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Solidarité Rapport de stage au Mexique, du 7 au 20 juillet 2003 « Nous luttons pour défendre les droits du peuple. Arrêtez les privatisations! » Volume 25 n o 2 • novembre 2003

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Solidarité

Rapport de stage au Mexique, du 7 au 20 juillet 2003

« Nous luttons pour défendre les droits du peuple.Arrêtez les privatisations! »

Volume 25 no 2 • novembre 2003

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2 RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

Les petits bateaux…

Vous connaissez la théorie des petits ba-teaux? Dans la foulée des Chicago Boys,dans les années ’75 - ’80 dominées par lesThatcher et Reagan, le néolibéralisme s’ins-talle: la prospérité économique des gran-des entreprises, disent les chantres de cettethéorie, fera disparaître la pauvreté et lechômage, comme la marée qui monte pourles gros bateaux fait aussi monter les pe-tits.

Vicente Fox, président du Mexique depuis2000, adhère comme ses prédécesseurs àcette théorie. Sa politique étrangère, pure-ment néo-libérale, est simple: le libre com-merce augmentera la prospérité et la ri-chesse du Mexique. En conséquence, il fautfavoriser le plus possible l’entrée des capi-taux étrangers. Le Mexique est le pays qui asigné le plus grand nombre d’accords éco-nomiques(28), qui ont favorisé la « vente »du pays par la privatisation de 1100 entre-prises d’état. Parmi ces accords, ceux avecl’Amérique du Nord (ALENA), l’Union euro-péenne, l’Amérique centrale (Traité de librecommerce du triangle du Nord de l’Améri-que centrale - Mexico), en plus des accordsbilatéraux avec le Chili, le Nicaragua, leCosta Rica, le Japon, Israël, sans compter laZLEA, en voie de négociation.

Et pourtant…

• Le taux de chômage dans le secteur desmaquiladoras a augmenté dans les der-

nières années, suite à des délocalisationsvers l’Asie;

• les restructurations entraînent des cou-pures de poste (cf. article sur Volkswagen:coupure de 2 000 postes à l’été 2003);

• les maquiladoras ont un impact négatifsur l’industrie nationale, puisqu’elles neconstituent que des usines d’assemblagede pièces produites ailleurs;

• le salaire minimum réel a baissé de 75 %depuis 1976;

• 60 % des jeunes de 14 à 28 ans sont sansemploi;

• près de la moitié de la population vit dansune situation d’extrême pauvreté, del’économie informelle, sans aucune pro-tection sociale;

• dans le secteur agraire, l’ALENA a éliminéles subventions et a établi des contrôlesphytosanitaires écartant les produitsmexicains;

Mondialisation: le peuple mexicain résiste

L’Eldorado est donc aux USA?

Aux USA, il y a aussi beaucoup de victimes de la globalisation. Par exemple, à El Paso, au Texas, depuis une dizaine d’années:

• chez Levi-Strauss, le salaire est passé de 14 $ à 5.85 $ l’heure;• le taux de chômage est maintenant à 13 %;• beaucoup d’emplois sont délocalisés vers la Chine;• la situation des soins de santé est alarmante; un seul hôpital public dessert la ville;• avec l’augmentation du chômage et des emplois précaires et la baisse des salaires, de plus en plus de familles ne peuvent se

payer d’assurance santé;• dans les années ’70, 80 % des plombiers étaient syndiqués; aujourd’hui, seulement 3 % le sont.

Là aussi, la lutte s’organise: les syndicats AFL-CIO de la région se sont regroupés en un Conseil syndical régional pour augmenterl’efficacité de leur action.

• les importations d’aliments se sont mul-tipliées par quatre depuis l’ALENA; leMexique n’est plus autosuffisant pour lescéréales, aliment de base.

La théorie des petits bateaux n’a donc pasfonctionné… Fox a-t-il changé de straté-gie? Non, car les multinationales amies dugouvernement, elles, y trouvent leurcompte.

Diverses formes de résistance

Les mexicains baissent-ils les bras? Non.Comme nous le verrons dans ce rapport destage, la résistance s’organise et prend desformes multiples:

• proposer et promouvoir une réforme équi-table de la loi du travail;

• réclamer le maintien de la propriété col-lective;

• informer et former les travailleurs sur leursdroits;

• créer des syndicats indépendants;• organiser les citoyens dans leur quartier;• négocier le maintien d’emplois;• initier des campagnes d’appui aux servi-

ces publics;• lutter contre le Plan Puebla-Panama (PPP).

Ce sont toutes ces actions du peuple mexi-cain qui permettront d’élargir les solidari-tés et de rendre notre monde plus démo-cratique et plus solidaire.

CLAIRE LALANDE

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3RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

En 1857, avec l’objectif de réduire le pou-voir de l’Église catholique, de créer une sé-rie de petites propriétés, et de recueillir desfonds pour l’État, le Mexique promulgue laloi dite des «mains mortes», qui vise à con-fisquer toutes les terres qui ne sont pas ex-ploitées pour les revendre à des particuliers.Ce faisant, un grand nombre de terres sontretirées à la très puissante Église catholi-que, mais aussi à des groupes indigènes.Cette mesure se situe dans le courant delibéralisme économique d’alors qui, dans lafoulée de la Révolution française, s’opposeà la monarchie et voit en la propriété pri-vée la base du développement.

Par la suite, le dictateur Porfirio Diaz ouvrela porte aux latifundistes, et les paysansdeviennent des travailleurs engagés sur cesterres qui étaient les leurs auparavant. C’estalors qu’entre en scène le métis indienEmiliano Zapata.

Chef de sa communauté villageoise à partirde 1910, Zapata s’oppose aux grands plan-teurs de canne à sucre soutenus par Díaz.En 1911, il recrute une armée de paysanset, au cri de « Terre et Liberté », il rejoint larévolution mexicaine qui a pour double ob-jectif le renversement de Díaz et la redistri-bution des terres aux petits paysans. Zapatamarche sur Mexico et y entre en 1914. Cettelutte mène à la Constitution de1917 qui reconnaît l’ejido commetype de propriété de la terre. Cen’est qu’avec l’arrivée au pouvoirde Lazaro Cardenas, dans les an-nées ’30, que cette dispositionprend effet.

La propriété éjidale

• Le Ministère de la Réformeagraire répartit les terres auxcommunautés;

• L’assemblée de la communautéélit à tous les trois ans un Con-seil;

• Le Conseil octroie à chaque fa-mille une parcelle de terre de2 à 6 hectares;

• La propriété demeure collec-tive, et la parcelle ne peut êtreni vendue ni louée;

Todos somos indios(Nous sommes tous des indiens)

• Une parcelle non exploitée pendant deuxou trois ans revient aux autres membresde l’ejido.

