Sujets du Concours général des lycées · COMMENT ÉCRIRE UNE DISSERTATION SUJETS DES ANNÉES...

13
MÉTHODOLOGIE PERSONNELLE DU CONCOURS GÉNÉRAL DES LYCÉES, COMPOSITION FRANÇAISE Sommaire du document MODALITÉ CRITÈRES D’ÉVALUATION DU JURY COMMENT FAIRE ? COMMENT ÉCRIRE UNE DISSERTATION SUJETS DES ANNÉES PASSÉES EXEMPLES DE COPIES QUE RÉVISER ? MODALITÉ *Durée: 6 heures *Une dissertation sans corpus, dont la question est souvent : « Vous analyserez et discuterez cette réflexion en vous appuyant sur des exemples précis /empruntés à des genres et des siècles variés. » *« Le jury distingue, tous les ans, neuf copies : trois prix, trois accessits, trois mentions. Il adresse ses vives félicitations aux lauréats qui ont ainsi manifesté leur goût pour la littérature et la fréquentation des grandes œuvres. » *longueur de la copie : « Plus elle est longue, plus une construction est difficile à maîtriser : ce n’est pas l’abondance mais la pertinence de la démonstration qui fait la qualité d’une copie. » ; la dissertation n’est pas « un catalogue d’exemples », mieux vaut 2 exemples par paragraphe mais bien analysé que 5 ou 6 titres. CRITÈRES D’ÉVALUATION DU JURY - La compréhension et l’analyse de la problématique. Elle exige autant une attention de détail aux termes clés et aux expressions essentielles de la citation qu’une saisie globale des enjeux. Il fallait ainsi tenir les fils de la poétique romanesque et de la lecture, expliquer les raisons du rejet de la tension dramatique mais aussi expliciter les pistes ouvertes par ce refus. - L’argumentation. S’il peut admettre quelques maladresses ou imperfections, le jury demande une progression d’ensemble logique exprimée en parties et paragraphes. Chaque développement doit être vigoureusement orienté ; pour cela l’idée doit être développée sur le plan théorique et non simplement assertée et illustrée. L’argumentation exige aussi un engagement personnel, une « présence » dans le débat : il s’agit de dialoguer avec l’auteur de la citation pour construire sa propre pensée. Il convient enfin d’attirer l’attention sur les deux pôles de l’économie argumentative, souvent très déficients : l’introduction permet une première évaluation de la qualité de la copie, peu de candidats parviennent à y présenter de façon précise et sans simplification ou gauchissement la problématique du sujet. De même beaucoup de conclusions se perdent en généralités creuses ou plaquées au lieu de procéder à un bilan vigoureux et dynamique de l’ensemble de la réflexion. - Les exemples. Ils sont appréciés d’abord en fonction de leur valeur de probation, leur analyse doit prouver la pertinence de l’idée. Ils montrent ensuite la culture personnelle du candidat, son expérience de lecteur, essentielle dans ce sujet. Trop d’exemples se réduisent à des noms d’auteurs ou à des titres interchangeables. Il convient également de prêter attention à la pertinence du corpus : Les Confessions de Rousseau ou les Mémoires d’Outre Tombe n’ont pas leur place dans une réflexion sur le roman. On ne saurait non plus mener

Transcript of Sujets du Concours général des lycées · COMMENT ÉCRIRE UNE DISSERTATION SUJETS DES ANNÉES...

MÉTHODOLOGIEPERSONNELLEDUCONCOURSGÉNÉRALDESLYCÉES,COMPOSITIONFRANÇAISE

SommairedudocumentMODALITÉCRITÈRESD’ÉVALUATIONDUJURYCOMMENTFAIRE?COMMENTÉCRIREUNEDISSERTATIONSUJETSDESANNÉESPASSÉESEXEMPLESDECOPIESQUERÉVISER?MODALITÉ*Durée:6heures*Unedissertationsanscorpus,dontlaquestionestsouvent:«Vousanalyserezetdiscuterezcetteréflexionenvousappuyantsurdesexemplesprécis/empruntésàdesgenresetdessièclesvariés.»*«Lejurydistingue,touslesans,neufcopies:troisprix,troisaccessits,troismentions.Iladressesesvives félicitations aux lauréats qui ont ainsi manifesté leur goût pour la littérature et lafréquentationdesgrandesœuvres.»*longueur delacopie:«Pluselleestlongue,plusuneconstructionestdifficileàmaîtriser:cen’estpas l’abondance mais la pertinence de la démonstration qui fait la qualité d’une copie.»; ladissertationn’estpas«uncatalogued’exemples»,mieuxvaut2exemplesparparagraphemaisbienanalyséque5ou6titres. CRITÈRESD’ÉVALUATIONDUJURY

• -Lacompréhensionetl’analysedelaproblématique.Elleexigeautantuneattentiondedétailaux termes clés et aux expressions essentielles de la citation qu’une saisie globale desenjeux.Il fallaitainsitenir lesfilsdelapoétiqueromanesqueetdela lecture,expliquerlesraisonsdurejetdelatensiondramatiquemaisaussiexpliciterlespistesouvertesparcerefus.

• - L’argumentation. S’il peut admettre quelques maladresses ou imperfections, le jurydemandeuneprogressiond’ensemble logiqueexpriméeenpartiesetparagraphes.Chaquedéveloppementdoitêtrevigoureusementorienté;pourcelal’idéedoitêtredéveloppéesurle plan théorique et non simplement assertée et illustrée. L’argumentation exige aussi unengagementpersonnel,une«présence»dansledébat:ils’agitdedialogueravecl’auteurdela citation pour construire sa propre pensée. Il convient enfin d’attirer l’attention sur lesdeuxpôlesdel’économieargumentative,souventtrèsdéficients:l’introductionpermetunepremièreévaluationdelaqualitédelacopie,peudecandidatsparviennentàyprésenterdefaçonpréciseetsanssimplificationougauchissement laproblématiquedusujet.Demêmebeaucoupdeconclusionsseperdentengénéralitéscreusesouplaquéesaulieudeprocéderàunbilanvigoureuxetdynamiquedel’ensembledelaréflexion.

• - Les exemples. Ils sont appréciés d’abord en fonction de leur valeur de probation, leuranalysedoitprouver lapertinencedel’idée. Ilsmontrentensuite laculturepersonnelleducandidat,sonexpériencedelecteur,essentielledanscesujet.Tropd’exemplesseréduisentàdes noms d’auteurs ou à des titres interchangeables. Il convient également de prêterattention à lapertinencedu corpus :LesConfessionsdeRousseauou lesMémoiresd’OutreTomben’ontpas leurplacedansuneréflexionsur leroman.Onnesauraitnonplusmener

une interrogation véritable en ne se fondant que sur Harry Potter, les best-sellers del’actualité ou les romans policiers sans évoquer les grands noms de l’histoire du roman.«trop de candidatsmettent à égale valeur J. K. Rowling, GuillaumeMusso et Flaubert ouStendhalce qui ne manque jamais d’être du plus mauvais effet. L’épreuve du ConcoursGénéralvaloriseuneculturevéritablementlittéraireetcertainscandidats»

• - La langue et le style. Le jury apprécie la correction de la langue (orthographe, lexique,syntaxe,ponctuation,accentuation)etnepeutquepénaliserlescopiestrèsdéficientesdansce domaine. Ainsi, une copie qui présentait pourtant une réflexion de qualité a dû êtrepurement et simplement écartée. Certains candidats montrent déjà des qualitéspersonnellesd’écritureetsaventtrouverparfoisdesformulesquiallientjustesseetbonheurd’expression.

