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Sphères de l’éveil. Seuil d’échange à la tête des ponts de Lévis. [Expérimentation première] Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M.Arch. Nicolas Labrie Révisé par : Philippe Barrière ______________ École d’architecture Université Laval 2010

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Sphères de l’éveil.

Seuil d’échange à la tête des ponts de Lévis. [Expérimentation première]

Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M.Arch.

Nicolas Labrie

Révisé par :

Philippe Barrière ______________

École d’architecture Université Laval

2010

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II

e(p) Nicolas Labrie

Résumé

Si la sphère est ce qui nous entoure, l’éveil est ce qui réengage notre sensibilité au monde environnant

et nous fait cheminer à travers le temps. Le projet se voit ainsi non plus comme une fin, mais comme un

moyen, une influence, une expérience répétée de la transition. Le projet utilisera ainsi diverses sphères

de l’expérience spatiale afin de parvenir à cet éveil des individus.

Une station intermodale agissant comme seuil d’échange à la tête des ponts de Lévis est ce qui

constitue la fonction première du projet. Afin d’en arriver à un état d’éveil marquant nous devons partir d’un état de « sommeil », ou du moins son équivalent, d’inattention. Si l’on pense au projet choisi et à la

problématique du trajet routinier en automobile, souvent monotone, ou encore des banals transferts du

transport en commun, préenregistrés dans notre parcours quotidien, il y a conséquemment ici intérêt

face à l’application. Le projet s’adressera ainsi à l’homme pressé, dont le voyage n’est plus qu’une

formalité afin d’arriver à destination. La station d’échange se voulant une pause sur son parcours.

Après avoir tenté de théoriser l’expérience spatiale lors du présent essai, le projet permettra quant à lui

de mettre en place celle-ci, avec toutes les contraintes physiques, urbanistiques, volumétriques et fonctionnelles devant être cohérentes à cette volonté et à la zone choisie, au croisement des autoroutes

20 et 73. Mais surtout, le défi sera de surmonter le choc des échelles non seulement spatiales, mais

aussi temporelles.

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e(p) Nicolas Labrie

Membres du jury :

Professeurs : _ Myriam Blais (directeur) _ Pierre Côté (président)

_ Jan-B. Zwiejski

Invités: _ Érick Rivard

_ Sonia Gagné

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IV

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Avant-Propos.

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V

e(p) Nicolas Labrie

« Il faut être réveillé pour raconter son rêve. »

Sénèque, traduction de Golom, 2001

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VI

e(p) Nicolas Labrie

J’aimerais remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont soutenu la réussite de ce projet :

_ Myriam Blais, pour son support et sa confiance. _ François Dufaux, pour son écoute, son temps et ses bons conseils. _ Philippe Barrière, qui m’a laissé la chance d’ouvrir mon esprit. _ Pascale Pierre et Richard Pleau, pour leurs conseils quant à la matérialisation du projet. _ Christelle Montreuil Jean-Pois, pour son amitié et son appui. _ Pierre Thibault, pour sa compréhension. _ Andrée Laliberté, pour ses mots d’encouragement et son intérêt. _ Sonia Renée Batres, dont l’e(p) fut d’une grande aide au niveau technique. _ Ma famille, pour leur support moral. _ Mes amis, pour leur compréhension malgré mes moments d’absence. _ Et surtout, Édith Corbeil, ma conjointe, pour sa patience, sa compréhension, son support et son dévouement. _ Également tous ceux que j’oublierais, qui m’ont aidé au cours de la présente session ou encore des années passées à l’école d’architecture.

Le défi de l’essai : Le propos de cet ouvrage établira la pensée derrière le projet, beaucoup plus qu’il ne s’avèrera une explication ou une description de ce dernier. Le présent essai démontre une vision des choses fortement désireuse quant à la transformation de la réalité actuelle. C’est d’ailleurs avec fougue, ferveur et idéalisme que je me suis lancé dans cette aventure. Bien que le genre littéraire de référence soit celui de l’essai, le style de l’écriture adopté tend vers celui du pamphlet. Très près de l’essai (lui-même n’étant pas nécessairement neutre), le pamphlet est un genre littéraire qui se compose de textes courts et virulents, remettant en cause l’ordre établi. Le verbe y est souvent violent, le caractère explosif. Mais malgré cette coloration de l’écriture, le genre demeure malgré tout celui de l’essai, puisqu’il tente de rester nuancé. Face à ce type d’écriture, il se peut qu’il y ait parfois allure de jugements de valeur, mais l’ensemble des propos est constamment appuyé par des études, des références ou des auteurs éminents. Les faits et argument sont simplement relatés et mis en corrélation. Une hypothèse est cependant toujours à valider, ce que le projet permettra de vérifier spatialement. D’autres logiques ou visions pourraient s’avérer tout aussi valables, mais la vision proposée possède également sa pertinence. Certains mots pourraient aussi être désignés à connotation péjorative, le sens des mots devra donc être rétabli, ceux-ci parfois dépouillés de leur signification réelle. Les mots sont utilisés s’ils s’avèrent exacts et justes face aux idées devant être transmises. Certains resteront possiblement fermés face aux idées émises dans ce texte, d’autres, au contraire, se sentiront rejoints par ce dernier. Le but n’était pas nécessairement d’être provocateur, mais de soulever les questionnements et suscité la réflexion, l’éveil est un processus qui demande à tous de sortir des conventions établies et de leur zone de confort, d’acceptation (voir la Théorie de l’éveil via la différence par Stern en 1974, repris par Capella et Greene en 1982, dans Psychologie Sociale, 2007, p.260).

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VII

e(p) Nicolas Labrie

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n Afin de comprendre ma façon de voir le monde;

Réalité :

Est ce qu’elle est. “Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la réalité objective”. Albert Einstein, trad. M. Solovine Perception :

Est ce qu’elle semble être. “ Ainsi la permanence du corps propre, si la psychologie classique l’avait analysée, pouvait la conduire au corps non plus comme objet du monde, mais comme moyen de notre communication avec lui, au monde non plus comme somme d’objets déterminés, mais comme horizon latent de notre expérience, présent sans cesse, lui aussi, avant toute pensée déterminante”. Maurice Merleau-Ponty Imagination :

Est ce que vous voulez qu’elle soit. “ Le monde est rond autour de l’être rond”. Gaston Bachelard

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Tables des matières

Résumé II

Avant-propos IV

1. Introduction. [01]

.1 Problématique et pertinence. [01]

.2 Hypothèse générale. [02]

.3 Missions et défis. [03]

2. Bases de l’essai. [04]

.1 Sphères [04]

.2 Éveil. [05]

.3 Logique et dialectique : les apparentes « contradictions ». [05]

Paradoxe. [05] Paradigme. [06] Parasite. [06]

3. Environnements et sphères : les lieux. [08] .1 Sphère insulaire _ [Objet et site] [08]

« Urbanité » et réseaux : ville-monde et monde-ville. [08] L’île comme monde. [08] Lieu, non-lieu? Milieu. [09] L’être dans le monde, le corps comme dernier territoire. [09]

.2 Sphère topologique _ [Seuils et transition] [10]

Limites, mouvements et équilibres. [10] La mobilité et le monde d’Hermès. [10] Décélération et pauses. [11] Mutation, métamorphose. [11]

4. Environnements et sphères : les échanges. [12]

.1 Sphère extatique _ [Logique des relations] [12]

Individualité et individuation. [12] Comportements : quotidienneté et automatisme. [13] Voyeurisme et exhibitionnisme ou diagonalisation? [13] L’extérieur et l’Autre. [13]

.2 Sphère médiatique _ [Logique des influences] [14]

Corps : moyen, médium, média. [14] Le contraste et le subliminal. [15] Le perceptif et le cognitif. [15] Symboles et sens. [15]

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Médias, propagandes et contrôle. [16]

5. Environnements et sphères : l’intégration. [17]

.1 Sphère technique _ [Logique d’incorporation] [17]

Les machines. [17] Prothèses et cyborgs. [18] Extension et appropriation. [18] Réhumanisation. [19]

.2 Sphère intime _ [Le « corps-membrane »] [19]

Système immunitaire et outils. [19] Le monde de l’image. [20] De l’œil à la main. [20] Forme et matière. [21] Proximité, surface et au-delà. [21]

.3 Para-sphère _ [Subjectivité et imagination] [22]

Déformation, imagerie et mondes intérieures. [22] Terrains communs? [22] Effet versus connaissance : Art et science, goût et raison. [23] Émotions et jugement. [23] Sensibilité et vérité. [24]

6. Projet [25]

.1 Environnements et sphères : les lieux. [25]

.2 Environnements et sphères : les échanges. [26]

.3 Environnements et sphères : l’intégration. [26]

7. Discussion et conclusion [29]

.1 Les bases de l’essai : logique et dialectique [29]

.2 Environnements et sphères : les lieux. [30]

.3 Environnements et sphères : les échanges. [31]

.4 Environnements et sphères : l’intégration. [31]

8. Bibliographie. [32]

9. Annexes. *Voir aussi annexe électronique avec documents complets. [35] A. Planches du projet. B. Échelles, analyses et données. [35] C. Contexte et site. [40] D. Programme. [46] E. Précédents. [49] F. Normes. [56] G. Matériaux. [62]

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e(p) Nicolas Labrie

Essai [projet]

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e(p) Nicolas Labrie

Sphères de l’éveil.

Seuil d’échange à la tête des ponts de Lévis.

[Première expérimentation]

| 1. Introduction. |

Les bases et réflexions sur lesquelles est appuyée la démarche sont d’abord d’ordre philosophique et non

proprement architectural, car il est ici d’avis que l’architecture se doit d’être au service du progrès et de

l’avancement humain et non se suffire à elle-même. Ainsi, l’architecture peut, et doit être envisagée comme un

élément transcendant ses propres limites, afin de se voir comme un moyen d’action et non plus comme une

finalité. L’architecture doit vous grandir disait Louis Kahn.

.1 Problématique et pertinence.

« La plus grande faiblesse de la race humaine vient de son incapacité à comprendre la fonction exponentielle. »

Albert Allen Bartlett

Pressé, stressé, angoissé, inquiet, fatigué et essoufflé par le rythme des évènements desquels il a l’impression

d’être la victime ou le prisonnier, voilà certains des traits caractéristiques de l’homme contemporain, voilà certains

des traits caractéristiques de la pensée contemporaine, « prise au piège dans une accélération qui la sidère et la

paralyse. » (Augé, 2009, p.87). Elles sont d’ailleurs nombreuses ces inquiétudes auxquelles l’homme doit

aujourd’hui faire face ; réchauffement climatique, égoïsme/individualisme, choc des cultures, difficultés des

marchés et bien d’autres. Mais selon Marc Augé, la véritable crise contemporaine est la crise de conscience de

l’homme et « son incapacité à maîtriser l’histoire » (Augé, 2009, p.87).

Un rééquilibrage et une prise de conscience apparaissent alors nécessaires. La civilisation a pourtant déjà su

faire face à de nombreuses autres situations incertaines à travers l’histoire, mais ce qui semble particulier de

l’époque présente, c’est le rythme auquel s’enchaînent ces dernières, nous prenant de vitesse. Nombreux sont

les auteurs, qu’ils soient historiens, théoriciens, anthropologues ou autres, qui parlent de l’accélération de

l’histoire ; Augé, Blay, Hillel, Kern, Pallasmaa, Tuan, Virilio. Alors que l’histoire se racontait auparavant,

aujourd’hui elle se vit, ce que Marc Augé explique comme une « surabondance événementielle » (Augé,1992).

Mais ce phénomène ne vient pas seul, il est aussi accompagné d’une « surabondance spatiale » (Augé, 1992),

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dans un monde où la vitesse permet désormais l’instantanéité et l’ubiquité, temps et espace s’entrecoupent et

semblent devenir relatifs. Et finalement, « l’individualisation des références » (Augé, 1992) amène un profond

nihilisme où le monde perd son sens, car si tout est devenu possible, rien n’est plus nécessaire.

