Spécificité et spéciation : l'apport de l'étude des systèmes hôtes-parasites

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Faculté des Sciences de Montpellier Master Sciences et Technologies Mention bgae — Biologie, Géosciences, Agro-ressources, Environnement Spécialité bimp – Biodiversité et Interactions Microbiennes et Parasitaires Parcours eep – Ecologie et Epidémiologie des Parasites Année 2007–2008 Synthèse bibliographique Soutenance 9 – 10 juin 2008 Spécificité et spéciation : l’apport de l’étude des systèmes hôtes–parasites Par Timothée Poisot Directeurs de stage : Yves Desdevises (1) & Olivier Verneau (2) Laboratoires d’accueil : (1) Université Pierre et Marie Curie, Laboratoire Arago, umr cnrs 7628 “Modèles en Biologie Cellulaire et Évolutive” & (2) Université de Perpignan Via Domitia, umr cnrs 5244 “Centre de Biologie et d’Écologie Tropicale et Méditerranéenne”

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Faculté des Sciences de Montpellier

Master Sciences et Technologies

Mention bgae — Biologie, Géosciences, Agro-ressources, Environnement

Spécialité bimp – Biodiversité et Interactions Microbiennes et ParasitairesParcours eep – Ecologie et Epidémiologie des Parasites

Année 2007–2008

Synthèse bibliographiqueSoutenance 9 – 10 juin 2008

Spécificité et spéciation : l’apport de l’étude dessystèmes hôtes–parasites

Par Timothée Poisot

Directeurs de stage : Yves Desdevises (1) & Olivier Verneau (2)Laboratoires d’accueil : (1) Université Pierre et Marie Curie, Laboratoire Arago, umr cnrs 7628“Modèles en Biologie Cellulaire et Évolutive” & (2) Université de Perpignan Via Domitia, umr cnrs5244 “Centre de Biologie et d’Écologie Tropicale et Méditerranéenne”

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Table des matières

1 Introduction 11.1 L’histoire des poux du pigeon voyageur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 L’apport des parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

2 Sur quelle ressource se spécialiser ? 32.1 Coûts relatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.2 Ressources fiables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42.3 Restriction d’habitat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52.4 Facteurs limitant l’acquisition de nouveaux hôtes . . . . . . . . . . . . 6

3 Spécialisation et spéciation 83.1 Le cas des parasites généralistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.2 Spéciation chez les parasites spécialistes . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.3 Spéciation sympatrique, divergence sympatrique . . . . . . . . . . . . . 103.4 Contraintes écologiques et contraintes phylogénétiques . . . . . . . . . 11

4 Conclusion et perspectives 134.1 Approche expérimentale de la spécificité . . . . . . . . . . . . . . . . . 134.2 Implications en santé publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Bibliographie 15

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Introduction

1.1 L’histoire des poux du pigeon voyageur

Timms et Read (1999) racontent comment certaines espèces de mallophages parasitesdu pigeon voyageur Ectopistes migratorius ont connu une période difficile lors du déclinde cette espèce, autrefois l’une des plus abondantes en Amérique du Nord, puis se sontfinalement éteints avec elle, suite à l’impossibilité qu’ils rencontraient de coloniser denouvelles niches écologiques.

Cette anecdote illustre bien le risque qu’est susceptible de représenter, pour une es-pèce, le fait de se spécialiser sur une ressource unique. Que cette ressource vienne àdisparaître, et la survie de l’espèce est menacée. Pourtant, la spécificité n’est pas unphénomène isolé dans le monde vivant. Elle est la norme pour de nombreuses espèces.Il semble donc légitime de se demander quelles sont les “raisons” pour lesquelles uneespèce s’engage sur la voie de la spécialisation.

1.2 L’apport des parasites

Pourquoi s’intéresser aux parasites dans le cadre d’une réflexion sur la spécialisation ?Si l’on suit la définition écologique du parasitisme, l’hôte représente, pour ses parasites,à la fois la ressource qu’ils exploitent, et le milieu dans lequel ils vivent. Il est doncintéressant de déterminer dans quelle mesure une espèce de parasites est spécifique decette ressource. La spécificité chez les parasites a été approchée de différentes manières.On peut par exemple considérer qu’un parasite est spécialisé dans l’exploitation d’untissu, ou d’un organe (Adamson et Caira, 1994), ou se placer à un niveau plus global :la spécificité est alors vue de manière inversement proportionnelle au spectre d’hôte,représenté par le nombre total d’espèces qu’une espèce de parasite infeste en milieunaturel (Lymbery, 1989).

