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Bellard Chrystèle Ben Zina Séria Lee Shu hui Sujet : Le jugement de l’absent 1

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Bellard ChrystèleBen Zina SériaLee Shu hui

Sujet : Le jugement de l’absent

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Introduction   :

L’irresponsabilité pénale des malades mentaux a été instaurée dès le droit romain, et est restée applicable au Moyen-Age, sauf pour les crimes de lèse majesté. Il y eut juste une brève période pendant laquelle certains pensaient qu’ils étaient possédés par des démons, mais aussi où des procès étaient faits aux non-humains, selon une conception objective de la responsabilité pénale, en jugeant aussi bien les cadavres que les animaux ayant causé un dommage.

L’Ancien Régime a confirmé l’irresponsabilité pénale des absents mentaux en instaurant dans l’ordonnance criminelle de 1670, la disposition suivante selon laquelle : « le furieux ou insensé n’ayant aucune volonté ne doit pas être puni l’étant assez de sa propre folie ». Muyart de Vouglans, un siècle plus tard,  indiquait que : «  les insensés, les furieux, les imbéciles sont exempts d’accusation ».Il n’y a pas eu de changement sous la Révolution, puis, cette irresponsabilité pénale a été étendue aux contraventions.

Quant au Code pénal de 1810, la rédaction de son article 64 utilisait le terme de démence qui a été maintenu jusqu’au Nouveau Code Pénal.

Selon la conception moderne du droit pénal qui s’est construite avec les humanistes et surtout au XIXème siècle, le fondement de la responsabilité pénale repose sur la liberté de conscience et d’action de l’être humain.

L’irresponsabilité pénale des malades mentaux a été reprise dans le nouvel article 122-1 du Code pénal qui simplifie l’ancien article 64 en disposant au lieu du terme démence les termes de : « trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de l’accusé ou le contrôle de ses actes ». Le 1er alinéa consacre une irresponsabilité totale lorsque ce trouble a aboli le discernement ou le contrôle de ses actes, quant au 2nd alinéa, il ne s’agit que d’une atténuation de la responsabilité par la prise en compte par la juridiction de ce trouble ayant altéré le discernement ou le contrôle de ses actes.

Par conséquent, pour qu’une infraction soit imputable à quelqu’un et qu’on puisse après discuter de sa culpabilité, il faut d’ores et déjà savoir si le sujet était libre et conscient de ses actes. S’il était atteint d’un trouble mental de quelque nature que ce soit lui faisant perdre son libre arbitre, l’infraction ne lui sera pas imputable.

La loi du 9 septembre 2002 a expressément formulé le principe de responsabilité pénale du mineur sur le fondement de son libre arbitre. En effet, dès l’arrêt Laboube

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rendu le 13 décembre 1956, concernant aussi des faits commis par un mineur, la chambre criminelle avait indiquée que « toute infraction, même non-intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ».

L’imputabilité, fondement subjectif du droit pénal moderne, diffère donc de l’imputation, simple constat de la matérialité des faits et du rattachement causal à leur auteur. Mais cette non-imputabilité à la différence du fait justificatif ne fait pas disparaître l’infraction et donc les complices éventuels peuvent être poursuivis. Le trouble psychique ou neuropsychique n’est pas la seule cause possible d’irresponsabilité présente dans le code pénal puisque les articles 122-2 et suivants du code pénal désignent comme telles : l’action sous la force ou la contrainte, l’erreur sur le droit, la légitime défense etc …

La France n’est pas la seule à consacrer l’irresponsabilité pénale des malades mentaux puisqu’une étude de législation comparée qui a été publiée en février 2004 par le Sénat (concernant la Suède, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Angleterre le pays de Galle, le Danemark et l’Espagne) montre que les troubles mentaux sont une cause d’irresponsabilité pénale dans tous ces pays, sauf pour la Suède qui ne les condamne pas pour autant à une peine de prison.

La procédure de contumace, présente dans l’ordonnance criminelle de 1670 et maintenue jusqu’à une date récente, consiste à juger un accusé absent en matière criminelle. Elle n’a pratiquement pas été modifiée de 1808 à 2004. C’est seulement à compter de 1935 qu’on assiste à un mouvement d’extension de l’obligation de comparaître. La procédure de contumace existe dans la plupart des pays d’Europe, mais la procédure de jugement d’absent n’existe pas dans les pays anglo-saxons.

Comme on le voit, la procédure est différente pour les malades mentaux et le jugement des absents physiques puisqu’elle ne relève pas de la même réalité historique, mais surtout aussi parce qu’il ne s’agit pas du même type de problèmes. Les absents mentaux interrogent carrément toute la philosophie de notre droit de punir et il est significatif qu’il soit présent dans le code pénal. En revanche, l’absent physique ne pose qu’un problème matériel d’absence et donc purement procédural.

Et pourtant, la même logique anime ces procédures si différentes. Le législateur a en effet, pour résoudre le même problème d’absence institué deux procédures fortement dérogatoires aux jugements de droit commun (I). Mais, les jugements de l’absent physique et celui de l’absent mental subissent une évolution tendant à les rapprocher inexorablement du droit commun (II).

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I. Deux procédures fortement dérogatoires pour répondre à un même problème

A. L'enjeu de la présence de l'accusé au procès

La comparution personnelle en matière criminelle date de l’ordonnance criminelle de 1670, alors que la comparution personnelle en matière correctionnelle qui est récente.Le principe de comparution personnelle est contenu dans les textes de droit français, il s’agit bien d’une obligation de se présenter et non une faculté. Ce principe est également reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme.

La phase de jugement dans le procès, en France, a un caractère accusatoire. La non-comparution de l’accusé ne permet donc pas ou peu d’apprécier la culpabilité de celui-ci en son absence. Car en effet, le sens du procès pénal est de juger une personne et non uniquement des faits. Cela est indispensable pour avoir une individualisation de la sanction. C’est à fortiori le cas aux Assises où la procédure est orale et que l’on refait l’instruction au cours du procès.

En premier lieu, le principe du contradictoire permet d’obtenir une explication, des réponses aux questions posées par les parties. Cela permet également d’effectuer une confrontation des témoins et des victimes avec l’auteur des faits. L’interrogatoire de l’accusé permet également d’éclairer ses motivations et son passé.

Pour ce faire, il est indispensable que l’accusé ait d’une part la capacité de se défendre et d’autre part celle de comprendre le sens et la portée de la peine.

Par conséquent, la comparution personnelle constitue classiquement la première sanction qui lui soit infligée. L’absence de l’accusé ôte donc tout l’effet éducatif qu’est censé avoir le procès à son égard.

Cette obligation à la charge de l’accusé relève également de la question de la loyauté de la procédure.

