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André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et des collectivités territoriales, 2018-2019 Série de documents n° 4 Document n° 1 : Thoenig Jean-Claude, Dupuy François, « La loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation. De l’analyse des textes à l’observation des premiers pas », Revue française de science politique, vol. 33, n°6, 1983, pp. 966-967. La loi semble, en effet, aller plus loin qu’une simple mise en demeure aux collectivités locales de prendre leurs responsabilités. Elle met en place tous les mécanismes nécessaires à une intégration politique, voire partisane. Pour les grandes villes, ou même les villes moyennes, le problème s’est trouvé résolu avant la loi : dotées de services techniques à compétence croissante, pourvues d’un secteur administratif de plus en plus étoffé en qualité et en quantité, ces villes ont les moyens de la loi. Cela apparaît d’autant plus vrai que dans certaines études récentes, que nous avons menées, nous avons pu constater l’abandon par des fonctionnaires infra-départementaux, de la grande ville comme terrain d’action 1 , au bénéfice d’un accroissement de leurs activités en milieu rural ou semi-rural. L’évolution de la France rurale vers la France urbaine paraît bien traduire une lente mutation du système politico- administratif classique tel que l’avaient pu décrire M. Crozier, P. Grémion et J.-C. Thoenig. La grande ville n’est plus aujourd’hui, semble-t-il, une exception au système général, elle est un autre système qui se caractérise par la prise en charge directe d’activités croissantes, en particulier dans le domaine social, et par le dialogue avec les fonctionnaires départementaux. Le système rural est, au contraire, celui de l’absence de moyens techniques, administratifs ou financiers des collectivités locales, et du recours au fonctionnaire infra-départemental de préférence à l’appel au notable élu le plus proche. Le « petit élu », comme le fonctionnaire infra-départemental, ont un intérêt commun à préserver cette relation : le premier y trouve autonomie politique et le second autonomie hiérarchique Un des effets possibles de la loi est de remettre en cause l’existence de ce « double système », plus particulièrement d’intégrer le modèle rural au modèle urbain. Privé, en effet, de la tutelle protectrice du fonctionnaire, l’élu aux faibles moyens devra bien faire appel à une filière lui garantissant la conformité de ses actes ou l’accueil favorable de ses dossiers. Trop de juridisme empêche de voir qu’il ne s’agit pas là d’une règle formelle, mais de garanties que l’élu juge indispensables pour affronter dans les meilleures conditions le face-à-face avec l’électeur. Cette garantie, ces protections, ces accès aux centres de décision, tout porte à croire qu’ils passeront désormais par le conseiller général, relais devenu indispensable entre la petite commune et le président du Conseil général, véritable maire du département. C’est ce que nous appelons l’intégration politique. Elle appelle deux remarques : - Rien ne permet de penser que les acteurs concernés vont entrer passivement dans le jeu intégrateur des grands notables. Les fonctionnaires infra-départementaux perdraient, à terme, toute autonomie, toute capacité à jouer les jeux autonomes au bénéfice de « leurs » élus ; par ailleurs, les premières observations que nous avons pu faire montrent que les administrations centrales elles-mêmes, à des degrés divers bien sûr, ne sont pas insensibles au problème. Elles peuvent voir dans la mise en œuvre des dispositions nouvelles des moyens de retrouver des marges de jeu qu’elles avaient perdues au niveau départemental. Étonnant paradoxe que celui que nous croyons voir s’esquisser. Véritable revanche du centre administratif sur sa périphérie : celui-ci contourne son échelon départemental, et tente, en mobilisant ses fonctionnaires infra-départementaux, d’offrir aux petites communes le ballon oxygène qu’elles recherchent déjà. Il y a entre les uns et les autres une forte convergence pour que la loi du 2 mars en reste à une simple redistribution horizontale des pouvoirs entre les « chefs » du département. 1 Dupuy (Dominique), Le social au quotidien, rapport ronéoté INSEAD-CSO, 1983.

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André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et

des collectivités territoriales, 2018-2019

Série de documents n° 4

Document n° 1 : Thoenig Jean-Claude, Dupuy François, « La loi du 2 mars 1982 sur la

décentralisation. De l’analyse des textes à l’observation des premiers pas », Revue française de

science politique, vol. 33, n°6, 1983, pp. 966-967.

La loi semble, en effet, aller plus loin qu’une simple mise en demeure aux collectivités locales de prendre leurs

responsabilités. Elle met en place tous les mécanismes nécessaires à une intégration politique, voire partisane. Pour les

grandes villes, ou même les villes moyennes, le problème s’est trouvé résolu avant la loi : dotées de services techniques

à compétence croissante, pourvues d’un secteur administratif de plus en plus étoffé en qualité et en quantité, ces villes

ont les moyens de la loi. Cela apparaît d’autant plus vrai que dans certaines études récentes, que nous avons menées,

nous avons pu constater l’abandon par des fonctionnaires infra-départementaux, de la grande ville comme terrain

d’action1, au bénéfice d’un accroissement de leurs activités en milieu rural ou semi-rural.

L’évolution de la France rurale vers la France urbaine paraît bien traduire une lente mutation du système politico-

administratif classique tel que l’avaient pu décrire M. Crozier, P. Grémion et J.-C. Thoenig. La grande ville n’est plus

aujourd’hui, semble-t-il, une exception au système général, elle est un autre système qui se caractérise par la prise en

charge directe d’activités croissantes, en particulier dans le domaine social, et par le dialogue avec les fonctionnaires

départementaux.

Le système rural est, au contraire, celui de l’absence de moyens techniques, administratifs ou financiers des collectivités

locales, et du recours au fonctionnaire infra-départemental de préférence à l’appel au notable élu le plus proche.

Le « petit élu », comme le fonctionnaire infra-départemental, ont un intérêt commun à préserver cette relation : le

premier y trouve autonomie politique et le second autonomie hiérarchique

Un des effets possibles de la loi est de remettre en cause l’existence de ce « double système », plus particulièrement

d’intégrer le modèle rural au modèle urbain. Privé, en effet, de la tutelle protectrice du fonctionnaire, l’élu aux faibles

moyens devra bien faire appel à une filière lui garantissant la conformité de ses actes ou l’accueil favorable de ses

dossiers. Trop de juridisme empêche de voir qu’il ne s’agit pas là d’une règle formelle, mais de garanties que l’élu juge

indispensables pour affronter dans les meilleures conditions le face-à-face avec l’électeur. Cette garantie, ces

protections, ces accès aux centres de décision, tout porte à croire qu’ils passeront désormais par le conseiller général,

relais devenu indispensable entre la petite commune et le président du Conseil général, véritable maire du

département. C’est ce que nous appelons l’intégration politique. Elle appelle deux remarques :

- Rien ne permet de penser que les acteurs concernés vont entrer passivement dans le jeu intégrateur des

grands notables. Les fonctionnaires infra-départementaux perdraient, à terme, toute autonomie, toute capacité

à jouer les jeux autonomes au bénéfice de « leurs » élus ; par ailleurs, les premières observations que nous

avons pu faire montrent que les administrations centrales elles-mêmes, à des degrés divers bien sûr, ne sont

pas insensibles au problème. Elles peuvent voir dans la mise en œuvre des dispositions nouvelles des moyens

de retrouver des marges de jeu qu’elles avaient perdues au niveau départemental. Étonnant paradoxe que celui

que nous croyons voir s’esquisser. Véritable revanche du centre administratif sur sa périphérie : celui-ci

contourne son échelon départemental, et tente, en mobilisant ses fonctionnaires infra-départementaux, d’offrir

aux petites communes le ballon oxygène qu’elles recherchent déjà. Il y a entre les uns et les autres une forte

convergence pour que la loi du 2 mars en reste à une simple redistribution horizontale des pouvoirs entre les

« chefs » du département.

