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66 / 29 AOÛT 2018 - MOTO REVUE SPORT L’EWC DES POTES Le championnat du monde d’endurance EWC n’est pas réservé aux élites. En voici un parfait exemple avec le team privé Energie Endurance 91, rencontré au cours des 8 Heures de Slovaquie. Par Michaël Levivier. Le team Energie Endurance 91

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L’EWC DES POTESLe championnat du monde d’endurance EWC n’est pas réservé aux élites. En voici un parfait exemple avec le team privé Energie

Endurance 91, rencontré au cours des 8 Heures de Slovaquie.Par Michaël Levivier.

Le team Energie Endurance 91

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Trente-trois teams se sont engagés en début de saison pour participer à l’intégralité du championnat du monde EWC (Endurance World Championship), millésime 2017-

2018. Inscrits en Formula EWC pour les plus rapides et les plus aisés, ou en Superstock avec des machines plus proches de la série, ces équipes étaient soit des teams officiels, soit des équipes privées. De fait, aux côtés des géants de l’endurance que sont le SERT pour Suzuki, le SRC Kawasaki, le GMT94 et le YART pour Yamaha, la 111 et le team F.C.C. TSR pour Honda, il existe encore quelques teams qui fonctionnent avant tout à l’amitié et à la solidarité, plus qu’aux moyens financiers. Le team Energie Endurance 91, qui s’est

engagé pour la première fois cette année sur l’ensemble du championnat EWC, se chauffe de ce bois-là : « C’est pour vivre une histoire de potes que tous les membres de l’équipe sont prêts à faire d’incroyables sacrifices, précise Thierry Cresson, doyen de l’équipe du haut de ses 61 ans.

« En endurance, rien n’est jamais écrit »L’EWC, c’est la dernière compétition moto de ce niveau-là, le dernier championnat du monde où des gars comme nous peuvent poser les roues de leurs motos. Car c’est avant tout une aventure humaine. En endurance, rien n’est jamais écrit. Les moyens financiers ne font pas tout. »

Pilotée par Noël Roussange, Kévin Lavainne et Léon Benichou, la Kawasaki ZX-10R n° 91 s’est classée 30e sur 34 sur la grille de départ des 8 Heures de Slovaquie, épreuve qui s’est déroulée du 10 au 12 mai derniers. À l’opposé, tout en haut de la feuille des temps, la Honda n° 5 du team F.C.C. TSR Honda France. Un monde les sépare : d’un côté, une moto dont le team japonais a gagné plusieurs fois les 8 H de Suzuka, vainqueur des dernières 24 H du Mans et qui fabrique de nombreuses pièces pour le HRC et la moto de Marc Marquez en MotoGP, dont le cadre (voir MR n°4077) ; de l’autre, une bande de copains qui a créé en 2015 une association loi 1901 pour rouler en endurance. Une équipe qui fonctionne au système D, à la bonne volonté, aux soirées thématiques et à la

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vente de calendriers pour boucler son budget, cahin-caha. Et pourtant, une même chose les réunit en piste : l’aventure humaine. Pour Masakazu Fuji, le team manager de la moto leader du championnat du monde, « l’endurance et les courses de 24 heures, c’est la vraie vie ! » Une vie qui se vit plus intensément avec un objectif commun et partagé, comme le confirme Thierry Cresson : « L’important pour moi, en endurance, ce n’est pas la performance, même si, bien sûr, on donne le meilleur de nous-mêmes. Si ça sourit, c’est bien, mais ce qui rend le truc passionnant, c’est la dimension humaine. La vitesse, c’est une discipline où règne l’individualisme. Il n’y a qu’en endurance que tu peux trouver une telle cohésion de groupe, ce qui est primordial pour surmonter

1 Malgré des moyens réduits, le team affiche une présentation sérieuse de son box, avec des panneaux arborant les sponsors. Championnat du monde oblige... 2 Ici, sur le Slovakie Ring, Noël Roussange à l’attaque lors du premier relais de la première course de 8 heures que le team Endurance Energie 91 disputait. Coincée entre deux machines concourant en catégorie EWC (plaque numéro noire), la ZX-10R n° 91 engagée en Superstock se mesure régulièrement à des motos engagées en EWC et qui bénéficient de ce fait d’un règlement leur autorisant une préparation plus poussée.

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les difficultés que cette aventure peut engendrer, durant la course, mais aussi tout au long de l’année… » Pour sa première expérience en tant que team permanent, l’Endurance Energie 91 a participé à quatre des cinq courses que compte au total la saison 2017-2018 : Bol d’Or, 24 H du Mans, 8 H de Slovaquie et d’Oschersleben (Allemagne). Pour des raisons d’éloignement, et donc de budget, la 91 ne s’est pas alignée au départ de la finale des 8 H de Suzuka, au Japon (voir page 76).

