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Stage Tim Burton, animé par Alexandre Tylski. I- Les musiques de film. GENERALITES : C’est au début du XXème siècle que les premières musiques de film originales apparaissent. Les Académiciens participent à l’élaboration des films pour en faire de l’art. A la fin des années 1920-1930, les premiers films parlants apparaissent, et l’introduction de musique de film va se généraliser : il y aura des musiques spéciales pour les films, les « musiques savantes ». La musique se jouait dans la salle, sous chapiteau (présence d’orchestre). Il fallait donner un rythme au film, une logique intérieure, une unité rythmique, que les cinéastes n’étaient pas aptes à réaliser. Dans les années 1930, un exemple très connu est celui de Prokofiev qui avait composé Pierre et le loup pour ses petits enfants pour leur montrer que chaque instrument avait son importance. Cependant, face à cette idée, certains affirmaient comme Stravinsky que « la musique de film est du papier peint ». Certains pensent encore aujourd’hui que le cinéma est avant tout un art VISUEL (ex : Pialat, Bresson, Téchiné…) et qu’il faut faire confiance à la musique du réel, des paroles. Par exemple, à l’Ecole supérieure de l’audiovisuel de Toulouse, les étudiants n’ont pas le droit d’utiliser de la musique car étant jugée trop puissante et facile. A contrario, des réalisateurs comme Scorsese ou Tarantino peuvent utiliser jusqu’à 50 musiques différentes par film, mais c’est très signifiant, il y a un savant dosage entre le visuel et la musique (on est bien dans l « audio/visuel »). Ceci dit, il est vrai que l’écueil est de bombarder des effets sonores, beaucoup de basses fréquences (on assiste à une pression sonore de plus en plus importante). Conseils bibliographiques : C’est le compositeur Camille Saint Saëns, en 1908, qui composa la première musique de film pour le film muet « L’assassinat du duc de Guise ». 'Quand la musique était rare, sa convocation était bouleversante comme sa séduction vertigineuse. Quand la convocation est incessante, la musique repousse. Le silence est devenu le vertige moderne. Son extase. J'interroge les liens qu'entretient la musique avec la souffrance sonore.' Dix petits traités sur les liens qu'entretient la musique avec la souffrance sonore : le mythe des sirènes, le rôle de la musique dans les camps de concentration, la diffusion planétaire de la musique jours et nuits dans les grands magasins, les restaurants, le métro..

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Stage Tim Burton, animé par Alexandre Tylski.

I- Les musiques de film.

GENERALITES : C’est au début du XXème siècle que les premières musiques de film originales apparaissent. Les Académiciens participent à l’élaboration des films pour en faire de l’art.

A la fin des années 1920-1930, les premiers films parlants apparaissent, et l’introduction de musique

de film va se généraliser : il y aura des musiques spéciales pour les films, les « musiques savantes ».

La musique se jouait dans la salle, sous chapiteau (présence d’orchestre). Il fallait donner un rythme

au film, une logique intérieure, une unité rythmique, que les cinéastes n’étaient pas aptes à réaliser.

Dans les années 1930, un exemple très connu est celui de Prokofiev qui avait composé Pierre et le

loup pour ses petits enfants pour leur montrer que chaque instrument avait son importance.

Cependant, face à cette idée, certains affirmaient comme Stravinsky que « la musique de film est du

papier peint ». Certains pensent encore aujourd’hui que le cinéma est avant tout un art VISUEL (ex :

Pialat, Bresson, Téchiné…) et qu’il faut faire confiance à la musique du réel, des paroles. Par exemple,

à l’Ecole supérieure de l’audiovisuel de Toulouse, les étudiants n’ont pas le droit d’utiliser de la

musique car étant jugée trop puissante et facile.

A contrario, des réalisateurs comme Scorsese ou Tarantino peuvent utiliser jusqu’à 50 musiques

différentes par film, mais c’est très signifiant, il y a un savant dosage entre le visuel et la musique (on

est bien dans l « audio/visuel »). Ceci dit, il est vrai que l’écueil est de bombarder des effets sonores,

beaucoup de basses fréquences (on assiste à une pression sonore de plus en plus importante).

Conseils bibliographiques :

C’est le compositeur Camille Saint Saëns, en 1908, qui

composa la première musique de film pour le film muet

« L’assassinat du duc de Guise ».