En 1992, dans le cadre des négociations del’ALENA, Carlos Salinas procède à une ré-forme permettant la vente et la location desterres de l’ejido pour permettre aux inves-tisseurs étrangers de les acquérir. En fait,des pressions sont faites sur les paysanspour qu’ils transforment leur terre éjidaleen propriété privée, puisque le certificat depropriété, émis par l’État, est requis pouravoir accès à l’aide gouvernementale pourles semences ou l’irrigation. Se crée ainsiun néo-latifundisme des multinationalesaméricaines.

La résistance: Terre et Liberté

Le 1er janvier 1994, jour de l’entrée en vi-gueur de l’ALENA, est lancé le manifeste dela Selva Lacandona, manifeste qui, commel’ont fait les révolutionnaires de 1910, ré-clame «T erre et Liberté»: plus d’autonomiepolitique, des droits civils, une répartitionéquitable des terres. Il est appuyé sponta-nément par la population mexicaine. Le 12janvier, une grande manifestation se tientà Mexico. Bien que fiers de leurs origines,les Mexicains métis, soit la grande majoritéde la population, refusent de se dire indiens.

Cette fois, ils sortent dans la rue pour crier:«Nous somme tous des indiens! ». «Ce jour-là, nous dit Esperanza Rascón Cordoba, mi-litante de la lutte zapatiste, nous nous som-mes rendus compte que nous pouvionsquelque chose, que l’espoir était permis.L’optimisme nous est revenu.» Le 16 février1996sont conclus les Accor ds de SanAndrés qui reconnaissent les droits des in-diens.

En 2001, les Zapatistes décident de se ren-dre à Mexico, comme Zapata en 1914. Ilssont sans armes. Leur but est de faire pres-sion sur le président Fox pour qu’il respecteses engagements: ratification des Accordsde San Andrés, libération des prisonnierspolitiques, évacuation des militaires des pro-vinces du sud. Ils arrivent à Mexico le 11mars où une foule de 200 000 personnesles accueille.

Des militaires sont évacués du Chiapas, cer-tains prisonniers politiques sont libérés etle 25 avril de la même année, le Sénat votela «Loi sur les dr oits des indigènes». T oute-fois, cette loi est vide de substance et lesAccords, qui demandent une modificationde la Constitution, ne sont pas ratifiés. En2003, la situation n’est toujours pas réglée.

Selon madame Rascón, le gouvernementtente de réduire la luttezapatiste à une lutte des peu-ples indigènes, mais c’est beau-coup plus que cela. C’est véri-tablement une lutte de libéra-tion nationale, comme le ditd’ailleurs le nom du mouvement(Armée zapatiste de libérationnationale). Elle affirme que lemouvement zapatiste a recons-truit le visage culturel de la na-tion. Il a redonné aux Mexicainsla fierté d’être ce qu’ils sont, leura permis de récupérer leur iden-tité et d’envisager une sortie àla crise que traverse leur pays,en participant à la reconstruc-tion de notre monde.

CLAIRE LALANDE

« Le mouvement zapatiste a reconstruit le visage culturel de lanation. Il a redonné aux Mexicains la fierté d’être

ce qu’ils sont » ESPERANZA RASCÓN CORDOBA

Photo: Imaginaires mexicains, éditions Fides / Musée de la civilisation, p. 65

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4 RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

Quand on va au Mexique, on vit un chan-gement de température et de culture, maispour ce qui est des manufacturiers d’auto-mobiles, « plus ça change, plus c’estpareil!»

Nous avons rencontré des dirigeants du SIV(Syndicat indépendant Volkswagen), soitJosé Luis Rodriguez Salazar, secrétaire gé-néral, et Miguel Angel Galan Hernandez,secrétaire de l’éducation, de la presse et del’information. Ce syndicat de 12 000 tra-vailleurs est membre de l’Union nationaledes travailleurs (UNT), nouvelle centraledémocratique regroupant plus de 1 300 000membres.

La situation dans l’industrieautomobile mexicaine

Depuis 1980, l’industrie automobile mexi-caine cherche à réduire ses coûts de pro-duction. Ainsi, la plupart des marques ontdéplacé leur production à l’intérieur mêmedu Mexique. Auparavant, toute l’industrieétait regroupée au centre du pays, etles tr a-vailleurs avaient de bonnes conditions detravail. Presque toutes les grandes compa-gnies ont maintenant implanté de grandesusines dans le nord du pays, dans les parcsindustriels de maquiladoras, réduisant lerôle de leur usine centrale. C’est le cas deFord, GM, Chrysler (les trois Grands) etaussi de Nissan.

Comme l’usine de GM qui a quitté leCanada pour le Mexique, l’objectif deces entreprises était de diminuer lesdroits dans les conventions collectiveset d’avoir une main-d’œuvre plus flexi-ble et moins chère afin d’être plus con-currentielles. Volkswagen est la seule àavoir conservé sa production complèteà Puebla où toutes les étapes de la cons-truction des unités sont regroupées, desmoules à la fonderie, à la peinture et àl’assemblage.

Par ailleurs, l’industrie automobile atourné de plus en plus sa productionvers l’exportation. Actuellement, envi-

ron 80 % des voitures produites au Mexi-que sont assemblées pour l’exportation.Dans le cas de Volkswagen, les exportationssont de l’ordre de 85 %, dont 65 % auxÉtats-Unis, le reste au Canada, en Améri-que centrale et en Europe.

Volkswagen en perte de vitesse;le syndicat négocie pour sauver

des emplois

En 1990, la production de l’usine deVolkswagen était de 425 000 unités par an.Dans les années qui ont suivi, la productionde la Beetle a diminué. Elle est victime deconcurrence de la nouvelle sous compactede GM, moins coûteuse, dont la popularitéaugmente, même chez les chauffeurs detaxi, détrônant peu à peu dans les rues deMexico la traditionnelle coccinelle verte etblanche. Actuellement 346 000 unités dedivers modèles sont produites chaque an-née. L’entreprise compte réduire ce nombreà 286 000. Depuis 2000, 2 700 emplois ontété coupés. En juin dernier, l’entreprise aannoncé la fermeture de la ligne de laBeetle, et la mise à pied de 2 000 travailleursadditionnels pour août 2003. De plus de1 400 unités par jour, la production tombe-rait à moins de 1 100 (800 Jetta ordinaireset 300 décapotables).

Le syndicat tente de sauver ces emplois ennégociant une diminution de la journée detravail. Une stratégie semblable avait déjàété proposée aux travailleurs il y a quelquesannées, mais ils l’avaient rejetée à quatrecontre un, les conditions proposées étantinsuffisantes pour leur permettre de vivredignement. Cette fois, le mandat de négo-cier une telle entente a été accordé par90 % des membres du syndicat en assem-blée générale, sous réserve d’une accepta-tion au vote individuel de l’entente de prin-cipe éventuelle.

