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    Unedited versionPublished as Du dilemme du prisonnier au jeu dintgration - Linternationalisation

    de lincrimination pnale de corruption active transnationaleinD. Dormoy (ed),La corruption et le droit international

    (Bruxelles, Bruylant, 2010) 169-218.

    DU DILEMME DU PRISONNIER AU JEU DINTEGRATION

    LINTERNATIONALISATION DE LINCRIMINATION PENALE DE CORRUPTION

    ACTIVE TRANSNATIONALE

    Yannick RadiChercheur lInstitut Universitaire Europen

    Lutopie est la ralit de demain.

    Victor Hugo

    Introduction

    Proccups par la gravit des problmes que pose la corruption et de la menace

    quelle constitue pour la stabilit et la scurit des socits, en sapant les institutions et les

    valeurs dmocratiques, les valeurs thiques et la justice et en compromettant le

    dveloppement durable et ltat de droit [] , les peuples des Nations Unies ont grav

    dans le marbre dune convention mondiale leur rprobation de la corruption et leurdtermination lutter contre ce flau social.1

    Sil est vrai que cette condamnation unanime est rcente, on aurait toutefois tort de

    penser que la corruption est un mal contemporain, caus selon les uns, par un excs de

    bureaucratisme centralis, selon les autres, par un libralisme sauvage. La corruption est en

    effet un phnomne millnaire, immanent tout agrgat social. Ainsi, elle a accompagn au

    cours des sicles llargissement des cercles sociaux, pour affecter aujourdhui la socitinternationale. Avec louverture des frontires et lintensification des changes internationaux,

    la corruption a effectivement acquis une dimension transnationale, touchant des socits

    tatiques interdpendantes, et transformant par la mme ce problme de chacun en un

    problme commun.

    1Alina premier du Prambule de la Convention des Nations Unies contre la corruption, ouverte la signature le

    11 dcembre 2003, entre en vigueur le 14 dcembre 2005, Doc. A/58/422 ; disponible ladresse internet :http://www.unodc.org/pdf/corruption/publications_unodc_convention-f.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier2008).

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    Afin de sauvegarder la stabilit politique et conomique des Etats ainsi que les droits

    humains, individuels et collectifs, seule une raction commune est mme de lutter contre ce

    flau si profondment ancr dans les murs dici et dailleurs. Au-del de la seule rprobation

    morale universelle, il est ncessaire darmer de la force du droit cette condamnation de la

    corruption.

    Dans cette perspective, il convient au pralable de cerner le phnomne. A cet gard,

    force est de constater que, malgr son universalit, il est plus juste dvoquer les pratiques de

    corruption, plutt que la corruption en tant que pratique uniforme. Celle-ci se pare en effet des

    atours tisss par les interactions sociales contingentes. Multiforme, la corruption peut

    cependant tre identifie par des caractristiques gnrales.2

    Tout dabord, dun point de vue finaliste, lauteur de lacte de corruption vise

    intentionnellement ce que, moyennant un avantage indu, le destinataire naccomplisse pas

    normalement - sous la forme dune action ou dune omission - ses fonctions. Cet acte peut

    survenir loccasion de transactions commerciales, ou bien tre plus gnralement li toute

    opration remettant en cause laccomplissement normal de ses fonctions par le destinataire de

    la pratique de corruption. On notera ici que, au-del des particularismes culturels, la

    distinction entre les actes proscrits et ceux licites est parfois dlicate oprer, et cela, mme

    au sein dune socit homogne.

    Ensuite, dun point de vue organique, la corruption a un double visage , passif et

    actif , mettant en scne lauteur de lacte de corruption et son destinataire. Cet acte qui

    mane dune personne physique ou morale de droit priv, peut tre destin corrompre, soit

    un agent public, soit une autre personne physique ou morale de droit priv. Le drame peutainsi avoir pour dcors, respectivement, le secteur public ou le secteur priv.

    2 Ces caractristiques principales se retrouvent dans la dfinition gnrale de la corruption fournie par leProfesseur Cornu : Dtournement ou trafic ; dite passive lorsquun individu se laisse acheter au moyendoffres, promesses, dons, prsents ou un avantage quelconque en vue daccomplir un acte de sa fonction ou desen abstenir ; active lorsquun individu rmunre par les mmes moyens la complaisance dun professionnel.

    CORNU (G.), Vocabulaire Juridique, P.U.F., 2007, p. 246. A ce stade du rapport, seules sont prsentes cescaractristiques principales de la corruption, les prcisions complmentaires ncessaires cette tude tantfournies au cours des dveloppements.

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    Le prsent rapport porte sur ltude des pratiques de corruption active se dveloppant dans ces

    deux secteurs. Plus prcisment, seront ici traites les corruptions transnationales, prsentant

    donc un lment dextranit, lexclusion des corruptions domestiques.3

    Les pratiques de corruption identifies, il est prsent possible denvisager les

    manires de les combattre. Le caractre endmique de la corruption constitue sans aucun

    doute lobstacle majeur et llment central en fonction duquel la stratgie internationale doit

    tre btie. Mme parmi les agents les plus vertueux, la volont de ne pas se livrer des actes

    de corruption peut tre altre par le recours de leurs concurrents de telles pratiques. Au

    regard du dsavantage concurrentiel auquel ils sont confronts, certains peuvent ainsi tre

    conduits cder aux mmes pratiques. A la lumire de cette situation, il convient que soit

    tablie une rglementation internationale dissuadant les agents de se livrer des actes de

    corruption, et ce, en les prohibant et les sanctionnant efficacement et uniformment.

    Dans cette perspective, la difficult a pendant longtemps rsid dans le fait que, profondment

    concerns par le sort de leurs entreprises, les Etats se trouvaient enferms dans une sorte de

    dilemme du prisonnier . Malgr la conscience des consquences dramatiques de la

    corruption et de lintrt de cooprer pour la combattre, au niveau non officiel, on

    considrait souvent quaprs tout, le fait dobtenir des marchs ltranger, mme avec la

    corruption, pouvait aider combattre le chmage et amliorer la balance des paiements de

    son propre pays .4Ainsi, malgr la condamnation unanime des Etats, la quasi-absence de

    toute lgislation nationale incriminant la corruption transnationale attestait de lexistence de

    ce dilemme du prisonnier .

    Au regard de cet obstacle sur la voie de lincrimination de la corruption transnationale,

    comment les Etats sont-ils parvenus renforcer leur coordination? Ils ont en fait changd aire de jeu , convertissant ce dilemme du prisonnier en un jeu de coopration .

    Les Professeurs Ginsburg et MacAdams dcrivent les jeux de coopration comme des

    3A la lumire de lobjectif ici poursuivi danalyse des tendances fortes de la stratgie conventionnelle des Etats,le choix de consacrer cette tude la corruption active est dict par le contenu mme des conventionsinternationales de lutte contre la corruption. En effet, alors que toutes couvrent la corruption active , tel nestpas le cas relativement la corruption passive . Dans le cadre de ce rapport, les rfrences aux pratiques decorruption viseront donc celles de corruption active et plus prcisment celles de corruption active transnationale.4

    DRAETTA (U.), La lutte contre la corruption des fonctionnaires publics trangers : premires observationssur les examens de la phase 2 au titre de la Convention OCDE , Revue de droit des affaires internationales,2005, n1, p.99.

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    situations where parties have fully or partially common interests that can be achieved only

    if they coordinate their strategies among multiple possible equilibria .5La conversion dun

    dilemme du prisonnier en un jeu de coordination peut se produire par lentremise dun

    dialogue6 permettant, force de rptition, ladoption dune convention, quils conoivent

    comme un quilibre stratgique.7

    Lvolution de la lutte contre la corruption correspond tout fait ce passage dun

    dilemme du prisonnier un jeu de coordination . Par lentremise dun dialogue

    toujours plus dense, les Etats ont renforc leur conviction de lintrt commun quils ont

    cooprer pour combattre la corruption.

    Le Foreign Corrupt Practice Act (ci-aprs F.C.P.A.) amricain constitue sans aucun doute la

    gense de ce processus.8A la suite du scandale du Watergate, le F.C.P.A. initia en effet en

    1977 la croisade mondiale contre la corruption transnationale.9Face au refus des autres

    Etats de se doter de lgislations nationales comparables - lexception de la Sude -, un

    amendement vot en 1988 par le Congrs somma lexcutif amricain dinciter ses partenaires

    commerciaux prendre part cette croisade . Cet activisme diplomatique fut suscit,

    moins par des proccupations morales que par les pertes de march subies par les entreprises

    amricaines, la faveur de concurrents corrupteurs non soumis une lgislation nationale

    rpressive. Tel un accoucheur dme , les Etats-Unis entamrent ds lors un dialogue avec

    5 GINSBURG (T.), McADAMS (R.H.), Adjudicating in Anarchy : An Expressive Theory of International

    Dispute Resolution , William & Mary Law Review, 2004, 45, p. 1235.6 ROSE-ACKERMAN (S.), Corruption and the Global Corporation : Ethical Obligations and WorkableStrategies , in LIKOSKY (M.) (dir.), Transnational Legal Processes, d. Butterworths LexisNexis, 2002, p.163.7GINSBURG (T.), McADAMS (R.H.), op. cit. note 5, p. 1247.8 Le F.C.P.A. fut amend par le Congrs deux reprises. En 1988, furent ajouts deux moyens de dfenseconcernant les dpenses raisonnables et les pratiques licites au regard de la lgislation de lagent public. Parailleurs, le Congrs requit de lexcutif lexercice de pressions sur les partenaires commerciaux des Etats-Unisafin quils adoptent des lgislations anti-corruption similaires. En 1998, lamendement visa notamment lapplication de la Convention de lOrganisation de Coopration et de Dveloppement Economiques de 1997relative la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commercialesinternationales. US Foreign Corrupt Practice Act, Pub. L. 95-213, 91 Stat. 1994, 1977, (codifi tel quamend15 U.S.C. 78m(b), (d)(1), (g)-(h), 78dd-1, 78dd-2, 78dd-3, 78ff, 2000) ; disponible ladresse internet:

    http://www.usdoj.gov/criminal/fraud/fcpa/, (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Pour un commentaire voirntt, SERAFINI (J.), Foreign Corrupt Practices Act ,American Criminal Law Review, 2004, pp. 721-749.9REISMAN (W.M.), Folded Lies : Bribery, Crusades and Reforms, New-York, Free Press, 1979, I-IX + 277 pp.