1 Dupuy (Dominique), Le social au quotidien, rapport ronéoté INSEAD-CSO, 1983.

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- Si, cependant, intégration il y a, elle a de bonnes chances d’être partisane, et d’introduire dans le système

départemental français des phénomènes de clientélisme politique qui en étaient jusque-là en grande partie

absents. Les possibilités restent aujourd’hui grandement ouvertes sur le degré que peut atteindre cette

politisation. Elle peut aussi bien se borner à une simple mise sous tutelle des élus cantonaux par le conseiller

général, qu’aller jusqu’à une régulation de l’ensemble par l’appareil du parti dominant, comme un certain

nombre de cas permettent dès maintenant de l’observer.

Document n° 2 : Mabileau Albert, « Les génies invisibles du local. Faux-semblants et

dynamiques de la décentralisation », Revue française de science politique, vol. 47, n° 3-4, 1997,

pp. 366-367.

En même temps que le département recouvrait son influence traditionnelle et la consolidait, notamment comme

médiateur de la société locale, la région montrait son dynamisme initiateur des politiques de développement et

d’ouverture sur l’avenir. Dans une structure désormais horizontale, les deux niveaux d’instances se sont retrouvés

simultanément en situation de concurrence et de solidarité, dont la dualité a subsisté jusqu’à aujourd’hui. Les conflits

n’ont pas manqué, depuis les querelles personnelles engendrées par les rivalités entre leaders locaux jusqu’aux

affrontements politiques. Mais, en même temps, une coopération s’est instaurée entre eux pour la mise en œuvre des

grands projets d’aménagement, parfois sur l’initiative du préfet de région. Un autre type de rapports s’établit avec les

collectivités de base sous la forme de relations d’échange inégal, qui sont extrêmement diversifiées. L’assistance

apportée par les départements aux communes rurales dès avant la décentralisation - au-delà d’ailleurs des mécanismes

prévus par la législation - s’est élargie à la suite de la réforme2 par la création d’agences techniques départementales

mises à disposition des maires pour la distribution de services, où l’on a cru voir une tutelle masquée sur les petites

communes. De même, les accords entre les communautés urbaines ou les villes et les communes suburbaines ou

périurbaines pour la délivrance de services réciproques, comme le logement ou les équipements culturels, où les

frontières administratives sont ignorées, relèvent de mécanismes de transterritorialité et d’un ajustement fonctionnel

et parfois financier pour répondre aux besoins des populations.

Ces stratégies d’influence partagée ont été largement perturbées par l’État, dont on observe que les interventions se

sont multipliées dans les années qui ont suivi la décentralisation. La territorialisation de l’action de l’État par des

intrusions transversales a apporté des dérèglements dans la dynamique de l’espace et constitué un autre facteur de

déséquilibre dans l’échange entre partenaires locaux. L’imbroglio des subventions accordées par les différents

ministères et les services territoriaux en porte un témoignage saisissant : subventions spécifiques, procédures

contractuelles à partir notamment des contrats de plan État-région qui débordent pour certaines de leurs dispositions

sur les départements et même sur les villes, normalisation des financements croisés ont été créatrices de disparités

pour les territoires et d’incertitudes pour les acteurs locaux. Il faudra attendre une dizaine d’années pour que des

dispositions soient prises afin d’effectuer une remise en ordre destinée à corriger des inégalités territoriales

grandissantes, comme la dotation de solidarité urbaine (1991), ou la création de zones franches dans les villes (1996)

qui ont été maintenues à la suite du changement de gouvernement en 1997. La confusion territoriale de l’action

publique s’est accrue au point, non seulement de poser un problème aigu de coordination, mais aussi de ne plus

reconnaître les responsables effectifs de l’aménagement du territoire et de son développement […].

Document n° 3 : circulaire du 22 juillet 1982 relative aux nouvelles conditions d’exercice du

contrôle de légalité des actes administratifs des autorités communales, départementales et

régionales

2 La loi de 1982 dispose que «le département apporte aux communes ... son soutien à l'exercice de leurs compétences».

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Document n° 4 : extraits du Rapport d'information n° 300 de Jacques Mézard, Prendre acte de

la décentralisation : pour une rénovation indispensable des contrôles de l'État sur les collectivités

territoriales, Sénat, 25 janvier 2012.

Repères ?

3. Vers la disparition de facto du contrôle de légalité ?

L'impression générale est toujours celle d'« un profond décalage entre l'importance objective de ce contrôle dans la théorie de la

décentralisation et la place secondaire qu'on lui accorde aujourd'hui72(*). » En témoigne par exemple la réduction de la fréquence de l'obligation faite au Gouvernement d'informer le Parlement sur cette activité73(*).

S'il convient de ne pas généraliser les insuffisances repérées ici ou là, leur récurrence suscite de sérieux doutes quant à l'effectivité du contrôle de légalité.

a) Un contrôle de légalité réduit à peau de chagrin

(1) Un recul quantitatif

(a) Une réduction plus rapide du nombre d'interventions préfectorales que du nombre d'actes transmis

L'analyse des chiffres fournis par la DGCL est sans appel :

Evolution annuelle du nombre d'actes transmis, du nombre d'observations, du taux d'observations, du nombre

de déférés et du taux de déférés

Année 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nombre d'actes transmis 7 329 272 7 736 756 7 871 379 7 734 832 7 735 473 8 311 681

Nombre d'observations 175 933 173 875 112 114 96 041 95 947 99 370

Taux d'observations (% du nombre total

d'actes)

2,40 % 2,25 % 1,42 % 1,24 % 1,24 % 1,20 %

Nombre de déférés 1 868 1 713 1 652 1 264 1 605 1 424

Taux de déférés (% du nombre total d'actes) 0,025 % 0,022 % 0,021 % 0,016 % 0,021 % 0,017 %

Année 2005 2006 2007 2008 2009

Nombre d'actes transmis 6 517 802 6 347 752 5 892 730 6 551 199 5 567 609

Nombre d'observations 80 319 81 803 64 069 85 180 46 498

Taux d'observations

(% du nombre total d'actes)

1,23 % 1,29 % 1,09 % 1,30 % 0,84 %

Nombre de déférés 1 236 1 411 1363 1373 1 034

Taux de déférés (% du nombre total d'actes) 0,019 % 0,022 % 0,023 % 0,021 % 0,019 %

Source : Synthèse de tableaux du ministère de l'Intérieur issu du rapport de la DGCL.

Alors que le nombre d'actes transmis a été sensiblement réduit, ce qui aurait pu permettre un renforcement du contrôle

sur les actes restants, réputés plus difficilement analysables (les marchés publics par exemple), le nombre d'observations et de déférés a également diminué, atteignant des proportions encore plus faibles que par le passé : moins de 1 % des actes

transmis au titre du contrôle de légalité font aujourd'hui l'objet d'observations (0,84 %), et seuls 0,019 % d'entre eux font l'objet d'un déféré, pour un taux de contrôle que la DGCL évalue à 52,74 % pour 200974(*).