• -Siunrapportrelèveparnaturedavantagedela«critiquedesdéfauts»quedela«critiquedesbeautés»onvoudraitcependant,pourfinir,rappelerleplaisirprisparlesmembresdujury à la lecture et à la discussion de copies prometteuses, révélant tant les qualitéspersonnellesdecertainscandidatsquelaqualitédutravaileffectuéencours.

COMMENTFAIRE?1.analyserd’abordenlisantlacitation:quel genre interroge-t-elle et se tenir à celui-ci: un genre n’englobe pas la totalité du champlittéraire(unedissertationsurleromannepeutpastraiterd’exemplesd’autresgenres)2. ensuiteanalyseraubrouillon chaqueexpression importantede la citationen ladéfinissantparsynonymeetantonyme3.entrouvantdesexempleslittéraires.ex: sujet de 2009 «Lesœuvres puissamment imaginaires ne vont jamais,même les plus noires,sansunrayonnementdejoiedifficileàdéfinir."(HenriThomas)»1.«Lesœuvrespuissammentimaginaires»Lanotiond’œuvrepeutêtreentendueausenssingulier,particuliermaisaussigénéral :MobyDickou l’œuvre romanesque de Melville. Elle implique une étude générale, non une réduction ou unprivilège abusif accordé à un genre en particulier comme le roman. L’expression « puissammentimaginaires » demande une exploration attentive. Elle implique de la part d’Henri Thomasadmiration, étonnement, fascination devant une merveille. L’imaginaire est valorisé, loué contretoute la tradition du réalisme mimétique, de l’application au réel, source d’appauvrissement,platitude et banalité ; contre l’imagination tenue en soupçon ouméfiance, condamnée ; contre lenarcissisme de l’écriture de soi. L’imaginaire recouvre la rupture avec le réel, l’expériencecommune, un écart radical (ce que Henri Thomas définit comme « fait du génie » à propos deMelville),mêmesil’œuvreprendsource,appuidansleréel(lachassebaleinièreparexemplepourMoby Dick). « Puissamment » exclut un simple dépassement, une simple transposition outransformationduréel.Cedéploiementdel’imaginairehaussel’œuvreàladimensiondel’aventure,dumythe,del’absolu,de l’épopée, de la vision, du symbole, du surnaturel, de l’étrange ...Le critère de la puissance implique, outre la radicalité de la rupture, la singularité, l’originalité :excès, violence, démesure, force, énergie dans le foisonnement et l’expansion imaginaires. Lapuissancepeutêtremiseenrelationavecl’intensitéetlaprofondeur(voirlanotionde«puissancetransfiguratrice»chezMalraux,avecsesdegrés:Balzacconstruitunmondepluspuissant,selonlui,que Zola) .Mais,pointessentiel,iln’yapasdepuissanceimaginairesansverbe,langagetransfigurateur,pour

exhausserlaréalité,atteindreàlaréalité«poétique»:uneexpansionlyrique,épiqueoutragique;sansverbedonnantcorps,forceconcrèteàl’imaginaire(niévanescence,niabstraction).Exemples :MobyDick:delachassebaleinièreàl’épopéeetàlatragédie;lePéquodcommenaviresymboledumonde américain ; Achab capitaine mutilé et monomaniaque en lutte contre le mal, en quêted’absolu ; écriture symbolique, force expressive. On songe à la première apparition d’Achab,retardéejusqu’auchapitre28,oùilapparaîtdressésurlegaillardd’arrièredevantleregardméduséd’Ismaël:«Achabletaciturne,Achablefoudroyétenaitlevédevanteuxunvisagedecrucifié,oùselisait l’indicible dignité royale, irrésistible, d’une souffrance immense. »AnabasedeSaintJohnPerse:le je,prince,conquérant,prêtre,poète; l’aventuredelaconquête,dudésertetde lamer ; l’éthiquede l’intensité, lebattementde l’enracinementetde la conquête ; leverset (rythmes et sonorités)Macbeth de Shakespeare, Le Soulier de satin ou Tête d’or de Claudel, « l’opéra fabuleux » desIlluminationsdeRimbaud,lesromansdeKafkaetc.Dans beaucoup de copies « les œuvres puissamment imaginaires » ont été confondues avec lesœuvres«imaginéesdetoutespièces»etledéveloppementaétélimitéauxœuvresdepurefiction(conte,science-fiction,œuvresfantastiques)opposéesauxœuvres«réalistes».2.«nevontjamaissans»Cetteexpressionaéténégligéemaisn’estpassansimportance.Saformulationabsolue(«jamais»)luidonneforcedeloi(etouvredoncuneporteàladiscussion).Letournégatif(«nepasallersans»pour«s’accompagnerde»)metdavantagel’accentsurl’effetproduitparlesœuvres:l’effetjoieestintrinsèquementliéàlapuissanceimaginaire,s’imposeaulecteuravectoutelaforced’unaffect;lelecteurnepeutqueleressentir,ilnes’agitpasd’uneimpressionsubjective.Mais l’expression laisse entendre également une complexité de l’émotion ressentie que l’onretrouveraavecl’interrogationdelanotiondejoie.3.«unrayonnementdejoie»L’analyse de la notion de joie a été un critère discriminant majeur des copies ; Henri Thomasreconnaît lui-même la difficulté de l’entreprise.Ellepeutêtredistinguéedenotionsvoisines:ilnes’agitpasiciduplaisiroududivertissementdelalecture(confusionfréquentedanslescopiesetquidénatureradicalementlesujet),delagaîtéoudel’enjouement,niexactementdubonheurdontlajoien’apaslemêmecaractèredecalmeplénitudeetdedurée,nid’extase.Lajoiepeutêtredéfinieicicommeuneémotion(un«étonnementd’être»Bergson)exprimantunsentimentd’exaltationprofondedel’êtreettouchantl’ensembledelasensibilité(paroppositionaulogique, au rationnel, à l’intellectuel). Elle transforme et dynamise le sujetmis en présence de lapuissancecréatrice:unélan,uneferveuretuneardeur.Le termederayonnementsouligne force,dynamisme,puissancedeviede la joie : l’œuvrediffusecette puissance, faisant de la joie non le ravissement d’unmomentmais un état plus durable deplénituded’être;lajoieinonde,remplit,aquelquechosedetriomphal.C’estpourquoiGionopréfère« joie » à « bonheur ». «Elle est saisie directement, immédiatement commeun accroissementdel’intensitéintérieure.Elleestunnouveausentimentdesoiquisedémarquedelasimpleconscienceperceptiveparuneaffirmationintenseetexaltéedesapropreexistence...Leterme«joie»impliquepar lui-même une vibration, une densité profondes et substantielles » écrit RobertMisrahi. On avalorisé les candidats qui ont perçu cette dimension d’expérience intérieure de la joie active etprofonde.Lesmeilleurescopiesontpurecouperdansleursanalysescertainesphilosophiesdelajoiequ’onnedemandaitévidemmentpasauxcandidatsdeconnaître. Spinoza : la joie commeaugmentationdepuissance liée à la réalisation du désir ; Nietzsche : la volonté de puissance qui assume d’êtrejoyeuse;Bergson:«Partoutoùilyajoie,ilyacréation:plusricheestlacréation,plusprofondeest

