SunayON NSE #2 - Comprendre l'Afrique - 31 juin 2015

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COMPRENDRE L’AFRIQUE Notice Stratégique Economique | Mai 2015

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COMPRENDRE L’AFRIQUE

Notice Stratégique Economique | Mai 2015

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p. 03Éditorial

Assurance privée en Afrique p. 04

Vins et spiritueux en Afrique

Les fonds de pension en Afrique

Sapeurs, créateurs et investisseurs

p. 08

p. 13

p. 17

SOMMAIRE

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p. 03

p. 04

p. 08

p. 14

p. 16

À l’intention de nos lecteurs,

Avec cette deuxième publication l’expérience SunayON parait se pérenniser, l’équipe du Département Recherche est toujours aussi avide de faits et d’opportunités économique en Afrique; il faut la présomption d’un étudiant ambitieux pour espérer susciter votre intérêt chers lecteurs, et je crois, car je l’espère, réussir à vous transmettre la confiance et l’espoir qui règnent au sein de l’équipe SunayON quant à l’avenir du jeune continent africain.

Les sujets traités sont les suivants :

- Assurance privée en Afrique - Vins et spiritueux en Afrique - Les fonds de pension en Afrique- Sapeurs, créateurs et investisseurs : le coût du deux pièces à l’africaine

Le choix de ces quatre thèmes a été motivé par les enjeux qu’ils représentent, dans l’optique d’attirer des investissements de grande échelle dans le continent africain.

Omnia vincit labor improbus.Vous souhaitant une agréable lecture,

Michel-Ange KOUNGA Directeur de Publication

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Il y a trente ans, il était commun de voir des chauffeurs de taxi non assurés en Afrique, et alors que ceux-ci se proposaient gaiement à notre service à la sortie de l’aéroport, nous jetions des regards apeurés vers le pare-brise à la recherche de ce petit bouclier de papier. Aujourd’hui, le contexte africain semble se normaliser, et les habitants commencent à envisager sérieusement les offres proposées par les assureurs. Ainsi, s’assurer n’est plus faire preuve d’ouverture d’esprit en Afrique, et c’est bon signe pour les assureurs.

Nous nous intéresserons ici principalement aux particuliers car l’analyse du rapport entretenu entre les entreprises et les assureurs nécessiterait un tout autre article. Le mois dernier, nous évoquions les fonctions sociales de la tontine. Celle-ci étant un véhicule de protection sociale, un questionnement sur le rôle de l’assurance à destination des particuliers nous semble aujourd’hui pertinent. Conformémment à notre article du mois dernier, nous nous poserons en premier lieu la qustion suivante : l’assurance traditionnelle peut-elle remplacer la tontine? Au cours de notre précédent article nous avons évoqué les multiples usages de la tontine et il ne s’agit pas d’extrapolation lorsque nous affirmons que

celle-ci est une alternative informelle aux produits communs proposés par les compagnies d’assurance. Car si le manque de solvabilité des assurances africaines ne permettait pas d’espérer grand-chose en guise de protection contre les sinistres, les populations africaines ont trouvé refuge dans leurs valeurs traditionnelles et leur sens de la communauté. En Afrique noire, lorsque le proche d’un participant à une tontine décède, celui-ci peut avoir recours à la tontine qui est dotée d’une caisse assurance décès dont les indemnisations sont prévues et fixées par les participants. Celle-ci doit être approvisionnée en permanence, par conséquent, les membres vivants doivent obligatoirement cotiser après un décès. Pourquoi souscrire une assurance lorsque de telles initiatives « communautaires » permettent de faire face à nombre de situations inopportunes ?

Ainsi, il parait clair que l’une des grosses problématiques à laquelle doivent faire face les assureurs est la légitimité, voire dans une certaine mesure, l’utilité de leurs services. En outre le continent connait depuis plusieurs années une forte croissance des primes émises en assurance vie. En 2013, après une baisse en 2010, les primes en assurances vie représentaient environ 50 milliards de dollars, même si l’Afrique du Sud représente 90% de ces chiffres. De leur côté les gouvernements affichent clairement la

ASSURANCE PRIVÉE EN AFRIQUEMichel-Ange KOUNGA

4 NSE 2 | Assurance privée en Afrique

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D’après Jeune Afrique magazine1, la responsabilité civile (RC), seule assurance de cette catégorie à être obligatoire dans tous les pays, génère à elle seule un tiers des revenus des assureurs IARD (incendie, accidents et risques divers) du Bénin et environ 20 % de ceux du Cameroun. Au Niger, le chiffre dépasse les 40 %. Mais les situations diffèrent selon les cas, car par exemple, l’assurance automobile n’est pas obligatoire en Afrique du Sud. A cet effet, le gouvernement a mis en place une taxe sur le carburant pour indemniser les blessés à la suite d’un accident de la circulation. En cas de présence dans le véhicule responsable, l’indemnité est limitée à 25 000 R. et illimitée dans le cas opposé.

La tendance a donc évolué, et les acteurs dudit marché ont senti le changement d’air tels de bons marins, ils se sont ainsi engagés dans des processus rigoureux de réglementation afin de répondre à une demande croissante et de faire face à une concurrence ardue. En effet le marché de l’assurance en Afrique est extrêmement étroit; les quelques grosses firmes du domaine se livrent une bataille acharnée dans l’espoir d’offrir protection et sérénité aux petits Africains, même si de façon générale, les compagnies d’assurance ont la même structure de portefeuille et offrent des produits similaires. Voici quelques faits intéressants traduisant ce phénomène : « En France, un marché mature, il en existe 80, expliquait à Jeune Afrique, début 2014, Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération des assurances du Maroc. Au Maroc, on n’en a que trois, qui sont la RC automobile, la RC décennale et la RC pour la chasse. ».

Toutefois les compagnies d’assurance africaines ont encore un long chemin à parcourir car même avec un taux de croissance atteignant les 10% par an, à l’échelle mondiale le marché africain de l’assurance ne dépasse même pas 1%3. Encore une fois, tout reste à faire, et il va sans dire que les nouveaux consommateurs africains attendent avec impatience d’assurer correctement leurs voitures, ainsi ils pourront se livrer à de folâtres safaris et initier un tourisme national, voire même intra-continental.

Mais un travail de sensibilisation demeure essentiel si l’on espère l’amorce d’une vraie dynamique dans ce secteur, car les mentalités demeurent encore assez violentes, et nombre d’africains ne voient pas l’intérêt de souscrire à de telles offres

volonté de rompre avec l’insécurité sociale et financière que représentent ces millions de non-assurés. Ainsi fut fondé au Sénégal en 1995 le Fonds de Garantie Automobile (FGA) qui prend en charge les victimes d’accidents dont les auteurs restent inconnus (en raison du délit de fuite le plus souvent) ou bien n’étaient pas assurés, (ce qui représente une population extrêmement nombreuse, compte tenu du laxisme observé chez les autorités concernées). En cas d’accident provoqué par un conducteur ne disposant pas d’assurance, les autorités juridiques sont tenues de lui appliquer une amende dont le montant peut atteindre jusqu’à 50 % des dommages, cette somme est ensuite reversée au FGA. Cette mesure a permis de faire passer le taux de non-assurance automobile au Sénégal de 70 % en 1998 à 30 % en 2005. Même si, aujourd’hui, il est intéressant de remarquer que l’essentiel des deux-roues et des transporteurs en commun ne sont pas assurés correctement.Au reste, les gouvernements ont également mis en place d’importants contrôles surprises, et les effets sont de taille ! Au Sénégal encore, le taux de non-assurance dans le domaine automobile constaté grâce à ces contrôles inopinés est tombé à moins de 5% . Et sur le continent, le cas sénégalais n’est plus isolé. De manière générale, cette obligation légale a entrainé à l’échelle du continent une forte baisse du taux de non-assurés. Ainsi en Afrique, la branche automobile représente l’essentiel de l’activité des assureurs, comme il l’a été dit plus haut.