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Si l'on compare la moyenne des années 1999, 2000 et 2001, par rapport à la moyenne des années 2007, 2008 et 2009, le

nombre d'actes transmis a été réduit de plus de 20 % alors que le nombre d'observations a été réduit de près de 60 % et le nombre de déférés de près de 30 %.

Le taux de déférés par rapport au nombre d'actes reçus a diminué moins vite que le taux d'observations. Ceci explique que la proportion de déférés par rapport aux observations augmente : si le nombre d'observations diminue, celles-ci sont

davantage que par le passé suivies d'une procédure contentieuse :

Evolution annuelle des taux de déférés par rapport aux observations

Année 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nombre d'observations 175 933 173 875 112 114 96 041 95 947 99 370

Nombre de déférés 1 868 1 713 1 652 1 264 1 605 1 424

Taux % 1,06 % 0,99 % 1,47 % 1,32 % 1,67 % 1,43 %

Année 2005 2006 2007 2008 2009

Nombre d'observations 80 139 81 803 64 069 85 180 46 498

Nombre de déférés 1 236 1 411 1 363 1 373 1 034

Taux % 1,54 % 1,72 % 2,13 % 1,61 % 2,22 %

Source : DGCL.

Comme l'explique la DGCL, les observations « qui demeurent semblent concerner davantage des affaires complexes ou conflictuelles, possible résultante d'un contrôle plus centré sur des domaines d'enjeux75(*) ».

Néanmoins, et comme l'a opportunément fait remarquer notre collègue Anne-Marie Escoffier en délégation, la faiblesse du nombre de déférés laisse perplexe, compte tenu du taux relativement faible

d'actes retirés ou réformés après intervention de la préfecture. Ce taux s'élève à 53,7 % pour les contrôles de légalité et budgétaire en 2010, mais il est encore plus faible si l'on considère seulement le contrôle de légalité76(*). L'ensemble

des interventions de la préfecture ne vise certes pas nécessairement le retrait ou la réformation des actes considérés, certaines irrégularités mineures pouvant être relevées dans une perspective pédagogique. Il arrive également que les services

préfectoraux reviennent sur leur appréciation initiale d'illégalité compte tenu des explications fournies par la collectivité. En revanche, il semble difficile de concevoir que ces cas soient généralisés. Il est donc possible de conclure que nombre d'actes présumés illégaux par les préfectures et inchangés par les collectivités échappent au contrôle du juge, compte tenu du

pouvoir discrétionnaire du préfet en matière de déféré.

Ce ralentissement global d'activité des préfectures pourrait certes s'expliquer par la diminution du nombre d'illégalités

commises par les collectivités, due à l'allègement de certaines procédures ainsi qu'à l'amélioration globale de leurs performances. Un renforcement de la mission de conseil assurée en amont par les préfectures est également parfois invoqué,

de même que le recentrage du contrôle sur des actes réputés plus complexes à analyser. Il y a sans conteste du vrai dans une telle approche, optimiste, ne serait-ce que parce qu'il ne fait guère de doute que, globalement, la qualification des

personnels des collectivités territoriales s'est hissée à un niveau de grande qualité. Néanmoins, il est difficile de ne pas y voir aussi la traduction d'un recul effectif du contrôle de légalité, qui a été perçu par l'ensemble des acteurs

concernés.

(b) Les limites de la politique de définition de priorités

L'examen des indicateurs du rapport annuel de performance (RAP) de la mission « Administration générale et territoriale de

l'Etat» pour l'année 2010, tels que le taux de contrôle des actes prioritaires77(*), confirme cette analyse.

Malgré l'objectif de contrôle de 100 % pour les actes prioritaires, les taux de contrôle renseignés par les

préfectures ont diminué ces dernières années, de 94 % en 2008 à 91 % en 2010. Cette diminution peut certes s'expliquer en partie par les bouleversements entraînés par la récente centralisation du contrôle en préfecture, mais il

apparaît nécessaire de mettre un frein à ce mouvement général de recul du contrôle de légalité.

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Indicateur 3.1 : Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture78(*)

2008 2009 2010 Cible 2010

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture (contrôle de légalité) 94 % 93 % 91 % 100 %

Source : RAP pour 2010, Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Cet indice agrégé cache en outre de fortes disparités entre les territoires : si deux tiers des préfectures ont

effectivement leur taux de contrôle des actes prioritaires compris entre 90 % et 100 %, cinq d'entre elles ont un taux inférieur à 70 %. S'il s'agit certes de chiffres dont l'interprétation ne saurait être exagérée, force est de constater que

nombre de personnes entendues par votre rapporteur ont témoigné de disparités importantes entre les territoires.

Cette diminution est d'autant plus regrettable que le nombre d'actes prioritaires a également baissé, ce qui

aurait pu laisser présager une amélioration de la performance des préfectures sur les actes demeurant prioritaires. Le champ des actes prioritaires a en effet été ajusté au fil du temps. D'après le rapport annuel de performance (RAP) pour 2009, si

« en 2008, les préfectures estimaient devoir contrôler 1,7 million d'actes prioritaires, ce chiffre s'élève à 1,3 million en 200979(*) ». Ce constat pose la question de savoir si l'élaboration d'une stratégie de contrôle prioritaire n'est pas effectivement « une

manière pudique de dire que l'autorité chargée du contrôle essaie de gérer au mieux un contrôle qu'elle est dans l'incapacité d'assurer véritablement80(*) », comme l'a suggéré le professeur Jean-Marie Pontier.

Les données fournies dans le rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle des actes des collectivités territoriales ne permettent pas de mesurer précisément la mise en œuvre effective de chacune des priorités fixées au niveau national,

dans la mesure où les matières retenues pour l'analyse de la répartition des observations par matière ne coïncident pas parfaitement avec les priorités définies au niveau national :

Évolution de la répartition des actes transmis en 2007, 2008 et 2009

Actes

transmis

Nombre

d'actes

transmis en

2007

% du total des

actes transmis

en 2007

Nombre

d'actes

transmis en

2008

% du total des

actes transmis

en 2008

Nombre

d'actes

transmis en

2009

% du total des

actes transmis

en 2009

Décisions de

police

329 324 5,59 % 246 731 3,77 % 199 257 3,58 %

Commande

publique 680 748 11,55 % 660 030 10,07 % 645 371 11,59 %

Fonction

publique

territoriale

1 553 370 26,36 % 1 424 629 21,75 % 1 284 321 23,07 %

Urbanisme 987 729 16,76 % 1 246 683 19,03 % 1 102 932 19,81 %

Autres actes 2 341 559 39,74 % 2 973 126 45,38 % 2 335 728 41,95 %

TOTAL 5 892 730 100 % 6 551 199 100 % 5 567 609 100 %

Source : DGCL.

Évolution de la répartition des observations en 2007, 2008 et 2009

Observations

par matières

Nombre

d'observations

en 2007

% du total des

observations

en 2007

Nombre

d'observations

en 2008

% du total des

observations

en 2008

Nombre

d'observations

en 2009

Pourcentage du

total des

observations en

2009

Décisions de

police

2 400 3,75 % 1 660 1,95 % 987 2,12 %

Commande

publique

14 687 22,92 % 16 847 19,78 % 11 929 25,65 %

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Fonction

publique

territoriale

12 092 18,87 % 9 942 11,67 % 8 264 17,77 %

Urbanisme 15 035 23,47 % 14 949 17,55 % 10 140 21,81 %

Autres actes 19 855 30,99 % 41 782 49,05 % 15 178 32,64 %

TOTAL 64 069 100 % 85 180 100 % 46 498 100 %

Source : DGCL.