Quoique d’autres auteurs aient proposé des indices de spécificité parasitaire s’ap-puyant sur la proximité phylogénétique entre les hôtes (cf. Poulin (2007), et références),

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1. INTRODUCTION | 2

nous utiliserons dans cette synthèse la définition de Lymbery (1989). Cette méthode,bien que pouvant sembler moins précise que d’autres, permet de déterminer la spécifi-cité pour un grand nombre d’espèces de parasites, même dans les cas ou des donnéesphylogénétiques, ou d’autres comme les caractéristiques écologiques des hôtes, ne sontpas accessibles. De plus, des caractéristiques d’une population, comme p. ex. la pré-valence des parasites, varient dans le temps et dans l’espace à des échelles courtes.Définir la spécificité seulement à partir du spectre d’hôte nous permet d’avoir une ap-proximation de la “compatibilité” entre les espèces d’hôtes et de parasites au sein d’unsystème.

Les systèmes parasités représentent un modèle intéressant pour étudier la spécificité,et les mécanismes qui lui sont associés. D’une part, la niche écologique du parasite (etla ressource qu’il exploite) est très clairement définie dans l’espace et dans le temps.D’autre part, les systèmes hôtes–parasites sont abondants (on considère qu’à chaqueespèce libre correspond une espèce parasite), ce qui permet d’étudier ces questions surplusieurs associations, et de réunir une quantité importante de données (Poulin, 2007).

Dans cette synthèse, nous nous intéresserons dans un premier temps aux facteurspouvant entraîner une spécialisation sur une ressource : caractéristiques de la ressource,contraintes imposées par le mode de vie parasitaire, entre autres. Par la suite, nousétudierons les liens entre spécificité, spécialisation, et spéciation, notamment dans lessystèmes hôtes-parasites, en mettant en avant dans quelle mesure ils constituent unsystème de choix pour ce type de travail.

1.2. L’APPORT DES PARASITES

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Sur quelle ressource se

spécialiser ?

2.1 Coûts relatifs

On a souvent supposé que le fait d’être généraliste ou spécialiste était en partie dé-terminé par un trade-off 1 (cf. Wilson et Yoshimura, 1994) entre accomplir un grandnombre de tâches avec une efficacité moyenne (généralistes), où au contraire n’accom-plir qu’un nombre très limité d’actions avec une efficacité supérieure (spécialistes).Dans le cas des parasites, ce trade-off s’établit entre l’exploitation de plusieurs hôteset la spécialisation sur un hôte unique, en dépit des risques qu’elle représente.

Levins (1962) a proposé une explication pour permettre de comprendre dans quellessituations il est avantageux pour un organisme de se spécialiser sur une ressource. Cemodèle est résumé dans la figure 2.1. Dans ce contexte, le fait d’être généraliste ou spé-cialiste est conditionné par le résultat d’un trade-off entre l’investissement dans deuxactivités. Si investir dans deux activités permet à l’individu d’augmenter sa fitness2, ilest dans “son intérêt” de rester généraliste (situation A). En revanche, si le coût d’uninvestissement dans deux activités simultanément est plus élevé que l’investissementdans une activité unique (situation B), il y a de fortes chances de voir des spécialistesémerger. Une illustration du cas B est fournie par Ward et coll. (1998), qui mettent enavant le fait que quoiqu’un grand nombre de raisons poussent un parasite à acquérirde nouveaux hôtes, les bénéfices associés au fait d’être spécialiste l’en empêchent.

On peut aussi envisager que la situation B s’applique quand au sein d’une espèce deparasites généralistes, certaines populations se spécialisent graduellement sur une plusfaible proportion des hôtes, augmentant ainsi leur spécificité. Cette situation peut seproduire dans les cas où, au sein d’une espèce, certains génotypes sont favorisés sur

1ou “compromis”, le terme anglais étant utilisé ici dans la mesure où il reflète plus un équilibreentre deux activités que la notion de compromis, qui possède une connotation plus négative.

2“valeur sélective”, que l’on définit habituellement par l’espérance du nombre de descendants à ladeuxième génération ; le terme est parfois utilisé pour mesurer le succès d’un individu relativement àses congénères dans un environnement donné.