L’employeur est en accord avec le principede la réduction de la semaine de travail pouréviter les mises à pied, mais il veut faire uneentente sans coût, prétendant qu’il paie déjàpar la réduction de la production. Le syndi-cat, quant à lui, est prêt à accepter une di-minution du salaire de base, mais il veut lemaintien à 100 % des prestations diverses.Il s’agirait d’un projet pilote de quatre mois,à renouveler s’il fonctionne bien. Il s’agit enfait de tenir 18 mois, puisqu’en 2005, toutela production mondiale de la Jetta seraitrapatriée à Puebla, et l’usine fonctionneraità pleine capacité. Au moment de notre vi-site, une rencontre au ministère du travailétait organisée avec l’entreprise, en pré-sence d’un conciliateur, pour tenter d’envenir à une entente.

Une manifestation était aussi organi-sée à Puebla en appui au syndicat;15 000 personnes y étaient attendues.

Quelques jours plus tard, nous ap-prenions que Volkswagen voulaitcouper 4 000 postes au Brésil. Dansla semaine qui a suivi, une annoncedans un grand quotidien mexicaindisait que Volkswagen investissait800 millions $ en Chine… Une foisde plus, les grands manufacturierssont toujours prêts à traverser meret monde pour exploiter les pauvreset les démunis… pour devenir eux-mêmes de plus en plus riches…

En solidaridad,DANIEL LAPOINTE

Délocalisation dans l’industrie automobile

« VOLKSWAGEN INVESTIT EN CHINE… MAIS RÉDUIT SON PERSONNEL AU MEXIQUE. »LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE VOLKSWAGEN, BERND PISCHETSRIEDER, LORS DE LA CÉRÉ-MONIE DE LANCEMENT DE LA NOUVELLE USINE EN CHINE. PHOTO TIRÉE DU JOURNAL EL

SOL DE MEXICO, SECTION FINANCES, PAGE 1, LE MERCREDI 6 JUILLET 2003.

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5RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

Un syndicat très représentatif

Lors de notre séjour au Mexique, nousavons rencontré des représentantes etreprésentants du Syndicat des télépho-nistes de la République mexicaine(STRM), employés de la plus grande en-treprise de téléphone au Mexique,TELMEX. Cette entreprise appartenait àl’État mexicain. Elle a été privatisée,comme 1 100 autres, afin de leur per-mettre d’« entrer » dans l’ALENA.

Ce syndicat est présent dans 31 des 32États du pays, et il est le seul syndicaten télécommunication. Il regroupe en-viron 60 000 membres. Il est subdiviséen trois groupes distincts, soit la télé-phonie fixe et sans fil, les centres d’ap-pels, et le télémarketing.

Mondialisation et restructuration,là comme ailleurs

Comme dans beaucoup d’autres pays,un programme de restructuration et demodernisation a été implanté de 1990à 1996, introduisant la concurrencedans ce qui était jadis une entreprised’État. Afin de contrer les pertes d’em-plois découlant de cette restructuration,le syndicat a accepté de réviser au com-plet sa convention collective. Il a, entreautres, réduit les 500 niveaux de salairepour les ramener à 40 niveaux. Il a aussiinjecté des fonds dans l’entreprise parl’acquisition de 4,4 % des actions afind’avoir son mot à dire dans sa gestion.

Les alliances de TELMEX avec des multi-nationales étrangères telles AT&T et MCIont permis de réduire la concurrence de

façon importante. Pour donner unexemple de la férocité du marché, il afallu plus de 100 ans pour installer 13millions de lignes fixes (lignes télépho-niques résidentielles régulières), alorsque moins de 10 ans ont suffi pour dé-ployer plus de 25 millions de télépho-nes sans fil. Le gouvernement, par l’in-termédiaire de la Commission fédéraledes Communications, souhaite réduirele pouvoir encore très grand de cettecompagnie en favorisant l’implantationd’un numéro unique, ce qui ouvrirait laporte à d’autres entreprises.

Un service qui n’est pas accessiblepartout

Lors de la privatisation des télécommu-nications, le gouvernement avait prisl’engagement de rendre le service télé-phonique accessible dans tout le pays.Toutefois, comme c’est parfois le casdans notre pays, les coûts élevés ont étéinvoqués pour ne pas réaliser cette pro-messe. D’autre part, les employés ins-tallent environ 1 400 000 lignes télé-phoniques par année, dont près de400 000 sont débranchées, faute depaiement. Malgré son pouvoir d’inter-vention à cet égard, la Commission fé-dérale ne fait rien pour assurer l’acces-sibilité du service aux citoyennes et ci-toyens des régions éloignées. La com-pagnie se dit d’accord pour investir àcette fin, à condition qu’elle puisse sous-traiter certains services. Les centres d’ap-pels sont, entre autres, visés. Le syndi-cat évalue que cette stratégie vise à évi-ter la syndicalisation de ceux-ci.

Solidarité

Les travailleuses et travailleurs de ce payssont comme nous: confrontés à la mon-dialisation et à la prise de contrôle parcertaines grandes entreprises multina-tionales. Nous devons unir nos efforts,en tant qu’organisations syndicales, afinde tout mettre en œuvre pour contrercette mondialisation et ses conséquen-ces désastreuses sur les niveaux d’em-ploi et de salaire.

RICHARD CHAUMONT

Les travailleurs de la téléphonie

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai rencon-tré des dirigeants du secteur de la métallur-gie dont Benedicto Martinez, secrétaire gé-néral du syndicat national de ce secteur auMexique, ainsi que José Luis Tores, secrétaireresponsable à l’organisation.

Cette rencontre a eu lieu à Mexico, dans lesbureaux du Front authentique du travail(F.A.T), la Centrale syndicale dont est membrece syndicat. Cette centrale a été le fer de lancede plusieurs luttes pour la reconnaissance dudroit à un syndicalisme libre et indépendantau Mexique. Elle a aussi lutté pour l’adoptionde mesures visant à éliminer les iniquités in-cluses dans le Code du travail mexicain.

Le syndicat de la métallurgie regroupe des tra-vailleurs œuvrant dans plusieurs secteursd’activités. Nous les retrouvons dans la cons-truction, la machinerie lourde, la fabricationde pièces d’automobile, et même dans la fa-brication d’épinglettes de toutes sortes.

Grâce à cette rencontre, il nous apparaît évi-dent que le syndicalisme actuel a un défi detaille face à la mondialisation des marchés. Àtitre d’exemple: des travailleurs de Philips auMexique ont vu de leurs usines transféréesen Chine; la compagnie a justifié ce geste enprétextant que les coûts de production étaientmoins élevés dans ce pays. Rappelons-nousque cette entreprise avait fait la même choseavec les travailleurs québécois en fermant sonusine située à St-Jérôme pour la déménagerau Mexique.

