus remarquable,dans l’his-toire de cette mutation, c’est queBourbon n’a jamais lésiné sur lesinvestissements dans les métiersdont il avait pourtant décidé lacession.PourJacquesde Chateau-vieux, toute activité, stratégiqueou à vendre, doit bénéficier de cequi lui est nécessaire pour assurersa croissance. Une attitude qu’ilrésume ainsi : « Ce n’est pas parce

qu’on va bientôt marier sa fille quel’on va cesser de lui payer le den-tiste ! »

CLAUDE BARJONET

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 3/5Savoir se renouveler, c’estaussi oser abandonner d’an-ciennes recettes gagnantes ;élargir son périmétre passeparfois par l’abandon de terri-toires trop éprouvés.

En 1979, Bourbon était un modeste producteur de sucre à la Réunion. Le groupe est aujourd’hui le leadermondial des services maritimes aux compagnies pétrolières opérant dans l’offshore profond.

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13 Innate Pharma, l’autodéveloppemente système immunitaire deL l’être humain serait son meil-

leur alliépour luttercontre la mala-die.Cen’est pas l’effet du hasardauregarddesdécouvertesfaitesparlesscientifiques d’Innate Pharma. Leschercheurs de cette start-up de bio-technologies marseillaise onttrouvédenouveauxmodesd’actionpourstimulercertainespopulationsde cellules de l’immunité innéecontrelespathologies tumoralesouinfectieuses. Pour les transformeren nouveaux médicaments,l’équipefondatrice a mis son destinentre les mains de l’un d’entre eux,Hervé Brailly, qui préside l’entre-prise depuis sacréation en 1999.Cechercheur fondamental, qui avait

pourtant une forte aversion aurisque, a su bousculer ses habitudespour se forger un profil d’entrepre-neur averti.

« Long travail de catalyse »Il a notamment réussi à composeravec les exigences de la dizaine decapital-risqueurs, auxquels s’estjoint le groupe pharmaceutiqueNovo Nordisk, qui ont misé 50 mil-lionsd’eurosdefondsprivésjusqu’àl’introduction en Bourse de la so-ciété. Il y a un an, Hervé Brailly l’aportée à bout de bras pour lever34 millions d’euros supplémen-taires sur Euronext Paris, dans uncontexte alors peu enclin aux va-leurs biotechnologiques.

En France, Innate Pharma in-carne une nouvelle génération desociétés capables de mobiliser assezd’argent privé et public pour finan-cer un modèle de développementtrès gourmand en capital. « Il ya lesracines d’une recherche fondamen-tale forte à l’origine de toutes lesréussites américaines », souligneHervé Brailly. Pour être une réfé-rence de l’immunologie euro-péenne, avant de prendre une en-vergure mondiale, il a falluaccomplir « un long travail de cata-lyseet d’assemblage de compétencesscientifiques, financières, cliniques etréglementaires.Onpeutarriveràunecréation de valeur considérable parrapport à la taille de la société, qui

emploie aujourd’hui 85 salariés. »Avecsix essaiscliniquesen cours enEuropeet auxEtats-Unis, la sociétéattend l’an prochaindesrésultats encancérologie et dans le domaineinfectieux, contre l’hépatite viralede type C. CHANTAL HOUZELLE

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5Dans les activités de pointe, lecapital humain prime sur lecapital, et une multidisciplina-rité des compétences bien or-chestrée peut faciliter la courseaux capitaux,publics ouprivés.

15 Vente-privée.com, le nouveau soldeures étals sur les marchés auxD boutiques éphémères sur la

Toile…C’est leparcourspeu banalde Jacques-Antoine Granjon, lePDG et cofondateur de Vente-pri-v ée .co m . En 1 9 8 5 , av e c20.000 francs en poche, il démarreune activité de grossiste en fins desérie − qui réalise encore près de20 millions d’euros de chiffre d’af-faires − avant de lancer en 2001 unsite marchand, Vente-privée.com,alors même que la bulle Internetéclate.L’entreprise a d’ores et déjàcréé près de 800 emplois et termi-nera l’annéeà environ 370 millionsd’euros de chiffre d’affaires,presque deux fois plus qu’en 2006.« A partir d’un métier très basique

− au début, je prenais l’avion pouraller négocier 100.000 pièces de tex-tile avec une marque de sport, ellenouslivrait,70 personnestriaientlesstocks, et nos vendeurs plaçaient cescolis auprès de distributeurs tradi-tionnels −, nous avons bâti un nou-veau système qui valorise les pro-duits en fin de vie grâce à de latechnologie, du marketing et de lacréativité », explique Jacques-An-toine Granjon.

Magasins virtuelsDésormais, au siège de Vente-pri-vée.com, dont la façade rose bon-bon au bord de l’autoroute A1entre Paris et Roissy ne passe pasinaperçue, des équipes d’informa-

ticiens, de « web designers », dechefs de produit, des musiciens,des photographes, pas moins de60 retoucheurs photo, des logisti-ciensimaginent,créent,mettentaupoint pour les marques des maga-sins virtuels et éphémères pourdeux jours, au nombre de 850 en2007, contre 450 l’année précé-dente. A quoi s’ajoute un nouveaumétier, celui de la vente àdistance,pour assurer une moyenne dequelque 50.000 livraisons par jour.

Malgré 90 sites concurrents au-jourd’hui, Vente-privée.com re-cueille chaque jour près de6.000 nouveaux inscrits, et celasans aucune opération marketing.Fort d’un modèle économique qui

a complètement inversé le besoinen fonds de roulement, la sociétéaouvert un site en Allemagne, avecdéjà 100.000 membres, un en Es-pagne (150.000) et prévoit d’enouvrir en Italie et au Royaume-Uni en 2008. ANTOINE BOUDET

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 5/5Un métier très traditionnelpeut donner naissance à unmétier complètement nou-veau en recombinant ses prin-cipes.

12 Dailymotion,le fonceur du Net

ncroitàtortqueYouTubeestO le pionnier des sites agréga-teurs de vidéos personnelles. Er-reur. C’est le français Dailymotion,monté par Benjamin Bejbaum etOlivier Poitrey, qui a le premierouvert son service en ligne sur unevague qui a déjà atteint des som-mets :YouTube,lancéquelquesse-maines après lui, a été cédé 1,6 mil-liard de dollars à Google.

Créé en mars 2005, le françaispoursuitsatrajectoire aussi vite queses moyens le lui permettent. Ilcompte plus de 37 millions de visi-teurs uniques par mois (sourceXiTi) et a levé 32 millions d’eurospour financer sa croissance. Toutest à faire : régulariser les relationsavec les ayants droit − les inter-nautes ayant la fâcheuse habitudede piocher dans du contenu exis-tant −, développer les capacités dela plate-forme d’hébergement, in-venter de nouveaux formats publi-citaires et agrandir le réseau dedistribution.Ilfaut inventeraussiun« business model » avec un partagedes revenus publicitaires avec lesfournisseurs de contenus. La crois-sance est exponentielle, à peinefreinée par quelques aléas judi-ciaires, qui ont permis de clarifierson statut d’hébergeur et non pasd’auteur, ce qui n’a pas évité lesamendes.

Une vie à mille à l’heure queBenjamin Bejbaum, jeune trente-naire, mène maintenant avec l’ap-pui d’un nouveau président, Mark

Zaleski, nommé après la deuxièmelevée de fonds. Mais le fondateurdont c’est la deuxième sociétéaprèsIguaneStudios,estdéjààtuetà toi avec le gratin des médias et ducinéma. Ses partenaires s’appellentDisney, Viacom, Warner MusicUniversalMusic,et ilvientdesigneravec l’Union syndicale de la pro-duction audiovisuelle, qui repré-sente 80 % des producteurs enFrance. Mais la priorité reste dedécouvrir les « motion makers »ces individus qui génèrent descontenus propres et qui sont suivispar les internautes sur le site.

Dailymotion compte 80 salariésdont 65 en France. La société estimplantée à New York, à Londresà Berlin et a ouvert une filiale enEspagne.Elleest la première plate-forme d’agrégation de vidéos enEurope,ladeuxièmedanslemondederrièreYouTube.Resteà monéti-ser, grâce à sa régie publicitaireinternalisée depuis juillet, toutecette audience. Les premiers spotsdans les vidéos devraient bientôtapparaître. VIRGINIE ROBERT

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Servir de passerelle entre lesgrandes majors de l’entertain-ment et les particuliers inventifs,une piste fertile pour les nou-veaux entrepreneurs du Net.

14 Nutriset, inventeurde produits pour traiterles malnutritions sévèresDE NOTRE CORRESPONDANTAU HAVRE.

’histoire commence au débutL des années 1980. Ingénieurchez Nova, Michel Lescanne prendson indépendance pour se lancerdans la conception de produits àhaute valeur nutritionnelle pour lespopulations du Sud. « Assez vite,nousavonsorienténotreexpertiseendirectiondespopulationsatteintesdemalnutrition sévère. » En 1986, ilfonde Nutriset − dans sa maison àMalaunay, près de Rouen − etprend langue avec les ONG luttantcontre la faim et avec des nutrition-nistes qui connaissent les besoinsdes populations touchées. De ceséchangesnaîtune premièregénéra-tion de laits thérapeutiques enpoudre baptisés « F-75 » et« F-100 », qui contiennent les selsminéraux et les vitamines néces-saires à la croissance d’un enfant.Elle constitue un progrès notablepar rapport aux produits basiquesprovenant des surplus de l’Unioneuropéenne utilisés jusqu’alors.

Distribués à grande échelle, ceslaits présentent toutefois l’inconvé-nient de devoir être mélangés avecde l’eau et distribués dans descentres paramédicaux. Mais en1997, Michel Lescanne et AndréBriend,unchercheurdel’Institutderecherche pour le développement,

trouvent la parade sous la formed’une pâte à base de cacahuète nenécessitant pas d’adjonction d’eauLe « Plumpy nut »(« noix dodue »)a une valeur nutritionnelle compa-rable à celle du lait « F-100 », maispeut être délivré en toute sécuritédans le cadre familial sousforme desachets de 92 g apportant 500 calo-ries. Il connaît vite un grand succèsauprès des ONG et des organismesspécialisés de l’ONU, qui achètentles produits de Nutriset. Grâce àcette innovation brevetée, cette so-ciété de 90 salariés est devenuel’entreprise de référence dans cedomaine avec un chiffre d’affairesqui devrait atteindre 25 millionsd’euros en 2007. Dans l’avenir, soneffort de recherche devrait portersurdesproduitsdestinésàdespopu-lations plus spécifiques comme leconvalescent,lapersonneâgéeoulafemme enceinte. DOMINIQUE AUBIN

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 4/5Une innovation destinée auxpopulations des pays en déve-loppement, si elle rencontre lesuccès, a de bonnes chances detrouver des prolongements surcertainssegmentsdemarchédeséconomies industrialisées.

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16 Free, la révolutionfrançaise du haut débit

Free, c’est une « success-story » à l’américaine commeonenvoittroppeudans l’Hexagone.L’histoiredeXavierNiel qui, après avoir fait fortune dans le Minitel rose, selancedans l’Internet au milieu des années 1990, gratuità l’époque, et arrive à un million d’abonnés fin 2001.Entre-temps, des ingénieurs de génie, tel Rani Assaf, sesont joints à lui. Pendant deux ans, entre 1999 et 2001,cette petite équipe phosphore sur le futur du Web.Voyages aux Etats-Unis, en Asie, rencontres avec Alca-tel ou Sagem... « De la télévision, du téléphone et del’Internet sur le même équipement, vous n’y pensezpas », s’entendent-ils dire. Qu’importe, Xavier Niel estdécidé. Son idée ? Une boîte unique que les abonnésinstallerontdansleursalonpour fairela jonctionentrelatélévision, le téléphone et l’ordinateur. Car, comme le

dit Michaël Boukobza, l’ancien numéro deux d’Iliad (lamaison mère de Free) : « Les gens ne téléphonent passur leurs PC et ne regardent pas la télévision sur leurordinateur. » La Freebox est née. Elle sera low-cost :29,99 euros par mois. Un prix, trois services, presquepas de pub. Le bouche-à-oreille suffira à imposer cetteoffre « triple play ». Les décisions du régulateur defaciliter l’accès au réseau de France Télécom pourl’Internet haut débit feront le reste.C’est là le deuxièmecoup de génie de l’équipe Niel : foncer pour profiter dudégroupage, qui sonne la fin du monopole de l’opéra-teur historique. La banque Goldman Sachs injecte15 millions d’euros pour soutenir l’entreprise. En 2002,c’est parti et on n’arrêtera plus Iliad. Le secret de Free ?« C’est une boîte où la finance ne commande pas lesingénieurs », selonsonfondateur,qui, avecencore 65 %du capital, est un milliardaire « virtuel », comme il aimeà dire.

GUILLAUME DE CALIGNON

- 7Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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18 Alstom, la recetted’une résurrection économique

ela aurait pu être la faillite laC plus retentissante de l’his-toire industrielle française. Quatreans après, le groupe Alstom sym-bolise au contraire l’un de ses re-dressements les plus spectacu-laires. Unerenaissance inattenduequi s’est accompagnée d’une pro-fonde refonte du groupe.

Entre 2002 et 2004, le fabricantde trainsetde centralesélectriquesa vécu au bord du gouffre : suren-detté, sans ressources et peinant àremporter le moindre contrat. Laconséquence d’une conjonction dedifficultés, allant du gel de nom-breux projets de centrales élec-triques dans le monde suite aunaufrage d’Enron à de lourds pro-blèmestechniquessurdesturbines

à gaz reprises à ABB, en passantpar une grave crise de liquidités.Au plus fort de la crise, alors queses fonds propres avoisinent900 millions d’euros, l’entreprisetotalise plusde17milliardsd’eurosd’engagements financiers. Sa si-tuation est intenable. Et pourtant,Alstom va tenir.

Aujourd’hui, le groupe présidéparPatrickKronn’aplusde dettes,croulesouslescommandes,affichedepuis trois ans la deuxième plusforte hausse du CAC 40 et severrait bien participer à la refontede la filière nucléaire française…

C’est qu’entre-temps, le marchédescentralesélectriquesestrepartià toute allure. Mais surtout, Als-tom a changé. De patron, avec

l’arrivée de Patrick Kron, un ma-nager à poigne. Mais aussi d’ac-tionnaires, avec l’intervention del’Etat, qui s’est avérée décisivepour négocier avec les banques etBruxelles les conditions du sauve-tage.

Changement de profilUne fois l’entreprise remise sur lesrails, l’Etat a cédé ses parts à Bouy-gues, en faisant pour une fois unetrèsbonneaffaire.LegéantduBTPpossède aujourd’hui plus de 30 %de son capital, et n’exclut pas, àterme, de renforcer ses positions.

Enfin,Alstomachangédeprofil.Sous la pression, le groupe a dûsupprimer plus de 5.000 postes etcéderuneséried’actifs.Sesturbines

industrielles ont été revendues àl’allemand Siemens, ses chantiersnavals au norvégien Aker Yards,sesactivitésdetransportetdedistri-bution d’électricité font aujour-d’hui le bonheur d’Areva. De quoiretrouver une assise financière etrepartir de l’avant.

P. PO. ET D. C.

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 3/5Un géant malade n’est pascondamné à mourir. Et l’Etatpeut exercer uneimpulsionà lafois décisive, temporaire etrentable.

19 ModeLabs, un pionnierdu mobile sur mesure

téphane Bohbot n’a queS trente-trois ans mais déjà dixannées d’expérience dans la télé-phonie mobile. Ce Lyonnais est lefondateur de ModeLabs, unePME française qui n’hésite pas àaffronter des mastodontes commeNokia, Samsung ou Motorola.Pour tirer son épingle du jeu, Mo-deLabs s’est positionné sur un cré-neau original : la conception demobilessurmesurepourlecomptede grandes marques. Derrière lestéléphones portables Elite, MTV,Levi’s ou encore Hummer, c’estModeLabs qui se cache.

Quand il lance son entreprise en2003, Stéphane Bohbot a déjà uneréputation de dénicheur de ten-dances :en 1998,ilpariesur le désirdu publicde personnalisersonmo-bileetouvre Digiplug,unestart-upspécialisée dans le téléchargementde sonneries. Jackpot ! Quatre ansplus tard, il revendra sa sociétécréée dans son studio parisien au

leader du secteur, le japonaisFaith, pour 30 millions d’euros.« ModeLabs est partie de l’idée queles facteurs déclencheurs d’achatd’un mobile sont le design et lamarque, raconte Stéphane Boh-bot. Le mobile étant un produitidentitaire très fort, les grandesmarquess’y intéressent,de lamêmefaçon qu’elles se sont développéesdans la montre ou le parfum. »

Quatre ans après sa création,ModeLabscompte290salariésetagénéré un chiffre d’affaires de106 millions d’euros au premiersemestre 2007 pour un résultat netà l’équilibre. Introduite en Boursel’an dernier pour financer son dé-veloppement, la société est désor-mais présente dans la plupart desgrands pays européens et se pré-pare à attaquer les Etats-Unis l’anprochain.« Notrebusiness model aétébâti pourêtrerentableàpartirdequelques dizaines de milliers demobiles vendus », précise son pré-

sident du directoire. Ce qui luipermet de croître dans un secteuroù plusieurs grands noms− comme Alcatel ou Siemens − sesontdéjàcassé lesdents.Pourcela,ModeLabs sous-traite la fabrica-tion de ses portables en Asie maiss’occupe de la recherche et de lacréation en amont puis de la distri-bution et du marketing en aval.

FlexibilitéRécemment, la société a signé unaccord pour faire fabriquer desmobiles haut de gamme dansl’usine de Sony en Alsace. « Celava nous permettre d’annoncer pro-chainement un partenariatavecunetrès grande marque de luxe qui esttrès attachée au “made inFrance” »,prévientStéphaneBoh-bot.

Cetteflexibilité permet à Mode-Labs de rester serein quand lesgrands noms du mobile se lancentà leur tour sur le créneau : LG a

fabriqué un mobile pour Prada,Samsung pour Armani, tandis queMotorola s’est acoquiné avecDolce& Gabanna.« D’iciquatreàcinq ans, les téléphones de grandesmarques représenteront 20 % dumarché, soit un potentiel dequelque 240 millions de mobilesadressables chaque année », pour-suit le président du directoire. Acharge désormais pour StéphaneBohbot de faire rêver les marchésfinanciers : le cours de ModeLabsa fondu de moitié depuis son intro-duction en Bourse…

FRÉDÉRIC SCHAEFFER

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 5/5La « customisation » ou pro-duction sur mesure est l’unedes grandes voies de l’avenirindustriel.

