Spinoza Ethique I, appendice :...

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  • Spinoza Ethique I, appendice : synthse

    Prsentation de ce document : il s'agit videmment d'une lecture trs rapide de l'appendice, que vous devrez complter au moins par la lecture de l'explication de la lettre 58 (lien ci-dessous) et l'tude attentive du plan dtaill (document distribu en cours) ; vous avez intrt enrichir ce travail par la consultation des liens de l'annexe.

    INTRO

    un monde l'envers ou comment l'homme cra un dieu son image

    Le projet de l'appendice (voir 0.2) est de nous dbarrasser d'un prjug unique dont drivent tous les autres : la doctrine finaliste, qui fait que "les hommes supposent communment que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mmes, en vue d'une fin".

    Parce qu'il ignore son dsir, l'homme s'invente une image de lui-mme qu'il projette la fois sur son dieu et sur le monde. En effet, il comprend sa propre action travers les notions de libre-arbitre et d'utilit : cela le conduit voir son dieu comme l'tre ayant dcid de tout et le monde comme un ensemble de ressources mises sa disposition par le bon-vouloir de ce dieu providentiel. Ce mcanisme qui consiste donner son dieu et au monde un visage humain s'appelle l'anthropomorphisme. ce premier niveau de narcissisme, qui fait que l'homme s'invente un dieu son image, s'ajoute le fantasme d'tre le centre du monde : tout a t fait pour nous - on appelle ce fantasme l'anthropocentrisme.

    Ce que critique Spinoza, c'est donc a) une fausse image de Dieu et de sa puissance infinie (superstition) b) une fausse image du monde et de la causalit (causes finales) c) une fausse image de l'homme et de sa libert (valeurs)

    Il faut remarquer que a) et b) drivent de c) mais lui donnent un fondement (inscription des valeurs dans un ordre global et un projet divin)

    pour bien comprendre la question de l'illusion du libre arbitre, voir l'explication de la lettre 58 Schuller : http://vventresque.free.fr/spip.php?article2

    DVELOPPEMENT

    a) Deus sive Natura ("Dieu, c'est--dire la Nature") Selon Spinoza, le mot Dieu n'est qu'un terme dsignant en ralit la Nature, savoir une

    substance absolument infinie. En d'autres termes, Dieu n'est rien d'autre que l'ensemble des choses passes, prsentes et venir.

    Cette thorie s'oppose au dualisme ; l'esprit et le corps sont en ralit deux expressions de la mme chose et non deux substances sparables (Descartes).

    Aussi bien la pense que l'tendue (la matire) sont infinies mais ce ne sont que deux dimensions de la Nature parmi une infinit d'autres que nous ne connaissons pas.

    Ici il faut remarquer que Spinoza affirme quelque chose d'invrifiable, c'est

    http://vventresque.free.fr/spip.php?article2

  • une hypothse mtaphysique. La vritable libert est la ncessit ou l'auto-dtermination : ce qui est ne peut tre

    autrement, et on parle de libert dans la mesure o rien n'existe en dehors de la Nature, qui ne peut donc tre dtermine par autre chose (contrainte). tre libre, aussi bien pour Dieu que pour l'homme, c'est agir selon une ncessit interne, selon les lois de sa nature (essence).

    Ne pas confondre avec la prdestination , mme si Spinoza utilise le mot prdtermin : lorsque Spinoza parle de Dieu, il se situe du point de vue de l'ternit, o les termes avant et aprs n'ont pas de sens (ils n'ont de sens que pour notre esprit fini). De ce fait, l'ide de prvision n'a pas non plus de sens.

    Du fait qu'il imagine avoir le choix, pouvoir faire indiffremment A ou B, l'homme en vient penser que le monde pourrait tre autrement, et comme le monde correspond ses attentes, il imagine qu'il a t cr pour lui : c'est donc le rsultat d'une dcision bienveillante, providentielle.

    Toute la critique spinoziste consiste montrer que l'homme imagine que ce qui le dpasse lui ressemble (anthropomorphisme)

    Remarque : distinguer la superstition et la vritable foi. D'une part Spinoza rejoint un certain nombre de thses des religions : Dieu est ternel, a un esprit infini et se caractrise par la toute-puissance. D'autre part sa critique commence au point o l'homme attribue son/ses dieu(x) ses propres faiblesses. Par exemple, l'homme imagine que l'tre parfait est capable de vouloir se venger, d'tre attrist par les actions des hommes.

    En ralit (voir annexe) la superstition est une croyance dlirante qui est motive par la crainte de l'avenir : nous cherchons interprter des signes de la volont divine afin d'anticiper sur nos malheurs et de sduire les puissances occultes par des cadeaux... la vritable proccupation de la superstition n'est pas l'ternit mais la russite terrestre.

    b) C'est luf qui fait la poule : les dents ne sont pas plus faites pour mcher que la vache pour faire du lait

    Il est dans la nature de l'esprit humain, lorsqu'il se contente d'imaginer, de se poser pour chaque chose la question "pourquoi?" : pourquoi ceci plutt que cela? C'est effectivement selon cette logique que nous faisons un choix, et aussi que nous fabriquons des objets nous permettant de bien vivre. De ce fait, nous en venons penser que tout, mme ce qui n'a pas t fait par nous, obit cette logique, rpond une fonction bien dtermine dans un plan d'ensemble. Bien sr, c'est une manire de se donner un droit sur l'ensemble des choses et de se voir au centre du monde : la nature aurait t faite pour l'homme...

