STRESS AU TRAVAIL -...

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Septembre 2016 / 25 STRESS AU TRAVAIL : GÉRER LES CAUSES, PAS LES CONSÉQUENCES Entre les échéances serrées, les restructurations, les conflits interpersonnels, les problèmes familiaux et les soucis financiers, les employés d’aujourd’hui sont stressés, trop stressés. Et les employeurs ne s’y prennent pas toujours de la bonne manière pour les soutenir. Pour identifier quelques pistes de solutions, Pierre-Luc Trudel a rencontré Sonia Lupien, spécialiste en neuroscience et directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Avantages : Quel portrait dressez-vous des interventions réalisées dans les entreprises pour réduire le niveau de stress des employés ? Sonia Lupien : Le gros problème avec le stress au travail, c’est que la plupart des organisations essaient d’en gérer les conséquences plutôt que les causes. Si vous avez un employé diabétique, est-ce que c’est vous qui allez lui injecter son insuline ? Non, vous allez plutôt changer le menu de la cafétéria. Les entreprises tentent souvent des approches qui ne fonctionnent pas. En offrant les services d’un massothérapeute par exemple, le message tacite qu’elles envoient, c’est qu’elles ont tellement stressé leurs employés que maintenant elles leur offrent un massage pour soulager leurs maux de dos. Quelle approche devrait donc adopter les employeurs ? Il n’y a aucune méthode universelle pour gérer le stress et il n’y en aura jamais. On parle beaucoup de médecine personnalisée, je crois que l’on devrait commencer à

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STRESS AU TRAVAIL :GÉRER LES CAUSES, PAS LES CONSÉQUENCES

Entre les échéances serrées,

les restructurations, les confl its interpersonnels, les problèmes familiaux et les

soucis fi nanciers, les employés d’aujourd’hui sont stressés, trop stressés. Et les employeurs

ne s’y prennent pas toujours de la bonne manière pour les soutenir. Pour identifi er

quelques pistes de solutions, Pierre-Luc Trudel a rencontré Sonia Lupien, spécialiste en

neuroscience et directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire

en santé mentale de Montréal.

Avantages : Quel portrait dressez-vous des interventions réalisées dans les entreprises pour réduire le niveau de stress des employés ?Sonia Lupien : Le gros problème avec le stress au travail, c’est que la plupart des organisations essaient d’en gérer les conséquences plutôt que les causes. Si vous avez un employé diabétique, est-ce que c’est vous qui allez lui injecter son insuline ? Non, vous allez plutôt changer le menu de la cafétéria. Les entreprises tentent souvent des approches qui ne fonctionnent pas. En off rant les services d’un massothérapeute par exemple, le message tacite qu’elles envoient, c’est qu’elles ont tellement stressé leurs employés que maintenant elles leur off rent un massage pour soulager leurs maux de dos.

Quelle approche devrait donc adopter les employeurs ?Il n’y a aucune méthode universelle pour gérer le stress et il n’y en aura jamais. On parle beaucoup de médecine personnalisée, je crois que l’on devrait commencer à

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parler de milieux de travail personnalisés. Chaque service d’une organisation présente une cause de stress qui lui est propre. Pour pouvoir mettre en place des plans d’intervention adaptés, il faut donc identifier les sources de stress communes à tous les employés d’un même groupe. Pour ce faire, on doit élaborer un organigramme du stress de l’organisation en se basant sur les quatre caractéristiques qui induisent une réponse de stress à tous les humains : l’impression de Contrôle faible, l’Imprévisibilité, la Nouveauté et la menace à l’Égo (CINÉ)*. La première chose à faire, c’est donc de demander aux employés ce qui les stresse. Ensuite, on implante les solutions possibles dans chaque service et on évalue leur efficacité.

Entre le Feng shui et le time management, toutes sortes de méthodes un peu « ésotériques » sont offertes aux entreprises souhaitant réduire le stress de leurs employés. Sont-elles réellement efficaces ?La science du stress humain est très jeune. Il n’existe pas de définition universelle, ce qui a laissé l’espace nécessaire à des « consultants » pour élaborer une multitude d’approches afin de gérer le stress en milieu de travail. Ces gens pensent savoir ce que c’est, le stress, mais je ne suis pas sûre que ce soit vraiment le cas. La notion de stress a d’abord été saisie par les psychologues industriels, qui ont créé le concept de « stresseurs », ou autrement dit, de situations stressantes. Selon leur approche, plus il y a de stresseurs dans votre vie, plus vous allez être stressé.

Partant de ce constat, on a élaboré des questionnaires. Mais dans mes recherches, je n’ai jamais trouvé de corrélations entre les résultats de tels questionnaires et les hormones de stress produites par l’individu. Ces questionnaires vont par exemple demander à l’employé s’il a récemment vécu un divorce. Or, un individu pourrait très bien être moins stressé depuis son divorce. Qui sommes-nous, les chercheurs, pour décider de ce qui est stressant pour un individu ? Bref, ce ne sont pas les situations qui sont stressantes, mais les caractéristiques de ces situations-là.

Alors, comment mesurer le stress des employés ?On ne peut pas faire analyser les hormones de stress de tous les employés, ça coûterait beaucoup trop cher. Mais par contre, on sait qu’il y a quatre caractéristiques d’une situation qui vont faire en sorte que, peu importe qui vous êtes, quel âge vous avez, l’emploi que vous occupez, vous allez produire des hormones de stress. J’en reviens donc à l’approche CINÉ et à l’organigramme du stress. De plus, cette approche est simplifiée, les spécialistes des ressources humaines sont donc tout à fait capables de l’appliquer dans leur organisation.