La priorité donnée à la commande publique apparaît précisément dans les chiffres disponibles, puisque les actes pris dans ce domaine ont respectivement fait l'objet de 22,9 % , 19,8 % et 25,7 % des observations émises par les préfectures dans le

cadre du contrôle de légalité en 2007, 2008 et 2009, alors qu'ils représentaient seulement 11,6 %, 10,1 % et 11,6 % des actes transmis.

Les actes d'urbanisme ont respectivement fait l'objet de 23,5 %, 17,6 % et 21,8 % des observations émises par les préfectures dans le cadre du contrôle de légalité en 2007, 2008 et 2009, alors qu'ils représentaient respectivement 16,8 %, 19 % et

19,8 % des actes transmis.

D'après le rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités territoriales, les

actes prioritaires représentaient en 2009 24,1 % des actes transmis, et 42,5 % des actes contrôlés au titre du contrôle de légalité81(*). La politique de définition d'actes prioritaires ne s'accompagne donc pas d'un désintérêt pour les autres actes, qui

représentent toujours plus de la moitié des actes faisant l'objet d'un contrôle.

(2) ...mais aussi qualitatif

Le recul quantitatif du contrôle de légalité aurait pu être compensé par une amélioration qualitative de ce dernier. Or, la

teneur dominante des témoignages recueillis à l'occasion de ce rapport tend à prouver le contraire. Lorsqu'un contrôle effectif existe, il est souvent anecdotique, voire même contreproductif.

(a) Des contrôles anecdotiques

Les irrégularités graves effectuées par des collectivités qu'annulent les tribunaux administratifs leur sont souvent présentées

par des particuliers dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, et non par le préfet, même dans les domaines prioritaires du contrôle de légalité. Dans de tels cas, des manquements importants au droit sont donc passés entre les

mailles du contrôle de légalité, leur repérage ayant échappé aux services préfectoraux.

Les interventions des préfectures concernent souvent des irrégularités mineures, certes facilement repérables, mais dont

les conséquences sont relativement insignifiantes. Elles sont souvent le fait de petites collectivités, qui ne disposent pas des mêmes moyens juridiques que leurs homologues de moyenne ou grande taille. Si le signalement de ces irrégularités peut se

justifier au stade non contentieux, afin d'éviter toute annulation de l'acte à l'initiative d'un tiers et dans une visée pédagogique, il semble quelque peu disproportionné qu'elles donnent lieu à des déférés devant la justice administrative. Or, l'analyse des

sujets de déférés montre que cette pratique n'est pas rare. Il en résulte le sentiment d'un certain « acharnement sur les petites collectivités ».

Le contrôle de légalité apparaît ainsi comme un contrôle pointilleux, qui ne répond pas aux enjeux posés par la décentralisation. Comme le résume le rapport de la mission commune d'information sur la RGPP rendu sous la présidence de notre collègue François Patriat et rédigé par Dominique de Legge :

« Le spectre d'un Etat contrôleur résulte vraisemblablement plus de sa production normative que du mode d'exercice du contrôle de légalité. Le contrôle des actes est destiné à assurer le respect de la loi. Il ne s'agit pas d'exercer une surveillance tatillonne des

collectivités locales à seule fin de leur rappeler l'existence « écrasante » d'un Etat régalien. Chacun y a intérêt, le pouvoir central comme les entités décentralisées. Mais celles-ci redoutent un contrôle excessif -dans un environnement législatif, réglementaire et

technique, continûment plus complexe- qui paralyserait les initiatives locales. Elles le subissent dans certains secteurs particulièrement réglementés comme celui de l'environnement au moment, paradoxalement, où l'expertise de l'Etat s'affaiblit par le jeu des mesures

RGPP : « celui-ci paraît se faire plus tatillon dans le contrôle de règlements toujours plus nombreux », observe l'assemblée des communautés de France.

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Les collectivités, confrontées à une accumulation de réformes [...] qu'elles ne maîtrisent pas, sont contradictoirement confrontées au

retrait, sur le territoire, d'un Etat moins présent et moins protecteur. L'Etat semble vouloir compenser la logique de la décentralisation qui l'évince de certaines compétences, par une surveillance pointilleuse du respect, par les collectivités, des normes toujours plus

nombreuses, complexes et coûteuses qu'il édicte. »

Dans ce cadre, le taux de succès de 80 % des déférés préfectoraux ne semble devoir faire l'objet d'aucune satisfaction

particulière. Derrière le nombre déjà faible de déférés, se trouvent en fait des « séries » de contentieux similaires, résultant par exemple de la méconnaissance d'une norme par certaines collectivités ou d'une opposition délibérée à cette dernière.

Le reste des interventions préfectorales ne semble répondre, d'après les témoignages recueillis, à aucune logique particulière, malgré la politique de définition de priorités.

Les déférés préfectoraux transmis au tribunal administratif de Poitiers depuis cinq ans

Les 80 déférés transmis depuis le 1er janvier 2007 ont concerné en majorité des petites communes :

Répartition des déférés par entité concernée

Communes Région Département Regroupements

Nombre de déférés 68 3 1 8

Les déférés concernant les communes étant répartis de la manière suivante :

Nombre d'habitants 0-1 000 hab. 1 000-3 000 hab. 3 000-8 000 hab. >15 000 hab.

Nombre de déférés 21 22 11 14

23 d'entre eux ont été accompagnés d'un référé-suspension.

Derrière ces chiffres se cachent des « séries » de déférés portant sur des thèmes récurrents, tel que le service minimum

d'accueil dans les écoles (ayant donné lieu à 16 déférés) ou les consultations sur l'avenir du service public postal (11 déférés).

En outre, une certaine hétérogénéité continue de caractériser le contrôle de légalité, qu'elle concerne la décision

de déférer ou l'interprétation même de certaines règles de droit.

Ce constat doit néanmoins être nuancé : il ne semble pas généralisé et certaines collectivités reconnaissent que les actes qu'elles prennent dans les domaines prioritaires font l'objet d'une vigilance particulière des préfectures. Mais la rareté de

ces témoignages et l'hétérogénéité des situations rencontrées incitent à une prise de conscience du problème et à la recherche de solutions rapides.

(b) Une maîtrise insuffisante de la procédure contentieuse

Outre cette moindre capacité de repérage des illégalités des collectivités territoriales, les services préfectoraux souffrent

également d'une maîtrise imparfaite de la procédure contentieuse, qui nuit à l'efficacité de leur contrôle.

Certaines erreurs rapportées lors des auditions témoignent du recul général de la compétence de l'Etat. Ont ainsi été

évoqués des déférés déclarés irrecevables pour recours tardif, absence de notification préalable dans les cas où elle est prévue82(*), ou incompétence des signataires. En outre, la jurisprudence administrative intéressant leurs sujets n'est pas

toujours bien connue des services déconcentrés, faute de communication au sein des administrations. Il arrive ainsi que certains services ne connaissent pas l'issue de procédures dont ils sont pourtant à l'origine, ce qui les empêche d'en tirer les

leçons !

Le sentiment qui prévaut est dès lors celui d'une absence de rigueur, voire d'une absence de volonté réelle d'obtenir gain

de cause, comme si les services déféraient certains actes pour se couvrir d'un éventuel engagement de leur responsabilité, ou considéraient le déféré comme une simple menace suffisant à obtenir le retrait d'un acte illégal. Il arrive ainsi qu'à l'occasion d'un déféré, les services en charge des contrôles ne soulèvent pas les moyens de nature à favoriser son succès,

alors même qu'ils existent.