    Spinoza s'attaque la thorie des "causes finales" formule par Aristote (voir document de synthse http://vventresque.free.fr/spip.php?article58 notamment le 1.1 et le tableau) : selon cette thorie, chaque chose a une place bien dfinie selon un modle prexistant. Ainsi, toute chose s'explique par 4 causes : finale, formelle, matrielle, efficiente. Par exemple une maison est faite pour tre habite (cause finale), selon un plan qui correspond cette fonction (cause formelle), avec des pierres et du bois (cause matrielle) que met en forme un agent, le maon (cause efficiente).

    Outre le fait que cette doctrine finaliste se heurte au cas des choses nuisibles (par exemple une catastrophe : cela doit tre la manifestation d'une colre divine, ou c'est un mal pour un bien...), ce "raisonnement" finit par confondre ce qui est et ce qui doit tre, savoir les faits et les valeurs.

    Ainsi, pour Aristote, qui vivait au temps de l'esclavage, si l'esclave a le dos courb, c'est une preuve qu'il est fait pour porter de lourdes charges (!!), alors que l'homme libre se tient droit. De la mme manire, pour Aristote, la femme n'existe que pour

    http://vventresque.free.fr/spip.php?article58

  • reproduire l'homme : il est bien vident que c'est l'homme qui domine, donc c'est dans l'ordre des choses (aujourd'hui nous disons videmment que cet ordre des choses est construit par le jeu des rapports sociaux et non par la Nature).

    Aujourd'hui, la biologie s'est dgage de cette pense finaliste, grce aux thories de l'volution et de l'auto-organisation. En un sens, c'est bien cette vision de la nature dbarrasse de la finalit que cherchait Spinoza.

    Selon la thorie de l'volution, c'est parce que nous avons des dents que nous pouvons mcher mais ce n'est pas pour mcher qu'elles ont t faites. Par exemple, on explique que tous les animaux viennent des ocans en montrant que certains poissons avaient des nageoires et une constitution plus solides, ce qui leur a permis d'explorer la terre lorsque les eaux ne leur suffisaient plus. Par le jeu des mutations gntiques et de la slection naturelle, ces poissons ont donn lieu de nouvelles espces dont les nageoires sont devenues des pattes. Aucun plan l-dedans, simplement des rapports de forces entre organisme et milieu.

    La thorie de l'auto-organisation, qui s'est dveloppe surtout partir du moment o l'on a su fabriquer en laboratoire les constituants lmentaires des cellules, explique qu'il est tout fait concevable que les premiers organismes aient merg de ractions chimiques de plus en plus complexes, dans des conditions particulires (par exemple, les volcans sous-marins sont propices la formation de certaines molcules). L non plus, aucun plan prtabli mais une mergence progressive.

    c) "l'homme n'est pas un empire dans un empire" Spinoza propose enfin de rvaluer les valeurs qui drivent de ce prjug finaliste, en nous

    dbarrassant de l'illusion du libre-arbitre (qui est en fait une forme d'anthropocentrisme), en nous invitant une meilleure comprhension de notre dsir et de ce qu'est l'utilit.

    Sortir de l'anthropocentrisme : l'homme ne fait pas exception aux lois de la Nature le monde n'a pas t fait pour nous, et nous n'y avons pas une place particulire :

    nous subissons les contraintes naturelles au mme titre que toutes les choses de l'univers, nous ne pouvons pas chapper aux lois de la nature (si nous arrivons voler, ce n'est pas en brisant la lois de l'attraction universelle mais en utilisant les forces naturelles les unes contre les autres).

    En ralit, c'est parce que nous ne nous posons pas la question de savoir ce qui nous fait vouloir ceci plutt que cela que nous avons l'illusion de pouvoir faire ceci aussi bien que cela. Nous sommes conscients de nos dsirs mais n'en connaissons pas les causes (voir la lettre 58 http://vventresque.free.fr/spip.php?article2). videmment, la thorie freudienne de l'inconscient est trs proche de cette analyse.

    Acqurir une juste comprhension du dsir : ce n'est pas parce qu'une une chose est juge bonne qu'on la dsire, c'est parce qu'on la dsire qu'elle est juge bonne.

    Le dsir, qui dfinit l'essence de l'homme pour Spinoza, n'est pas un manque mais "un effort pour persvrer dans l'tre" (s'panouir), et la conscience que nous avons de cet effort. Cette conscience peut tre plus ou moins adquate ou illusoire. Elle se dveloppe dans le temps, et l'objet que nous visons mais n'avons pas encore, nous l'appelons une "fin". Si un objet favorise le dveloppement de notre puissance nous serons joyeux, tristes s'ils l'entrave.