L’histoire a changé d’échelle, ainsi que l’activité humaine. Temps présent et futur ne se conjugue plus

indépendamment, le premier constamment dépassé, le deuxième comme un point d’arrivée quotidiennement

atteint. L’occident a industrialisé la vitesse, institutionnalisé l’urgence, l’arrivée a annihilé le départ ainsi que le

voyage (Virilio, 1984, p.168). Dans ce monde, le quotidien est devenu synonyme de vitesse et d’optimisation, de

rationalisation et d’automatisme, « Prendre son temps paraît un anachronisme dans le monde où règne l’homme

pressé. » (Le Breton, 2008, p.190). Virilio compara l’excès de vitesse avec l’excès de lumière, nous rendant

aveugles à ce qui est évident, faisant perdre toute valeur au contenu informatif, à tout message, déjà devenu

obsolète (Virilio, 1984, p.168). Aveugles ou somnambules, certains ont perdu contact avec le monde et son sens.

Ils agissent sans prendre le temps de réfléchir aux raisons profondes de leurs comportements, de leurs décisions,

et ne se remettent plus en question, car ils se disent détenir la vérité. Il est pourtant important d’être conscient de

ses actes avant d’agir, autrement les réactions deviennent tout aussi aléatoires et arbitraires que les actions.

Ainsi, des questions se posent. Comment contribuer à ce rééquilibrage et à cette prise de conscience? Et le rôle

de l’architecture face à cela?

« Nous ne vivons pas dans un monde achevé, dont nous n’aurions plus qu’à célébrer la perfection. » Augé, 2009,

p.16

.2 Hypothèse générale.

Comment l’architecture peut-elle être un élément déclencheur de l’éveil des individus? Comment peut-elle

contribuer au progrès par son action? Comment l’architecture et l’humain peuvent-ils dialoguer afin qu’il y ait

bénéfice mutuel? Comment peut-elle avoir une influence sur les comportements humains? L’architecture pourrait-

elle non seulement contribuer à l’amélioration des milieux de vie humains, mais des humains eux-mêmes?

L’expérience du corps, médium le plus commun à tous les humains (Détrez, 2002, Le Breton, 2008, Merleau-Ponty,

1976, Pallasmaa, 1996), transmet la réalité externe à la réalité interne à travers le cheminement complexe, mais ici

simplifié, de « l’objectif », du perceptif et du subjectif. L’expérience est, quant à elle, un élément que l’architecte

est en mesure d’envisager, de prévoir (Pallasmaa, 1996, Zumthor, 2006), dans la mesure de sa compétence et de

son champ d’action. Il serait donc intéressant de voir comment ajuster, configurer et situer celle-ci selon les

besoins ou buts visés, afin de faire de cette expérience l’interrupteur de l’éveil en question. Voilà où interviendra

ultérieurement le concept des sphères.

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Toutefois, une hypothèse doit toujours être vérifiée, la découverte de la vérité n’est jamais simple, ni complète.

« Découvrir ne signifie pas de lever d’un seul coup le voile sur un objet préexistant à l’état achevé, mais déployer

par une nouvelle énonciation l’état propositionnel ou problématique dans lequel se trouvait la « chose » avant sa

reformulation et tisser de cette manière un nouveau tissu plus dense entre l’entité énoncée, d’autres entités, la

science et la société. » (Sloterdijk, 2005, p.193)

.3 Missions et défis.

La philosophie architecturale qui sera développée pourrait s’appliquer à de nombreux objets d’élaboration, mais

un choix fût ici fait, estimant que la priorité s’y trouvait. Il s’agit donc d’une première expérimentation.

L’idée de départ : concevoir une architecture basée sur l’expérience (Pallasmaa, 1996, Zumthor, 2006) et donc axée

sur le médium de transition/transmission qu’est le corps humain (Détrez, 2002, Le Breton, 2008, Merleau-Ponty, 1976,

Pallasmaa, 1996), mais dans un usage du quotidien et non plus seulement de l’exception, et ce, dans des « non-

lieux », des espaces délaissés ou des paysages ordinaires (Auger, 1992, Berger, 2006, Clément, 2004), afin

d’atteindre l’individu suffisamment en profondeur pour le faire sortir de l’état léthargique, aveugle ou somnambule

(Auger, 1992, 2009, Pallasmaa, 1996, Sloterdijk, 2005, Tuan, 2006, Virilio, 1984) dans lequel il se trouve généralement

lors de l’expérience de cet «ordinaire du quotidien», espérant ainsi un éveil de la conscience de l’individu sur son

environnement direct (perceptif) et indirect (cognitif et sociétal).

Le projet est donc constitué d’un amalgame entre les fonctions du quotidien liées aux transports (où les modes

automatiques se voient fréquents – Auger 1992, 2009, Channouf, 2004, Virilio, 1984) et les fonctions ludiques

contemporaines restantes (souvent liées aux lieux de consommation ; ceux-ci s’annexant d’ailleurs déjà

facilement d’eux-mêmes aux lieux de transports). Ce paradoxe de l’homme entre son désir d’«optimisation» de

son temps et celui d’en user de manière «absurde» ou «ludique» apparaît clairement lorsque l’on regarde

l’évolution du centre d’achat, parfois véritable parc à thème, en corrélation avec le développement des autoroutes

(Liebs, 1995); signe que la contradiction n’est peut-être qu’apparente. Une station d’accès multimodal et

d’échanges intermodaux, multifonctionnelle, annexée d’un stationnement incitatif et d’une promenade marchande,

est conséquemment ce qui constitue le projet.

Le site choisi va, quant à lui, de pair avec l’automatisation et l’ « optimisation » de nos vies et l’évidement spatial

correspondant (Virilio, 1984) : lieux délaissés ou effacés de l’expérience par la modernité et par les modes

inconscients («non-lieux», «waste landspaces» et « tiers-paysage » - Auger, 1992, Berger, 2006, Clément, 2004). Le

site choisi est donc fortement « antipolaire », mais détient un grand potentiel de polarité; l’échangeur autoroutier,

dans le cas présent, l’échangeur de l’autoroute Jean-Lesage(20) et Robert-Cliche(73) sur la rive-sud de Québec.

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| 2. Bases de l’essai. |

Il sera présenté dans cette section le raisonnement, les outils et la logique derrière l’essai, de même que les

grandes lignes d’une philosophie qui se veut inclusive, adaptable et évolutive.

.1 Sphères.

La création, tout comme la compréhension ne semble pas avoir d’échelle prédéfinie. Les conventions l’ont par

contre divisée en métiers divers; l’urbaniste ou l’anthropologue, l’architecte ou le sociologue, et l’ébéniste ou le

biologiste, etc. Il s’avère cependant que le processus lui, n’en diffère en rien. Face à la complexité du monde, il

faut parfois toucher l’ensemble des échelles.

Le terme environnement, de par son étymologie grecque et latine, est beaucoup plus global ou englobant que le

terme architecture. Sans en faire l’étymologie complète, environnement signifie « cercle » ou « ce qui se trouve

autour ». Architecture signifie quant à lui, « chef principe » lié à « charpente » ou « construction » et implique donc

quelque chose de bâti, mais lorsque l’on traite des zones grises, intermédiaires et médianes, lorsque l’on parle

d’expérience, le « bâti » devient une conséquence et non un point de départ. La recherche d’un terme plus

approprié étant aux frontières des deux mots (« chef principe » de « ce qui se trouve autour ») amena finalement

au concept de sphère; un autour possédant des principes organisateurs.

La sphère est une contrée, une enveloppe, une membrane, une bulle, un intermédiaire, elle est le monde médian

entre la vie animale, et la vie symbolique de l’homme. Couramment utilisé pour parler d’une des catégories de la

vie ou pour décrire un espace personnel, le concept fût théorisé par Peter Sloterdijk (1998, 1999, 2004) et repris

par la suite par Georges Teyssot (2003).

« La nature est trop diffuse, ses stimuli trop puissants et trop en conflit pour être directement accessibles à l’esprit

et à la sensibilité humaine. L’homme crée d’abord le cercle […] » (Tuan, 2006, p.113)

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.2 Éveil.

« Dans un sommeil profond, l’homme continue à être influencé par son environnement, mais il perd son monde; il

est juste un corps occupant l’espace. Éveillé et debout il regagne son monde, et l’espace est articulé en accord

avec son schéma corporel. » Tuan, 2006, p.39

L’éveil est un passage, à la fois rupture et continuité, il est un processus de transition où l’ « esprit » passe

d’endormi, au stade de l’éveil, puis à celui d’être éveillé. « Awakening is thus not a caesura, but the creation of a

door, to be crossed by an extended series of rites, between the world of dreams and the waking state. It is a zone

shaped by a precise tectonics, a region of cognition. » (Teyssot, p.90, 2005)

Dans le cas de l’approche préconisée, la métaphore utilisée ne sera qu’à demi métaphorique, car elle jouera à la

fois sur le registre corporel et symbolique, se rapprochant donc drôlement de cette sensation quotidienne. L’éveil

est envisagé comme une prise de conscience, à la fois perceptive et cognitive, et ici même plus, ayant effet sur

les comportements sociaux. L’éveil est donc le passage d’un stade inconscient à un mode conscient, d’un état

latent à un patent, de l’implicite à l’explicite, mais l’éveil est un seuil que l’on doit franchir à répétition, d’où le terme

du réveil. L’éveil est ce qui réengage la sensibilité au monde environnant, et fait cheminer à travers les âges.

.3 Logique et dialectique : les apparentes «contradictions».

La logique est principalement une recherche de la vérité, et bien que la dialectique, ou l’art du dialogue, en soit

une catégorie, elle apparaît comme beaucoup plus inclusive, prenant part dans la confrontation de logiques

opposées, et donc au contraire de la première, n’allant au but visé que par les différents travers qu’elle doit

emprunter. Si la logique est une ligne droite, la dialectique est un chemin tortueux, beaucoup plus près de

l’expérience du vécu. La dialectique reconnaît le caractère inséparable des propositions contradictoires (thèse et

antithèse), que l’on peut unir dans une catégorie supérieure; la synthèse (Le petit Robert, 2002).

Paradoxe.

Paradoxe signifie, étymologiquement, contraire à l’opinion publique, il réfère à une proposition qui peut

paraître surprenante ou choquante à première vue, et allant donc contre ce qui est communément accepté, ou

idéalisé, et donc contre tous les préconçus, préjugés et autres raisonnements prédéterminés. Le paradoxe

semble donc détenir une contradiction logique aux yeux de la majorité, et bien que sans faille visible, il

apparaît comme une absurdité, un non-sens face à l’intuition de ceux qui croyaient détenir la vérité.

« Découvrir la vérité, c’est par conséquent appréhender un motif plus profond, non quotidien, de l’intangibilité

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de la vie. Parce que la vérité reste vraie même lorsqu’elle est méconnue ou contestée […] » (Sloterdijk, 2005,

p.206)

Dans la réalité, selon le sens entendu par la physique, il n’y a aucune contradiction, l’univers est un tout

cohérent, avec ses lois propres et son fonctionnement, c’est cet univers que la science étudie, tentant

constamment de se rapprocher de l’inatteignable objectivité. Il n’y a que dans le monde des humains que la

contradiction est possible, qu’une réaction n’est pas une résultante de l’action, qu’une conséquence est

détachée d’une cause, qu’un fait peut devenir inexplicable et illogique. Le paradoxe n’est alors peut-être

qu’une simple incompréhension, un état latent faisant émergence sur la scène de l’explicite, et demandant à

être compris, intégré.

« Autrement dit : la contre-norme n’est jamais un bruit de la norme, elle est la même norme inversée, je veux

dire jumelle. » (Serres, 1997, p.92)

Paradigme.

Le paradigme est une vision du monde selon un point de vue particulier, suivant le modèle établi par une

discipline ou un courant de pensée. Le paradigme se soumet donc en quelque sorte au domaine qu’il soutient.

Il peut s’avérer une logique implacable lorsque pris à part, mais lorsqu’il est mis en corrélation avec l’ensemble

des autres visions existantes, il peut alors se révéler beaucoup moins pertinent qu’il n’y paraissait. Un

paradigme n’est pas une vérité, mais n’en est pas moins utile afin de pouvoir disséquer des complexités. Il ne

contribuera par contre à un quelconque avancement réel que dans la confrontation avec d’autres modèles se

voulant tout aussi cohérents, s’affirmant alors, ou s’infirmant. Le paradigme s’inscrit dans un système de

référence ou un système de valeur, on pourrait ainsi le dire jugement de valeur. Étant donné que l’objectivité

n’est pas du monde humain (voir la citation de Einstein en avant-propos), tout jugement s’avère alors un

jugement référencé, de valeur, ou à tout le moins subjectif.