lajoie.»(L’Energiespirituelle);ClémentRosset,quidanslacontinuitédeNietzscheconsidèrelajoiecommeunegrâceirrationnellequipermetd’accepterleréeldanstoutesacruauté.Lapriseencomptedupointdevuedelacréationestpertinente:lajoieestliéeàlacréationdanslamesureoùl’œuvrepermetàl’écrivaindedépasserlaplatitudeetlacontingenceduréeletduvécudanslaconstructiond’unmondepoétique.Ildéfielaréalité,exprimeparcettecréationunerévolteface au monde, se fait dans l’invention d’un monde de formes imaginaires, le rival de la réalité(Malraux).OnsongeégalementàProust,pourquilacréationoriginalesesignaleparl’intensejoiequi annonce l’étincelle de l’invention. Ainsi pour le narrateur, la conscience que Bergotte a de lavaleur de sonœuvre « résidait dans la joie que sonœuvre lui avait donnée, à lui d’abord et auxautresensuite.»PourSaintJohnPerse,l’écriturepoétiqueestunepratiquedelajoieparcequ’elleconstruitune«œuvreœuvréedanssatotalité»(PourDante),qu’elleestunaccomplissementà lafoisesthétique, éthique, «modedevieetdevie intégrale», réponsehumaineaudoute, aumal, àl’angoisse. Cependant la joie évoquée par la citation est essentiellement celle du lecteur. Onattendaitdescandidatsuneanalysedeleurexpériencepersonnelledelecture,nondesgénéralitéssur leplaisirde lire, hors sujet,maisune interrogation sur cette expérienced’être, cette émotionprofonderessentiefaceauxgrandesœuvresconcernées.Desdegréspeuventêtredistingués : joiecalme,douce,sereineouallégresse,exultation, jubilationprofonde.Desexplicationsdevaientêtrerecherchées:

• -participationdulecteuràlajoiecréatricedelaruptureavecleréel,dudéfidel’œuvre.• - sentimentd’êtreplacédevant laplénitudeet la totalitéd’unmonde issude lapuissance

créatriced’unauteur,unmondeautre,inconnu,quisusciteparlàunejoiedel’imaginaire,unmondequel’artlibèredesescarcansetquidonneaulecteurlajoiedelaconquêteduréelparl’imaginaire.

• - sentiment de voir ce monde éclairé dans ses vérités ou sa complexité, sa portée, sesinterrogations.Cemonde«puissamment imaginaire»n’enparlepasmoinsdumonde,del’homme,del’Histoire,delaconditionhumaine.Lajoierésultedelaperceptionsoudaineetforteparlelecteurdelajustesseaveclaquellel’œuvre,grâceàl’embardéedansl’imaginaire,fait entendre le chant de l’homme. On songe à ce que Jean Vilar écrit des vraies œuvresthéâtrales(Delatraditionthéâtrale1955):«Laréalitécruefait,authéâtre,ledésertennoscœurs.Elleheurtecebesoind’uneimaginationquinousflatte,elleheurtecegaisoucidesecroireautrequenousnesommes.Car lethéâtreest,mesemble-t-il, irréalité,songe,magiepsychique,mythomanie ; et s’il est aussi réalité, dumoins il faut qu’elle nous dope, nousenivre,nousjettehorsduthéâtrelecœurvif,l’espritpleindemerveilles,lecœurvivant.»Demême,chezProustlajoiedelalecturevientdecequelesœuvresdechaquegrandcréateurnous envoient « leur rayon spécial », leur vision du monde, nous permettent de voir lemondeàtraversdemultiplesregards.

4.«difficileàdéfinir»L’expressionestpolysémique:

• - Ladifficultépeut tenir à lanaturede la joie,de l’émotionéprouvée.On se souvientquedansEnfanceNathalie Sarraute, après avoir songéau termede joiepourdéfinir l’émotionressentie au Luxembourg, y renonce comme en partie inadéquat. Il en va demême de lalecture, iln’estpas forcément facilededistinguer la joiede l’allégresseoudubonheurparexemple.

• - Ellepeuttenirégalementà l’expansiondelanotion:unemobilité(«unrayonnement»)difficileàcerner,circonscrire ;unchampderayonnementquipeutêtrevariable.D’oùdesfrontières avec le bonheur si cette joie demeure, reste en mémoire longtemps après lalecture.

• - L’explication de l’émotion ne va pas non plus sans difficulté en raison de lasurdéterminationdecettejoieetdel’inévitablepartdemystère,d’étrangeté,d’ambiguïté.

• -Onaétésensibleauxcopiesquiontprisencomptecesnuances,pourcorrigerlecaractèreabsolu de la formulation. Par delà la joie qu’elle peut procurer, l’œuvre puissammentcréatricelaisseàrêver,penserindéfiniment.