Assurance privée en Afrique | NSE 2 5

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comme nous l’avons expliqué plus haut. En somme il faudrait que les assureurs réussissent à faire passer le statut de leurs produits de « perte d’argent » à « élément essentiel du quotidien ». La situation se fait tellement urgente qu’un prix panafricain de journalisme en assurance et en réassurance a été institué par la société Continental Reinsurance pour distinguer les journalistes africains dont le travail aura participé à améliorer la compréhension et la pratique de ce secteur. L’objectif de ce Prix, indique Continental Reinsurance est « d’améliorer et de développer la diffusion d’informations concernant l’assurance et la réassurance en Afrique, d’encourager les journalistes à développer leurs connaissances et leurs compétences dans ce domaine. ». Les compagnies d’assurance n’ont cependant aucune chance si elles n’adaptent pas leurs offres aux modalités propres au continent.

En somme il est inutile de se limiter à des offres classiques telles que l’assurance vie ou l’assurance décès puisque les populations africaines s’en sortent très bien jusqu’à aujourd’hui (d’ailleurs peut-être mieux qu’en Occident). Face à de telles opportunités de croissance, et donc de profit, l’attitude de tout acteur privé digne de ce nom est la recherche de légitimité. Les produits proposés se doivent d’être essentiels au mode de vie à l’africaine, et plus encore, ils doivent s’adapter, ou plutôt accompagner les populations selon leur situation etc. En ce sens l’initiative du groupe Takaful, fondée par Hassan Bassir en 2011 est tout à fait intéressante :

Takaful permet, à force de moyens financiers, aux agriculteurs pastoraux du nord du Kenya de s’assurer contre la perte de leur cheptel en cas de sécheresse et d’être indemnisés. Or en 2006 75% de la population kenyane vivait encore de l’agriculture2. 75% de clients potentiels. 75% d’agriculteurs qui, depuis la nuit des temps, n’ont pas attendu la subtile alliance entre les pompes funèbres et nos assureurs pour enterrer leurs morts, mais qui doivent faire face, entre autre, à des intempéries climatiques extrêmes pour survivre. L’homme s’adapte à son milieu naturel et les bons entrepreneurs s’adaptent à la société. L’idée est assez simple.

7% des décès en Afrique

15% de la mortalité dans le monde

725 000 décès annuels africains

Les accidents de la route représentent :

Et si les compagnies d’assurance se spécialisaient ?

Par exemple, pourquoi ne pas se spécialiser, encore une fois à une échelle locale, dans la gestion de risque agricole? Pourquoi ne pas se spécialiser non plus dans la gestion de risque routier? Et le risque est réel en Afrique : « L’Afrique enregistre le taux de mortalité le plus élevé du monde dans les accidents de la route, ce qui coûte au continent quelque 7,3 milliards de dollars américains par an, soit 1% de son Produit intérieur brut (PIB), a révélé mercredi à Johannesburg le Bureau de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique (OMS-AFRO). Si les compagnies d’assurance réalisent aujourd’hui l’essentiel de leurs chiffres avec les assurances automobile, nous pensons qu’il leur est encore possible de faire mieux, notamment en innovant leurs offres, car si la sensibilisation constitue un problème majeur à certains niveaux, il n’est plus besoin de convaincre les Africains que leurs routes sont dangereuses, pour ne pas dire meurtrières.

Nous reconnaissons également que la combinaison entre la croissance démographique et l’émergence des classes moyennes pourrait être un facteur de développement de l’assurance vie en Afrique, seulement aux yeux des Africains, des problèmes bien plus urgents n’observant aucune solution concrète se doivent d’être résolus. Et qu’en est-il de la classe moyenne africaine? Représente-elle vraiment une manne pour les assureurs?

D’après la Banque Mondiale cette classe moyenne (définie comme la part de la population gagnant entre 2 et 20 dollars par jour en 2010) devrait passer de 355 millions d’individus (34 % de la population) et atteindre 1,1 milliard (soit 42 % de la population) aux alentours de 2060.

6 NSE 2 | Assurance privée en Afrique

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Le marché de l’assurance à destination des particuliers en Afrique est donc un marché dont le potentiel est énorme à condition que son offre soit réellement en adéquation avec les particularités du continent. En effet, qu’il s’agisse du risque d’exploitation agricole pour l’agriculteur de l’arrière-pays ou du retard dans les versements de salaire pour l’officier du service public, l’Afrique ne manque pas de situations particulières auxquels le secteur de l’assurance peut répondre s’il cultive une culture d’écoute et d’observation des besoins du continent au travers d’acteurs locaux, conscients des problématiques des populations.

parler simplement, on ne peut pas imposer aux populations une réduction de leur niveau de vie. Les dépenses engagées par chaque assuré atteindraient 680 dollars en Afrique du Sud, 2033$ en France et 3658$ à l’échelle de l’OCDE en entier (ces chiffres impliquent la prime brute directe, l’assurance vie et non vie). Comment attendre d’un Congolais qu’il dépense autant d’argent en assurance ?

La solution pour les assureurs, encore une fois, plutôt que de tenter la pittoresque répétition d’un modèle à l’occidental, en espérant des consommateurs africains quelque illumination culturelle hasardeuse, c’est bien d’aller chercher les filons dorés, ceux qui rapportent beaucoup, c’est-à-dire là où leur présence est attendue, nécessaire et logique, à la manière d’un Takaful, car les différents contextes africains regorgent de subtilités aisément exploitables. Nous finirons avec cette proposition : nombre de secteurs du publique souffrent de périodes d’impayés ponctuelles. Pourquoi ne pas établir une sorte de coopérative, enveloppant par exemple l’ensemble des professeurs d’un lycée, afin de pallier à ce genre d’imprévus? Les effets seraient :motivation des enseignements, hausse du niveau de l’enseignement en raison l’effet précédent, diminution de l’absentéisme, etc.

Environ 60 % d’entre eux (c’est-à-dire 180 millions de personnes) ne sont pas très loin du seuil de la pauvreté : ils forment la « catégorie flottante » (terme employé par la banque mondiale4) , composée d’individus gagnant entre 2 et 4 dollars par jour.Cependant, compte tenu de la prépondérance de cette « catégorie flottante » (ceux qui gagnent entre 2 et 4 dollars par jour), il faudra sans doute maintenir la tarification des usagers à un niveau suffisamment bas pour être abordable.Sans aucun doute ces chiffres sont très encourageants, même s’ils sont les légataires d’une relative lenteur, mais il nous vient à l’esprit une autre question : les Africains ont-ils les moyens de s’assurer de manière classique? Car de l’autre côté, c’est-à-dire celui des commerçants, il s’agit de réaliser des profits.

Au-delà de la nécessité humaniste d’aider le continent, il s’agit aussi d’y établir des commerces rentables, et en terme de rentabilité, tout n’est pas facile pour les assureurs. Allianz cite ainsi le cas d’un pays, dont l’exemple est fort de sens, la Centrafrique. «À Bangui, les tarifs minimaux obligatoires sont trop bas et n’évoluent pas, malgré l’inflation »,En effet, la mise en place de lois obligeant les particuliers à s’assurer implique nécessairement une revue à la baisse des tarifs proposés, car pour

Afrique du Sud

3 658$2 033$680$

Dépenses en assurances

France OCDE

1,1 milliard d’individus

42% de lapopulation

355 milions d’individus

34% de lapopulation

2$

20$ 2010

Catégorie flottante

2060

Revenu journalier

Evolution de la structure des classes moyennes

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Alors que la soif règne dans les régions les plus fragiles du continent, l’alcool coule à flot en Afrique noire. L’équipe du Département Recherche de SunayON s’interrogera au cours de cet article sur ce fait particulièrement troublant. Le marché du vin et des spiritueux se divise en plusieurs catégories, du moins celles dont notre analyse fera l’objet sont les suivantes : les vins, les alcools forts (tels que la vodka, le whisky etc.) et les bières.