Budget et système D« La difficulté, c’est de trouver le bon équilibre entre l’aventure, les potes et être pro dans la façon de faire les choses. Un team d’endurance,

c’est comme une petite entreprise », souligne Philippe Lefèvre, 51 ans, l’autre pilier expérimenté de l’équipe. « Le team est composé en partie des anciens qui couraient en endurance il y a vingt-cinq ans, poursuit-il. Notre équipe s’appelait à l’époque le team Moto France. Le but, c’était simplement de s’engager en endurance entre copains. » Les courses d’endurance dans les années 1980-1990 étaient moins professionnelles, plus proches dans l’esprit de ce que pouvait être le Continental Circus des années 1970. Les plateaux étaient très largement constitués de bandes de copains motards, un peu plus téméraires que la moyenne, et qui s’engageaient avec les moyens du bord au Mans ou au Bol, pour vivre

de l’intérieur ces courses mythiques ! Ancien pilote, Philippe Lefèvre a participé guidon en main à six reprises à des courses d’endurance, type 24 H du Mans, de Spa, le Bol d’Or ou les 1 000 km de Carole, course par laquelle tout a commencé sur un coup de tête en 1993, « avec une partie-cycle qu’on avait, un moteur et une paire de roues qu’on nous a prêtés, se souvient Philippe… Après, on a voulu aller plus loin, faire les 24 H. On a donc acheté une moto tous ensemble. C’était déjà la bande de copains, avec Thierry notamment. Et puis le team a fini par s’arrêter par manque de moyens financiers d’abord, et humains ensuite. Vu que dans ce genre de team, tout le monde est bénévole, c’est super compliqué d’avoir la dispo. Et c’est pareil aujourd’hui... »

1 La 91 s’est livrée à une belle bagarre sur la piste slovaque avec la Yamaha n° 101 du team Aviobike et la Suzuki n° 34 du team JMA Motos Action Bike, deux autres teams privés engagés en Superstock. Elle se classera finalement 22e devant ces deux motos, respectivement 23e et 24e. 2 Comme les équipes de pointe,

les teams privés n’échappent pas aux chutes et autres problèmes mécaniques. Mais, contrairement aux épreuves de vitesse, l’endurance permet souvent de repartir et de forger au cœur des équipes les plus belles histoires. 3 Si en piste, le duel entre les motos

des deux catégories peut avoir lieu, le combat se perd généralement dans les stands, les teams EWC étant nettement plus rapides au ravitaillement grâce, notamment, aux changements de roues. Léon Benichou, à gauche en rouge, passe le relais à Noël Roussange, à droite.

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1 La 91 s’est livrée à une belle bagarre sur la piste slovaque avec la Yamaha n° 101 du team Aviobike et la Suzuki n° 34 du team JMA Motos Action Bike, deux autres teams privés engagés en Superstock. Elle se classera finalement 22e devant ces deux motos, respectivement 23e et 24e. 2 Comme les équipes de pointe,

les teams privés n’échappent pas aux chutes et autres problèmes mécaniques. Mais, contrairement aux épreuves de vitesse, l’endurance permet souvent de repartir et de forger au cœur des équipes les plus belles histoires. 3 Si en piste, le duel entre les motos

des deux catégories peut avoir lieu, le combat se perd généralement dans les stands, les teams EWC étant nettement plus rapides au ravitaillement grâce, notamment, aux changements de roues. Léon Benichou, à gauche en rouge, passe le relais à Noël Roussange, à droite.

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Les années ont passé et une nouvelle génération de motards passionnés s’est affirmée. « Parmi les fils des copains, certains sont passionnés de moto, continue Philippe. Ils avaient monté un team pour faire les 23 h 60 en 125 en moins de 15 ch sur la piste de kart au Mans. En 2012, nous n’avions plus d’activité dans la course moto. Et ils nous ont demandé si on ne pouvait pas leur filer un coup de main sur l’organisation des stands, sur la gestion des relais, etc. On est d’abord venu voir comment ça se passait en 2012 et, l’année suivante, on leur a filé un coup de main avec Thierry. Et le team a gagné les 23 h 60. Et puis les mômes de nous dire : ça serait bien que

tous ensemble, on monte un team pour faire les 24 H du Mans, le Bol d’Or, et pourquoi pas le championnat du monde d’endurance… C’est parti comme ça ! » Yoann Braive, 30 ans, est aujourd’hui le team manager du team Energie Endurance 91 : « En 2015, on a fondé une association loi 1901 avec Thierry Cresson, Philippe Lefèvre, Jérôme Danton, pilote Promosport et d’endurance, et moi-même. Si on devait tout acheter, le coût d’une saison comme celle-ci reviendrait à plus de 120 000 €. Heureusement, on a quelques partenaires qui nous suivent, comme Fernand Do Santos, concessionnaire Kawasaki DSF à Corbeil-Essonnes (91), un vrai passionné ! Et l’on peut