Voici un autre exemple éloquent dedélocalisation: la multinationale américaineDANA a fermé une de ses usines aux États-Unis suite à un conflit de travail pour trans-férer ses opérations à son usine au Mexique.

En résumé, il nous apparaît évident qu’il y aurgence d’agir entre travailleurs d’un mêmesecteur industriel. Il faut mettre sur pied desstratégies communes pour contrer ces mul-tinationales qui n’hésitent jamais à poser desgestes afin d’assouvir leur soif incessante deprofits au détriment des travailleurs et de leursfamilles.

DENIS RAINVILLE

Les travailleurs de lamétallurgie au Mexique

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6 RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

Naissance du CETLAC

En 1994, grâce à plusieurs mois d’un travailde fourmi, des dirigeants du Front authen-tique du travail (FAT) tentent de syndiquerune usine de General Electric. L’employeurprocède à des mises à pied, donne des haus-ses de salaires et des primes pour que lestravailleurs renoncent au syndicat, organisedes fêtes pour les familles de sorte qu’aumoment de tenir le vote, même si 70 % desemployés avaient signé leur carte d’adhé-sion au FAT, seulement 20 % voteront pourle syndicat libre.

Le FAT change alors de stratégie. En sep-tembre 1996, il crée le Centre d’études etde formation sur le travail (CETLAC) dans lebut de conscientiser les travailleuses et tra-vailleurs, et de les former à la connaissancede leurs droits. Les ateliers ne sont pas trèspopulaires, car les participants ont l’impres-sion de perdre leurs temps, cette formationne répondant pas à leurs besoins immédiats.

Le développement dedivers secteurs d’activités

Le CETLAC s’ajuste à nouveau. Il développedivers secteurs d’activités qui vont dans le

même sens que ceux du FAT:• la fonction de « conseiller du travail », à la

fois pour les conseils aux personnes quiont des problèmes et pour leur défensedevant les tribunaux;

• la formation sur les droits du travail, parla production de dépliants simples et clairs,distribués aux sorties des maquiladoras;il offre aussi de la formation de base surle budget familial, les ateliers de couture,l’alphabétisation, l’anglais, etc., et de laformation syndicale de 1er et 2e niveau;

• l’organisation syndicale dans lesmaquiladoras, où il a réussi à mettre enplace un syndicat libre, et dans le secteurinformel (l’Union des cireurs de souliers

Le CETLAC, un outil de développement

Témoignage d’Alberto, cireur de souliers de Ciudad Juarez

Nous étions obligés d’être membres du syndicat «officialiste» pour tr availler; nous payions 5 $ US par semaine à ce syndicat, àmême notre maigre revenu, sans recevoir aucun service, seulement pour avoir le droit de travailler dans des conditions miséra-bles. Nos heures de travail sont de 6 h 00 à 19 h 00, sept jours par semaine. Nous avions un important problème d’image; on nousconsidérait comme des pouilleux, des voleurs, des drogués; la police nous chassait des places publiques. De plus, il y avait beau-coup de compétition entre nous.

Avec l’aide du CETLAC, nous avons créé l’Union des cireurs de souliers indépendants. Nous avons alors réussi à obtenir nos permissans passer par le syndicat «officialiste». Le CETLAC nous a ensuite aidés à tr ouver des lieux de travail plus appropriés. Nous avonsobtenu l’autorisation d’installer cinq emplacements à l’intérieur d’une place fréquentée; nous pouvons maintenant travaillerdans des endroits stratégiques, comme des hôpitaux, des aéroports, etc. Nous avons aussi réussi à nous procurer des chaisesconvenables, et un abri pour travailler à l’ombre. Nous nous sommes aussi entendus sur un prix fixe (1,50 $ US), pour éviter unetrop forte compétition qui nuit à tous.

Nous sommes actuellement 21, organisés en véritable union, avec des charges électives, et nous sommes confiants d’augmenterce nombre. Lors de notre dernière réunion, nous nous sommes donnés comme mandat d’amener chacun 1 collègue à la prochainerencontre.

Notre image est améliorée; nous sommes maintenant reconnus et respectés. Pour la 1ère fois, nous avons été invités à marcher àla Fête du 1er mai. Pour la 1ère fois, nous étions considérés comme des travailleurs exerçant un métier digne!

indépendants et l’Union des travailleursambulants), et l’organisation de citoyensdans leur quartier.

L’action des comités de citoyens

Le CETLAC a organisé des comités de ci-toyens dans trois quartiers: la zone du km20, Porcampoa et la Vallée dorée.

La Vallée dorée est très ironiquement nom-mée, puisqu’on y retrouve des habitationsde carton, manquant des normes d’hygièneet de sécurité les plus élémentaires: l’élec-tricité arrive de fils piratés installés très dan-gereusement; l’eau, qui stagne à la portedans des contenants exposés à toutes lescontaminations, est acheminée par un ca-mion citerne; une usine de fluor voisineabrite une montagne de déchets toxiques àl’air libre; les citoyens de ce quartier ont untaux de cancer et de problèmes pulmonai-res très élevé. Malgré les pressions exercéesdepuis près de 20 ans par les citoyens et leCETLAC, l’usine opère toujours. À moyenterme, le but du CETLAC est de conscientiserles citoyens pour les amener à lutter pourdes conditions plus dignes.

CLAIRE LALANDEUNE MONTAGNE DE DÉCHETS TOXIQUES DE PHOSPHORE

PRÈS D’UN QUARTIER POPULAIRE

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7RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

Une place importanteà l’éducation citoyenne

Notre séjour au Mexique nous a permisd’aborder le secteur de l’éducation sous plu-sieurs aspects. Grâce à des rencontres avecdes représentants du RORAC (FondacionRoberto Rivas A.C.) à Temamatla, duCETLAC, et de la CASA AMIGA à CiudadJuarez, nous avons pu constater les ef-forts importants de groupes engagés pourune éducation non formelle orientée versla prise en charge démocratique des com-munautés et le respect des droits, spéciale-ment les droits syndicaux et les droits desfemmes.

De l’alphabétisation à l’éducation économi-que pour la mise en place d’une coopéra-tive éco-touristique et de sylviculture, ou àla formation de formateurs, le RORAC in-tervient auprès des groupes populaires etcommunautaires dans la région deTemamatla, au sud-est de Mexico.

Soutenu par le FAT, le CETLAC insiste surl’éducation aux droits syndicaux et auxdroits démocratiques (cf. Le CETLAC, un outilde développement).