17 Dassault Systèmes,un champion du logiciel...et du changement

u départ, Dassault SystèmesA était une société créée parCharles Edelstenne et Francis Ber-nard pour développer les fameuxlogiciels Catia destinés à l’avion-neur. Aujourd’hui, c’est une figurede proue de la high-tech « made inFrance ». C’est mêmele seul repré-sentantfrançaisdulogicielprésentàl’échelle mondiale. Avec un chiffred’affaires de 1,2 milliard d’euros en2006, Dassault Systèmes a bâti sonessorsurla généralisationdes outilsde virtualisation, qu’il s’agisse de laconception d’un produit, de sa fa-brication ou dela simulation de sonfonctionnement. Pour s’imposerdans un métier où les Américainssont rois et les mutations rapides,l’éditeurn’apascessédeseréinven-ter. Bien sûr, la société doit unegrande partie de son succès à sonpartenariat commercial avec IBM,qui lui a assuré une diffusion mon-diale de ses produits dès les années1980. Mais Dassault Systèmes a sus’éloigner du monde de « BigBlue ».Il apris lavaguedesstationsdetravailsousUnix.Ils’estadaptéàl’avènement du marché de laconception assistée par ordinateurpour PC. Au final, il a su s’émanci-perd’IBM,en assurant lui-mêmelagestion des canaux de distributionpour les PME.

Tout au long de ces années, Das-saultSystèmesa suaussise montrerinnovant.En2000,lasociétéalancéle concept du « PLM » (productlifecycle management), avec la vo-lontédegérertoutes lesétapesdelavie d’un produit, de sa conception àsa maintenance. Aujourd’hui, elleveut généraliser la « 3D » (trois di-mensions) au grand public et a

dévoilé fin juin, 3DVIA, une plate-forme permettant de créer des ob-jets 3D en ligne.

Réorganisation permanentePour lancer chacune de ces révolu-tions ou s’y adapter, Dassault Sys-tèmes a cherché à faire du change-ment une valeur de référence.« Pour continuer d’innover, il fautune adaptation et une mobilité per-manente de l’organisation », ex-pliqueledirecteurgénéral,BernardCharlès. Pour ce patron volubile etvisionnaire, les avions sont commeles entreprises : les plus instablessont les plus agiles. Dassault Sys-tèmes s’impose ainsi chaque annéeun réalignement des objectifs, del’organisation et des opérations del’entreprise.Ceprocessus« 3.O »setraduitpardescentainesdechange-ments de postes en janvier.

Mais, pour réussir, il ne suffit pasde se réorganiseren permanence, il

faut aussi se montrer innovantPour cela, Dassault Systèmes tra-vaille depuis 2000 sur la qualité desinteractions entre les individuss’inspirant notamment des travauxde l’universitaire japonais IkujiroNonaka, coauteur d’un best-sellermondial (« The Knowledge-Crea-ting Company ») sur les méca-nismes de diffusion du savoir. Pourl’éditeur, la qualité des échangesdans les équipes, la force de l’enga-gement collectif sont aussi des fac-teurs de compétitivité. E. G

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Dans une industrie américainepar excellence, il est possiblede s’imposer en combinant in-novations techniques et créati-vité managériale.

Pour s’imposer dans un métier où les Américains sont rois et lesmutations rapides, l’éditeur de logiciels n’a pas cessé de se réinventer.

DR

Histoires à suivrel Meetic. Le site communautaire sur Internet incarneun modèle à la française avec une approche artisanalealimentée par une forte créativité, sur un secteur où lesbarrières technologiques et économiques sont faibles.Reste àprouversacapacitéàpoursuivre l’innovationàlafois dans le temps et dans l’espace.l Pasteur. L’Institut demeure une entreprise de pointe,qui attire des chercheurs du monde entier. Il s’implante enChine.l Soitec. Il a falluà peine plus d’unedécennie à lasociétégrenobloise pour devenir une entreprise mondiale grâce àune innovation technologique majeure dans les semi-conducteursde pointe : le silicium sur isolant, misau pointavec le Leti (CEA). L’entreprise traverse cependant unepasse difficile, avec un chiffre d’affaires et des profits enbaisse. En associant la fabrication à partir de son propreoutil industriel et une politique de licences, elle est parve-nue à imposer un modèle économique original.l Nord Entreprendre. Une association créée il y a deuxdécenniespar desmembres de lafamille Mulliez (Auchan,Saint-Maclou, Décathlon…) pour apporter une aideconcrète aux créateurs d’entreprise en jouant les transver-salités,lescoopérationsinstitutionnellesetenjouantunrôleclef dans la dynamisation du tissu socioéconomique de lamétropole lilloise.

Cartons rougesl La création de Safran. Cette entreprise aété créée en 2005 par la fusion de GroupeSnecma et de Sagem. Décidé par l’Etat dansle cadre de la privatisation de la Snecma,c’était le mariage de la carpe et du lapin parexcellence : Snecma était le spécialiste enéquipements de propulsion aéronautique etspatiale, Sagem travaillait surtout dans lestélécommunications. Un choc des ego à latête de la nouvelle entitéa rendu encore plusdifficile un rapprochement d’équipes quin’avaitriend’évident.Lesrésultatsetlecoursde Bourse ont chuté. Depuis, la vente par

appartement des activités de télécommunicationconfirme que l’idée de la fusion n’était pas pertinente.

l Les excès des stock-options. Les entreprises fran-çaisessontleschampionnesd’Europedel’attributiondesoptions d’achat d’actions, un mode de rémunérationcensé aligner les intérêtsdesdirigeants etplus largementdes salariés avec ceux de l’entreprise. Mais les PDG ensont les principaux bénéficiaires et les stock-optionsconstituent une part de leur rémunération plus impor-tantequ’ailleurs.LePDGdeVinciconcentraitletiersdesstock-options de l’entreprise.Lesoptions surEADS ontété exercées dans des conditions qui restent à éclaircir.Ces problèmes reflètent au-delà un vrai problème degouvernance des entreprises françaises − et aussi unefiscalité inadaptée.

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8 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

Le secteur public respire sous le glacisui, le secteur public se réin-O vente lui aussi, au-delà des

clichés sur le mammouth et laréforme impossible ! L’Etat n’estni une machine de gaspillage etd’indifférence aux usagers ni leseul gardien de la solidarité, proté-geant la société des excès des en-treprises et de la mondialisation.La« vraievie »desservicespublicsesquisse une voie nouvelle, péril-leuse, qui surpasse ces imaginairespour montrer l’Etat au quotidien,en innovation et mouvement.

Bien sûr, ces innovations sontparfois impulsées d’en haut,comme la réforme des frais dejustice. Mais elles se développent

aussi sur le terrain grâce à la moti-vation et à l’inventivité des fonc-tionnaires (regroupements de ser-v i c e s d é c o n c e n t r é s ,télémédecine).Biensûr, lavolontéde moins dépenser à travers deschoix stratégiques est un levier(projet du Louvre, directions dé-partementales de différents sec-teursqui travaillentdeplusenplusensemble). Mais ces initiativescontribuent aussi à la qualité duservice aux citoyens. Il est d’ail-leurs frappant que 90 % des expé-riencesont unimpact surla qualitéduserviceàl’usager :beaucoupestfait par l’accès informatique, maisaussi par le pari de la confiance,

comme le fait que les permis deconstruire ne sont plus soumis àautorisationpréalable(saufexcep-tion). L’Italie est allée encore plusloin en supprimant toutes lesauto-risations administratives, moyen-nant des mécanismes de contrôle.Nous sommes tant habitués à lafraude qu’une telle réforme nousparaîtrait utopique. Et pourtant,les mutations de l’administrationdes impôts ces dernières annéesmontrentlepassagedelaméfianceau soutien actif de l’usager.

La liste des innovations montreà quel point l’administration fran-çaise, souvent de sa propre initia-tive, s’est modernisée. Plus avant,

des questionsse posent : commentfairepourqu’uneexpérimentationne demeure isolée,qu’il yaittrans-ferts de savoirs et de savoir-faire,que l’on capitalise au lieu d’ou-blier ? L’urgence dans laquellel’administration vit aujourd’huirend difficile une nécessaire révo-lution technologique qui serait dese doter des instruments de l’ana-lyseetdelamémoiredesinitiativesde l’administration (« knowledgemanagement » ou managementdes savoirs).

Il n’existe aujourd’hui que troppeu de services dédiés à l’évalua-tion de la modernisation, ayantpour tâche d’analyser « ce qui s’est

passé », d’identifier ce qui est re-productible, comment en pérenni-ser les résultats. Il existe des prix(trophéede la qualité)maispeu derécits. Tout le monde est conscientde ces questions mais le temps dela réflexion pour y répondre n’estque rarement pris, pas plus quel’on ne dispose d’outils pour laconservation et la circulation de laréponse. A défaut, les bonnesénergies se fatigueront et les cli-chés redeviendront légitimes.

SYLVIE TROSAprofesseur associé à l’Institut d’études

politiques de Paris, auteur de « Versun management postbureaucratique »

(L’Harmattan, 2007)

21 Le Louvre pariesur l’immatériel

Pour le plus grand musée du monde,dont la fréquentation a atteint unniveau record avec 8,3 millions devisiteurs en 2006, la question durayonnement extérieur devient cru-ciale.AprèsAtlanta, la création d’uneantenne délocalisée du Louvre, en2010, à Lens, au cœur de l’ancienbassin minier du Pas-de-Calais, seraune nouvelle étape. Mais le grandprojet plus que symbolique reste lacréation du Louvre des sables àAbou

LeLouvredevientainsiobjetd’expor-tation et instrument de valorisationdu patrimoineimmatériel.D’une cer-tainemanière, leprojetd’AbouDhabiconstitue le premier test d’exporta-tion de la marque Louvre, sur le mo-dèle du système de délocalisation dela Fondation Guggenheim de NewYork. Outre l’objectif de rayonne-ment culturel, ce projet est en partiejustifiépar lanécessitédecompenserle manque de fonds propres duLouvre par rapport à ses grandsconcurrentsanglo-saxons.Maismal-gré cette nouvelle manne, le Louvreresteplusqueréservésurlepassageà

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20 La révolution des frais de justicerois cent quarante cinq eurosT d’économie pour une exper-

tise génétique, qui passe de370 euros à 25 euros, 40 % demoins pour les écoutes télépho-niques… la mise en place de lanouvelle procédure budgétaire(LOLF) depuis le 1er janvier 2006a contraint le ministère de la Jus-tice àdesérieux efforts de rationa-lisation budgétaire. Ces écono-mies hors normes étaientinimaginables il y a à peine deuxans. Entre-temps, le budget de lachancellerie estdevenu limitatifetnon plus évaluatif. Les tribunauxne peuvent plus dépenser sanscompter et disposent désormaisd’une enveloppe de dotation glo-bale et fixe. Il a doncfallu faire deséconomies là où rien ou presquen’avait jamais été fait.

Et pour cause : une part impor-tantedesbudgets des tribunaux vaaux frais de justice. Difficile derestreindre le nombre d’examensgénétiques, d’écoutes télépho-niques ou de conservation depièces à conviction. Mais les fraisde justice − gratuits pour le justi-ciable au pénal − peuvent at-teindre des sommes considérablespour des dossiers comme AZF à

Toulouse (1,5 million d’euros) oulacatastrophedu tunnel du Mont-Blanc (3millionsd’euros).Depuisdes années, les frais de justiceaugmentaient de 20 % l’anjusqu’à atteindre 487 millionsd’eurosen 2005.Avec la LOLF en2006, on est redescendu à un bud-get de 370 millions d’euros, àpeine dépassé à 379 millions.

Rationaliser sans limiter« L’important était la méthode et lefait de montrer que la maîtrise desfraisdejusticeétaitnonpasdenepasdépenser, mais de dépenser mieux.En dépensant mieux, on dépenseeffectivement moins », expliqueMarc Moinard, le secrétaire géné-ral de la Place Vendôme chargé deréduire les frais de justice.

Pour rationaliser sans limiter, leministère de la Justice a contournéle problème : s’il est impossible decontraindre le magistrat indépen-dant et libre de sa prescription, ilfaut négocier le prix global et inci-ter les juges à faire jouer la concur-rence. Une sorte de révolution co-pernicienne, car aucun prix n’avaitété négocié depuis des années. Lesjuges étaient habitués à dépensersans compter, d’autant plus qu’ils

n’avaient souvent pas la moindreidée du prix réel des prestations.

Pour les empreintes génétiques,un marché public d’adhésion a étépassé au niveau national avec unlaboratoire, à 25 euros l’examen.Ce faisant, la chancellerie a aussinégociéunenormedequalité : ilyamaintenant deux analyses quanduneexpertisegénétiqueestdeman-dée et le nombre de segments a étéaugmenté. Pour les interceptionstéléphoniques, la chancellerie s’estmontrée encore plus offensive : lesprestations ont été tarifées augrand damdesopérateurs télépho-niques,qui ont attaquéla méthode.Pour toutes ces prescriptions, lemagistrat reste libre de participerounonaumarchépublic.« Maisilya eu une vraie prise de consciencedes juges », estime Marc Moinard.

Au bout du compte, plus de100 millions d’euros ont ainsi étééconomisés en 2006. La Cour descomptes elle-même a reconnu letravail effectué : « Les principalesdotations (...) ont été mieux maîtri-séesen 2006.Toutefois, enl’absencede données précises sur les reportsde charges à la fin de l’exercice, il estdifficile demesurer ce qui relève desefforts accomplis pour une meil-

leure maîtrise de la dépense et dereports de charges de l’année sui-vante », note la Cour dans son rap-port public sur l’exécution budgé-taire 2006. Fin 2005, l’absence decomptabilité d’engagementa laisséen suspens quelque 200 millionsd’euros de retards de paiement.Lecircuit de la dépense des frais dejustice est donc le prochain chan-tier. « L’idée est de simplifier lepaiement de mémoires qui, pour85 %, sont inférieurs à 150 euros etqui,avantd’êtrepayés,passent entreles mains en moyenne de sept per-sonnes ! », explique la chancellerie.Un service central dans chaquetribunal assurera le traitementjusqu’au paiement. Courant 2008,5 ressorts de cour d’appel expéri-menteront ce nouveau circuit.

VALÉRIE DE SENNEVILLE

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5Dans le secteur public, commedans le privé, il n’y a pas d’in-compatibilité entre la course àla qualité et la chasse aux éco-nomies.

l

Dhabi, capitale des Emirats arabesunis, en vued’uneouvertureen2012.

la gratuité proposé par Nicolas Sar-kozy. P. DE G.

22 Le Lot, modèle pour la réorganisationdes services départementauxDE NOTRE CORRESPONDANTÀ TOULOUSE.

es administrations départe-L mentales ne sont pas réputéespour leur esprit d’innovation. Et,pourtant, en janvier 2007, la Direc-tion départementale de l’équipe-ment (DDE) et celle de l’agricul-ture et de la forêt (DDAF) du Lotont fusionné dans une DDEA, quichapeaute aussi le service de l’ar-chitecture et du patrimoine.Concrètement, il y a un agent del’agriculture dans chaque unité ter-ritoriale de l’équipement. « Ce re-groupementestunpluspour leséluslocaux et les usagers car certains

d’un avis des services de l’agricul-tureoude l’architecturesurlesques-tions d’eau ou de bâtiments clas-sés », explique Marcelle Pierrot,préfète du Lot. Les 270 agentsconcernés par la fusion restent rat-tachés à leur corps d’origine, maisune dizaine seront mis à la disposi-tion d’une autre administration surla base du volontariat.

Guichets uniquesLe regroupement n’a pas diminuélenombredefonctionnaires,« maisil entraînera des gains de producti-vité qui permettront demieuxpasserlecapencasderéductiond’effectif »,ajoute la préfète. Si la fusion des

huit départements, le Lot est le seulà expérimenter le projet OSE (Or-ganisation des services de l’Etat).Fin octobre, la préfecture a ainsiregroupé 546 agents desdifférentesadministrations dans deux entités,la Délégation interservices des ter-ritoires réunissant la DDEA, leSDAPet le service vétérinaire,etlaDélégation interservices de la po-pulation qui rassemble les Direc-tions des affaires sociales, de l’em-ploi et de la formation profes-sionnelle (hormis l’inspection dutravail), de la jeunesse et des sportsetlesservicesdestitresquidélivrentcarte grise, carte de séjour, etc. Unguichet unique d’accueil des étran-

réunissant le service des étrangersdelapréfectureetlesDirectionsdesaffaires sociales et du travail pourtraiter sur un même lieu toutes lesquestions de carte de séjour, dedemande d’asile, d’hébergement etd’emploi. Deux autres guichetsuniquespourlesassociationsetl’ac-tion sociale ouvriront en 2008.

LAURENT MARCAILLOU

Degré d’originalité 1/5Possibilité de diffusion 5/5Un regroupement d’équipesbien mené ouvre la voie à unaccès plus facile pour l’usager.

dossiers de l’équipement ont besoin DDE et DDAF est réalisée dans gers sera créé à la fin de l’année en

24 Changement-adresse.gouv.fr, ou la vieplus simple pour ceux qui déménagent

epos dès le dernier cartonR déballé ? Impossible : démé-nager implique que l’on prenneaussitôtsa plumepoursignifiersonchangement d’adresse à des di-zaines d’administrations diffé-rentes. Ou plutôt impliquait. Car,depuis deux ans, un site Internetpermet d’enregistrer ses nouvellescoordonnées et de le faire savoiraux grandes administrations d’unseul clic. Une évidence à laquellel’administration a été longtempsétrangère,quand elle ne flirtait pasavec l’univers de Kafka. Depuis ledébut des années 2000, un vraichangement s’est amorcé. Désar-més par les difficultés rencontrées

ments successifs se sont retournésvers l’amélioration de la vie quoti-dienne des Français. L’émergenced’Internet sert de levier.

1,5 million de familles par anLes gouvernements Raffarin puisVillepin lancent à partir de 2003des plans de développement del’administration électronique. Autotal, 600 services disponibles de-p u is u n p o r t a i l u n i q u e(administration24h24.gouv.fr)sont aujourd’hui accessibles parInternet pour simplifier la vie descitoyens : téléchargement de for-mulaires, demande d’actes d’étatcivil, téléprocédures…

ment-adresse.gouv.fr concerne1,5 million de familles par an, lequartdecellesquidéménagent.Leservice ne pose pas de difficultéparticulière… si ce n’est qu’il aimposé aux administrations parte-naires d’adapter leurs processuspour prendre en compte immédia-tement l’adresse qui vient d’êtreenregistrée. Sont d’ores et déjàopérationnels laCAF,l’assurance-chômage, l’assurance-maladie, lesadministrations fiscales, le servicenational, rejoints en 2006 par LaPoste, l’assurance-vieillesse, laMutualité sociale agricole, lescaisses de retraites, l’Agirc etl’Arrco, la Caisse des dépôts et

dans les mois qui viennent. Ainsique celle des services dématériali-sés que permet Internet. Le moisprochain, le ministre en charge duBudget et de la Réforme de l’Etat,Eric Woerth, devrait annoncerquelesactesdemariageetdedécèssont disponibles en ligne. C. Co

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 2/5Il est possible de bousculer lesorganismes publics par unemesure unique décrétée d’enhaut, à condition que l’objectifsoit clair et visible.