A travers nos différentes pistes, nous tenterons de mettre en évidence certaines possibilités d’investissement et autres initiatives commerciales. En tout premier lieu, il s’agit de s’interroger sur la potentielle réceptivité du marché africain concernant l’alcool en général, plus précisément, certains points sensibles culturellement parlant peuvent s’avérer être un frein au commerce de tels produits, dont la consommation est contestée au sein de certains dogmes fortement présents sur le continent.

Les pays musulmans sont-ils, par exemple, concernés par ce marché de l’alcool ? L’idée commune, selon laquelle les pays dits musulmans pratiqueraient l’abstinence ne laisse envisager que de faibles perspectives commerciales dans ces pays, qui composent une assez grande partie du continent noir, toutefois certains chiffres, ainsi que

certains éléments culturels, s’opposent à cette vision dépassée des consommateurs africains.

Si l’on se fie à ce proverbe d’Afrique Centrale,L’on peut fort bien supputer que ce tiers préalablement fermenté puis bu est aux africains ce que le vin est aux tables françaises, même si, nous le reconnaissons, la bière de mil n’a rien à avec le voir vin rouge. Toutefois un récent communiqué de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)5,paru en décembre 2014, laisse songeur quant à la consommation réelle d’alcool dans ces régions. En somme, plus le pays est développé, plus la consommation d’alcool y est forte et régulière, résume le document de l’OMS, tandis qu’un pays en voie de développement verra une consommation moindre en volume. Ainsi, si l’on venait à doter notre proverbe centrafricain de l’auréole de l’absolue vérité, comment expliquerait-on ce tiers alcoolisé ?

VINS ET SPIRITUEUX EN AFRIQUEMichel-Ange KOUNGA

“1/3 de la recolte est mange, 1/3 est bu, 1/3 est perdu”

8 NSE 2 | Vins et spiritueux en Afrique

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Les populations africaines, parce qu’elles appartiennent à un ensemble dit en développement, seraient vouées à une concommation d’alcool moindre ? Attardons nous sur quelques chiffres : Le buveur tchadien ingère 33,9 litres d’alcool pur par an en moyenne, essentiellement de la bière (66,3 % de la consommation). Soit bien plus que l’Allemand, qui boit 14,7 litres par an (dont 53,6 % de bière)6. Plus impressionnant encore, le Gabon est contre toute attente le 2ème pays consommateur de bière après la République Tchèque. Sans vouloir stigmatiser nos voisins outre-Rhin, la légende du buveur de bière allemand préférant la blonde à l’eau se distille quelque peu à travers ces chiffres incroyables. Prenons le problème à l’envers, maintenant, puisque les Gabonais sont classés deuxièmes plus grands buveurs de bière, peut-on, en réponse aux supputations de l’OMS, affirmer que le Gabon est un pays développé ? Nous laissons aux lecteurs le loisir de s’interroger là-dessus. Toutefois, la consommation d’alcool semble sporadique à l’échelle du continent. Selon McKinsey les pays suivants : Kenya, Maroc, Angola, Nigeria et, dans une moindre mesure, Ghana font partie des dix États où se concentre 81 % de la consommation sur le continent7. Il est, au reste, intéressant d’observer que ces pays sont pour la plupart à majorité musulmane.

Seulement, les stratégies liées à l’insertion du produit sur le marché peuvent varier selon laculture, car il ne fait aucun doute que le rapport entretenu envers l’alcool est différent entre un musulman et un chrétien. En fait, si l’on compare les pays en termes de ratio buveurs d’alcool/population, l’Afrique est encore un continent en marge, mais si l’on ne compare que les buveurs d’alcools, alors les

Africains dépassent largement les occidentaux, classés premiers avec la méthode précédente. En opposition avec l’OMS, nous affirmons qu’au sein des populations exposées à la pauvreté et à l’incertitude quant à leur avenir, et qui présentent donc une propension à privilégier le présent (si l’on se réfère à Kluckoln et à Strodbeck et leurs Values Orientation theory), la consommation d’alcool se veut plus importante et mal maitrisée. De manière tout à faire différente, dans des pays plus riches, comme la France par exemple, la consommation d’alcool fait partie intégrante du paysage culturel, et ses principales dérives sont observées chez les jeunes (binge drinking), c’est-à-dire, ceux chez qui l’esprit est en voie de développement.

Classe sociale et consommation

Cette assertion nous pousse à comparer la consommation d’alcool entre les différentes classes sociales. D’après le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies, la pratique du binge drinking est plus répandue chez les Américains dont le revenu est supérieur ou égal à 58 000 euros mais que la consommation d’alcool est plus intense et fréquente chez les Américains les plus pauvres (8 à 9 verres en moyenne par mois) , soit chez ceux qui touchent moins de 19 600 euros par an8. Dès lors, peut-on supposer, qu’à l’instar de ces classes sociales pauvres, compte tenu de la relative homogénéité des revenus, les Africains seraient aussi portés vers une telle consommation ? Cette consommation incontrôlée concerne essentiellement un certain type de produit, les bières, dont les prix sont relativement faibles, ou alors des alcools de très mauvaise qualité.En effet, compte tenu des revenus modestes

Des habitudes de consommations divergentes

Consommation annuelle d’alcool pur par pays (en litres)Tchad AllemagneGambie Mali Inde Nigeria Cameroun

33,9 30,9 29,3 28,7 23,1 19,3 14,7

OCDE

14,6

Vins et spiritueux en Afrique | NSE 2 9

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de la plupart des populations africaines, il est impensable d’imaginer, du moins pour l’instant, la mise en place d’un marché du vin de première catégorie de grande échelle. Qu’en est-il des boissons alcoolisées dites fortes ?Car si en moyenne en France la valeur du panier lors de l’achat de boissons alcoolisées est en moyenne de 25,00€, soit l’équivalent de deux bouteilles de Poliakov de 75 cl, le consommateur africain peut-il dépenser autant d’argent ? Avec des revenus mensuels moyens allant de vingt à trois cent euros, c’est très difficile à imaginer.

Le marché de la bière apparait clairement comme le marché le plus prometteur en Afrique noire. Les atouts dont disposent les firmes étrangères sont bien entendu la qualité de leurs produits, et en cela, produire de la bière à des prix concurrentiels,

notamment grâce à une production locale, pourrait être synonyme de succès à l’échelle du marché des consommateurs africains.Au risque de nous répéter, existe-t-il une consommation de luxe telle qu’on en constate une au sein des populations chinoises ou indiennes ? Non. De manière générale, les salaires et l’ensemble des revenus africains sont encore bien trop modestes pour assurer l’établissement d’une consommation de luxe non négligeable, car malheureusement, la consommation de la classe supérieure africaine ne constitue pas une source de profit rentable pour des entreprises telles que LVMH.

Les populations locales sont-elles les victimes de taxes importantes ? Voici quelques exemples de taxes africaines se rapportant aux spiritueux et autres types de boissons alcoolisées.

NIGERIADroits de douane

SurtaxeCISS2

Taxe CEDEAO4

Analyses Nafdac5

Frais d’inscriptionNafdac

TVA6

20% de la valeur CIF1

7% du montant des droits de douanes1% de la valeur FOB3 de la marchandise7% du montant des droits de douanes50.000 NGN (326€) par type de produit20.000 NGN (130€) par conteneur

5% sur la valeur CIF + droits de douane + surtaxe + CISS + taxe CEDEAO

AFRIQUE DU SUDTVA

Cargo Dues7

14% x (valeur FOB + droits de douanes + droits d’accise + taxe sur les combustibles + 10% de la valeur FOB)

Son montant maximum est de 2.960 Rands (ZAR) dans le cas d’un transport par container et de 140 Rands (ZAR) dans le cas d’un transport hors container.

