Spectacle vivant et Territoire - La Culture en temps de réforme territoriale

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À l’invitation du Conseil Général de Loire Atlantique, j’ai eu à faire la synthèse des présentations qui se sont faites à l’occasion d’un forum sur les relations entre spectacle et territoire. J’en ai profité pour donner mon sentiment sur les incidences de la réforme en cours sur les politiques culturelles territoriales. Voici ces mots, qui n’engagent que leur auteur.

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Spectacle vivant et Territoire

La Culture en temps de réforme territoriale

Emmanuel Négrier

BIS Nantes, 20 janvier 2010 À l’invitation du Conseil Général de Loire Atlantique, j’ai eu à faire la synthèse des présentations qui se sont faites à l’occasion d’un forum sur les relations entre spectacle et territoire. J’en ai profité pour donner mon sentiment sur les incidences de la réforme en cours sur les politiques culturelles territoriales. Voici ces mots, qui n’engagent que leur auteur. Tout le développement qui va suivre n’aurait aucun sens si, par ailleurs, la démocratisation culturelle avait massivement échoué en France. Or je ne peux être que très frappé par les commentaires qui entourent, depuis le début de ces journées, la dernière étude sur les pratiques culturelles des français. Le constat d’une assez grande stabilité dans la fréquentation des équipements culturels y est perçue comme un résultat très encourageant, alors même qu’à sa sortie1, on l’avait plutôt perçu comme la morne reproduction d’une loi d’airain : l’inégal accès à la culture et le maintien d’un déficit populaire dans cette fréquentation. Mais je peux porter témoignage ici que ce constat de stabilité, statistique et national, tranche avec le résultat d’autres études, menées elles sur les publics de la culture et, singulièrement, sur ceux des festivals. Notre étude, en cours de publication2, montre que le renouvellement des publics, tel qu’il s’appuie notamment sur des projets territorialisés, est loin d’être négligeable. Ce hiatus entre stabilité et renouvellement peut être simplement l’expression d’une différence entre méthode : sur échantillon national de la population française d’une part ; territorialisé auprès des publics fréquentant un lieu ou un événement d’autre part. La Loire Atlantique est un territoire relativement riche et bien doté en équipements. C’est le fruit de politiques municipales dans un département urbanisé qui, avec 1,3 millions d’habitants, ne se résume pas à une opposition tranchée entre l’espace métropolitain nantais et un vaste arrière-pays rural. Bien au contraire, le réseau d’équipement s’étend à des espaces urbains et à des bassins qui se situent aux alentours de 50 000 habitants, même si les communautés de communes, comme ailleurs, ont été créées sur des limites bien plus basses. C’est aussi le fruit de politiques départementales et régionales qui ont, avant même l’alternance politique de 2004 qui a porté la gauche au pouvoir, contribué dans sa globalité à l’équipement culturel de son territoire. La politique du spectacle vivant du Conseil Général de Loire Atlantique fait cependant face à un enjeu d’aménagement (permanent en France où beaucoup de départements sont moins bien placés que la Loire Atlantique), et surtout à une vision inter-territoriale du projet artistique et culturel. Il est en effet bien connu que, si les pouvoirs locaux sont particulièrement sensibles à l’édification de lieux culturels, ils sont parfois bien plus réticents à envisager le financement des projets artistiques qui les font vivre et leur donnent un sens. La territorialisation des politiques du spectacle vivant se décline selon plusieurs sens, pas forcément convergents, et dont nous avons eu ici, à l’occasion de ce forum, une bonne représentation.

                                                                                                               1  Donnat, Olivier, Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique, Paris : Documentation Française, 2009  2 Négrier, Emmanuel (dir.) Les publics des Festivals, Paris : Michel de Maule 2010