'Quand la musique était rare, sa convocation était bouleversante comme sa séduction

vertigineuse. Quand la convocation est incessante, la musique repousse. Le silence est

devenu le vertige moderne. Son extase. J'interroge les liens qu'entretient la musique

avec la souffrance sonore.' Dix petits traités sur les liens qu'entretient la musique avec

la souffrance sonore : le mythe des sirènes, le rôle de la musique dans les camps de

concentration, la diffusion planétaire de la musique jours et nuits dans les grands

magasins, les restaurants, le métro..

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DANS LES FILMS DE TIM BURTON.

1er visionnage : les 10 premières minutes de Sleepy Hollow : Art de la subversion.

Influence de l’Europe dans la musique hollywoodienne : les percussions renvoient bien sûr à

l’Afrique, mais elle est très influencée par l’Europe, Vienne, la tradition musicale Européenne. Steve

Bartek aide Elfman dans la mise en œuvre technique des idées de ce dernier. C’est l’homme de

l’ombre. Un peu comme Chaplin qui avait des orchestrateurs pour le choix des instruments, et qui

faisait preuve d’une grande rigueur. La difficulté est de maîtriser un flux, un rythme sur un long

métrage.

Dans ces dix premières minutes, la musique est en quête d’identité. Elfman travaille sur le fondu

enchaîné : monde sonore cousu et enfermé dès le début. Le commencement avec la harpe amorce le

film et porte le spectateur du côté de l’intuition, du mystère : c’est l’instrument qui relie le ciel et la

terre, instrument du voyage dans l’au-delà, mais qui manipule. Ensuite, on assiste à un mélange des

familles d’instrument, mais avec un esprit de subversion : Elfman va transformer un instrument à

corde en un instrument à percussion. Mélange vague, fantomatique qui donne un aspect nébuleux,

liquide ; nappe de violons ; compte à rebours imposé par le tempo, qui annonce la guerre. Reprise

des violons qui montrent que la mort rôde. Importance masquée du religieux : son dur de l’acier des

cloches (communion / funérailles). La voix douce d’un garçon, aigüe (ambiguïté avec le féminin qui

fait référence à la relation mère / fils). La voix mâle va rentrer en collision. Après, démembrement

des instruments. L’opéra est au cœur et ouvre le drame. La musique est vraiment mise en scène, il y

aura des cycles.

Les musiques de générique : C’est l’entrée en matière, donne tout à comprendre. Comme par

exemple, dans la Planète des singes.

La musique est aussi utilisée pour l’arrivée dans un autre monde : Dracula, Dead Man, Western

(notamment Sergio Leone et Morricone)… c’est un rituel, on fait entrer le spectateur dans l’étrange.

La musique est un texte avec des mots, une syntaxe, qui annonce les thèmes (raison / surnaturel ;

Peur / apaisement….). Pour exemple, le pianiste Lang Lang qui joue sur les morceaux de Chopin en

jouant sur le rapport au temps : accélération / ralentissement.

Les moments de silence donnent du poids aussi : par exemple, au moment où l’inspecteur réfléchit

dans le film, pendant les deux minutes de silence, le spectateur réfléchit avec lui. C’est d’ailleurs le

compositeur Claudio Abbado qui demande au public 3 secondes de silence après chaque morceau,

avant les applaudissements : le silence qui suit les dernières notes donne tout son sens aux dernières

notes : « Où va la musique ? ».

Danny Elfman a composé l’essentiel des musiques des films de Tim Burton, apportant une

réelle « valeur ajoutée ». Chaque instrument a une existence physique, il valorise un

instrument plutôt qu’un orchestre. S’est beaucoup inspiré du compositeur des films

d’Hitchcock : Bernard Herrmann, qu’il considère comme son mentor. La musique colle,

surligne, souligne l’image, elle doit transpercer, transcender l’image, montrer ce que

l’image ne montre pas, montrer l’invisible, travailler sur l’inconscient. A tel point que pour

le film « L’étrange noël de Mr Jack » Burton et Elfman s’en sont disputés la paternité.

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II- Les personnages : Marge sociale, identité et (dés)intégration dans

l’œuvre de tim Burton.

Godard : « C’est la marge qui tient le livre » : tout ce qui est à la marge fait tenir un édifice, une

œuvre.

Le cinéma de Tim Burton donne une impression, un climat particulier qui parle de l’Histoire (création

des USA, Europe...). Il travaille sur à la fois sur le ré enchantement, et le mirage intégrationniste des

USA. Il est partagé entre le ré enchantement et le travail de deuil. Il dit lui-même vouloir préparer les

enfants à voir le négatif pour affronter de manière plus douce l’existence (Voir revue « Positif »

n°364).