1 Cost Insurance Freight : Prix d’achat, frais et taxes de transport et d’assurance inclus 2 Comprehensive Import Supervision Scheme : Taxe pour l’inspection avant l’embarquement 3 Free On Board : Prix d’achat hors frais et taxes de transport et d’assurance4Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest

5 National Agency for Food and Drug Administration and Control6 Taxe sur la Valeur Ajoutée. Elle s’élève à 14% en Afrique du Sud.7Cargo Dues : Taxe relative à l’usage de l’équipement portuaire et la gestion des cargaisons

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En effet, les taxes jouent un rôle décisif sur la consommation d’alcool dans nombre de pays, et généralement elles favorisent le choix d’alcools moins chers tels que la bière, ou des produits de moindre qualité. En 2013, près de 95% des boissons alcoolisées étaient vendues dans des magasins spécialisés9. Compte tenu de l’impossibilité dans laquelle se trouvent les grandes surfaces de vendre bières et spiritueux, les « liquor stores » (vente au détail de tout type d’alcool ou magasins spécialisés) sont relativement nombreux en Afrique du Sud. Picardi Rebel, Solly Kramer’s, Ultra Liquors et Liquor City sont les plus grandes chaînes.

La production locale

Existe-t-il des marques locales ? Et si oui, disposent-elles d’une renommée importante ? Pour contourner la loi et pouvoir ainsi distribuer tous types d’alcool, les enseignes de la grande distribution ouvrent leurs propres « liquor stores », à proximité de leurs supermarchés. Spar est le pionnier de ce type d’enseigne, mais toutes les chaînes s’y mettent.

En 2005 l’Afrique du Sud s’est lancée dans la production de vin haut de gamme sous un projet nommé « Winetech Vision 2020 ».

Mais qu’en est-il du marché ? S’agit-il d’assurer la réponse à une demande locale ou alors sont-ce les prémisses d’une exportation de qualité à l’Africaine ? De manière générale les exportations atteignaient 2,8 millions d’hectolitres en 2005, contre 1,4 million en 2000. En 2013, les vignerons d’Afrique du Sud ont exporté 525,7 millions de litres (soit environ la moitié du vin produit), en battant le précédent record de 2012 de 26%, selon Chris Mercer10.Au-delà de ces chiffres impressionnants, la méthode de production employée constitue également la force des vignerons sud-africains.

Le Pinotage est sans aucun doute la signature sud-africaine en termes de vin.Voici comment cet article du Figaro le décrit :« Le Pinotage est un cépage rouge résultant d’un croisement entre le pinot noir et le cinsault (aussi connu sous le nom « Hermitage » en Afrique du Sud) et créé en 1925 par Abraham Izak Perold, le premier professeur de viticulture à l’Université de Stellenbosch. Il représente 6% de la production totale de vin d’Afrique du Sud ainsi que plus de 95% de la culture du Pinotage dans le monde. En outre le Pinotage est également cultivé au Brésil, Canada, Israël, Nouvelle-Zélande, États-Unis et Zimbabwe. C’est un composant obligatoire dans les « Cape blends » , des vins rouges avec une proportion de Pinotage mélangée à d’autres cépages (30-70% du vin final) »11

Cette signature sud-africaine traduit l’émergence de ce pays en tant qu’acteur économique mondial, capable de concurrencer les productions étrangères disposant elles aussi de leurs propres atouts. En témoigne l’accroissement constant des exportations, marquant au reste l’établissement légitime d’une véritable renommée internationale. Cependant l’Afrique du Sud est le seul pays Africain dont la production de vin n’est pas anecdotique à l’échelle mondiale que ce soit en termes de volumes ou de qualité.

De manière générale, les pays africains produisent de la bière locale, même si la part de la production de céréales employée dans la fabrication de la bière industrielle est difficile à évaluer de manière précise. Selon la F.A.O. en 1975, la bière artisanale a employé 30% de la production camerounaise de mais et 12% de la production burkinaise de Sorgho.

AFRIQUE DU SUD

9e Producteur mondial de vin

1097,2 millions de

litres produits

3,5% de la production mondiale

Le marche sud-africain du vind’après Export Entreprise SA

Vins et spiritueux en Afrique | NSE 2 11

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Le marché de l’alcool en Afrique est étonnamment dynamique, les consommateurs ont des habitudes proches de celles observées en Europe, la consommation de l’alcool en soi n’est plus un tabou et ce même dans les pays musulmans, autrement dit, d’importants profits s’annoncent pour les grands producteurs d’alcool. L’équipe du Département Recherche de SunayON encourage donc les investisseurs à investir localement afin d’accompagner la production d’alcools populaires, dans la mesure où toutes les conditions sont réunies pour une production de grande échelle.

Il ne fait aucun doute quant à l’existence d’un endosquelette productif pouvant être détourné vers la production de bières. L’essentiel de ces productions sont consommées localement, alors il s’agit encore une fois pour les entreprises étrangères d’essayer d’en tirer parti. Les marques phares venant de l’étranger telles que Pernod Ricard qui réalise 5% de son chiffre d’affaires en Afrique d’environ 7 milliards d’euros, et aujourd’hui, le numéro deux mondial des vins et spiritueux, a pour ambition la mise en place d’une production locale sur le continent africain.

Plus précisément, une usine de production est prévue au Mozambique pour l’année 2015. En somme, ces 5% ne représentent que 350 millions

d’euros, mais la volonté affirmée par le groupe Pernod Ricard d’étendre la vente de ses produits sur le marché africain et de fidéliser un bassin de consommateurs, à l’instar de leurs initiatives précédentes en Asie ainsi qu’en Amérique latine (couronnées de succès), symbolise peut-être l’apparition d’une dynamique nouvelle concernant ce secteur en Afrique.

Analyse du contexte en Mozambique

Au Mozambique, environ le quart des femmes et la moitié des hommes sont des buveurs d’alcools réguliers, dont 60% en consomment une à deux fois par semaine, et plus de 75% affirment consommer fréquemment des breuvages traditionnels tels que le phombe12.Les boissons alcoolisées les plus consommées sont ces bières locales : Le 2M, dont le groupe « Cervejas De Moçambique », qui produit et distribue la bière Mac Mahon, est une filiale de la multinationale d’origine sud-africaine SAB Miller, la Laurentina et la Manica. Elles ont pour point commun d’être peu chères, accessibles et abondantes. C’est peut-être l’une des solutions à l’équation africaine.

Nous sommes d’avis que le marché africain est tout à fait mature, relativement à la vente et à la consommation d’alcools, et les initiatives récemment entreprises par des grands groupes tels que Pernod Ricard en sont la preuve. Seulement, conformément au contexte économique et social propre au continent, certaines nuances, notamment au niveau de la vente et du type de produits vendus sont à prendre en compte. Plus simplement, la consommation d’alcool diffère selon les classes sociales, et d’ailleurs, certains alcools traditionnels extrêmement plébiscités mériteraient une analyse plus approfondie, dans l‘optique d’un commerce de grande échelle.

Chaîne de production Nile Special, Usine SAB Miller

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« Un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle » disait l’illustre Amadou Hampâte Bâ. Pour le financier, c’est un capital qui s’évapore. Deux visions, deux aspects, une même problématique : la vieillesse en Afrique. En effet, la croissance africaine allonge l’espérance de vie et crée de nouveaux défis démographiques pour les populations. Comment assurer la paisible retraite des millions d’Africains qui chaque année se retirent de la vie active pour enfin profiter de la douceur du crépuscule de la vie ? Les fonds de pension qui alimentent les systèmes de retraite par capitalisation sont un premier élément de réponse.

D’origine anglo-saxonne, le fonds de pension est un fonds d’investissement dont le capital est constitué dans le but de garantir une retraite à ses souscripteurs. Ces fonds peuvent être mis en place et gérés par une pluralité d’acteurs. Il est ainsi fréquent de rencontrer des fonds administrés par une entreprise dans l’intérêt de ses salariés. Les fonds de pension peuvent également être publics et gérés par des gestionnaires mandatés par l’état. À l’heure où les fonds de pension semblent être des véhicules de financement des infrastructures adéquats à la structure socio-économique africaine, avec les récents investissements du sud-africain Public Investment Corporation (PIC) dans le solaire n ou le financement à

hauteur de 60% du pont de Kigamboni par le Fonds National de Sécurité Sociale 1 tanzanien. Cet article du département Recherche de SunayON a donc pour objectif le décryptage du marché des fonds de pension en Afrique afin d’identifier leur capacité à soutenir la croissance explosive du continent noir.