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    leurs partenaires, aux fins de stabiliser la coopration intertatique, et d enfanter une

    convention internationale.10

    Leurs efforts se dvelopprent tout dabord dans le cadre du Conseil Economique et Social.

    Face au blocage gnr par les antagonismes entre pays dvelopps et pays en voie de

    dveloppement au sein de cet organe de lOrganisation des Nations Unies (ci-aprs O.N.U.),

    ils changrent de forumet concentrrent leur action sur lOrganisation de Coopration et de

    Dveloppement Economiques (ci-aprs O.C.D.E.). Dans le mme temps, la densification du

    dialogue entre Etats, auquel participrent substantiellement les organisations non

    gouvernementale (ci-aprs O.N.G.), permit la prise de conscience toujours plus grande des

    mfaits de la corruption au niveau mondial, et de lintrt de tout un chacun de lutter

    collectivement pour endiguer ce phnomne.11Cette volont sest progressivement formalise

    par ladoption dinstruments juridiques dots dune valeur contraignante toujours plus grande.

    Ces premires formalisations se sont drapes des atours de ce que lon a coutume de qualifier

    de soft law , de droit mou . Certes dpourvus de force obligatoire, ces instruments

    illustraient cependant la coordination croissante des membres de la socit internationale et

    indiquaient le chemin suivre vers ladoption dinstruments porte obligatoire. Ces actes

    ont man de sources diverses, organisations internationales, institutions prives,

    entreprises.12Lapoge de cette forme de coopration fut sans aucun doute atteinte avec le

    10Pour un rcit de ce dialogue, voir ntt. TARULLO (D.K.), The limits of Institutional Design : Implementingthe OECD Anti-Bribery Convention , Virginia Journal of International Law, 2003-2004, vol. 44, pp. 673-680.11Pour une tude des consquences de la corruption sur lconomie et le dveloppement, voir ntt. BARDHAN(P.), Corruption and Development : A Review of Issues , Journal of Economic Literature, 1997, vol. XXXV,

    pp. 1320-1346.12Concernant les initiatives prisent par les entreprises, celles-ci sinscrivent dans le cadre plus gnral de laproblmatique de la responsabilit sociale des entreprises ; pour une apprciation de ce concept, voir ntt. DIEUX(X.) et VINCKE (F.), La responsabilit sociale des entreprises, leurre ou promesse , Revue de droit desaffaires internationales, 2005, n1, pp. 13-34. Relativement aux institutions prives, on peut notamment citer lecode de conduite de la Chambre de Commerce Internationale relatif aux extorsions et la corruption de 1977,rvis dernirement en 2005 ; disponible ladresse internet :http://www.iccwbo.org/uploadedFiles/ICC/policy/anticorruption/Statements/ICC_Rules_of_Conduct_and_Recommendations%20_2005%20Revision.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Enfin, concernant lesorganisations internationales, on peut mentionner les recommandations adoptes sous lgide de lO.C.D.E..Ainsi peut-on citer la Recommandation du Conseil de lO.C.D.E. sur la lutte contre la corruption dans lestransactions commerciales internationales, adopte le 27 mai 1994, C(94)75/Final ; disponible ladresseinternet : http://www.oecd.org/dataoecd/9/29/1952630.pdf (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Cette

    recommandation fut modifie en 1997 par la Recommandation rvise du Conseil de lO.C.D.E. sur la luttecontre la corruption dans les transactions commerciales internationales, adopte par le 23 mai 1997 ; disponible ladresse internet : http://www.oecd.org/document/58/0,3343,en_2649_201185_14892794_1_1_1_1,00.html,

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    Pacte Mondial, initi le 26 juillet 2000 par lancien Secrtaire Gnral de lO.N.U., Kofi

    Annan.13 Ce programme vise inciter les socits transcrire dans leurs pratiques les

    principes du Pacte et, plus gnralement, associer les entreprises, le monde syndical et la

    socit civile, la dfense des droits de lhomme, des normes du travail et de lenvironnement

    ainsi qu la lutte contre la corruption. Concernant celle-ci, le principe numro 10 invite les

    firmes agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris lextorsion de fonds et

    les pots-de-vin .

    Mais parce quune simple invitation ne pouvait suffire changer les usages du monde des

    affaires, les Etats, toujours sous limpulsion amricaine, ont perdur dans la ngociation de

    conventions internationales. Ces efforts diplomatiques ont commenc porter leurs fruits

    dans le cadre de lOrganisation des Etats Amricains (ci-aprs O.E.A.). La Convention

    interamricaine contre la corruption fut adopte en 1996.14 Celle-ci marqua le dbut dun

    prolifique processus conventionnel qui aboutit, lchelon universel, ladoption en 2003 de

    la Convention des Nations Unies contre la corruption.15Dans lintervalle, une srie de traits

    fut successivement conclue au sein de diffrentsfora. Dans le cadre de lUnion Europenne,

    fut adopte le 26 mai 1997 la Convention relative la lutte contre la corruption impliquant

    des fonctionnaires des Communauts europennes ou des fonctionnaires des Etats membres

    de lUnion europenne.16 Quelques mois plus tard, les efforts dploys par la diplomatie

    (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Enfin, le Conseil de lOCDE adopta le 11 avril 1996 uneRecommandation sur la dductabilit fiscale des pots-de-vin verss des agents publics trangers; disponible ladresse internet : http://www.oecd.org/document/9/0,2340,fr_2649_34855_2048201_1_1_1_1,00.html, (dernireconsultation le 25 fvrier 2008).13Laccs au site du Pacte Mondial et aux documents y ayant trait, notamment les dix principes du Pacte, est

    possible ladresse internet : http://www.un.org/french/globalcompact/., (dernire consultation le 25 fvrier2008).14Convention interamricaine contre la corruption, adopte le 29 mars 1996, entre en vigueur le 3 juin 1997 ;disponible ladresse internet : http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html, (dernire consultation le25 fvrier 2008).15Convention des Nations Unies contre la corruption, ouverte la signature le 11 dcembre 2003, entre envigueur le 14 dcembre 2005, op. cit. note 1.16 Convention relative la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautseuropennes ou des fonctionnaires des Etats membres de lUnion europenne, adopte par acte du Conseil le 26mai 1997, 97/C 195/01, Journal Officiel des Communauts europennes n C 195 en date du 25 juin 1997 ;disponible ladresse internet : http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_497A0625_01.html, (dernire consultation le25 fvrier 2008). Il est noter quen 1995 le Conseil avait dj adopt la Convention relative la protection desintrts financiers des Communauts europennes, adopte par acte du Conseil le 26 juillet 1995, 95/C 316/03,

    Journal Officiel des Communauts Europennes n C 316 en date du 27 novembre 1995 ; disponible ladresseinternet : http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_495Y1127_03.html, (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Deuxprotocoles cette convention furent tablis. Le premier protocole de 1996 a tendu le champ dapplication de la

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    amricaine dans le cadre de lO.C.D.E. permirent la conclusion de la Convention sur la lutte

    contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commerciales

    internationales.17En 1999, le Conseil de lEurope adopta deux conventions sur la corruption,

    lune pnale, lautre civile.18 Avant dy consacrer une convention part entire, lO.N.U.

    traita en 2002 de la question de la lutte contre la corruption dans le cadre spcifique de la

    Convention contre le crime organis transnational.19Finalement, quelques mois avant cette

    conscration mondiale, lUnion Africaine apporta galement sa pierre ldifice

    conventionnel de la lutte contre la corruption.20

    Sans quil soit possible dexposer ici de manire exhaustive les champs dapplication

    et les dispositifs de lutte des diffrentes conventions,21 il convient de relever que tous ces

    convention aux actes de corruption, protocole adopt par acte du Conseil du 23 novembre 1996, 96/C 313/01,Journal Officiel des Communauts europennes n C 313 en date du 23 novembre 1996, disponible ladresseinternet : http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=FR&numdoc=41996A1023(01