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La première est la vision départementale et sectorielle, telle qu’elle résulte des différents instruments et dispositifs développés par la direction de la culture. En soi, il s’agit d’une territorialisation qui se réfère à l’espace départemental lui-même, dans sa globalité, et avec ses instruments : direction administrative, opérateur professionnel, partenaires associatifs, instruments d’intervention sectorielle et territoriale. La deuxième est la vision artistique d’un projet, qui interagit avec la façon dont l’artiste inscrit sa démarche dans l’espace. Dans le cas de Brice Bernier et de la Compagnie KLP, il s’agit d’une expérience dans les quartiers et collèges de Loire-Atlantique dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle. Une « zone sensible », un projet de danse : le territoire y est singulièrement distinct, tout comme la temporalité de l’action. Nous avons ensuite entendu une vision inter-territoriale, avec Laurent Maindon et le Théâtre du Rictus, pour un projet Quartet mené dans le cadre d'un partenariat européen : une coopération culturelle, avec une envergure plus vaste - jusqu’en Hongrie – et une intensité et une portée sociale très différentes du cas précédent. Cette « inter-territorialité » a aussi été évoquée par Gérard Boucard, du Quai des Arts à Pornichet, lorsqu’il a présenté le pôle danse Pornichet-Pontchateau et Transcendanse avec Pontchateau et Saint-Nazaire. Enfin, on a abordé la territorialisation des politiques publiques et le dispositif spécifique (les « Projets Culturels de Territoire » - PCT) à l’intérieur des politiques du Conseil Général. Tour à tour, Jacqueline Ségalen, présidente de la Communauté de Communes de la région de Nozay et Éric Provost, adjoint à la culture de St Nazaire, ont évoqué cette manière de faire de la culture, à l’échelle locale, un objet de négociation et de contrat entre l’institution départementale et ses différents espaces (urbains, ruraux) supramunicipaux. Ces visions n’abordent pas le lien entre spectacle et territoire de la même manière. Certaines considèrent le territoire comme une contrainte (économique, politique) à intégrer de l’extérieur du projet culturel. Pour d’autres au contraire, c’est justement le territoire qui marque l’évolution artistique et culturelle du projet, parce qu’il est une ressource pour la création, pour la recherche de nouveaux publics, par exemple. Surtout, ces acceptions ne sont pas forcément cohérentes entre elles. Elles peuvent même se révéler contradictoires. C’est que le lien entre Culture et Territoire est traversé par au moins trois séries de dilemmes, qui tournent autour des trois questions suivantes : Pour Quoi ? Pour Qui ? Jusqu’où ? Examinons-les tour à tour. Pour quoi ? Le slogan de la politique du conseil général de Loire Atlantique est : « La Culture partout et pour tous ». Rappelons que l’association des deux perspectives n’a rien d’évident. Pour le dire autrement, « Territorialiser » n’est pas forcément « Démocratiser ». Notre étude sur les publics de festivals s’est intéressée aux pratiques de décentralisation de spectacles, toutes inspirées de l’intention d’aller à la rencontre d’un nouveau public. En réalité, les résultats sont contrastés. Il est certains événements dont les concerts délocalisés sont plus socialement sélectifs que ceux des lieux centraux et emblématiques d’un festival, tandis que pour d’autres, un concert décentralisé va toucher un public qui ne fréquente jamais, autrement, le moindre spectacle vivant, fût-il Johnny Hallyday. Dans le premier cas, on touche une élite locale ; dans le second on crée un public nouveau, souvent socialement plus ouvert d’ailleurs. Cette première leçon doit nous convaincre qu’il ne suffit pas de désigner de nouveaux espaces pour conquérir automatiquement de nouveaux publics. Cela obéit à des modalités particulières, à une médiation territoriale qui fait désormais partie des professions culturelles.

