Suggestions pour une méthodologie de l'étude des...

12
SUGGESTIONS POUR UNE METHODOLOGIE DE L'ETUDE DES FUMURES PHOSPHOAZOTEES EN RIZICULTURE F or 'I R. CHABROLIN Chef du Service Riz à I I.R A.T, .. ...- I Nous savons que le rendement d une culture à laquelle on apporte des doses croissantes de deux éléments nutritifs tels que le phosphore et 1 azote peut être représenté, d une façon générale par une surface à 3 dimensions appelée surface de réponse, répondant à une équatiun du second degré. L. RÍCHARD a démontré expérimentalement (Les études de nutrition minérale chez les végétaux - Contribution à leur méthodologie) cp en coupant une telle surface par une série de plans verticaux parallèles, on obtient des courbes d'allure parabolique, dont les sommets sont situés dans un même plan vertical. (Voir fig. 1). Ces sommets définissent donc une ligne de crêtes se projetant sur le plm horizontal suivant une droite qui est le lieu des concentrations relatives optimales entre les deux éléments. RICHARD en a tiré la méthode des coupes, largement utilisée par l'Institut de Recherche sur le Coton et les Textiles tropicaux, qui consiste à explorer la surface de réponse en la coupant par des plans parallèles, d équation A -I- II B = I; (A et B étant les doses des deux éléments, S une constante et n un coef- ficient quelconque) et qui permet pour chaque valeur de la constante I; de fixer les valeurs optimales de A et de B. Cette méthode des coupes a déjà donné, en.ce qui concerne la fumure dl1 cotonnier, d excellents résultats. . Elle comporte toutefois une indétermination en ce qui.concerne la valeur du coefficient n. C'est en effet du coefficient n adopté que dépend, dans une assez large mesur,e 1 équation de la pro- jection de laligne de crête. Examinons, pour la mettre en évidence, une surface de réponse, définie par 1 équation R = 100 + 60 N + 80 P - 4 N2 - 5 Pz - 5 Pz + 5 N P arbitrairement choisie's. Nous la coupons successivement par des familles de plans parallèles verticaux répondant aux équa- tions ci-après.

Transcript of Suggestions pour une méthodologie de l'étude des...

SUGGESTIONS POUR UNE METHODOLOGIE DE L'ETUDE DES FUMURES PHOSPHOAZOTEES EN RIZICULTURE

F or

'I R. C H A B R O L I N Chef du Service R i z à I I.R A.T ,

. .

. . . - I

Nous savons que le rendement d une culture à laquelle on apporte des doses croissantes de deux éléments nutritifs tels que le phosphore e t 1 azote peut être représenté, d une façon générale par une surface à 3 dimensions appelée surface de réponse, répondant à une équatiun du second degré.

L. RÍCHARD a démontré expérimentalement (Les études de nutrition minérale chez l e s végétaux - Contribution à leur méthodologie) cp en coupant une telle surface par une série de plans verticaux parallèles, on obtient des courbes d'allure parabolique, dont l e s sommets sont si tués dans un même plan vertical. (Voir fig. 1). Ces sommets définissent donc une ligne de crêtes se projetant sur le p l m horizontal suivant une droite qui e s t le lieu des concentrations relatives optimales entre l e s deux éléments.

RICHARD en a tiré la méthode des coupes, largement utilisée par l 'Institut de Recherche sur le Coton e t les Textiles tropicaux, qui consiste à explorer la surface de réponse en la coupant par des plans parallèles, d équation A -I- II B = I; (A et B étant l e s doses des deux éléments, S une constante e t n un coef- ficient quelconque) e t qui permet pour chaque valeur de la constante I; de fixer les valeurs optimales de A et de B.

Cette méthode des coupes a déjà donné, en.ce qui concerne la fumure dl1 cotonnier, d excellents résultats.

. Elle comporte toutefois une indétermination en ce qui.concerne la valeur du coefficient n .

C ' e s t en effet du coefficient n adopté que dépend, dans une a s sez large mesur,e 1 équation de la pro- jection de laligne de crête.

Examinons, pour la mettre en évidence, une surface de réponse, définie par 1 équation R = 100 + 60 N + 80 P - 4 N 2 - 5 Pz - 5 Pz + 5 N P arbitrairement choisie's.

Nous la coupons successivement par des familles de plans parallèles verticaux répondant aux équa- tions ci-après.