    De cette dfinition dcoule tout le problme : c'est travers l'image des objets qui nous affectent que nous savons ce que nous dsirons, et inversement nous voyons les objets selon nos dsirs. Nous sommes pris dans un jeu de miroirs : c'est bien ce que signifient les expressions comme "l'amour est aveugle" ou "prendre ses dsirs pour des ralits". En ralit, les choses ne sont en elles-mmes ni bonnes ni mauvaises . Non seulement cela dpend des individus mais cela varie selon l'humeur d'un mme individu : "La musique, par exemple, est bonne pour un mlancolique qui se lamente

    http://vventresque.free.fr/spip.php?article2

  • sur ses maux ; pour un sourd, elle n'est ni bonne ni mauvaise." Distinguer les fausses valeurs et ce qui est vraiment utile

    Bien souvent d'ailleurs, l'homme se trompe sur son vritable intrt ou se ment lui-mme (bien souvent il espre gagner quelque chose en prtendant agir pour le bien de l'autre ou respecter son dieu). Le vritable Bien n'est ni une chose extrieure ni une action particulire mais une manire d'agir qui consiste faire bon usage de la raison, de manire tre parfaitement heureux (serein, sans regrets, satisfait de notre existence parce que nous la comprenons comme un lment de l'ensemble des choses [la Nature] et savons composer de bons rapports avec nos semblables).

    De toutes manires, le bien et le mal ne sont que des notions que l'homme invente pour guider son action, ce ne sont pas des proprits naturelles des choses : le problme consiste dterminer ce qui est rellement bon pour nous-mme et pour tous. Ainsi, nous devons comprendre que la perfection suprme ne consiste pas avoir le choix, qui est une ignorance de ce que nous devons faire, mais savoir ce qui doit tre fait et agir selon la ncessit de notre seule nature. Lorsque nous imaginons un dieu qui choisit le meilleur des mondes parmi d'autres mondes possibles, nous le voyons sous le prisme de nos propres faiblesses ; lorsque nous nous demandons pourquoi le mal a t permis par Dieu, nous oublions que le mal n'est qu'une manire de voir propre l'homme : en ralit, chaque chose est parfaite en son genre et c'est nous qui voyons de l'imperfection en fonction des modles que nous nous sommes invents.

    ANNEXE

    Autre prsentation de la superstition Si les hommes taient capables de gouverner toute la conduite de leur vie par un dessein rgl, si la fortune leur tait toujours favorable, leur me serait libre de toute superstition. Mais comme ils sont souvent placs dans un si fcheux tat quils ne peuvent prendre aucune rsolution raisonnable, comme ils flottent presque toujours misrablement entre lesprance et la crainte, pour des biens incertains quils ne savent pas dsirer avec mesure, leur esprit souvre alors la plus extrme crdulit ; il chancelle dans lincertitude ; la moindre impulsion le jette en mille sens divers, et les agitations de lesprance et de la crainte ajoutent encore son inconstance. Du reste, observez-le en dautres rencontres, vous le trouverez confiant dans lavenir, plein de jactance et dorgueil. Ce sont l des faits que personne nignore, je suppose, bien que la plupart des hommes, mon avis, vivent dans lignorance deux-mmes ; personne, je le rpte, na pu voir les hommes sans remarquer que lorsquils sont dans la prosprit, presque tous se targuent, si ignorants quils puissent tre, dune telle sagesse quils tiendraient injure de recevoir un conseil. Le jour de ladversit vient-il les surprendre, ils ne savent plus quel parti choisir : on les voit mendier du premier venu un conseil, et si inepte, si absurde, si frivole quon limagine, ils le suivent aveuglment. Mais bientt, sur la moindre apparence, ils recommencent esprer un meilleur avenir ou craindre les plus grands malheurs. Quil leur arrive en effet, tandis quils sont en proie la crainte, quelque chose qui leur rappelle un bien ou un mal passs, ils en augurent aussitt que lavenir leur sera propice ou funeste ; et cent fois tromps par lvnement, ils nen croient pas moins pour cela aux bons et aux mauvais prsages. Sont-ils tmoins de quelque phnomne extraordinaire et qui les frappe dadmiration, leurs yeux cest un prodige qui annonce le courroux des dieux, de ltre suprme ; et ne pas flchir sa colre par des prires et des sacrifices, cest une impit pour ces hommes que la superstition conduit et qui ne connaissent pas la religion. Ils

  • veulent que la nature entire soit complice de leur dlire, et, fconds en fictions ridicules, ils linterprtent de mille faons merveilleuses.

    Spinoza, Trait thologico-politique, prface

    liens complmentaires une lecture synthtique de l'appendice :

    http://denis-collin.viabloga.com/news/resume-et-explicitation-de-l-appendice-de-la- partie-i-de-l-ethique-de-spinoza

    plus dtaill (et plus difficile lire) : http://spinoza.fr/lecture-de-lappendice-du-de-deo/

    http://spinoza.fr/lecture-de-lappendice-du-de-deo/http://denis-collin.viabloga.com/news/resume-et-explicitation-de-l-appendice-de-la-partie-i-de-l-ethique-de-spinozahttp://denis-collin.viabloga.com/news/resume-et-explicitation-de-l-appendice-de-la-partie-i-de-l-ethique-de-spinoza