Quant à elle, la CASA AMIGA intervient defaçon prioritaire auprès des femmes de larégion de Ciudad Juarez, à la frontière norddu Mexique. C’est dans cette ville que nousretrouvons la plus grande concentration demaquiladoras au Mexique. Modifier la cul-ture pour que disparaisse le machisme, etpour que les hommes cessent de dominerles femmes, constitue la motivation pre-mière de ce groupe communautaire. Cetteéducation non formelle se fait de multiplesfaçons:

• ateliers de conscientisation et de forma-tion pour les adultes sur la violence fami-liale, l’inceste, les droits de la personne,etc.;

• travail avec l’université pour des atelierspour les hommes;

• travail de conscientisation dans lesmaquiladoras (hommes et femmes);

• formation dans les écoles, à l’aide d’unthéâtre de marionnettes, suivie de renfor-cement par un cahier à dessiner: Moncorps est à moi;

• éducation sexuelle et planification desnaissances pour les adolescentes.

Tout cela sans compter les appuis aux fem-mes victimes de violence, les pressions pourobtenir des refuges, et de véritables enquê-tes sur les milliers de disparitions de fem-mes et de jeunes filles.

Un groupe dissident très actif

Du côté de l’éducation formelle, nous avonspu rencontrer plusieurs militantes et mili-tants de la Coordinadora, section dissidentedu S.N.T.E. (Syndicat national des travailleursde l’éducation), 1 300 000 membres, le plusgrand syndicat mexicain, très proche du PRI(Parti révolutionnaire institutionnel).

Dans le cadre de l’ALENA, de l’influence in-ternationale en faveur de la privatisationet du gouvernement de droite du présidentFox, l’éducation publique au Mexique subitdes pressions énormes. Trente pour cent desélèves mexicains fréquentent actuellementdes écoles privées. Les principaux reprochesde ce groupe dissident significatif et trèsactif à l’endroit de la direction du SNTE con-cernent la complaisance à l’égard du pou-voir, l’absence de revendications sur le man-que de moyens et de ressources, le silencesur la réforme de la sécurité sociale pourles employées et employés de l’État, l’ab-sence de démocratie et de transparence

dans la direction du syndicat, et sur l’utili-sation des cotisations syndicales.

Ces revendications, partagées par des mem-bres de plusieurs autres syndicats, sont sou-tenues par une mobilisation importante(réunions, marches, caravanes) qui a connuson apogée le 1er mai dernier avec une ma-nifestation d’un million de personnes àMexico.

Des enjeux importantsau niveau universitaire

Nous avons également rencontré des porte-parole d’un syndicat de l’enseignement su-périeur, le STUNAM (Syndicat des tra-vailleurs de l’Université autonome deMexico). De 1980 à aujourd’hui, le nombred’étudiants a diminué de 30 %, passant de400 000 à 280 000. Cette baisse est dueprincipalement à des coupures de budget,et à l’absence de développement de nou-veaux campus. En même temps, les univer-sités privées attirent 30 % des élèves.

Plusieurs syndicats universitaires se sontregroupés vers 1997 dans une large coali-tion à la défense des universités publiquespour l’augmentation des budgets et contrele processus de privatisation. Plusieursmembres considèrent certains de leurs lea-ders comme des charros ou des néo-charros, nom donné aux dirigeants syndi-caux «pourris», tr op près du pouvoir, quiusurpent pouvoir et argent. Le Syndicat aaussi appuyé une grève de deux ans des étu-diants de l’UNAM en faveur de la gratuitédes cours, du gel des frais afférents et desconditions d’accès aux diverses facultés.

L’éducation face à la mondialisationnéo-libérale

Les lois du marché et la mondialisation néo-libérale exercent donc une très forte pres-sion sur tous les secteurs de l’éducation for-melle et non formelle. Tous les militants ren-contrés voient dans les regroupements syn-dicaux et populaires, continentaux ou in-ternationaux, un moyen essentiel de dé-montrer solidarité et compréhension, et departager les stratégies de lutte.

ALAIN PÉLISSIER

L’éducation formelle et informelle, enjeux et défis

UN EX-ENSEIGNANT DU QUÉBEC AVEC DEUX JEUNES MEXICAINES

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8 RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

La Constitution mexicaine oblige que « laloi comprenne des assurances d’invalidité,de vieillesse, de vie, de cessation involon-taire de travail, de maladie et d’accident, etdes service de garderie ». De là naquit auMexique un concept large de santé, vue nonseulement comme l’absence de maladie,d’infirmité ou d’invalidité, mais aussi commela jouissance d’un bien-être physique, men-tal et social.

Le système se divise en quatre réseaux pa-rallèles:

a) L’Institut mexicain de sécurité sociale(IMSS) regroupe 378 000 travailleurs,membres du Syndicat national des tra-vailleurs de la Sécurité sociale (SNTSS),divisés en 214 catégories d’emploi:buandiers, chauffeurs, responsables decamps de vacances, techniciens en com-munications, brancardiers, infirmières,médecins, etc.

Ce système est accessible aux travailleuseset travailleurs du secteur formel et à leurfamille, soit environ 50 % de la population.Il offre une couverture complète de servi-ces sociaux et de santé: cliniques de pre-mière ligne, hôpitaux de zone et hôpitauxspécialisés, médicaments, assurance-salaire,écoles de réinsertion professionnelle, campsde vacances, boutiques pour les assurés.

b) L’ISSSTE (Institut de santé et sécurité so-ciale des travailleurs de l’État) est trèssemblable au précédent; il couvre les em-ployés de l’État et leur famille, soit 2 à3 % de la population.

c) Le système privé se développe en paral-lèle aux deux précédents. Dix pour centde la population y a recours… les plus ri-ches qui ne veulent pas attendre.

d) Le système public couvre le reste de lapopulation, soit plus de 45 %; il est ex-trêmement déficient et insuffisant: pasd’infrastructures, pas de médicaments, pasde personnel qualifié… De plus, une fac-turation de base est imposée. Elle estbasse, (1 $ US pour une consultation mé-dicale), mais inaccessible pour unebonne partie de la population.