416 -

N IC ( n = o )

2N+P K ( n = 1:2)

N+P = K ( n = l )

P+2N z K ( n = 2 ) P . = IC ( n z o o )

Les équations des projections des lignes de crêtes sont dans chaque cas :

Pour N - K N - 2 P + 1 6 = O Pour 2 N + P = I; 18N - 25P + 100 = O PourN+P = 'I; 13 N - 15P + 2 0 ~ 0 Pour N -t- 2P = K 21 N - 20P - 40 O Pour P = K 8N.- 5P - 60 = O

Toutes ces projections s e coupent en un même point d ordonnées N = 18,2 P = 17.1 pour lequel la cote de la surface de réponse e s t maximum. Toutes l e s lignes de crête passent évidemment par ce sommet. I1 existe ainsi toute une famille de lignes de crête, chacune d entre elles correspondant à une valeur de n com- . prise entre les deux extrêmes définis par n L- o e t n = O0

Le fait qu.il y ait plusieurs lignes de crête peut paraitre surprenant. I1 e s t cependant parfaitement concevable (fig. 3) que si SA et SB sont deux lignes de crête pour les plans tels que 2 N + P = I< e t 2 P + N = K , les hauteurs croissent de A et B vers S e t que l e s points N e t M sont la projection de points de la surface de réponse plus élevés que ceux correspondani à hl et N .

I1 existe certes une ligne de crête au sens absolu, c e s t celle contenue dans un plan vgrtical perpen- diculaire aux plans de coupe verticaux qui la déterminent (c e s t à peu près le cas de celle représentée sur la. fig. 2 pour N + P = R) riluis on ne peut 1 appréhender que par tâtonnements, e t on risque de s en éloigner beaucoup en fixant arbitrairement le coefficient n.

Par contre, dans l e cas d une étude agroéconomique de la fumure, il peut sembler pr t icul ihement avantageux de fixer n en fonction des critères économiques qui régissent la rentabilité de la fumure.

Si l'on appelle UP le prix de 1- unité fertilisante de phosphore (I kg de P205) et UN le prix de 1 unité , fertilisante de 1 azote (1 kg d azote) le prix de la fumure est exprimé par :

F ' = N x U N + P X U P

Si l'on se fixe une valeur I: pour 1.' l'expression est alors de Ia forme A + nB -. K . Elle détermine - ainsi la direction des plans verticaux à utiliser pour la méthode des coupes.

Elle permet dans ce cas , non pas pour chaque poids, mais pour chaque valeur de l a fumure d en dé- terminer la composition optimum. L a ligne de crête ainsi prospectée présente donc un intérét extreme pour le praticien.

De plus, on pourra grâce à la méthode exposée maintenant, déterminer sans ambiguité la fumure optimum, celle qui apporte a u cultivateur le bénéfice maximum.

Coupons la surface de réponse R = f (N, P) pour une série de plans parallèles verticitux tels que PUP + IVUN = K, K étant une constante suaceptible de prendre une série de valeurs quelconques. Chaque intersection s e fait suivant une courhr R = g (P) qui passe par un maximum pour la valeur de P qui annule I;' = g' (Pl. A 'cette valeur de P correspond une valeur de N e t donc un point dans le plan NP. Ces points sont alignés. Ils déterminent UF. plan vertical cui contient l a ligne de crête correspondante de la surface de réponse.

- 417

Ce plan coupe 1a.surface de ré,ponse suivant une courbe fi = k (P) dont on peut calculer l'équation.

par exemple dans le cas de lasurface de réponse étudiée précédemment R = 100 + 60 N + 80 P 4 ~2 - 5p2 + 5 NP e t pour des valeurs de 200 F pour l e kilo d'azote e t 100 F phur le kilo de PZ05 on aurait :

2 0 0 N + 1 0 0 P = K ou 2 N + P = K

On retombe sur la projection horizontale de la ligne de crête dont l'équation e s t 18 N - 25 P + 100 = O (voir figure 2).

L e plan vertical pass: nt par cette projection coupe la surface de réponse suivant une courbe dont 1 &quation e s t :

E' -. - (1) (31.960 P - 57.800 - 935 Pz) ' - i62

I1 coupe le plan représentatif du prix F de la fumure suivant une droite dont l'équation est:

F =L (3400 P - 10.000) 9

Pour une fumure d'une valeur donnée F le bénéfice e s t représenté par la différence entre le prix de 1 excédent de production UP (R 1100) qu"el1e procure e t le prix de cette fumure : B = UP (R-100) - F (Up étant le prix du produit).

On sai t déjà que la composition de la fumure doit obéir à 1 éqaation 18 N - 25 P + 100 = O représen- tative de la composition optimum d une fumure de valeur déterlliinée.