Considérations générales

L’Amérique du Nord continue de dominer le monde des fonds de pension avec des actifs sous gestion représentant plus de 40% de l’encours mondial. L’Europe (28,5%) et la zone Asie-Pacifique (26,3%) suivent loin derrière. Par pays,les États-Unis (124) et le Royaume-Uni (26) possèdent à eux deux la moitié des fonds classés dans le Top 300 de Towers Watson.

Si l’on prend les 10 nations africaines les plus impliquées dans le business des fonds de pension, l’industrie continentale pèse près de 380 milliards de dollars en actifs sous gestion (plus connus sous le nom d’Asset Under Management ou AUM). En comparant ce chiffre avec les leaders mondiaux du fonds de pension que sont les États-Unis (36%), le Japon (13%) et les Pays-Bas (7%), on constate que le continent est loin d’être un mastodonte dans cette industrie dont le total de l’encours détenu par les 300 plus gros fonds atteignait 14 900 milliards

LES FONDS DE PENSION EN AFRIQUEIrwin TCHETCHENIGBO

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de dollars en 201313 pour un encours de 31 980 milliards de dollars pour l’ensemble de l’industrie.

Cependant avec une démographie en pleine expansion et une faillite généralisée des systèmes de pension, aussi bien au niveau de leur financement qu’au niveau de leur efficacité, l’industrie des fonds de pension d’Afrique sub-saharienne réunit toutes les caractéristiques d’un marché où tout est à faire et dont les perspectives de croissance sont énormes.

Les plus gros fonds gouvernementaux de pension africains

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en un système performant, transparent, basé sur la contribution de ses employés. L’industrie des fonds de pension a triplé en 5 ans pour atteindre 25 milliards de dollars d’AUM en 201314. Et les perspectives de croissance ne diminuent pas pour autant. En effet, seul 10% de la population active nigériane est actuellement couverte par un plan de retraite par capitalisation en raison notamment de l’importance de l’emploi informel qui n’est pas touché par l’obligation légale pour les entreprises de mise en place d’un fonds de retraite.

Au Botswana, la libéralisation du système des retraites menée par gouvernement en 2001 a entrainé une multiplication des fonds et a favorisé la professionnalisation de leur gestion. Aujourd’hui, les 2 millions d’habitants du pays sont la cible de la centaine de fonds de pension actuellement en activité dans le pays ! Au total, les actifs de l’industrie atteignaient 6 milliards de dollars dans le pays en 2012, soit 42% du PIB de cette nation d’Afrique Australe d’après la Banque du Botswana15.

Le développement de l’industrie est cependant caution à la réponse adéquate de ses acteurs aux défis de l’environnement socio-économique des pays d’Afrique sub-sahariennes. Les schismes culturels sont donc à prendre en compte, en effet, la diversité des cultures du continent impacte directement le développement de telles structures. Ainsi, d’une manière générale, on remarque une avance de l’Afrique anglophone sur l’Afrique francophone et les plus gros fonds du continent sont pour la plupart localisés dans les nations du Commonwealth.

La faible bancarisation de la population active du continent (24%) est également un obstacle sur un continent marqué par la méfiance envers les banques et les institutions. En 2012, une étude sur l’inclusion financière publiée par la Banque Mondiale16 a ainsi mis en lumière la surprenante conception de la banque au sein des sociétés africaines. En effet, celle-ci est vue comme un pourvoyeur de crédit uniquement et les populations locales lui préfèrent les véhicules d’épargne informels (tontines, coopératives informelles d’assurances, réseaux diasporants, immobilier) quand il s’agit de constituer un capital. Cependant l’évolution du niveau de vie, l’émergence d’une

NSITF (Nigéria) 14 milliards de dollars

NSSF (Kenya) 1,3 milliards de dollars

GIPF (Namibie)6,1 milliards de dollars

BPOPF (Botswana)5,6 milliards de dollars

GEPF (Afrique du Sud) 85,5 milliards de dollars

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Les réformes politiques impactent énormément l’industrie

Et cela, les gouvernements africains l’ont bien compris. Bien qu’on ne puisse pas encore réellement parler de révolution politique de l’industrie sur le continent, les exemples de réformes sont probants et montrent une volonté claire d’amélioration du cadre légal et institutionnel afin de favoriser le développement de ces fonds et du système de retraite par capitalisation.

Ainsi, au Nigéria, le fonds de pension national qui gère la retraite des fonctionnaires a enregistré une très forte croissance depuis le début de la politique de réforme du gouvernement en 2006 qui a transformé un système défaillant, manquant de financement

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classe moyenne stable et en croissance continue depuis le début du XXIème siècle ainsi que les gains en termes d’espérance de vie (augmentation de 4 ans depuis les années 90) laissent entrevoir une fenêtre pour la sensibilisation des populations à de nouvelles pratiques de consommation bancaire.

Cette sensibilisation doit bien sûr être accompagnée de réformes portant sur la qualité des institutions qui encadrent ces fonds de retraite par capitalisation afin d’éviter les écueils rencontrés par le passé. Au Cameroun par exemple, la mauvaise tenue des registres de cotisation a eu des conséquences désastreuses sur le plan humain. En effet, de nombreux fonctionnaires camerounais sont décédés avant de toucher leur retraite faute de pouvoir prouver leurs décennies de dévotion au service public. Hinsley Njila, PDG de RealFocus Capital, une firme de Private Equity localisée à Chicago, pointe la corruption et la mauvaise gestion des fonds comme une cause directe des insuffisances du système de pension gouvernemental. Le développement technologique du continent pourra donc favoriser l’émergence d’une solution concernant ces problématiques.

En effet, la croissance annuelle des services financiers entraine également une montée des processus d’audit et de vérification afin de répondre aux standards internationaux. Ces évolutions actuelles permettent donc un assainissement de la gestion des rentes publiques et pourraient impacter à moyen et long terme le développement des fonds de pension en Afrique sub-saharienne, permettant ainsi la mise en place d’un cercle vertueux autour de la pension des cotisants.

Le régulateur africain, est par ailleurs, conscient de ces enjeux. Dans de nombreux pays, nous avons pu assister sur les dernières années à des réformes dans la régulation de ces fonds. Au niveau de la politique d’allocation on a pu constater une évolution.

Au Nigéria par exemple, l’investissement dans des fonds de Private Equity par les fonds de pension est devenu possible en 2010, il est par contre limité à 5% par le législateur, limite rarement atteinte par les fonds.Afin d’inscrire la gestion des fonds de pension dans une politique de développement endogène, les gouvernements locaux ont également mis en place des limites à l’investissement extraterritorial. Ainsi, au Nigéria, un fonds de pension ne peut détenir un portfolio d’actifs dont plus de 25% des actifs ne sont pas nigérians. En Afrique du Sud, le plus gros marché du continent avec 310 milliards de dollars d’AUM fin 2013 soit 80% du total continental, il en est de même, cependant il est possible d’atteindre les 30% si les investissements sont faits dans d’autres nations africaines17.

Ce genre de dispositions légales favorables à l’investissement intra-africain permet d’inciter les fonds de pension à investir dans l’économie locale plus que dans la dette gouvernementale.

Cette restriction semble être une des clés de la performance des gestionnaires de fonds d’après Jared Glansbeek, PDG de RisCura, un cabinet de consulting londonien. En effet, comme nous l’avions expliqué dans notre article sur le Private Equity en Afrique dans notre dernière notice stratégique économique, les retours sur investissement sur le continent sont élevés et générateurs de gains considérables pour les investisseurs.