Parasite.

« Un organisme vit très bien avec ses microbes, il vit mieux, il est aguerri par eux. À la cruauté des systèmes à une norme et à leur geste d’exclusion, il faut ajouter l’implacable pouvoir des systèmes à plusieurs normes, à plusieurs variables groupant chaque fois une norme et sa contre-norme, et leur fonctionnement d’inclusion. […] Le génie, alors, ne défait jamais le système, il le généralise, il y introduit une variable supplémentaire, munie de sa contre-variable. Il ne met jamais la science en question, mais un de ses paradigmes ou avatars. Il ne met jamais la raison ou l’histoire en question, mais l’un de ses moments, ou états, ou cas particuliers, car c’est cela, dit-on, l’histoire ou la raison, la série discontinue des moments. Récupération du simple par le complexe. Mais ce n’est pas, je crois, parce que c’est plus complexe que ce n’est pas la même chose. » (Serres, 1997, P.92)

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e(p) Nicolas Labrie

Un poison ne peut-il pas être un remède? Le parasite n’est-il pas parfois commensal? La logique est ici

double. Le parasite peut aguerrir son hôte; donnons-lui un homme. Le parasite peut se nourrir de son hôte;

donnons-lui un problème. Le parasite produit de petites oscillations, de petits écarts, il crée des circonstances.

Le mot répugne et pourtant : « Le parasite est le nom donné le plus souvent à ces nombreuses et diverses

activités, dont je crains fort qu’elles constituent la chose la plus commune du monde. » (Serres, 1997, P.20)

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| 3. Environnements et sphères : les lieux. |

La présente section vise l’introduction des premières sphères, celles permettant une approche et un traitement

des lieux.

.1 Sphère insulaire _ [Objet et site]

L’insularité est le caractère de ce qui semble confiné, isolé, mis à part, et par le fait, mis en évidence. L’île est tel

un objet posée sur une étendue, la forme sur un fond. « Microsystème » soutenant la vie, l’insularité est symbole

d’une spécificité, donnant à un lieu et à ceux qui y vivent des caractéristiques particulières. L’insularité joue la

carte du contraste, mais diffère quant à son échelle ; le land art et le paysage, la maison et le monde, îles

commerciales sur fond d’asphalte, îles aéroportuaires sur fond de friches, îles aérospatiales sur fond d’infini.

« Urbanité » et réseaux : ville-monde et monde-ville.

L’ « urbain » a aujourd’hui changé sa nature, face à la dilatation des territoires pratiqués par les citadins, le

local et la proximité n’ont plus le même sens; désormais choisis et fragmentaires (Ascher, 2001, p.58). Le

phénomène des entre-villes ressemblent à des ‘archipels’ dans la ‘mer ‘ d’un paysage interconnecté (Sieverts,

2003, p.9). Le centre-ville a cessé d’être le plus accessible à tous, les villes sont multipolarisées (Ascher, 2001,

p.62). La ville modernisée a changé d’échelle, les réseaux structurent le territoire, la logique afin de connecter

les lieux n’est plus la même. (Hanin, 2005, p.75, 86) Il en est de même à l’échelle mondiale; « Dès lors,

l’urbanisation se présente bien sous deux aspects contradictoires, mais indissociables […] : d’une part, le

monde est une ville […] d’autre part, la grande ville est un monde, où se retrouvent toutes les contradictions et

les conflits de la planète […] » (Augé, 2009, p.33) Inimaginable de nos jours de penser une ville qui se serait

pas connectée aux divers réseaux, alors « Comment imaginer la ville sans devoir imaginer le monde? » (Augé,

2009, p.73)

L’île comme monde.

L’île est un monde dans le monde : « Si les îles sont des modèles de monde, c’est précisément parce qu’elles

sont suffisamment séparées du reste du contexte mondial pour voir abriter une expérimentation sur la

présentation d’une totalité en format réduit. » (Sloterdijk, 2005, p.275) Cela ne veut pas dire qu’il n’existe

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absolument aucun lien vers l’île, le droit à l’isolation et celui à la mise en réseau sont de même origine, d’où le

concept de Connected Isolation (Sloterdijk, 2005, p.279). L’île permet de répéter la vie dans un autre endroit et

d’ainsi voir dans quelle mesure elle a été comprise. Elle permet le transfert à l’interne, de situations réelles

vécues à l’externe, elle sert de contenant sur un fond de contenu, elle permet l’intériorité. L’île est un monde

en miniature.

Lieu, non-lieu? Milieu.

Tuan (2006) et Augé (1992) s’accordent tous deux sur la définition du lieu : espace clôt et humanisé, ayant

acquis une définition, une signification, un sens. Ils y opposent l’espace ouvert, dénué de toute valeur

humaine, l’espace simple, géométrique, pour Augé; le non-lieu. Le non-lieu n’est ni relationnel, ni identitaire, ni

historique, il n’est pas « anthropologique ». « Les non-lieux pourtant sont la mesure de l’époque : […] les voies

aériennes, ferroviaires, autoroutières […] les aéroports, les gares et les stations aérospatiales […] » (Complet à

Augé, 1992, p.101-102) Le non-lieu n’est promis qu’à l’individualité et au simple passage. Mais l’être a besoin à

la fois de l’espace et du lieu, du refuge et de l’aventure, de la contrainte et de la liberté (Tuan, 2006, p.58). Et

dans la réalité contemporaine, lieux et non-lieux s’enchevêtrent, l’un n’est jamais absent de l’autre.

L’opposition n’est alors que symbolique, et diverge en fonction des expériences de chacun, mais en vérité,

l’homme se situe toujours en rapport avec un milieu, cette dernière notion semble alors beaucoup plus

inclusive, générique, médiane, elle est au seuil de toute humanisation.

L’être dans le monde, le corps comme dernier territoire.

L’être tente de suivre la cadence accélérée du monde, où une réelle augmentation du mouvement des

personnes a pris place (Ascher, 2004, p.37) et l’être devient bientôt citoyen d’un monde tendant à abolir toutes

frontières (du moins, dans son idéal). Ascher utilise la métaphore du lien hypertexte que l’on retrouve sur

internet : « Une société où les individus bougent dans tous les sens, à toutes les heures du jour et de la nuit,

une société hypertexte où les individus passent rapidement d’un milieu social à un autre, une société où les

séquences d’activités se chevauchent et s’entremêlent. » (Ascher, 2003, p. 8) Déterritorialisé et multiterritorialisé

(Ascher, 2004, p.69) par les mêmes outils, le même système, le corps de l’homme devient le territoire restant :

« Le corps est aujourd’hui le refuge et la valeur ultime, ce qui reste quand les autres se font évanescents […] »

(Le Breton, 2008, p.227) Le corps est le lieu où la personne s’approprie le monde, le rend compréhensible et lui

donne un sens (Le Breton, 2008, p.17). Aujourd’hui, il semble être aussi la dernière frontière à conquérir.

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.2 Sphère topologique _ [Seuils et transition]

Étymologiquement, topologie signifie « étude du lieu », elle s’intéresse donc à définir ce qu’est un lieu, quelles

sont ses caractéristiques. Cette science concerne l’étude des déformations spatiales par transformations

continues. La notion centrale soutenant ce concept est celle de la limite. Dans cette science, au départ

mathématique, le concept de sphère existe aussi, souvent remplacé par celui de voisinage. Des espaces

topologiques y sont des espaces abstraits ; « des ensembles qui répondent à certains critères "structuraux" qui

font intervenir les concepts de voisinages ouverts, fermés, etc. » (Hugo Drouin, ami mathématicien et physicien, 2010)

Limites, mouvements et équilibres.

Il semble y avoir deux types de limites : la frontière, définissant un espace fermé, et le passage, qui ouvre vers

l’espace. Mais la limite est toujours un entre-deux, située au milieu, elle a donc toujours ce potentiel de

médiation, de communication; « The spaces between” have the power to become symbols of exchanges and

encounters. […] The frontier, as it were, belongs to a logic of ambiguity, or ambivalence: the void of the border

can turn the limit into a crossing passage; or the river into a bridge. » (Teyssot, 2005, p.107) Pour l’homme,

l’espace est toujours une expérience se situant à mi-chemin entre le monde réel et le monde intériorisé:

« Définissant les conditions de la domestication, les sphères sont des enveloppes, des «membranes ontologiques», […] Placées entre la proximité et l’éloignement des choses, situées entre le fini et l’infini, campées entre le terminé et l’indéterminé, localisée entre le symbolique et le diabolique, les sphères sont définies justement par cet «entre» (latin, inter) qui forme justement la racine d’interior, d’intérieur, d’intermédiaire entre l’encerclement (corporel, animal) et le symbolique (corporel et humain), les sphères offrent une situation d’intermédialité. » (Teyssot, 2003, p.174)

Mais si le monde devient un mouvement perpétuel, il devient impossible de développer cet « entre », pas plus

que la notion de lieu. La limite devient donc un équilibre à rechercher. La frontière est toujours à repenser afin

de comprendre les contradictions qui minent l’histoire contemporaine (Augé, 2009, p.9).

La mobilité et le monde d’Hermès.

La transition implique cependant toujours un mouvement (corporel, atmosphérique, psychologique, biologique,

mécanique, etc.), ce dernier n’est donc pas un concept à laisser de côté, mais il semble aujourd’hui

simplement trop rapide et poignant, dans un monde où la mobilité tend à se généraliser. Un nouveau

« nomadisme » apparaît, paradoxe d’un monde où l’on peut tout faire sans bouger, mais où l’on bouge

constamment. Il en est ainsi, car : « Aujourd’hui, se déplacer est devenu indispensable pour accéder à la

plupart des biens, services et des relations sociales. La possibilité de se mouvoir, en particulier en ville,

conditionne en effet l’accès au logement, au travail, à l’éducation, à la culture, etc. […] » (Ascher, 2004, p.23)

Certains organismes parlent de faire de cette mobilité un droit-créance, et donc équitable pour tous. La

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mobilité a donc une valeur indéniable, mais cependant, la part des choses doit être faite, si Hermès ne cesse

de courir partout sans raison, il ne délivrera alors bientôt plus aucun message, et aura fait disparaître Hestia.

Décélération et pauses.

« On peut avoir saisi ce qui transite en eux et nommer ce transport du nom propre d’Hermès. On peut avoir

cherché leur formation et leur distribution, leurs frontières, leurs bords et leurs formes. Il faut pourtant écrire

des interceptions, des accidents du flux, […] » (Serres, 1997, p.19) L’homme a augmenté sa vitesse, a conquis

l’espace et sa liberté, mais a perdu la notion d’étendue. Dans son accélération, il a perdu le sens, dans tous

les sens. Il doit diminuer son rythme s’il veut progresser, car l’inertie est aussi du domaine du mouvement. « Si

le temps est conçu comme un flot ou un mouvement, alors le lieu est une pause. Selon ce point de vue, le

temps humain est marqué par des étapes, comme le mouvement humain dans l’espace est marqué par des

pauses. » (Tuan, 2006, p.198) L’homme doit donc décélérer réellement tout comme symboliquement avant

d’arriver à une étape, une pause lui permettant de se recentrer, de récupérer et de réviser le voyage qu’il a à

accomplir. S’il veut acquérir le sentiment du lieu, retrouver l’espace perdu, il devra aussi établir des racines, et

ce cheminement est long, fait d’expériences répétées jour après jour (Tuan, 2006, p.184).

Mutation, métamorphose.