L e prix de 1 excédent de prodiiction e s t tiré de l'équation 1 e t le bénéfice s'exprime en fonction de P, UP étant fixé à 20, par :

1 81

B (289.000 P - 830.000 - 9350 Pz)

. I1 e s t maximum pour la valeur de P qui annule B:

B' =1(289.000 - 18.700 P) 81

d'où P pour B' = O P = 15,4

avec N = 15,8

Ce point e s t figuré en O sur la figure 2. I1 e s t à remarquer qu il n aurait pu facilementêtre déterminé n i par un essai factoriel, donnant les cotes mentionnées dans un cercle sur la figure, ni par des essais doses croissantes d un seul élément. Cette détermination aurait exigé la passage par 1' équation de la surface de ré- ponse, donc un traitement mathématique relativement complexe des données expérimentales.

I1 e s t cependant possible de déterminer expérimentalement la fumure optimum, e t ceci sans avoir à é- tablir 1 équation de la surface de réponse :

l / En coupant la surface de réponse par deux plans verticaux représentant des fumures de valeurs croissantes Fly $2. Chacune de ces valeurs sera représentée par 4 fumure.s au moins, de composition différen- te. On déterminera le maximum de chacune des courbes obtenues représenté par un point dans le plan NP.

,. 418 -

On établira 1 équation de la droite'passant par ces deux points. Cette droite coupe la droite repré- sentative de l a fumure de valeur F en un point qui représente l a composition optimum de cette fumure. .

2/ Ensuite on effectuera un e s s a i de doses croissantes de fumures obéissant à cette équation de façon à obtenir une courbe de réponse à de telles fumures.

F O R T E F U M U R E T R A I T E M E N T S

V a l e u r de P 2 0 5 V a l e u r d e N

1 O 21 O00

2 7 O00 14 O00

3 14 0On 7 O00

4 2 1 O00 O

L e résultat de cet essai sera représenté graphiquement en portant en ordonnées les prix de la produc- tion obtenue et de la fumure utilisée et en abscisses l e s fumures croissantes.

F A I B L E

V a l e u r d e P 2 0 5

F U M U R E

Va leu r de N

O 4 500

1 500 3,000

3 O00 1 500

4 500 O

On égalera alors Ia dérivée de 1 équation représentative de la courbe obtenue, à la pente de la droite représentative du prix de la fumure, ou on déterminera graphiquement le point auquel la courbe admet une tangente parallèle ,à cette droite. On aura ainsifixé la valeur de la fumure procurant le bénéfice maximum.

En pratique, 1 expérimentation comportera deux phases.

1/ Pour des valeurs différentes de la fumure, par exemple 4500 e t 21.000 francs on comparera 4 com- 1 positions différentes.

1 I1 y aurait intérêt à ce que l e s valeurs de ces deux fumures soient séparées par un intervalle aussi large que possible pour augmenter l a précision de la méthode.

D'après la figure 4 les concentrations nptimales sont pour lafumure forte, 90 unités de PZOS et 60 unités d'azote, pour la fumure faible 29 unités de PZOS et I unités d.azctc

Elles sont représentées sur la figure 5 par l e s points A et B.. La droite recherchée joint ces points. Elle a pour équation :

. . 61 N - 52 T f 1020 = O

e t permet pour chaque valeur prédéterminée de la fumure, d en h c r i;; x i ì , p ~ - c ï G i i optinialc ,.. :: graphiquement, soit par l e calpul.

Si on connaît ainsi la composition d'une fumure de valeur donnée, on n 'a par contre, jusqu'ici, aucune idée (sinon par les rendements maximum 11.1 et hl observés dans la phase précédente), su r la valeur des doses qu il convient d appliquer pour obtenir le bén6fico maximum.

- 419

1 2

3

4

5

On peut alors procéder à un essai doses, avec des fumures de va!curs croissantes dont la composi- tion est représentée par la droite A B . ,

Si on adopte, par exemple,.les valeurs 3500, 6700, 9900, 14.100 et 16 300 francs, les compositions des fumures correspondantes, représentées par les points 1, 2,3, 4 et 5 (fig.5) seront :

N k g h a P 2 0 5 KG. ;ha V a l e u r ( 2 N ) X 100 e n f r s .

5 ' 25 3 500 15 37 6 700

25 49 9 900

35 6 1 19 100

45 7 3 . 16 300

. On établira ainsi une courbe de rBponse représentée su r la figure 6 et on déterminera la fumure opti- - mum de la façon exposée plus haut.

Un témoin absolu, sans aucune fumure, sera inclus dans l 'essai pour permettre de mesurer le bénéfice réalisable.