s’appuyer sur les nombreuses compétences techniques, diverses et variées, que possèdent les différents membres du team. Ce qui permet de limiter les coûts. » Et Philippe de préciser : « Une fois qu’on était lancé, il y a tous les jeunes qui se sont greffés, des copains de copains qui viennent à la moto par le biais de la compétition. Et on a rappelé les anciens : tu ne veux pas venir t’occuper des pneus ou de l’essence, comme à l’époque ? Ce mix des générations finit par créer une super bande de potes. La preuve, au mariage de Yoann, on était tous là avec la moto d’endurance ! »Le team Energie Endurance 91 a participé à sa première course aux 24 H du Mans en 2016

Noël Roussange, gaz en grand ! Pour les petits teams privés comme l’Endurance Energie 91,

la règle est simple, comme l’explique Philippe Lefèvre : « Il faut s’en tenir aux règles de base

de l’endurance : rouler le plus possible et ne rentrer au stand que pour faire le plein d’essence

et les changements de pneus. Sur une course de 24 heures, les petits teams font des courses

d’attente. Mais sur une course de 8 heures, ce qui est sympa, c’est que ça laisse plus de place

à la stratégie. Du coup, ça ressemble plus pour nous à ce que vivent les gros teams sur 24 heures. »

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avec une 27e place à la clé. Au Bol d’Or 2016, l’équipe abandonna après trois chutes en course et la réparation homérique de la moto fracassée en moins d’une demi-heure. L’engagement au championnat du monde s’est finalement joué, contre toute attente, au Mans 2017 : « On n’a pas été sélectionné, pour on ne sait quelle raison puisqu’on avait fait les deux courses précédentes, déclarent d’une seule voix les trois amis présents en Slovaquie. Alors, pour être sûrs d’être pris au Bol et au Mans suivants, on a décidé de s’engager en tant que team permanent et de participer à tout le championnat du monde ; et de se débrouiller comme on pouvait pour faire les 8 H de Slovaquie et d’Oschersleben. Et voilà comment on se retrouve là ! Et on ne regrette pas. Vivre les courses de 8 H à l’étranger, c’est super kiffant ! Vivement la saison prochaine qu’on remette ça... »

Résultats de la 91 (saison 2017-2018)• Au Bol d’Or, la 91 se classe 18e au scratch et 7e Stocksport, ce qui permet au team de marquer 3 points. Guillaume Pot, vainqueur de la catégorie 600 Promosport 2017, fraîchement titré, roulait avec Kévin Lavainne et Noël Roussange.

• Aux 24 H du Mans, l’équipe termine 31e suite à une chute de Kévin Lavainne à 19 h 30. Alors que la moto pointait aux alentours de la 25e place, la 91 chute à la 48e position mais parvient à remonter à la 31e place.

• Aux 8 H de Slovaquie, le team Energie Endurance 91 termine 22e scratch et 9e Stocksport, mais ne marque pas de points puisque le règlement stipule qu’il faut être dans les 20 premiers scratch pour marquer des points en Stocksport. Une pétition a d’ailleurs tourné pour protester contre ce point de règlement que les teams privés jugent anormal et injuste.

• Aux 8 H d’Oschersleben, la 91 réalise une super course puisqu’à 30 minutes de la fin, elle pointe 18e au scratch. Hélas, Kévin Lavainne s’accroche avec un autre pilote lors d’un dépassement. Dans le bac à gravier, la chaîne déraille. Kévin parvient à remettre la chaîne et à repartir, mais quatre tours plus tard, alors que le team fait rentrer la moto au stand pour un problème d’éclairage, le team s’aperçoit que la chaîne a fissuré le carter moteur et que la moto est recouverte d’huile. Par sécurité, le team décide de jeter l’éponge.

1 Les pilotes de la 91 en Slovaquie : à droite, Noël Roussange, au milieu Kévin Lavainne et au fond, Léon Benichou. 2 La veille

de la course, la mise en place et les réglages durent jusqu’au coucher du soleil... et bien après parfois. 3 Kévin Lavainne

dans son dernier relais. Le team le fera rentrer un peu plus tôt pour faire repartir Noël Roussange, le pilote le plus rapide du team, afin de gagner deux places et passer la 101 et la 34. La moto terminera avec moins d’un litre d’essence dans le réservoir. Bel exemple de stratégie et de gestion.

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