Revue n°364 : interview de Tim Burton

Il définit le fantastique, le merveilleux. Le côté « gore » mais

merveilleux nécessite une mise en condition pour embarquer

le spectateur. L’irréel doit être crédible même s’il est

impossible. C’est le générique qui permet l’ancrage dans le

fantastique, le merveilleux. C’est la stratégie de Tim Burton.

Les personnages marginaux sont parfois plus réels parce qu’ils

nous disent de la réalité. Ils sont plus inscrits dans la société,

même s’il s’agit de film d’animation. C’est l’idée du carnaval,

du monde à l’envers, comme dans La planète des singes, où il y

a le thème du masque, du travestissement, du monde à

l’envers.

La famille est très importante, Burton joue sur les prénoms, la

quête d’une famille. Par exemple, dans le prénom « Edward »,

« ward » signifie « pupille de la nation ». il incarne un être

adopté, ou pas, par la société. Tim Burton a lui-même recrée une

famille pour lui.

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La séquence du musée :

Le personnage du pingouin :

Batman Returns :

Catwoman

La naissance de Catwoman est révélatrice de cette

question : c’est un personnage qui se réinvente, qui

souffre de la pression sociale, c’est un Frankenstein

réinterprété. Ce sont des êtres réinventés, revenant

de la mort, la peau marquée par l’enfer. Tous

portent le poids du passé.

Le Joker est une peinture vivante : il dévoile le

côté iconoclaste de Tim Burton. Il détourne les

œuvres (Degas, Rembrandt…) : il s’inscrit dans

l’histoire de l’art en détruisant l’art (sauf

l’œuvre de Bacon, morbide). Destruction de

l’art institutionnalisé.

Ce personnage pose la question de : « Comment retrouver

ses origines ? ». C’est le face à face de deux monstres : le

capitaliste et le prolétaire. Lequel peut s’intégrer à la

société ?

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Ce sont, soit des personnages extirpés du monde (comme Edward aux mains d’argent), soit des

personnages qui cherchent à s’intégrer (Le pingouin). Mais ils cherchent tous à être respectés comme

êtres humains, même s’ils sont toujours ramenés à leur condition de monstre, d’être hybride.

Edwood :

La planete des singes.

Scène de la révélation du père au fils : les Hommes ont dominé, autrefois, les singes. A fait jouer

Charlton Heston ( qui a défendu les minorités) en inversant sa figure même entre le film des années

60 et celui des années 2000. Agressivité entre le père et le fils ; introduction de l’icône religieuse

(dans toute religion, idée de ce meurtre originel), idée de la création du monde (tunique du père

reprenant la fresque de Michael Angelo), idée de la transmission entre les deux générations, sur le

pouvoir. Dimension très politique. A la marge, on raconte beaucoup sur les civilisations.

Pistes :

- En Seconde : Héros / Anti-héros.

- En Première : L’univers de Tim Burton, une plongée dans l’imaginaire.

- En Terminale (séquence mineure) :

La parole en spectacle : Quels discours dans l’œuvre de Tim Burton ? Quelles mises en

scène (avec accent sur la musique, manière de filmer, art du générique de début….) ?

Que nous disent ces personnages de la société ? Faut-il renoncer à ses spécificités pour

s’intégrer dans la société ?

Dans ce film, c’est l’hommage à un de ses pères, qui l’a sauvé,

jeune.

Importance de la transmission.

Mais aussi du burlesque : Tim Burton entretient une distance

affectueuse avec ses personnages, anti-héros.

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ANNEXE (thème du mercredi) :

DOSSIER

Septembre 2005

TIM BURTON

et le pouvoir du générique

Par Alexandre Tylski, Université Toulouse II, France

Dans le cinéma contemporain, Tim Burton fait figure de questionneur du générique de film, lieu identitaire par excellence et a priori peu « réinventé » par les cinéastes et fort peu étudié par les critiques. Comment la notion de générique se manifeste-t-elle dans l’œuvre de Burton ? Et quelles intentions visibles ou masquées un générique de film peut-il cultiver et représenter ?