Le rendement correspondant à la fumure nulle ne pourra toutefois pas figurer sur la courbe de réponse, puisque la fumure nulle n es t ,pas représentée sur la droite AB précédemment définie (fig. 5).

Dans l'exemple montré par la figure 6 on voit que le bénéfice maximum, M , serait obtenu pour une fu- $mure valant 1 2 200 francs.

La production atteint alors 69 500 F. Le bénéfice e s t égal à 69 500 - 42 O00 - 1 2 200 - 15 300.

L a composition de la fumure correspondante peut être obtenue

a/ algébriquement grâce aux deux Qquations :

2 N + P = 122 61 N - 52 P + 1020 = O

d où N L- 32,2 kg,'ha P = 57,6 kg de P2 0 5 à 1 hectare.

b/ graphiquement s u r la figure 5, A 1 intersection de la droite AB e t de la droite représentative de la fumure valant 12 200 F, le pointcorrespondant indiqué par 6 , donne la composition recherchée.

L a méthodologie exposée ci-dessus, à condition que s e s bases théoriques soient admises (existence d'un volume de réponse dont 1 équation puisse être assimilée à un polynôme du second degré de la forme R = a + bN + cl + dN2 + 1P2 + f NI? parait présenter de nombreux avantages sur un grand nombre de celles qui sont actuellement en usage.

1/ Elle permet grâce à un nombre réduit d essais très simples de déterminer, pour chaque valeur moné- taire que 1 on entend donner à la fumure, l a composition optimum de celle-ci en deux des éléments principaux.

21 Elle permet ensuite de déterminer grâce à un seul essai tout aussi simple, la dose optimum d une fumure comportant deux éléments (ce que ne permettent ni les essais factoriels N X P, ni les essais où la ré- ponse à chaque élément es t analysée séparément, en présence de doses arbitrairement fixées des autres élé- ments.)

420 -

~

C est pourquoi l'auteur pense que 1 étude économique des fumures d entretien, qui va prendre une place croissante à 1 IRAT pendant les prochaines années milintenant que l e s problèmes concernant la correc- tion des carences sont en passe d être résolus, dewait s inspirer dans une large mesure des principes expo- sés ci-dessus.

Elle présente par contre 1 inconvénient d aboutir à des résultats étroitement dépendants des prix unitaires respe'ctifs des engrais e t du protluit agricole.

Cet inconvénient n e s t cependant qu apparent car, qu on le veuille ou non, la rentabilité d'une fumure e s t toujours profondément influencée par ces facteurs.

Tout changement notable dans ce domaine doit donc logiquement avoir des répercussions sur le vo- lume et la composition des fumures appliquées par l e s cultivateurs en vue d un bénéfice maximum.

I1 souhaite vivement que ce soi t le cas , notamment en riziculture où 1 on voit de plus en plus le rôle prédominant de 1 azote e t du phosphore dans la fumure minérale.

O

O 0

. .

F i g u r e 1

. .

I L i g n e de c r i t e

,

I t a

te le

I l 1 I 'P i i l

!O

1 5

10

5

O

422 -

I

FIGURE 2 Volume R z l o o + 60 N + 80P - 4 N 2 - 5P2+ 5 N P @ V A L E U R d e R x p o s ; t ; o n du s o m m e t d a n s le p l a n v e r t i c a l

c o r r e s p o n d a n t a N + n P = K

/

- 423

FiGURE 3

\ \

u t e u r cro; s s a n t e

B N

I .

F i g u r e 4

424 -

R

400t

250(

O

e n kq/ha .

M F u m u r e f o r t e 2 N + P = 21000 F

- - - - - - -

M a x . pour P = 9000 F ou 29 un.

N = 60 un.

I Va e u r d e P I I I I

7000 14000 21000 e n Francs

F u m u r e Fcible 2 N + P = 4500F

I

I M a x . p o u r P = i900 F o u 29un.

I N = 8un. I l

e P c s

Figure 5 - 425

r> en kg/ha

r

1

b

,

18t

16(

141

12t

101

8(

61

41

2 (

N 3 70 80 90

. e n kg/ha

426 -

1

I

Pr ix de la product ion en Francs

80000

* . . BeneFtce en Francs

F igure 6

.“

Prix de la Fumure

70000

. .

“,oooo

50000

P r i x ¿e la p r o d u c t i o n

en Francs

y-

. -

M

ans f u m u r e 42000F

$

t

I

l 17000 1

I5000

13000

11 O00

9000

1 7000

5000 1

3000 1

I

í I

- i , S Fumut-e f 2 3 4

I