    )&model=guichett, (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Le second protocole a tendu la responsabilitencourue aux personnes morales, protocole adopt par acte du Conseil du 19 juin 1997, Journal Officiel desCommunauts Europennes n C 221 en date du 19 juillet 1997 ; disponible ladresse internet : http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=FR&numdoc=41997A0719(02)&model=guichett, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).17Convention de lO.C.D.E. sur la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactionscommerciales internationales, adopte le 21 novembre 1997, entre en vigueur le 15 fvrier 1999 ; disponible ladresse internet : http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).18Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope, STCE no. : 173, adopte le 27 janvier 1999,entre en vigueur le 1er juillet 2002 ; disponible ladresse internethttp://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Word/173.doc, (dernire consultation le 25 fvrier 2008). Cetteconvention a fait lobjet dun protocole tendant son champ dapplication aux arbitres et jurs, protocole STCE no. : 191 adopt le 15 mai 2003, entr en vigueur le 1er fvrier 2005 ; disponible ladresse internet :

    http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Word/191.doc, (dernire consultation le 25 fvrier 2008);Convention civile sur la corruption du Conseil de lEurope, STCE no. : 174, adopte le 4 novembre 1999, entreen vigueur le 1er novembre 2003, disponible ladresse internet :http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Word/174.doc, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).19Convention de lO.N.U. contre le crime organis transnational, adopte le 15 novembre 2000, Doc. A/55/383.,entre en vigueur le 29 septembre 2003 ; disponible ladresse internet :http://www.unodc.org/pdf/crime/a_res_55/res5525f.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).20Convention de lUnion Africaine sur la prvention et la lutte contre la corruption, adopte le 11 juillet 2003,entre en vigueur le 5 aot 2006, disponible ladresse internet : http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_Conventions_fr/Convention%20sur%20la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).21Le champ dapplication des conventions varie notamment relativement lopration sur laquelle se greffe lacorruption, au secteur auquel elles sappliquent de mme quaux acteurs de la corruption quelles incriminent.

    Ces dispositifs comportent au gr des conventions, la prvention, la rpression et la coopration intertatique. Acet gard, la Convention des Nations Unies prsente indniablement le dispositif le plus complet, celle-cirecourant en effet tous ces procds de lutte contre la corruption.

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    dispositifs22reposent principalement sur lincrimination pnale de la corruption active. Cest

    ce pilier de la lutte contre la corruption que le prsent rapport se propose danalyser.23

    Les dispositifs conventionnels prvoyant lincrimination des actes de corruption active se

    composent de deux lments. Le premier consiste en lobligation faite aux Etats dincriminer

    pnalement dans leur droit interne la corruption active, ainsi que de prvoir les sanctions

    consquentes. Le second lment rside dans la coordination des comptences

    juridictionnelles des diffrents Etats pouvant tre comptent relativement une mme

    pratique de corruption.

    Un tel mcanisme correspond la deuxime tape du processus dinternationalisation

    du droit pnal, tel quil est gnralement dcrit par la doctrine. Ainsi, le Professeur Sur

    rappelle que ce processus comporte trois dimensions, correspondant trois tapes

    successives.24 La premire tape consiste dans le seul tablissement dune coopration

    policire et judiciaire entre les Etats visant assurer une meilleure application de leur droit

    national. La deuxime tape rside dans linternationalisation normative, c'est--dire dans la

    dfinition dincriminations pnales, ou tout au moins, dans la prvision de ces incriminations,

    charge pour les Etats de les inscrire dans leur droit national, et si besoin, de les dfinir. Dans

    le cadre de cette deuxime tape, les juridictions nationales restent seules comptentes pour

    sanctionner les pratiques illgales. Enfin, la troisime tape voit la constitution dune

    juridiction pnale internationale, jugeant les auteurs dinfraction en vertu dincriminations

    rsultant de normes internationales, suivant des procdures internationales. Cette dernire

    tape marque la constitution dun vritable droit international pnal se substituant au droit

    pnal international classique, bas sur la seule coordination des droits et procdures pnauxinternes.

    Il est argu dans ce rapport que le deuxime niveau dinternationalisation de la matire

    pnale atteint par les mcanismes conventionnels contemporains, nest pas mme de lutter

    22A lexception bien entendu de la Convention civile sur la corruption du Conseil de lEurope.23Posant le principe de lincrimination pnale de la corruption active, ces conventions divergent cependant dansles modalits dorganisation de cette incrimination. Au regard de lobjectif global dvaluation de cesconventions, seront gnralement mentionnes dans ce rapport les seules caractristiques communes ces traits,sans que soient systmatiquement prcises les solutions retenues par chacun deux.24

    SUR (S.), Le droit international pnal entre lEtat et la socit internationale , in HENZELIN (M.), ROTH(R.) (dir.), Le droit pnal lpreuve de linternationalisation, L.G.D.J. GEORG librairie de lUniversit BRUYLANT, Paris, Genve, Bruxelles, 2002, pp.50-51.

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    suffisamment efficacement contre la corruption active. Lharmonisation normative et la

    coordination des juridictions tatiques laissent en effet subsister des interstices par lesquels

    sengouffrent des pratiques corruptrices toujours aussi nombreuses.

    Aussi, dans la perspective dune plus grande efficacit de la lutte contre la corruption, il est ici

    plaid pour un passage au troisime chelon de linternationalisation pnale. Il convient en

    effet de passer dune logique de coordination une logique dintgration, intgration

    normative dune part (Section 1) et intgration institutionnelle dautre part (Section 2). Si ce

    changement de paradigme peut aujourdhui sembler utopique, lhistoire du droit international

    pnal et ses avances rcentes permettent lgitimement denvisager que lutopie daujourdhui

    constitue la ralit de demain. A tout le moins, quil nous soit permis de ne nous souvenir que

    le droit est la plus puissante cole de limagination

    Section 1 : De linternationalisation normative dcentralise linternationalisation

    normative intgre

    Dans un contexte o la matire pnale se dcline historiquement au mode tatique, les

    conventions de lutte contre la corruption se limitent prvoir lincrimination de la corruption,

    charge pour les Etats de linscrire et de la dfinir dans leur droit national.

    Ce faisant, cette internationalisation substantielle a minimane procde qu une coordination

    des lgislations nationales, insuffisamment efficace dans la perspective de la lutte contre la

    corruption ( 1). Ds lors, il convient de changer de stratgie, de passer dune logique de

    dcentralisation une logique dintgration normative, et ce, par lentremise de ladoption

    conventionnelle dune norme primaire proprement internationale ( 2).

    1 : Linsuffisance dune stratgie internationale de coordination des lgislations

    nationales

    Avant la loi pnale, il peut bien y avoir des actions immorales mais seule la loi les

    transforme en crimes .25 Sil est vrai que latteinte la morale ne constitue pas le crime,

    25HENZELIN (M.), Droit international pnal et droits pnaux tatiques. Le choc des cultures , in HENZELIN(M.), ROTH (R.) (dir.),Le droit pnal lpreuve de linternationalisation, op. cit., note 24., pp. 86.

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    celle-ci est cependant lorigine de la norme qui la sanctionne. Ainsi, parmi les cinq critres

    que le Professeur Bassiouni considre comme se trouvant la base du processus de

    criminalisation internationale, figurent, au premier rang, les intrts et les valeurs de la

    communaut internationale.26

    La rprobation universelle de la corruption, telle quelle est notamment exprime dans les

    prambules des conventions de lutte contre la corruption, est ainsi la source de ldification

    du crime international de corruption (A). Toutefois, dans le cadre dune matire pnale o

    lEtat dtient traditionnellement le monopole de la violence lgitime, cette rprobation et cette

    incrimination ont pour support les droits pnaux nationaux (B).

    A) Le droit pnal international comme bouche de la rprobation universelle de lacorruption active

    Les conventions de lutte contre la corruption adoptes la fin du sicle dernier

    formalisent la rprobation universelle de la corruption active. Ce faisant, elles linstituent

    implicitement en crime international conventionnel (1), tandis quelles parachvent le

    processus de coutumirisation de lincrimination internationale de la corruption (2).

    1) Linstitution conventionnelle du crime international de corruption

    Selon le Professeur Bassiouni, laccumulation de plusieurs caractres pnaux par des

    conventions internationales, permet de conclure linstitution conventionnelle dun crime

    international. Lminent pnaliste identifie ainsi dix caractristiques :

    (1) Explicit or implicit recognition of proscribed conduct as constituting aninternational crime, or a crime under international law, or a crime;(2) Implicit recognition of the penal nature of the act by establishing a duty to prohibit,

    prevent, prosecute, punish, or the like;(3) Criminalization of the proscribed conduct;(4) Duty or right to prosecute;(5) Duty or right to punish the proscribed conduct;(6) Duty or right to extradite;

    26 BASSIOUNI (M.G.), Introduction to International Criminal Law, Transnational Publishers Inc., Ardsley,New York, 2003, p. 114.

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    (7) Duty or right to cooperate in prosecution, punishment (including judicialassistance);(8) Establishment of a criminal jurisdictional basis;(9) Reference to the establishment of an international criminal court or internationaltribunal with penal characteristics;(10) No defense of superior orders. 27

    A la lumire de ces critres, il dnombre vingt-huit crimes internationaux, le vingt-huitime

    dsignant bribery of foreign public officials .28

    Il convient de prciser que le Professeur Bassiouni exprime cependant ses doutes

    relativement la qualification de la corruption en tant que crime international. Il nen reste

    pas moins quil considre que because the process of international criminalization of this

    activity is in progress, it is believed that erring in favor of inclusion may be justified.