Quel est le rôle des gestionnaires dans la gestion du stress des employés ?Honnêtement, je ne pense pas que les gestionnaires sont aptes à gérer le stress de leurs employés. Pourquoi ? Tout

simplement parce que ce sont les premiers qui évaluent les derniers. Ce sont eux la menace, la source de stress pour l’employé. D’ailleurs, aussitôt qu’un nouveau gestionnaire prend la tête d’un service, je recommande de mettre à jour l’organigramme de stress. C’est clair que la dynamique au sein du groupe va changer.

Mais vers qui les employés aux prises avec des problématiques de stress peuvent-ils se tourner alors ?Il faut avant tout faire la distinction entre les sources de stress partagées par tous les employés d’un service et les sources de stress spécifiques à la vie personnelle d’un

employé. Certaines personnes vont ramener leur stress de la maison au travail, mais ce n’est pas le travail en tant que tel le principal responsable. En ce qui concerne le stress organisationnel, on s’en remet au plan d’action de l’entreprise (organigramme du stress) et aux ressources humaines. Pour le stress lié à la vie personnelle, il y a bien entendu les programmes d’aide aux employés, mais leur efficacité demeure limitée, surtout chez les hommes. C’est pourquoi j’insiste sur l’importance d’introduire des mentors. Il

peut par exemple s’agir d’un retraité qui travaille deux jours par semaine et qui connaît extrêmement bien le milieu de travail. Son rôle est de discuter avec les travailleurs, accueillir les nouveaux, etc. Puisque le mentor ne les évalue pas, les gens auront beaucoup plus de facilité à se confier à lui. Selon mon expérience, les employés qui confient leurs problèmes à un mentor acceptent souvent que celui-ci en discute avec le patron. Le mentor devient donc une sorte de courroie de transmission.

La résistance au stress varie-t-elle d’un individu à l’autre ?Différents employés ont différents niveaux de tolérance au stress. Certains vont se mettre à hyperventiler face à une légère source de stress alors que d’autres vont pouvoir pousser la machine à un niveau assez élevé sans vraiment souffrir des effets du stress.

Stress au travail : gérer les causes, pas les conséquences

« Le meilleur tampon au stress, c’est le soutien social. »

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2016-05-19 16:07Avantages vos nouvelles du mardi

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Il est donc possible que certains postes soient tout simplement trop stressants pour certains travailleurs ?La cause principale de stress, d’absentéisme et de troubles de santé mentale dans les milieux de travail, ce n’est pas vraiment les tâches à effectuer ou la surcharge de travail, c’est surtout que les gens ne sont pas au bon poste pour eux. Votre travail vous rend malheureux ? Personne ne vous a mis un fusil sur la tempe pour le faire. Au moment où les travailleurs décident d’accepter un poste, ils pensent avoir la résistance nécessaire pour être capable de gérer le stress qui y est lié. Mais de toute évidence, ce n’est pas toujours le cas. Cela dit, on observe beaucoup de changements sur ce point. Certains jeunes employés refusent des promotions pour ne pas avoir à subir trop de pression et garder un certain équilibre dans leur vie. Pourquoi agissent-ils ainsi ? Ils ont vu leurs parents faire des « burnout ». Ils ne veulent pas vivre ça à leur tour. Ça s’appelle l’adaptation de l’espèce.

Les employeurs devraient-ils se soucier davantage de la notion de résistance au stress lors du recrutement ?J’aimerais voir le jour où les employeurs passeront des entrevues en vérifiant le niveau de réaction des candidats à chacune des quatre caractéristiques du stress (CINÉ). Par exemple, une personne qui a une réponse de stress élevée à l’imprévisibilité ne devrait pas travailler dans un service où les imprévus sont la norme. Par contre, cette même personne se montre peut-être peu réactive à d’autres sources de stress, comme l’égo menacé ou l’impression de contrôle faible, et serait donc à l’aise de travailler dans un autre service.

Vous soutenez qu’une meilleure conciliation travail-famille est une mesure qui a de nombreux effets bénéfiques. Pourquoi ?J’espère qu’un jour on va comprendre que le 9 à 5 typique et les réunions à 7 h 30 le matin, ça ne fonctionne pas pour tout le monde. Pensez-vous vraiment que la

mère qui a dû laisser son enfant très tôt à la garderie va être attentive pendant la réunion ? En favorisant un meilleur équilibre travail-famille, les employeurs éliminent un grand nombre de sources de stress des employés, ce qui améliore leur performance de 15 à 20 %.

Quelles autres pistes de solutions pourraient envisager les entreprises, particulièrement celles qui disposent d’un budget limité ?Le meilleur tampon au stress, c’est le soutien social, même si on n’arrive pas vraiment à l’expliquer scientifiquement. Si vous n’avez pas une bonne cohésion sociale dans une équipe, vous allez avoir d’importantes sources de stress. Les petites entreprises avec peu de ressources devraient en premier lieu organiser des activités de cohésion sociale, comme des joutes sportives amicales.

* Pour en savoir davantage sur l’approche CINÉ

et apprendre comment élaborer un

organigramme du stress, visitez bit.ly/2aJCB5d.

Stress au travail : gérer les causes, pas les conséquences

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