La transition n’est jamais une rupture, elle est toujours un changement sous forme de continuité. La transition

fait varier l’état d’un même système, elle ne le révolutionne pas, ni le réforme, elle y produit un écart. La

transition est une mutation, elle utilise la logique du parasite, une logique dite jusqu’à ce jour irrationnelle, mais

une autre théorie de l’équilibre. « Le parasite des réseaux ne livre plus bataille […] Rien n’est plus facile à

produire que ces petites vagues, rien n’est plus stable à conserver. Le vieux combat, les deux lutteurs

ensemble, disparaissent dans le brouillard. Quand disparaît la brume, on les aperçoit tous les deux, amis,

associés, liés, ils n’ont plus d’ennemis que la brume. » (Serres, 1997, p.262-263) Le parasite est opportuniste, il

joue la position plutôt que le contenu, il déniche et utilise les potentiels : « L’échangeur est aussi un

transformateur. Au moins par changement de direction, au moins par divisions du flux, par bifurcation, au

moins par semi-conduction, sens uniques et sens interdits, au moins par aiguillage. Hermès est bien le dieu

des carrefours. » (Serres, 1997, p.61) Le parasite se nourrit alors chez son hôte et amène sa métamorphose.

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| 4. Environnements et sphères : les échanges. |

La présente section vise la présentation des sphères ayant trait aux diverses relations et influences mutuelles que

la personne a avec son environnement, ainsi qu’avec les autres personnes. Suivant la maxime de Churchill (au

sujet des « dwellings »), la prémisse est que nous influençons l’environnement et que l’environnement nous

influence après coup, dans un échange constant entre l’influence et l’influencé.

.1 Sphère extatique _ [Logique des relations]

Extatique est l’adjectif référant à l’extase, signifiant « se tenir ou être hors de soi-même ». La personne est

aujourd’hui devenue un individu, elle s’est refermée sur elle-même (néanmoins souvent incapable

d’introspection). Il ne semble plus y avoir d’entité externe, de société, mais une pluralité d’entités internes. La

relation en est pourtant toujours une avec un extérieur. Le corps de l’être est demeuré un filtre, mais l’homme, lui,

s’y est enfermé.

Individualité et individuation.

L’individualisme a presque toujours une connotation péjorative, il semble pourtant venir de base dès la

naissance, mais comment la personne est-elle passée d’un être de relation à un individu affirmant son

détachement? Les théories abondent, mais partons du corps; le corps est signe d’unité de l’espèce humaine,

mais aussi lieu de la distinction de l’individu, de sa singularité (particulièrement dans la promotion du visage).

Le corps est donc facteur d’individuation. Selon Le Breton (2008), la montée de l’individualisme occidental

coïncide avec l’arrivée d’une vision dualiste de l’homme et de son corps : l’homme n’est plus son corps, il a un

corps. Le corps devenu attribut, accessoire, il est aussi devenu faire-valoir et forteresse. « […] Le corps

contemporain, celui qui résulte du recul des traditions populaires et de l’avènement de l’individualisme

occidental, marque la frontière d’un individu à un autre, la clôture du sujet sur lui-même. » (Le Breton, 2008,

p.28) L’homme s’est découvert comme unité, son rapport au monde et à lui-même a changé, et pourtant, il a

toujours été l’unité de base d’une structure composite.

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Comportements: quotidienneté et automatismes.

L’habitude endort, les activités routinières sont à tel point ancrées dans le quotidien qu’elles ne suscitent plus

aucune réflexion (Tuan, 2006, p.133). Virilio compara la vie quotidienne et ses déplacements journaliers à une

« veille optique » (Virilio, 1984, p.159). La conscience s’efface, le corps aussi, dilués dans les automatismes des

rituels : «Condition même de l’homme, le corps ne cesse de produire et d’enregistrer du sens, à travers une

sorte d’automatisme, coindidentia oppositorum la plus étonnante de la vie quotidienne : l’évidence oubliée, le

présent-absent dont l’existence s’impose en pointillé à travers l’écoulement du jour. » (Le Breton, 2008, p.153,

182). Le comportement automatique correspond donc à une perte du goût du monde, et de sa symbolique.

« Le terme automatique peut paraître étonnant lorsqu’il s’agit du comportement humain. Or, une grande partie

des activités humaines semble se dérouler de manière automatique ou quasi automatique. » (Channouf, 2004,

p.43) Une activité automatique est à la fois régulière, prédéterminée, purement mécanique et niant toute

conscience. À cette perte de la conscience du soi, de l’autre et de son environnement, une corrélation peut

être établie avec les études qui démontrent que les personnes connaissent très mal les facteurs qui fondent

leurs comportements (Channouf, 2004, p.29). Un élément peut d’ailleurs agir sur le comportement, sans pour

autant modifier le jugement (Channouf, 2004, p.75). Mais le réel intérêt de l’éveil est celui d’agir sur tous deux.

Voyeurisme et exhibitionnisme ou diagonalisation?

Les échanges ont évolué coïncidant avec les médias offerts. L’échange est aujourd’hui non seulement différé,

mais triangulé, diagonalisé, il y a là une logique à multiples valeurs, alors que seulement deux étaient

attendus. La sociabilité est devenue réseau de voyeurs et d’exhibitionnistes; Facebook prend sans cesse de

l’expansion, la rencontre en face à face n’est plus que du domaine des affaires ou du familier, le parasite

invente la vie à risque minimal (Serres, 1997, p.262). Mais cette nature de l’homme était là encore bien avant : «

For Charles Baudelaire, precisely, there is an invasion of the (metropolitan) exterior into the interior, which has

two consequences – the interior becomes a facade, while the person in the street becomes a voyeur [...] »

(Teyssot, 2005, p.93) Gehl et d’autres modernes avaient d’ailleurs concluent que le « voir sans être vu » était le

fondement de la sociabilité urbaine. La logique a donc été renforcée, mais n’est pas si nouvelle. L’être-

ensemble est tantôt réciproque, tantôt asymétrique. « Nous parasitons nos semblables et nous vivons au

milieu d’eux. Autant dire vraiment qu’ils constituent notre milieu. Nous vivons dans cette boîte noire qu’on

nomme collectif, nous vivons par elle, d’elle et en elle. » (Serres, 1997, P.18)

L’extérieur et l’Autre.

« […] par un procédé extatique, les sphères permettent l’ouverture vers le symbolique et le langage, en

direction de l’extériorité du monde […] » (Teyssot, 2003, p.174) Néanmoins, l’extérieur et l’Autre peuvent être

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e(p) Nicolas Labrie

vus à la fois comme intrigants ou inquiétants, ils ne sont pas un refuge, mais une aventure. Mais étant donné

que l’Autre est un élément quotidiennement présent, qu’en est-il alors de la synthèse sociale? Cofragilité,

coisolation, coexistence et coinsistance, Sloterdijk (2005) ne voit pas la société comme une entité, il y

reconnaît plutôt la pluralité des espaces individuels et prend donc « la décision philosophique de penser l’unité

comme un effet – et par là-même de désenchanter tout concept de « société » qui ferait avancer celle-ci avant

ses éléments. » (Sloterdijk, 2005, p.259) L’être étant toujours à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de lui-même

(ou peut-être au milieu), il n'est pas nécessairement un élément du système social, mais appartient

certainement à son environnement; l’Autre fait toujours partie de l’extérieur. L’échange devient ainsi le choix

résultant d’un effet, la rencontre est donc volontaire, mais influençable.

2 Sphère médiatique _ [Logique des influences]

Le terme média réfère à tout moyen de communication, naturel ou technique, qui permet la transmission d’un

message. Il vient du latin médium, qui signifie moyen ou intermédiaire. Il peut être émetteur ou récepteur, mais,

tout comme le message, il est toujours situé entre deux éléments à partir desquels il établit le dialogue, ou

simplement la mise en relation. Un média peut diverger quant à la façon par laquelle il transmet un message, et il

peut aussi altérer ce qu’il transmet, ou lui-même être altéré.

Corps : moyen, médium, média.

« À travers sa corporéité, l’homme fait du monde la mesure de son expérience. Il le transforme en un tissu

familier et cohérent, disponible à son action et perméable à sa compréhension. Émetteur ou récepteur, le

corps produit continuellement du sens, il insère ainsi l’homme à l’intérieur d’un espace social et culturel

donné. » (Le Breton, 2008, p.18) Le corps est un filtre sémantique, il donne sens à travers les sens. Il est à la

fois média transmettant une information, médium situé entre la réalité extérieure et le monde intérieur, et

moyen d’agir sur tous ces différents aspects. Le corps permet l’interaction, le langage, et est lui-même

langage (Détrez, 2002, p.19, référant à Bourdieu 1977). Le corps est le lieu où le monde commence à prendre

forme: « My assumption of the role of the body as the locus of perception, thought and consciousness, and the

significance of the senses in articulating, storing and processing sensory responses and thoughts, have been

strengthened and confirmed. » (Pallasmaa, 1996, p.10) Le corps a aussi une mémoire; l’individu est conscient

de ce qu’il expérimente de manière directe, mais n’est pas conscient de l’ensemble de son

expérience : « L’expérience perceptive passée est inconsciemment ajoutée à la réaction actuelle à un

stimulus, comme cela arrive lorsque nous succombons à une illusion optique et que nous refusons les

données évidentes de nos sens. » (Channouf, 2004, p.21) Ainsi, par son statut, le corps peut être influencé.

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Le contraste et le subliminal.

Le contraste réfère à ce qui est patent, explicite, marquant, tandis que le subliminal se produit sous le seuil de

la conscience, il est implicite, mais l’un comme l’autre sont des manières de transmettre un message, et la

réelle importance est surtout celle du contenu de ce message. Le subliminal joue au niveau de l’influence non

consciente, et contrairement à la croyance, il ne peut générer de nouveaux besoins, mais seulement éveiller

des besoins préexistants (Channouf, 2004, p.118, 124). Il entretient et renforce le rapport au familier. La

perception peut donc opérer consciemment ou inconsciemment : « Ainsi, certains stimuli s’avèrent dotés d’un

niveau d’énergie de stimulation suffisamment important pour activer les récepteurs périphériques et les aires

corticales de réception, mais insuffisamment important pour produire un effet sur la conscience. Il y a donc un

traitement de l’information qui s’opère sans la conscience […] » (Channouf, 2004, p.38) Il peut paraître

paradoxal ici de s’y intéresser alors que c’est l’éveil qui est recherché, mais le subliminal détient deux valeurs,

l’une d’ « empoisonnement », l’autre de renforcement. Alors que le contraste joue sur un éveil immédiat, le

subliminal peut renforcer l’éveil à long terme, car il joue sur la répétition. La logique semble complexe, mais

cela ne veut pas dire qu’elle n’aille pas de soi.

Le perceptif et le cognitif.

Sommairement, le perceptif réfère au sens, à ce que le corps capte comme information, et le cognitif réfère à

la « compréhension », ou au traitement de l’information. L’éveil est désiré sur ces deux plans (et même au-

delà), mais devra prendre en compte qu’une partie importante de la pensée de l’homme, ainsi que ce qui le

fait agir, n’est pas toujours accessible à sa conscience : « […] l’être humain est capable de procéder à des

raisonnements simples ou complexes aussi bien sur le plan perceptif que sur le plan cognitif sans que cela ait

besoin du concours de la conscience. » (Channouf, 2004, p.7) Ces processus sont donc en mesure d’influencer

le comportement, sans même qu’il y ait eu volonté de le faire. Comme quoi le corps a lui aussi sa propre

« intelligence ». Mais comment aguerrir le corps afin que les processus non conscients deviennent

conscients? Paradoxalement, le traitement de l’information (et non son enracinement) est rapide et mené en

parallèle lorsqu’il est non-conscient, et lent et séquentiel lorsque traiter de manière consciente (Channouf, 2004,

p.42). Finalement, pour le perceptif comme le cognitif, l’information reçue provient de l’expérience vécue

(immédiatement ou préalablement), cette expérience devient donc un élément primordial à traiter.

Symbole et sens.