Il ne s'agit pas ici de mettre en cause la qualité des personnels chargés des contrôles de légalité et budgétaire, qui ne sauraient

être tenus responsables de l'insuffisance des moyens consacrés à ces derniers. Mais celle-ci a des conséquences considérables sur la qualité de leur travail, qu'il importe de relever.

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Or, si le déféré ne doit pas constituer l'aboutissement systématique de toute intervention préfectorale au titre du contrôle

de légalité, il importe que les services préfectoraux gardent une certaine crédibilité en la matière. L'argumentation des services préfectoraux n'est souvent plus de taille face aux plaidoyers des avocats des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les procédures d'urgence, dont l'utilité n'est plus à démontrer, elles semblent toujours peu utilisées des préfectures, même si une augmentation de leur nombre a été relevée par la DGCL. Elles ont en effet été 392 en 2007,

311 en 2008 et 553 en 2009, année durant laquelle elles ont accompagné 53,5 % des déférés. La difficulté de respecter les délais dans lesquels elles doivent être mises en oeuvre peut être l'une des raisons de ce relativement faible développement.

Enfin, le contrôle peut paraître totalement contreproductif, lorsqu'il a pour conséquence, comme cela arrive parfois, d'entraîner une annulation de l'acte longtemps après son édiction. C'est en particulier le cas lorsque les

services préfectoraux décident de déférer un acte à l'issue d'une longue procédure précontentieuse, durant laquelle ils ont allongé de manière déraisonnable le délai de recours préfectoral83(*). Le contrôle devient dans ce cas un véritable facteur d'insécurité juridique, contrairement à la mission qui lui est dévolue. De la même façon, nombre d'élus ont témoigné de leur

agacement à voir leurs actes faire l'objet d'observations juste avant l'expiration du délai limite de recours.

(3) Un recul perçu par les élus : un contrôle de légalité qui n'est plus qu'une « fiction »

Ce recul du contrôle de légalité est d'autant plus grave qu'il est aujourd'hui perçu par la plupart des collectivités84(*). Il ne constitue plus qu'une « fiction », qui pourrait se traduire, en pratique, et pour un nombre heureusement limité de

collectivités, par un moindre empressement à respecter la loi ou à suivre les recommandations incluses dans les lettres d'observations. Ce phénomène peut expliquer le recul du succès des interventions des services préfectoraux dans le cadre

des contrôles de légalité et budgétaire (traités ensemble dans le rapport annuel de performance, depuis cette année) :

Indicateur 3.2 : Taux d'actes retirés ou réformés après une intervention de la préfecture85(*)

2008 2009 2010 Cible 2010

Taux d'actes retirés ou réformés après une intervention de la

préfecture (contrôles de légalité et budgétaire)

59 % 59,72 % 53,66 % En hausse

Source : RAP pour 2010, Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Le RAP pour 2010 précise que « l'évolution de ce taux dépend du niveau d'exigence de la préfecture dans le cadre de son contrôle,

de la méthodologie de décompte de ses observations et de l'importance qu'accordent à ces observations les collectivités concernées. Ce dernier paramètre est déterminant et explique en grande partie la baisse constatée au niveau de cet indicateur86(*). » La moindre

tendance des collectivités à prendre en compte les observations des préfectures peut tenir au recul de la menace d'un déféré efficace, comme au caractère insignifiant des irrégularités soulevées. Là encore, les disparités relevées entre les territoires

montrent que l'hétérogénéité des contrôles demeure87(*).

(4) Le risque d'une judiciarisation excessive confirmé

Comme il pouvait être craint, ce recul du contrôle de légalité a été accompagné d'une augmentation des contentieux portés devant les tribunaux administratifs par des particuliers. Le Conseil d'Etat ne dispose pas de statistiques suffisamment fines sur l'évolution du contentieux en recours pour excès de pouvoir concernant des actes pris par les collectivités88(*). Il est

néanmoins possible d'en avoir un aperçu, en étudiant l'évolution du contentieux dans les matières qui concernent en premier lieu les collectivités, à savoir les questions institutionnelles relatives aux collectivités, les questions domaniales relatives aux

collectivités, la fonction publique territoriale, les marchés et contrats locaux, ou encore l'urbanisme et l'aménagement89(*).

Le nombre total des affaires relatives à ces matières (hors référés) a augmenté de 25 % en dix ans, passant

de 16 386 en 2001 à 20 529 en 201090(*). Les déférés préfectoraux ayant diminué dans leur ensemble durant cette période, de 1 509 en 2000 à 942 en 201091(*), cette augmentation s'explique bien par un accroissement des recours des

particuliers dans ces domaines, avec un taux de satisfaction proche de la moyenne (29 % en 201092(*), la moyenne générale s'élevant à 30 %).

Dans le domaine des « marchés et contrats des collectivités locales » plus spécifiquement, que les particuliers suivent de près, le contentieux a augmenté de 43 % en dix ans, passant de 1 511 affaires enregistrées (hors référés) en 2001 à 2 157

en 2010. Là encore, cette évolution ne peut être imputée aux interventions préfectorales, puisque le nombre de déférés dans cette matière a diminué de 477 en 2000 à 108 en 2010. Il peut donc en être conclu que les affaires menées par

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des particuliers à l'encontre d'actes pris par les collectivités se sont multipliées de manière considérable,

avec, en outre, un taux de satisfaction non négligeable, de 44 % en 201093(*).

Certes, tous ces contentieux individuels n'entrent pas nécessairement dans le champ du contrôle de légalité. L'augmentation

de leur nombre ne s'explique donc pas uniquement par le recul de ce dernier. Les évolutions de la société et les réformes de la juridiction administrative ont notamment joué un rôle en la matière.

Il est néanmoins évident que l'insuffisance du contrôle de légalité et la multiplication des irrégularités passant entre les mailles de ce dernier encouragent les particuliers à porter eux-mêmes devant le juge

administratif des affaires qui pourraient être réglées dans ce cadre.

b) Une trajectoire similaire pour le contrôle budgétaire ?

(1) Un contrôle apparemment effectué de manière satisfaisante

Dans l'ensemble, le contrôle budgétaire semble effectué de manière beaucoup plus satisfaisante que le contrôle de légalité.

Les élus sentent davantage la présence des préfectures dans ce cadre que dans celui du contrôle de légalité.

Si le RAP pour 2010 ne présente plus qu'un indicateur commun aux contrôles de légalité et budgétaire au sujet du taux

d'actes retirés ou réformés après intervention de la préfecture, les données du RAP pour 2009 montrent que le succès des interventions des préfectures est plus important dans le cadre du contrôle budgétaire que dans celui du contrôle de légalité.

Il s'élève en effet à 80 % en 2009 (pour un objectif fixé à 78 %), alors qu'il est de 58 % pour le contrôle de légalité (pour un objectif fixé à 57 %). La spécificité de ce contrôle, dont les conséquences éventuelles sont plus directement perçues par les

collectivités, peut expliquer cet écart.