    Ce scepticisme est sans aucun doute expliqu par la priode laquelle il se rfre. Il se base

    en effet sur les instruments juridiques adopts entre 1975 et 1983. Relativement cette

    priode, il est aisment comprhensible quil ait pu conclure que:

    [] governments are somewhat leery of penalizing this type of conduct, since in

    certain instances such conduct might inure to their benefit or might help theirindustries. In the face of conflicting interests, and in the absence of a clearcommonality of values, it is difficult to develop specific international instruments with

    penal provisions.

    Comme expos en introduction, la priode ayant suivi ladoption du F.C.P.A. en 1977, tait

    effectivement caractrise par une instabilit de la coopration intertatique dans la lutte

    contre la corruption. Enferms dans un dilemme du prisonnier , les Etats taient encore

    tiraills entre leur intrt commun de lutter contre la corruption et leur intrt particulier de

    favoriser leurs entreprises. Or, la densification du dialogue diplomatique a permis par la suite

    la prise de conscience de la prpondrance de cet intrt commun, et ladoption consquente

    des conventions de lutte contre la corruption. Les doutes exprims par le Professeur Bassiouni

    la lumire de la priode 1975-1983 nont ds lors plus de raison dtre. En revanche, sa

    prvision dun processus de criminalisation internationale de la corruption sest vue

    confirme. Douteuse une poque durant laquelle aucune convention navait encore t

    adopte, la criminalisation internationale de la corruption apparat aujourdhui acquise.

    27Ibid., p. 115.28Ibid., p.117.

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    Concomitamment cet effet intrinsque, les conventions internationales de lutte contre la

    corruption ont permis la cristallisation dune norme coutumire prohibant la corruption active.

    2) La cristallisation coutumire du crime international de corruption

    Aux termes de larticle 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice (ci-aprs

    C.I.J.), la coutume internationale est la preuve dune pratique gnrale, accepte comme

    tant le droit . Au-del du caractre impropre de sa formulation, la pratique gnrale

    accepte comme tant le droit constituant en effet la preuve de la coutume internationale, et

    non linverse, cet article tmoigne de la ncessit que soient identifis deux lments pour

    conclure lexistence dune norme coutumire : un lment objectif, savoir la pratique, et

    un lment subjectif, gnralement qualifi dopinio juris sive necessitatis (ci-aprs opinio

    juris).

    Larticle 38 est assez laconique relativement aux qualits de la pratique qui contribue

    lidentification dune norme coutumire, tout juste mentionne-t-il que celle-ci doit tre

    gnrale. Ce laconisme concerne tant les lments constitutifs de la pratique que ses

    caractristiques gnrales.

    Concernant ces lments, il convient tout dabord de noter que la thse selon laquelle seuls

    des actes physiques seraient mme de constituer des lments constitutifs de la pratique,29

    est dmentie par la jurisprudence internationale de mme que dnonce par la quasi-totalit

    des auteurs. Dans cette perspective, on ne saurait se limiter la seule prise en compte des

    poursuites judiciaires aux fins dvaluer le statut coutumier de la prohibition de la corruption,et encore moins se baser sur leur faible nombre pour lui dnier un tel statut. Les tribunaux

    internationaux et les publicistes les plus qualifis reconnaissent ainsi quune grande varit de

    faits ou dinstruments juridiques peut tre prise en compte en sus des actes physiques :

    dclarations tatiques, rsolutions dorganisation internationale, conventions Tous ces

    lments ont jalonn le processus normatif stant dvelopp de ladoption du F.C.P.A. en

    1977, celle de la Convention des Nations Unies en 2003. Dans ce cadre, les traits conclus

    29 Cette doctrine minoritaire est notamment soutenue par le Professeur dAmato, voir AMATO (A.), TheConcept of Custom in International Law, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1971, p.88.

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    compter de 1996 apparaissent avoir cristallis la norme coutumire de prohibition de la

    corruption alors en formation. Un tel rle cristallisateur des traits multilatraux fut

    reconnu par la C.I.J. dans son arrt de 1969 rendu en laffaire du Plateau continental de la

    Mer du Nord.30

    Relativement aux caractristiques de la pratique en tant que telle, la C.I.J. a t conduite

    prciser la formulation lapidaire de larticle 38 de son Statut. Larrt rendu en laffaire du

    Plateau continental de la Mer du Nordfournit la synthse de cette uvre prtorienne :

    [] bien que le fait quil ne se soit coul quun bref laps de temps ne constitue pasncessairement en soi un empchement la formation dune rgle nouvelle de droitinternational coutumier partir dune rgle purement conventionnelle lorigine, ildemeure indispensable que dans ce laps de temps, aussi bref quil ait t, la pratiquedes Etats, y compris ceux qui y sont particulirement intresss, ait t frquente et

    pratiquement uniforme dans le sens de la disposition invoque .31

    A la lumire de cet nonc, la pratique doit remplir des conditions la fois temporelle et

    substantielle.

    Dun point de vue temporel et contrairement la conception traditionnelle de la coutume, la

    Cour ne requiert pas quune longue priode scoule pour quune coutume puisse se former.

    Le temps nest ainsi plus considr comme un lment constitutif de la coutume, mais plutt

    comme le support dune pratique devant tre frquente. Le critre de la frquence sest ainsi

    vu substitu celui de la dure. Une telle substitution sexplique sans nul doute par la

    multiplication, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des fora internationaux dans le

    cadre desquels sexpriment les pratiques tatiques, et ce, notamment par lentremise dersolutions ou autres dclarations. Dans cette perspective, la densit du dialogue diplomatique

    stant dvelopp entre les Etats relativement la corruption, satisfait pleinement la

    condition de frquence pose par la C.I.J., compensant par la mme la brivet de la priode

    durant laquelle la corruption sest ainsi vue rprouve par les Etats.

    30C.I.J., Affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord(Rpublique fdrale dAllemagne c. Danemark ;Rpublique fdrale dAllemagne c. Pays-Bas), arrt du 20 fvrier 1969, C.I.J. Recueil 1969, paragraphe 62, p.

    38.31Ibid. paragraphe 74, p. 43.

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    Dun point de vue substantiel, luniformit requise par la Cour doit tre relativise, et ce,

    deux gards. Tout dabord, la C.I.J. considre quil nest pas ncessaire que la pratique

    tatique soit rigoureusement uniforme. Ensuite, elle estime que cette exigence duniformit

    nexclut pas dventuelles violations de la norme. Larrt rendu en lAffaire des activits

    militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, explicite bien cette double

    relativisation de la condition duniformit. Selon la Cour, il [] parat suffisant, pour

    dduire lexistence de rgles coutumires, que les Etats y conforment leur conduite dune

    manire gnrale et quils traitent eux-mmes les comportements non-conformes la rgle en

    question comme des violations de celle-ci [] .32 La pratique tatique relative la

    prohibition de la corruption rpond tout fait cette acception de luniformit. Une telle

    uniformit ressort tout dabord de la grande similarit des dispositions conventionnelles

    prvoyant lincrimination de la corruption. Dans cette mme perspective et mme si les

    lgislations nationales prsentent des diffrences affectant lefficacit de la lutte contre la

    corruption, elles offrent un degr duniformit certain. Enfin, la faiblesse du nombre des

    poursuites judiciaires, bien que dommageable pour la stratgie internationale de lutte contre la

    corruption, na jamais fait lobjet dune quelconque reconnaissance de la part des Etats.

    Cette pratique gnrale uniforme, aux termes de larticle 38 du Statut de la C.I.J., doit

    par ailleurs tre accepte comme tant le droit . Elle doit tre anime dune opinio juris.

    Au-del de son caractre nigmatique, cet lment subjectif requiert que les Etats adoptent un

    comportement parce quils lestiment obligatoire. Comment les Etats peuvent-ils tre conduits

    considrer un comportement comme obligatoire alors que, par dfinition, il ne lest pas

    encore ? Quelle est la source de cette obligatorit ?Relativement ces questions, les positions doctrinales divergent, notamment entre les

    partisans du volontarisme et ceux de lobjectivisme. Pour les auteurs volontaristes, la coutume

    drive du consentement tatique et sapparente donc une convention tacite. Suivant cette

    thse, les raisons pour lesquelles un Etat adopte un certain comportement peuvent ainsi tre

    compares celles pour lesquelles il conclut un trait : intrt national, jeu des relations

    diplomatiques Pour la doctrine objectiviste, le caractre obligatoire de la pratique provient

    32Affaire des activits militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-UnisdAmrique), arrt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, p.98.

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    directement du corps social et de la ncessit sociale du comportement concern. Ces

    divergences doctrinales ne sont en fait pas aussi irrductibles quil ny parat. En effet, les

    Etats constituant les principaux sujets de la socit internationale, lopposition de leur volont

    souveraine peut tre conue comme la source des mouvements animant le corps social

    international.33

    Au-del de cette convergence, il est possible de considrer que la gense et lvolution du

    dialogue relatif la lutte contre la corruption, sinscrivent dans ces deux conceptions de

    lopinio juris. Conformment la doctrine volontariste, il est certain que la volont

    amricaine a t prpondrante dans lvolution des positions tatiques et dans la

    densification du tissu normatif. En adquation avec la thse objectiviste, il nen reste pas

    moins que les proccupations de la communaut internationale, notamment exprimes dans

    les prambules des conventions, traduisent la ncessit sociale de rprouver et dincriminer

    les pratiques de corruption active.