à réformer l’Etat, les gouverne- Lancé en mai 2005, change- EDF. La liste devrait s’allonger

23 Police, des corpsen mouvement

n destin à part dans le champU de la fonction publique…c’est la réforme des corps et car-rièresdespoliciers,encoursd’appli-cation. Voulue par Nicolas Sarkozylorsqu’ilétaitministredel’Intérieur,entérinéeparsonsuccesseurDomi-nique de Villepin, elle chamboulel’organisation d’une « grande mai-son » devenue obsolète. Redéfini-tion de la pyramide hiérarchique,haussedes niveauxderecrutement,amélioration des perspectives decarrière : l’ambition du projet étaitde donner plus de responsabilitésaux policiers de base et de leurconfier des tâches jusque-là réser-vées à leurs supérieurs.

Conséquence, les corps abon-dants devaient fondre. Il a ainsi étédécidé de réduire le nombre descommissaires, de 2.000 à 700 entre2004 et 2012, et des officiers de15.000 à 9.000. En compensation,les premiers ont vu leur rôle res-serré sur les questions de directionet de conception, et leur traitementa été calqué sur celui des hautsfonctionnaires. Les seconds ontabandonné leur casquette de tech-niciens de la procédure pour seconcentrer sur le commandementopérationnel et ont obtenu d’accé-derà lacatégorieA descadres delafonctionpubliqueàpartirdu1er jan-vier 2008.

A l’inverse de leurs supérieurs,les brigadiers et les gardiens de lapaix,environ 100.000 agents,ontvuleur nombre augmenter légère-ment.Lespromotionsont été nom-breuses dans ce corps, afin de ren-f o r c e r l ’ en c a d r em e n tintermédiaire. Parallèlement, lespersonnels administratifs, tech-niques et scientifiques ont vu leurs

équipes renforcées (de 13.000 à16.000), notamment pour per-mettreaux policiersde se consacreraux opérations de terrain.

Dialogue social « constructif »Outre la volonté politique, cetteréorganisation a bénéficié de deuxatoutscombinés :undialoguesocia« productif », selon la Direction del’administration de la police natio-nale, encouragé par des moyensfinanciers substantiels. Point d’an-crage de la réforme, l’accord du17 juin 2004, signé par l’ensembledes organisations syndicales à l’ex-ception du SNPT,disparu depuis, afait l’objet d’un suivi régulier. Samise en œuvre pour l’instantconsensuelle doit beaucoup auxmoyens financiers mis sur la table(entre 45 et 50 millions d’euros paran), même si c’est là que de pre-mières revendications se font jour àproposdupaiementdesheuressup-plémentaires des officiers et desaugmentations indiciaires des gar-diensdela paix.Le renouvellementdes équipements, engagé en paral-lèle (véhiculesneufs,systèmeinfor-matique, flash-balls, drones, etc.) apu aussi encourager la mutation encontribuantàregonflerlemoraldestroupes. CARINE FOUTEAU

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Le changement passe dans undomaine très classique de lafonctionpubliquequandilyadevraies responsabilités à confier,un dialogue social en profon-deur et de l’huile budgétaire.

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- 9Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

25 La Lozère, en pointepour la médecine par InternetDE NOTRE CORRESPONDANTÀ MONTPELLIER.

omme de nombreux départe-C ments ruraux, la Lozère estconfrontée à la désertification mé-dicale. Le conseil général a doncd’abord cherché à attirer de jeunesprofessionnels en offrant une aidefinancièrede400 euros par mois destage chez un médecin lozérien,ainsi qu’une bourse d’engagementde 700 eurosparmoisaux étudiantsde troisième cycle pendant les troisannées d’internat. En contrepartie,l’étudiant s’engage à effectuer desremplacements en Lozère pendantson internat et, dès la fin de sesétudes, à exercer pendant une pé-riode minimale de cinq ans dans ledépartement. Mais le conseil géné-ral avoulu aller plus loin en lançantun projetdetélémédecine destiné àaméliorer l’accès et la qualité dessoins en zone rurale de montagne.

La démarche vise d’abord latransmission des données médi-cales en situation d’urgence enéquipant les médecins généralistescorrespondants du Service mobiled’urgence et de réanimation(SMUR) d’un ordinateur portablecapable de transmettre au

Centre 15les informations relativesau patient.

Logiciel de géolocalisationL’objectif consiste aussi à installerun réseau de visioconférence surl’ensemble des établissements dudépartement en vue de tenir desréunions, de conduire des forma-tions et même de procéder à desconsultations. « La nouvelle culturemédicale est désormais fondée sur

uneconceptionpartagéedescompé-tences et des responsabilités, ex-plique Jean-Jacques Delmas,prési-dent de la commission TIC auconseil général. L’évolution atten-dueest biend’échangerentreprofes-sionnels les données de santé dumalade pour une meilleure qualitéde la prise en charge. »

La mise en réseau des médecinscorrespondants du SMUR est enphase d’étude, afin d’étendre la

technologie utilisée par les pom-piers de Lozère. Il s’agit en l’occur-rence d’un logiciel de géolocalisa-tion qui pourrait être utilisé par leCentre 15, afin de transmettre auxmédecins lescoordonnées GPS despersonnes à secourir. L’appeld’offres pour équiper les médecinsest attendu à la fin du premiertrimestre 2008 pour une mise enplace à la fin de l’année. L’équipe-ment desdouze hôpitaux publics etprivés en appareils de visioconfé-rence sera lancé début2008.D’oreset déjà, les établissements lozérienssontentraind’adhéreràungroupe-ment d’intérêt public basé à Tou-louse, qui permettra de les rappro-cher des établissements de toute laFrance pourdes opérationsde télé-diagnostic, téléformation et télé-consultation. Le coût total de l’in-vestissement a été chiffré à769.630 euros. JACQUES RAMON

Degré d’originalité 5/5Possibilité de diffusion 5/5Lessupposésconservatismesru-ral et médical n’empêchent pasdes réorganisations radicales.

Le projet de télémédecine est destiné à améliorer l’accès et la qualitédes soins en zone rurale de montagne.

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26 Un permis deconstruire plus simple

elui qui, autrefois, avait l’idéeCétrange de bâtir une maisonaffrontait un vrai parcours du com-battant pour obtenir le permis deconstruire. Il y avait seize régimes dedéclaration ou d’autorisation diffé-rents. L’administration répondaitquand elle avait le temps, rarementtrès vite. Puis venait le tracas despièces manquantes au dossier, sou-vent réclamées l’une après l’autre etnon en bloc, étirantencore lesdélais.Encasderefusdel’administrationdedélivrer le fameux permis, l’épreuvetournait facilement au cauchemar.Bref, c’était l’exemple type du cas oùle citoyen ordinaire était soumis aubon vouloir des pouvoirs publics. Laréforme du permis de construire en-tréeen vigueurle 1er octobre2007estpassée par là. Désormais, le deman-deur d’un permis doit attester de saqualitéde propriétaire sans être tenude fournirunjustificatifdepropriété.Il lui appartient aussi de déclarerl’achèvement et la conformité destravaux. L’administration, qui véri-fiait auparavant systématiquementcesdeuxaspects, nese livreplusàcescontrôles.

Logique de continuitéOn reprochait à la réglementationantérieuresurlesautorisationsd’ur-banisme lourdeur et opacité. Cetteréforme allège les procédures et vaconcerner les 600.000 permis deconstruire et les 1,4 million d’autresautorisations d’urbanisme délivréeschaque année en France.

La nouvelle réglementation setraduitparunediminutionsignifica-tive du nombre des autorisations,

tique, elles portent sur trois permis :construire, aménager, démolir − etune déclaration préalable.

Lestextessontréécritspourfacili-ter la lecture du champ d’applica-tiondechacunedecesautorisations.« La diminution du nombre d’auto-risations ne veut pas dire que desconstructions auparavant soumies àautorisation vont échapper à toutcontrôle », explique PierrePopesco,avocat associé chez Herbert Smith.La réforme s’inscrit dans une lo-giquedecontinuitéetdeperfection-nement. Elle a été amorcée parl’ordonnance du 8 décembre 2005,qui a permis le regroupement desautorisations. Elle prend aussi encompte les modifications récentesapportées par d’autres textes, etnotamment par la loi ENL − enga-gementnational pourlelogement −du 13 juillet 2006. L’unification durégime de retrait des permis deconstruire, sort réservé auxconstructionsirrégulières,préserva-tiondubénéfice dupermisencasderecours,garantiedesdélaisetobten-tion tacite d’un permis en cas denon-réponse delamunicipalitésontautant d’apports de cette nouvelleversion du Code de l’urbanisme.Chaque année,plus de 150.000 par-ticuliers sont concernés. Une vraieamélioration de masse. A. C.

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 5/5Il est essentiel de ne plus mettrel’administration au-dessus desadministrés, mais à leurs côtés.

qui est ramené à quatre. En pra-

28 Rescrit fiscal, le rêve d’une administrationqui dit clairement la règle du jeu

’administration fiscale est sansLdoute l’une des moins aiméesdesFrançaisetcellequisuscitelaplusgrande méfiance. Pourtant, elle neménage pas ses efforts pour tenterd’aplanir les angles et apparaîtremieuxàl’écoutedecontribuables, deplus en plus déconcertés par la com-plexité croissante des textes. Pourcela,elleaunearmeaunomabscons :le rescrit fiscal. Depuis 1987, le fiscfrançais s’est engagé dans une vasteopération de généralisation de cetoutil qui bouscule les us et coutumesde l’administration, où la ligne direc-trice reste le célèbre mais glaçant« nul n’est censé ignorer la loi ».

Le principe du rescrit fiscal estsimple : plutôtque d’attendrede voir

débarquercontrôleurs etautres véri-ficateurs fiscaux, les usagers (particu-liers, professionnels, collectivités lo-cales…)sont invitésà se tourner versl’administration pour lui demanderd’exprimer sa position face à unesituation précise.

Echange de bons procédésL’administration a alors six moispour répondre soit en gardant lesilence (l’absence de réponse est eneffet jugée comme un accord taciteentre l’usager et l’administration),soit en expliquant sa position si ellediffère de celle défendue par lecontribuable.Les services fiscaux setrouvent alors liés par leur réponseet ne peuvent à l’avenir changer de

position, sauf à prévenir d’abordl’usager.

La démarche désormais s’ap-plique à un nombre croissant dedomaines, qui vont de la possibilitéd’une déduction supplémentairepour frais professionnels à la locali-sation du domicile fiscal, en passantpar les donations. Et la mue de cetoutil n’est pas terminée. Depuisquelques années, la démarche a étéétendue au domaine social pouréclairciraux yeux des contribuablesdans le doute les modalités d’appli-cationde certainesmesures,notam-mentparl’Urssaf.Etsevoulantplusperformante et réactive, l’adminis-tration pourrait à l’avenir mettre lesbouchées doubles. Après s’être en-

gagé à réduire de moitié le délai deréponse, François Fillon a laissé en-tendre que cette réduction pourraitêtre étendue à tous les domainesadministratifs !Unéchangedebonsprocédés, où l’administration dé-cide de cultiver un « qui ne dit motconsent »si lecontribuablesedéfaitde son habituel « pour vivre heu-reux, vivons cachés ». C. F.

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 5/5La fin de l’arbitraire public estprécieuse pour la formationd’une vision à plus long terme.

27 L’Arcep, bon géniede l’ADSL en France

lle va sur ses onze ans, maisE sait déjà se faire respecter, àParis comme à Bruxelles. Elle,c’est l’Autorité de régulation descommunications électroniqueset des postes (Arcep) ou, pourfaire plus simple, le gendarmedes télécoms.Créée en 1997 pourouvrir le marché des télécommu-nications à la concurrence, cetteautorité administrative indépen-dante est alors une anomaliedans une économie française en-core très teintée de colbertisme.

Son heure de gloire, l’Arcep laconnaît le 16 avril 2002. Le régu-lateur prend alors la décision quimarque la fin du retard de l’He-xagone en matière d’Internethaut débit. Saisie par l’opérateurLDCom, elle divise par presquedeux le prix du dégroupage. Dé-sormais, il en coûtera 2,86 eurospar mois pour louer le réseau decuivre de France Télécom. Sesconcurrents peuvent maintenantgagner de l’argent en faisant desoffres ADSL. Au 30 juin dernier,l’Hexagone comptait 14,5 mil-lions d’abonnés haut débit, ce quile place dans le peloton de tête del’Union européenne.

En janvier 2005, deuxième ba-taille. L’Arcep oblige France Té-lécom à baisser le prix du dégrou-page total, qui permet auxabonnés chez ses concurrents dene plus payer leur abonnement.Aujourd’hui, la moitié des abon-nés haut débit sont chez unconcurrent et 3,5 millions d’entreeux ne paient plus un centime àl’opérateur historique.

Certes, pourront dire les mau-

vaises langues, avec 5,6 milliardsd’euros de marge brute opéra-tionnelle dans le téléphone fixeen France l’année dernière,France Télécom engrange en-core 75 % du marché en valeur.Mais pouvait-on mettre à genouxune entreprise qui emploie plusde 100.000 salariés dans le paysou se mettre à dos un groupe quiinvestit 2 milliards d’euros par andans le réseau ?

Prix de gros du SMSLe bilan du téléphone mobile estpeut-être plus mitigé. La Franceest le seul grand pays d’Europeavec seulement trois opérateursmobiles.Pourtant, là encore, l’Ar-cep n’a pas démérité. Elle a été lepremier gendarme européen à fi-xer un prix de gros du SMS. En-suite, c’est bien la Commissioneuropéenne qui lui a interdit deréguler les opérateursmobilesvir-tuels (MVNO) en 2005. Enfin,c’est l’Etat français qui fixe le prixde la quatrième licence de télé-phonie mobile, aujourd’hui de619 millions d’euros et que Freejuge trop élevé pour se lancerdans l’aventure. G. C.

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Une autorité indépendante estparfois indispensable pour ins-taurer une vraie concurrencesur un marché qui peut alorscroître.

INTERVIEWMARTIN HIRSCH HAUT COMMISSAIREAUX SOLIDARITÉS ACTIVES CONTRE LA PAUVRETÉ

« L’expérimentation,une approche féconde

pour renouvelerles politiques publiques »

Depuis longtemps,vousdéfendez l’idéeque l’expérimentation faciliterait la dé-marche de réforme. La voie que vousavezchoisiepour lerevenudesolidaritéactive (RSA), mis en place dans vingt-cinq départements avant d’être généra-lisé, reste rare. Pourquoi ?La France est en retard en matièred’expérimentation sociale, parcequ’elle est organisée pour que ce pro-cessussoittrèspeupossible.Juridique-ment, d’abord, le principe d’égalitéentre tous les citoyens ou tous lesterritoires est invoqué contre l’expéri-

mentation. Culturellement, ensuite, l’idée d’avancer par tâtonne-ments est contradictoire avec la vision messianique d’un Etat qui saitoù il faut aller. Enfin, la capacité d’expertise n’est pas à la hauteur.L’Etatest incapablededirequelsdépartementsmènent lespolitiquessociales les plus efficaces, parce qu’il ne le mesure pas, et qu’il nedispose pas des outils pour le faire.

Les réformes se font quand même…Oui, mais jusqu’à récemment, elles ont consisté à rajouter des stratesplutôt qu’à transformer le système. La prime pour l’emploi estl’exempletypique. Laréformea étéfaite vite, sansévaluationexante.Et c’est après coup que l’on se rend compte qu’elle coûte cher et neremplitpassesobjectifs.Onfaitdel’évaluationexpost,quis’apparenteplus à du contrôle. Si l’on avait pris le temps de l’expérimentation, del’évaluation et du réglage fin de la réforme, l’efficacité aurait étéinfiniment supérieure. Autre exemple : l’accompagnement des chô-meurs.Làencore, leschosesontétéfaitesà l’envers.L’Unedicaconfiéle travail à des prestataires privés pour voir s’ils pouvaient être plusperformantsquel’ANPE.Maislesconditionsmêmesdel’expérimen-tation n’ont pas été arrêtées de manière consensuelle. Les résultatssontdonc contestés,on chercheaposteriorià leverlesbiaispouravoirdes éléments de comparaison fiables.

D’autres pays font-ils différemment ?LesEtats-Unisontuneapprocheintéressantedepuisplusdevingtans.Ils testent systématiquement les réformes qu’ils veulent lancer enchoisissant des groupes témoins et en comparant les résultats avecd’autres. Des Etats ont vérifié qu’il était efficace d’aider financière-ment des jeunes en leur promettant in fine un emploi à condition queleurs résultats scolaires s’améliorent. LemairedeNewYork, MichaelBloomberg, a aussi testé des aides au retour à l’emploi ciblées sur lespersonnesayantdesenfantsàcharge,avecdesrésultatstrèspositifsàlaclef. Les pays les plus friands d’expérimentations sont ceux qui ont lemoinslaculturede ladépensepublique : ilsdoivent justifierà l’avancele fait que le moindre dollar dépensé aura un retour sur investisse-ment !

La France est-elle en train d’évoluer ?Oui. Les départements bougent parce qu’ils ont un intérêt direct à cequelespolitiquessocialesproduisentdesrésultats.EtlaConstitutionaété modifiée en 2003 de manière à leur permettre de déroger auprinciped’égalitédansdesconditionsbiencadrées.Jepenseque,dansles années qui viennent, l’expérimentation sociale va constituerl’approche la plus féconde pourrenouveler les politiques publiques, àmesure que les outils réglementaires classiques montreront leurslimites et que la dimension du comportement des acteurs dans lesprocessus deréforme prendrade l’importance. Les expérimentationspermettent de mesurer cette variable essentielle. Autre avantage : ens’adressantàdesvolontaires,ellescréentdel’émulation.Onpassedelaréforme subie à la réformechoisie, coconstruite, comme en témoignel’appétence croissante des départements à tester le RSA.

Votreméthoden’est-ellepascontradictoireavecladémarchedeNicolasSarkozy, qui veut aller vite?Non, car ça colle bien avec la culture du résultat.

PROPOS RECUEILLIS PAR ÉTIENNE LEFEBVRE ET DOMINIQUE SEUX

Martin Hirsch.

Cartons rougesl LefretàlaSNCF. Un exemple caricaturalde la France qui ne se réinvente pas. Sur cetteactivité, l’entreprise publique perd de l’argentannée après année (260 millions en 2006).Faceàl’arrivéedelaconcurrenceimposéeparla réglementation européenne, rien n’achangé dans l’organisation ou presque, avecdes syndicats hostiles à toute évolution enprofondeur. Et cela alors que le ferroutagedevrait devenir une alternative logique autransport routier dans un monde où la préoc-cupation environnementale grandit chaquejour. Un rayon d’espoir toutefois : le trafic a

progresséaupremiersemestrepourlapremièrefoisdepuisseptans.Etles négociations sont enfin ouvertes.

l Les classements de bordeaux. En 1855, Napoléon III avaitdemandé un classement des vins de Bordeaux pour que les curieuxpuissent s’y retrouver dans l’Exposition universelle de cette année-là.Ce classement continue de peser lourd dans les têtes de gondolevinicoles. Mais les enjeux sont tels que les classements sont trèsdifficilesàréviser.Enavril2007,letribunaladministratifdeBordeauxasuspendu le classement des vins de Saint-Emilion, par l’Institutnationaldesappellationsd’origine.Quelquessemainesplustôt,lacouradministrative d’appel a annulé la révision du classement des crusbourgeois du Médoc. Producteurs, experts et juristes s’empaillent.Pendantcetemps-là, lesvinsduNouveauMondes’imposentsurtoutela planète.