Le symbolisme apparaît être un sujet tabou de nos jours, les références devenues individuelles, le symbole ne

semble plus vouloir rien dire. Il est pourtant nécessaire : « Le symbolisme social humanise le monde, le nourrit

de sens et de valeurs et le rend accessible à l’action collective. » (Le Breton, 2008, p.125) La réalité apparaît

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e(p) Nicolas Labrie

toujours dans une symbolique pour l’être humain, une valeur doit être attribuée aux divers stimuli captés dans

l’environnement grâce à la perception, car : « Les limites de l’action de l’homme sur son environnement sont

d’abord des limites de sens, avant d’être des limites objectives. » (Le Breton, 2008, p.107) Bien que les organes

sensoriels des humains soient identiques à ceux des primates, l’être humain a, lui, une capacité extrêmement

perfectionnée de symbolisation (Tuan, 2006, p.9). Si l’homme n’est réduit qu’à un mécanisme ou un

entrelacement d’informations, que reste-t-il de la symbolique? Et quand est-il de la culture et du rapport à

l’Autre? La symbolique peut pourtant être d’un effet puissant; l’ « effet placebo » et les médecines douces sont

désormais des compléments décisifs de l’intervention médicale ou thérapeutique devenue trop « technique ».

« Le rapport de l’homme à son corps est tissé dans l’imaginaire et le symbolique […] On ne peut y toucher

sans mettre en branle des forces psychologiques enracinées au plus intime, sans solliciter l’inconscient […]»

(Le Breton, 2008, p.304)

Médias, propagande et contrôle.

Qu’en est-il des références auxquelles les gens se fient aujourd’hui et accordent la vérité? S’il y a peu de

recherche quant à la signification de ce qui nous entoure et de ce qu’il s’y produit, certaines influences n’aident

en rien à cette recherche de la « vérité » ou de la « transcendance ».

« […] Quotidiens et radios fonctionnent dans leur grande majorité comme des médias de déshinibition au sein desquels des phrases deviennent vraies. L’auto-intoxication de la société par la communication de masse […] Sous la cloche sémantique totalitaire, les gens ne cessent d’inhaler leurs propres mensonges, devenus l’opinion publique, […] À l’intérieur de ce type d’atmosphères toxiques, on reconnaît encore plus fortement les individus comme ce qu’ils sont déjà dans des conditions plus libres – des « somnambules » se déplaçant comme s’ils étaient téléguidés dans le « rêve social éveillé ». Au journaliste revient le rôle des anesthésistes, qui veillent sur la stabilité de la transe collective. » (Sloterdijk, 2005, p.166-167-168)

Le terme « propagande » a rejoint le séculier, tentative afin de garder main mise sur l’inertie collective. Les

médias et l’opinion populaire dictent la norme, ce qui est politiquement correct versus ce qui ne doit pas être

dit.

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| 5. Environnements et sphères : l’intégration. |

Cette section tente d’élaborer les approches possibles quant à l’élaboration et l’intégration du projet dans les

divers environnements (sphères) qui touchent d’encore plus près la formalisation et la matérialisation du projet.

.1 Sphère technique _ [Logique d’incorporation]

La technique a pris beaucoup de place dans la vie de l’homme contemporain, d’abord à son service, il semblerait

que dans plusieurs cas le rapport se soit inversé. Bien que nécessaire, face à la rationalisation constante qu’elle

amène, il semble légitime de se demander si elle repousse réellement les frontières de la vie humaine. « La

dimension sensible et physique de l’existence humaine tend à rester en jachère au fur et à mesure que s’étend le

milieu technique. » (Le Breton, 2008, p.185)

Les machines.

« […] On peut définir la machine comme une construction artificielle, œuvre de l’homme, dont une fonction

essentielle dépend de mécanismes. […] » (Canguilhem, 2003, p.131) À la base, une machine est faite par

l’homme et pour l’homme en vue d’une fin à obtenir ou d’un effet à produire. Mais la machine ne se suffit pas à

elle-même, elle ne fait que transformer un mouvement obtenu de forces externes. Chez Descartes, le corps,

l’homme ainsi que l’univers tout entier ne sont que machines; la vision mécaniste du monde en est, et l’esprit

doit ainsi primer sur tout : « L’homme est encombré d’un corps qui a le désavantage, même s’il est considéré

comme une machine, de ne pas être assez fiable et rigoureux dans sa perception des données de

l’environnement. Le rationnel n’est pas une catégorie du corps, mais c’est l’une des catégories possibles de

l’esprit. » (Le Breton, 2008, p.88) La rationalisation est en fait une mécanisation se voulant éliminer tout

mouvement dit inutile, elle part du point de vue mathématique du rendement, tel que vu chez le Taylorisme.

Mais bien que l’organisme aille été vu comme une machine, il se révéla que ces mouvements techniquement

superflus s’avérèrent biologiquement nécessaires (Canguilhem, 2003, p.162). Ce n’est pourtant pas le cas pour

la machine « Dans la machine, il y a vérification stricte des règles d’une comptabilité rationnelle. Le tout est

rigoureusement la somme des parties. L’effet est dépendant de l’ordre des causes. De plus, une machine

présente une rigidité fonctionnelle nette, rigidité de plus en plus accusée par la pratique de la normalisation. »

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e(p) Nicolas Labrie

(Canguilhem, 2003, p.149) La machine surpasse-t-elle alors l’organisme? L’organisme peut, lui, pourtant

s’accommoder de plusieurs fonctions pour un seul organe (Canguilhem, 2003, p.151).

Prothèses et cyborgs.

« La machine est égale, étale, elle ne sert car elle échappe à la mort et à la symbolique. La prothèse corrige

les modalités du vivant, améliore ses performances, renforce sa résistance, réduit sa précarité, elle corrige

dans ses détails, l’avancée inéluctable de la mort de l’organisme. » (Le Breton, 2008, p.103) L’homme comme

créature physiquement imparfaite devait donc se doter de la technique afin de soutenir ces désirs de

performance et de vitesses régissant désormais les sociétés contemporaines. L’homme s’est donc affecté de

nombreuses prothèses qui, paradoxalement, le rendirent de plus en plus infirme et encombré de son corps. La

technique devint progressivement techno-prophétisme, voie du salut pour délivrer l’homme de ses limites.

Après Copernic, Darwin et Freud, l’homme fait face à une quatrième rupture, la machine entre ici dans sa

composition (Le Breton, 2008, p.324). « […] le cyborg a déplacé la limite entre l’organisme et la machine […] »

(Teyssot, 2003, p.169) Tranquillement, un fantasme implicite naît : « Le rêve du cyborg mêle un vieil imaginaire

machiste du surhomme à un imaginaire postmoderne faisant du digital ou de l’information les seules réalités

valables […] Pour atteindre le cyborg, il faut se défaire de la part en l’homme de la mort : son corps. La

technique est ici envisagée comme une puissance de transformation de l’homme et du monde. […] Seul un

corps high-tech serait digne d’intérêt. » (Le Breton, 2008, p.325) Certains en rêvent déjà, se débarrasser de ce

fossile en se transférant dans un monde virtuel (Le Breton, 2008, p.327-329).

Extension et appropriation.

De nombreuses prothèses, autres que biomécaniques, font depuis longtemps leur apparition afin de combler

les besoins, désirs et « lacunes » de l’homme (l’architecture et le vêtement pourraient être considérés comme

les premières). Le cyborg n’est donc qu’un concept qui se renforça au cours des dernières années, mais

l’homme a toujours su s’allier la technique afin d’en faire l’extension de ses limites biologiques. Seulement,

alors qu’il voulait faire de la technique l’extension appropriable de lui-même, il s’est retrouver à faire de la

technique une extension de la technique tel que nous pouvons le constater, par exemple, dans le cas des

autoroutes. La science et la technique semblent à la fois vouloir imiter le corps, et s’en débarrasser (Le Breton,

2008, p.15, 102). Mais dans leur idéal, elles semblent avoir oublié que : « L’humanité hors corps est une

humanité sans sensorialité, amputée de la saveur du monde et du goût de vivre. » (Le Breton, 2008, p.330)

L’homme ne possède pas son corps, il est son corps. « L’identification de l’homme aux pensées soulève des

questions irrésolues. Car ce n’est pas le cerveau qui pense, vit, ou suscite l’affection, mais la personne. » (Le

Breton, 2008, p.275) Néanmoins, « Il est bien clair que si le vivant humain s’est donné une technique de type

mécanique, ce phénomène massif a un sens non gratuit et par conséquent non révocable à la demande. »

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e(p) Nicolas Labrie

(Canguilhem, 2003, p.164) Paradoxalement, il a simplement oublié de se l’approprier. « Un outil ou une machine

élargissent le monde d’une personne lorsqu’elle le ressent comme une extension directe de ses pouvoirs

corporels. » (Tuan, 2006, p.56)

Réhumanisation.

L’humain n’est pas parfait, son monde non plus, mais n’est-ce pas là dans ce côté irrationnel, dans cette

imperfection qu’il y trouve les moments de plaisirs, et peut-être le bonheur? Une nouvelle logique pourrait

alors être mise de l’avant, le cyborg pourrait ne plus être l’incorporation de la technique à l’humain, mais

l’incorporation de l’humain à la technique. « L’environnement du cyborg est configuré comme un organisme

hybride : une espèce de corps sans organe, traversé de flux (messages), mais aussi de parasites (bruits).

D’ailleurs, la théorie de l’information enseigne que message et bruit sont à la fois contradictoires et

nécessaires l’un à l’autre. » (Teyssot, 2003, p.176) Le bruit est imperfection, et pourtant, « Le bruit est un joker.

Il a au moins deux valeurs […] L’informatique et l’anthropologie sont ensemble sur le même front. Est-ce à dire

que l’une, par son intervention technique va toucher aussi profond que l’autre l’indique, par ses analyses? Ou

est-ce à dire que la science objective ce que les contes de bonne femme disaient depuis si longtemps? Tout

peut se dire en ce nouveau rationalisme qui travaille d’un coup l’exact et l’humain. » (Serres, 1997, p.90) Serait-

ce alors possible d’envisager un retour du ludique dans les milieux techniques où rationalité et fonctionnalité

sont de mises? Serait-ce le retour de la flânerie, qui n’est plus toléré par la société face aux contraintes de

rendement et d’urgence?

.2 Sphère intime _ [Le « corps-membrane »]

La sphère intime est celle qui tentera de se rapprocher de l’être, de sa corporéité, le plus possible afin de le

toucher, symboliquement et littéralement. Le corps peut être considéré ici comme une membrane, où le sens

haptique (chair, muscles et viscères) sera mis de l’avant comme hypothèse de rapprochement. Chaque sens fait

affaire avec la membrane corporelle, cette limite organique indique donc la limite symbolique entre l’extérieur et

l’intérieur de l’être. « Our contact with the world takes place at the boundary line of the self through specialised

parts of our enveloping membrane. » (Pallasmaa, 1996, p.11)

Système immunitaire et outils.

Grâce à l’outil qui peut être projeté et au sens visuel qui projette le regard, l’homme s’est ainsi trouvé des

moyens de se prévenir contre tout attentat extérieur en créant une distance immunitaire entre lui et son

environnement, il s’est ajouté une frontière supplémentaire à celles qu’il avait déjà. « […] dans la mesure où

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e(p) Nicolas Labrie

les hominidés créent entre eux et leur environnement une sphère intermédiaire composée d’armes et d’outils

de distance, ils parviennent à sortir de l’adaptation corporelle. » (Sloterdijk, 2005, p.325) Ainsi, l’homme s’est

construit une enceinte dont les murs ne sont pas construits mais lancés, il peut ainsi rester dans son

équipement biologique sans jamais avoir à affronter l’extérieur, restant immature toute sa vie, et tout cela car

l’adaptation à son environnement à été transférer du corps aux outils : « Toute l’invraisemblance des contrôles

humains de la réalité est condensée dans l’attitude du lancer. Ici, intervient un œil de suiveur qui vérifie ce

qu’accomplissent les mains. » (Sloterdijk, 2005, p.324) Mais la vie est empirique, elle est expérience,

apprentissage, improvisation, tentatives dans tous les sens et par tous les sens.

Le monde de l’image.