    Au terme de cette analyse, il est possible de conclure que les conventions de lutte

    contre la corruption ont cristallis une pratique prsentant toutes les qualits requises, aussi

    bien objectives que subjectives, pour quelle soit considre comme attestant de lexistence

    dune norme coutumire prohibant les actes de corruption active.

    Crime international, la corruption se voit cependant incrimine dans le marbre des lgislations

    internes, le droit pnal national constituant ainsi le bras de la rprobation universelle.

    B) Le droit pnal national comme bras de la rprobation universelle de la

    corruption active

    Ce recours au bras pnal tatique pour incriminer les pratiques de corruption active

    rsulte de la volont des Etats parties aux conventions de faire primer leurs prrogatives

    pnales et de permettre la prise en compte de leurs particularismes culturels. Dans cette

    perspective, ils ont fait usage du principe de lquivalence fonctionnelle. Si ce principe

    confre une marge de libert certaine aux Etats dans la mise en uvre des conventions (1),

    33 Voir DUPUY (P.-M.), Lunit de lordre juridique international , Cours gnral de droit internationalpublic,Recueil des Cours de lAcadmie de droit international, 2002, t. 297, p. 169.

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    une telle libert se traduit en pratique par des diffrences substantielles entre les lgislations

    nationales (2).

    1) Le principe de lquivalence fonctionnelle des lgislations nationales

    Aux termes du point 2 des commentaires de la Convention de lO.C.D.E., ce trait a

    pour objectif dassurer une quivalence fonctionnelle entre les mesures prises par les parties

    pour sanctionner la corruption dagents publics trangers, sans exiger luniformit ou une

    modification des principes fondamentaux du systme juridique dune Partie .34

    Visant donc seulement assurer lquivalence fonctionnelle des lgislations

    nationales, les conventions mettent toutes, mutatis mutandis, la charge des Etats lobligation

    de prendre les mesures ncessaires pour que constitue une infraction pnale en vertu de

    [leur] loi le fait intentionnel, pour toute personne, doffrir, de promettre ou doctroyer un

    avantage indu pcuniaire ou autre, directement ou par des intermdiaires, un agent public

    tranger son profit ou au profit dun tiers, pour que cet agent agisse ou sabstienne dagir

    dans lexcution de ses fonctions officielles, en vue dobtenir ou de conserver un march ou

    un autre avantage indu dans le commerce international .35

    Encadrant ainsi lincrimination laquelle doive procder les lgislations nationales,36 les

    conventions laissent cependant la discrtion des Etats un lment majeur, savoir la

    dtermination des avantages indus promis ou offerts au destinataire. Comme lnonce le

    rapport explicatif de la Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope :

    34 Commentaires relatifs la Convention de lO.C.D.E. sur la lutte contre la corruption dagents publicstrangers dans les transactions commerciales internationales, adopte le 21 novembre 1997 ; disponible ladresse internet : http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).35 Article 1 paragraphe 1 de la Convention de lO.C.D.E. sur la lutte contre la corruption dagents publicstrangers dans les transactions commerciales internationales, adopte le 21 novembre 1997, entre en vigueur le15 fvrier 1999, op. cit., note 17. Une formulation similaire est applicable aux pratiques de corruption dans lesecteur priv, voir ntt. larticle 21 a) de la Convention des Nations Unies contre la Corruption, ouverte lasignature le 11 dcembre 2003, entre en vigueur le 14 dcembre 2005, op. cit., note 1.36

    Certaines conventions incriminent prcisment certaines pratiques lies la corruption, tel que par exemplelenrichissement illicite. Voir ntt., larticle 8 de la Convention de lUnion Africaine sur la prvention et la luttecontre la corruption, adopte le 11 juillet 2003, entre en vigueur le 5 aot 2006, op. cit, note 20.

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    Le terme indu doit tre interprt, aux fins de la Convention, comme dsignantquelque chose que le bnficiaire nest pas lgalement habilit accepter ou recevoir.Pour les auteurs de la Convention, ladjectif indu vise exclure les avantages quisont admis par la loi ou par les rglements administratifs, ainsi que les cadeaux defaible valeur ou les cadeaux socialement acceptables .37

    Dots par tous les instruments, soit implicitement comme la Convention du Conseil de

    lEurope, soit explicitement comme le F.C.P.A., du pouvoir discrtionnaire de dterminer ces

    avantages licites, les Etats se voient ainsi dlguer la fonction de dterminer les pratiques de

    corruption incrimines.

    38

    Si une telle dmarche est sans nul doute respectueuse desparticularismes nationaux, il nen reste pas moins que la question de savoir ce qui constitue

    un avantage indu a[ura] une importance fondamentale pour lincorporation [des]

    convention[s] dans le droit interne. 39et pour lefficacit du mcanisme conventionnel.

    Au-del de cette libert laisse aux Etats dans la dtermination des pratiques de

    corruption prohibes, les conventions prennent en considration les spcificits des ordres

    juridiques nationaux dans la mise en uvre de lobjectif dincrimination de la corruption.

    Cette prise en compte se manifeste notamment propos de la responsabilit des personnes

    morales, prvue dans lhypothse o lacte de corruption est commis pour son compte par

    toute personne physique exerant un pouvoir de direction en son sein.40 Toutes les

    37Point 38 du Rapport explicatif de la Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope, Conventionpnale sur la corruption du Conseil de lEurope, adopte le 27 janvier 1999, entre en vigueur le 1erjuillet 2002 ;disponible ladresse internet : http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, (dernire consultationle 25 fvrier 2008) ; dans le mme sens voir le point 8 des Commentaires relatif la Convention de lO.C.D.E.sur la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commerciales internationales,

    adopte le 21 novembre 1997, op. cit., note 34.38 (c) Affirmative defenses : It shall be an affirmative defense to actions under subsection (a) or (g) of thissection that (1) the payment, gift, offer, or promise of anything of value that was made , was lawful under thewritten laws and regulations of the foreign officials, or candidates country ; or (2) the payment, gift, offer, orpromise of anything of value that was made, was a reasonable and bona fide expenditure, such as travel andlodging expenses, incurred by or on behalf of a foreign official, party, party official, or candidate and wasdirectly related to (A) the promotion, demonstration, or explanation of products or services; or (B) the executionor performance of a contract with a foreign government or agency thereof. , Moyens de dfense commun auxtrois sections du US Foreign Corrupt Practice Act, Pub. L. 95-213, 91 Stat. 1994, 1977, op. cit., note 8.39Point 38 du Rapport explicatif de la Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope, Conventionpnale sur la corruption du Conseil de lEurope,, adopte le 27 janvier 1999, entre en vigueur le 1erjuillet 2002,op. cit. note 37.40Voir ntt. larticle 18 de la Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope : (1) Chaque partie

    adopte les mesures lgislatives et autres ncessaires pour sassurer que les personnes morales puissent tre tenuespour responsables des infractions de corruption active [], lorsquelles sont commises pour leur compte partoute personne physique, agissant soit individuellement, soit en tant que membre dun organe de la personne

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    18

    conventions mentionnant cette responsabilit des personnes morales, prcisent quelle ne peut

    avoir un caractre pnal que dans la mesure o les ordres juridiques internes prvoient une

    telle responsabilit.41A dfaut, les parties ont lobligation dy substituer une responsabilit de

    caractre administratif ou civil.

    Ce respect des spcificits des ordres juridiques nationaux par la fixation des seuls objectifs se

    vrifie aussi relativement la sanction. En effet, les conventions ne peuvent avoir pour

    objectif de prciser les sanctions pnales associer aux diffrentes infractions []. Sur ce

    point, les Parties doivent avoir toute latitude pour dfinir un systme dinfractions et de

    sanctions pnales qui soit cohrent avec leur lgislation interne. 42 Ainsi, concernant les

    personnes physiques, les conventions se limitent requrir des Etats quils prennent des

    sanctions et des mesures effectives, proportionnes, et dissuasives .43Indpendamment de

    la nature de la responsabilit, les sanctions frappant les personnes morales doivent prsenter

    ces mmes caractristiques.44

    Bnficiant dune marge dapprciation certaine, il revient alors chaque Etat de mettre en

    uvre les conventions dans sa lgislation interne, et ce, dans le respect des objectifs quelles

    lui assignent.