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dère qu’un parcours de covoitu-

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29 « Impot.gouv.fr », l’avènementde l’e-contribuable

Bien sûr, il y aura toujours les irréductibles qui continueront de remplirleur déclaration d’impôt au dernier moment, assis sur les marches de laposte du Louvre, le seul bureau ouvert tout la nuit. Mais désormais, plusbesoin de sortir de chez soi pour remplir et envoyer sa déclaration à ladernière minute. Depuis 2000, en effet, les contribuables peuvent s’ac-quitter de leurs obligations légales via Internet. Après un démarragechaotique, le système a trouvé rapidement sa vitesse de croisière. Aprèsavoir séduit seulement 4.500 contribuables la première année, le site adépassé, dès l’année suivante, la barre de 500.000 et, en 2006, ils étaientprès de 5,7 millions.Il faut dire que l’administration fiscale, souvent accuséede ne pas évoluer,n’a pas ménagé ses efforts pour innover. Non seulement sur le plantechnologique, mais aussi dans l’esprit, en ouvrant le site à un nombrecroissant de contribuables (dont les associations par exemple), en offrantdes « primes » au candidat à la déclaration virtuelle, et même des délaissupplémentaires, au risque de bousculer le sacro-saint principe de l’éga-lité devant l’impôt : réduction d’impôt de 20 euros pour ceux qui optentpour le paiement en ligne et délai supplémentaire, selon la zone devacances scolaires. Mais le succès du dispositif ne doit pas faire oublierqu’en ce domaine laFrance ne fait que rattraper son retard par rapport auxpays européens leaders dans ce que l’on appelle l’e-administration (en2003, la Suède ou le Danemark, qui affichaient déjà des taux de télédécla-rants supérieurs à 30 %) ou bien encore les Etats-Unis, où plus de 70 mil-lions de contribuables déclarent leurs revenus en ligne.

C. F.

10 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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30 DCNS, ou les ex-arsenaux dela marine à la conquête du monde

hangement de statut, ouver-C ture du capital, internationa-lisation : l’ancienne Direction desconstructions navales (ou DCN)s’est complètement transforméeen moins de cinq ans. DevenueDCNS, l’entreprise constitue unbel exemple de réforme de l’Etat.« Commeaucuneautreadministra-tion », soutient son directeur géné-ral délégué, Bernard Planchais.Non seulement lechampion natio-nal du naval militaire a changé destatut, quittant en 2003 ses habitsséculaires d’arsenal pour ceux desociété nationale régie par le droitprivé. Mais quatre ans plus tard, lanouvelle entité DCNS a réussi àouvrir son capital à hauteur de25 % au géant Thales, dans lecadredu projetConvergence.Unevraie révolution culturelle dansune institution qui employait en-core 28.000 personnes au débutdes années 1990, contre 13.300 au-jourd’hui.

« Une question de survie »Quant les ouvriers d’Etat ont pugarder leur statut, les autres− cadres, militaires, fonction-naires − ont eu deux ans pourpasser sous la convention collec-tive de la métallurgie. Environ90 % d’entre eux l’ont fait. Lesfonctions achats et ressources hu-maines ont été remaniées et il afallu mettre en place une compta-bilité de droit privé. Certains mé-tiers historiques ont disparu, lenombre de cadres et d’ingénieursa augmenté, et DCNS a apprisl’engagement de résultat dans sescontrats de maintenance.

« Les grandes réformes nécessi-tent beaucoup d’explications.

Changer de statut était une ques-tion de survie. Aujourd’hui,DCNS se recentre sur la maîtrised’œuvre de grands systèmes na-vals », résume Bernard Plan-chais. Revers de la médaille, cer-taines tâches de production sontsous-traitées en France, voire àl’étranger. Maintenant que leprojet Convergence est entré « enphase de croisière », il s’agit defranchir un nouveau cap, celui del’international. Confrontée à unmarché national stable, DCNSdoit en effet trouver des relais decroissance. A condition d’adap-

ter sa politique commerciale,d’améliorer sa compétitivité, des’implanter durablement àl’étranger, et de disposer d’uneoffre adaptée à des marinesmoins ambitieuses que celles desgrandes puissances.

Accord avec la Bulgarie« Nous ne partons pas de zéro,mais il faut renforcer notre cultureéconomique et cela passe par l’ou-verture à l’extérieur », estime Ber-nard Planchais. Premier signe en-courageant, la Bulgarie vient deconclure un accord avec DCNS

devant déboucher normalementsur la vente de corvettes Gowind,spécialement étudiées pour l’ex-port. ALAIN RUELLO

Degré d’originalité4/5Possibilité de diffusion 2/5Dans une activité industrielle,le passage du public au privépeut se faire vite et bien àcondition de bien expliquer lechangement.

L’ancienne direction des constructions navales (DCN) s’est complètement transformée en moins de cinq ans.

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32 Le placement des chômeurs,une activité vraiment concurrentielle

e placement des chômeursL par des cabinets privés consti-tue une petite révolution sur lemarché du travail. Expérimentéauprès de 46.000 demandeursd’emploi volontaires, la plupart engrandedifficulté d’insertion, il metl’ANPE sous pression grâce à despratiques totalement rénovées :entretiens hebdomadaires, appelstéléphoniques, référent unique,etc. Les agents sont soumis, encontrepartie, à une culture du ré-sultat. Estimée à environ 3.500 eu-ros par chômeur reclassé, la rému-nération du prestataire est régléeentroisétapes.Danslecasgénéral,il perçoit 30 % lors de la prise encharge de l’allocataire, 35 % s’ilsigne un contrat en CDI ou enCDD de plus de six mois, et 35 %s’il a conservé son emploi les sixmois suivants. Quoique coûteuse,cette expérimentation a déjà en-gendré des économies pour l’assu-rance-chômage.Les 17 opérateurs

sélectionnés(Ingeus,Altédia,BPI,etc.) lui permettent de dépenser,en moyenne, 3.400 euros de moinspar demandeur d’emploi. Le pariest également gagnant pour leschômeurs, qui retrouvent un em-ploi trois mois et demi plus tôt, enmoyenne.

« Un vrai suivi personnalisé »Les employeurs ayant recours àdes cabinets privés saluent, euxaussi, leur dynamisme : « Les opé-rateurs privés peuvent développerun vrai suivi personnalisé des can-didats et de nos attentes, aucontraire de l’ANPE, qui a descontraintes de volume trop impor-tantes », témoigne Didier Loing,membre du directoire de la Caissed’Epargne de Haute-Normandie,qui a embauché des commerciauxdébutants via Ingeus. « Quand onvoit le nombre de chômeurs etceluidespostesnonpourvus,c’estbien lapreuve que la courroie de transmis-

sion a de sérieux ratés. Pour beau-coup d’entrepreneurs, l’ANPE estdiscréditée,et leliendeconfianceestrompu », explique Joël Pain, PDGfondateur de Up&Up (commerceéquitable sur Internet) et membredu comité exécutif de CroissancePlus. Le nombre d’entreprises quine trouvent pas de candidats, unmois après avoir déposé leur offred’emploi à l’ANPE, reste, il estvrai, important (environ 200.000par an).« Lesopérateurs privés ontune vue plus pointue des besoinsdes entreprises », renchérit Jean-François Veysset, de la CGPME.

L’ANPE serait ainsi trois foismoins efficace que les organismesprivés, selon l’assurance-chô-mage : six mois après leur prise encharge par l’ANPE, seuls 13 %des demandeurs d’emploi dispo-sent d’un travail parmi ceux ris-quant de sombrer dans le chô-mage de longue durée. Lesopérateurs privés affichent un

taux de réussite de 41 %, estimel’Unedic. Ces chiffres sont, sanssurprise, contestés par l’agencepublique, qui rappelle que lapriseen charge de salariés volontairesdonne un sérieux avantage auxopérateurs privés. La querelle dechiffres devrait toutefois s’ache-ver : à l’ANPE comme à l’Unedic,on promet de faire évaluer lesprochains dispositifs d’accompa-gnement pardes experts indépen-dants, notamment par le CNRS.

LUCIE ROBEQUAIN

Degré d’originalité1/5Possibilité de diffusion 5/5Des missions présentéescomme relevant d’une logiquepublique peuvent être accom-plies par le privé. La définitiondu cahier des charges est es-sentielle.

31 Le Finistère, ferventadepte du covoiturageDE NOTRE CORRESPONDANTÀ RENNES.

e covoiturage n’est pas uneL spécialité réservée au Ca-nada ou aux Pays-Bas ! L’un desprincipaux chapitres des actionsmises en œuvre par le schémadépartemental des déplacementsadopté par le conseil général duFinistère en 2005 est le covoitu-rage. Pour faire fonctionner cesystème d’entraide des salariés,étudiants ou mères de famille, ledépartement a créé un site Inter-net, covoiturage-finistere.fr. Lapersonne intéressée par le par-tage d’un trajet avec un ou plu-sieurs passagers inscrit sa destina-tion sur le site avec le lieu dedépart, l’horaire et le nombre depersonnes acceptées à bord. Labourse ouverte à tous permet en-suite aux personnes à la re-cherche d’une possibilité de dé-placement de choisir parmi lesoffres.

Le département du Finistère,qui a déjà enregistré plus de5.000 utilisateurs, a voulu allerplus loin en organisant ce service.Une charte est donc signée par lesutilisateurs. Elle implique des en-gagements en matière d’assu-rance du conducteur, de respon-sabilité civile du passager et detarifs.

Indications de prixEvidemmentaucun prix n’est im-posé, mais le conseil généraldonne des indications. Il consi-

rage d’une centaine de kilo-mètres peut être facturé unmaximum de 24 euros pour unpassager. S’ils sont trois dans lavoiture, le prix unitaire tombe à9,70 euros.

Pour que se pérennise son ac-tion, la collectivité territoriale fi-nance des aires de stationnementpour les véhicules de ceux quvont ensuite se regrouper dansune autre voiture. « Elles sond’accès gratuit et disposent d’envi-ron une trentaine de places », ex-plique-t-on dans l’entourage dePierre Maille, le président duconseil général. Au cours de l’an-née 2007, celui-ci aura engagé72.400 euros dans l’aménage-ment de deux nouvelles aires, àGuilers et à Gouesnou. Les siteschoisis sont proches des voiesrapides.

Car les utilisateurs du covoitu-rage sont plutôt des personneseffectuant des trajets réguliers àl’intérieur du Finistère.Mais per-sonne n’interdit la mise en ligned’offres beaucoup plus loin-taines. Certains automobilistesproposent ainsi des voyages ré-guliers à Paris ou à Rennes.

STANISLAS DU GUERNY

Degré d’originalité3/5Possibilité de diffusion 5/5Une impulsion publique peutêtre déterminante dans un do-maine relevant apparemmentde l’initiative privée.

Histoires à suivrel Fusion Unedic-ANPE. On en parlaitdepuis des années,elledevrait être bien tôtlancée. Le rapprochement butera pour-tant sur de nombreux obstacles. L’Agencenationale pour l’emploi fait travailler30.000 fonctionnaires, alors que les14.000 salariés de l’Union nationale inter-professionnelle pour l’emploi dans l’in-dustrie et le commerce relèvent du privé.Les uns sont moins bien payés que lesautres. Et l’Unedic possède ses locauxalors que l’ANPE loue la plupart des siens.Sans parler des histoires d’hommes.

l Application de la LOLF. La loi organiquerelative aux lois de finances votée en 2001 exercepeu à peu ses effets dans la mécanique de la gestionpublique. Elle pourrait changer en profondeur lefonctionnement de l’administration si un vrai ma-nagement par objectifs se met en place. Mais lesystème peut aussi bien déboucher surune applica-tion bureaucratique ajoutant une couche de rigi-dité à un système qui en est déjà largement doté.

l Impact de la revue générale des politiquespubliques. Va-t-on enfin supprimer des orga-nismes obsolètes sans les rebâtir en catimini parderrière ?

l Fusion « verticale » entre organismes régionauxet départementaux, comme les services d’équipe-ment. Elle amèneà repenser les objectifs du service,le niveau de d’intervention, la présence des équipeset des compétences sur le plan géographique.

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- 11Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

Une économie du savoir à doper’est là que se joue notre avenir.CEt c’est pourtant là que la

France semble avoir le plus de mal àse réinventer. Le groupe de pilotagequi asélectionnélescinquante initia-tivesdececahiera longuementcher-ché des actions exemplaires dans larecherche et l’enseignement supé-rieur pouraboutir sur une récolte dequalité… mais très classique et sur-tout peu abondante. C’est une mau-vaise nouvelle qui a une explicationlogique : ici plus qu’ailleurs, le sys-tème français est enserré dans un

corset extraordinairement serré lais-sant trèspeu deplaceàlarespiration.SiSciencespoetHEContpurenaîtreavec un tel dynamisme, c’est aumoins en partie parce qu’ils viventauxmargesdusystème.Siapuécloreauseindel’universitédeToulouseuninstitutderechercheéconomiqueré-puté dans le monde entier, au pointdefinirpar êtrereconnuà Paris,c’estparce qu’il y a eu une équipe d’unerare opiniâtreté qui a su déployerbeaucoup d’énergiedansl’universitéet beaucoup de diplomatie dans les

coulisses despalais de la Républiquepourfairebougerlesrèglesdujeu.Etsi a pu naître à Grenoble un com-plexe scientifique de recherche dansl’infiniment petit, c’est parce qu’il yavait déjà là une concentration troprare en France d’industries et dechercheurs.

Mais il y a aussi une bonnenouvelle : la donne change vite.Avecla loi votée cetété, lesuniver-sités vont avoir davantage d’auto-nomie. Pas encore assez, mais plusqu’avant. Elles qui se sont déjà

montrées innovantes ces dernièresannées dans la création de mastersvont pouvoir aller plus loin.D’autres changements vont aussiporter leurs fruits. C’est le cas de lacréation des pôles de recherche etd’ens eign ement su périeu r(PRES) et des réseaux théma-tiques de recherche avancée(RTRA, comme la ToulouseSchool of Economics, dans la fou-lée de l’Institut d’économie indus-trielle, et la Paris School of Econo-mics, qui s’annonce prometteuse

malgré un début difficile). C’estaussi le cas du lancement des pôlesde compétitivité pour fédérer lesefforts de centres de recherches,de firmes technologiques et aussid’investisseurs. La multiplicationdes initiatives dans l’économie dela connaissance permet d’espérerdes retombées positives dans lesprochaines années. Même si lesFrançais n’investissent toujourspas assez dans leur recherche etleurs universités.

J.-M. V.

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33 Recherche : l’Idei, vitrinedes partenariats avec le privé

− l’Idei est rattaché à Toulouse-I.Ce n’est pas du goût de tous,

mais quelques années et autantde lois plus tard, ce qui n’étaitqu’un pari un peu fou de l’écono-miste Jean-Jacques Laffont− aujourd’hui décédé − est de-venu un établissement pionnier,observé à la loupe par toutes lesuniversités, sur le point, ellesaussi, de révolutionner leur fi-nancement et leur recrutement.Les chercheurs toulousains, eux,ont déjà le regard braqué sur lesprochaines étapes : figurer dansle Top 10 mondial de la re-

n n’est pas sérieux quand onO a dix-sept ans », disait Rim-baud. Son jeune âge n’a pourtantpas empêché l’Institut d’écono-mie industrielle de Toulouse(Idei) de tutoyer très vite lessommets des classements inter-nationaux. Classé second, voirepremier en Europe pour ses tra-vaux en économie, il doit soninsolente santé à un modèle dedéve loppement in édit enFrance : une recherche étroite-ment appuyée sur un solide ré-seau d’entreprises partenaires.

« Al’époque,nous avons reprisà notre compte un modèle quiexistait déjà à l’étranger en Alle-magne ou dans les pays anglo-sa-xons, mais pas vraiment enFrance », rappelle Patrick Rey, ledirecteur du laboratoire. Lesgrandes entreprises publiques(La Poste, EDF, France Télé-com…) se montrent les pre-mières intéressées pour concluredes contrats de recherche. Trèsvite, le laboratoire attire desclients… et des chercheurs derenom comme Jean Tirole, leplus nobélisable des économistesfrançais. Il compte aujourd’huiune quarantaine de partenairespublics ou privés (Visa, SFR, leministère de l’Environne-ment...).

Pour l’Idei, le bénéfice estdouble. En s’ajustant aux de-mandes des entreprises, il dé-friche des domaines de recherche

inédits (exemple : l’économiedes cartes de paiement) dans les-quels il devient leader.

Objectif Top 10 mondialGrâce à des contrats privés, aux-quels s’ajoutent les revenusd’une fondation en capital de12 millions d’euros, il offre à seschercheurs des conditions de tra-vail supérieures à la moyennefrançaise (secrétariat, locaux…),attractives au plan international.Moyen, aussi, de contourner cer-taines règles contraignantes dufonctionnement universitaire

cherche en économie, aujour-d’hui trusté par les universitésaméricaines. Et réussir le pari dela TSE, ou Toulouse School ofEconomics. LAURENCE ALBERT

Degré d’originalité 5/5Possibilité de diffusion 2/5L’acharnement peut venir àbout des terribles rigidités uni-versitaires. Et déboucher surune réussite mondiale.

En s’ajustant aux demandes des entreprises, l’Institut d’économie industrielle de Toulouse défriche des domainesde recherche inédits (comme l’économie des cartes de paiement) dans lesquels il devient leader.

G.Fo

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n guise de cure de jouvence,E Sciences po s’est offert… unretour aux sources. L’établisse-ment de la rue Saint-Guillaume aentrepris voilà une dizaine d’an-nées un grand lifting qu’il ditinspiré par son fondateur, EmileBoutmy (1871). « Il avait déjàtout dit sur la nécessité d’être plu-ridisciplinaire, de s’ouvrir àl’étranger ! Je n’ai fait que reveniraux racines pour mieux affirmernotre singularité et exister dans unmonde global », constate, un brinamusé, son directeur, RichardDescoings.

Réinventer, sans le dénaturer,un établissement centenaire surles bancs duquel se sont succédédes générations de dirigeants :plus qu’un exercice délicat, unegageure. Et une nécessité. Al’aube des années 1990, l’Institutd’études politiques de Paris, c’estun peu la petite sœur de l’ENA :sérieux, élitiste… et légèrementassoupi. « J’ai senti qu’il y avaiturgence, que nous n’étions plusconformes aux standards interna-tionaux », explique Richard Des-coings. Les yeux rivés sur lesuniversités d’outre-Atlantique,le nouveau patron de Sciences pova très vite lui donner une lon-gueur d’avance − et de faux airsde « business school », diront sesdétracteurs. Pionnière de l’har-monisation européenne des di-plômes, la Rue Saint-Guillaumeouvre dès 2000 ses portes auxétudiants étrangers (40 % des ef-

Très vite, cette petite révolu-tion en amène une autre : l’éta-blissement s’oxygène et se démo-cratise. Dès 2001, il tente decasser son image élitiste en éten-dant son recrutement aux bache-liers de ZEP. L’expérience, fon-d é e s u r d e s c o n c o u r sdérogatoires, lui attire les

discrimination positive. Mais lesrésultats sont là : 15 % de bour-siers contre 5 % auparavant. Ledébat sur la démocratisation et lamassification des effectifs n’estpas clos pour autant. A l’heureoù Sciences po se cherche unesecondeantenne, il hante lescou-loirs de l’établissement et

coings, sur lequel l’apostrophentses étudiants.