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Pour Qui ? Nous avions ailleurs déjà rendu compte de ce dilemme, à propos des politiques départementales de la culture3. La territorialisation pose toujours le problème d’équité suivant : ou bien elle s’adresse à tous les territoires pour se parer d’une certaine égalité, et elle risque de s’adresser à des acteurs opportunistes, sans réel projet, sans volonté culturelle affirmée, qui en dissoudront l’impact dans de vagues engagements sans suite. Ou bien elle s’adresse uniquement aux territoires qui expriment une volonté, mais elle court alors le risque de récompenser les mêmes « bons élèves » de la France des territoires cultivés, dont on sait qu’en général ils ne le sont pas par hasard. Si la première version mérite d’être contrecarrée, il convient aussi de s’assurer que tout aura été entrepris pour enrayer la reproduction des « volontés sélectives », et élargir le cercle. Cela exige à la fois une méthodologie de territorialisation et du temps de mise en œuvre, à la mesure du travail de conviction à susciter. Au fond, il s’agit de questionner les conditions d’émergence d’une différenciation positive, en diffusant la capacité de projet sans tomber dans la logique de guichet. Jusqu’où ? La territorialisation des politiques culturelles pose la question des limites et de la portée de leur déploiement spatial. Certaines expériences menées, à l’échelle départementale en France mais aussi régionale dans d’autres pays, suggèrent deux cas extrêmes et également préoccupants pour la culture. Le premier d’entre eux est celui où l’instance départementale a délégué la quasi-totalité de ses interventions à ce titre aux territoires eux-mêmes. Le résultat, tel qu’il s’observe par exemple en Espagne au travers de l’expérience aragonaise, est que les territoires destinataires de ces nouvelles enveloppes ont, parfois, consacré ces sommes à de tous autres domaines que le spectacle ou même la culture. Le budget culturel de l’institution régionale ou départementale, dans ce cas, aura donc servi à financer des routes, un office du tourisme ou une piscine. L’autre cas confronte le discours sur la territorialisation à la réalité des flux financiers dont il est question. Tandis que quelques « miettes » parviennent à telle communauté de communes, l’écrasante majorité des financements régionaux ou départementaux reste concentrée sur des opérateurs situés au cœur des centres urbains, des capitales et métropoles. La vocation d’un conseil général n’est certes pas d’aller se replier sur les zones rurales, oubliant que son rôle s’étend aux villes où il exerce ses responsabilités en matière de solidarité, par exemple. Mais son intervention aux côtés des opérateurs urbains doit impliquer leur mise au service d’un espace plus vaste. C’est d’ailleurs ce qui s’accomplit à d’autres échelles, au sein d’intercommunalités où les grandes institutions, changeant de financeurs (au profit de la communauté d’agglomération, par exemple) sont désormais appelées à redéfinir leur territoire d’intervention, vers ces petites communes périphériques, dépourvues le plus souvent d’équipement professionnel. Le département, à ce titre, est par essence un acteur culturel mutualiste, jouant des liens entre espaces ruraux et urbains. Il lui reste pourtant, souvent, à le devenir dans les faits. Jusqu’à quand ? En finir avec la glose de compétence générale La réforme territoriale fait couler beaucoup d’encre. Disons ici qu’il n’est pas question de compétence culturelle. J’y vois plusieurs raisons. La première est au cœur du rapport                                                                                                                3 Négrier, Emmanuel, Une politique culturelle départementale ? Bloc de certitudes et dilemmes stratégiques, Conseil Général de Corrèze, avril 2009