La publicité du procès, quant à elle, a une fonction d’exemplarité, elle permet de dissuader d’autres personnes de commettre de tels actes. Elle répons également à un souci de clarté de la justice et de la répression par rapport à la population. On voit donc le problème qui se pose. Si l’accusé est absent et que l’on attend avant de le

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juger il y aura une sorte d’impunité face à la violation de l’infraction, et si on le juge en son absence, l’équilibre de la justice en sera bouleversé puisqu’il manquera la partie la plus importante à savoir l’accusé.

L’enjeu de la présence de l’accusé peut aussi se concevoir d’un point de vue utilitaire, puisque cela permet de mettre le prévenu à la portée de la justice afin de l’enfermer s’il est condamné et éviter qu’il ne se dérobe à la justice.

Cela relève de l’évidence même, l’absent physique n’est pas présent, mais il faut qu’il soit absent du procès du début à la fin. Cependant, on ne considère pas l’accusé comme étant absent dans certains cas : lorsque celui-ci est exclu par le président et ne peut assister à l’audience parce qu’il perturbe les débats, ou lorsque la personne qui comparaît est déjà détenue et qu’elle refuse de comparaître, ou lorsqu’il est présent mais qu’il refuse de s’exprimer. Dans tous ces cas, le jugement sera contradictoire.

Pour autant si la personne ne comparait pas, elle peut présenter une excuse, celle-ci doit être indiquée au début de l’audience et est appréciée souverainement par le tribunal qui doit indiquer expressément si elle est valable ou non. S’il l’accepte il doit renvoyer l’affaire à une séance ultérieure ou entendre l’avocat présent.

Lorsque l’individu qui devait comparaître devant une juridiction correctionnelle est en fuite ou s’est évadé en cours de procès, là ce sont les meilleurs exemples du jugement in abstentia.

Quant à l’absent mental, lui il peut être présent physiquement mais il ne sera pas là mentalement. Cela pose les mêmes problèmes que l’absent physique.

Il ne peut pas répondre, puisque toute évidence il n’est pas conscient de ses actes, ni même parfois d’avoir commis des faits répréhensibles.

Il ne peut pas non plus comprendre le sens de la peine qui sera prononcée contre lui.

Donc même s’il présent à l’audience, cela nuit gravement au principe du contradictoire et retire tout intérêt au procès puisque le malade mental ne peut apporter de réponses et ne comprend même pas la raison d’être de la procédure .

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B._ Adoption de solutions opposées pour chacun des cas

Les personnes concernées sont donc absentes pendant tout le procès. Mais deux solutions du jugement de l’absent sont adoptées. La différence fondamentale se fonde sur l’attitude l’accusé : dans un cas il n’est pas présent car il ne le peut pas, dans l’autre parce qu’il ne le veut pas.

Les procédures instituées par législateur suivent cette logique et vont donc être différentes : il va protéger le premier et sanctionner le second.

Bien qu’en ce qui concerne l’absent physiquement absent les règles aient récemment changé, il est nécessaire de présenter celles qui régissaient la situation jusqu’il y a peu.

En matières correctionnelle et contraventionnelle, les règles de comparution et de représentation sont inscrites dans les articles 410 à 416 et 544 du Code de procédure pénale (CPP). Pour les contraventions, le prévenu, s’il n’encourt qu’une peine d’amende, n’a pas à être présent, il peut se faire représenter par un avocat. Dans les autres cas, les règles de la matière correctionnelle s’appliquent. Le prévenu ne peut, en tous les cas, demander à être jugé en son absence que s’il encourt une peine inférieure à deux ans de prison. La décision rendue doit toujours dire si le jugement est contradictoire ou par défaut.

Deux types de procédures sont possibles pour les délits. : le jugement par défaut et la procédure in abstentia. Bien sûr, le tribunal a toujours la faculté de reporter l’audience et de convoquer de nouveau l’accusé.

Selon l’article 412, le jugement par défaut s’applique lorsque le prévenu n’a pas été cité à personne (donc au parquet, au domicile ou à la mairie) et qu’il n’y aucune preuve qu’il ait eu connaissance de la date de l’audience. Nécessairement, il n’y a pas non plus d’avocat pour le représenter. Si l’audience n’est pas reportée, le tribunal statue donc par défaut.

Cela ouvre alors à l’accusé la voie de l’opposition (délai de 10 jours à un mois), qui produit un effet extinctif de ce jugement, et entraîne un nouveau procès de première instance. La voie de l’appel lui est également ouverte s’il la préfère, ou après expiration du délai pour former opposition.

Si le prévenu est de nouveau absent au jugement d’opposition, son avocat ne peut être entendu (s’il encourt au moins deux ans de prison) et le jugement est rendu

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par itératif défaut. Cela signifie que le premier jugement est alors considéré comme contradictoire, avec les règles de procédure qui s’ensuivent.

Dans la seconde situation, la décision rendue en l’absence de l’accusé (prévenu non comparant et non excusé, selon l’expression consacrée) est contradictoire à signifier.

Dans ce procès, il est refusé à l’accusé de faire valoir ses moyens de défense. Même si son avocat est présent à l’audience, il ne peut pas intervenir. C’est la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui fait une interprétation a contrario des (anciens) articles 411 et 417. Ceux-ci stipulaient, respectivement que : « Le prévenu peut demander à être jugé en son absence, dans ce cas son avocat est entendu » et « Celui qui comparaît peut se faire assister par un avocat ». Elle en concluait donc que celui qui ne comparait pas et qui n’a pas été autorisé à être jugé en son absence n’a pas droit à être assisté d’un avocat.

L’opposition n’est pas ouverte pour ce jugement, en revanche l’appel l’est (puisque la décision est réputée contradictoire). Le pourvoi est irrecevable, si l’accusé est toujours absent (ni arrêté ni constitué prisonnier).

En matière criminelle, le jugement de l’absent suivait la procédure de contumace (anciens articles 627 à 641 du CPP). Celle-ci avait un caractère facultatif donc le ministère public n’était pas obligé de la déclencher.