« Devenir autosuffisante »Car c’est un fait : étudier rueSaint-Guillaume c’est un peujouer les cobayes au sein d’unbouillonnant laboratoire d’idéesobservé à la loupe par le milieuuniversitaire. En dix ans, cellequi se définit désormais commeune « université » et non plus unegrande école n’a pas seulementbousculé les codes et levé le ta-bou de l’égalitarisme scolaire à lafrançaise (en modulant ses droitsd’inscription en fonction du re-venu, en pratiquant un recrute-ment différencié…). Elle a aussirestructuré son cursus en interne.La scolarité est passée de trois àcinq ans, avec des parcours indi-vidualisés, des « écoles profes-sionnelles » (journalisme…) ontfleuri pour accompagner son am-bition de devenir « autosuffi-sante », une stratégie de marques’esquisse derrière la volonté decréer des antennes ou des al-liances. Et, à écouter RichardDescoings, ce n’est qu’un débutou presque.

L. A.

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 1/5Le changement et l’innovationpeuvent venir d’un destemples du système.

35 Sciences po bouscule les codes

Sciences po, qui se définit désormais comme une « université » et non plusune grande école, a levé le tabou de l’égalitarisme scolaire à la française.

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fectifs aujourd’hui). foudres des contempteurs de la jusqu’au blog de Richard Des-

34 Le pôle Minatec,continuité d’un modèlevertueux grenobloisDE NOTRE CORRESPONDANTEÀ GRENOBLE.

estiné à relever le défi de laD miniaturisation extrême, Mi-natec, marque déposée du CEA,veut devenir le premier pôle euro-péendusecteuret l’undestroissitesmondiaux. Inauguré en 2006 et ini-tié par l’Institut national polytech-nique de Grenoble et le CEA, Mi-natec (micro et nanotechnologies)concentre sur 8 hectares la re-cherche, l’enseignement et le déve-loppement industriel de compo-sants électroniques. Près de4.000 personnes travaillent sur cesite,quijouxteleLéti,laboratoireduCEAetpremiercentreeuropéenderecherche appliquée en microtech-nologies. Dans les cinq ans, le pôledevrait induire 5.000 emplois dansl’industrie ou les services.

En créant le concept Minatec,Jean Therme, directeur du CEA, asuivi la tradition grenobloise. « Latechnopole réunit des caractéris-tiques très particulières : elle s’ali-mentedefaçontotalementendogène,ce qui la différencie fortement destechnopoles créées ex nihilo.Ce mo-dèle est stable à long terme. Il reposesurlaprésenced’unenseignementdehautniveauetdepuissantscentresderecherche, couplés avec des groupesindustriels, des entreprises tradition-nelles et des start-up. » Minatec, aufond, rassemble en un même site cequi sepratiquait auparavant de ma-nière éclatée dans l’agglomération.

Depuis le début du XXe siècle,avec l’apparition de l’hydroélectri-cité,lesGrenobloiscultiventunmo-dèle illustré par la synergie du trip-tyque enseignement-recherche

-industrie. Une constance qui per-metd’afficherunepopulationscien-tifiqueparmilesplusimportantesdeFrance, avec 17.000 emplois dans larecherche, 220 laboratoires5 centres internationaux de re-cherche,10écolesd’ingénieursetunpotentiel de formation de61.000 étudiants.

Investissements massifsLescollectivitéslocales,conscientesqu’un emploi dans la recherche encrée trois dans les services et lasous-traitance,ne se contentent pasd’engranger les bénéfices de ce dé-veloppement, mais investissentmassivement (150 millions d’eurosentre2002et2006)pourfinancerdenouvelles infrastructures de re-cherche,encomplémentdescréditsduCEA-Létietde l’INPGrenobleLes plates-formes de recherchecommunes se multiplient, notam-ment à Minatec. La pluridisciplina-rité est en effet plus que jamais larègle, les nanotechnologies se trou-vant à la croisée de plusieurssciences et techniques. Reste l’ob-jectif premier − un vrai défi −, celudeproduireindustriellementàGre-nobleleplusgrandnombrepossibledes applications issues des labora-toires. GABRIELLE SERRAZ

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 5/5L’associationdelarecherche,del’enseignement et de la produc-tion est non seulement néces-saire mais aussi possible enFrance.

36 HEC, grande écoledevenue mondiale

riorité à l’international ». De-P puisdouze ansqu’il està latêted’HEC, Bernard Ramanantsoa necesse de répéter ce mot d’ordre.Une constance payante : écoleavant tout hexagonale jusque danslesannées1990,HECs’estmuéeenune « business school » qui comptesur la scène européenne et mon-diale. En témoignent les classe-ments du « Financial Times », réfé-rence en la matière : le groupe estdepuis trois ans numéro un euro-péen pour les masters et vient dedécrocher la deuxième place mon-diale pour son MBA Trium encoopération avec New York SternUniversity et la London School ofEconomics. Autre signe moinsconnu : en Chine, HEC forme lesdirigeants des entreprises privati-sées. Aujourd’hui, 30 % de ses di-plômés débutent hors de France,32 % de ses professeurs sont étran-gers et son MBA accueille 84 %departicipants internationaux.

« Effort au long cours »« Plutôt que d’une stratégie de rup-ture, cette progression résulte d’uneffort au long cours, sur les quinzeou vingt dernières années », estimeHenri Proglio, PDG de Veolia etprésident du conseil d’établisse-ment de l’école. L’école a ainsi mis

lence académique, avec le fameuxprécepte anglo-saxon « publish orperish » (publier ou périr). Elle atissé des accords avec des parte-naires de premier plan, dans lecadredeTriumcommedel’associa-tionde 17grandesinstitutionseuro-péennes. Enfin,elle s’est attachée àcommuniquer à l’internationalBref,HECaaccepté les règlesdelaglobalisation. « Le groupe a su évo-luer sans varier dans sa stratégiesouligne Jean-Paul Vermès, vice-président de la Chambre de com-merce et d’industrie de Paris enchargedela formation.Sonprojet atoujoursavancédanslamêmedirec-tion. » Avec le soutien constant dela CCIP, qui lui a accordé l’andernier une dotation de 120 mil-lionsd’eurossurcinqanspourréno-versoncampusetrenforcerlecorpsprofessoral. Et de la FondationHEC, qui lui apporte cette année4 millions d’euros.

JEAN-CLAUDE LEWANDOWSK

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5En maintenant l’effort dans ladurée, une institution françaisepeuts’imposerdansundomainetypiquement anglo-saxon.

l’accent sur la recherche et l’excel-

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12 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

Un territoire en plein mouvementnFrance, laproduction,l’em-E ploi et la population ne font

pas preuve d’un même dyna-misme dans tous les territoires. Larégion parisienne tient ainsi dansce pays une place toujours aussiprépondérante, à peine écornéepar la décentralisation, avec prèsde 30% de la valeur ajoutée natio-nale. La moitié de la productionnationale est assurée par quatrerégionssurvingt-six.Lesdisparitésen matière de PIB sont tout aussicriantes. Ramené par habitant,seul celui d’un Francilien se situeau-dessus de la moyenne natio-nale.

Ces quelques chiffres donnentla mesure des déséquilibres entre

territoires. Mais depuis une di-zaine d’années, des dynamiques,suffisamment régulières et puis-santes pour faire bouger les lignes,se font sentir. La décentralisationadministrative lancéeaudébutdesannées 80 n’y semble pas pourgrand-chose.Lesgéographeset leséconomistes remarquent que lesrégionsdes façades ouest et sud dupays − dela Bretagneàla Corse enpassant par l’Aquitaine et Midi-Pyrénées − connaissent des tauxde croissance de production, maisaussi de population, plus élevésquelamoyenne.Dansunesortedecercle vertueux, cette France quiattire davantage de ménages etd’actifs séduit dans leur sillage des

entreprises plus mobiles que leursaînées de l’industrie lourde. Sou-vent liées au secteur tertiaire,épaulées par les nouvelles techno-logies, elles vont là où se trouve lamain-d’œuvre qualifiée. C’estainsi que l’on voit − remarque ets’alarmeen même temps leBipe −émerger des territoires cumulantles avantages (avancées démogra-phiques économiques et mêmequalité de vie) au détriment desautres.

D’autres lignes de force traver-sent le pays, faisant apparaître, àl’échelle des territoires locaux,uneFrance très hétérogène d’espacesurbains, périurbains et ruraux, dezonesd’emploi etautresbassinsde

vie. On y distingue d’un côté desespaces de croissance, de l’autredes zones fragiles. Dans la pre-mière catégorie, on trouve les mé-tropoles régionales, d’une tailleleur permettant d’entrer plus faci-lement dans les économies de laconnaissance et de constituer despôles capables d’agréger des com-pétences, des activités à forte va-leurajoutéeet descapitaux deplusen plus mobiles. Plusieurs de ceszones parmi les plus qualifiées etinnovantes, déjà orientées vers lessecteurs les plus porteurs commeGrenoble ou Toulouse, parvien-nent même à accroître l’emploiindustriel.

Mais la taille n’explique pas

tout. Car si de petites zones, peuqualifiées, dispersées, spécialiséesdans des secteurs exposés à laconcurrence des pays à bas coût(Epinal, Troyes, Roanne, Saint-Quentin, etc.) peinent à retenir lesemplois, d’autres, espaces rurauxet petites villes, pas seulement re-cherchés pour leur cadre de vie,connaissent des évolutions favo-rables, notamment dans le GrandOuest. Ces petits territoires abri-tent souvent des réseaux d’organi-sation où les acteurs se plaisent àagir en coopération, s’accommo-dant de la complexité de l’organi-sation territoriale française, per-çue comme une source de stérilitédes initiatives locales. PH. M.

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37 Lyon apporte le concoursde ses forces vives aux entrepreneursDE NOTRE CORRESPONDANTEÀ LYON.

n adoptant le slogan « GrandE Lyon, esprit d’entreprise »,élus, patronat et instances profes-sionnelles se sont engagés dansune cogestion du développementéconomiquedeladeuxièmeagglo-mération française. Une petite ré-volution des mentalités supposantque chacun reconnaisse la légiti-mité de l’autre à agir sur ce champpar-delà les clivages gauche-droite. L’idée, née sous la manda-turede Raymond Barre à lafin desannées 1990, a été dynamisée parsonsuccesseur,lesocialisteGérardCollomb, « qui s’est impliqué per-sonnellement dans cette dé-marche », atteste Franz Morize,délégué général de la CGPME duRhône.Cette confédérationfigureparmi les 6 institutionnels fonda-teurs aux côtés de la communautéurbaine, de la chambre de com-merceetd’industrie,delachambredes métiers et de l’artisanat, duMedef local ainsi que du pôle derecherche et enseignement supé-rieur université de Lyon.

Marque ombrelleLes 6 présidents constituant leconseil de gouvernance se réunis-sent au moins 2 fois par an etdélibèrent sur les propositions dudirectoire, constitué des 6 direc-teursde ces instances,qui seretrou-vent, eux, tous les mois. « C’estparce que nous avions appris à tra-vailler ensemble que nous avons pumonter les dossiers de 5 pôles decompétitivité labellisés », dit FranzMorize.Autreexemple :lacréationde la marque ombrelle OnlyLyon,adoptéepartouteslesinstitutionsetde plus en plus d’entreprises pour

l’étrangeret accroître la visibilitédece territoire. Une autre des actionsphares de cette démarche fédéra-tive a été baptisée « Lyon, ville del’entrepreneuriat »etentendréveil-lerl’envied’entreprendre.Elleaétélancée en 2004 lors du Salon desentrepreneurs.

Tout est parti du constat dresséaudébutdesannées2000 :cettecité« autissuéconomiquematureétait àla traîneen matièredecréation d’en-treprises », rappelle Christophe Ci-zeron, directeur du cabinet de Gé-rard Collomb à la Communautéurbaine de Lyon. Le programmeeuropéen Pacerel a servi de déclen-cheur pour mener un longdiagnos-ticayantpermisderecenseretaudi-

opérant dans ce domaine en lesrepositionnant le cas échéant surleur cœur de métier pour éviter leschevauchements.Aujourd’hui,unequarantaine de structures a intégréle dispositif Lyon, ville de l’entre-preneuriat auquel ont adhéré lebarreau, l’ordre des experts-comp-tables et la chambre des notaires.

AgrémentPour aller plus loin dans la re-cherche de qualité,ilaété décidédemettre en place un agrément enbonne et due forme des différentesentités. Chacune est en train de sefaire auditionner par un cabinetindépendant sur la base de 10 cri-tères : accueil des porteurs de pro-

réorientation vers d’autres cir-cuits…,letoutdonnantlieuàl’attri-bution d’une note de 1 à 100.

Parailleurs,unebase de donnéescommunes est en cours d’élabora-tion par la CCI de Lyon pour enoptimiser encore le fonctionne-ment.LeGrandLyon,quiconsacreun budget annuel de 1,5 milliond’euros à cette ligne, procédera àune évaluation de cette politiquemais peut, d’ores et déjà, affirmerque cette mise en réseau se traduitpar un temps de parcours réduitpour l’entrepreneur en herbe. Lesstatistiques montrent, elles,qu’entre 2001et 2006, lenombredecréations dans l’aire urbaine lyon-naise affiche une croissance cumu-

moyenne française. Ou encore quele quota de porteurs de projetsbénéficiant d’un accompagnementy est 2 fois supérieur au reste de laFrance : 20 % à Lyon, contre 10 %ailleurs.Le modèle intéresse d’oreset déjà d’autres villes comme Gre-noble, Saint-Etienne ou mêmeMetz.

MARIE-ANNICK DEPAGNEUX

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 4/5Une coopération en profon-deur des institutions est cru-ciale pour rendre une ville at-tractive.

Le quota de porteurs de projets bénéficiant d’un accompagnement dans l’aire urbaine lyonnaise est 2 fois supérieur au reste de l’Hexagone.

AFP,

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communiquer d’une même voix à tionner tous les protagonistes jet, respect de la confidentialité, lée de 21 %, contre 16 % pour la

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39 La région Centre réussit le rail décentraliséDE NOTRE CORRESPONDANTEÀ ORLÉANS.

e pari pouvait sembler risqué.L LarégionCentren’apourtantpas hésité. Plus tôt que d’autres,elle a cru à la relance du traficferroviaire régional et a été la pre-mière à prendre le train de ladécentralisation des trains expressrégionaux, ou TER. « A l’époque,la SNCF estimait que ces lignessecondaires n’étaient pas rentableset qu’il fallait les fermer. Ici, les élusont fait le choix inverse », souligneJean-Michel Bodin (PCF), vice-présidentchargédestransportsde-puis 1998, qui s’inscrit dans ladroite lignedelapolitiqueengagéevoilà plus de vingt anspar la précé-dente majorité.

C’est en 1986que la région com-mence à explorer cette voie nou-velle, bien avant le transfert de lagestion du transport régional devoyageurs aux régions en 2002 etl’expérimentation de 1997. L’im-pulsion estdonnée par le présidentUDF, Maurice Dousset, qui fait

alors voter la conclusion d’un ac-cord de partenariat avec la SNCF.« Nous ne pouvions intervenir qu’àla marge sur les dessertes par rap-portàun servicede référenceassurépar la SNCF, mais c’était déjà ungros progrès, car, à l’époque, onparlait plutôt de fermer des gares

que d’en ouvrir », note CatherineMonsigny, chef du pôle commer-cial à la direction des infrastruc-tures et des transports du conseilrégional.

Après avoir enregistré unehausse du trafic de 19 %, la régionpasse une nouvelle convention

plus ambitieuse en 1994, qui luidonne cette fois les moyens d’agirdans la gestion des transports ex-press régionaux. La mise en ser-vice, cette même année, d’unenouvelle liaison InterLoire entreOrléans et Nantes permet parexemple un gain de temps d’uneheure sur le trajet.

Horaires adaptés aux besoinsLa région s’engage aussi dans unepolitique de modernisation desgares et du matériel roulant et seporte candidate lorsque l’Etat in-vite les régions à devenir autoritéorganisatricedutransportdevoya-geurs à titre expérimental à partirde 1997. Là encore, elle se veut enpointe en insistant sur la qualité duservice, mesurée par des indica-teurs objectifs. Elle crée un sys-tème de bonus/malus pour inciterla SNCF à tenir ses engagements,repris en 2002 lorsque la décentra-lisation est étendue à toutes lesrégions.

A l’heure du bilan, le succès estaurendez-vous.« Nousavonsdou-

blé l’offre et multiplié par trois lenombre de voyageurs, avec plus de90.000 usagers par jour », poursuitJean-Michel Bodin. Les dessertessont passées au crible, les horairesadaptés aux besoins des usagersles tarifications modifiées pour at-tirer de nouveaux publics. Uneforme de titre unique de transport(carte Multipass)estmêmeexpéri-mentée dès 1999. Le réseaucompte aujourd’hui 135 gares ré-novées sur 160. Quant aux rameselles ont été modernisées ou re-nouvelées à 93 %, avec plus de300 millions d’euros investis enmatériel depuis dix ans.

CHRISTINE BERKOVICIUS

Degré d’originalité 1/5Possibilité de diffusion 5/5Dans certains domaines, lespouvoirs locaux doivent avoirla main. Bel exemple d’appli-cation du principe de subsidia-rité.

Plus tôt que d’autres, dès 1986, la région Centre a cru à la relancedu trafic ferroviaire régional.

AFP

38 Bayonnedonne

une secondevie à soncentre-villeDE NOTRE CORRESPONDANTÀ BAYONNE.

u confluent de l’Adour et deA la Nive, Bayonne, depuisqu’elle a été rattachée au royaumede France en 1451, n’a cessé dedensifier ses quartiers ancienscontenusderrière lesremparts.De-venus en 1975 un secteur sauve-gardé de 82 hectares, ceux-cavaient cependant été petit à petitdésertésparlapopulation.Unloge-ment sur cinq y était vacant. S’ap-puyant sur la loi Malraux et lesdispositifs de réhabilitation de l’ha-bitat, lavilleaalorsdécidédemettreenœuvre,àpartirde 1979,plusieursprogrammes qui, en une douzained’années, ont permis de rénover2.068 appartements. Parallèlementàlamiseauxnormesdubâti, l’archi-tecte Alexandre Mélissinoss’est at-tachéà enconserverleurcachetetàdonneruneunitéàl’ensembledecepaysage urbain. Anémié par l’at-tractivité des communes périphé-riques et de ses centres commer-ciaux, le cœur historique de lacité aainsi été transfiguré par une actionde longue haleine de la municipa-lité, qui a permis d’y faire revenirhabitants et consommateurs.