Logotypes sans gêne

Un film de Tim Burton, on le sait, se reconnaît souvent au détournement du logo inaugural d’une Major (généralement « Warner Bros », ou «

Twentieth Century Fox »), logo légal semblable à un tampon administratif ou à une marque au fer rouge industrielle (1) En refusant de débuter son film après l’apparition d’un logo (d’un lobby ?), Burton entend affirmer la supériorité de son film, de son art, de sa griffe, sur toute marque préfabriquée. Ainsi, lorsque le cinéaste décide de débuter ses films sur les logotypes (au-dessus d’eux) en faisant apparaître soudainement de la neige tombant à même le logo (Edward aux Mains d’Argent, 1991) ou fait passer le logo de la Warner pour une barre de chocolat (Charlie et la Chocolaterie, 2005), il transforme un symbole, une multinationale, en objet miniature (à l’image d’une maison enneigée dans une boule de verre ?) ou en un lieu réel susceptible de subir des intempéries ou d’être enveloppé par la magie. N’est-ce pas d’ailleurs déjà là que s’affichent la fascination de Burton pour le « design » (signes, sigles, sceaux familiaux, etc.), mais surtout le lien artistique fondamental qu’entretient notre réalisateur avec l’industrie du cinéma aux Etats-Unis ? (2) c’est-à-dire son désir immédiat de subvertir cette même industrie et son icono-graphie comme son besoin de croire encore au cirque des Studios et à leur potentielle magie visuelle ?

Génériques génétiques

Est-ce un hasard si tant de génériques d’ouverture chez Tim Burton, souvent signées par Robert Dawson (3), mélangent (dans une confusion parfois étrange) industrie et artisanat, technologie et bout de ficelles, à l’instar des machines en approche ou « en formation » de Mars Attacks ! (1997), des tapis roulant de fabrication à la chaîne (Edward aux mains d’argent), et des mécanismes d’usine semblables à des araignées au travail (Charlie et la Chocolaterie) ? Et lorsqu’il ne s’agit a priori pas de fabrication (au fond, de genèse, de génétique, voire même de généalogie et de destin familial en marche comme dans Batman II, 1992 et Sleepy Hollow, 1999), Burton nous fait plonger et nous fait « traverser » (ses génériques sont souvent semblables à des miroirs de mercure) dans un univers de décors en trompe l’œil et de miniatures. Il en va ainsi de la maquette urbaine dans le générique de Beetlejuice (1986), des vrais faux mauvais décors en carton pâte du générique de Ed Wood (1995) ou encore des formes et des couleurs d’abord difficiles à décoder puis compréhensibles: masque animal pour La Planète des Singes (2001), emblème en forme de chauve souris pour Batman (1989) ou encore ballon pour Luau (1982), film étudiant de Tim Burton. Le pouvoir poétique des génériques de Burton raconte des histoires, des traversées (portes, grilles, souterrains, etc.), des révélations (prises de recul), et préparent presque systématiquement les spectateurs à un monde préfabriqué de faux semblants et de territoires protégés comme à un monde de libération et de création – quasiment tous les protagonistes principaux chez Burton sont d’une façon ou d’une autre, des créateurs capables malgré eux (la plupart du temps) de mettre le monde en lumière.

Génériques généalogiques

Pourtant, derrière ces avalanches de propositions graphiques se trament aussi, en palimpseste recherché et

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revendiqué par l’auteur, des clins d’œil vers d’autres génériques de l’histoire du cinéma. Se greffe ainsi dans l’incipit de Edward, l’âme de Saul Bass et son travail sur l’ouverture de Sueurs Froides (1958) d’A.Hitchcock dans lequel un œil tourne sur lui-même en spirale (figure mortelle que l’on dit aujourd’hui si Burtonienne). Sans oublier Spartacus du même Saul Bass et ses images de sculpture et de mains. De même, on reconnaîtra dans la présentation du laboratoire-atelier d’Edward une référence aux idées graphiques de Ken Strickfaden pour Frankenstein (1931), film réalisé par un membre de la famille artistique de Burton, James Whale. Par ailleurs, l’idée d’un générique dont on ne comprend qu’à la fin ce qu’il représentait, sillonne l’histoire du cinéma et se retrouve entre autres dans l’ouverture d’un film tel que Station 3 (1965) de John Sturges (où l’exploration des tissus sanguins s’avèrent au final l’image d’un nœud d’autoroutes). Quant aux détournements du logo inaugural, Burton est aujourd’hui copié et digéré par l’industrie (peut-on d’ailleurs encore parler aujourd’hui d’audace ou de résistance quand il s’agit de détournement de logo ?) mais cela ne date pas d’hier. Après que des logos aient été remaniés spécialement pour certains films (le Robin des Bois de M.Curtiz, 1938 ou encore Les Dix Commandements de C.B.dMille, 1956), on se rappellera l’avènement des vraies transgressions de logotypes avec des films comme La Souris qui rugissait de Jack Arnold (1959) dans lequel une souris faisait fuir la mannequin mascotte du logo de la Columbia. Mais il y a indéniablement dans l’approche des génériques et des logos chez Burton une volonté manifeste de cultiver une filiation familiale, spirituelle. Ses génériques sont bien souvent de véritables arbres généalogiques dans une vaste forêt hollywoodienne a priori industrielle et sans mémoire.