Son procès (disjoint de celui des éventuels co-accusés) était marqué par plusieurs éléments dérogatoires. Tout d’abord, il n’avait pas droit à l’intervention d’un avocat, ce qui était, cette fois, clairement indiqué dans les textes. L’article 630 indiquait que « Aucun avocat, aucun avoué ne peut se présenter pour l'accusé contumax. ». Ensuite, il n’a pas droit au jury : seuls les trois magistrats professionnels le jugent. Il n’y a pas de débat ni d’instruction durant le procès, après lecture de l’ordonnance de renvoi, et les réquisitions du procureur, les jugent délibèrent. La procédure de contumace était donc entièrement écrite. Les voies de recours traditionnelles lui étaient également fermées contre ce jugement : l’appel n’existait pas (et lui fut interdit durant la brève période transitoire) et le pourvoi en cassation ne lui était pas ouvert par l’article 636. En pratique le contumax était généralement condamné sévèrement

La procédure de contumace était également fortement stigmatisante, pour décourager l’accusé de se soustraire à son obligation de comparution personnelle. Même si on ne brûlait plus l’effigie du condamné comme cela se faisait sous l’Ancien régime, tout était néanmoins mis en œuvre pour mettre le contumax au ban de la

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société.Si le prévenu n’était pas présent au début du procès, le président rendait une

ordonnance le convoquant sous 10 jours. S’il n’obtempérait pas, il était alors déclaré rebelle à la loi. Cette ordonnance, qui faisait aussi mention du crime et de l'ordonnance de prise de corps. était publiée dans un journal du département, affichée à la porte du domicile de l'accusé, à celle de la mairie de la commune et à celle de l'auditoire de la cour d'assises( article 628). La condamnation était également publiée et affichée dans les mêmes conditions. Les biens du contumax étaient mis sous séquestre. Il était déchu de ses droits (article 635).

Cet arrêt de condamnation par contumace n’était néanmoins, en principe, jamais exécuté.

Les rares exceptions dans lesquelles le jugement devenait définitif sont au nombre de trois : si la peine était prescrite et donc ne pouvait plus être exécutée, si le contumax décédait, ou bien s’il s’agissait d’un arrêt d’acquittement (sans appel possible, ou bien sans appel du ministère public).

Le mécanisme procédural qui existait dans les autres cas était celui de la purge de la contumace.

Selon l’article 639, cela arrivait lorsque l’accusé était arrêté ou se constituait prisonnier.

La purge produisait alors un effet extinctif de plein droit, elle anéantissait l’arrêt de condamnation sans que l’accusé ne fasse quoique soit. Au contraire, il lui était même impossible d’acquiescer au jugement, y compris les dispositions civiles.

Il se tenait alors un nouveau procès aux Assises, sans aucune dérogation par rapport à la procédure de droit commun, dans un délai d’un an (renouvelable), sinon l’accusé était remis en liberté.

On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé le législateur, dès l’Ancien Régime pour la contumace, à organiser des jugements en l’absence de l’accusé.

Elles sont nombreuses. Il s’agit d’abord d’éviter le dépérissement des preuves (comme les témoignages), de décourager cette absence en ne lui laissant pas croire à l’impunité, de montrer surtout en matière criminelle à la population qu’il y a bien une réponse judiciaire, également d’éviter de dépasser un « délai raisonnable » pour la procédure (et de risquer une condamnation de la CEDH au nom des droits des parties civiles). Enfin, le dernier, et fondamental, intérêt de ces procédures en absence est qu’alors la prescription de la peine se substitue à celle de l’action publique. Elle passe ainsi en matière criminelle à 20 ans au lieu de 10, et en matière délictuelle à 5 ans au lieu de 3.

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Mais bien sûr, cela se faisait en sacrifiant les droits de la défense, pourtant un des principes de base du procès équitable. Et on peut considérer paradoxal le raisonnement du législateur : sous prétexte de protéger notamment les intérêts de l’accusé qui sont servis par sa comparution au procès, il l’empêchait d’être défendu.

En ce qui concerne l’absent mental, il faut séparer le jugement des deux cas prévus par les alinéas de l’article 122-1 du Code pénal.

Pour le 122-1 alinéa 2, il s’agit d’une responsabilité atténuée (trouble mental ayant altéré leur discernement ou entravé le contrôle de leurs actes), et c’est sur la défense que repose la charge de démontrer l’altération

La circulaire Chaumié du 12 décembre 1905 indiquait que ces personnes demeuraient punissables mais la peine devait être atténuée en conséquence de cette altération. Or la rédaction de l’article 122-1 alinéa 2 ne prévoit pas de manière explicite cette atténuation. Il n’existe donc pas de procédure spéciale pour cette catégorie d’absents « partiels », et ils sont jugés comme les personnes responsables, selon la procédure ordinaire.

En revanche, l’application de l’article122- 1 alinéa 1er du CP entraîne une procédure dérogatoire, à savoir l’abandon pur et simple des poursuites contre l’absent mental, suite à son irresponsabilité pénale.

La forme de la procédure dépend du moment où cette irresponsabilité est établie. Elle peut ainsi faire l’objet d’un classement sans suite par le Procureur (hypothèse rare), cela bien sûr uniquement en matière correctionnelle, qui est censé toujours vérifier qu’il n’existe aucune cause d’impunité avant de poursuivre. Si c’est au moment de l’instruction, cela peut s’exprimer par une ordonnance de non lieu ou un arrêt de non lieu de la chambre de l’instruction (hypothèse la plus fréquente). Enfin, devant les juridictions de jugement, elle prend la forme d’une décision de relaxe ou d’acquittement.

Tous ces actes juridictionnels posent un problème sémantique : il s’agit des mêmes que ceux qui sont rendus dans les hypothèses d’un manque de preuves ou d’une innocence établie. Bien sûr, un non lieu par exemple ne signifie pas que l’acte n’a pas eu lieu mais que simplement il n’y a pas lieu de poursuivre

Même si, pour le non-lieu, la doctrine fait la différence entre ceux-ci (non-lieux fondés en faits) et ceux rendus pour trouble mental (non-lieux fondés en droit), la confusion est évidente dans l’esprit du public, et cela nuit à la clarté de la justice répressive.

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L’existence de cette irresponsabilité se détermine à l’aide de plusieurs éléments : l’étude des faits, les témoignages. Mais en pratique, cette conviction s’acquiert essentiellement par les expertises psychiatriques, même si les juges ne sont liés par leurs résultats. Une expertise est toujours obligatoires en matière criminelle, même si aucune autre précision n’est apportée (ni le nombre d’experts, ni à quel moment de la procédure l’effectuer, au plus vite après l’infraction, juste avant le jugement). En correctionnel, elle n’est pas obligatoire, c’est à la défense de soulever cette hypothèse et de demander une expertise, puisque le tribunal n’y est pas contraint. Les juridictions d’instruction ou de jugement ne peuvent refuser l’expertise psychiatrique demandée par la défense que par une décision motivée, y compris la Cour d’assises (qui normalement n’a pas à motiver).

Aux Assises, si la cause d’irresponsabilité est soulevée par la défense ou si le président le demande, le jury doit répondre spécifiquement sur ce point.

L’expert doit répondre à 5 questions : l’examen psychiatrique et physiologique du sujet révèle t-il chez lui des anomalies mentales ou psychiques ? Le cas échéant les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent ? L’infraction qui est reprochée au sujet est elle ou nom en relation avec de telles anomalies ? Le sujet présente t-il un état dangereux ? Le sujet est il accessible à une sanction pénale ? Le sujet est il curable ou réadaptable ?