    morale, qui exerce un pouvoir de direction en son sein [], (2) [] chaque partie prend les mesures ncessairespour sassurer quune personne morale puisse tre tenue pour responsable lorsque labsence de surveillance oude contrle de la part dune personne physique vise au paragraphe 1 a rendu possible la commission desinfractions mentionnes au paragraphe 1 pour le compte de ladite personne morale par une personne physiquesoumise son autorit. , Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope, adopte le 27 janvier1999, entre en vigueur le 1erjuillet 2002, op. cit, note 18.41Voir Point 2 du Commentaire de la Convention de lOCDE : Si, dans le systme juridique dune partie, laresponsabilit pnale ne sapplique pas aux personnes morales, cette partie nest pas tenue dtablir une telleresponsabilit pnale. , Commentaires relatif la Convention sur la lutte contre la corruption dagents publics

    trangers dans les transactions commerciales internationales, adopte le 21 novembre 1997, op. cit., note 34.42Point 92 du Rapport explicatif de la Convention pnale sur la corruption du Conseil de lEurope, Conventionpnale sur la corruption du Conseil de lEurope, adopte le 27 janvier 1999, entre en vigueur le 1erjuillet 2002,op. cit., note 37.43 Voir ntt. larticle 5 de la Convention de lUnion Europenne : Chaque Etat membre prend les mesuresncessaires pour assurer que les comportements viss aux articles 2 et 3, ainsi que la complicit et linstigationaux dits comportements, sont passibles de sanctions pnales effectives, proportionnes et dissuasives, incluant,au moins dans les cas graves, des peines privatives de libert pouvant entraner lextradition , Conventionrelative la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communauts europennes ou desfonctionnaires des Etats membres de lUnion europenne, adopte par acte du Conseil le 26 mai 1997, op. cit.,note 16.44Voir ntt. larticle 26 paragraphe 4 de la Convention de lO.N.U. : Chaque Etat Partie veille, en particulier, ce que les personnes morales tenues responsables conformment au prsent article fassent lobjet de sanctions

    efficaces, proportionnes et dissuasives de nature pnale ou non pnale, y compris de sanctions pcuniaires. ,Convention des Nations Unies contre la Corruption, ouverte la signature le 11 dcembre 2003, entre envigueur le 14 dcembre 2005, op. cit., note 1.

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    inD. Dormoy (ed),La corruption et le droit international(Bruxelles, Bruylant, 2010) 169-218.

    19

    2) Le constat de la diffrence substantielle des lgislations nationales

    A la lumire de linternationalisation substantielle a minima ralise par les

    conventions, leur mise en uvre dans les ordres juridiques nationaux fait lobjet de toutes les

    attentions. La crainte est que ces traits constituent ce que le Professeur Reisman qualifie de

    lex simulata , c'est--dire a legislative exercise that produces a statutory instrument

    apparently operable, but one that neither prescribers, those charged with its administration,

    nor the putative target audience ever intend to be applied .45 En somme, le risque envisag

    est que le dilemme du prisonnier ressurgisse au stade de la mise en uvre des

    conventions.46 Plus prcisment, les craintes gnralement exprimes ont une double

    dimension. Elles visent la ralit de la mise en uvre et sa substance.

    Sans aucun doute conscient de ces risques et de la ncessit de contrler le sort rserv

    par chaque Etat aux objectifs conventionnels, la collectivit des Etats Parties aux conventions

    a le plus souvent prvu un mcanisme de suivi de la mise en uvre des obligations

    conventionnelles. Mises part les Conventions adoptes dans le cadre de lUnion Europenne

    o les rgles du jeu sont assurment diffrentes, on peut noter que seules deux

    conventions ne prvoient pas un tel mcanisme de suivi, la Convention de lUnion Africaine

    et celle des Nations Unies. Cette absence constitue sans aucun doute la principale lacune du

    mcanisme de lutte contre la corruption mis en place par la Convention de lO.N.U., dispositif

    par ailleurs des plus complet.47

    Les critiques relatives au (dys)fonctionnement de ces mcanismes de suivi nont dgal que

    celles dnonant leur inexistence. Il est vrai quils ne prvoient pas la possibilit de prendre

    45REISMAN (W.M.), Folded Lies : Bribery, Crusades and Reforms, op. cit., note 9.46Voir WEBB (P.), The United Nations Convention Against Corruption Global Achievement or MissedOpportuny? ,Journal of International Economic Law, 2005, Vol. 8, n1, pp. 226.47A cet gard, on peut signaler que les propositions des Pays-Bas et de lAutriche dune part et de la Norvgedautre part, visant la mise en place dun vritable mcanisme de suivi, furent finalement rejetes. Au final,seule fut dcide la mise en place dune Confrence des Etats parties, notamment charge damliorer la capacitdes Etats atteindre les objectifs de la Convention. Voir Proposals and Contributions Received fromGovernments: Norway: Amendments to Article 68 as Submitted in the proposal by Austria and The Netherlands ,U.N. Doc. A/AC.261/L.78 (2002); Proposals and Contributions Received from Governments : Austria and the

    Netherlands, Amendments to Article 66 to 70, U.N. Doc. A/AC.261/L.69 (2003) ; Article 63 de la Conventiondes Nations Unies contre la Corruption, ouverte la signature le 11 dcembre 2003, entre en vigueur le 14dcembre 2005, op. cit., note 1.

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    20

    des sanctions lgard des Etats dfaillants. Toutefois, le jeu des relations diplomatiques entre

    les Etats parties de mme que la vigilance de la socit civile, notamment celle des O.N.G.,

    permettent datteindre des rsultats tangibles. Il suffit pour sen convaincre dexaminer et de

    comparer les rapports rendus dans le cadre du mcanisme de suivi instaur par la Convention

    de lO.C.D.E.. Ce suivi est organis en deux temps. La premire phase consiste dans lexamen

    de la transposition de la convention par les Etats dans leur lgislation, tandis que la seconde

    prte attention sa mise en uvre au regard des structures tatiques en place pour lutter

    contre la corruption.48Dans le rapport de 2000 du Comit de linvestissement international et

    des entreprises multinationales relatif lapplication de la Convention sur la Corruption dans

    les transactions commerciales internationales et de la recommandation rvise de 1997, le

    troisime point de la synthse nonce que :

    [] en gnral, les pays ont consenti des efforts mritoires pour faire en sorte que lalgislation destine transposer la Convention dans leur droit national satisfassent auxobligations de la Convention. Le Groupe de travail a constat que les obligations de laConvention sont globalement respectes dans la grande majorit des pays. Malgrcette valuation positive, des lacunes ont t mises en vidence et presque tous les

    pays examins doivent rgler un certain nombre de problmes. 49

    Un an plus tard, dans son rapport de 2001, ce mme Comit soulignait [l]es progrs

    considrables [qui ont t] accomplis dans la ratification, la mise en uvre et le suivi de la

    Convention sur la lutte contre la corruption depuis son entre en vigueur en fvrier 1999 .50

    La lecture du rapport de mi-parcours de la phase 2 de 2006 confirme cette transposition des

    dispositions conventionnelles dans le sens de la mise en conformit des lgislations nationales

    avec les objectifs de la convention.51

    48 Pour une description de la phase 1 et de la phrase 2 du mcanisme, voir le site internet de lO.C.D.E. ladresse internet : http://www.oecd.org/document/32/0,2340,fr_2649_37447_2022624_1_1_1_37447,00.html,(dernire consultation le 25 fvrier 2008). A ce stade de ltude, il est prt attention aux informations relativesaux mises en uvre lgislatives. Les questions structurelles seront envisages dans le cadre de la seconde partie.49 Rapport du C.I.M.E.: Application de la Convention sur la Corruption dans les transactions commercialesinternationales et de la recommandation rvise de 1997 publi le 26 juin 2000 ; disponible ladresse internet :http://www.oecd.org/dataoecd/0/16/2378337.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).50 Rapport du C.I.M.E.: Application de la convention sur la corruption dans les transactions commercialesinternationales et de la recommandation rvise de 1997. Ce rapport a t prsent lors de la Runion du Conseilde l'OCDE au niveau des Ministres s'tant tenue Paris les 16 et 17 mai 2001 ; disponible ladresse internet :http://www.oecd.org/dataoecd/32/29/2055312.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).51

    Mid-Term Study of Phase 2 Reports, Application of the Convention on Combating Bribery of Foreign PublicOfficials in International Business Transactions and the 1997 Recommendation on Combating Bribery inInternational Business Transactions, rapport adopt le 22 Mai par le Groupe de Travail sur la corruption dans les

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    A la lumire des informations qui ressortent des nombreux rapports de lO.C.D.E., il apparat

    donc que les Etats adaptent progressivement leur lgislation. Mme sil est vrai que le

    mcanisme de suivi de lO.C.D.E. compte parmi les plus efficients, il est permis de penser

    que les rsultats atteints dans le cadre de cette organisation le seront terme dans le cadre des

    autres institutions.

    Si la corruption se voit effectivement incrimine dans les lgislations nationales, on

    peut noter que les mises en uvre nationales des conventions prsentent des diffrences.

    Ainsi par exemple, relativement aux sanctions prvues pour les personnes physiques, le

    rapport de mi-parcours de la phase 2 de la mise en uvre de la Convention O.C.D.E. estime

    que:

    Among the 21 Parties covered by this study, imprisonment sentences (maximumpenalty) ranged from two years (for the non-aggraved form of bribing a foreign publicofficial) (Finland) to 15 years (Belgium and the United States), which raised theWorking Groups concern over the very wide range across all Parties .52

    Au regard de la disparit des peines, on peut lgitimement douter de lquivalence de leur

    fonction de dissuasion. Au-del de cet exemple, il est permis de se demander si les diffrences

    substantielles entre les lgislations nationales permettent que soit rempli lobjectif

    dquivalence fonctionnelle, soulevant par la mme la question de lefficacit et de

    lopportunit de la stratgie conventionnelle actuelle.