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Balladur : la culture y est déjà considérée comme un secteur tellement atypique qu’il convient de maintenir, pour tous les niveaux de collectivité, le principe de liberté d’intervention. La deuxième raison a été rappelée par les discours combinés du Président de la République et de parlementaires de l’UMP : la culture représente une exception à la remise en cause de la clause de compétence générale. Deux autres motifs, du côté des constitutionnalistes, retiennent enfin l’attention. Le premier est global, et laisse entendre qu’il y aurait une certaine contradiction entre le statut de collectivité territoriale et son principe de libre administration, d’une part, et le fait d’autre part d’en brider l’exercice à l’échelle de son ressort autonome4. Le second motif n’est qu’à moitié une plaisanterie : qu’adviendrait-il si, par hasard, un contrôle de légalité d’actes départementaux venait à interdire une subvention culturelle et à être contesté devant le juge ? La conséquence, burlesque, serait de confier au Conseil d’État la lourde tâche de … définir ce qu’est la culture et ce qu’elle n’est pas, question qui confronte l’anthropologie à de redoutables controverses depuis qu’elle existe ! La culture n’est donc pas sérieusement visée par la question de la suppression (éventuelle) de la clause de compétence générale. Je ressens donc avec quelque circonspection la récurrence du discours tremblé de certains élus sur cette « scandaleuse disparition » d’une capacité d’action culturelle publique. En réalité, on sait bien que toute politique culturelle participe à au moins quatre finalités politiques plus générales : le développement économique, l’emploi local, l’insertion sociale, l’éducation citoyenne. Imaginerait-on que ces finalités ne soient pas au cœur des compétences publiques obligatoires, dans la République décentralisée ? Tout le problème réside dans le subtil équilibre à trouver entre ces finalités généralistes et celles, spécifiques, de la culture. Or les pratiques d’évaluation des politiques publiques, à l’échelle territoriale comme nationale d’ailleurs, privilégient les premières au détriment des secondes. Ce sont les indicateurs de fréquentation (et non d’enrichissement), de retombées (et non de requalification) et de respect de normes socio-environnementales (et non de créativité) qui sont le plus souvent mobilisés pour « lire « la culture5. D’un côté, cela pousse les acteurs des politiques culturelles à intégrer une dimension qu’ils négligent parfois. Or une politique culturelle, comme le dirait Philippe Teillet, c’est faire de la politique avec la culture, même si ses professionnels aimeraient bien qu’il ne s’agisse que de faire de la culture avec la politique. Sans doute l’enjeu est-il de lutter contre la banalisation de la culture comme champ d’intervention publique. Et, en effet, cette banalisation aurait été encouragée par la suppression de la clause générale de compétence. Mais, comme on l’aura constaté dans les (rarissimes) expériences d’évaluation des politiques culturelles, cette banalisation a des causes plus profondes et plus anciennes. Comment réduire les financements culturels ? Si les élus continuent de vociférer, n’est-ce pas pour préparer les esprits à un repli moins légal que contraint par un contexte financier nouveau qui, lui, marque le vrai recul en matière de décentralisation ? La dénonciation outrée de la loi est peut-être plus noble que la justification gênée par l’épuisement des moyens. Mais on objectera que, si la collectivité territoriale est dans son rôle quand elle dit la liste des bénéficiaires de ses politiques culturelles et en explicite la raison politique, c’est aussi faire « politique culturelle » que de dire qui va trinquer et pourquoi. En effet, s’il est un indicateur assez sûr que l’on est en présence d’une variable politique, c’est bien quand les solutions divergent face à un                                                                                                                4  Némery, Jean-Claude (dir.), Quelle nouvelle réforme pour les collectivités territoriales françaises ?, Paris : L’Harmattan 2010  5 Jean-Michel Lucas : « Politique culturelle et évaluation : la question des finalités », Juillet 2009 http://www.irma.asso.fr/Jean-Michel-Lucas

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problème. Ce n’est pas dire, certes, que la standardisation des stratégies n’obéit à aucune considération politique. Mais examinons la manière dont, sous nos yeux, les collectivités territoriales opèrent leurs politiques de rigueur qui sont, rappelons-le, la traduction directe de la politique de désendettement que l’État fait assumer aux pouvoirs locaux6. Ceux-ci développent au moins cinq modèles de « rationalisation de leurs choix budgétaires et culturels. Le premier consiste à faire peser sur les « grosses machines » (labellisées, financées par plusieurs partenaires…) l’essentiel de l’effort global. On estime alors que les gros doivent et peuvent contribuer davantage, même si l’on sait que ces structures, surtout lorsque le succès est au rendez-vous, ont une tendance irrésistible - loi de Baumol oblige - au déficit… Il faut prendre garde à l’écart entre annonce et faits qui pourrait d’ailleurs résulter du jeu politico-culturel. Ces grosses machines sont en effet le plus souvent dirigées par des acteurs influents, qui disposent de réseaux courts avec le monde politique, économique et culturel, et qui peuvent récupérer par des voies détournées ce qu’ils ont dû concéder officiellement. La deuxième tendance, inverse de la précédente, consiste à faire payer les petits, ou au moins certains d’entre eux. Moins stratégiques d’un point de vue de visibilité ou d’identification politique, ils peuvent être sacrifiés sur l’autel du maintien de l’emploi artistique professionnel, si ces « petits » sont, eux, aux marges du statut. Mais l’efficacité de cette deuxième voie tient dans le fait que les petits, notamment dans le domaine du spectacle, crient bien moins fort que les gros et continuent pourtant d’être rétifs au cadre d’action collective qui leur permettrait de compenser cette asymétrie de pouvoir. La troisième option réside dans le sacrifice d’un pan entier du système de financement : abandon d’un grand projet, suppression de types de financements (exemple : les festivals), ou retrait à l’égard de certains cofinancements. Disons que cette voie n’est guère empruntée que lorsque une fenêtre d’opportunité existe : le grand projet divisait l’exécutif qui y voyait la patte du prédécesseur ; le festival correspondait à une esthétique et à des réseaux locaux vieillissants ; les institutions cofinancées l’étaient dans un contexte d’accord politique entre niveaux se faisant désormais la guerre… La quatrième possibilité est proche du « non-choix », puisqu’elle consiste à publiciser une rigueur également partagée entre tous les destinataires (exemple : -10% pour tous), comme si 1000 € sur 10 000 € équivalait à 100 000 € sur 1 000 000 €. Il s’agit d’une neutralité qui, à bon compte, se pare d’une équité tout sauf évidente. La cinquième alternative, enfin, consiste à moduler ses retraits en fonction de l’évaluation de l’incidence d’un retrait financier sur les conditions d’existence de son destinataire, assorti d’une évaluation de son rôle spécifique pour le secteur et dans le territoire. C’est précisément cette dernière pratique qui est la moins courante, puisqu’elle suppose une capacité d’évaluation quanti-qualitative qui continue de faire défaut à la plupart des acteurs du secteur. Il faudrait, enfin, examiner plus sérieusement la piste du policy streaming, qui consiste à rapprocher insérer l’enjeu culturel au sein de l’agenda d’autres secteurs (et budgets) d’action