Ordinairement un non-lieu motivé en droit interdit toute reprise de l’instruction. C’est également le cas ici, sauf exception, si l’irresponsabilité a été prise sur le fondement d’une expertise erronée ou d’une simulation. Les troubles psychiques ou neuropsychique doivent en effet être présents au moment des faits et être en rapport direct avec les faits, si un doute apparait, l’instruction est reprise.

A l’inverse une expertise postérieure à la condamnation et concluant rétrospectivement à un trouble existant au moment des faits, qui n’avait pas été présenté devant la juridiction de jugement, constitue un fait nouveau de nature à permettre la révision de la condamnation (difficile à obtenir en temps normal).

La déclaration d’irresponsabilité met fin à la détention provisoire mais l’absent mental ne peut pas pour autant obtenir réparation de celle-ci (149 CPP).

Il est essentiel de rappeler que la solution d’arrêter les poursuites n’est pas la conséquence de l’irresponsabilité pénale en soi (réponse de droit pénal de fond) mais de l’incapacité du malade à subir un procès. La meilleure preuve en est que si le

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trouble mental apparaît après l’infraction mais avant le jugement, il n’y a pas irresponsabilité pénale mais il y aura quand même suspension des poursuites (ce qui n’empêche pas l’instruction de continuer, par exemple pour les co-auteurs).

Ainsi, l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 11 juillet 2007, à la suite d’une jurisprudence bien établie, qu’ « attendu qu’il se déduit des articles 6 §1 et 3 CESDH que lorsque l’altération des facultés d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité absolue d’assurer effectivement sa défense, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement »

Il faut enfin préciser que, en dépit de leur irresponsabilité pénale, les absents mentaux restent entièrement responsables sur le plan civil (art 489-2 Code civil). La jurisprudence ancienne affirmait l’irresponsabilité civile mais le législateur a opéré un revirement complet avec la loi du 3 janvier 1968.

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II. Evolution vers une procédure de droit commun

A. De nouvelles influences

De procédures particulières pour le contentieux des absents physiques et mentaux, on passe aboutit presque à une procédure de droit commun par le jeu de différentes influences celle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et celle des victimes, des politiques et des experts.

La CEDH a condamné à de multiples reprises la France sur le fondement des articles 6§1 et §3 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qui concerne le non-respect des droits de la défense, et de l’article 2 du protocole n°7 pour violation du droit d’accès au recours juridictionnel.

Selon la CEDH, le principe de comparution personnelle est nécessaire mais la sanction ne doit pas être disproportionnée eu égard aux droits de la défense qui ne doivent pas être supprimés. Elle refuse également que soit restreint l’accès au tribunal, en le conditionnant par le fait que l’auteur se rende (cf jurisprudence Khalfaoui).

La CEDH voit avant tout la comparution personnelle comme servant surtout les droits de la défense, contrairement au droit français qui considère qu’il s’agit d’une obligation à la charge de l’accusé. La cour considère donc qu’il s’agit d’une faculté de la défense, et qu’en étant présent l’accusé sert avant tout ses intérêts.

Auparavant, la mise en état qui a été abrogée par la loi du 15 juin 2000 exigeait que l’accusé se constitue prisonnier afin que son pourvoi soit recevable si la condamnation était d’au moins 1 an d’emprisonnement.

Dans l’arrêt Poitrimol du 23 novembre 1993, la CEDH a condamné la France (5 juges contre 4) dont les juridictions correctionnelles avaient condamnées en procédure d’absence, par jugement réputé contradictoire, M. Poitrimol pour non présentation d’enfants. M. Poitrimol qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt a fait appel mais toujours sans se constituer prisonnier et en se faisant représenter par un avocat. Mais la Cour d’appel puis la Cour de Cassation ont refusé que l’avocat soit entendu en l’absence de l’accusé. Dans cette affaire, le gouvernement français a invoqué comme argument la différence entre l’assistance et la représentation de l’avocat, mais sans succès.

Dans l’arrêt Krombach du 13 février 2001, M. Krombach avait fait l’objet d’un

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non-lieu en Allemagne, mais la France l’a condamné par contumace pour meurtre. Les autorités allemandes ont été saisies d’une demande en exéquatur des dommages et intérêts civils qui avaient été ordonnés à son encontre. Elles ont saisi la CJCE d’une question préjudicielle, laquelle le 28 mars 2000 a rendu une décision conforme à la jurisprudence de la CEDH à savoir que cette demande n’avait pas à être exécutée car elle était contraire à l’ordre public allemand en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée. La CEDH a condamné la France pour n’avoir pas entendu l’avocat qui était présent. Dans cet arrêt, c’est la première fois que la contumace est cassée et que la Cour indique que la purge de la contumace n’est pas une voie de recours. Quant à l’arrêt Van Pelt du 23 mai 2000, la même solution en matière délictuelle avait été rendue que celle de l’arrêt Krombach.

La procédure de contumace n’est parfois pas très logique, ce que l’on constate dans l’arrêt Mariani du 31 mars 2005 par lequel la France a été condamnée (à l’unanimité cette fois). Bien que le sachant en prison en Italie, les juridictions françaises l’ont condamné à 20 ans par contumace et ont refusé d’entendre son avocat alors qu’il va de soi qu’il ne pouvait être présent à son procès.

Dans l’arrêt Maat du 27 avril 2004 contre France, la CEDH a déclaré que l’irrecevabilité de l’opposition formée par le conseil d’un condamné se dérobant à l’exécution d’un mandat de justice était aussi contraire à l’article 6§1 et 3 CESDH.

Malgré tout, même si la CEDH dans l’arrêt Colozza contre Italie parle de faculté de comparution, et dans l’arrêt Poitrimol de droit de comparaître, elle n’indique encore nulle part qu’il existe un droit de ne pas comparaître. Elle tient seulement à protéger les droits de la défense, l’avocat devant être entendu même si son client est absent.

L’ancienne jurisprudence française disait que la procédure de contumace était compatible avec la Convention européenne. Non seulement, la chambre criminelle indiquera le 4 mai 1994 que les décisions de la Cour européenne n’ont aucune incidence directe en droit interne sur les décisions des juridictions nationales, mais en plus, elle résistera pendant 8 ans et maintiendra sa jurisprudence (arrêts du 19 janvier et 15 février 1994) alors même que la France se fait condamner.

Cependant la CEDH n’est pas la seule à influencer la procédure pénale, le rôle des victimes dans le procès pénal ne cesse lui aussi de s’accroitre.