    2 : La ncessit dune stratgie internationale dintgration normative

    Aboutissant des disparits dans lincrimination nationale de la corruption, la stratgie

    conventionnelle actuelle napparat pas mme de permettre une lutte suffisamment efficace

    contre un phnomne dont la transnationalit ncessite une incrimination plus homogne.

    transactions commerciales internationales ; disponible ladresse internet :http://www.oecd.org/dataoecd/19/38/36872265.pdf, (dernire consultation le 25 fvrier 2008).52Point 213 du Mid-Term Study of Phase 2 Reports, Application of the Convention on Combating Bribery of

    Foreign Public Officials in International Business Transactions and the 1997 Recommendation on CombatingBribery in International Business Transactions, rapport adopt le 22 Mai 2006 par le Groupe de Travail sur lacorruption dans les transactions commerciales internationales,Ibid.

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    Une telle homognit ne saurait tre atteinte que par lentremise dune internationalisation

    intgre de lincrimination de corruption active. Cette internationalisation appelle un

    changement de paradigme (A), qui pourrait tre ralise par lentremise de la Cour Pnale

    Internationale (ci-aprs C.P.I.) (B).

    A) Le ncessaire changement de paradigme

    Les lacunes de la stratgie conventionnelle actuelle rvlent linadaptation du cadre

    juridique national aux fins dincriminer efficacement la corruption (1). Une telle efficacitrequiert une incrimination suffisamment uniforme, uniformit ne pouvant tre atteinte que

    dans le cadre de lordre juridique international pnal (2).

    1) Linadaptation du cadre juridique national

    Sans nier les progrs permis par les mcanismes de contrle, certains auteurs estiment

    juste titre quune plus grande harmonisation des lgislations nationales est difficilementenvisageable en prsence de standards conventionnels si larges. Aussi, afin de remdier

    cette difficult, ils prconisent une volution des dispositifs conventionnels vers un

    resserrement de ces standards. Le Professeur Carlberg considre notamment que les Etats

    parties la Convention de lO.C.D.E. devraient adopter a minimum five-year statute of

    limitations requirement, a five-year maximum term of emprisonment for natural persons

    convicted of bribery, and impose a fine of not less than $175,000 USD for individuals

    convicted of bribery .

    53

    Il est certain que les standards conventionnels actuels sont trop larges pour que puisse

    merger des lgislations nationales une incrimination suffisamment uniforme de la corruption.

    Cependant, contrairement ce que prconise par exemple le Professeur Carlberg, il est

    possible de douter de la compatibilit dun rtrcissement de ces standards avec la ratio mme

    53 CARLBERG (C.K.), A Truly Level Playing Field For International Business : Improving the OECD

    Convention on Combating Bribery Using Clear Standards , British Columbia International and ComparativeLaw Review, 2003, vol. 95, p. 111.

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    23

    du principe de lquivalence fonctionnelle. En effet, une telle volution aurait pour

    consquence de rduire la marge de libert des Etats dans lincrimination nationale de la

    corruption. Un tel resserrement limiterait ainsi leur aptitude prendre en compte leurs

    spcificits nationales, tant juridiques que culturelles.

    Aussi, dans le cadre dune stratgie internationale reposant sur les droits pnaux nationaux,

    une prcision des standards conventionnels apparat thoriquement incohrente et

    pratiquement irraliste. Les ordres juridiques nationaux constituent un obstacle structurel et

    incommensurable sur la voie dune telle volution de la stratgie de dcentralisation

    normative.

    Si un tel constat souligne les limites des mcanismes conventionnels contemporains, il

    ne doit pas pour autant conduire au statu quo. Il invite au contraire repenser la stratgie

    conventionnelle. Un tel renouvellement ne peut sinscrire que dans un changement de

    paradigme. En effet, inconcevable dans une logique intertatique, une prcision des standards

    est en revanche possible dans le cadre dune approche proprement supranationale.

    2) Ladquation de lordre juridique international

    Certains auteurs voient dans un tel changement de paradigme la marque dun

    universalisme crasant, dun no-colonialisme omnipotent. Ces critiques ne sont pas sans

    rappeler les dbats ayant accompagn lmergence des ordres pnaux nationaux entre

    universalistes et relativistes . Ainsi, alors que Diderot estimait que les murs ne sont

    ni africaines, ni asiatiques, ni europennes , Montesquieu voyait dans luniversalisme unemarque de despotisme.54Au milieu de ces dbats entre les partisans de la Raison universelle et

    ceux de la Raison historique, les circonstances historiques ont conduit lmergence dordres

    pnaux tatiques, uniformisant le droit pnal applicable dans les diffrentes provinces des

    royaumes. Sans que lon puisse pousser outre mesure lanalogie entre ldification des ordres

    pnaux nationaux et celle de lordre pnal international, leurs fondements conceptuels et

    structurels tant diffrents, celle-ci permet nanmoins dattester que les considrations

    54CARTUYVEL (Y.), Le droit pnal et lEtat : des frontires naturelles en question , in HENZELIN (M.),ROTH (R.) (dir.),Le droit pnal lpreuve de linternationalisation, op. cit., note 24, pp. 9-10.

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    24

    politiques et les ncessits sociales peuvent entraner une dynamique dintgration de la

    matire pnale.

    Avec lmergence de lordre juridique pnal international depuis la fin de la seconde guerre

    mondiale, un tel phnomne constitue dailleurs une ralit lchelle universelle. Prfac

    par le procs de Nuremberg et depuis lors en dveloppement constant,55 celui-ci est non

    seulement le porteur des valeurs morales de lHumanit, mais aussi leur garant, leur

    protecteur. La protection quil leur confre rside notamment dans lincrimination proprement

    internationale de crimes gravs dans le marbre du statut de juridictions internationales,

    quelles soient ad hoc, hybrides ou bien dote dune comptence gnrale en ce qui concerne

    la C.P.I.

    Comme en atteste tous les prambules des conventions internationales, la rprobation

    de la corruption fait partie intgrante du patrimoine moral de lHumanit . Le Tribunal

    arbitral constitu dans laffaire World Duty et prsid par Gilbert Guillaume a ainsi

    rcemment considr que in light of domestic laws and international conventions relating to

    corruption and in light of the decisions taken in this matter by courts and arbitral tribunals

    [], bribery is contrary to the international public policy of most, if not all, States or, to use

    another formula, to transnational public policy.56

    Dj porteur de cette rprobation universelle de la corruption, il convient prsent que lordre

    juridique international en devienne le garant, et ce, commencer par lentremise de

    linternationalisation normative intgre du crime de corruption. Si cette incrimination a

    jusqualors t dlgue aux droits pnaux nationaux, la ncessit sociale de lutter plus

    efficacement contre la corruption et lvolution du contexte juridico-politique, permettent etappellent ce changement de paradigme. Un tel changement permettrait de franchir la pierre

    dachoppement que constituent les particularismes nationaux sur la voie de la prcision de

    lincrimination de la corruption. En effet, obstacles infranchissables dans une approche

    normative dcentralise, ces spcificits perdraient de leur prpondrance et de leur

    55SZUREK (S.), Historique : la formation du droit international pnal , in ASCENSIO (H.), DECAUX (E.),PELLET (A.) (dir.), Droit international pnal, Paris, Pedone, 2000, p. 7.56

    World Duty Free Limited c. Rpublique du Kenya, affaire CIRDI N ARB/00/7, 4 octobre 2006, 157 ;disponible ladresse internet : http://ita.law.uvic.ca/documents/WDFv.KenyaAward.pdf, (dernire consultationle 25 fvrier 2008).

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    25

    irrductibilit dans le cadre dune dmarche dintgration. Dans la perspective de ce

    changement de paradigme, la Cour Pnale Internationale pourrait assurer le rle de

    passeur .

    B) La Cour Pnale Internationale comme passeur

    Vecteur de ce changement de paradigme, linscription des pratiques de corruption au

    Statut de la C.P.I. permettrait la cristallisation institutionnelle de ce crime (1) et la

    formulation dune norme primaire internationale dincrimination (2).

    1) La cristallisation institutionnelle du crime international de corruption

    Si les particularismes nationaux, juridiques et culturels, ne sont pas des lments

    incommensurables ds lors que lon envisage ladoption dune norme primaire internationale,

    il nen reste pas moins quils constituent des lments importants de la ngociation

    intertatique. Ainsi, malgr la rprobation universelle de la corruption et la ncessit

    dadopter une approche normative intgre, il nest pas douter quun facteur externe soit

    ncessaire pour conduire les Etats passer le pas, changer de paradigme normatif.

    Ce changement de paradigme pourrait tre permis par la Cour Pnale Internationale. Elle

    oprerait une sorte de cristallisation institutionnelle du crime de corruption. En effet, le

    cadre institutionnel international que constitue la Cour permettrait dinscrire les ngociations

    intertatiques, et son enjeu, lincrimination de la corruption, un niveau proprement supra-

    tatique. Runis autour de la table des valeurs universelles pour la rengociation du Statut

    de la principale juridiction pnale internationale, symbole de la maturit de lordre

    international pnal, les Etats auraient sans nul doute une tendance moindre opposer

    irrductiblement leurs particularismes. Comme illustr par le droulement des principaux

    sommets intergouvernementaux traitant de questions prpondrantes pour lHumanit, un

    consensus pourrait au final merg et une dfinition universelle de la corruption tre adopt.