L’œil est le sens privilégié de notre époque, son hégémonie semble presque totale, l’image est donc ce qui

conquiert le monde d’aujourd’hui. Les yeux sont les bénéficiaires de l’influence de la « culture savante » et de

la vision mécaniste du monde. « Martin Heidegger, Michel Foucault and Jacques Derrida have all argued that

the thought and culture of modernity have not only continued the historical privileging of sight, but furthered its

negative tendencies. » (Pallasmaa, 1996, p.21) Le côté narcissiste et nihiliste de l’œil est particulièrement

provoquant dans certains projets d’architecture contemporains. L’œil devint primé tout particulièrement avec

l’idée de l’observateur absent. L’environnement bâti cesse d’être une expérience complète : « La sociabilité

urbaine induit une excroissance du regard et une suspension ou un usage résiduel des autres sens […] la

sociabilité occidentale pousse aujourd’hui cette logique assez loin à travers des impératifs architecturaux qui

privilégient la visibilité […] » (Le Breton, 2008, p.162, 163) La ville moderne, hygiénique et rationnellement

conçue aux yeux des modernes repoussa l’expérience sensorielle de l’homme. Peut-on expliquer plusieurs

des pathologies de l’architecture d’aujourd’hui par le biais de cette culture de l’image si répandue ? « Instead

of an existentially grounded plastic and spatial experience, architectural has adopted the psychological

strategy of advertising and instant persuasion; buildings have turned into image products detached from

existential depth and sincerity. » (Pallasmaa, 1996, p.30) Le monde est devenu un voyage visuel journalier,

détaché de tout sens. Il n’y a que l’œil capable de cette distanciation et de ce détachement, il serait impossible

de penser au sens du toucher comme nihiliste, étant donné son côté intime, sa proximité et sa véracité

(Pallasmaa, 1996, p.22).

De l’œil à la main.

L’importance de la vue est indéniable, mais le problème provient de l’isolation de l’œil hors de son interaction

avec les autres sens, et par là même, de leur suppression, réduisant l’expérience du monde à la seule vision.

Mais il est aussi possible que le regard s’apparente au toucher, dans une sorte de palpation visuelle (Le Breton,

2008, p.161). « Vision reveals what the touch already knows. We could think of the sense of touch as the

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e(p) Nicolas Labrie

unconscious of vision. » (Pallasmaa, 1996, p.42) Même s’il est dénigré aujourd’hui; « Seul sens indispensable à

la vie, le toucher est la souche fondatrice du rapport de l’homme au monde. Le toucher est souvent associé au

sens du réel […] Le contact avec l’objet est un rappel d’extériorité des choses ou des autres, une frontière

sans cesse déplacée qui procure au sujet le sentiment de son existence propre, d’une différence qui le met à

la fois face au monde et immergé en lui. » (Le Breton, 2008, p.179) Pour Pallasmaa (1996), l’expérience vécue

est moulée par l’hapticité et la vision périphérique. Alors que la vision focussée nous confronte au monde, la

périphérique nous enveloppe de la chair de celui-ci. Sloterdijk identifie quant à lui la main comme un des seuls

organes capable de mûrir, avec le cerveau, devenant sa complice : « Dès lors, la main intervient comme

éclaireur du corps humain sur le front de la réalité, avec doigté […] » (Sloterdijk, 2005, p.326)

Forme et matière.

Face à cette dialectique entre la vision et le toucher, force en est de constater les exubérances de la beauté

formelle vis-à-vis une carence de la cause matérielle. La valeur tactile des choses en est ainsi réduite à bien

peu. « With the loss of tactility, measures and details crafted for the human body – and particularly for the

hand – architectural structures become repulsively flat, sharp-edged, immaterial and unreal. » (Pallasmass,

1996, p.31) Le toucher est une valeur liée à l’identité de ce que nous sommes. La forme doit être considérée, il

en va de soi, mais elle doit inciter à son appropriation, et ne pas devenir extra-terrestre à l’être, mais favoriser

l’harmonie. « Faute de cette désobjectivation des objets, faute de cette déformation des formes qui nous

permet de voir la matière sous l’objet, le monde s’éparpille en choses disparates, en solides immobiles et

inertes, en objets étrangers à nous-mêmes. » (Bachelard, 2005, p.20)

Proximité, surface et au-delà.

Grâce au sens haptique, la surface de l’homme, son interface avec le monde, sens, chair et muscles sont

atteints. L’architecture qui atteint cette surface est alors une architecture qui touche, le toucher semble bel et

bien être l’une des catégories du « cœur » de la personne, de son humanité. Il est indéniable ce qui entre

dans une telle proximité, et commence tranquillement à « transpercer », transcender le « corps-membrane »

pour se rendre au-delà.

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e(p) Nicolas Labrie

.3 Para-sphère _ [Subjectivité et imagination]

« On doit définir un homme par l’ensemble des tendances qui le poussent à dépasser l’humaine condition. »

(Bachelard, 2005, p.25)

Para signifie « ce qui se trouve à côté », il est ici vu de la manière entendue par la fiction. Cette sphère n’est plus

un « autour » au sens propre du terme, mais plutôt quelque chose entourant l’ « autour », se mettant à son côté,

le colorant, et parfois, le surpassant. La para-sphère est une projection prenant comme écran la sphère réelle. De

plus, ses principes organisateurs sont difficiles à cerner. La para-sphère est un univers s’annexant à l’univers

déjà présent en échangeant avec lui.

Déformation, imagerie et mondes intérieurs.

L’univers de l’homme n’est pas l’univers rationalisé et objectivé que souhaiterait la science, il est aussi un

univers symbolique, et parfois peut-être même imaginaire, imaginé. Il y a déformation de la réalité objective tel

qu’entendu par la physique. Afin de comprendre le monde extérieur, l’homme doit se l’approprié, l’intériorisé,

afin d’en faire un monde intérieur cohérent, l’être doit posséder le monde en lui avant d’atteindre le monde

extérieur. Il en est ainsi pour les aveugles n’ayant jamais été voyants, et n’ayant donc jamais pu se faire une

image mentale complète de cet extérieur : lorsqu’il est donné à certains d’entre eux de retrouver la vue, le

monde visuel ne leur apparaît alors que comme une somme d’information indéterminée et sans signification,

et cela prend un certain temps avant qu’ils n’en fassent un univers cohérent qu’ils se sont approprié. Ainsi,

l’homme doit faire du monde son monde, mais étant de nature individuelle et imparfaite, la subjectivité est

inévitable. Il est alors nécessaire de parler non plus du, mais des mondes intérieurs. « L’imagination n’est pas,

comme le suggère l’étymologie, la faculté de former des images de la réalité; elle est la faculté de former des

images qui dépassent la réalité, qui chantent la réalité. » (Bachelard, 2005, p.25)

Terrains communs?

Malgré le fait qu’il existe autant de mondes intérieurs que d’êtres humains et que le monde imaginaire n’a de

limite que celui que lui donne son créateur, un auteur tel que Bachelard a tenté de trouver des terrains

communs à cette vaste contrée qu’est l’imagination humaine. L’auteur tenta donc de repérer des thèmes de

l’imagination qui uniraient une vaste majorité d’individus, en partant des philosophies primitives : « Elles ont

associé à leurs principes formels un des quatre éléments fondamentaux qui sont ainsi devenus des marques

de tempéraments philosophiques. » (Bachelard, 2005, p.10) Les éléments matériels de l’eau, du feu, de la terre

et de l’air seraient donc des éléments de l’imagination collective. Il en serait de même pour la poétique de la

maison d’enfance. La question en deviendrait donc une d’imagination pratiquement « génétique ».

Quoiqu’intéressant comme approche, dans le domaine de l’imagination, rien n’est absolu.

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e(p) Nicolas Labrie

Effet versus connaissance : Art et science, goût et

raison.

Comment l’art est-il capable d’avoir un impact sur l’humain que la science peine à expliquer? Comment est-ce

possible de produire un effet sans en avoir les connaissances préalables? Il semblerait alors que l’empirisme

et la sensibilité surpassent en terme de réaction, ce que la connaissance est capable d’expliquer en terme

d’action, ce qui donne souvent l’illusion de conséquences sans cause. Face aux nombreux éléments toujours

latents de la connaissance objective, la connaissance intrinsèque du monde, elle, semble déjà bien avancée.

Et ce monde a lui-même influence sur des éléments tels : la raison, d’une part, et le goût, de l’autre. La raison

est-elle aussi objective qu’elle le voudrait? « […] même lorsque la raison prend ostensiblement le dessus […]

les émotions participent de manière décisive, mais en toute discrétion à la tâche.[…] une des premières limites

de l’idée d’un sujet rationnel qui contemple le monde de manière désintéressée et rationnelle est posée par les

recherches qui montrent que les états internes (émotions, motivations et d’autres intérêts) influencent la

perception de l’environnement sans que soit toujours possible un contrôle ou une prise de conscience. »

(Channouf, 2004, p.24, 85) Et le goût, quant à lui, est-il aussi relatif? « […] le goût, il est le produit de l’ensemble

des interactions sociales expérimentées par l’individu. Cela a largement été mis en évidence par les

sociologues en matière de style de vie et de goûts en matières culturelles (cf. notamment Bourdieu, 1979),

mais aussi en matière de choix des relations amicales et intimes par des sociologues (cf. Boisdon 1991, cité

par Moser, 1994) et des psychologues (cf. Moser, 1994). » (Channouf, 2004, p.29)

Émotions et jugement.

Il semble que les absolues ne soient pas du monde humain. « Les émotions ne sont pas irrationnelles comme

on pouvait le penser. La psychologie moderne et les neurosciences montrent que sans elles, les individus ne

pourraient pas vivre normalement en société. Elles n’ont pas de rationalité dans l’immédiat, mais dans la

durée, à l’échelle de la vie d’un individu, d’une culture, d’une espèce. » (Channouf, 2004, p.81) Les études ont

démontré que les émotions avaient, à l’insu de l’individu, un impact affectant en permanence la prise de

décision, les actions et le comportement. Channouf (2004) démontra à l’aide de nombreuses études que le

jugement dépend grandement des états émotionnels de la personne. De plus, les émotions semblent

nécessaires, car elles servent parfois de signal d’alarme, réagissent plus rapidement que la raison et sont

capables de traiter une plus grande quantité d’information : « En effet, la psychologie cognitive a montré que

les processus d’attention et ceux de la mémoire de travail ont des capacités limitées. En définitive, si le

processus de prise de décision était uniquement rationnel, on risquerait soit de prendre de mauvaises

décisions soit de tout abandonner. » (Channouf, 2004, p.86) En outre, fait intéressant, toute émotion implique

une révision, un questionnement, d’où l’intérêt quant à l’éveil. Mais un autre type d’éveil est préalablement

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e(p) Nicolas Labrie

nécessaire à l’émotion : « Dans les mêmes circonstances cognitives, l’individu éprouvera des réactions

émotionnelles seulement s’il fait l’expérience d’un état d’éveil physiologique. » (Channouf, 2004, p.64).

Sensibilité et vérité.

Tous ces retournements amènent à se demander à quel point la vérité est importante pour celui qui œuvre

dans le monde d’aujourd’hui. Bien sûr, elle demeure un idéal recherché, mais cela veut-il dire pour autant que

l’homme soit incapable d’agir de manière bénéfique sans elle? L’effet n’est-il pas possible sans la

connaissance? Il y aurait alors toujours un équilibre à conserver entre vérité et sensibilité. L’instinct n’est-il

pas, après tout, l’intériorisation d’un savoir empirique inconscient? Le forgeron connaît le métal non pas par

l'esprit, mais par l’expérience, il sait le comportement de ses alliages sans même en connaître la composition

chimique. L’humain n’est-il pas alors le mieux placé pour ressentir ce qui est bon pour lui? Finalement, la

vérité, tout comme la réalité, ne sont pas accessibles à la connaissance, mais tous deux le sont par contre à

l’action. Bien que Peter Zumthor ait peu écrit, n’est-il pas possible d’éprouver toute la sensibilité de son

œuvre? Alors, peut-être que ce qui sera découvert plus tard, ne veut pas dire que ce qui est fait aujourd’hui

soit incohérent au monde des hommes.

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e(p) Nicolas Labrie

| 6. Projet |

*Afin de faciliter la lecture et d’éviter d’entrecouper celle-ci, vous trouverez les images du projet à la fin de ce chapitre.