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En effet, en ce qui concerne le procès des malades mentaux, les victimes montrent constamment leur désapprobation du système puisqu’elles soutiennent que l’application de l’art 122-1 al 1er CP a pour conséquence que les informations sur les circonstances de l’infraction sont incomplètes, l’instruction s’arrêtant plus rapidement sans investigations plus poussée.

De plus, elles ne sont souvent pas convaincues par les expertises constatant l’irresponsabilité, et souhaiteraient que soit reconnue la matérialité des faits malgré l’irresponsabilité, ainsi que d’être tenues au courant de la sortie du malade de l’hospitalisation. D’ailleurs, elles indiquent que le fait qu’il n’y ait pas de procès empêcherait leur « travail de deuil ».

Le nouveau « lobby » des victimes aidé, par la médiatisation de chaque fait divers, pose régulièrement sur le devant de la scène, la question de l’irresponsabilité comme on a pu le constater avec les meurtres des infirmière et aide soignante de l’hôpital psychiatrique de Pau. Les médias et les discours politiques font souvent la confusion entre auteurs de crimes graves et malades mentaux alors que dans les faits ils ne sont que très minoritaires en nombre. On a pu entre autres entendre le Président M. Sarkozy clamer que « le premier des droits de l’homme est le droit des victimes ». La politique pénale s’axe donc sur une logique de gestion du risque, dans laquelle le malade mental serait le symbole de la dangerosité.

On assiste donc à un phénomène d’une loi pour chaque fait divers, ce qu’illustre M. Badinter en 2007 en indiquant que « la loi est devenue un mode de communication politique ».

Par conséquent, l’irresponsabilité est de plus en plus au cœur des débats. Le rapport, en 2001, des psychiatres Eric Piel et Jean-Luc Relandt allait jusqu’à réclamer la suppression de l’art 122-1, au nom de « l’égalité citoyenne » afin de reconnaître aux malades mentaux un statut d’être humain et non de monstres. Le projet de réforme de cette responsabilité n’est pas que théorique puisqu’en 2003 a été nommé un groupe de recherches par le ministre de la justice M. Perben, ainsi qu’en 2005 avec la Commission santé-justice présidée par M.Burgelin.

Le projet de 2003 souhaitait que le juge puisse prononcer une obligation de soins ainsi que des mesures de sûretés allant jusqu’à 20 ans, et que soit créée une nouvelle infraction pour la violation de ces mesures, alors qu’il faut le rappeler ces personnes sont censées êtres irresponsables au sens de l’art 122-1 al 1er.

Quant à la Commission de 2005 la maladie mentale y est pensée en terme sécuritaire. En effet, elle souhaite la création d’une juridiction ad hoc composée de trois juges (le président TGI et 2 assesseurs : un juge correctionnelle et un juge civil), ce qui pour Patrick Coupechoux équivaut à trainer « devant une cour spéciale des

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gens qui avaient été jugés incapables de l’être au risque d’assister à une parodie de justice ». Cela nuirait donc au principe d’égalité puisque l’on créerait une juridiction particulière pour les malades. Y était aussi préconisé que l’audience soit publique avec comparution de l’accusé, l’audition des témoins des experts et de la victime. A l’origine, le jugement devait aboutir à un verdict de « culpabilité civile » mais cette disposition a été supprimée par le Conseil d’Etat, mais on a en revanche maintenu le changement sémantique de non-lieu en « ordonnance d’irresponsabilité pénale pour trouble mental » ce qui pour une fois n’est pas mauvais car le non-lieu renvoie à la notion d’innocence.

Selon l’avis de la commission consultative des droits de l’homme adopté le 11 mars 2004, concernant le projet de 2003, la décision sur l’imputabilité n’était pas une mauvaise chose, mais la création d’une juridiction ad hoc était trop complexe et allongerait la procédure. Quant au suivi impliquant l’autorité judiciaire, il était selon elle difficile de justifier intellectuellement et juridiquement de créer des obligations et des mesures de sûreté à la charge d’une personne déclarée irresponsable. Cependant, elle est pour l’information des victimes sur l’issue de la procédure pénale et seulement à ce moment là.

La victime a déjà une place originale dans la procédure pénale mais elle ne doit pas pour autant devenir le centre absolu du procès pénal, le droit de punir appartenant on le rappelle à l’Etat.

Le secteur de la psychiatrie a subi une vague de désinstitutionalisation, de 170 000 lits en 1970 on en compte moins de 50 000 en 2000, il y a donc moins de lits, moins de psychiatres, et n’y a plus de formation spécifique pour les infirmiers en psychiatrie. L’hôpital se contente donc de gérer les crises et ne fait plus aucun suivi des malades.

Quant à la baisse des non-lieux qui selon une étude récente correspondent à moins de 0.05% des affaires criminelles instruites terminées par une décision de non-lieu sur le fondement de 122-1 alors qu’ils étaient 10 fois plus nombreux dans les années 80-90, cela résulte de plusieurs facteurs.

D’une part, cela s’explique par la multiplication des comparutions immédiates le traitement étant tellement rapide, que l’accusé aura des difficultés à s’exprimer et expliquer qu’il est suivi psychiatriquement, et la juridiction ne s’en apercevant que si l’état de la personne s’extériorise et dénote clairement un trouble. La perception par la juridiction est d’ailleurs primordiale puisque la maladie elle même peut influencer de

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manière négative, l’accusé étant froid et n’éprouvant ni sentiments ni remords peut pousser le jury par exemple à le condamner plus sévèrement. Pourtant les cas de récidive de personne ayant bénéficié d’un non-lieu sont pratiquement inexistants.

D’autre part, l’utilisation de l’art 122-1 al 2 (altération du discernement) est de plus en plus utilisée pour envoyer les gens en prison alors qu’ils devraient bénéficier de l’alinéa 1 sous prétexte que les soins seraient meilleurs en prison. D’ailleurs cet article devrait conduire à une atténuation de la responsabilité or, elle est devenue en pratique une circonstance aggravante contrairement à l’ancienne pratique (cf Circulaire Chaumié du 12 décembre 1905 qui disait que les personnes demeuraient punissables mais que la peine devait être atténuée), puisque les cours d’assises ont tendance à dépasser les réquisitions du procureur.

Le dernier facteur entrant en compte est celui de la modification récente de la pratique de certains experts, qui ont un rôle de plus en plus accru (pas seulement leur avis sur le fait qu’il est malade ou pas, indiquent aussi s’il est possible qu’il récidive etc …). D’ailleurs, plus aucune décision n’est prise sans expertise et le juge en pratique à le faire n’étant pas lui-même spécialisé en ce domaine.