5.«mêmelesplusnoires»L’examendecetteexpressionétaitcapitalepourlacompréhensiond’ensembleetamenaitàcompléter et déplacer certaines considérations précédentes.Elleposeplusieursproblèmesetpeutprêteràplusieursinterprétations.D’abordceluideladéfinition de la noirceur d’une œuvre ; ensuite celui du lien entre noirceur et « œuvrespuissamment imaginaires » : y a t-il parmi elles desœuvres lumineuses et sereines et lechamp s’étend-il alors de cesœuvres auxœuvres noires, sombres, ténébreuses ? Ou bientouteœuvre«puissamment imaginaire»comporte-t-elleunepartdenoirceurvariable,cequifaitdecestextesdesœuvresquiparcourentlechampdelanoirceur,desmoinsnoiresauxplusnoires?Enfinceluiduparadoxedurenchérissement:«mêmelesplusnoires»nevontpassansjoie.La noirceur d’unmonde imaginaire peut tenir à la trame événementielle, à la violencetransgressive des désirs et des passions qui s’y déploient, à la présence du mal et de lacruauté,àunereprésentationsombre,tragique,désespéréedel’hommeoudel’Histoire.Laconfusion de la « noirceur » avec la simple tristesse, commise dans beaucoup de copies,empêchait toutepertinencede laréflexion.L’oppositionsimplisteentre la joiedesœuvresd’imagination et la noirceurdesœuvres réalistes et naturalistes constituait naturellementungrossiercontre-sens,demêmequecelleentrelesœuvrescomiquesettragiques.Onpeutdèslorsenvisagerqu’ilexistedesœuvres«puissammentimaginaires»dépourvuesde cette noirceur ou qui tendent à l’occulter ou à la faire oublier : on peut penser à desœuvres où la puissance de l’imaginaire se déploie comme une représentation embellie etidéalisée de mondes parfaits, utopiques, comme un jeu, une exploration virtuose de lafantaisie, du merveilleux ou du fantastique. On comprend aisément que ces œuvresprocurent joieau lecteurendonnantuneouverture infinieà l’imaginaire,en libérantde laraison et du réel. Ainsi Le Capitaine Fracasse de Gautier, par son utilisation de l’hyper-romanesque atteint à une sorte d’irréel fondé sur l’hyperbole, le grotesque, le jeuintertextuel. La distance ironique du narrateur contribue à procurer au lecteur la joie dudéploiement de l’imaginaire et de la fantaisie. L’œuvre de Rabelais pourrait fournirégalementdesanalysespertinentes.Maisonpeut sedemander si lanotiondepuissance imaginairen’impliquepas en soiuneforme de noirceur, du fait même de l’excès, de la démesure, de la totalité du mondereprésenté.Lesromansd’aventure,decapeetd’épéeparexemple,neseraientalorspasdesœuvres puissamment imaginaires; ils procurent davantage un plaisir imaginaire, uneallégresse légère qu’une joie véritable qui exige densité, profondeur. Ces deuxinterprétations paraissent tout à fait admissibles, et l’on a su gré aux candidats qui ontsoulevéleproblème.Ilresteàexpliquercommentlanoirceur,mêmeextrême,peutsusciterunejoie.

Plusieursexplicationspeuventêtredonnées.Lapuissancede l’évocation imaginaire, toutd’abord,impose sa propre force, sa nécessité, indépendamment de la noirceur : force des actions, scènes,personnages, paysages, constituant une sorte de beauté esthétique où s’exprime une force decréationpropreàsusciterlajoie.Ensuitemêmelesœuvreslesplussombrescomportentdeslueursdans la mesure où la puissance créatrice implique une visée de totalité et plénitude de lareprésentation.Enfinlajoiesembleliéeàl’expressionmêmedelanoirceurdansletragiqueetdanstoute représentation de l’homme et de son destin, du métaphysique : joie de la découverte quel’homme s’élève au-dessus du malheur ou du moins affronte son destin, joie pleine d’être sansillusions et dans le réel. Dans cette perspective la joie est liée à la révélation d’une vérité, au

dépassement dupessimismeoududésespoir. Beckett a reçu le prixNobel de Littérature pour ladimensionroborativedesonœuvre,preuvequeladérisionpeutêtrejoyeuse.Des exemples comme laDivineComédiede Dante, lesTragiquesde d’Aubigné,Macbethou leRoiLear, la tragédie en général, les romans de Dostoievski ou Kafka, Les Diaboliques de Barbeyd’Aurevilly permettraient de fonder ces perspectives et ces idées.On voit confirmé ici que la joie en question est bien cet affect fort, dynamique, évoquéprécédemment ; qu’elle n’est pas un pur sentiment esthétique, mais est liée à l’objet même del’évocationquiestaucœurdesgrandesœuvres imaginaires, auxsignificationsetauxsuggestionsprofondesdel’œuvre,àsesaudaces,sesinquiétudes,sesvertiges.Ilsemblequelemodèletragique,shakespearien surtout, (celui que Melville précisément veut intégrer à son roman) soit aufondement de l’affirmation d’Henri Thomas. Songeons à Achab en guerre avec le mal universel,rebelle à l’assaut de l’ordre divin, comme Prométhée ou Satan, transgresseur de l’humainecondition. Il s’agit dans tous les cas d’œuvres fortes, intenses, incandescentes, qui émettent desondespuissantes, imprègnentettravaillentàvif lasensibilité, l’imaginaire, l’intellect,molestent laroutine,bousculentidéesetidéauxpourouvriràquelquechosededifférent,desingulier.COMMENTÉCRIREUNEDISSERTATIONINTRODUCTION:«L’aptitudeàanalyser,construireuneproblématique,ettraiterlesujet,est,commetouslesans,leprincipal critère d’appréciation des copies. Tout plan qui consiste à envisager l’une après l’autrecertainesexpressionsdelacitationesttrèsmaladroit,etconduitàuneconclusionhésitante.»1.exemplequiamèneausujet2.onrecopielesujetintégralement3.onanalyse la citation/le sujet: cequ’il/elleveutdireparune«analyseetunemiseenrelationattentive de ses notions et de ses expressions.»On résume donc la citation avec sesmots et onaboutitàl’élaborationd’uneproblématique:4. problématique: «Il s’agit d’abord pour problématiser d’apprécier une expression, une nuancesémantique,unepluralitédesens,bref,demontrerdesqualitéslittérairesattentivesauxsaveursetcomplexitésdelalangue.»5.annoncedeplanclassiqueDEVELOPPEMENT«Lejuryn’attendpasplusdeplanobligéqued’idéesoud’exemplesimposés.Ildemandeseulementqueledevoirreposesurunevéritablelogiqueinterne,quelesidéessoientordonnéesenunesolideargumentation.Onatrouvétropdeplansseprésentantcommeunsurvolhistoriqueetapproximatifde l’histoire du roman, ou comme une revue d’œuvres diverses classées par exemple parcatégories.»«Le jury n’avait en tête aucun plan préconçu, ni aucun passage obligé dans la démonstration oudanslesréférences,àlaconditionqu’ellesfussentlittéraires,suffisammentvariées,etsurtoutmoinsnombreuses que véritablement analysées. Le jury préférera toujours une copie claire et capabled’évoquer les œuvres sur lesquelles elle s’appuie qu’un catalogue de titres qui semblent donnésdansunétalaged’éruditionsetrompantsurlesattentesdescorrecteurs.Lejurypréféreratoujoursune copie claire et capable d’évoquer les œuvres sur lesquelles elle s’appuie qu’un catalogue detitres qui semblent donnés dans un étalage d’érudition se trompant sur les attentes descorrecteurs.»Souventen3parties