Suite aux analyses et à leur synthèse, le site choisi correspondit à l’hypothèse de départ; soit le secteur de

l’échangeur de l’autoroute 20 et 73, de même que ses alentours. Ce dernier s’avéra un endroit stratégique afin

d’y implanter le projet. Le bâtiment se développa quant à lui en trois parties : le stationnement, la promenade

marchande et la station d’échange. Le projet se voulait être réfléchi en fonction de ses qualités expérientielles,

c’est pourquoi certaines « couches » de l’expérience spatiale, les sphères développées dans la partie

théorique, permirent de servir de guides afin de configurer le projet et sa matérialisation.

.1 Environnements et sphères _ Les lieux

Sphère insulaire: Cette sphère est élaborée en fonction des choix faits quant à l’implantation

du projet, mais aussi grâce à la façon dont ce dernier est mis en relation avec le territoire. Tout d’abord, le

stationnement est implanté au centre de l’échangeur autoroutier, détenant ainsi un haut niveau d’insularité,

puis la station sur une friche située entre les voies autoroutières et la voie ferroviaire. Cependant, l’idée

primordiale était d’avoir cette « Connected Isolation » déjà mentionnée. Le projet s’annexe donc aux différents

flux de transports : les automobiles pour le stationnement, et quant à la station; les trains régionaux, les

autobus régionaux et municipaux, le futur tramway ainsi que les vélos. Cependant, il reste un flux essentiel, le

flux piétonnier, le stationnement est conséquemment relié à la station par une passerelle surélevée servant de

promenade et la station est reliée au méga-centre existant grâce à trois tunnels d’accès.

Sphère topologique : D’abord, le projet se sert de certaines stratégies de décélération visant à

ralentir l’automobiliste : l’aménagement paysager et le Land Art à proximité de la route, ainsi que les

déviations des voies venant jouer sur la vitesse en fonction des rayons de courbure.

Ensuite, à travers l’étude des lieux et en recherchant la manière de s’arrimer au site, le projet s’intéressa

également à la notion d’esprit du lieu développée par Mme Annette Viel, muséologue. L’esprit du lieu est un

processus cherchant à comprendre et ressentir un lieu, alliant histoire, mémoire et conscience (Viel, 2001).

C’est conséquemment autant à partir des connaissances que du ressenti du lieu que s’établirent les

principaux concepts formalisant le projet. L’idée était de tenir compte de l’histoire naturelle et humaine du site,

ainsi que ce qu’il s’en dégage de manière sensible. L’esprit du lieu permet de rechercher l’essence d’un lieu,

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e(p) Nicolas Labrie

mais il est évident que cela puisse varier d’une personne à l’autre, selon la sensibilité de chacun. C’est ici

l’histoire naturelle du site, le schiste, le grès et la rivière qui furent des éléments d’inspiration formelle

importants, mais aussi l’état actuel du site, surplombé par ces ruines en puissance que constituent les

autoroutes, vues comme un souffle poétique duquel élaborer.

.2 Environnements et sphères _ Les échanges

Sphère extatique : Les fonctions du projet, de même que leur configuration sont des éléments

qui ont une certaine influence sur les rencontres et échanges. Premièrement, en établissant deux pôles

principaux, soit la station et le stationnement, d’où les gens partent ou arrivent, il est possible de favoriser les

croisements entre les personnes. Ensuite, en disposant de nombreux espaces commerciaux, tant dans la

station que dans la promenade, le programme tend à permettre les interruptions, les temps d’arrêt et la

flânerie. Du mobilier, des lieux de restaurations et de détente sont d’ailleurs aménagés à ces fins. Certaines

configurations spatiales telles que les mezzanines et les espaces en reculs permettent eux aussi d’engager

une forme de sociabilité, le « voir sans être vu ».

Sphère médiatique : Le projet tente de rendre significative l’expérience sensorielle du lieu par

divers dispositifs architecturaux. Nous verrons certains de ces dispositifs plus en profondeur lors du traitement

de la sphère intime. Mais donnons quelques exemples : dans les circulations verticales, c’est l’appel de la

lumière qui attire le visiteur vers le haut, promotion symbolique de l’ascension. On retrouve aussi à certains

endroits un « bruit lumineux » et de légères vagues au niveau du sol, éléments rappelant une balade en forêt,

visant à distraire et stimuler le visiteur, et le ramener à apprécier l’espace plutôt que de se focaliser sur son

point d’arrivé. Bref, le traitement de la matière, des surfaces, de la lumière, et de tout ce qui permet de

constituer les ambiances du projet est pensé de manière à produire un éveil chez la personne lors du

parcours. Mais le projet ne tente pas d’être simplement un facteur de l’éveil immédiat (jouant sur le contraste),

mais surtout un élément amenant un éveil à long terme (jouant sur le subliminal), alors que le projet sera

expérimenté jours après jours, et que l’utilisateur apprendra graduellement à connaître et apprécié ce dernier.

.3 Environnements et sphères _ L’intégration

Sphère technique : Ce qui importe ici c’est surtout de refaire de la technique une alliée de

l’humain, afin de ramener un équilibre perdu. L’idée est de créer, il va de soi, un gestionnaire des flux

quotidiens se voulant rationnellement efficace, mais tout spécialement dans une conception allant au-delà de

la fonctionnalité et du technico-pratique, c’est-à-dire approprié et appropriable à l’humain. Le projet tente ainsi

de faire la promotion de la flânerie et du temps d’arrêt, bien qu’il s’inscrive dans un milieu technique optimisé

et déshumanisé, soit celui de l’autoroute.

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e(p) Nicolas Labrie

Sphère intime : Premièrement, le travail des surfaces intérieures, la texturisation stratégique du

béton et le positionnement d’éléments de bois là où ils peuvent être touchés, sont tous des éléments qui

tentent de promouvoir le sens du toucher, que se soit de manière réelle ou par palpation visuelle. Ensuite, le

sol détenant de légères irrégularités permet de jouer au niveau kinesthésique. Puis, la vision périphérique se

veut beaucoup plus importante dans le projet que la vision focussée, les images présentées lors du jury

tentent d’ailleurs d’illustrer des ambiances générales plutôt qu’un élément précis à regarder. L’hapiticité est un

élément qui aurait pu être poussé encore plus loin lors du projet, mais étant donné qu’elle se retrouve être le

palier ultime quant aux échelles du projet, il s’avéra plus difficile que prévu d’y arriver.

Para-Sphère : Tout comme le fit Bachelard, des terrains communs à l’imagination humaine

tentèrent d’être trouvés lors du projet, cependant en lien direct avec l’architecture. La forêt et la grotte

pourraient possiblement être considérées comme deux habitats primitifs ayant laissé des traces dans

l’imagination humaine, ils s’avérèrent d’ailleurs tout à fait cohérents face à la fonction de gare, dont

l’esthétique est souvent aérienne, et la fonction de stationnement, dont l’esthétique est souvent souterraine.

Bien sûr cette section traite aussi de la subjectivité, car elle est inévitable. Cela implique que les choix, la

cohésion et la matérialisation du projet sont donc conséquents à la vision de l’auteur, à sa sensibilité propre et

à sa vision des choses.

Figure 1 _ Vues à vol d’oiseau du projet.

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e(p) Nicolas Labrie

Figure 2 _ Vues à échelle humaine du projet.

* Étant donné les contraintes de mise en page, les images ici présentées ne suivent pas l’ordre présenté lors du jury.

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e(p) Nicolas Labrie

| 7. Discussion et conclusion |

En premier lieu, une difficulté insoupçonnée apparut lors du projet, celle de la transition entre les diverses

échelles, leur transversalité. Dans l’expérience humaine, les échelles s’alignent tel un flot continu, mais pour le

concepteur du projet, le passage d’une à l’autre demande de résoudre un grand nombre de paramètres

propres à chacune d’elle. Chaque échelle détient donc ses enjeux et difficultés et constitue un défi en soi.

Cependant, une approche englobant plusieurs échelles permet aussi un meilleur contrôle des transitions, des

seuils de même qu’une meilleure continuité des prémisses idéologiques et conceptuelles à travers l’ensemble

du projet. D’ailleurs, l’intermodalité demande et nécessite cette transversalité et cette multiplicité des échelles;

lorsque l’on traite du transfert entre les divers réseaux de transports, la gamme des échelles passe de

provinciale (voire même possiblement nationale) à humaine. Il est donc essentiel de réfléchir le projet au-delà

de ses limites propres, ainsi que jusqu’aux moindres détails de ce dernier.

Ensuite, certains aspects du projet suscitèrent la controverse. Dans le cas présent, celle-ci peut être

considérée comme un élément révélateur et d’intérêt quant au thème traité, car elle souleva questionnements

et réflexions de part et d’autre. L’innovation, même si désirée, peut parfois révéler un résultat insoupçonné.

.1 Les bases de l’essai _ Logique et dialectique

Paradoxe : L’aspect paradoxal du projet fût soulevé lors du jury final, indice qu’il puisse y avoir eu

incompréhension. Bien que certains aient avoué, lors de discussions, que la logique semblait filler sans faille

et qu’elle soit fortement appuyée par les chiffres, elle demeurait paraître invraisemblable et difficile à accepter

malgré tout. Il y eut alors parfois refus de croire au bien-fondé du projet. Mais le paradoxe pose toujours un

questionnement, et stimule ainsi l’esprit critique, il est donc parfaitement en accord avec l’idée de l’éveil. La

cohérence du projet n’est donc pas réellement remise en cause, mais les effets obtenus sont grandement

intéressants quant au succès du processus, transcendant déjà ces limites physiques.

Paradigme : Il fut intéressant de voir l’affrontement des divers courants de pensée lors du jury du

projet. Chacun émit leur façon de voir les choses, indice de leurs propres valeurs, de leurs intérêts, de leur

formation et de leur vision personnelle du monde idéal. Chaque logique sembla avoir sa cohérence propre. Il

est cependant dommage qu’il ne puisse pas y avoir eu échange et discussion afin d’en venir à une synthèse

(voir la dialectique), ce que le mode jury ne permet pas.

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e(p) Nicolas Labrie

Parasite : Le point comme quoi l’échangeur autoroutier aurait simplement dû être éliminé fût évoqué.

Mais le parasite n’éradique pas les problèmes, mais s’y inscrit, fait avec eux, et les transforme à partir de

l’intérieur, les métamorphose en potentiels et utilise ces derniers. L’échangeur a aujourd’hui une importance

en cohérence avec l’histoire, il est là pour une raison certaine, l’idée n’est pas de revenir en arrière dans

l’histoire, mais de continuer d’avancer avec elle, de faire avec elle.

.2 Environnements et sphères _ Les lieux

Sphère insulaire : La sphère insulaire fut grandement remise en question. D’abord, par le fait

que le projet aurait pu être relié à la rivière. Cela aurait été possible, mais étant donné qu’il y avait un parc à

proximité remplissant déjà cette fonction, il ne semblait pas y avoir pertinence. Ensuite certains points de vus

divergents quant à la façon d’agir dans les milieux périurbains firent surface, peut-être signe de la confusion

entre insularité totale et insularité connectée. Le caractère clairsemé et fragmentaire de la densité humaine en

milieu périurbain et rurbain, de même la grande liberté des déplacements individuels, demande une logique

différente de celle de la ville. Ainsi, dans cette logique, il n’est peut-être pas nécessaire de tout connecter,

mais simplement d’être stratégique dans les choix devant être faits.

Sphère topologique : L’échelle du projet fut un point soulevé lors du jury, le projet semblant

trop gros pour réussir à atteindre l’échelle humaine. Mais l’échelle humaine varie aujourd’hui en fonction des

nouvelles prothèses mises à disposition. En voiture sur l’autoroute, temps et espaces deviennent relatifs,

l’espace semble se contracter, la dimension humaine est principalement celle d’une vision de l’horizon, celle

du paysage. Le projet se veut conséquemment faire partie du paysage, voir en constitué une partie. Ce n’est

que lors de l’approche du projet que ce dernier prend son ampleur, mais le tout sera toujours perçu de

manière séquentielle. Même lors de l’expérience intérieure du projet, il sera impossible pour la personne de

vivre celui-ci en entier d’un seul coup, elle le découvrira graduellement et vivra les séquences mises en place.