Une diminution globale du nombre de cas nécessitant une intervention des autorités chargées du contrôle budgétaire a été

observée ces dernières années94(*), et attribuée à une amélioration des dispositifs d'alerte mis en oeuvre par les préfectures en amont et du dialogue avec les collectivités, ainsi qu'à une meilleure maîtrise des normes budgétaires et comptables par

ces dernières. La DGCL n'exclut pas que le nouveau mode de comptabilisation introduit en 2007 ait également eu des effets en ce sens. Les données concernant le nombre de saisines des CRTC sont les suivantes :

Évolution du nombre de saisines opérées au titre du contrôle budgétaire

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Nombre de saisines pour budget primitif non voté ou non transmis

dans le délai légal

125 146 159 129 114 49 108 129

Nombre de saisines pour compte administratif non voté ou non

transmis dans le délai légal

58 57 103 84 70 33 43 72

Nombre de saisines pour budget voté en déséquilibre 134 153 142 115 112 146 116 170

Nombre de saisines pour déficit important du compte administratif 190 160 143 119 101 148 112 116

Nombre total de saisines pour non-inscription de dépenses

obligatoires (par le préfet, comptable public ou toute personne y

ayant un intérêt)

336 325 326 283 225 175 180 160

Dont nombre de saisines à l'initiative du préfet <50 <50 <50 <50 <50 <30 <30 <30

Source : Rapports publics annuels de la Cour des comptes.

Malgré la diminution globale du nombre de cas repérés de budget (ou compte administratif) non adopté ou transmis dans les délais ou de budget (ou compte administratif) en déséquilibre, le nombre de saisines reste du même ordre de grandeur : la proportion de saisines par rapport au nombre d'irrégularités constatées a donc augmenté.

Quant au nombre de saisines pour non-inscription de dépenses obligatoires, il est globalement en diminution et suit l'évolution du nombre de ces irrégularités. Les augmentations constatées pour 2010 concernant les budgets ou comptes

administratifs votés en déséquilibre s'expliquent en partie par les effets de la crise économique et financière. Il conviendra de suivre l'évolution de ces dernières.

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(2) Mais des craintes pour l'avenir

Quelques doutes commencent néanmoins à être émis sur l'effectivité du contrôle budgétaire et son avenir. Les capacités

de repérage des irrégularités budgétaires par les services préfectoraux soulèvent des interrogations, eu égard à la faiblesse des moyens et à la période de temps limitée dont ils disposent dans ce cadre. L'ensemble

des budgets et des comptes administratifs leur arrive en effet de manière quasiment simultanée. Cette préoccupation concerne particulièrement l'examen de la sincérité des comptes, exercice difficile qui conditionne la

vérification de l'équilibre budgétaire.

En ce qui concerne l'efficacité des interventions réalisées au titre du contrôle budgétaire, certains services préfectoraux

reconnaissent que la menace d'une suppression de subventions est aujourd'hui plus efficace pour obtenir la rectification d'une irrégularité qu'une annonce d'une saisine de la chambre régionale des comptes. Ce constat explique les préoccupations exprimées au sujet de l'avenir du contrôle budgétaire.

Il doit être rappelé qu'en cas de refus obstiné de l'ordonnateur d'opérer les modifications budgétaires exigées par le préfet après saisine de la CRTC, ce dernier dispose en pratique de peu de moyens pour obtenir gain de cause : s'il peut en théorie

régler lui-même le budget de la collectivité, peu d'entre eux s'aventurent dans ce passage en force. Le projet initial de réforme des juridictions financières, dont la paternité incombe à Philippe Séguin, proposait d'y répondre en instaurant une

possibilité d'engagement de la responsabilité des ordonnateurs.

* 72 Pascal Combeau,, Op. cit., p. 1.

* 73 Une fois tous les trois ans au lieu d'une fois par an depuis 2005.

* 74 « Rapport du Gouvernement au Parlement (...) », années 2007, 2008, 2009, p. 42.

* 75 « Rapport du Gouvernement au Parlement (...) », années 2007, 2008, 2009, p. 17.

* 76 Sur les années 2007, 2008, 2009, pour lesquelles cet indicateur était apprécié par type de contrôle, ce taux s'élevait respectivement à

48 %, 57,5 %, et 58 % pour le contrôle de légalité et 78 %, 77 %, et 80 % pour le contrôle budgétaire. Source : RAP pour 2009, mission

« Administration générale et territoriale de l'Etat », p. 36.

* 77 Le taux de contrôle de l'ensemble des actes s'élève quant à lui à 52,7 % pour 2009. Source : « Rapport du Gouvernement au Parlement

(...) », années 2007, 2008, 2009, p. 42.

* 78 Rapport annuel de performance pour 2010, mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », p. 33.

* 79 RAP pour 2009, mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », p. 37.

* 80 Jean-Marie Pontier in La Revue administrative, 2005, n° 346, p 391.

* 81 2 936 212 actes ont été contrôlés, dont 1 247 069 actes prioritaires, sur un total de 5 567 609 actes transmis dont 1 342 195 actes

prioritaires. Source : « Rapport du Gouvernement au Parlement (...) », de la DGCL, années 2007, 2008, 2009, p. 42.

* 82 En vertu de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

* 83 En combinant par exemple demandes de documents complémentaires et recours gracieux. Le délai de recours, de deux mois, court en

effet à partir de la réception intégrale de l'acte ou des documents annexes réclamés par le préfet pour lui permettre d'apprécier la portée

et la légalité de l'acte. Par ailleurs, ce délai est prolongé de deux mois lorsqu'un recours gracieux est effectué par la voie d'une lettre

d'observations.

* 84 Sauf peut-être les plus petites d'entre elles, qui ont le sentiment de faire l'objet d'un « acharnement » des préfectures au titre du contrôle

de légalité.

* 85 Ibid., p. 34.

* 86 RAP pour 2010, mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », p. 35.

* 87 « Près de 70 % des préfectures obtiennent un taux de retrait supérieur à 50 % et 44 % ont déjà un taux supérieur à l'objectif

fixé de 60 % », Ibid., p. 35.

* 88 L'application informatique ne traite pas, pour l'instant, les données par type de défendeur.

* 89 Les chiffres de cette rubrique incluent la contestation des actes de l'Etat, mais les actes des collectivités territoriales y sont dominants.

* 90 Il s'agit des affaires enregistrées. Ces données incluent les recours en excès de pouvoir, les recours de plein contentieux et les déférés

portés devant les tribunaux administratifs. .

* 91 Toutes matières confondues.

* 92 Ce pourcentage représente néanmoins le taux de satisfaction de l'ensemble des affaires traitées dans ce domaine, référés compris.

* 93 Ce pourcentage représente néanmoins le taux de satisfaction de l'ensemble des affaires traitées dans ce domaine, référés compris.

* 94 L'ensemble des données est disponible dans le « Rapport du Gouvernement au Parlement (...) », de la DGCL, années 2007, 2008,

2009.