la première partie est le lieu du développement de la thèse de la citation/ de l’auteur, sajustification,qui doit être dégagée dès l’introduction à partir d’exemples et de 2 paragraphes auminimumladeuxièmepartieenestl’antithèseladernièrepartiedépassel’antithèseparuneautrethèseCONCLUSION1Enconclusion,nousnousdemandionscomment…2,résumédesparties3,ouvertureenreprenantlamêmequestionsurungenrevoisinsipossibilitédelefaire,sinonsuruneproblématiquevoisineSUJETSDESANNÉESPASSÉES2015:"Onn'estpasécrivainpouravoirchoisidedirecertaineschosesmaispouravoirchoisidelesdired'unecertainefaçon.Etlestyle,biensûr,faitlavaleurdelaprose.Maisildoitpasserinaperçu.Puisquelesmotssonttransparentsetqueleregardlestraverse, ilseraitabsurdedeglisserparmieuxdesvitresdépolies."(Jean-PaulSartre)2014: "L'idéal n'est fécond que lorsqu'on y fait tout rentrer. C'est un travail d'amour et nond'exclusion."(Flaubert)2013:"Lepoèmeest lenomtrouvé.Lefaire-corpsavecla langueest lepoème.Pourprocurerunedéfinition précise du poème, il faut peut-être convenir de dire simplement: le poème est l'exactopposédunomsurleboutdelalangue."(PascalQuignard)2012Lemauvaisromancier-jeveuxdireleromancierhabileetindifférent-estceluiquiessaiedefairevivre,d'animerdel'extérieur,etensommeloyalement, lacouleurlocalequiluiparaîtpropreàunsujet, lequel il a jugé ingénieuxoupittoresque - le vrai est celui qui triche, qui demande au sujetavanttout,etpardesvoiesobliquesetimprévues,deluirouvrirunefoisdeplusl'accèsdesapaletteintime, sachant tropbienqu'en faitdecouleur locale, la seulequipuisse faire impression, c'est lasienne. Julien Gracq, En lisant en écrivant. Vous analyserez et discuterez cette réflexion en vousappuyantsurdesexemplesprécis.2011:"Enlittérature,ilnefautpasfairelebeau."(JosephJoubert)-2010: "Au-delàde cequi sedonnepour la réalité, unmondeplus juste, plus authentique, valablepourtous,estenfouidansl'ombreetlesilence.(...)"(PierreBergounioux)EXEMPLESDECOPIES1999:Cen'estpas"Pourquoiécrire?"quiestintéressant,mais"Commentécrire?"-1erprix:DanArbibNous avons tous de belles histoires à raconter. Et pourtant, nous ne sommes pas tous écrivains.Nousvoudrionsl'êtreprobablement-oh,combiennouscharmerionsnoslecteurs-;maisnousnele sommespas.Carcertes, il importede raconterdeshistoires,mais cen'estpas tout.Par-delà lerécit, lanarration, lessentiments,par-delà lavolontéde (se)distraire,des'épancher -par-delà lavolontédedireoud'écrire,secacheunimpératif,discretmaisnonmoinscapital:Commentdire?

C'estce"comment"quigâtetout.Nousaimerionsquelaseulequestionfût:"Quoiécrire?",ou"Pourquoiécrire?"-carlà,aumoins,nousaurionssurépondre;maisce"comment"s'impose,sifatalquel'onpuisseenarriveràdire:"Cen'estpas"Pourquoiécrire?"quiestintéressant,mais"Commentécrire?"".Lalittérature,insatisfaitedumessagemêmeoudesonbut,questionnedonclaformedumessage.Mais, après tout, en quoi cette forme s'impose-t-elle si radicalement qu'elle puisse détruire lesambitionslittérairesducommundesmortels?Puisqu'elleestsiimportante,laissons-laseule,nue,uninstant,etvoyonscequ'ellesera-sitantestqu'ellepuisseêtrenue...-Maisalors,qu'est-cequiliecetteformeaubutetàlateneurmêmedel'écrit?La nécessité de mettre en forme une pensée, un fait, c'est-à-dire la nécessité de le traduireverbalementpeutparaîtreuneévidence.Maisdansladémarchequiprésideàl'acted'écriture,toutn'estpas si simple. Sans cesse lebutde l'écriture se confondavec l'écrituremême, sans laisser àl'écrivainlalibertédecontrôlerlemessagequ'ilélabore.Cars'ilestunprésupposédans l'écriture,c'estquetoutdésird'écrirerépondàunbesoinvitaldedonner à son message une existence. En effet, chaque écrivain qui prend sa plume, depuis leromancier jusqu'au poète, sait d'emblée, a priori - car qui sait où lesmots le porteront ? -, versquelledirection il va.A l'origine, la "nécessité intérieure ", commeditValéry,de l'écriture, est lavolonté de traduire enmots ce qui n'est encore que dans l'esprit. Tout écrivain a alors quelquechoseàdire-sansquoiiln'écriraitpas.Etcedésirdedirequelquechoseestàlabasedetoutécrit:"Sijen'avaisrienàdire,jen'écriraispas"avoueSimonedeBeauvoir.Parailleurs,lateneurmêmedumessage,du"quoiécrire"estintimementliéeàl'objectifdel'écrivain.Dansunroman,dansunconte,lebutestgénéralementdenousfaireoublierlaréalitéquotidienne,d'ouvrirunefenêtreparlaquelle nous puissions nous évader, partir, fuir vers une contrée lointaine, comme les romansromantiques,quinousemportentenOrient,-fuirversunautretemps,commeSalammbôquinoustransporte vers un ailleurs d'il y a plusieurs siècles. Le but peut être de se chercher, et alorsl'autobiographie,danssonessencemême,peutrépondreàcebesoin;lebutpeutêtredecombattrequelque dictature ou quelque idée, but que l'essai et le pamphlet poursuivent. Ou encore, avoirquelque chose à dire et l'exprimer - si l'on peut définir ainsi l'écriture - aide à survivre. " Si jen'écrivaispas,jemetuerais"ditGide.Enquoil'onpeutvoirquel'onn'écritjamaispourrien.Ecrirepourlesimpleplaisirdevoirsamainglisser sur le papier, tracer ces arabesques que sont les lettres, cela n'existerait pas. Et pourtant,combien de fois n'avons-nous pas écrit, gratuitement, une fois, surpris quand la conscience nousrevenaitdevoirlepapiernoircidenotreécriture?Touslesjours,lavienousmontrequ'écrirepourrienexiste,etquec'estdéjàécrire.L'écrivain,amidesmots,connaîtçaplusquelesautres.Pourlui,"écrireestunverbeintransitif"disaitRolandBarthes.Lessurréalisteseuxaussiontécrit,sansbutpréalablequeceluidelaisseràlaplumeunelibertéguidéeparl'inconscient.L'écritureautomatiqueestenquelquesorteunacteoù,augestemêmed'écrire,neprésideaucunevolontéconsciente.Dèslors,l'écritureesttotalementgratuite,etlaquestiondu"Pourquoiécrire"neseposepas.Maisonpeuttaxerd'hypocriteunedémarchequiconsisteraitàdire :" J'écris,etc'est tout. Jen'aiaucunsujetpréalable,aucunevolontépréalable".Caralors,pourquoiécrire?Pourquoichoisirdetravailler les mots ? C'est que la littérature, dans la mesure où elle use des mots où toute sonattentionestportéesureux,estmoyendecommunication.Elleest,parfoissansenavoirpleinementconscience,unoutildecompréhensionentreleshommesencesensjustementquetoutsonintérêtest assis sur lesmots, et que lesmots sont inéluctablement lemoyen capital de communicationentreleshommes.Joueraveclacommunication,c'estdéjàcommuniquer.Onvoitdèslorslavanité