Le style Burton

Ironiquement, dans Sleepy Hollow, ce sont précisément sous l’apparence de feuilles d’arbres que des noms d’interprètes tombent lentement dans la forêt. Cela reste probablement d’ailleurs un des meilleurs génériques du cinéaste, ceux-là si souvent teintés de mélancolie. Mais on vénère aussi les ancêtres chez Burton lorsque celui-ci associe visuellement les génériques avec des cimetières : hommage aux tombeaux génériques d’Ed Wood dans le film éponyme de Burton, ou encore dans son court-métrage Frankenweenie (1984). Et les musiques de Danny Elfman de compléter définitivement les génériques filiaux de Burton – car Elfman est, à n’en pas douter, un « compositeur générique » à lui tout seul tant les références musicales traversent son univers et transcendent par le haut, et en boucles incessantes, les ouvertures filmiques de Tim Burton. Son irrévérence envers les logos et son attachement non moins têtu à proposer si souvent des génériques audiovisuels marquants font de Tim Burton un cinéaste à part. Mais sa griffe, c’est aussi à la fin, ce désir affiché de donner aux génériques une dimension génétique (cultivant l’artisanat et élevant l’art de la création au-dessus de tout) et généalogique (revendiquant sa famille artistique, son identité, et réfléchissant sa place dans l’histoire du cinéma). Le générique « à la Tim Burton » c’est une déclaration d’indépendance et de dépendances, une note d’intention ou un avant-propos ni trop doux ni trop amer, ou encore, peut-être, un premier aveu identitaire fort mais nébuleux semblable à un « coming out » artistique. De là à affirmer que seuls les grands cinéastes aiment avoir de grands génériques, c’est un tout autre scénario.

Génériques politiques

Il conviendrait en tout cas aujourd’hui de penser peut-être davantage la question du générique, car sa portée esthétique et économique est loin d’être anodine. Né avec D.W. Griffith et la montée en puissance statutaire des cinéastes dans les années 1910, le générique a sans cesse été marqué non seulement par les rapports de force internes (« qui doit être crédité ? » et « comment ? ») et politiques: disparition ou mise à l’écart dans les génériques d’acteurs Arabes dans des films tels que Pépé le Moko (1937) ou de scénaristes accusés par le McCartysme de sympathie communiste. Avec le tournant graphique des années cinquante et soixante, auquel doit beaucoup Tim Burton, le cinéma a cultivé pour son économie même, des génériques plus animés et attractifs (les célèbres ouvertures des James Bond et autres Panthère Rose) mènent parallèlement à la création de génériques volontairement secs et idéologiques, comme ceux inventés par J-L.Godard (Made in USA, 1966). Aujourd’hui, le générique de film continue invariablement à mentir, à masquer, mais aussi à révéler et à résister. Il est un lieu pivot où origines individuelles et collectives méritent de s’agiter plus que jamais, à l’heure de grandissantes carences et luttes identitaires.

Alexandre TYLSKI enseigne l'histoire et l'analyse du générique au cinéma à l'ESAV (Ecole Supérieure d'Audio Visuel), il est directeur de la revue Cadrage, chercheur au LARA (Laboratoire de Recherches en Audiovisuel de l'Université Toulouse Le Mirail) et membre du SFCC Syndicat Français de la Critique de Cinéma. Découvrir notre site Générique & Cinéma: http://www.generique-cinema.net/ Notes (1) le logo marqué au fer rouge d’entrée de film trouve une représentation littérale dans le film produit par les Studios Disney « La Ferme se rebelle ». (2) Au sujet des logos industriels, lire « No Logo » de Naomi Klein, J’ai Lu, 2004 (3) Robert Dawson, graphiste américain méconnu, a signé les génériques des derniers films de Tim Burton de Edward Scissorhands à Big Fish, ainsi que certains génériques de Michael Mann (Ali), Robert Altman (Kansas City), Barbet Schroeder (Murder by Numbers, Desperate Measures, Before and After, Kiss of Death) ou encore Oliver Stone (The Doors, Born on the fourth of July et Salvador)