                                                                                                               6  C’est ce que l’on peut appeler la « départementalisation du pire » : l’État se reconfigure à l’échelle régionale, pour se dégager d’interdépendances trop cohésives avec les pouvoirs locaux, et met en place un mode de scrutin qui, immanquablement, donnera la primeur à la vision cantonalo-départementale des élus. Mais, simultanément, les conseils généraux seront de plus en plus contraints à financer leurs dépenses obligatoires, devenant des guichets, sans réelle marge de manœuvre, ni possibilité d’agir dans des domaines nouveaux, expérimentaux, optionnels. C’est la départementalisation du pire.  

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publique : éducation, aménagement, insertion sociale, afin de trouver de nouvelles voies de soutien à un domaine dont la légitimité intrinsèque semble parfois se dérober. Impressions finales Je terminerai ce propos par une réflexion à propos des temps actuels pour la culture. La crise économique, celle des financements publics sont en décalage avec le constat du succès considérable des offres culturelles, en dépit des discours les plus pessimistes quant à l’échec fracassant de la démocratisation culturelle. Mais la période actuelle me semble marquée par un autre phénomène : celui de l’épuisement d’une certaine classe politique culturelle, celle qui avait assuré, dans les années 1970, la légitimation de la culture dans les politiques publiques, en même temps qu’elle avait insisté sur la spécificité de cet engagement. Cette classe politique culturelle n’est plus, sauf exception, aux commandes publiques. Elle est progressivement remplacée par une nouvelle classe qui n’a pas le même regard que l’ancienne posture militante, transversale et spécifique à la fois. Elle est plus souvent, en affaires culturelles, débutante et béotienne. Les trois quarts des élus à la culture des communautés d’agglomération, appelées à intervenir de plus en plus dans ce domaine, ne sont ni élus à la culture dans leur commune ni ne l’on été auparavant7. Cette nouveauté peut être intéressante, si elle contribue à générer de nouveaux liens fructueux entre la culture et d’autres domaines d’action publique. Imaginons le profit que l’on pourrait tirer d’un élu à la culture jadis chargé de l’économie de l’innovation ou de la coopération décentralisée, par exemple. Mais elle peut aussi accentuer une tendance à la dissolution de la culture dans la contingence à l’égard d’autres impératifs stratégiques et sectoriels. Peut-être serait-il temps de proposer aux élus, au-delà du seul cercle des spécialistes, un vaste plan de formation culturelle…

                                                                                                               7 Emmanuel Négrier, Julien Préau et Philippe Teillet (dir.), Intercommunalité : le temps de la Culture, Grenoble : OPC 2008