Navettes électriques gratuitesDepuis, les quartiers centraux revi-vent, la population de la ville estrepartieà la hausse :de40.000habi-tants en 1999, elle est passée àpresque 45.000 en 2007. Si beau-coupdejeunesménagesnepeuventtrouver du foncier qu’à l’extérieurde la ville, certains préfèrent toute-fois aujourd’hui la vie urbaine dansles quartiers des « Petit » ou« Grand Bayonne ».Encore fallait-il que l’offre commerciale suiveparfois vieillot, manquant de loco-motives, le petit commerce decentre-ville a repris des couleursavec la création en 1998 de l’Officede commerce.ExpériencepiloteenFrance, cet organisme réunit lescommerçants, la ville, la CCI, lachambre des métiers et l’office detourisme avec un même objectifanimerlacité,enrefaire« lepremiercentre commercial de la région »selon l’expression de DominiqueDestribats, président de l’Office.

Troisième initiative : depuis dé-cembre 2003,unréseau de navettesélectriques gratuites draine vers lecentre les automobilistes ayant sta-tionné leur véhicule dans les par-kings implantés au pourtour ducentre-ville.En septembre 2008,unnouveau site universitaire édifié surdes terrains occupés auparavantpar l’armée viendra apporter unenouvelle animation au cœur de lacité. PIERRE ETCHELEKU

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 5/5Une municipalité active peutrenverser des tendances lon-gues comme le déclin ducentre-ville.

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40 Millau ou le viaducdes records

Il a été emprunté par 4,4 millions de véhicules l’an dernier, un chiffresupérieur aux prévisions initiales. Il attire 500.000 touristes par an pour laplus grande joie des commerçants de la sous-préfecture de l’Aveyron. Il aaccueilli 10.000 coureurs le 13 mai dernier dans le cadre d’un semi-mara-thon. Il a même été survolé le 19 septembre dernier par un Airbus A380passant à 150 mètres seulement au-dessus du sommet des piles, pour lesbesoins d’un film publicitaire. Recensé 730.000 fois sur Google, le viaducautoroutier de Millau n’en finit pas de jouer les vedettes et de collection-ner les records. Plus long viaduc multihaubanné au monde − 2.460 mètresde tablier métallique supportés par sept piles en béton armé hautes

performances dont la plus haute culmine à 245 mètres −, cet ouvrage quirelie le causse Rouge aux Grands Causses en passant à 270 mètresau-dessus du Tarn est devenu, depuis son inauguration, le 14 décembre2004, la vitrine du savoir-faire français actuel en matière de travauxpublics.Conçu par l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Michel Virlogeux,dessiné par l’architecte britannique sir Norman Foster, qui lui a impriméune courbure (vu d’avion) s’inscrivant dans un cercle de 20 kilomètres derayon, réalisé en trente-huit mois seulement et sans aucun accidentmortel par le groupe français Eiffage dans le cadre d’une concession desoixante-quinze ans, le viaduc a réussi l’exploit de faire, tout à la fois,sauter l’ancien et traditionnel « bouchon routier du 15 août » et deredynamiser toute une région grâce à l’achèvement de l’autoroute A75qu’il a permis. C. B.

- 13Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

AFP

41 Valenciennes a gagné la bataillepour l’emploi

DE NOTRE CORRESPONDANTÀ LILLE.

n visiteur qui reviendraitU pour la première fois de-puis dix ans à Valenciennes nereconnaîtrait pas l’aggloméra-tion. L’atmosphère lourde d’unterritoire ravagé par un chômagede 24 % en 1997, sapé par lescrises textile, sidérurgique et mi-nière, a complètement disparu.Le tramway flambant neuf quitraverse l’intercommunalité auxartères rénovées incarne ce lenttravail de reconquête. Jean-Louis Borloo, alors maire, avaitbien choisi le nom du nouveauthéâtre, le Phénix, premier inves-tissement public majeur dans lacapitale du Hainaut français. Letaux de chômage est aujourd’huitombé à 13 % et les élus locauxosent enfin envisager le seuil des10 %.

Cette métamorphose doitbeaucoup aux crédits européensmais aussi à l’état d’esprit géné-ral, y compris du côté de l’Etat et

de la CCI du Valenciennois, quiont su faire front commun pourrebondir, à commencer par l’im-plantation déterminante deToyota, ses 4.000 emplois et sesmultiples sous-traitants. L’Etat amême inventé pour l’occasion leconcept de préfet ad hoc nommépour aplanir toutes les aspéritésdu dossier. Les oppositions poli-tiques, fortes dans un territoireoù la présence communiste futlongtemps très puissante, ontégalement cédé le pas devant lamobilisation générale pour le dé-veloppement économique. Va-lenciennes Métropole, présidépar Jean-Louis Borloo, s’est em-paré de cette compétence avecconviction : réseau à haut débitpour les entreprises, multiplica-tion des zones d’activité, y com-pris franches, mais aussi accom-pagnement le plus poussé auxentreprises.

Témoin, le service d’accueilaux entreprises (SAE) inventéen 1999 dont l’objectif premierétait de prendre par la main les

expatriés japonais de l’usineToyota à Onnaing, perdus dansun pays et une région très étran-gers à leur culture. « On nous abaptisés longtemps “ celluleToyota ”, mais nous avions élargiau bout de six mois nos activités àtous les cadres et nouveaux arri-vants », explique Ingrid Blas-quez, en charge du SAE. Loge-ment, scolarité des enfants,emploi du conjoint… Les ser-vices du SAE apportent un vraiplus aux implantations. La struc-ture va à nouveau œuvrer à pleinrégime les prochains mois, dansle cadre de l’investissement mas-sif du pharmacien GSK à Saint-Amand-les-Eaux, qui doit créer600 emplois.

Projet de technopoleLa diversification tertiaire d’unterritoire naguère entièrementindustriel s’accroît au rythme dela renaissance commerciale ducentre-ville, mais aussi du choixdu numérique, porté depuis desannées par la CCI du Valencien-

nois et par une université de Va-lenciennes et du Hainaut-Cam-brésis (UVHC) aux résultats deplacement exceptionnels. Unprojet de technopole est d’ail-leurs dans les circuits dans leprolongement de l’UVHC, quipermettrait aussi de capitaliserautour du pôle de compétitivité àvocation mondiale I-Trans, axésur l’industrie ferroviaire. Signetangible de retournement struc-turel, la ville-centre,qui était des-cendue sous les 37.000 habitants,a dépassé à nouveau nettementles 40.000 habitants. Les gruestravaillent sans relâche pourconstruire de nouveaux loge-ments.

OLIVIER DUCUING

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 3/5Un bastion industriel peut res-ter un bastion industriel àcondition de tout réinventer.

42 Le TGV fait bouger les lignes à l’EstDE NOTRE CORRESPONDANTÀ REIMS.

e TGV Est ne profite pasL seulement à la Lorraine ou àl’Alsace. Les grues et les béton-nières ont réveillé la « belle endor-mie » qu’était Reims avant que leTGV n’ouvre devant Paris les ter-ritoires de l’Est. L’une des em-preintes les plus visibles de cettenouvelle effervescence est la re-naissance du quartier du Clairma-rais.Derrièrela gare TGV-Centre,totalement rénovée et moderni-sée, l’habitat ancien et délabré apetit à petit cédé la place à unquartier d’affaires flambant neuf.Plusieurs milliers de mètres carrésde bureaux et de logements y ont

été construits par des investisseursprivés.

Nourri par les nouveaux fluxferroviaires qui placent Reims àquarante-cinq minutes de Paris ettrente minutes de Roissy, le Clair-marais participe de la transforma-tion de Reims, qui voit ses indus-tries traditionnelles (métallurgie,chimie, mécanique) remplacéespar des sociétésdeservice.Entroisans, près de 2.000 emplois ont étécréés par 22 producteurs de ser-vice, que ce soit dans la finance(ING-Direct), la relation client(Techcity, Intra Call Center) oul’informatique (Ikoula). Selonl’agence Reims Champagne Dé-veloppement (RCD), ces créa-tions ont déjà généré près de

62 millions d’euros sur l’agglomé-ration, dont 3 en recettes fiscales.

EconomiesEn faisant entrer la Cité des sacresdanslecercledesvillesdelagrandecouronne parisienne, le TGV Estpermet d’établir un nouveau com-paratif des coûts de fonctionne-ment d’une entreprise. Une im-plantation à Reims permet ainsiselon RCDd’économiser par an etpar salarié de 600.000 euros (Vé-lizy-Villacoublay) à 1,2 milliond’euros. Au sud de Reims, la zoned’activités de Bezannes, près de lagare nouvelle Champagne-Ar-denne TGV, compte sur cet argu-ment pour se développer :350.000 mètres carrés y sont à

construire, dont 10.000 livrés en2007 et 7.500 programmés pour2008. Grand réaménageur d’es-pace urbain, la première ligne dutramway rémois reliera en 2010cette gare nouvelle encore isoléeau reste de la ville. Cette extensionjusqu’à Bezannes n’était pas pré-vue dans la première mouture duprojet. Le TGV l’a rendue inévi-table. DOMINIQUE CHARTON

Degré d’originalité 2/5Possibilité de diffusion 4/5L’impact des grandes infra-structures dépasse largementleurs effets directs.

INTERVIEWMICHEL ROUSSEAUPROFESSEUR À PARIS-DAUPHINE

« Le nombre d’initiativesdans ce pays

est impressionnant »Professeur à Paris-Dauphine, spécialistedes mutations des tissus économiques,Michel Rousseau a mené de nombreuxtravaux sur l’économie locale.

Qu’est-ce qui fait le dynamisme de cer-tains territoires en France ?C’est généralement dû à des traditionsentrepreneuriales et à des initiatives lo-cales encouragées par le sentiment d’ap-partenance à une province, une région,un département,bref,unecommunauté.C’estle casde laBretagne,delaVendée,de l’Alsace... On peut parler dans ce casd’une sorte d’héritage culturel, qui en-courage l’effet réseau.

La puissance publique a tenté de soutenir ces initiativeslocales à travers les systèmes productifs locaux ou, plusrécemment, les pôles de compétitivité. Est-ce une bonnechose ?Non.A partirdu moment où les fonctionnairesconsidè-rent qu’ils peuvent organiser eux-mêmes les entrepre-neurs, cela devient une catastrophe. Quand la Datar aterminé, à la fin du siècle dernier, sa formidable missionde redistribution de la richesse à travers les territoires,elle s’est demandée quoi faire. On a ainsi vu naître savolonté de devenir un organisateur de systèmes deproduction,typedistrictsindustrielsàl’italienne.Or iln’ya rien de plus dévastateur que de mettre des fonction-naires au milieu des entrepreneurs pour les organiser.Cela ne peut pas marcher.

Une décentralisation accrue ne permettrait-elle pas alorsde libérer plus intelligemment les énergies locales ?La richesse ne naît pas n’importe où ! Elle naît dansl’entreprise, dans la confiance que l’entrepreneur a enlui-même et dans son environnement, notamment celuiapporté par les pouvoirs publics en matière de fiscalité,deréglementation,etc.Lessystèmesquiproduisentdelarichesse sont ceux où les entrepreneurs partagent leursexpériences, font circuler l’information entre eux et setrouvent dans une perspective confiante de développe-ment. Le nombre d’initiatives dans ce pays est impres-sionnant ! Mais sans méthode ni stratégie. Alors cesinitiatives restent confidentielles puis s’étiolent. Ilmanque dans ce pays une méthode et une stratégie,territoire par territoire, conduite par les entrepreneurseux-mêmes. Ce qui m’inquiète beaucoup aujourd’hui,c’est la perte d’influence des chambres de commerce etd’industrie, étouffées par les agences régionales dedéveloppement, les comités d’expansion et autres struc-tures du même genre. Alors qu’elles ont un atoutirremplaçable : elles sont l’émanation des chefs d’entre-prise.A cetitre,elles devraient pouvoirservird’élémentfédérateur des PME, qui sont à la peine dans notre payset à qui il faut impérativement redonner confiance.

PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MOREAU

Michel Rousseau.

Cartons rougesl PortdeMarseille. Certes,c’est le « portdetous les talents », le premier français et letroisième d’Europe, plus de 20.000 emploisinduits,plusde100millionsdetonnesdetraficl’an dernier pour la première fois depuis unquartdesiècle.Maisquelgâchis !Alorsquelaville de Marseille connaît une véritable re-naissance, son port continue de perdre duterrainenMéditerranée et lesgrèvesàrépéti-tion continuent d’éroder sa crédibilité. Lacomparaison avec Barcelone est cruelle.l Boulogne-Billancourt face à la fondationPinault. C’était l’histoire d’un musée qui

devaits’installersur l’îleSeguin pourabriter lescollectionsdeFrançoisPinault.C’estdevenuunmusée…vénitien.Lefondateur de PPR a certes slalomé. Mais la mairie deBoulogne-Billancourtalâchéuneoccasionqu’ellen’auraitjamais dû laisser filer. Un fiasco qui reflète le drame desmaires qui se croient éternels et des écolos parfois benêts.

Histoire à suivrel RéinventionduréseaururaldeLaPoste.Aprèstreizeans de dialogue de sourds, La Poste et l’Association desmaires de France ont signé en 2005 un accord fixant desgaranties relatives à la pérennité et au financement de2.500 agences communales et intercommunales (sur17.000bureauxenFrance).C’estunefaçonderépondre àun problème centralde la réforme desservices publicsenFrance − celuidelaprésencede servicespublicsenmilieurural et de la restructuration des réseaux. CertainesfonctionsrelevantauparavantdeLaPostesontdésormaisassumées par de petits commerces en milieu rural. Leprocessus a des effets majeurs sur l’organisation (regrou-pement de bureaux et de bureaux distributeurs), sur lefonctionnement (processus de distribution), sur les res-sources humaines (gestion des équipes, remplacement,rattachement à un secteur) et enfin sur les prestationsrendues (horaires, etc.).

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14 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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Les voies nouvelles de la cohésion socialeepuis une génération, les ob-D servateurs dressent les

constats successifs de retrait del’Etat dans de nombreuxdomainesetdel’affaiblissementduliensocial,jusque et y compris dans les entre-prises.Lesraisonsensontmultipleset tiennent autant à la globalisationdes marchés qu’à la montée del’individualisme. Ces tendances nefont que refléter des évolutionsliées à la société contemporaine.Les Etats se font de plus en plusdiscrets et modestes, économes enmoyens etciblant leurs actions. Lesindividus, quant à eux, affirmentleur volonté d’être les propres ac-teursdeleurdestinetrevendiquentleursidentitésmultiples.Cechemin

vers la modernité comporte desavantages comme des risques maissi ces évolutions sont non spéci-fiques à la France, elles ne lassentpas d’y inquiéter le corps social.

Or les associations sont enquelque sorte la métaphore dumonde contemporain parcequ’elles réunissent des gens quiveulenttravaillerensemblenonparnécessité mais par communautéd’affinités. Leur fonctionnementrepose non sur des logiques debesoin mais sur des volontés demiseenréseaux.Labonnenouvelleest que, demanière discrète et irré-versible, le secteur associatif se dé-veloppe et innove, affirmant ainsisa bonne santé. La France compte

aujourd’hui1milliond’associationsetprèsde70.000sontcrééeschaqueannée.

Loin de se restreindre aux do-maines d’actions connus (lesport, la culture, les activités deloisir), il investit des domaineslaissés libres par l’Etat commecertains aspects de l’action so-ciale, de l’insertion profession-nelleou du développement local.Structures très réactives, biensouvent professionnelles dansleurs modes d’action, les associa-tions s’avèrent capables de dé-tecter de nouvelles aspirations etd’y apporter une solution sou-vent inédite et pertinente.

Marie-Noëlle Besançon a

ainsi créé l’association Les Invi-tés au festin pour répondre à labaisse des moyens financiersdans le domaine de la psychia-trie. Son association prend encharge des personnes atteintesde troubles psychotiques. CaroleDa Silva lutte, depuis 2002, avecl’Association pour favoriser l’in-tégration professionnelle (Afip),contre la situation paradoxalequi voit un jeune issu d’une mi-norité visible d’autant plus dis-criminé qu’il est diplômé. Ale-xandre Jardin, fondateur de Lireet faire lire, se bat pour recréerdu lien entre les générations parl’entremise de la lecture.

Quand elles ont développé

une réelle expertise, les associa-tions apportent leur capacité àidentifier des problématiques so-ciétales et à proposer des solu-tions opérationnelles. Ce faisant,elles contribuent de manière effi-cace à la cohésion sociale. Enrevanche, elles ne peuvent fédé-rer efficacement des initiativesqu’à condition d’inspirerconfiance dans la durée, c’est-à-dire en enregistrant des résultatstangibles et probants. Leurbonne volonté affichée n’y suffitpas, tout comme les entreprises,les associations sont condam-nées à réussir pour survivre.

OLIVIER THÉOPHILEdirecteur d’études à Entreprise & Personnel

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43 100.000 entrepreneurs, la pédagogiede l’entreprise à l’école

es Français n’aiment pas l’en-L treprise... » La litanie est ré-currente depuis des années dansl’Hexagone. Plutôt que de s’y ré-soudre, fin 2006, Philippe Hayat,quarante-trois ans, polytechni-cien, diplômé de l’Essec et « se-rial entrepreneur », décide delancer l’initiative 100.000 entre-preneurs. L’idée est simple : fairedécouvrir aux Français ce qu’estl’entreprise dès leur plus jeuneâge. L’association se donne doncpour objectif d’organiser des té-moignages bénévoles d’entrepre-neursdans les établissementssco-laires, de la 3e à l’enseignementsupérieur. « Ecouter un entrepre-neur raconter son aventure donneaux jeunes de 13 à 25 ans desperspectives professionnelles,éveilleen eux l’enviedes’exprimerpar le travail et de prendre leur vieen main », explique PhilippeHayat, qui préside l’association.Et insiste sur la vertu pédago-gique du projet. L’intervention,explique-t-il, en effet, « montrequ’il est possible de choisir sa vieprofessionnelle et qu’elle peut êtresynonyme d’opportunité et d’épa-nouissement ».

« Trois entrepreneurs surquatre sont issus de familles d’en-trepreneurs. Cela prouve quel’acte d’entreprendre n’est pas na-

turel », affirme le fondateur. Adéfaut d’un recul suffisant − pourl’heure, l’association n’intervientqu’en Ile-de-France et devraitbientôt être active en Rhône-Alpes −pour savoir si cette initia-tive fera naître de réelles voca-tions d’entrepreneurs, le projetsemble faire recette. « En moinsd’un an, l’association a trouvé saplace auprès du monde entrepreu-narial et des enseignants », ex-plique encore Philippe Hayat.

Vers les jeunes des ZEPLe 13 décembre 2006, une chartevisant à favoriser l’accès à l’éga-lité des chances a été signée avecl’ex-ministre de l’Education,Gilles de Robien. L’objectif estde démarcher prioritairement,académie par académie, lesjeunes des ZEP et des « quartierssensibles », même si l’associationa vocation à s’adresser à l’en-semble des jeunes. Un partena-riat sera signé le 15 novembreprochain avec l’académie de Pa-ris, en présence de Xavier Dar-cos, le ministre de l’Education,au lycée Paul-Valéry, dans le12e arrondissement de Paris. Plusd’un millier d’entrepreneurs etplusieurs centaines d’ensei-gnants ont déjà rejoint l’initia-tive, permettant de programmer

quelque 250 interventions dansdes établissements scolaires et detoucher plus de 7.000 élèves. Ob-jectif à cinq ou dix ans :100.000 interventions qui per-mettraient de toucher 3 millionsde jeunes chaque année.