Les enjeux et défis

a) Concertation État-syndicat

Une des caractéristiques de la société mexi-caine est la concertation État-syndicat.Ainsi, le secrétaire général du SNTSS estaussi député du PRI(le parti de centr e-droite qui a dirigé le pays 70 ans), un secré-taire général de section est candidat du PRD(parti de centre-gauche), et un ex-secrétairegénéral est candidat du Parti Convergence.Le journal du syndicat consacrait d’ailleursune page à leur publicité électorale. Les can-didats justifient ce choix par une volontéde défendre leur vision du système de santéde l’intérieur du gouvernement.

b) Système public

Vicente Fox, dans le cadre de sa campagneaux législatives de 2000, a promis de met-tre sur pied un système universel de soinsde santé. Le programme serait financé parle fédéral, les États et les usagers. Malgréun vote favorable de 60 % à ce projet à laChambre des députés en avril 2003, leSNTSS est sceptique sur sa mise en place,car il n’y a ni infrastructure, ni ressourceshumaines, ni budget. Selon le gouverne-ment, les infrastructures seraient financéespar des fonds privés, ce que le SNTSS dé-nonce, puisque ce serait le début de la pri-vatisation de tout le système. Il s’opposeaussi au projet du gouvernement de fairepayer les usagers, contrairement à ce queprévoit la Constitution.

c) Privatisation et coupures

La convention collective du SNTSS prohibetoute forme de sous-traitance, mais l’Insti-tut de santé et de sécurité sociale des tra-vailleurs de l’État (ISSSTE), dont la conven-tion ne bénéficie pas d’une telle protection,a déjà privatisé la buanderie et la cuisine,privatisation qui pourrait s’étendre.

La stratégie du gouvernement pour atta-quer l’Institut mexicain de sécurité sociale(IMSS) est de couper les fonds: 20 000 tra-vailleurs manquent; cela crée des listes d’at-tente et des frustrations chez les usagers,permettant au gouvernement de prétendreque le système ne fonctionne pas et qu’ildoit être privatisé.

Stratégies syndicales

La réponse du syndicat de la santé est defaire une campagne visant à démontrer quec’est à cause du gouvernement et de sescoupures à la Thatcher que l’IMSS ne fonc-tionne pas comme il le devrait.

Le syndicat avait aussi adhéré à un «planintégral de qualité», un engagement auprèsde la population à améliorer les services. Deséquipes paritaires (travailleurs et adminis-trateurs) avaient été mises en place. Ce pro-jet a produit certaines avancées, mais aéchoué à plusieurs endroits à cause du man-que de ressources financières.

L’effort a repris sous une autre forme, unProgramme d’amélioration de la médecinefamiliale, paritaire aussi. Il vise à améliorerpar des petits moyens concrets les servicesde première ligne dans les cliniques, là oùse donnent 85 % des soins de santé. Unprogramme pilote a été implanté dans huitcliniques pendant huit mois. En avril 2003,le syndicat a convenu d’élargir ce pro-gramme à 106 cliniques, sur les 350 quecompte le pays.

Le prochain défi pour le syndicat sera d’as-socier la société civile à la défense des soinsde santé. À cet égard, le SNTSS est très in-téressé par l’expérience québécoise de laCoalition solidarité santé.

CLAIRE LALANDE

Un système de santé pour tous?

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9RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

La Loi du travail du Mexique découle de laRévolution de 1910 - 1920 qui a produit laConstitution de 1917; elle donne aux tra-vailleurs le droit de se syndiquer et de fairela grève, une protection aux femmes et auxenfants, la journée de huit heures, et un sa-laire de base. Au moment de leur adoption,ces dispositions étaient les plus progressis-tes au monde.

Ce n’est toutefois qu’en 1931 qu’a pris ef-fet la Loi fédérale du travail. Elle reconnaîtle droit de se constituer en association; elleétablit aussi la règle de la concertationemployeurs - employés où l’État agit en ar-bitre neutre.

Par ailleurs, le Mexique a adhéré rapidementaux conventions internationales de l’OIT(Organisation internationale du travail),notamment la 87e sur la liberté syndicaleet la protection du droit syndical (1948) etla 98e sur le droit d’organisation et de né-gociation collective (1949) auxquelles leCanada n’a pas encore adhéré.

Même si ces mesures ont produit pour lestravailleuses et travailleurs des bénéficesréels, elles ont maintenant pour effet demaintenir un statu quo où la liberté syndi-cale n’existe pas, où le droit de grève esttellement encadré qu’il est peu applicableet où les bénéfices ne sont que pour les di-rigeants « charros» (vendus).

La vision du PAN:plus de « flexibilité »

Dans les années ’80, à la faveur du mouve-ment de privatisation et d’ouverture auxcapitaux étrangers, les pressions commen-cent pour une modification de la Loi du tra-vail. Diverses propositions ont été tentées;toutes ont échoué.

La nouvelle proposition du PAN (Parti del’action nationale) de Vicente Fox parle d’op-portunités pour les travailleurs qualifiés etproductifs, dans des entreprises technologi-quement avancées. Malgré des phrases ron-flantes sur la collaboration et les intérêtscommuns, elle représente une tentative derenforcer le contrôle de l’État sur les syndi-cats, de donner plus de pouvoirs aux em-ployeurs, en particulier en matière de flexi-

bilité, et d’éliminer des droits et protectionsdes travailleuses et travailleurs. Cette pro-position rend quasi impossible le change-ment de syndicat, la création d’un syndicatindépendant ou l’exercice du droit de grève.Elle vise à plaire en premier lieu aux inves-tisseurs étrangers et elle renforce le systèmecorporatiste actuel.

La proposition PRD-UNT:droits collectifs et démocratie

Une première toutefois: un siège a été ré-servé au syndicalisme indépendant dans leprocessus de consultation. L’UNT (Unionnationale des travailleurs) y a été déléguée.Elle fait la promotion d’une réforme con-çue avec le PRD (Parti de la révolution dé-mocratique) pour lutter contre le corpora-tisme et la corruption. La proposition PRD-UNT vise à permettre aux travailleuses ettravailleurs d’exercer librement leur droit dese syndiquer, de négocier et de faire la grève.Les changements frappent au cœur du sys-tème corporatiste actuel et visent l’indépen-dance des partis politiques. Les grands mo-ments auxquels cette réforme s’applique-rait sont:

• lors de la naissance du syndicat; actuelle-ment, une pratique très répandue est celledes «syndicats fantômes»: l’employeurqui veut installer une entreprise, avantmême de la créer, choisit son syndicat etsigne une convention collective à laquelleles travailleurs n’auront jamais accès etqui, la plupart du temps, ne sera pasrenégociée… 80 à 90 % des syndicats créésentreraient dans cette catégorie.

La réforme PRD-UNT demande plus de dé-mocratie: enregistrement libre et registrepublic des syndicats et des conventions col-lectives; champ de juridiction libre; électionsau scrutin secret; identification de la duréede la convention collective et du momentde la renégociation.

• lors d’un changement de syndicat; la plu-part des travailleurs ne savent même pass’ils sont syndiqués, à moins que, révoltésde leurs conditions de travail, ils tententde se constituer en syndicat libre pouralors se faire opposer par l’employeur etle syndicat «charr o» l’enr egistrement dusyndicat fantôme; le changement de syn-dicat est extrêmement compliqué.

La réforme PRD-UNT demande l’applicationdes mêmes règles démocratiques que lorsde la naissance d’un syndicat.