De plus, certains psychiatres ont tendance à responsabiliser de plus en plus les malades pour faire plaisir au juge, aux médias et aux victimes. Selon Philippe Bilger « Trop d’experts médiocres se laissent aller à admettre une responsabilité même infime parce qu’ils s’imaginent que l’appareil judiciaire leur en saura gré ». Certains pensent même que la prison pourra leur « redonner le sens moral » ou les « resituer par rapport à la loi », se comportant alors comme investis de la mission de protéger la société, mission qui n’est pas la leur. Il existe une autre raison plus terre à terre, généralement ces psychiatres viennent de l’hôpital public, où il manque des lits et où ils ne veulent pas avoir affaire à ces patients dangereux qui leur seraient confiés après le procès, ils préfèrent donc qu’ils soient placés en prison.

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B_ L'inversion de la stigmatisation

A cause de ces nouvelles et puissantes influences, les deux procédures exceptionnelles qui existaient pour juger l’absence évoluent et se rapprochent de plus en plus de la procédure de droit commun.

De nouvelles dispositions ont été prises pour essayer au maximum de limiter les cas d’absence physique en correctionnel, comme la loi du 8 février 1995 qui permet au tribunal délivrer un mandat d’amener ou d’arrêt contre l’accuser, et celle du 9 mars 2004 qui, dans l’article 320-1 du CPP, autorise le président à envoyer la force publique pour faire ramener l’accusé.

Mais d’autres changements au contraire essayent d’assouplir la procédure dérogatoire qui existait. Ainsi la loi Perben II supprime le quantum de la peine (art 411 CPP) pour la demande de dispense de la comparution personnelle. Le pourvoi en cassation a également été ouvert au prévenu non comparant et non excusé : l’article. 583 du Code de procédure pénale a en effet été abrogé par la loi du 15 juin 2000.

En ce qui concerne l’accusé qui, volontairement, ne se rend pas à son procès, la jurisprudence interne a fini par céder suite aux condamnations répétées de la CEDH.

Le grand revirement a eu lieu par les deux arrêts Dentico rendus par l’assemblée plénière le 2 mars 2001. Ceux-ci reconnaissent de manière claire, en se fondant sur l’article 6 paragraphes 1 et 3 de la CESDH, le droit pour un prévenu non comparant et non excusé d’être représenté par un avocat à son procès.

A la suite de cela, la chambre criminelle a donc finalement cédé, en matière correctionnelle, dès le 16 mai 2001, où elle reprend dans son arrêt la solution de Dentico, sous la condition que l’avocat en question ait un mandat exprès de son client pour le représenter. Elle indique également, en juillet 2001 (arrêt Crozemarie) qu’il est nécessaire que l’avocat demande à plaider, ce n’est pas à la cour d’en prendre l’initiative.

Au fil des arrêts, sa nouvelle jurisprudence s’affine et la chambre criminelle devient moins rigoureuse sur l’exigence de mandat. Dans ses arrêts rendus en 2002 (5 juin, Fontanelli) et 2003 (le 12 mars), elle se détermine sur la question de manière très pragmatique, en cherchant parmi les pièces du dossier si certaines peuvent indiquer un mandat implicite. Elle a ainsi retenu à ce titre la mention sur la demande d’aide juridictionnelle du nom de l’avocat choisi par le prévenu, comme le dépôt de conclusions fait auparavant par l’avocat. Enfin, dans un arrêt rendu le 12 décembre 2006, elle détache le droit d’être de la défense à être entendue de l’exigence du moindre mandat. Inversement, elle en tire la conclusion que lorsque l’avocat de la

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défense a pu tenir son rôle, le procès est parfaitement contradictoire même en l’absence du prévenu (arrêts du 6 mai 2003et du 4 mai 2004).

Elle reconnait aussi le droit à la représentation d’un avocat durant le jugement d’opposition où le celui qui la forme est absent (19 février 2003 arrêt Franken et Keteleer et 2 sept 2003)

Pour le moment, la position de la jurisprudence est donc d’accepter l’intervention de l’avocat s’il est présent. Cependant, on peut quand même remarquer une évolution et envisager que celle-ci aboutira à court ou moyen terme à l’exigence d’un avocat, avec un commis d’office si nécessaire.

La procédure de contumace a quant à elle été transformée par la loi Perben II de 2004 en une procédure de défaut criminel (379-2 à 379-6).

Il est ainsi reconnu clairement que l’avocat de l’accusé peut plaider s’il est présent, il n’a pas besoin d’un mandat écrit. Dans ce cas ; le procès est contradictoire et se déroule classiquement avec une instruction, la comparution et l’interrogatoire des témoins, experts et victimes. En revanche s’il n’y a pas d’avocat présent, la Cour n’en commet pas d’office et dans ce cas il n’y pas de procédure orale.

En ce qui concerne le pourvoi, il n’est pas mentionné dans les textes. Cela provoque donc un débat doctrinal : certains soutiennent qu’il faut donc maintenir la jurisprudence intérieur et le considérer irrecevable, alors que d’autres remarquent que, puisque avant l’interdiction était clairement mentionnée, il faut interpréter a contrario le texte et le considérer possible. En revanche, l’appel est interdit.

Le jury n’est toujours pas présent, comme pour la contumace, seuls les trois juges professionnels siègent. En revanche, toutes les mesures stigmatisantes ont été supprimées. Quant au mécanisme de la purge, il reste inchangé, si l’accusé revient ou est arrêté, l’arrêt rendu par défaut criminel est anéanti et un nouveau procès se tient.

On peut donc considérer qu’aujourd’hui la procédure de défaut criminel est une procédure de droit commun aménagée mais plus une procédure extraordinaire. L’abandon du terme contumace marque par ailleurs la volonté de rapprocher les matières criminelle et correctionnelle et de normaliser la procédure. De manière symbolique ; on peut également noter que la contumace était insérée dans le livre IV du CPP « Des procédures particulières », alors que le défaut criminel est lui dans le livre « Des juridictions de jugement » incluant la procédure ordinaire devant la Cour d’Assises.

S’il parait évident que la restauration des droits de la défense pour l’accusé absent est une bonne chose, en revanche cette évolution crée un nouveau problème,

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qui était déjà souligné dans les arguments du gouvernement dans les arrêts de la CEDH. Aujourd’hui, la difficulté est de savoir que faire pour contraindre le prévenu à assister à son procès alors qu’il n’y a plus de sanctions, ni même de stigmatisation, lorsqu’il ne vient pas. Il n’est pas réaliste de penser que l’accusé va collaborer spontanément avec la justice et il faudrait quand même avoir des moyens de pression, non disproportionnés, pour qu’il soit là.

On a donc là un risque réel de banalisation de l’absence physique, lors de la phase de jugement.

En ce qui concerne à présent le cas de l’absent mental, au sens de l’article 122-1 alinéa 1 du CP, un projet de loi est actuellement en cours de discussion au Parlement. Avant de l’étudier plus en avant, il parait judicieux de décrire la situation actuelle, en particulier le droit des parties civiles, puisque c’est dans cette optique qu’on justifie cette tentative de réforme.