Quatre grands groupes sont

venus apporter leur soutien fi-nancier à cette initiative : lesCaisses d’Epargne, SFR, SAP etle groupe PPR de François Pi-nault. En octobre dernier, celui-ci a rejoint le projet via son asso-ciation SolidarCité, dont lavocation est de soutenir les initia-

tives des collaborateurs dugroupe en matière de solidarité,de cohésion sociale ou d’égalitédes chances. Chaque fois, l’appuifinancier se double d’un partena-riat opérationnel. SFR proposedéjà des stages d’observationdans son réseau de boutiques.

Quant à SAP, il va développerdesmodules d’initiation aux nou-velles technologies en ligne au-près des jeunes concernés.

« Beaucoup d’idées reçues »« Il y a beaucoup d’idées reçuessur la difficulté de la créationd’entreprise en France. Un bonprojet avec un bon entrepreneurtrouve toujours de l’argent sur lemarché. Le problème, c’est qu’il ya très peu de fonds d’amorçagedisponibles dans le secteur desnouvelles technologies. Il y a4.000 “business angels” enFrance, contre 40.000 en Grande-Bretagne et 400.000 aux Etats-Unis », souligne Philippe Hayatqui enseigne la finance d’entre-priseà l’Essec.L’ex-fondateurdel’incubateur Kangaroo Village(revendu à la Société Généraleen 2003), en est à sa quatrièmeaventure en treize ans.Mais cettefois-ci, à la tête d’une start-up àbut non lucratif. C. F ET P. DE G

Degré d’originalité 4/5Possibilité de diffusion 5/5La pédagogie entrepreneu-riale peut faire bon ménageavec la pédagogie scolaire.

« Ecouter un entrepreneur raconter son aventure donne aux jeunes de 13 à 25 ans des perspectivesprofessionnelles, éveille en eux l’envie de s’exprimer par le travail et de prendre leur vie en main », expliquePhilippe Hayat (ici, lors d’une intervention à Bondy), président de l’association 100.000 Entrepreneurs.

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44 Lire et faire lire, le goûtdes livres dès l’enfance

Des retraités qui racontent des histoires aux enfants :le principe de l’association Lire et faire lire est on nepeut plus simple. L’effet madeleine de Proust estimmédiat. Tout le monde ou presque a fait, étant petit,l’expérience de la lecture avec ses grands-parents.Lancée en 1999, l’association, portée par la figuremédiatique de son cofondateur Alexandre Jardin,compte aujourd’hui plus de 11.000 bénévoles. Près de5.000 structures éducatives lui ont ouvert ses portes,parmi lesquellesprincipalement des écoles, maisaussides crèches, des collèges, des centres de loisirs, desbibliothèques ou encore des hôpitaux. Environ250.000 enfants ont ainsi pu écouter les récits de ceslecteurs du troisième âge. Les ingrédients de la réus-site ? « Il nous fallait trouver une pratique reproduc-tible, qui ne dépende pas du génie supposé de deux ou

trois personnes, et qui mobilise les réseaux existantsplutôt que de partir de zéro », indique le romancier àsuccès, qui a convaincu la Ligue de l’enseignement etl’Union nationale des associations familiales (Unaf) defaire route avec l’association. Ce faisant, celle-ci a pubénéficier de leur savoir-faire en matière d’implanta-tion locale, de financement et de crédibilité. Pourmener à bien ses opérations, Lire et faire lire mobiliseainsi deux millions d’euros chaque année, alors queson budget propre est de 250.000 euros. Si certainesentreprises mécènes ont quitté le navire, l’Educationnationale a en partie pris le relais. Pour s’assurer quel’enthousiasme du début ne retombe, des chartesdéfinissant le rôle et les engagements de chacun sontsignées avec les partenaires. Et, à chaque signe d’es-soufflement, Alexandre Jardin relance la machine : unpassage à la télé ou une opération avec la pressequotidienne régionale et « ça cartonne : les volon-taires accourent ».

CA. F.

45 Force Femmes, une initiativede dirigeantes indignées

hristina Fernandez de Kirch-C ner, cinquante-quatre ans,tout juste élue présidente d’Ar-gentine, après Michelle Bachelet,cinquante-cinq ans, présidente duChili, et en attendantHillary Clin-ton (soixante ans) aux Etats-Unis… Le XXIe siècle sera-t-ilenfin celui de l’égalité entre leshommes et les femmes ? Malheu-reusement, derrière ces destinsextraordinaires, les stéréotypesn’ont pas disparu. Surtout enFrance. Prenez l’exemple desfemmes cinquantenairesqui cher-chent un emploi. « Là, c’est letriangledes Bermudes, ironise Vé-ronique Morali, administratricede Fimalac, fondatrice de ForceFemmes. Sur le marché de l’em-ploi, les femmes sont en risque àpartir de 45 ans, au moment oùelles sont en pleine possession deleurs facultés intellectuelles, oùelles ont de l’expérience, de la ma-turité et éventuellement une plusgrande disponibilité car leurs en-fants ont grandi. »

C’est ainsi que, il y a deux ans,avec le petit cercle de femmeschefs d’entreprise qui ont lancé leWomen’sForum,Véronique Mo-rali lance l’association ForceFemmes pour soutenir l’emploide femmes de plus de 45 ans.« Nous avions toutes autour denous des exemples de femmes endifficulté, à l’issue d’un licencie-

le sentiment qu’il fallait bougerpour lutter contre une double dis-crimination du sexe et de l’âge. Cen’était pas glamour et notre projeta été accueilli avec un grand scepti-cisme. » Dans les salons parisiens,on leur a souvent demandé cequ’elles, des femmes riches et quiont réussi, allaient faire dans cettegalère.Bénévole, VéroniqueSau-bot, qui a créé son entrepriseaprès des années passées chezValeo, répond à la vitesse del’éclair : « J’ai quarante ans, maisje suis révoltée par le taux incroya-blement faible de l’emploi des se-niors en France, et je veux changerles mentalités. Pour avoir travaillédans un grand groupe, je connaisl’inertie du système. Et je veuxrenforcer la création d’entreprisesen France. »

Transmission de savoirDeux ans après sa création,Force Femmes affiche un bilanencourageant. Avec des moyensinfimes, puisque le principe re-pose sur le bénévolat et la trans-mission de savoir. Des femmesqui sont en poste, donnent deleur temps à des femmes décou-ragées de se voir fermer lesportes au motif qu’elles sont tropvieilles ou trop chères. Celles-cis’inscrivent par Internet et sontensuite reçues pour un entretienindividuel. « Le but est de casser

la déléguée générale, Elise Moi-son, par des entretiens indivi-duels, la constitution d’ateliersdes conférences, une cellule d’ac-compagnement à la création d’en-treprises… ». En deux ans, l’asso-ciation a reçu individuellement2.320 femmes et est parvenueavec ses 85 bénévoles à trouver230 emplois. Force Femmes aura15 antennes en province à la finde l’année et 25 en 2008. « Pourcréer des antennes à Lyon, Lilleou toute autre ville, on rechercheparmi nos connaissance unefemme tête de réseau, qui peuparler à la presse, aux entreprisesaux bénévoles. Pour décrocherdes emplois, on démarche les en-treprises et nos contacts », ex-plique Véronique Morali. Face àla galère, les femmes se retrous-sent les manches : un modèle as-sociatif inédit en Europe. Peut-être parce que les rigidités del’emploi et le jeunisme qui rè-gnent en France n’ont pas d’équi-valent. ANNE BAUER

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 4/5Une association peut être pré-cieuse pour venir en aide à unepopulation en détresse mal dé-tectée par les indicateurs clas-siques.

ment, d’un divorce, d’un deuil... et le cercle de l’exclusion, explique

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47 Nes et Cité, pour apprendre à gérerla violence des banlieues

Rien n’y fait : depuis les années 1990, « Vaulx-en-Velin » est synonyme, dansl’imaginairecollectif,dequartierdifficiledelabanlieuelyonnaiseoùriennepeutchanger.Silesclichésontlaviedure,etsidefaitlasituationyestsansdouteplusdifficile que dans bien des endroits en France, il ne faut pas dire à AbdelBelmokaden que rien n’y change ! Lui qui fut le premier médiateur de cité deFrance,postecrééaulendemaindesémeutesde1990,estunobservateuretunacteurprivilégié.Conscientde lalimitede sonrôlepourtransformerle paysagedelacité, iladécidédetenter l’aventureduprivéen2001.Etdecréerseul,alors,dans lapépinière« Carco »,uncabinetdeformationetdemédiationengestiondes conflits et des violences urbaines. Le nom est vite trouvé pour cet hommed’origine nord-africaine qui est né à Vaulx-en-Velin : ce sera « Nes et Cité » en

- 15Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

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46 Les Invités au festin, créateursde la psychiatrie citoyenneDE NOTRE CORRESPONDANTÀ BESANCON.

Besançon a été créé un lieuA de vie pour personnes en dé-tresse psychique où, peu à peu, ses« invités » reprennent pied.Une al-ternative à l’enfermement psychia-trique qui constitue le pilote d’unréseau en train de naître. C’est lapublicationdesonlivre témoignageen 2005qui afaitconnaîtrel’expéri-mentation de Marie-Noëlle Besan-çon.Depuis1999,cettepsychiatre aconcrétisésonrêve :créerunlieudevie alternatif à l’enfermement psy-chiatrique.Dans« Onditqu’ilssontfous et je vis avec eux », la fonda-trice de la Maison des sources, àBesançon (Doubs), raconte lanais-sance de l’utopie jusqu’à sa réalisa-tion,endévoilantsoncheminementde thérapeute, la création de l’asso-ciation Les Invités au festin, en1990, puis celle du lieu de vie, en1999. Une expérimentation menéedans un couvent racheté cette an-née-là aux capucins et dont les ré-sultats peuvent être chiffrés :« Deux mille journées d’hospitalisa-tion économiséeschaque année, soit750.000 euros, pour de très bonsrésultats », estime-t-elle.

Une centaine de personnes aux

moins marqués viennent à l’accueilde jour dela Maison des sources,ets’impliquent dans l’une des 35 acti-vités proposées : des ateliers fripe-rie,écriture, informatique, coiffure,théâtre, jardinerie, menuiserie, Qi-gong, etc. Elles se mêlent aux13 personnes hébergées dans lamaison relais intégrée des Capu-cines et aux bénévoles. Chacuneétant responsabilisée, il est biendifficile de distinguer les uns des

Cette absence de frontières est leprincipe de base de la Maison dessources et l’un des éléments clés desa réussite thérapeutique. Marie-Noëlle Besançon, qui a finalementlâchésoncabinetdepsychiatrelibé-rale pour se consacrer totalement àses « Invités au festin »,a l’habitudede dire que cette maison n’est pasun lieu de soin, mais un lieu quisoigne. « Les gens vont mieux, ilssont moins hospitalisés, ils prennent

la psychiatrie, il est important d’es-saimer. »

EssaimageAprès l’expérimentation est doncvenu le temps de l’essaimage. C’estlà qu’intervient Jean Besançon,marideMarie-Noëlle,quifutdirec-teur financierd’ungroupe informa-tique puis formateur, mais qui a luiaussi attrapé le virus de la psychia-trie citoyenne. Il a lâchéson emploiil y a un an pour se consacrer àtemps plein aux « Invités » et à laconceptualisation d’un réseau. Carles demandes d’accueil affluent.« Nous avons répondu à quatred’entre elles à Lille, Lyon, Montpel-lier et Paris. Ici, nous avons fait leprototype,nouspassonsenphasedepré-série », détaille en souriant ledirecteur de l’association et prési-dent du réseau IAF,quivient d’éla-borer stratégie et charte.

MONIQUE CLEMENS

Degré d’originalité 5/5Possibilité de diffusion 2/5Les associations peuvent utile-ment intervenir dans des do-maines officiellement « biencouverts ».

Une centaine de personnes aux problèmes psychiques plus ou moinsmarqués viennent à l’accueil de jour de la Maison des sources, à Besançon.

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problèmes psychiques plus ou autres. moins de médicaments. Vu l’état de

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référence au prénom de sa fille aînée, Ines, et parce que le mot veut aussi dire« les gens » en arabe.En six ans, la société a développé un produit quasi unique de gestion de laviolence. « Nosformateursetnosconsultantsscénarisenttoutesles situationsde conflit du quotidien, jusqu’au point paroxystique. C’est d’ailleurs là queréside l’efficacité de la formation et les participants sont capables d’utiliser cequ’ils ont appris en trois jours », explique-t-on au sein de l’association. Ladémarche semble séduire les entreprises. Dans son portefeuille, Nes et Citécompte des grands groupes tels que GDF ou Coca-Cola.Aujourd’hui, la société, qui réalise un chiffre d’affaires annuel supérieur à700.000 euros, vient de quitter la pépinière d’entreprises qui l’avait vu naîtrepours’installerencentre-ville.Etellemultiplietoujourslesinitiatives.Parmilesplussymboliques, l’opération« JobsetCités » (uncamiontransformé enforumde recrutement qui sillonne les banlieues parisiennes) ou bien encore, en juindernier,« Cité Stadium »,quiapermisde réuniraustadeGerlandles recruteursde 24 entreprises et les jeunes en recherche d’emploi. C. F.

48 Passeport télécoms, soutienpour accéder aux grandes écoles

approcher les jeunes issus deR milieux défavorisés dumonde des grandes écoles puis decelui des entreprises. Telle est lamission du Cercle Passeport télé-coms où des salariés de SFR,d’Orangeet desprincipaux équipe-mentiers télécoms jouent les tu-teurs pour faciliter l’accession dejeunes issus de milieux défavorisésaux grandes écoles. Al’initiative del’opérateur mobile SFR,cette asso-ciation a vu le jour en 2006. Le« Cercle » s’est alors élargi àd’autres grands noms du secteur :Alcatel-Lucent, Ericsson, Moto-rola, Nokia, Siemens, Nokia-Sie-mens Networks et, plus récem-ment, Orange. Concrètement, leprogramme vise à faciliter l’accès à

une école d’ingénieurs ou de com-merce-managementàdesétudiantsissusde zones urbainessensiblesouà proximité de ces quartiers.

Premiers résultats prometteursDes classes préparatoires jusqu’àl’obtention du diplôme, les élèvessont accompagnés par un salariéd’une des sept entreprises parte-naires. Endossant le rôle de tuteur,« ilssontlàpourlesguiderdansleursétudes, les informer sur le monde del’entreprise et ses codes mais aussipour leur ouvrir leur carnetd’adresses », explique BenjaminBlavier, délégué général de l’asso-ciation et directeur Responsabilitéet Innovation sociale chez SFR. Etça marche : Alcatel-Lucent a, par

exemple,mobilisédessalariésamé-ricains pour donner des cours d’an-glais. Mais le tutorat ne fait pas toutetencorefaut-il donnerà cesjeuneslesmoyensfinanciersdepoursuivreleurs études. Pour cela, la chaîned’hôtels Formule 1 et le CréditMutuel sont récemment entrésdans le « Cercle », le premier enproposantdeux nuitéesà proximitédescentres d’examen, le second viaun prêt bancaire.

Cette initiative est encore ré-cente mais les premiers résultatssemblent prometteurs : près de 400élèves ont bénéficié d’un tutoratindividuel l’an dernier. Sur les 273ayantpassélesconcoursavant l’été,87 % ont intégré une grande école.Pour cette année scolaire, 42 lycées

avec des classes préparatoires(ATS, ECT, TSI) et 29 grandesécoles ont décidé de jouer le jeu.« S’il n’y a aucun engagement derecrutement, le Cercle nous permetaussi de repérer très en amont lesbonséléments »,poursuitBenjaminBlavier. Un partenariat gagnant-gagnant. FRÉDÉRIC SCHAEFFER

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 5/5L’égalité des chances peut pas-ser de la pétition de principe àune volonté concrète, à condi-tion d’associer des partenairestrès différents.

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49 L’Afip, un lien nouveauentre les entreprises et la banlieue

es candidats issus de l’immi-D gration découragés, des en-treprises encore dans le déni deleurs pratiques discriminatoires àl’embauche, et Carole Da Silva aumilieu. Trop, c’est trop : en 2002,après avoir constaté, dans le cadredesonmémoirede diplômeuniver-sitaire, l’ampleur de l’inégalité deschancesen France,Carole Da Silvadécidedefonderl’Associationpourfavoriser l’intégration profession-nelle (Afip). Son objectif : décom-plexer les parties prenantes et réta-blir le lien en « dévictimisant » lejeune demandeur d’emploi et en« déculpabilisant » l’entreprise.D’un côté, « il faut redonnerconfiance au candidat, car s’il n’ycroitplus,toutentretiend’embaucheest voué à l’échec », explique-t-elle,et de l’autre, « il faut aussi un grostravail de sensibilisation des recru-teurs, faire tomber les représenta-tions, changer les habitudes très cor-poratistes. »

L’association compte aujour-d’hui trente grandes entreprisespartenaires (Alstom, EDF, Areva,Danone, SNCF…), qui la cofinan-cent,aveclarégionIle-de-Franceetla Villede Paris, et lui transmettentdes offres d’emplois. Charge àl’Afipdeprésélectionnerdescandi-dats (qui arrivent à l’Afip vial’ANPE, l’Apec ou le bouche-à-oreille) adaptés parmi les

200 jeunes qu’elle accompagnechaque année, à raison de deuxateliers de travail parsemaine (pré-paration d’entretien, constructionde parcours professionnel, etc). Enoutre, des cadres supérieurs ou desdirigeants, séduits par la démarche,parrainent des candidats et les ai-dent dans leurs démarches.

Ce travail de fourmi, et de fond,menéparCaroleDaSilva,luiavalud’être nommée au Haut Conseil àl’intégration (HCI) et au comitéconsultatif de la Haute Autorité de

lutte contre les discriminations etpour l’égalité (Halde).

Entreprises « encore modérées »Autant de postesd’observation desgrandes évolutions de la sociétéfrançaise, sur lesquelles elle porteun regard optimiste mais lucide.Depuis la crise des banlieues de2005, analyse-t-elle, « la volonté desentreprises de promouvoir l’égalitédes chances est réelle, mais elles sontencore modérées dans leurs ap-proches. Finalement, les DRH sont

convaincus, mais les opérationnelsn’ont pas envie de prendre derisques, de sortir de leurs habi-tudes. » DEREK PERROTTE

Degré d’originalité 3/5Possibilité de diffusion 3/5Despasserellesassociativessontparfois indispensables pour per-mettreaux entreprisesde passerdu discours à l’acte.

L’Association pour favoriser l’intégration professionnelle accompagne 200 jeunes chaque année, à raisonde deux ateliers de travail par semaine (préparation d’entretien, construction de parcours professionnel, etc).