Ces dispositions légales ne doivent pas être vues comme restrictives, en effet, rares sont les fonds locaux qui atteignent les seuils limites. La très culturelle aversion au risque impacte réellement l’industrie aussi bien dans son amont (capitalisation faible en raison d’une méfiance envers les banques) que dans son aval (allocation des fonds administrés).

24% de croissance annuelle des services financiers au Nigéria entre 2002 et 2007

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Le développement de l’industrie des fonds de pension en Afrique sub-saharienne est donc favorisé par la modification des caractéristiques économiques et sociales des économies africaines (élévation du niveau de vie, croissance, assainissement de l’environnement régulateur). Cependant, l’impact de ses fonds sur le développement reste limité en raison de la faible allocation de leur capital aux activités productives. Il s’agit donc pour les gestionnaires étrangers ou locaux d’investir plus amplement dans les entreprises et projets locaux afin d’apporter leur pierre à l’édifice du développement.

le continent en raison de l’investissement massif de ses fonds de pension dans le développement.

Ainsi en février 2015, six fonds se sont associés à la Société nationale immobilière et ont créé un fonds de 195 millions de dollars20 axé sur les projets immobiliers afin de répandre à la demande immobilière nationale, en hausse, en raison de l’émergence d’une classe moyenne locale. L’industrie des fonds de pension a un rôle certain à jouer dans le développement africain.En effet, le mode de capitalisation qui occasionne l’existence des fonds de pension demande une appréciation à long terme dans le but d’avoir des investissements rentables et durables. Les stratégies des administrateurs de fonds ont pour but le financement d’une rente régulière afin de verser des retraites aux ex-cotisants mais également la constitution d’un capital pour les retraites à venir. Le développement de cette industrie a donc un impact sur la perception de l’investissement en Afrique car il est nécessaire de voir le continent pour ce qu’il est : une terre d’opportunités.

Ainsi les obligations représentent le premier poste d’investissement dans le portfolio des fonds de pension. L’étude du cabinet Sart Partners sur les fonds de pension nigérians18 montre que 85% du portfolio du RSA Active Funds est composé de bons du trésor, d’obligations gouvernementales et de T-Bills. Ainsi les limites légales d’allocation (5% pour les fonds de Private Equity, 5% pour les fonds d’infrastructures et 20% pour les mutual funds) sont loin d’être atteintes.

Fonds de retraite gouvernementaux, investir pour le bien du peuple Traditionnellement, les salariés de l’économie informelle ou ceux de l’économie rurale (agricole notamment) étaient exclus des systèmes de retraite. Les évolutions démographiques (exode rural, urbanisation, réformes de l’environnement des affaires) ont favorisé l’émergence du travail formel et de l’épargne et donc le développement du marché des retraites. Les états qui détenaient des monopoles ou quasi-monopoles ont donc ouvert l’industrie à de nouveaux acteurs privés.

Cependant, ces fonds publics restent les plus importants dans leurs zones d’activité. Ainsi, le Fonds de Pension des Employés du Gouvernement (FPEG) est le plus gros fonds de pension du continent avec un actif s’élevant à 85.5 milliards de dollars19, ce qui n’est que peu surprenant compte tenu du fait que l’Afrique du Sud est le pays leader de l’industrie.

Le Fonds National de Sécurité Sociale kenyan est par exemple le plus gros investisseur de la bourse de Nairobi et le Fonds National de Sécurité Sociale tanzanien investit régulièrement dans la construction d’infrastructures locales comme le pont de Kigamboni, précédemment évoqué, dont il a financé à 60% la construction. La Tanzanie fait d’ailleurs figure d’exemple sur

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La Weston du dandy congolais reluit de grâce et d’élégance sous le Soleil exotique de Brazzaville, chacun de ses pas fiers et assurés participe à une mise en scène digne d’un salon français du XIXe. La tête haute et soutenue par un col blanc à l’italienne, auréolée d’une paire de lunettes Gucci, la main dans son deux pièces à rayures, l‘air un peu mafieux, l’air un peu mystique, il regarde sa montre, presque aveuglé par les diamants de sa bague, au milieu de la cacophonie urbaine. Un groupe de femmes animé le dépasse, sans pour autant le regarder, la plupart d’entre elles ont le lady Dior en agneau noir à la main, et un contraste fabuleux s’opère avec leurs boubous aux couleurs intenses, desquels jaillissent du vert, du jaune, du bleu et du blanc. Ce contraste, c’est la fondue des cultures dans la mondialisation, ou peut-être leur enrichissement. Les critères occidentaux s’appliquent à l’ensemble de la psyché africaine, et en termes de débouchés, pour le marché de la mode, pour son dynamisme, c’est tout à fait significatif, et cela fera l’objet de notre article.

Les Saint-Laurent du désert

De nombreux producteurs locaux ont fait leurs preuves, innovent et participent au moulage d’une mode africaine, à la charnière entre un exotisme assumé et des classiques révisés. Un marché de

la mode africain existe déjà et c’est bon signe, fort d’un dynamisme récent, il observe des exportations croissantes et participe, sous réserve de bon sens, au rayonnement culturel africain. Quelques créateurs de mode ont un certain renom, l’on retiendra Lanre Da Silva Ajayi ou encore Ituen Basi, dont la plupart des pièces atteignent facilement les 3 000 dollars. D’ailleurs Michèle Obama s’est souvent faite remarquer vêtue de somptueuses robes conçues par ces Saint-Laurent du désert. Des gammes de produits un peu plus accessibles existent également. C’est le cas de Sika Designs (vêtements femmes) dont les prix varient entre 100 et 350 euros. En termes de débouchés, ces marques de luxe trouvent des clients en Occident. De plus, selon Bain & Company, le revenu total des marques de luxe sur le continent Africain devrait atteindre 2 milliards d’euros cette année contre 1,5 milliard en 201121. En fait, il apparait que les grandes fortunes africaines sont disposées à dépenser de très importantes sommes, et en particulier dans l’industrie du luxe. Le Ghana, le Kenya, le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe font partie des 10 premiers pays en termes de croissance du marché du luxe22. De tels chiffres sont extrêmement encourageants, dans la mesure où il est possible d’envisager une importante dynamique de la consommation locale de tels produits, car il va de soi que la bien portance du marché du luxe requiert une classe fortunée et active.

SAPEURS, CREATEURS ET INVESTISSEURS : LE COUT DU DEUX PIECES A L’AFRICAINEMichel-Ange KOUNGA

Sapeurs, créateurs et investisseurs : le coût du deux pièces à l’africaine | NSE 2 17

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La tenue annuelle « de fashion weeks » africaines permet toutefois aux créateurs africains d’exporter leur produit et d’affirmer leur savoir-faire, d’autant plus que nombre d’entre eux sont déjà installés en Europe dans des grandes villes comme Londres ou Rome depuis plusieurs années. Par exemple cette année aura lieu du 28 au 30 mai la 1ère édition du Marché International de la Mode Africaine au Burkina Fasso à Ouagadougou. De manière similaire l’on notera la Dakar Fashion Week ou encore l’Africa Fashion Week à New York qui disposent toutes deux d’une certaine renommée dans le monde de la mode. Au reste, l’Afrique du Sud représente encore un potentiel important dans ce secteur. En effet, selon les sources d’UbiFrance, l’Afrique du Sud voit ses ventes dans le secteur de la mode atteindre des millions d’euros avec un taux de croissance proche de 8,7% en 2011. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les grands groupes tels que Gucci ou Louis Vuitton se concentrent essentiellement aujourd’hui sur ce pays (relativement au reste de l’Afrique sub-saharienne).