En ce qui concerne l’expertise, la loi du 8 février 1995 (art 167 CPP) impose que le juge notifie oralement à la partie civile ses conclusions, si elles l’amènent à envisager l’irresponsabilité de l’accusé. L’art 167-1 lui donne la possibilité de demander contre-expertise, faite par 2 experts, qui est de droit.

Si une ordonnance de non-lieu est rendue, elle doit être motivée, le juge doit recevoir dans son bureau les parties civiles et leur expliquer oralement sa décision (loi du 9 mars 2004). Cette ordonnance doit également préciser si des charges suffisantes indiquent que l’absent mental est bien l’auteur des faits (177 al 2).

Les parties civiles peuvent en faire appel devant la chambre d’instruction (199-1 CPP). Elle peut demander, en même temps que l’appel, la comparution personnelle du prévenu à l’audience, qui sera ordonnée par la chambre de manière obligatoire, sauf état de santé incompatible. Chambre criminelle 13 fév 1998 : la chambre d’instruction peut rejeter la demande de comparution en se fondant sur l’état médical incompatible

Si partie civile le demande, cette audience peut être rendue en séance publique (sauf ordre public et bonnes mœurs).

Pendant l’audience, il y aura audition des experts et des témoins éventuellement, ainsi que les réquisitions du procureur, les plaidoiries de l’avocat de la défense (obligatoire) et de celui des parties civiles.

Par contre, la partie civile ne pourra se pourvoir en cassation sur l’arrêt de la chambre de l’instruction, sauf si le ministère public le fait.

On peut donc légitimement estimer que, au regard des critiques avancées par les associations de victimes ou les responsables politiques, le système actuel est pourtant

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amplement suffisant. D’autant que si la victime a « besoin » d’une audience pour reconnaître la matérialité des faits, elle a également la possibilité de l’obtenir en matière civile, qui reconnait la responsabilité de l’absent mental, ce qui est normalement son domaine.

L’application rigoureuse des textes existants permet donc déjà de répondre à tout.

Le projet de loi  actuellement en cours d’examen s’intitule « relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental » et a été présenté par le gouvernement au Parlement en procédure d’urgence.

Tout d’abord, il maintient, malgré l’avis défavorable du Conseil d’Etat, le changement sémantique proposé par les différents rapports. De « non-lieu » on passerait à « ordonnance d’irresponsabilité pénale pour trouble mental », les termes de relaxe et acquittement deviendraient « décisions d’irresponsabilité pénale pour trouble mental » et pour la chambre d’instruction « arrêt d’irresponsabilité pénale pour trouble mental » Si le changement apparait assez opportun, au regard d’une lisibilité des décisions de justice, on peut en revanche s’étonner qu’il ne concerne que les cas d’ d’irresponsabilité pénale pour trouble mental. En effet, un non-lieu est également rendu par exemple en cas de légitime défense ou en cas de contrainte, et on peut formuler les mêmes objections quant au terme …

Durant la procédure d’instruction, si le juge envisage l’application de l’article122-1 al 1 du CP, il en informera les parties, ce qui entraînera une saisine quasi automatique de la chambre d’instruction. En effet, celle-ci peut être faite ou d’office par le juge d’instruction, ou à la demande du procureur ou des parties civiles.

Le seul cas où ce serait le juge d’instruction qui arrêterait les poursuites suppose qu’aucun des trois ne veuille cette saisine, et qu’il n’y ait pas de demande d’indemnisation de la partie civile, ce qui en pratique ne devrait pas se produire souvent. L’idée d’une juridiction ad hoc a donc été abandonnée.

Devant la chambre de l’instruction, la publicité de l’audience devient la règle (sauf ordre public et bonnes mœurs). De même pour la comparution personnelle qui peut se faire ou à la demande des parties ou d’office par le président (sauf état médical qui l’interdit).

Il y aura audition des experts et, sur décision du président, des témoins, interrogatoire de l’accusé si il est présent, les réquisitions du procureur, les plaidoiries des avocats, avec bien sûr obligatoirement un avocat pour l’accusé.

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Trois décisions peuvent être rendues par la chambre : un non lieu fondé en fait (manque de charges), le renvoi devant une juridiction de jugement (si l’irresponsabilité pénale n’est pas retenue).

Dans le dernier cas, l’arrêt de la chambre d’instruction devra d’abord reconnaître qu’il existe des charges suffisantes contre l’accusé, puis prononcer éventuellement des mesures de sûreté contre lui (celles-ci peuvent être ordonnées aussi par le tribunal correctionnel et la Cour d’assises), rendre un arrêt d’irresponsabilité et enfin renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel en ce qui concerne les intérêts civils, si la partie civile le demande. Il n’a en effet pas été considéré valable par le Conseil d’Etat que la Chambre d’instruction se prononce et sur l’irresponsabilité et sur les intérêts civils. On notera la place symbolique que tient la déclaration d’irresponsabilité (pourtant élément central de la procédure) dans cette énumération, après la simple imputation et les mesures de sûreté.

Celles-ci sont au nombre de quatre, et leur durée maximum est de 10 ans en correctionnel et 20 ans en criminel. Il s’agit de l’interdiction d’entrer en relation avec la victime ou autres personnes spécialement désignées ; l’interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ; l’interdiction de détenir ou de porter une arme ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale liée à l’infraction.

Le texte crée une nouvelle infraction pour la violation de ces obligations, punie de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende dont l’absent mental peut demander au juge des libertés et de la détention. En le relèvement dans délai de six mois à compter du jour où la décision est devenue définitive, puis tous les six mois.

Il prévoit aussi que la partie civile peut demander à être informée par le procureur de la République de la levée de l’hospitalisation d’office de l’absent mental (mais dont ni l’entrée ni la sortie ne sont pour autant décidées par le juge répressif).

Ces décisions d’irresponsabilité seront inscrites au casier judiciaire.La question du pourvoi en cassation n’est pas clairement tranchée, il est possible

mais il n’est pas précisé par qui et à quelles conditions.

Comme on le voit, les changements essentiels prévus concernent la phase d’instruction, mais s’appliquent aussi aux domaines contraventionnel, correctionnel et criminel Dans la présentation du projet de loi, il est bien indiqué que le but de cette audience sera de débattre de l’applicabilité de 122-1 CP

Ce projet de loi ne fait pas du tout l’unanimité. Même chez les victimes, il y a

des réticences. Ainsi, l’Inavem (institut regroupant les associations d’aide aux victimes) déclare que : « Les victimes peuvent comprendre une décision de non-lieu

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dès lors qu’elle est bien expliquée. Si certaines ont malgré tout besoin de voir leur statut de victime reconnu, elles peuvent demander des indemnités à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, où une audience a lieu ; mais la confrontation avec un malade qui ne peut, par définition, reconnaître sa culpabilité, risque d’ être destructrice ».