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50 L’agence nouvelledes solidarités actives,une boîte à essais pourlutter contre la pauvreté

ous les rapports publics ne fi-T nissent pas dans les oubliettesde l’administration. L’agence nou-velle des solidarités actives est-elleune exception qui confirme larègle… ou un exemple ? Elle a étécréée en 2006 par Martin Hirsch,auteur du rapport public « Au pos-sible, nous sommes tenus, la nou-velleéquationsociale »publiéunanplus tôt. Son but est clair : expéri-menter et évaluer des programmesnovateurs de lutte contre la pau-vreté.Son ambition a,elle,été fixéepar Nicolas Sarkozy lui-même :« Réduire d’au moins un tiers encinq ans la pauvreté » en France.

Dans les faits, l’agence que diri-geait l’ancien patron d’Emmaüsavant de devenir haut-commissaireaux Solidarités actives contre lapauvreté est devenue un labora-toire d’essais de plusieurs projetsmis en place par les pouvoirs pu-blics. Elle a ainsi testé sur le terrainla modernisation du RMI, via l’ex-périmentation dans 25 départe-mentsdurevenudesolidaritéactive(RSA) prévu par la loi de Finances2007et quiétaitune des 15 proposi-tionsdu rapportde 2005.Autre testsur le terrain, celui du contrat

unique d’insertion, contenu dans leprojet de loi « instituant le droiopposable au logement et portandiverses mesures en faveur de lacohésion sociale » adoptée par leParlement le 22 février dernierUnemissionquiaétéconfirméecesdernièressemainesparNicolasSar-kozy lui-même.

De toute évidence, le chef del’Etat attend beaucoup de cettestructuremandatéepour« transfor-mer en profondeur la prime pourl’emploi », ou encore « simplifier leplus profondément possible le ré-gime des contrats aidés » et, surtoutmettre en place des démarches in-novantes sur la santé, les difficultésde se loger, de se déplacer, de fairegardersesenfants,d’avoiraccèsauxservices bancaires ou de sortir dusurendettement. C. F

Degré d’originalité 5/5Possibilité de diffusion 2/5Une association efficace etimaginative peut faire vitebouger les frontières dans l’ac-tion publique.

Histoires à suivrel Women’s forum. Le Forum des femmes pour l’écono-mie et la société n’en est qu’à sa troisième édition, mais ilexiste déjà à l’échelle mondiale. Et s’il rassemble à Deau-villedes femmesd’affairesetd’influence, ilcontribueaussià tisser des réseaux de solidarité sur toute la planète.l Reporters d’espoir. Les journauxsont souvent accusésdeconcentrerl’informationsur lestrainsen retard. L’asso-ciation Reporters d’espoir cherche à éclairer un autreversant de l’actualité, celle qui « valorise l’informationporteuse de solutions pour impliquer le plus grandnombre ».Outilsemployés :desprix,un magazineannuel,une base de données, une agence d’information…

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de tels étatsd’âme. La disparition de « venture capitalists » (capital-ris- peut, à juste titre, être fière de son

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DAVID BARROUX

syndicats ont souvent été une force travail français,où l’on observe une patriotes est de 19 % seulement, 35blogs ouverts auxcitoyens mis en

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Mondadori.

16 - Les Echos - jeudi 22 novembre 2007LA FRANCE QUI SE RÉINVENTE

Deux regards de l’étranger

A lire« Stratégie océan bleu »Un véritable manuel de la réin-vention d’entreprise, sous laforme d’un bestseller mondialdu management. Plutôt que depêcher dans desocéans (oudesmarchés)parcourusdetous, lesdeux profes-seurs de l’In-sead de Fon-tainebleauexpliquentqu’il faut auc o n t r a i r etrouver den o u v e a u xocéans.La vraie innovation créede la valeur sur un marché glo-bal qu’elle contribue à ac-croître, au lieu de constituerune arme dans la concurrence.L’un de leurs exemples favorisest… le québécois Cirque dusoleil.W. Chan Kimet Renée Mauborgne, Villagemondial, 2005.

« 4 milliards de nouveauxconsommateurs »Les entreprises s’intéressentrarement aux quatre milliardsd’hommes et de femmes vivantavec moins de deux dollars.Pourtant, cette « base de la py-ramide » constitue ungisementd’entrepreneurs et de clients,explique C. K. Prahalad, profes-seur demanagementà l’univer-sité du Michigan. A conditionde voir à long terme pour trou-ver de nouveaux modèles deproduction,de finance-ment, d’ar-ticulationentre entre-prises, pou-voi rs pu-b l i c s e tsociété ci-vile. C’estce que tentent de faire Essiloren Inde et Danone au Bangla-desh.C.K. Prahalad,Village mondial, 2004.

« Les multinationales ducœur »Le boom des associations dé-passe largement la France. Enune génération, une nouvellecatégorie d’acteur a réinventéle jeu politique mondial : leso r g an i sa-tions nongouverne-mentales .Elle a pare x e m p l eréussi à fairede l’envi-ronnementune préoc-c u p a t i o nmajeure. Deux intellectuelsfrançais explorent les tensionsqui traversent les ONG entreaction et participation, contes-tation et coopération.Marc-Olivier Padiset Thierry Pech,La République des idées/Seuil,2004.

« Éducation et croissance »Destiné à ceux qui doutent en-core que l’enseignement supé-rieur est la voie obligée de l’ave-nir. Pour serapprocherde la « fron-tière techno-logique » oùse préparentles marchésde l’avenir, ilfaut renfor-cer la re-cherche et donc l’université. Orla France a eu « un système d’en-seignement supérieur longtemps« adapté » à une économie relati-vement fermée où sélection desélites, production de connais-sances scientifiques et formationde professionnels étaient dis-joints. » Les deux économistesfont une démonstration à la foisclaire et peu contestable.Philippe Aghion et Élie Cohen,rapport n°46 du Conseild’analyse économique,La Documentation française,2003.

SUZANNE BERGER PROFESSEUR DE SCIENCE POLITIQUE AU MASSACHUSETTS INSTITUTE OF TECHNOLOGY

« Pour qu’il y ait réinvention, il faut laisser mourirce qui ne marche plus. Ici, la France bloque »

Suzanne Berger est professeur descience politique au MassachusettsInstitute of Technology (MIT) etdirectrice du programme MITFrance. Elle a écrit de nombreuxouvrages, dont les plus récents sont« Notre première mondialisation »(La République des idées/Seuil,2003), où elle analyse les réponsespolitiques apportées en France lorsde l’ouverture des frontières à la finduXIXesiècle,et« Madeinmonde »(Seuil, 2006).

On oppose souvent vieille et nou-velle économie, comme si la pre-mière était incapable de se réinven-ter.Partagez-vouscettevision ?Je n’aime pas cette distinction. Despans entiers de cette prétendue« vieilleéconomie »sontd’ailleursenpleinboomen cemoment,commelasidérurgie et d’autres industries liéesauxmatièrespremières.Etpasseule-ment parce que la croissance de laChineoudel’Indeontuneffetstimu-lant, mais aussi parce que certainesentreprises de ces secteurs ont suintégrer desinnovationspourseréin-venter. La clef du succès est là. Il nes’agit pas de faire partie d’un bon oud’un mauvais secteur, il s’agit d’êtrecapabled’assimiler l’innovationpourse réformer. Je prends souvent lesexemples du textile, de l’habillementoudelachaussure,autantdesecteursqui pourraient sembler condamnés.Et pourtant, aux Etats-Unis commeenFrance,en Italie ouenEspagne, ily a des réussites récentes dans cessecteurs, prouvant qu’il n’y a pas defatalité.

Est-ilplusfaciledeseréinventerdanscertainspaysquedansd’autres ?Oui. Pour qu’il y ait réinvention, ilfaut dans une certaine mesure êtreprêtàlaissermourircequinemarcheplusou cequi n’arrivepasà changer.Il faut ensuite disposer de méca-nismes permettant de réutiliser leshommes et les capitaux ainsi libérés.Sur ce point, certains pays semblentdésavantagés. La France fait un blo-cagetrèsfort lorsqu’ilestquestiondelaisser disparaître ce qui ne fonc-tionne plus. On met en place desmesures protectionnistes pour dé-fendre certaines catégories de com-merçants ou on instaure des méca-nismes de soutien public, dans le casde Bull, dans l’informatique, parexemple. Les Etats-Unis n’ont pas

certaines entreprises est beaucoupplus facilement tolérée, les moyensréalloués plus naturellement. Ungroupecomme DigitalEquipmentapu disparaître et certains de ses an-ciens employés sont partis fonder cequi est devenu Sun Microsytems. Laréincarnation est possible.

C’est quand même aussi le cas enFrance !Chez vous, la décision passe sou-vent en force. Dans de trop nom-breux cas, les forces qui ont étéretirées d’un endroit ne sont pasréemployées ailleurs. Exemple leplus frappant : les nombreux dé-parts en préretraite. Les gens sor-tent alors définitivement de l’éco-nomieproductive.C’est un gâchis àla fois moral, économique et social.On achète peut-être la paix sociale,mais on se prive d’actifs.

Voyez-vousd’autresfreinsfrançais ?La France dispose d’un excellentniveau de recherche, mais le pas-sage qui mène de l’innovation à lacréation d’entreprise semble singu-lièrement étroit. Trop peu d’entre-prises survivent. Parmi celles quisurvivent, trop peu créeront denombreux emplois. Pourquoi ?D’abord parce que les canaux me-nant desuniversités auxentreprisessont trop souvent bouchés. Lespôles de compétitivité devraientd’ailleurs avoir comme premièrepréoccupation d’encourager la col-laboration entre lemonde universi-taire et le monde de l’entreprise.Ensuite, la France semble ne pas

faire assez confiance aux étrangers.Aux Etats-Unis, on ne compte plusle nombre d’entrepreneurs, d’étu-diantsoudeprofesseursquinesontpas nés ici. Le pays est très attractif,et il donne envie à ceux qui sontvenusde rester. Il importe dutalentet de l’innovation. Les universitésfrançaises devraient jouer égale-ment cette carte à fond.

La peur de l’étranger serait alors unréel freinpour laFrance.Denombreusesbarrièressontdres-sées sur la route des étrangers danslasociétéfrançaise.Combiendefoisn’a-t-on entendu des slogans hos-tiles à des implantations de labora-toires ou d’entreprises étrangères,ou à des prises de participation pardes fonds étrangers de capital-risque ! On parle d’espionnage in-dustriel et de pillage technologique.Ne soyonspasnaïfs, le risqueexiste.Mais quel est le plus grand dangerque court la France ? Celui d’êtreune victime une fois de temps entemps d’un acte malveillant ou desortir de la boucle mondiale desprocessus d’innovation ? Dansl’équilibrage entre le risque et larécompense, le choix devrait êtreclair.

Les banques françaises sont-ellestropfrileusesfaceàl’innovation ?L’argumentn’estpasneuf.AvantlaPremière Guerre mondiale, cer-tains critiquaient déjà des banquesfrançaises jugées trop prudentes etne souhaitant pas investir dans leurindustrie nationale, à l’inverse desbanques allemandes. Mais, en réa-lité, le financement des nouvellesentreprises innovantes aux Etats-Unis vient assez peu des grandesbanquestraditionnelles.Ce sont les

queurs) qui interviennent. LaFrance devrait aller dans cette di-rection en favorisant le développe-ment de capital-risqueurs capablesd’aider une entreprise à voir le jouret de financer la croissance dans ladurée. Avoir des capitaux pour unan ou deux ans ne suffit pas.

La culture française est-elle encause ?Je travaille surtout sur les facteursinstitutionnels. Mais il est vrai quedans le cas français, il semblequ’il yait aussi des blocages d’ordre psy-chologique. Il y a,parexemple, unevraie stigmatisation de l’échec.Echouer est humiliant. L’expé-rience n’est pas la même dans laSilicon Valley,par exemple,où l’ondit en ne plaisantant qu’à moitiéqu’il faut avoir connu au moins unéchec avant de réussir. Il y a uneculture du risque qui n’est claire-ment pas la même en France. Uningénieur chinois dans un groupefrançais m’expliquait ainsi que cer-taines innovations proposées parles Chinois étaient repoussées parles Français de peur que l’innova-tion ne viennecannibaliserdespro-duits existants. Le Français a peurde perdre ce qu’il a. Le Chinois apeur de ne pas gagner quelquechose qu’il pourrait avoir.

Le gouvernement peut-il jouer unrôle moteur et faciliter la réinven-tion ?Un gouvernement peut favoriserl’innovation et faciliter ensuite sadiffusion dans les entreprises. Je nepense pas que l’heure soit encoreaux grands projets lancés du som-metcommeAirbus,leConcordeouun Google à la française… Lespriorités sont ailleurs. La France

TGV,maiscelaneveutpasdirequ’in’yaitplusrienàfairesurlefrontdesinfrastructures.En Ile-de-France,leréseau de transports en commun nerelie pas entre elles les ressourcesdes entreprises, des laboratoires derechercheetdesuniversités.Lepro-blème est à la fois identifié et trai-table. Dans l’éducation, le constatest encore plus sévère. Les mesuresen faveur de l’autonomie des uni-versitésdécidéescetteannéenesontqu’un petit pas dans la bonne direc-tion. Il faut que la France mettebeaucoup plus de moyens dans sonenseignement supérieur. Vous sa-vez qu’aux Etats-Unis l’investisse-ment dans les services publics n’estpas notre fort. Mais comparez laSorbonne à la plupart des universi-tés publiques des Etats-Unis : leconstat est cruel.

Etes-vous aussi critique envers lespouvoirspublics locaux ?Non. De nombreuses régions ouvilles se sont, par exemple, mobili-séesenfaveurdespôlesdecompéti-tivité. Il y a sans doute là un appétitqu’il faudrait encourager, en don-nant par exemple plus de moyensfiscaux aux pouvoirs locaux.

Vousêtes trèscritiqueà l’égardde laFrance. L’êtes-vous aussi à l’en-contredesEtats-Unis ?Le « court-termisme » qui fait dé-sormais partie des gènes des entre-prises est un vrai problème. Lesgrandes entreprises comme ATTIBM ou Xerox, qui disposaient au-trefois de laboratoiresderecherchefondamentale, ont cessé ces inves-tissements. La recherche est désor-maisliéeàdescentresdeprofit.Elledoit produire des résultats à courtterme. Or, les innovations néesdans ces laboratoires constituentl’origine lointaine de la révolutiondes technologies de l’informationLes entreprises ayant constaté queceux qui avaient investi n’étaientpas forcément les bénéficiaires desinnovations, elles privilégient dé-sormais la recherche à court termeDans une certaine mesure, le gou-vernement fédéral s’est en partiesubstitué à ces grands groupes eninvestissant dans les biotechnolo-gies. Mais combien de temps notreEtat fédéral, très endetté, pourra-t-il continuer à investir de la sorte ?

PROPOS RECUEILLIS PAR

La France disposed’un excellentniveau derecherche, mais lepassage qui mènede l’innovation àla créationd’entreprisesemblesingulièrementétroit.

Le Français a peurde perdrece qu’il a.Le Chinois a peurde ne pas gagnerquelque chosequ’il pourraitavoir.

TITO BOERI PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ BOCCONI DE MILAN ET FONDATEUR DU SITE WWW.LAVOCE.INFO

« Il y a un sérieux problème de dialogue social en France »Quelssont,selonvous,lesprincipauxfreinsàlamodernisationenFrance ?Il y a un sérieux problème de dialo-gue social, très lié à la faible repré-sentativité des syndicats. Le para-doxe est que les syndicats françaisont un poids considérable alorsqu’ils ont très peu d’inscrits. Celacrée une conflictualité inutile quibloque les réformes. Le syndicat atendance à perdre sa fonction devoix collective des travailleurs. Ildevientunagentcorporatiste etuneforce contraireaux libéralisations etaux mesures qui relancent l’écono-mie. Souvent à l’encontre des inté-rêts mêmes des salariés du secteurprivé. La situation est encore plusgrave en France qu’en Italie, où lessyndicats ont réussi à maintenir untaux de syndicalisation de 30 %[contre 8 % en France, NDLR] etune certaine présence dans le sec-teur privé.

Quelssontlesacteurssociauxlesplusaptes à réinventer le modèle socialfrançais ?C’est un processus long et compli-qué.En Italie commeenFrance,les

de résistance à la réforme des re-traites ces dernières années. EnFrance, l’avantage reste que vousavezunpouvoirexécutifplusfortenmesuredefairefaceauxpartenairessociaux.Lesystèmescolairefrançaisfonctionne mieux qu’en Italie. EnFrance, comme en Italie, il y a desdifficultésà favoriser laqualitédelarecherche. Mais vous n’avez pas leproblème de fragmentation du sys-tème universitaire et de dispersiondes énergies que nous avons enItalie avec 360 universités !

Doit-on miser sur l’émergence denouvelles formes de contrat de tra-vail ?La mise en place d’un contratunique serait une voie utile, plusfacile à mettre en place en Francequ’enItalie.Lapropositioncentraleserait de renforcer la protection dessalariés dont les garanties augmen-tent au fil du temps. Cela va dans lesens des propositions de contratunique à durée indéterminée for-mulées par l’économiste Pierre Ca-huc.Ceseraitunemanièrederemé-dier à la nature duale du marché du

asymétrieimportanteentreletraite-mentconsentiàceuxquibénéficientd’un contrat à durée indéterminéeet les autres.

Peut-on réinventer un modèle alorsque l’on évoque de plus en plus une« sociétédedéfiance »enFrance ?C’est encore pire pour les Italiens,qui sont altruistes dans la sphèreprivée mais égoïstes dans la sphèrepublique(voirnotrelivre« Controigiovani ») (1). Le degré deconfiance desItaliensen leurscom-

contre33 %chezlesFrançais,49 %chez les Espagnols, 57 % parmi lesAllemands et 64 % chez les Sué-dois. Le problème du déficit deconfiance est lié à la faiblesse ducapital social et à des coûts écono-miques très élevés. C’est pourquoila voie de la « flexsécurité » est unevoie plus difficile à poursuivre dansnos pays.

Peut-on faire émerger de nouvellessolutions avec des formes participa-tives, comme par exemple les

placedans lecadrede lacommissionAttalipourrelancerlacroissance ?C’est toujours positif de sonderl’opinion publique. Mais je ne croispasquel’onpuissetropenattendrecar les blogs sont surtout des instru-ments de critique. Pour faire émer-ger de nouvelles idées ou solutionsil existe d’autres instruments. Si onveut favoriser la démocratie surInternet, je pense davantage à lacontribution positive de sites deréflexionalimentéspar desintellec-tuels ou des universitaires, du typelavoce.infoquenousavonslancéenItalie ou telos-eu.com en Franceavec lequelnoussommes en étroitecollaboration. Sur lavoce, nousavons lancé l’idée d’un contratunique permettant de concilier laflexibilité et la protection du mar-ché de l’emploi. Nous avons égale-ment formulé des propositions surdes mesures de libéralisation.

PROPOS RECUEILLIS PARPIERRE DE GASQUET

(1) Tito Boeri et VincenzoGalasso, « Contro i giovani.Come l’Italia sta tradendo lenuove generazioni », 2007,

Le degréde confiance desFrançais en leurscompatriotesest de 33 %,contre 57 %chez lesAllemands.