d'undiscoursdel'écrituregratuite.Aufond,touthommequiaccomplitl'acted'écrireaenvie,sinond'êtreédité,dumoinsd'êtrelu:etmêmelejournalintime,quipeutparaîtred'abordunécritquenejustifiepasledésirdecommunication,trouvesonlecteurdanssonrédacteurmêmequi,plusieursannées après, lit des pages qu'il a lui-mêmeécrites,mais à une époqueoù il était autre. L'auteurdevient son propre lecteur. Cette vocation communicatrice de la littérature n'a pas échappé àSimonedeBeauvoirquidit : " la littératurenous rattacheà la communautédeshommes ".Ainsi,outre la teneurmêmedecequivaêtrecommuniquéà l'autre,existe lanécessitéd'une formequidonneraitaumessageuncaractèrecompréhensible.C'estlàqu'intervientlalangue.Ilestdoncétabliqu'àlaquestion"Pourquoiécrire?"toutécrivainasaréponse,sinoniln'estpasécrivain. La question se porte alors sur une autre condition qui fait l'écrivain, c'est la manièred'écrire.Ilconvient,arrivésici,d'établirunedifférenceauseindeceuxquiécrivent.Acesujet,ladistinctiondeBarthèsestsansdouteexemplaire.Ilestàséparerceluiquiutiliselesmotsdeceluiquitravaillelesmots.Celuiquiutiliselesmotslesprendetlesasservitàsonmessage:ilnesontquemédiateursdumessage. Le résultat produit n'est pas de la littérature,mais de l'information. En revanche, lelittérateur, lui, a cetteparticularitéque lesmotsne sontpaspour luidesoutilsdumessage,maisl'objetmêmedumessage.Lelangagedevientàluiseulobjetdutextelittéraire,nonpluscettefoisdans un dessein pratique et utilitaire, mais comme source de jouissance. C'est cette différenced'attitudeparrapportaulangagequifondeladistinctionentre"écrivants"etréels"écrivains".Lelittérateurestdonc"souslesmots",selaisseemporterpareux.Sartreverradanscettejouissanceverbaleun caractèreexclusivementpoétique.Mais c'estnéanmoins ce rapport auxmotsqui renduniquel'écrivain.Etcependant,lesmotsontunsens.Dèslorsqu'ons'abandonneàeux,quelleplaceestfaitepourleréférent?Lesmotssontincontestablementliésàunsignifié:chaquemotappelleunsensdéterminéqueluiontimposélessièclesetquisevérifiedansledictionnaire.Onnesauraitdoncprendrelesmotspourungroupementdelettresquin'évoqueraitriendedéfini,cardéconnecterlemotdesonsens, n'est-ce pas encourir le risque de voir se disloquer lemonde ? On irait vers une " forêt desymboles"dontlerapportavecleréelseraitinexistant;verslacréationd'unautreréel.C'estlàcequeseproposelapoésie("poïo",engrec,n'est-cepas"créer"?):sacrifierle"quoi"au"comment"endonnantauxmotsl'importancepremière,etlacapacitéàconstruireunmonde.Mais alors il serait bienmaigre, cemonde ! Fait uniquementdemots, quelle consistance aurait-ilface au réel, imposant, palpable ? Les mots ont la possibilité de construire, certes, mais desconstructionscaduques.L'écrivainnepeutdoncpasfaireconfianceaulangage;aucontraire:ilesttout plein de la conscience douloureuse de la faillite des mots. Mais sa tâche est justement des'accommoder de l'insuffisance des mots, de leur pauvreté, de leur indigence même. En effet,comment traduirepardesmots cequinepeut se suffire àune formeuniquementverbale ? Sanscesse, la véritéde l'écrivain sedérobeà lui, lui échappe, commesi ellenepouvait se réduireà laformequ'onprojettedeluiprêter.Rousseauatrèsbiensenticettepartd'indicible,d'immatérielquelesmotsnepeuventtraduire.Le"commentécrire?"estdoncunequestionépineuseaucentredel'acted'écriture,parcequ'ils'agitdedonneruneformeàcequin'enapas,etneveutpasenavoir.Faceàlaconfrontationd'unmessageréticentquisedérobeetàuneformeimpuissante,l'écrivain,parcequ'ilestamidelalangue,choisitdelasoumettre,elle.Même les surréalistes, à l'écriture gratuite, à la conviction d'un langage automatique que rien necommande,ontparléde"chimieverbale".C'estdoncqu'ilfautàl'écrivaineffectueruntravailsurla