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Document n° 5 : Conseil d’État, 6 octobre 2000, Ministre de l’Intérieur c/ commune de Saint-

Florent et autres

Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 24 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil

d'État; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'État:

1°) d'annuler l'arrêt du 21 janvier 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours dirigé

contre le jugement du 3 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné l'État à payer aux

communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba

et Santo X... di Tenda un tiers des sommes mises à leur charge en conséquence de la dissolution du syndicat

intercommunal à vocation multiple du Nebbio dissout le 17 novembre 1993 ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement susmentionné et de rejeter la demande présentée par les communes

susmentionnées devant le tribunal administratif de Bastia ; […] ;

Considérant que par un jugement du 3 juillet 1997, le tribunal administratif de Bastia a condamné l'État à payer aux

communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba

et Santo X... di Tenda une indemnité égale au tiers des sommes mises à leur charge à la suite de la dissolution du

syndicat intercommunal à vocation multiple du Nebbio dont elles étaient membres ; que par un arrêt du 21 janvier

1999 la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement

ainsi que l'appel incident formé par les communes susmentionnées ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en

cassation contre cet arrêt, contre lequel les communes susmentionnées forment, pour leur part, un pourvoi incident ;

Sur le recours du ministre de l'intérieur :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ; Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la

Constitution : "Les collectivités territoriales de la République ( ...) s'administrent librement par des conseils élus et

dans les conditions prévues par la loi. Dans les départements et les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge

des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois" ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 2

mars 1982 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1982 : "Le représentant de l'État dans le département

défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l'article précédent qu'il estime contraires à la

légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ; que l'article L. 163-11 du code des communes alors en vigueur

dispose que "les lois et règlements qui concernent le contrôle administratif et financier des communes sont applicables

aux syndicats des communes" ;

Considérant que les carences de l'État dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales prévu

par les dispositions précitées de la loi du 2 mars 1982 ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'État que si

elles constituent une faute lourde ; que, dès lors, en jugeant que l'abstention prolongée du préfet de la Haute-Corse

de ne pas déférer au tribunal administratif plusieurs délibérations du bureau du syndicat intercommunal à vocation

multiple du Nebbio constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'État, sans rechercher si cette faute

devait être regardée comme une faute lourde, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, le

MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence

de rejeter le pourvoi incident formé par les communes de Saint-Florent et autres contre le même arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'État, s'il prononce

l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si

l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler

l'affaire au fond ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 163-18 du code des communes alors en vigueur : "Le

syndicat qui n'exerce aucune activité depuis deux ans au moins peut être dissous par arrêté du représentant de l'État

dans le département après avis des conseils municipaux" ; que si les communes intimées soutiennent que le passif dont

elles doivent assumer la charge trouve son origine dans les retards qui ont caractérisé la procédure de dissolution du

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syndicat intercommunal à vocation multiple du Nebbio, il résulte de l'instruction que la cause essentielle de ces retards

se trouve dans le refus de plusieurs de ces communes d'émettre l'avis préalable exigé par les dispositions précitées ;

que, pour le surplus, les retards constatés sont imputables à la difficulté d'évaluer le passif du syndicat et aux

négociations menées par le préfet, dans l'intérêt des communes, en vue d'obtenir la réduction du montant des dettes

du syndicat et l'étalement de leur règlement ; que, dans ces conditions, la durée inhabituelle de la procédure de

dissolution ne saurait être regardée comme révélant l'existence d'une faute lourde des services de l'État;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 7 de la loi du 2 mars 1982 susvisée, dans ses dispositions

alors en vigueur : "Si le budget n'est pas adopté avant le 31 mars de l'exercice auquel il s'applique (...), le représentant

de l'État dans le département saisit sans délai la chambre régionale des comptes qui, dans le mois, et par un avis public,

formule des propositions pour le règlement du budget. Le représentant de l'État règle le budget et le rend exécutoire.

Si le représentant de l'État dans le département s'écarte des propositions de la chambre régionale des comptes, il

assortit sa décision d'une motivation explicite" ; qu'il résulte de l'instruction que devant le défaut de vote du budget

du syndicat pour les exercices 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992, le préfet de la Haute-Corse qui avait, d'ailleurs, saisi la

chambre régionale des comptes a fait usage des dispositions précitées en réglant et en rendant exécutoires ces budgets

selon la procédure prévue par la loi ; que les communes de Saint-Florent et autres ne font pas état, par ailleurs, de

manquements aux obligations de l'État en matière de contrôle budgétaire ; que, par suite, les conditions dans lesquelles

ce contrôle a été exercé par le préfet de la Haute-Corse ne sauraient davantage être regardées comme révélant

l'existence d'une faute lourde des services de l'État;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que le bureau du syndicat intercommunal à vocation multiple

du Nebbio bénéficiait, à l'époque des faits, d'une délégation de compétence accordée par une délibération du 7 mai

1983 du comité syndical excluant expressément "les réalisations ou projets de réalisation concernant et engageant

l'ensemble des communes" ; que compte tenu de l'ampleur et des conséquences financières du projet de création

d'une foire-exposition et d'un parc touristique au col de San Stefano, pour lequel les dépenses exposées ont dépassé

dix millions de francs, un tel projet, bien que présenté comme intervenant à l'initiative de la seule commune d'Olmeta

di Tuda et appelé à une mise en œuvre sur le seul territoire de celle-ci, excédait manifestement l'intérêt et les

possibilités de financement de cette commune qui comptait 247 habitants à l'époque des faits ; que, dès lors, les

délibérations concernant ce projet en date des 9 février 1985, 16 février 1985, 2 mars 1985, 13 mai 1985, 9 avril 1986,

28 avril 1986, 28 mars 1987, 3 août 1987 et 30 janvier 1988, qui ont été prises non par le comité syndical comme elles

auraient dû l'être compte tenu des termes de la délibération statutaire précitée mais par le bureau, sont entachées

d'incompétence ; que le préfet de la Haute-Corse, en s'abstenant pendant trois années consécutives de déférer au

tribunal administratif neuf délibérations dont l'illégalité ressortait avec évidence des pièces qui lui étaient transmises et

dont les conséquences financières étaient graves pour les communes concernées, a commis compte tenu des

circonstances particulières de l'espèce, dans l'exercice du contrôle de légalité qui lui incombait, une faute lourde de

nature à engager la responsabilité de l'État;

Considérant toutefois que le préjudice dont les communes demandent réparation trouve principalement son origine

dans les délibérations susmentionnées adoptées illégalement par le bureau du syndicat intercommunal ; qu'il résulte de

l'instruction que les communes membres ont laissé le bureau engager les dépenses excessives impliquées par ces

délibérations sans faire preuve de la vigilance qui leur incombait, que leurs délégués au comité syndical n'ont pas exercé

sur les membres du bureau les pouvoirs de contrôle que leur conféraient les articles L. 163-13 et L. 163-14 du code

des communes et que les conseils municipaux concernés ont approuvé chaque année les inscriptions budgétaires

importantes qu'impliquaient les délibérations du bureau ; qu'ainsi les fautes du syndicat et des communes adhérentes

sont de nature à atténuer la responsabilité de l'État; qu'il sera fait une juste appréciation de cette responsabilité en

limitant la condamnation de l'État à la réparation du préjudice subi par ces communes, qui s'élève à 13 698 810 F, au

cinquième de ce préjudice ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué du tribunal administratif

de Bastia et de rejeter l'appel incident formé par les communes de Saint-Florent et autres contre ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance,

soit condamné à payer aux communes de Saint-Florent et autres les sommes qu'elles demandent au titre des frais

exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Article 1er : L'arrêt du 21 janvier 1999 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

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André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et

des collectivités territoriales, 2018-2019

Article 2 : Le pourvoi incident des communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta,

Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X... di Tenda est rejeté.

Article 3 : L'appel incident des communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale,

Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X... di Tenda dirigé contre le jugement du 3 juillet 1997 du tribunal administratif

de Bastia est rejeté.

Article 4 : L'État est condamné à payer aux communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio

d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X... di Tenda un cinquième des sommes inscrites d'office à leurs

budgets en règlement du passif du syndicat intercommunal à vocation multiple du Nebbio.

Article 5 : Le jugement du 3 juillet 1997 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire à la

présente décision.

Article 6 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 7 : Les conclusions des communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta,

Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X... di Tenda tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de

la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et aux communes de Saint-Florent, Barbaggio,

Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X... di Tenda.