• lors d’un jugement sur un conflit de tra-vail; la Loi du travail établit des «Juntas »de conciliation et d’arbitrage qui sontcomposées d’un représentant de l’em-ployeur, du syndicat, et du gouvernement;l’État devient ainsi l’arbitre des relationsdu travail, un rôle qui s’est renforcé avecle temps.

La demande du PRD-UNT est de passer ausystème d’un juge unique et indépendant,qui ait une formation juridique, afin d’as-surer un système neutre et rapide.

Comme on le voit, le syndicalisme indépen-dant tente une fois de plus de vaincre lacorruption qui s’est installée au fil des an-nées dans le syndicalisme «officialiste», etd’obtenir, malgré le contexte de globali-sation, des droits collectifs et la démocra-tie.

CLAIRE LALANDE

La loi du travail: entre flexibilité et démocratie

LIBERTÉ SYNDICALE – NON À LA RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL!

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10 RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

La Constitution mexicaine stipule (extraits): « Le salaire mini-mum doit être suffisant pour satisfaire les besoins normauxd’un chef de famille, au niveau matériel, social et culturel, etpour lui permettre de donner accès à l’éducation obligatoireà ses enfants. Toute entreprise est obligée de fournir aux tra-vailleurs des logements confortables et hygiéniques, en par-ticipant à un fonds national de logement. Un espace de ter-rain doit être réservé pour un marché public, des édifices pourles services municipaux et un centre récréatif. Les entreprisesdoivent fournir de la formation à leurs employés. Les entre-prises sont responsables des accidents du travail et des mala-dies professionnelles. Les familles des travailleurs ont droit àl’assistance médicale et aux médicaments. Il y aura des cen-tres pour les vacances et le repos et des boutiques pour lestravailleurs et leur famille. »

De là l’approche que l’on retrouve dans les conventions col-lectives, où tous les secteurs de la vie sont couverts. La listequi suit présente un résumé des bénéfices financiers (indi-qués en dollars US pour une compréhension plus facile) de laconvention collective de 472 pages des 378 000 membres duSyndicat national des travailleurs de la Sécurité sociale (SNTSS).

1. Conditions de travail et de salaire

• salaire de base: médecin de famille: 556 $ par mois; infir-mière générale: 319 $ par mois; éducatrice en garderie:316 $ par mois; opérateur de service de buanderie: 243 $par mois; déductions (généralement applicables seulementsur le salaire de base): impôts, cotisation syndicale 2 %, pro-gramme d’assurance 10%, fonds d’aide pour incapacité to-tale permanente, retraite 3 %;

• journée et semaine de travail: une journée de 8 heures in-clut une pause de 30 minutes pour manger(journée de6 1/2 heures:15 minutes); pour une journée discontinue,augmentation de 10 %; la semaine de travail est de 5 jours,du lundi au vendredi; le dimanche, prime de 25 %;

• temps supplémentaire: il est facultatif et payé en double;un jour de repos hebdomadaire, en triple; si c’est en plus unjour férié, en quadruple;

• vacances: 16 à 20 jours; s’ajoute le paiement d’une aide pouractivités culturelles et récréatives de 23 à 31 jours selonl’ancienneté; à 20 ans d’ancienneté s’ajoute, au choix, l’unedes dispositions suivantes:• 10 jours de vacances et 10 jours de paiement d’aide pour

activités…• 30 jours de paiement d’aide pour activités…• 30 jours de préretraite;

• stimulation pour ponctualité, assiduité, performance: si, pen-dant toute une quinzaine, une personne rentre au travail

dans les 5 premières minutes de son horaire, elle reçoit2 jours de salaire additionnels;si elle travaille les 10 jours de la quinzaine, elle reçoit troisjours de salaire;si elle se surpasse dans son travail, elle reçoit une note demérite qui lui vaut un jour de salaire; à chaque 10 notes demérite, elle reçoit un jour de plus;

• perfectionnement : mise à jour, formation, entraînement,orientation, gérés par des comités paritaires, sur temps detravail;congé de perfectionnement avec solde (sans solde pour for-mation pour un emploi non existant dans l’institution);réduction de la journée de travail de 2 % avec plein salaire,pour formation pour un poste de promotion;accès à un programme de bourses d’études, géré par descomités paritaires: aide économique pour le transport, lesfrais, les livres et les frais de subsistance; priorité aux bour-siers et aux enfants des travailleurs ou des retraités dans lesécoles de formation en sciences médicales;

• ancienneté: versement d’une prime prévue par la Loi du tra-vail;

• «aguinaldo» (gratification annuelle, étrennes): 3 mois desalaire;

• «utilidades» (partage des profits): selon la Loi du travail, 10%;

• fonds d’épargne: 45 jours de salaire.

2. Prestations sociales

• assurance-maladie: médicale, dentaire, oculaire, pharma-ceutique;

• assurance-salaire: de 60 % à 100 % de la prestation, selonle service; pour un accident de travail ou une maladie pro-fessionnelle, de 80 % à 100 %;

• maternité: 90 jours de congé de maternité, plus une layette,plus du lait pour 10 mois; pour l’allaitement, deux arrêts de30 minutes par jour;

• garderie: ouverte de 6 h 30 à 21 h 45; fournie de 45 jours à6 ans, aliments et services médicaux compris (compensa-tion, s’il n’y a pas de garderie disponible);

• habitation: aide pour le logement: 40 $/mois; à l’achat,26 % du salaire de base, plus 60 à 270 jours de salaire, selonl’ancienneté; prêts hypothécaires aux travailleurs d’au moinstrois ans d’ancienneté, octroyés en tenant compte de l’assi-duité: 4 500 prêts hypothécaires (durée maximale 25 ans),représentant au maximum 75 fois le salaire mensuel; aidepour les frais de notaire; prêt de 8 % de l’hypothèque, surtrois ans, sans intérêt;

• retraite: de 50 % de la prestation jusqu’à 100 % après 30ans de service; la prestation inclut: le salaire de base, l’aide

Une convention collective parapluie…elle couvre tout, de la naissance à la mort *

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11RAPPORT DE STAGE AU MEXIQUE, 2003

au logement, la prime d’ancienneté, la prime de vivres, lesprimes pour coût élevé de la vie et zone isolée, la primepour horaire discontinu, la prime pour insalubrité, la grati-fication annuelle, et quelques autres éléments; cette pres-tation est augmentée de 25 % à titre de gratification an-nuelle; elle donne droit à l’assurance médicale et oculairepour le travailleur et sa famille;au départ pour la retraite, à partir de 15 ans d’ancienneté,versement de 12 jours de salaire par année de service;

• assurance-vie: au décès, versement aux ayants droit de 180jours de salaire + 50 jours par année de service + 100 joursde salaire pour frais d’inhumation + 3 000 $ à 6 000 $selon les circonstances du décès;