Un prêt-à-porter stimulé par l’occidentalisation des moeurs

Parallèlement, le marché du prêt-à-porter se porte bien et entraine d’importants effets de levier. Zara a ouvert sa première enseigne en Afrique du sud en 2012. Foschini Group Ltd (TFG), groupe sud-africain impliqué dans la vente de vêtements, compte ouvrir 21 nouveaux magasins d’ici mars 2014. Le groupe Foschini prévoit d’ouvrir cinq ou six nouveaux magasins en Zambie et quatre au Ghana. Le détaillant de vêtements ambitionne l’ouverture de 42 nouveaux magasins en Afrique d’ici à 2015 et 38 en 2016. TFG comptera ainsi 205 magasins d’ici la fin de l’année 2016, et son chiffre d’affaires en Afrique devrait atteindre 98 millions de dollars23. D’ailleurs le PDG du groupe a clairement indiqué sa volonté d’être un concurrent direct de Zara en Afrique du Sud, et pourquoi pas à l’échelle du continent.

Et cette nouvelle tendance qui affirme l’occidentalisation des moeurs, dans la mesure où l’uniformisation des modes de vie passe en outre par la manière de s’habiller, constitue une véritable manne pour les sites d’e-commerce. Plus précisément, il y a réciprocité entre le développement de marché de la mode et du prêt-à-porter et la croissance des

ventes des sites de commerce en ligne. Par exemple, la plateforme Konga fondée par Sim Shagaya, est un des leaders des plateformes de commerce en ligne au Nigeria. Avec un chiffre d’affaires de plus de 50 millions de dollars en 2014, l’entreprise emploie 850 personnes et fait actuellement montre de présence au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Le site a également passé un accord avec le groupe de transport et logistique DHL afin d’assurer une capacité de transport de grande distance, quotidienne et efficace. Le boom observé dans ce secteur se traduit aussi, dans une certaine mesure, par l’éclosion de nombreux centres commerciaux, ce qui au reste est un signe positif de croissance. Une étude du cabinet Sagaci Research indiquait en juin 2013 que l’Afrique (hors Afrique du Sud) comptait 211 centres commerciaux pour une surface totale de 4 millions de m². Selon le Cabinet, cette surface devrait doubler pour atteindre 8 million de m² d’ici à 2017.

129 sur le continent

Autres 47

Egypte 17

Ghana15

Zambie14

Angola12Maroc

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Nigeria12

Ouvertures de centres commerciaux prevues en Afrique d’ici 2017

129sur le continent

Un peu plus au Nord, le Morocco Mall est le plus grand centre commercial d’Afrique. A Casablanca, son centre qui a été inauguré en 2011 s’étire sur plus de 250 000 m² ! Il attire chaque année 15 millions de visiteurs par an et génère un chiffre d’affaires d’environ de 5 milliards de dirhams. Salwa Idrissi Akhannouch possède, via son empire, l’exclusivité au Maroc pour des marques de mode comme Zara, Banana Republic, Pull & Bear et Gap GPS. D’ailleurs le luxe est une des valeurs sûres de son Morocco Mall.

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Un textile made in Africa pour les africains ?

Mais qu’en est-il des marques africaines? Car cette poussée des centres commerciaux est en outre caractérisée par l’entrée, plus fracassante, des grands groupes internationaux. Car si nous avons relevé plus haut l’existence d’une production africaine, cela ne dit pas si l’Afrique a les moyens de concurrencer la présence étrangère sur son sol. Les sud-africains mènent la vie dure aux grands groupes internationaux, du moins ils essaient. Les marques Shoprite, Woolworths, Truworths, Mr Price, Famous Brands dont la présence en Afrique Australe et de l’Est est assez importante tentent une remontée agressive vers les marchés d’Afrique de l’Ouest afin de ne pas se laisser dépasser par les grandes marques européennes et américaines comme Bata, City Sport, Celio, Aldo, Adidas, Nike, Mango et Etam. Mais dans un contexte où la majorité des Etats africains affichent une volonté d’ouverture au monde, proche de la nécessité, les grandes filiales internationales ont quasiment champ libre pour s’insérer au plus près des populations locales. Par exemple afin de rassurer les investisseurs étrangers, le gouvernement éthiopien a lancé un vaste plan de soutien au secteur textile. L’Ethiopie veut en effet attirer les grands groupes en offrant une main d’oeuvre et des terrains bon marché, des aides à l’installation, ainsi que des exonérations de charges. Il s’agit presque là de la mise en place de zones franches.

Structurellement le marché est prêt à assumer de telles habitudes de consommation, nous entendons par là une consommation de masse, car il est assez mature. Les services de distribution sont standardisés, les consommateurs sont connectés, les fonds sont réunis, en somme, le déclic se doit d’être conjoncturel, et nous pensons plus précisément que l’essentiel du problème repose sur la sensibilisation des populations. Il s’agit peut-être pour les grandes marques de prêt-à-porter

d’investir un peu plus d’argent en communication. Il convient également de remarquer qu’une partie de la population africaine est au fait des dernières tendances de la mode, notamment grâce à la diaspora présente en Occident qui communique assez activement ce genre d’informations. En plus des retro-transferts, ces derniers reviennent souvent en Afrique pour vendre des produits alors introuvables et bénéficier de la plus-value liée à la rareté par exemple, le consommateur africain étant toujours à l’affut des dernières nouveautés.

Mais de manière générale ces nouvelles tendances constituent indubitablement une excellente opportunité pour l’industrie du textile africaine, d’autant plus que le groupe H&M a décidé de délocaliser une partie de sa production en Ethiopie. Petit rappel, l’Ethiopie connait une croissance d’environ 10% par an depuis 200424, pourtant, ce pays demeure encore aujourd’hui parmi les plus pauvres du monde. Investir dans ce pays, le doter en infrastructures, c’est dynamiser le marché du travail, créer des emplois et assurer le maintien d’un développement que nous espérons durable. Avec l’arrivée de H&M l’on estime que l’Ethiopie pourrait fabriquer 1 million de pièces par mois. De manière plus large en dix ans, l’Afrique a vu ses exportations de textile augmenter de 43 % (155% en Asie à titre indicateur). Celles de l’Ethiopie ont décollé de 2 500 %, bien que le pays ne soit encore que 111ème au classement mondial. En moyenne un ouvrier y gagne 30 euros par mois, et c’est bien moins que les quelques centaines d’euros que gagnent les ouvriers chinois dont les conditions de vie s’améliorent de plus en plus. Plus précisément, en 2011 le Wall Street Journal a calculé que le coût de production d’un vêtement fabriqué actuellement en Ethiopie était moitié moins cher qu’un vêtement fabriqué en Chine.

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Ainsi si porter le pagne aujourd’hui peut-être source de moqueries et de quolibets, un peu comme si les populations locales regardaient leur vieille culture comme une relique du passé, plus proche du folklore que de la tradition, son existence n’en pas moins assurée, et pour de très longues années encore.

H&M ambitionne d’employer 100 000 Ethiopiens d’ici à dix ans et d’investir 2 milliards de dollars, grâce au financement de la China Development Bank25. Car en effet les pays émergents comme la Chine ont bien saisi l’opportunité de diversification que représente l’Afrique, avec des coûts de production très faibles et un squelette légal plutôt permissif. Les grands groupes occidentaux ne sont donc pas les seuls prédateurs économiques présents dans les steppes africaines, et les Etats, qui jusqu’à présent font montre d’un volontarisme louable (en termes de simplification juridique etc.) pourraient bien tirer partie de cette compétition que se livrent ces différents acteurs. Qui est mieux placé que la Chine par exemple pour parler de potentiel économique latent d’un pays? Quoi qu’il en soit le besoin en infrastructures nouvelles demeure encore très grand aujourd’hui, et hormis le coût de travail faible, il y a un problème de compétitivité au niveau de l’efficacité de la production. Il est peut-être encore trop tôt pour parler de l’Afrique comme d’un concurrent industriel, bien que certains chiffres soient pour le moins intéressants.