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    Utopie ou ralit ? Le crime de corruption pourrait-il rejoindre le crime de gnocide,

    les crimes contre lhumanit, les crimes de guerre et le crime dagression dans le statut de la

    Cour ?57

    En fait, la ralit est dj porte de main. En effet, la lumire de larticle 123 du Statut de

    la C.P.I., une confrence de rvision devrait se tenir compter de 2009, et ce, notamment aux

    fins dexaminer les amendements relatifs la liste des crimes figurant larticle 5.58Larticle

    121 prvoit que tout Etat partie peut proposer des amendements au Statut. Or, certains Etats

    entendent dores et dj proposer lintroduction de la corruption dagent public comme crime

    lgard duquel la Cour aurait comptence. Lachambre des reprsentants de Belgique a ainsi

    adopt le 17 juillet 2000 une "proposition de rsolution tendant la comptence de la Cour

    pnale internationale d'autres dlits internationaux graves, en particulier les dlits

    conomiques", au premier rang desquels figure la corruption active et passive de

    fonctionnaires trangers. Cette inscription au Statut de la Cour permettrait ainsi ldification

    dune norme primaire proprement internationale incriminant la corruption.

    2) La normativisation primaire du crime international de corruption

    Oprant une cristallisation institutionnelle du crime de corruption, la mention de ce

    crime au Statut de la Cour viendrait parachever la cristallisation coutumire jusquici

    ralise. En effet, lactuelle nature coutumire du crime de corruption et les incertitudes qui

    entourent son contenu exact, sont incompatibles avec les exigences du principe de lgalit,

    pilier du droit pnal.

    Ce principe, dont lorigine remonte larticle 39 de laMagna Carta Libertatum,

    59

    sapplique,tant dans les ordres pnaux internes que dans lordre pnal international. Dans le cadre du

    57Relativement lagression, la comptence de la Cour est conditionne ladoption dune dfinition qui devraitfaire lobjet dun accord lors de la Confrence de rvision; Statut de Rome adopt le 17 juillet 1998, entr envigueur le 1er juillet 2002, doc. A/CONF.183/9 ; disponible ladresse internet : http://www.icc-cpi.int/library/about/officialjournal/Statut_du_rome_120704-FR.pdf, (dernire visite le 25 fvrier 2008).58Article 123 du Statut de la C.P.I. : Sept ans aprs lentre en vigueur du prsent Statut, le Secrtaire gnralde lOrganisation des Nations Unies convoquera une confrence de rvision pour examiner tout amendement auprsent Statut. Lexamen pourra porter notamment, mais pas exclusivement, sur la liste des crimes figurant larticle 5. La confrence sera ouverte aux participants lAssemble des Etats Parties, selon les mmes

    conditions. ; Statut de Rome adopt le 17 juillet 1998, entr en vigueur le 1er

    juillet 2002,Ibid.59Article 39 de la Magna Carta libertatum : Nullus liber homo capiatur vel impresonetur aut dissaisiatur aututlegatur aut exuletur aut aloquo modo destruatur nec super eum ibimus nec super eum mittemus nisi per legale

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    contrat social qui les lie, il vise protger les citoyens des prrogatives de lEtat, en

    assurant ceux-ci la lgalit et la prvisibilit des lois pnales. Cette ratio du principe de

    lgalit qui structure lincrimination pnale dans les pays de tradition civiliste ne peut

    sappliquer au sein dun ordre international o lexistence dun contrat social peut tre

    questionne.60Dans celui-ci, le principe de lgalit trouve plus srement son fondement dans

    les droits de lhomme de laccus.61 Quel que soit son champ dapplication, national ou

    international, ce principe de lgalit contient trois branches, connues sous leurs dnominations

    latines : le principe nullum crimen sine lege scripta, le principe nullum crimen sine lege

    strictaet le principe nullum crimen sine lege proevia. Un crime doit ainsi tre prvu par une

    norme crite, prcisant clairement et prcisment le comportement prohib, cette norme ne

    pouvant avoir un effet rtroactif. En outre, on associe gnralement au principe de lgalit du

    crime, celui de la lgalit de la peine. Aux termes du principe nulla poena sine lege, la

    sanction attache la commission dun crime doit galement tre clairement prcise.

    La prcision requise par le principe de lgalit poserait donc la question du contenu de

    la dfinition statutaire du crime de corruption. Sans nier ici les difficults pour parvenir un

    consensus sur une telle dfinition, celles-ci ne constituent pas pour autant un obstacle

    insurmontable dans la perspective de la mention du crime de corruption dans le Statut. On en

    veut pour preuve lexemple du crime dagression. Bien que problmatique au regard de sa

    dfinition, lagression figure dans le statut de la Cour. Les Etats se sont simplement laisss le

    temps de sentendre sur une dfinition, dfinition qui devrait faire lobjet dun accord final

    lors de la Confrence de rvision susmentionne.62Par ailleurs, dun point de vue substantiel,

    de la mme manire que le crime de guerre dont la dfinition statutaire dtaille une liste de

    judicium parium suorum vel per legem terrae. ( Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonn oudpossd de ses biens, dclar hors-la-loi, exil ou excut, de quelques manires que ce soit. Nous ne lecondamnerons pas non plus l'emprisonnement sans un jugement lgal de ses pairs, conforme aux lois dupays. )60 Dans les pays de common law, le droit pnal nest pas bas sur le principe de stricte lgalit mais sur leprincipe de justice substantielle. Au regard de ce principe, laccent tant mis sur la sanction de toutcomportement socialement dangereux, celle-ci peut tre inflige mme si elle ne constituait pas un crime auregard de la loi au moment de sa commission, voir CASSESE (A.), International Criminal Law, Oxford

    University Press, Oxford, 2003, p. 139-158.61Ibid.,p. 144.62Voir supranote 57.

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    inD. Dormoy (ed),La corruption et le droit international(Bruxelles, Bruylant, 2010) 169-218.

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    vingt six actes,63 un accord sur la dfinition du crime de corruption pourrait consister en

    lnumration des comportements prohibs ce titre.

    Catalyseur dune internationalisation normative intgre, la Cour Pnale Internationale

    pourrait galement permettre de remdier aux lacunes dune stratgie institutionnelle base

    sur les juridictions nationales.

    Section 2 : De la coordination internationale des juridictions nationales

    linternationalisation institutionnelle

    Le deuxime niveau de linternationalisation pnale est marqu par le maintien de la

    comptence juridictionnelle au niveau tatique. A dfaut de voir linstauration dune

    juridiction internationale, il implique cependant la coordination conventionnelle des

    comptences juridictionnelles nationales.

    Les conventions de lutte contre la corruption adoptent une telle stratgie juridictionnelle.

    Base sur lEtat, celle-ci apparat peu adapte la poursuite efficiente des auteurs de

    corruption ( 1). Au regard de ce constat, lefficacit de la lutte contre la corruption requiert

    un changement de stratgie, au profit dune internationalisation institutionnelle plus mme

    de saisir les phnomnes de corruption ( 2).

    1 : Linsuffisance dune stratgie internationale de coordination des juridictions

    nationales

    Lapprhension judiciaire des crimes de corruption prvue par les conventions

    internationales sorganise autour des juridictions tatiques, en multipliant leurs chefs decomptence et en sefforant de les coordonner (A). Le maillage juridictionnel ainsi tabli ne

    permet pas de saisir efficacement le phnomne de corruption transnationale, rvlant par la

    mme linadaptation structurelle des appareils judiciaires tatiques pour oprer une telle saisie

    (B).

    63Article 8 du Statut de la C.P.I., Statut de Rome adopt le 17 juillet 1998, entr en vigueur le 1erjuillet 2002,op. cit., note 57.

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    A) Le tissage dun maillage juridictionnel tatique

    Le phnomne de corruption transnationale est caractris par la multiplication des

    lments dextranit, bass sur la nationalit des agents impliqus dans lacte de corruption,

    celle des victimes ainsi que sur la multiplicit des territoires, par et sur lesquels, se ralisent

    les pratiques de corruption. Au regard de cette transnationalit du phnomne, les conventions

    de lutte contre la corruption multiplient les chefs de comptence tatique (1). Afin dviter les

    effets nfastes de la concurrence juridictionnelle cause par cette multiplication ainsi que

    de favoriser lapprhension de la corruption internationale, les conventions organisent dans le

    mme temps un rudiment de coordination judiciaire (2).

    1) La multiplication des chefs de comptence tatique

    Tout en imposant aux Etats ladoption de mesures pour tablir leur comptence sur la

    base de certains chefs de comptence, les conventions de lutte contre la corruption leur

    accordent une certaine marge de manuvre, dune part, en autorisant des drogations

    relativement ces chefs de comptence, dautre part, en leur laissant la possibilit de se

    reconnatre comptents sur la base dautres chefs.

    Les deux critres de comptence prvus par les conventions concernent la comptence

    territoriale et la comptence personnelle active.

    Mutatis mutandis, ces conventions disposent que les Etats parties doivent tablir leur

    comptence lgard des infractions commises en tout ou partie sur leur territoire.64 La

    comptence territoriale [doit] tre interprte largement, de faon quun large rattachementmatriel lacte de corruption ne soit pas exig. 65 Les formulations utilises dans les

    diverses conventions consacrent en fait le principe de la thorie