• crédit: anticipation de salaire ou de prestation de retraiteou d’assurance-salaire (jusqu’à trois mois par année, sansfrais d’intérêt); octroi de crédit à des taux avantageux;

• prime de vivres: 20 $ /2 semaines, pour nourriture et vête-ments, dans des commerces agréés par le syndicat; com-pensation pour un coût de la vie plus élevé qu’à Mexico;repas fournis pour les personnes qui travaillent dans leshôpitaux, dans certaines circonstances;

• boutiques: escomptes de 40 % (maximum 10 $ chaque fois)pour les travailleurs et leur famille dans les boutiques del’institution, et possibilité d’obtenir crédit;

• automobile: 7 500 crédits accordés pour acheter une auto-mobile (maximum 24 mois de salaire, remboursement sur5 ans) + négociation avec des fabricants pour des rabaisaux travailleurs;

3. Prestations culturelles, sportives et récréatives

• tourisme: programmes récréatifs, culturels et sportifs etvacances pour les enfants de 6 à 15 ans dans les installa-tions de l’institution + 50 % d’escompte dans ses stationsbalnéaires et ses campings + 10% d’escompte dans des cen-tres récréatifs;

• accès à une bibliothèque à jour;• pour stimuler la pratique des sports, le salaire lors des acti-

vités sportives est payé aux sportifs sélectionnés par le syn-dicat.

4. Droits syndicaux

• congés avec solde pour la participation à des activités di-verses (Congrès, ateliers, perfectionnement, etc.).

5. Sommes remises annuellement au syndicat(à répartir entre les sections)

• pour des activités de reconnaissance, des hommages et desfêtes:

pour les personnes retraitées: 288 000 $; pour le personnelinfirmier: 720 000 $; pour le personnel médical: 720 000 $;pour le personnel technico-administratif: 720 000 $; pourle personnel d’intendance, d’entretien et de transport:720 000$; pour le personnel non listé: 576 000 $;pour distribution de jouets le 1er dimanche de janvier auxenfants des travailleuses et travailleurs: 2 592 000 $.

• pour l’organisation d’activités sportives dans les parcs del’institution, que celle-ci entretient, en plus des frais de dé-placement et du coût des ressources humaines requises:1 440 000 $;

• pour le tourisme social, mensuellement: 67 550 $, et an-nuellement: 2 880 000 $;

• pour les programmes éducatifs du syndicat: 3 840 000$;pour le système de formation syndicale: 720 000 $;

• sommes remises mensuellement, pour le fonctionnementdu syndicat:1 500 $ au national + 60 $ pour chacun de ses édifices àMexico; 750 $ par section + 375 $ pour les secteurs éloi-gnés + 180 $ pour les bureaux locaux;remboursement, selon les disponibilités budgétaires pourla tenue de congrès, conseils, réunions;fourniture au syndicat de meubles et d’équipement pourtous ses édifices.

Les conventions collectives ne sont pas toutes aussi complè-tes que celle du puissant SNTSS, mais toutes ont cette ap-proche, que l’on pourrait qualifier de paternaliste, à l’effetque l’entreprise, surtout si elle est étatique, a la responsabi-lité d’appuyer le travailleur dans toutes ses activités, tant auplan du travail qu’aux plans social, culturel et récréatif. Dansce système corporatiste, le rôle du syndicat est très valorisé,puisqu’il distribue un grand nombre de gratifications à sesmembres. Il faut aussi signaler que le revenu des familles restebas puisque, bien que très diversifiées, les gratifications nepermettent pas un niveau de vie élevé.

CLAIRE LALANDE

* Cette convention ne s’applique qu’aux travailleurs de lasanté de l’État qui, grâce à tous ces gains obtenus au fil dedécennies, se considèrent comme une minorité privilégiée auMexique. Ce syndicat, bien qu’il ait été lié au gouvernementdurant des décennies, appartient désormais à la nouvelle Cen-trale démocratique, UNT.

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Solidarité est une publication du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)Nouvelle adresse: 565 Crémazie est, bureau 3500, Montréal Qc H2M 2V6Tél.: (514) 383-2266 Télécopieur: (514) 383-1143 / Courriel: [email protected] / Site internet: www.ciso.qc.caCoordination: Roger Saucier / Rédaction: Claire Lalande, Richard Chaumont, Daniel Lapointe, Alain Pélis-sier, Denis Rainville, Roger SaucierPhotos: Richard Chaumont, Denis Rainville / Infographisme: Louise GravelDépôt légal: Bibliothèque nationale du Québec

Ce stage a été rendu possible grâce à une contribution financière de l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

Liste des rencontres réalisées au cours de ce séjour

1. Réseau mexicain d’action face au libre-échange (RMALC)2. Front authentique du travail (FAT)3. Dirigeants du Syndicat de la métallurgie du FAT (STIMAHCS)4. Syndicat national des travailleurs des services sociaux (SNTSS)5. Syndicat des téléphonistes de la République du Mexique (STRM)6. Coordination nationale des travailleurs de l’enseignement (CNTE)7. Syndicat des travailleurs de l’Université nationale autonome de Mexico (STUNAM)8. Syndicat indépendant démocratique des travailleurs de la pêche et de l’aquaculture (SIDTPA)9. Syndicat indépendant de Volkswagen (SIV)10. Situation du Mouvement zapatiste11. Philosophie et activités de la Fondation RORAC appuyant le mouvement paysan de la région de Temamatla12. Impacts de l’ALENA sur les travailleurs et la population mexicaine après neuf années13. La réforme envisagée à la Loi du travail14. Des travailleuses et travailleurs en lutte dans la capitale Mexico15. Visites de parcs industriels d’usines maquiladoras16. Animatrices et animateurs du Centre d’études et de formation sur le travail (CETLAC) à Juarez17. Dirigeants syndicaux de l’AFL-CIO à El Paso, Texas18. Visite de quartiers populaires de travailleurs19. Échanges avec des travailleurs de maquiladoras, des vendeurs ambulants, etc.20. Casa Amiga, une maison de formation et d’aide aux femmes violentées et assassinées de Juarez

Ce dossier Solidarité sur le Mexique est un complément de ceuxpubliés auparavant:• Novembre 2002, Vers où nous mène la mondialisation ? (Vol.

24 no 2)• Décembre 2000: Dans le contexte de la mondialisation, la

nouvelle démocratie mexicaine, un espoir pour le peuplemexicain ? (Vol. 22, no 3)

LE GROUPE DES STAGIAIRES AU MEXIQUE EN 2003. DE GAUCHE À DROITE: ALAIN PÉLISSIER, DENIS RAINVILLE,CLAIRE LALANDE, DANIEL LAPOINTE, RICHARD CHAUMONT ET ROGER SAUCIER