langue.Nulécrivainn'amieuxillustrécetravailsurlalanguequeFlaubert.Ilsentlesréticencesdulangage,soninsoumission;lemotjusteestlentàvenir,l'accouchementdel'oeuvreestdouloureux:Flauberthurlesontexte-lesvoisinsetlespassantss'étonnent-,lepasseau"gueuloir",s'égosille.Ilachoiside"materlalangue".C'estletravailacharnésur"lamécaniquecompliquée(parlaquelle)onfaitunephrase",commeill'écritàLouiseCollet,quil'unitaulangage.Sarelationaveclalangueestdouloureuse,maispassionnelle.Hugoaussi,devantlarigueurdesformespoétiqueshéritéesduclassicisme, éprouve le besoin de " disloque(r) ce grand niais d'alexandrin " ou de mettre " unbonnetrougeauvieuxdictionnaire".Apollinairevaplus loin :conscientde la faillitedesmots,deleurinsuffisance,ilécritsespoèmesencalligrammes.Mais"pourquoiécrire"et"commentécrire"peuvents'emboîteretseservirl'unl'autre.Lesmots,chezProust,nesontpas impuissants.Aucontraire,accolés lesunsauxautres, ilsparticipentde larecherche du temps perdu. La sinuosité de la phrase proustienne est elle-même impliquée : salongueur, le découpage des périodes sont déjà un effort de la mémoire dont les méandrescorrespondentàl'ordredesmots,àleurprogressionversunsommetque,immédiatement,suitunechute.Lelangagetémoigneicideserrancesdusouvenir.Demême,lapréciositédustylegidien,cetamouraumotrare,desdétoursdephrase,traduisentlafinessedelapenséedeGide,sanscesseendétours sur soi-même.Car, après tout, le texte littérairepossèdecette spécialité capitaled'unir laformeaufond-lavolontédedireàlafaçondedire-le"pourquoiécrire?"au"commentécrire?".Et si le langage se dérobe à l'auteur, il n'est pas moins le seul à le " trahir ", à le révéler, pouremployerlestermesdeJean-ClaudeRenard.Lechoixmêmedesmotstraduitl'auteur.Etc'estsurlaconsciencequelelangageestinéluctablementunmoyendeconnaissancedesoiquelapsychanalyseassoitsacohérence.Envérité,lelangageavéritablementunrôleconstructifpuisque,parletravailquel'auteuropèresurlesmots,ilseconstruitsoi-même.FlaubertneseraitsansdoutepasFlaubertsanssonparticulierrapportauxmots.C'estdanslavolontédesoumettrelalangueàunepensée,àun but, que l'écrivain prendpleinement conscience de soi, de son existence. C'est en ce sens quePaul Valéry a pu jeter cette pensée, au premier abord paradoxale,mais qui témoigne bien de cerenversement de tendances que fait naître la nature même du langage : " L'auteur est uneconstructiondel'oeuvre".Ainsi,toutacted'écritureestenquelquesorteunevolontédeconciliationentrele"pourquoiécrire"etle"commentécrire".L'écrivainestalorsceluiquisait,àtraverslesformesqu'iladonnéesàsalutteavec le langage, témoignerdubesoinpressantdedire.LeculteduVerben'estplusdoncuneadorationstérilede la langue,maisunerelationpassionnellequi -pour leplusgrandbonheurdulecteur!seplaceaucentredelaviedel'écrivain.Carsijeveuxquemonoeuvretraverselessiècles,ilm'incombedeluidonneruneformequi,au-delàdu sens immédiatque chaqueépoque sauray lire, lui conférera immortalité. Làest sansdoute lerôledustyle…1998:Qu'est-cequ'uneœuvremoderne?-1erprix:YoannGentricAumilieuduXXesiècle,CharlieChaplinusede son talentburlesquepourdénoncer lesnouveauxmodesdeviedelasociétédesonépoquedansunfilmréférence,"LesTempsModernes".Al'instarde celui-ci, nous évoquons quotidiennement cette notion de modernité, en parlant de dansemoderne,demodern'jazz,destylemoderneendesign...Ainsiaucoursd'avril1997,uneémissiontélévisée diffusée sur Arte étudiait la stratégie d'un candidat au poste de Premier ministre enAngleterre,TonyBlair,etmettaitàjourlemot-clédelacampagnedesonpartirefondé,le"New"Labour:moderne,quirevêtaitalorsplusquejamaisdefortesconnotationspositives,lamodernité

étantprésentéecommeunsynonymedeprogrès.Dureste, l'amalgameestsouventfaitentrecetteidée de modernité d'une part et celle de contemporanéité d'autre part. En effet Charlie Chaplintraitait plus dans son film de problèmes contemporains que de problèmes modernes. En art, ladistinction est plus claire. Tandis qu'on désigne par art contemporain les créations et courantsapparusdepuisledébutduXXesiècle,l'artmodernecorrespondauxévolutionsapportéesdepuislafin de la régnance du christianisme sur l'art occidental, vers le XVIIIe siècle. Cette nuance se faitégalement jourenarchitecture : aujourd'hui, l'architectebâtituneoeuvre contemporaineàpartirdesmatériauxettechniquescontemporains,etenfonctiond'unmodedevieetd'unenvironnementsocialcontemporains,c'est-à-direquicorrespondàuneépoque.Latentativedecernercequepeutêtre lanotiondemodernitépourraitensuitenousconduireà l'opposerauclassicisme.Cependant,l'époqueclassique,enFrance,souslerègnedeLouisXIV,n'a-t-ellepasprécisémentététémoindelafameuse querelle des Anciens contre les Modernes, dont Racine, auteur pourtant bien classique,faisaitpartie?Toutcecinousrévèlelacomplexitédelanotiondemodernité.D'ailleurs,lesoeuvresdesModernesd'alorsétaient-ellesdesoeuvresmodernes?Enfait,leterme"moderne"prendsaracinedanslemotlatin"modus"quisignifie"façon,manière".Lamodernité,ceseraitdoncunenouvelle façond'être.Uneoeuvreestalorsmodernesi,deparl'originalitédesaforme,ellepeutnousfaireressentirautrementlaréalité.Lesoeuvresdepeintrestels que Munch peuvent par exemple endosser ce qualificatif, car la conception du peintrenorvégien,quiexprimeetinspireàlafoisunesensation,commel'angoissedevivredansleCri,parla recherche de l'expression dans les formes de la totalité de la toile, en particulier du paysageextérieur,quireflèteun"paysageintérieur",constituebienunenouvelleapprochequidifférencielaréactionduspectateurdeMunchdecelledesspectateursd'autresartistes,Kandinskypeut-être.Pourtant,VassiliKandinsky incarnebien, luiaussi,cettenotiondemodernité,puisqu'ila travaillé,avecsonamipeintreetcompositeurArnoldSchönberg,àétablirunecorrespondanceautomatiqueentresonset couleurs,etqu'il s'estparticulièrement investidans lacréationdepiècesde théâtresynesthésiques, contribuant ainsi à favoriser une nouvelle approche dumonde par le spectateur,dontlesdifférentssenssontsollicitéssimultanémentdesortequ'ilpuissedécouvrirdesharmoniesinconnues, et que lemessagede l'artiste acquière une autre dimension, unedimensionmoderne.Prenonsparailleursl'exempleducourantlittérairefrançaisquisemblerépondreàcettedéfinitiond'oeuvremoderne,lenouveauroman.Sil'apparitiondecegenre,danslesannées50,abienmarquéuneruptureparrapportaustyleromanesquehéritéduXIXesiècle,depar l'absencedehiérarchieoudechronologiedansl'action,de"motivation"àcelle-ci,d'unnarrateuromniscient,ouàcausedeson caractère elliptique, sa forme nouvelle a enfanté une compréhension nouvelle dumonde, dumoinsdesaspectsdontilestquestiondansleroman.Ainsil'oeuvre,etchaqueoeuvredeMargueriteDurasseressentcommeunchant,unelitanieoùnesubsistentquedesmotsrécurrents,quitendentàdégageruneatmosphèresouventlourdeetpesante,auproprecommeaufiguré,celled'UnbarragecontrelePacifique,desPetitsChevauxdeTarquinia,del'Amant...Lelecteurprendalorsconsciencedupoidsdesonexistencemême.Enoutre,l'utilisationdetechnologiesnouvellespeutengendreruneoeuvreeffectivementmoderne.Les possibilités d'accéder à une " réalité virtuelle " nous sont en effet offertes aujourd'hui, etcertainsprocédésaboutissentà l'élaborationd'uneviesensibleousentieoù lecorpsne joueplusaucun rôle. L'oeuvremoderne est alors une sorte de medium onirique grâce auquel on visite lemonde de l'artiste pour comprendre le monde réel. Dans le même ordre d'idées, il est possibled'envisager le cinéma comme un " artmoderne " puisque son apparition a totalement changé laperception du public, en introduisant un traitement de la durée et dumouvement absents de laphotographie ou de la peinture. De par sa forme, tout film peut donc prétendre à une sorte demodernité. Dans son explication du matérialisme, Epicure souligne le rôle de l'expérience, qui