Document n° 6 : Extraits de l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l'organisation urbaine

et à la simplification de la coopération intercommunale, enregistré à la Présidence de

l'Assemblée nationale le 28 octobre 1998.

1° Un nouveau statut pour l'intercommunalité en milieu urbain :

Le fait urbain -et sa traduction l'agglomération- est devenu aujourd'hui un trait dominant de la société française. Les trois-

quarts des français vivent dans des aires urbaines. La crise sociale, le chômage, l'insécurité, les fractures culturelles et scolaires

et les déséquilibres économiques et sociaux se concentrent dans les agglomérations. Certains quartiers se sont transformés au

fil des ans en quasi-ghettos où la montée des communautarismes bat en brèche l'expression des valeurs républicaines. Jusqu'en

1931, la majorité de notre population vivait encore dans les communes rurales. Une civilisation de la ville se cherche. Elle reste

encore largement à construire.

A la réalité physique des agglomérations et aux relations entre la ville-centre et les communes périphériques qui les

composent ne correspond aujourd'hui aucune entité politique et juridique capable de prendre au niveau pertinent les décisions

qui permettraient d'élaborer et de mettre en œuvre des politiques d'ensemble engageant le long terme.

L'agglomération […] constitue le niveau adéquat où peuvent être élaborées et conduites les politiques d'habitat, de

transports publics, d'urbanisme et d'aménagement. L'agglomération est également devenue l'un des points d'appui de la politique

d'aménagement du territoire dont l'un des aspects […] est l'organisation et le développement de la solidarité entre les espaces

ruraux et urbains. Le rôle structurant des agglomérations a été souligné. Il en va de la cohésion sociale de notre pays. C'est de

leur capacité à entraîner les espaces qui les entourent que naîtront de nouvelles solidarités. Mais les moyens institutionnels et

financiers de l'intercommunalité sont aujourd'hui insuffisants.

Alors même que les charges financières des agglomérations s'accroissent, celles-ci éprouvent les plus grandes difficultés à

développer leurs ressources. Les disparités de taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération et les inégalités

cumulatives que cette situation engendre, accentuent les déséquilibres existants. Ces inégalités témoignent de l'absence de

solidarité au sein d'espaces qui devraient au contraire avoir pour objectifs de rechercher et d'organiser leurs complémentarités.

Sur le plan institutionnel, on ne peut pas non plus considérer que le fait urbain bénéficie dans l'architecture actuelle du code

général des collectivités territoriales d'une reconnaissance satisfaisante. Les logiques de nos institutions locales, qui distinguent la

coopération associative (gestion de service) et la coopération fédérative (mise en œuvre de projets communs de développement)

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André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et

des collectivités territoriales, 2018-2019

se sont estompées. Les formules de coopération à fiscalité propre prennent ainsi souvent en charge la gestion de services d'intérêt

communautaire soit du fait de la volonté du législateur -communautés urbaines par exemple- soit en raison de la volonté des

communes qui les composent.

La distinction entre la coopération urbaine et rurale a pour une part perdu de sa signification. La communauté de communes

et le district, qui sont les formules de coopération intercommunale à fiscalité propre les plus souples, sont utilisées en milieu rural

comme en milieu urbain. La communauté de villes, dotée de compétences plus intégrées et d'outils fiscaux plus puissants,

notamment de la taxe professionnelle unique, est très peu utilisée. La communauté urbaine, formule très intégrée sur le plan

des compétences, est peu à peu détournée de sa vocation initiale du fait d'une dotation globale de fonctionnement très incitative

et d'un seuil démographique de création trop bas.

Le projet de loi cherche à mettre un peu de cohérence dans cette situation relativement confuse afin que l'agglomération

bénéficie d'une véritable reconnaissance sur le triple plan institutionnel, fiscal et financier, tout en distinguant mieux qu'elles ne

le sont actuellement les formes juridiques de la coopération intercommunale en milieu urbain. […]

4° Des mesures financières et fiscales incitatives en vue de promouvoir la taxe professionnelle

d'agglomération :

La communauté d'agglomération, ainsi que les nouvelles communautés urbaines, sont soumises à titre obligatoire au régime

de taxe professionnelle unique d'agglomération afin de constituer un véritable espace de solidarité fiscale et économique.

L'unification de la taxe professionnelle au sein des territoires urbains (communautés d'agglomération, nouvelles communautés

urbaines et anciennes communautés urbaines sur option) constitue un objectif du projet de loi. En effet, les communes concernées

par ces projets de regroupement en agglomération représentent plus de 70% du produit de la taxe professionnelle communale.

L'institution d'une taxe professionnelle unique d'agglomération sur un territoire intercommunal contribue à la réduction des

disparités des taux d'imposition entre communes ; en ce sens le développement d'un tel régime au plan national et notamment

dans les zones où se trouvent concentrées les bases de taxe professionnelle, participe de la réforme fiscale voulue par le

Gouvernement. Le régime d'option pour la taxe professionnelle unique est maintenu pour les communautés de communes.

Quatre mesures sont prévues pour favoriser la mise en place de la taxe professionnelle d'agglomération :

En premier lieu, les communautés d'agglomération créées avant le 1er janvier 2005, recevront, aussi bien pour inciter à

l'adoption de la taxe professionnelle d'agglomération que pour financer les charges liées aux compétences qui lui sont dévolues,

une dotation globale de fonctionnement fixée à 250 F par habitant, soit plus du double de celle accordée aujourd'hui aux

communautés de villes.

En second lieu, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines créées après la réforme ou qui opteront

pour le régime de la taxe professionnelle d'agglomération, ont la faculté de percevoir, outre la taxe professionnelle, un

complément de ressources prélevées sur les impôts des ménages à l'instar du régime dont bénéficient les syndicats

d'agglomération nouvelle. Cette mesure a pour objet d'offrir à ces groupements de meilleures garanties de stabilité de leurs

ressources fiscales et budgétaires.

En troisième lieu, il est proposé que tous les groupements ayant adopté une taxe professionnelle unique puissent délier le

taux de taxe professionnelle en cas de baisse des taux des impôts ménages votés par les communes membres. Ces groupements

ne se voient donc plus contraints de baisser leur propre taux d'imposition à la suite des choix budgétaires et fiscaux des

communes membres. Seul le lien à la hausse est maintenu afin d'éviter une augmentation trop forte du taux global de taxe

professionnelle.

En quatrième lieu, pour favoriser la transformation d'un établissement public à fiscalité additionnelle en groupement à taxe

professionnelle d'agglomération, il est proposé que la dotation globale de fonctionnement qu'il percevait avant son changement

de catégorie soit garantie de progresser pendant deux ans comme la dotation forfaitaire des communes. En outre, ce seuil de

garantie est ensuite diminué progressivement pendant quatre ans pour rejoindre le régime de droit commun. L'objectif du projet

de loi s'inscrit dans la durée : il vise à horizon de cinq ans, à atteindre 40% de la cible potentielle, soit une cinquantaine de

communautés d'agglomération sans que soit remis en cause par ailleurs le financement des créations de groupements issus de

la loi de 1992. Le coût de la réforme créant les communautés d'agglomération est estimé à 2,5 milliards de francs sur cinq ans

(soit 500 millions de francs par an en moyenne).

L'enveloppe ainsi mobilisée appelle une rupture du mode de financement actuel de l'intercommunalité, lequel s'appuie

exclusivement sur la masse de la dotation globale de fonctionnement des communes.