Analysons plus en profondeur l’état de l’industrie textile africaine ainsi que de ses exportations et importations. A titre d’exemple, au Lesotho le secteur manufacturier dépend essentiellement des textiles et de l’habillement, qui représentent la deuxième source d’emplois après la fonction publique et rapportent plus de 75 % des recettes d’exportation26. Mais depuis la suppression de l’Accord Multifibre en 2005, l’Afrique est victime d’une perte d’une partie de ses exportations au profit de la Chine, notamment en raison de son manque de compétitivité, comme nous l’avons signalé plus haut. L’analyse des données ComTrade indique qu’entre 2005 et 2009, les exportations chinoises vers les États-Unis ont augmenté de 457 %, passant de 2.1 milliards USD à 11.9 milliards USD. Dans le même temps, les pays africains qui tentaient d’accéder au marché américain ont vu leur part

de marché diminuer, passant de 2.6 % à 1.3 %27.

Cet aspect du marché africain de la mode et du textile, c’est la partie mondialisée de l’iceberg, la face la plus brillante de la pièce, celle qui fait vitrine, et dont la patine est supposée inspirer maints investisseurs en quête de profit. Mais l’autre face, pittoresque, presque folklorique sans pour autant être menacée de disparition, c’est la constante que représentent les habitudes locales liées à l’habillement et à la consommation d’habits, et l’on remarquera en ce sens l’incroyable maintien du sur-mesure africain. En effet le port du pagne et des autres tenues traditionnelles est toujours extrêmement répandu, et des habitudes de consommation particulières en découlent. Par exemple, en ce qui concerne l’ensemble des marques basées en Afrique, qui ont pour clients essentiels la population locale, l’on constate qu’il y en a peu qui font du vrai prêt-à-porter. Et pour cause, se faire faire des vêtements sur-mesure revient économiquement moins cher que d’acheter des pièces toutes faites. Dans la plupart des pays africains, la couture sur mesure est une pratique courante qu’utilisent les populations surtout féminines pour agré-menter leurs garde-robes. Avec environ 15 000 F CFA, 23€, il est possible de se faire coudre sur mesure une tenue en pagne (tissu et couture compris). A partir de 25 000 F CFA, 38€, on peut avoir une tenue élaborée avec garniture et dentelle. Comment convaincre alors une africaine d’acheter une pièce à 3 000 euros?

« Comment convaincre alors une Africaine d’acheter une pièce à 3 000 dollars ? »

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4 NCUBE Mthuli, La Banque Mondiale - L’émergence d’une classe moyenne en Afrique (10/2013)http://blogs.worldbank.org/futuredevelopment/fr/l-mergence-dune-classe-moyenne-en-afrique

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7 MAURY Frédéric, Jeune Afrique - Pernod Richard déploie son off ensive africaine http://economie.jeuneafrique.com/entreprises/entreprises/distribution/18754-pernod-ricard-de-ploie-son-off ensive-africaine.html

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10 MERCER Chris, Decanter - South African wine exports hit record in 2013 http://www.decanter.com/news/wine-news/584708/south-african-wine-exports-hit-record-in-2013#b0fF5WVAf1Brov0K.99

11 ANCELOT Jean-Baptiste, Le Figaro Vin - Comprendre les vins sud-africains (07/2014) http://avis-vin.lefi garo.fr/vins-du-monde/o112891-comprendre-les-vins-sud-afri-cains#ixzz3WKnmbM1x

Bibliographie | NSE 2 21

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ARTICLE 3. LES FONDS DE PENSION EN AFRIQUE 13 TOWERS WATSON, Towers Watson 300 analysis - Pensions and investments / Year end 2013 (09/2014)http://www.towerswatson.com/DownloadMedia.aspx?media={1B6010DE-9806-4EF8-AE00-40DD0A0EA3C4}

14 JABLONSKI Alexia, Global Risk Insights - African pension funds a potential source of growth (02/2015)http://globalriskinsights.com/2015/02/african-pension-funds-potential-source-growth/15 MILLER Matthew, Institutional Investor - The hot new Africa investment trend : pension funds (06/2014)http://www.institutionalinvestor.com/article/3354639/investors-pensions/the-hot-new-africa-in-vestment-trend-pension-funds.html

16 DEMIRGUC-KUNT Asli, KLAPPER Leora, WDS World Bank - Measuring Financial Inclusion (04/2012)http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/IW3P/IB/2012/04/19/000158349_20120419083611/Rendered/PDF/WPS6025.pdf

17 BAKER Sophie, Pensions and Investments Online - South African funds don’t invest in their backyard (08/2014)http://www.pionline.com/article/20140818/PRINT/140819901/south-african-funds-dont-invest-in-their-backyard

18 SART PARTNERS, Sart Partners - Nigerian Pension Funds: Growing Younger, Yet Less Adventurous (03/2014)http://sartpartners.com/nigerian-pension-funds-growing-younger-yet-less-adventurous/

19 THE AFRICA REPORT, The Africa Report - Pension profiles: Botswana, Ghana, Kenya, Namibia, Ni-geria, South Africa (10/2012)http://www.theafricareport.com/East-Horn-Africa/pension-profiles-botswana-ghana-kenya-nami-bia-nigeria-south-africa.html

20 LINGE Idriss, Agence Ecofin - Tanzanie: des fonds de pensions s’associent à la Société nationale im-moblière sur un projet de 195 millions $ (02/2015)http://www.agenceecofin.com/investissement/2102-26760-tanzanie-des-fonds-de-pensions-sassocient-a-la-societe-nationale-immobliere-sur-un-projet-de-195-millions

ARTICLE 4. SAPEURS, CREATEURS ET INVESTISSEURS : LE COUT DU DEUX PIECES A L’AFRICAINE21 Guillaume, Web and luxe - L’Afrique, terre d’opportunités pour le luxe (11/2013) http://www.webandluxe.com/11/2013/etude-lafrique-terre-dopportunites-pour-le-luxe/

22 NSE 2 | Bibliographie

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BIBLIOGRAPHIE22 MAVEAU Roger, Le Point Afrique - L’Afrique partie pour être une nouvelle contrée d’hommes riches, très riches (23/07/2014) http://afrique.lepoint.fr/economie/l-afrique-partie-pour-etre-une-nouvelle-contree-d-hommes-richestres-riches-23-07-2014-1860464_2258.php

23 CHAN Daniel, Défi Média - Textile – Graham Choice : « Nous voulons créer une version sud-afri-caine de Zara » http://www.defi media.info/defi -quotidien/dq-economie/item/37751-textile-graham-choice-nous-voulons-creer-une-version-sud-africaine-de-zara.html

24 Le Monde.fr avec APF, Le Monde - L’Asie devient trop chère pour H&M, qui se tourne vers l’Afrique (20/08/2013) http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/08/20/l-asie-devient-trop-chere-pour-h-m-qui-se-tournevers-l-afrique_3463584_3234.html#6juMWrqRHe4221ZZ.99

25 LE CHAVALLIER Anne-Sophie, Paris Match - Quand l’Afrique déshabille l’Asie (02/09/2013) http://www.parismatch.com/Actu/Economie/Quand-l-Afrique-deshabille-l-Asie-525944

26 MUTUME Gumisai, Afrique Renouveau - Textiles : la perte de débouchés coûte des emplois à l’Afrique (04/2006) http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/april-2006/textiles-la-perte-de-d%C3%A9bouch%C3%A9sco%C3%BBte-des-emplois-%C3%A0-l%E2%80%99afrique#sthash.d2wHtsEl.AMWg2FoH.dpuf

27 Perspectives Economiques en Afrique, De nouvelles opportunités pour les produits manufacturés africains (25/08/2014) http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/thematique/emerging-partners/industrialisa-tion-dette-etgouvernance-plus-de-peur-que-de-mal/de-nouvelles-opportunites-pour-les-pro-duits-manufactures-africains/

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Couverture : © KPMG AfricaPages 2,3 : © Carnets d’Afrique Page 4 : © Tangerine around the world Page 5 : © Karibu Maore Page 8 : © BBI Creation Pages 10,12 : © SAB Miller Page 13 : © Jimenez PhilippePage 17 : © Vlisco Page 19 : © Fabricarta Pages 21, 22, 23: © Regard sur le numérique Page 23: © Vincent Fooy/Gédéon Programmes

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