permetdeconnaîtrelaréalité,ainsiqueceluidesprolepses,quicorrespondentàlaconnaissancedecelle-cipourcequiestdesescaractèresimmuablespourlesquelsl'expériencen'apasbesoind'êtrerépétée.Unparallèlepeutalorsêtretracé,etnouspouvonsêtreamenésàconsidérerquel'oeuvremoderne a pour caractéristique de nous ouvrir les portes d'une partie inconnue de la réalité, oùtoute expérience est une nouvelle expérience, et dans lequel, par conséquent, les prolepsesd'Epicure disparaîtraient. Cette comparaison audacieuse n'a en fait d'autre but que demettre enrelief lecôtéexceptionneldel'apportd'uneoeuvreditemoderne.Plussimplement, l'apportd'Unerobed'été, filmcourtdu réalisateurFrançoisOzon,quidécrit la séductiond'un jeunehommesuruneplageparunepassante,comparéaupoèmedesContemplations"Elleétaitdéchaussée,elleétaitdécoiffée... " de Victor Hugo, qui célèbre l'amour enlevé à une jeune fille au bord de l'eau par lenarrateur,résidejustementdansl'inversiondesrôlesquifaitlamodernitéducinéaste.Shakespeare passe couramment pour un dramaturge moderne. D'ailleurs, le metteur en scènecontemporainqu'estArianeMnouchkines'estattachéàrecréerlesconditionsdereprésentationdespiècesde l'auteuranglais, perpétuant ainsi sonmode travail, son théâtre. Il apparaîtdoncqu'uneoeuvreconsidéréecommemodernes'inscritdansladurée,et,danslecasprésent,dansl'histoireduthéâtre.Cettemodernitéprovientalorsautantdustylequeducontenu.Eneffet, celle-ci impliquepresque obligatoirement le traitement d'un sujet éternel. Dans la dernière scène de La Tragédied'Othello,WilliamShakespeare rend ainsi compted'un trait essentiel de la nature humaine et del'amour:laviolencedel'amouretdudésirdepossessionquipousselepersonnageprincipalàtuersamaîtresse,dont ildoutedelafidélité.Etdedéclarer :" lapeineestselonDieu/quifrappelàoùelleaime... ".Demême,dans le casde l'oeuvredeMargueriteDuras, il estnotoireque lesmêmesthèmesintemporelsréapparaissent,àsavoirl'amourabsoluquiestdésirdemort,etl'impossibilitéd'un tel amour quimarque les bornes de la vie, l'échec apparent dans l'Amant ou Dix heures etdemiedusoirenété,dontlafinn'estqu'unecontinuationinéluctabledelaviesansl'amour.Quiplusest,lamodernitédecertainesoeuvresnetientqu'àlafaçondontellesnousfontdécouvrirun thème, un caractère de l'homme qui ne change pas. Le travail d'écriture et demise en scènethéâtralesd'HeinerMüllerenaétéuneparfaite illustration,étantbasésurdes fragmentssouventdéjàécrits,empruntantauxmythologiesantiquesouchrétiennes.Pourcequiestdesmythesgrecs,l'artiste est-allemand s'accordait à penser de même qu'Aristote qu'ils mettent à jour lescomportementsdeshommes sans endonnerd'interprétations. En améliorant notre connaissancedenous-mêmes,deshommesengénéral,uneoeuvrepeut traverser lesâgessansenpâtir,etcelatémoignedesamodernité.C'estpourquoiuneoeuvretellequeFor-everMozart,filmduréalisateurdelanouvellevagueJean-LucGodard,peutêtrequalifiéedemoderne.Lesdialogues,etlescénariode ce film, composés d'extraits de textes d'auteurs de toutes les époques, expriment des notionséternellesquelecinéasteachoisidemettreenvaleur,l'amourdanslaséquenceintitulée:"L'amouràSarajevo",lesuicide,dansunpassagequireprendàlafoisAlbertCamusetAlfreddeMusset:"Lesuicideestleseulproblèmephilosophiquevraimentsérieux.Lavieestelle-mêmeunsipéniblerêve".Lamodernitéévidented'untel travailprovient finalementdurapprochementdedeuxcréationsdéjàexistantes,maisdontlesujetesttelqu'iltouchechacunetn'estjamaisépuisé.En guise de contre-exemple, nous pouvons citer Jules Verne ou bien Aldous Huxley. Le premier,auteurduXIXesiècle,estreconnucommeunprécurseur,unécrivainquimaniaitavecbonheurl'artde l'anticipation. Son oeuvre ne peut cependant pas être qualifiée de moderne, car, quand bienmêmedes situationsqu'il aprédites se réalisent après coup, l'impressiondemodernitén'estquemomentanée et, une fois ses conjectures vérifiées, ses romans peuvent se démoder. Il en va demêmepourAldousHuxley,ainsiquepourtousceuxquiproduisentdesoeuvresdescience-fiction.Bien que, jusqu'alors, son livre Le meilleur des mondes connaisse un regain d'intérêt avec ledéveloppement de la technique du clonage, son sujet, la création d'une catégorie d'hommes-

esclaves,semble,ànouveau,pluscontemporain,enosmoseavecl'actualité,quemoderne.Donc,unnouveaumodedecréation,unenouvelleidée,n'estpasnécessairementmodernesiellenedurepas.Finalement,uneoeuvremoderne,quellequesoitsonépoquedecréation,estuneoeuvrequi,deparl'originalité de sa forme, de laquelle dépend ma perception du monde, va me faire éprouverpersonnellementunevéritééternelle,àquelqueépoqueque jevive.Uneoeuvremoderneestuneoeuvreparticulièrementefficacequicontribueàaméliorermacompréhensionetmaconsciencedelavie.Si,avantdeparlerdesamodernité,uneoeuvrenécessited'êtremiseà l'épreuvedutemps,peut-êtrefaut-ilalorsêtreattentifauproblèmedelaconservationdesoeuvres.QUERÉVISER?*Lachronologiedel’histoirelittéraire,cf.netboard.meLesrésumés desœuvresvuesencoursdepuis la seconde, si cen’estdu collège, et ceuxdesbacsblancsROMANMaupassant,Belami,BalzacLaCousineBette,Brontë,LesHautsdeHurlevent,Zola,AssomoirHugo,LesMisérables…POÉSIEBaudelaire,LesFleursdumal(lestextesdubacetceuxcomplémentaires)Lespoèmesvusdanslesbacblancs:AubignéHugo,…Lespoèmesengagésducorpusdedébutd’annéeLecorpussurlapoésieetlevoyageARGUMENTATIONVoltaire,affaireCalas,HistoiredesvoyagesdeScarmentadoécriteparlui-mêmeVoltaire,CandideFénelon,LettrespersanesMontesquieuTHÉÂTRERacine,PhèdreMolière,BourgeoisgentilhommeMolière,ÉcoledesfemmesMolière,Femmessavantes