La traversée complète, d’un bout à l’autre, n’est que de cinq minutes, ce qui semble parfaitement raisonnable

quant à l’échelle humaine. Il est possible que l’ampleur du projet soit simplement hors échelle pour l’œil d’un

architecte, mais s’avérant tout de même une expérience humainement plausible lors du vécu.

L’aspect formel du projet fut aussi un élément remis en question lors du jury, mais les solutions, bien que

pouvant varier selon la sensibilité de chaque concepteur, demeurent valables tant qu’elles répondent aux

besoins et paramètres en place.

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e(p) Nicolas Labrie

.3 Environnements et sphères _ Les échanges

Sphère extatique : Le projet fut critiqué au niveau de la promenade marchande, selon quoi les

gens arrivant du méga-centre ne feraient pas l’aller-retour pour s’y rendre et ne pourrait donc pas profiter de

ses services. C’est d’ailleurs pourquoi un grand nombre de commerces et services sont inclus à la station

même. La viabilité de la promenade marchande fût aussi remise en question, bien que 11 000 places soient

prévues au niveau du stationnement, ce qui indique un volume de personnes d’au minimum 11 000 par jour

afin de faire vivre les commerces.

Sphère médiatique : Bien qu’il n’ait eu aucun commentaire de la part du jury traitant de cette

section en particulier, il demeure que celle-ci s’avéra être la plus difficile à traiter. Il est possible de supposer

de certaines influences de l’architecture sur l’usager, mais de nombreuses expérimentations devraient être

faites afin de valider les intentions de départ. Ici, c’est la connaissance des mécanismes cognitivo-perceptifs

de même que l’empirisme qui s’avéreront la clé du succès de cette sphère.

.4 Environnements et sphères _ L’intégration

Sphère technique : Certains points de cette sphère furent questionnés. D’abord, les trottoirs

roulants disposés au niveau de la promenade marchande, ne traduisent-ils pas un manque quant à l’échelle

humaine? Ensuite, du côté d’un autre jury, la technique n’est-elle pas plutôt une aide afin de nous économiser

du temps, nous permettant de l’utiliser ailleurs dans notre vie? En fait, les deux questions se complètent en

quelque sorte, un équilibre doit être recherché, les trottoirs roulants ne sont pas nécessairement signe d’un

manque au niveau de l’échelle humaine, mais plutôt un service offert à des personnes aux capacités

physiques moindres telles que les personnes âgées, par exemple. Bien sûr, la technique ne peut et ne doit

pas être éliminée, elle existe pour une raison, mais elle doit cependant demeurer une servante, nous ne

devons pas en devenir les esclaves

Para-Sphère : Lors du jury, il a été possible de voir que tous et chacun auraient fait le projet d’une

manière différente, selon leur vision personnelle des choses, cela ne fût pas une surprise, il aurait été

effectivement possible que le projet prenne une toute autre forme sans que cela lui enlève ses qualités, mais

la question est : cela en diminue-t-il réellement la pertinence?

En conclusion, la vision de départ était de traiter l’expérience spatiale vécue, et étant donné la complexité et la

difficulté quant à la conception d’expériences significatives, le projet se voit être qu’une première

expérimentation. Le manque de connaissance quant au fonctionnement des mécanismes du corps et de

l’esprit humain, de même que le manque de connaissances empiriques (qui s’acquiert au fil du temps et des

expérimentations) ont constitué des limites dans la maîtrise du projet.

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Bibliographie.

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e(p) Nicolas Labrie

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e(p) Nicolas Labrie

Annexe A. _ Planches du projet

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e(p) Nicolas Labrie

| A. Planches du projet |

 

Partie 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie 4

 

 

 

 

 

 

 

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e(p) Nicolas Labrie

Partie 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Partie 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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e(p) Nicolas Labrie

Plan masse

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e(p) Nicolas Labrie

Annexe B. _ Échelles, analyses et données.

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e(p) Nicolas Labrie

| B. Échelles, analyses et données |

*Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section, dont : analyses complètes avec cartes, tableaux et graphiques grands formats ET documents, études et rapports complets de différents organismes consultés.

Le site visé est celui de l’échangeur de l’autoroute Jean-Lesage et Robert-Cliche sur la rive-sud de Québec. Étant donné les

nombreuses variables dont il profite, il s’avère un site à fort potentiel pour les échanges et transitions : passage obligé, ou

presque, entre la Beauce et Québec, et seul élément, outre la route du pont, à franchir la rivière Chaudière dans un rayon de plus

de quatre kilomètres. Il donne accès à l’un des principaux lien vers Québec, c’est-à-dire le pont Pierre-Laporte.

Échelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Stratégies de décélération – Source : Nicolas Labrie, Design urbain 2009 Échelles des transports – Source : Sonia Renée Batres, 2009

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e(p) Nicolas Labrie

Rayon d’impact – Source : Sonia Renée Batres, 2009

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e(p) Nicolas Labrie

Analyses.

L’exercice fut d’abord de

tenter de compléter les

réseaux en place afin

d’augmenter leur

cohérence, leur

perméabilité et leur

efficacité. Il fallut

premièrement identifier

les lacunes et potentiels

de chacun des réseaux,

pour ensuite voir l’état

de chacun d’eux et les

relations entre ceux-ci.

L’emprise et les échelles

prises en compte varient

selon le territoire

desservi par les divers

moyens de transport.

Pour ce qui est du

réseau routier, plus de

180 000 voitures

passent dans

l’échangeur de la 20 et

de la 73 par jour, ce qui

signifie un énorme

potentiel de récupération

vers des modes

alternatifs,

particulièrement lorsque

l’on tient compte des

graphiques sur la

congestion.

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e(p) Nicolas Labrie

Après avoir analysé de manière

séparée chaque réseau, de

même que l’ensemble des

visions des différents

intervenants dans la région, il

put y avoir mise en commun et

synthèse.

Ce qui en ressortit est trois

pôles d’importances :

_ Le centre historique de

Charny au niveau ferroviaire.

_ L’échangeur de la 20 et de la

73 au niveau automobile.

_ L’axe d’entrée au pont de

Québec au niveau du transport

en commun et alternatif.

Supposant que le train est le

moyen de transport ayant la

plus grande portée et qu’un

détour de 1 km s’avère ainsi

négligeable (si l’on considère

l’ampleur du parcours de même

que la vitesse de pointe de ce

dernier), la conclusion fut celle

de tenter de rejoindre l’axe

d’entrée au pont de Québec à

l’échangeur autoroutier afin de

maximiser les potentiels de

récupération et d’intermodalité.

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e(p) Nicolas Labrie

Données.

_ Analyse des données à partir du MTQ, de l’enquête OD 2006 et du plan de mobilité durable :

Les données sont faites pour être interprétées. Elles sont une abstraction mathématique tentant de décrire des faits réels. Il est bien sûr que toutes les données amassées sont traitées avec le plus grand sérieux, néanmoins, le projet espère, par sa logique, influencer les données en n’étant pas simplement une réalisation du transfert direct de celles-ci dans la réalité, mais en voulant démontrer que la création d’un milieu enrichissant auxquelles les gens adhèrent serait capable de surpasser les simples prévisions réalistes. Ainsi, les données amassées s’avèrent un solide point de départ, mais non pas une finalité.

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e(p) Nicolas Labrie

Annexe C. _ Contexte et site.

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e(p) Nicolas Labrie

| C. Contexte et site |

* Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section, dont : analyse de site complète; cartes et photos anciennes; documents d’archives; documents, études et rapport sur la géologie du site et sur les zones archéologiques; photographies du site ET des répertoires sur les essences arboricoles.

Le contexte à la fois naturelle et technique permit un jeu intéressant quant à la symbolique de l’endroit.

Analyse du site, historique et sources d’inspiration.

_ Faits historiques :

Fin construction pont de Québec : 1917 Fin construction pont Pierre-Laporte : 1970 Fin construction autoroute Jean-Lesage (20) : 1964 (à l’emplacement de l’échangeur) Fin construction autoroute Robert-Cliche (73) : 1977 (partie sud de l’échangeur) _ Esprit du lieu et inspirations conceptuelles :  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Géologie du site.

Anticlinal de schiste et de grès. Grande marmite ou « chaudière »

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Annexe D. _ Programme.

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e(p) Nicolas Labrie

| D. Programme |

* Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section, dont : d’autres principes guides ET références.

Le programme mis en place est celui d’une station intermodale avec stationnement incitatif et promenade

marchande. Le projet se veut ainsi gestionnaire des échanges modaux et promoteur des échanges sociaux.

Observations préalables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Principes.

Source : BLOW, C.J. (2005), Transport terminals and modal interchanges: planning and design, p.21.

 

 

 

 

 

 

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e(p) Nicolas Labrie

Programme et fonctionnement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Annexe E. _ Précédents.

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e(p) Nicolas Labrie

 

| E. Précédents |

* Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section. Un grand nombre d’images de précédents y ont été amassées et classées par thèmes dont : des ambiances clés vis-à-vis les diverses parties du projet; des projets d’ « architecture expérientielle »; des projets traitant de l’esthétique aérienne et des gares, des projets traitants de l’esthétique souterraine et des stationnements; des images et documents traitant de la poétique de la ruine; des projets de Land Art, Art Environnemental, et d’installations; des projets de « Landscape urbanism » et de bâtiment-paysage; des précédents de mobilier intégré, des précédents structuraux; des projets de reconfiguration d’échangeur; des exemples de requalification d’autoroutes et de friches; des exemples de traitements de la lumière et des surfaces.

Reconfiguration d’échangeur - Échangeur Turcot.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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e(p) Nicolas Labrie

 

Précédents d’intentions.

 

 

 

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Annexe F. _ Normes.

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e(p) Nicolas Labrie

| F. Normes |

* Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section, dont : les normes quant aux divers moyens de transports; des typologies d’aménagements et des configurations de transferts entre les modes de transports; certaines normes du CNB ET des fiches techniques relatives aux divers modes de transports.

Les normes peuvent être regardées de deux manières : soit comme des garde-fous contre l’imbécillité, soit comme

un incroyable répertoire de connaissances empiriques couchées sur papier. Ainsi, elles doivent être considérées

lorsqu’elles apparaissent logiques et cohérentes aux besoins d’une époque. Une norme peut être un point de départ

logique, mais peut aussi être repensée, modifiée, améliorée, retirée ou surpassée, dépendamment de sa pertinence.

Trop souvent prises comme acquis, il est souvent oublié qu’elles ont été mises en place par l’homme et pour son

intérêt, il s’avère donc tout à fait judicieux de les modifier si elle ne s’avère plus être à son service

Piétons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GRIFFIN (2004), Building Type Basics for Transit, p.15 GRIFFIN (2004), Building Type Basics for Transit, p.14

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Bus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BLOW (2005), Transport terminals and modal

interchanges: planning and design, p.165

GRIFFIN (2004), Building Type Basics for Transit, p.16

GRIFFIN (2004), Building Type Basics for Transit, p.18

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BLOW (2005), Transport terminals and modal

interchanges: planning and design, p.170

BLOW (2005), Transport terminals and modal

interchanges: planning and design, p.169

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Accès.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Trains (et autres sur rails).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Type Nb passagers moyen TGV 560

Interurbain 226 Rég. & ban. 323

Tramway 170  

GRIFFIN (2004), Building Type Basics for Transit, p.64

 

BLOW (2005), Transport terminals and modal

interchanges: planning and design, p.172

Capacité trains Bombardier (fiches techniques : voir annexe électronique)

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Annexe G. _ Matériaux.

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| G. Matériaux |

*Vous trouverez l’information complète dans l’annexe électronique de cette section, dont : les fiches techniques des matériaux ET d’autres images.

Matériaux structuraux et de parement.

La matérialité du projet fut réfléchie en fonction du parti architectural formulé dans Contexte et site. L’acier Corten, en

référence au schiste qui est friable et fragmenté, se développe en plaques venant se plier, se casser et s’interrompre

les unes sur les autres. Le béton quant à lui, tout comme le grès à travers les âges, s’avère à la fois structural,

pérenne et monolithique, tout en étant capable de prendre les empreintes qui lui sont infligées et ayant le pouvoir de

se mouler aux contraintes qui lui sont imposées.

Matériaux et détail d’enveloppe.

ÉCHELLE 1 :20