Les experts psychiatres sont partagés. Si certains voient avant tout un tel procès comme un « évènement éclairant pour les victimes » (ainsi le Dr Zagury), d’autres considèrent qu’outre un « spectacle de foire », cette audience sera totalement inutile : « on vit sur la magie supposée d’une audience publique qui guérirait tout le monde ». (Dr Dubec).

Les magistrats sont également très opposés à une telle réforme. Ainsi le Syndicat de la Magistrature la qualifie de « tartufferie »et l’Union Syndicale des Magistrats d’« ersatz de justice ».

On peut en effet penser que cela va conduire à un simulacre de procès et ne remplira pas les objectifs annoncés : Déjà, il faut faire remarquer qu’un grand nombre des « changements » annoncés dans le projet de loi sont déjà possibles aujourd’hui. Simplement, il transforme en principe les exceptions (notamment le renvoi devant la chambre de l’instruction, la publicité et la comparution).

Pour les victimes, cela risque en effet d’être très traumatisant. Face à un irresponsable, elles n’auront pas plus de réponses à leurs questions, ni d’excuses, et les accusés qui seront en état de décrire leurs actes pourront les choquer par leur attitude (comme récemment Romain Dupuy, schizophrène). Or, toute cette réforme n’est faite que dans le but de sécuriser le public et de complaire aux victimes. Le problème est que l’on confond tribunal et cabinet du psychothérapeute, réparation judiciaire et réparation psychologique. Ce projet constitue une véritable dénaturation de la fonction de la justice : elle lui reconnaît un pouvoir thérapeutique qu’elle n’a pas, alors que le seul rôle d’une juridiction pénale est expressif et répressif (dire le droit, punir un coupable). « Le procès pénal ne peut revêtir un caractère expiatoire au risque de devenir une mascarade » Jean Marie Fayol-Noireterre, Président de chambre à la Cour d’appel de Grenoble.

Le principe du contradictoire sera nécessairement bafoué. Comme on l’a vu précédemment, une personne souffrant d’un trouble mental grave ne peut pas se défendre ni répondre aux accusations. L’absent mental, dans une telle audience, sera l’objet du procès et non son sujet, alors que ceci est l’enjeu de sa présence et nuit à la dignité de la personne humaine.

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Jean-Yves Montfort, président du TGI de Versailles, membre de la commission nationale consultative des droits de l’homme, a déclaré : « Nous constatons une évolution inquiétante, celle d’une pénalisation de la folie ». C’est en effet dans un mouvement plus large que s’inscrit cette loi, celui d’une forte stigmatisation des malades au nom de la gestion du risque. Ce n’est plus la culpabilité du criminel qui est en cause mais la dangerosité du déviant. L’OMS a même fait de la lutte contre la stigmatisation des malades l’un des grands axes de sa politique de santé mentale, mais cela fait quelques années que le législateur français a cessé d’apporter son soutien à cette cause, et aujourd’hui il participe clairement à ce mouvement de pénalisation de la folie.

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Conclusion   :

Le droit pénal moderne était basé sur une conception du jugement avec l’accusé au centre du procès, ce qui impliquait que sa présence soit indispensable, et justifiait des procédures très dérogatoires. Or aujourd’hui ce qui est devenu primordial c’est qu’il y ait à tous les coups un procès public avec un minimum de respect des droits de la défense, et on en oublie peu à peu le sens du procès pénal.

Placer la victime au coeur du procès est un travers actuel de la société, il faut toujours trouver un coupable, aujourd’hui qu’il soit responsable ou non. Et on peut sérieusement craindre que ce projet de loi ne soit qu’une première étape vers la suppression de l’irresponsabilité. Pourtant comme l’indiquait justement la mission d’information sénatoriale sur les personnes dangereuses dont les conclusions ont été rendues publiques en juin 2006 : « Le risque de récidive ne peut être complètement éliminé dans une société de droit »

Le malade mental devient rapidement une des nouvelles « figures du mal » ou ennemi intérieur, avec le terroriste et le pédophile. Alors que cette stigmatisation est sans fondement, proportionnellement les malades ne sont pas plus dangereux que la population générale, et même beaucoup moins, ils sont plutôt victimes (car beaucoup plus vulnérables). Selon les différentes estimations il y aurait au maximum entre quelques dizaines et 400 malades vraiment dangereux en France.

Mais cette stigmatisation accrue permet surtout le contournement de règles essentielles du droit criminel, séculaires, qu’on pouvait croire indépassables.

Aujourd’hui, c’est déjà dans les établissements carcéraux que se retrouvent la plupart du temps les malades, au lieu d’être soignés. Le rapport Floch en 1999 concluait que la prison est finalement souvent le seul lieu d’accueil des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves. Depuis que la loi du 18 janvier 1994 a confié à l’hôpital tout ce qui relevait des soins carcéraux, il semblerait que beaucoup croient qu’il est plus pratique de mélanger les deux. Dans les établissements pénitentiaires se trouvent au minimum 3 à 8 % de psychoses chroniques (les troubles mentaux les plus graves), et dans presque 50% de cas les délits et crimes qui les ont amenés à être incarcérés sont révélateurs de la psychose (autrement dit, ils n’avaient pas été diagnostiqués avant). Les surveillants de prison ne sont pas formés pour la prise en charge des psychotiques, et il arrive souvent que l’administration pénitentiaire n’ait pas d’autre recours que de les placer dans les quartiers disciplinaires.

Tout simplement parce que leur place n’est pas en prison, mais dans un hôpital.

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L’article D398 CPP indique bien que si le trouble mental apparaît après le jugement, il s’agit d’un obstacle à l’exécution de la peine privative de liberté qui a été prononcée contre lui. Il s’agit là de dignité humaine, au sens de la CESDH, mais on semble apparemment revenus à la conception d’ »asiles » pour simplement tenir éloignés de la société les malades et non plus les soigner. Et ce projet de loi, s’il est voté et validé par le Conseil Constitutionnel, va nécessairement empirer cette situation. Alors que, selon le CPP, les malades ne peuvent pas subir une peine de prison, le texte prévoit, pour les détenus qui ont besoin d'un traitement, que le refus de soins sera assimilé à une mauvaise conduite et qu’il ne pourra plus bénéficier de réduction de peine.

Comme le dit Cyrille Canneti, psychiatre à Fleury-Mérogis : « La vraie question n’est pas de savoir comment soigner les fous en prison mais comment faire pour qu’ils n’y entrent pas ».

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Bibliographie :Manuels   :

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Décisions susceptibles d'être attaquées et conditions du pourvoi - Délai de

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