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2. SUR QUELLE RESSOURCE SE SPÉCIALISER? | 4

Figure 2.1 – Jeux de fitness de Levins (1962).Chaque ligne représente un phénotype suscep-tible d’exister dans une population exploitantdeux ressources (activités 1 et 2). La pente desdeux jeux de fitness est négative, indiquant untrade-off entre les deux activités. Le set asso-cié aux phénotypes A est concave vers l’exté-rieur, indiquant un faible coût du généralisme.Le set associé à B étant concave vers l’inté-rieur, il indique que les coûts associés au géné-ralisme sont élevés, ce qui tend à favoriser lesspécialistes. Adapté de Wilson et Yoshimura(1994).

certains hôtes (phénomène connu sous le nom d’“assortative survival”), entraînant uneségrégation des parasites sur certains de leurs hôtes, et instaurant dans le même tempsune barrière reproductive entre les populations.

2.2 Ressources fiables

En utilisant une approche mathématique, Ward (1992) a proposé que les organismestendent à se spécialiser sur des ressources fiables (“predictable ressources”), c’est-à-direminimisant leur risque d’extinction. En effet, on peut considérer que la spécialisationrevient à abandonner l’opportunité d’exploiter certaines ressources, ou d’occuper cer-tains habitats, et qu’il est intéressant de se spécialiser tant que la spécialisation necompromet pas les chances de survie de l’individu, ou de l’espèce. Cette hypothèse aété vérifiée pour les monogènes3 Dactylogyrus spp. parasites de poissons cyprinidés parŠimková et coll. (2001), qui ont mis en évidence que les spécialistes exploitaient prin-cipalement des hôtes de grande taille (trait connu pour être corrélé à la durée de viechez les poissons). Ce résultat nous conduit à penser que la spécialisation se fait dansdes conditions qui n’exposent pas les populations de parasites au risque d’extinctionlocale.

Chez les parasites, la notion de ressource fiable est particulièrement importante. Laressource est représentée par l’hôte du parasite, et sa fiabilité peut varier de différentesmanières. D’une part, les traits d’histoire de vie des hôtes (taille corporelle, masse,longévité) doivent être pris en compte, dans la mesure ou ils permettent de détermi-ner la fiabilité d’un individu, qui servira de milieu de vie au parasite (p. ex. Morandet coll., 2002) ; ainsi, un hôte en meilleure condition est une ressource plus fiable pour

3Plathelminthes ectoparasites d’organismes aquatiques, caractérisés par un cycle de vie direct etune spécificité forte

2.2. RESSOURCES FIABLES

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2. SUR QUELLE RESSOURCE SE SPÉCIALISER? | 5

les parasites. D’autre part, la population d’hôtes subit des fluctuations au cours del’année (changement de zone géographique pour la reproduction, migration, déclin an-nuel,. . .), ou au cours du temps, ce qui influe sur sa fiabilité générale (en terme dedisponibilité pour le parasite – cf. Wilson et Yoshimura, 1994).

Norton et Carpenter (1998) rapportent que dans les zones tropicales, possédant unetrès forte diversité spécifique, notamment végétale, les parasites d’angiospermes sontmajoritairement généralistes. L’hypothèse émise pour expliquer ce profil est que la fortediversité conduit à une diminution de l’abondance des hôtes potentiels, permettant lemaintien des parasites ayant des génotypes leur permettant d’exploiter un nombred’hôtes plus important ; il existe, dans ces situations, une sélection des généralistes.Inversement, dans les forêts tempérées, pour lesquelles on observe une moins grandediversité spécifique, on trouve plus de parasites spécialistes. La diversité étant moindre,les hôtes vivent en plus grande densité, et la ressource est plus fiable pour le parasite.D’autre part, une densité plus importante évite le phénomène de restriction par ladispersion, traité dans le paragraphe suivant.

Cette observation est de plus compatible avec la prédiction théorique de l’hypothèseJanzen-Connell, selon laquelle la diminution de la densité chez les végétaux est unmoyen d’éviter les transmissions horizontales de parasites spécialistes, en leur imposantde couvrir des distances plus importantes pour trouver un hôte compatible, par effetde dilution. Dans de telles situations, les parasites généralistes sont favorisés, puisquemoins sensibles à la faible densité des hôtes.

2.3 Restriction d’habitat

On peut être tenté de se demander pourquoi il n’existe pas d’espèce de parasite capabled’exploiter toutes les espèces de taxons importants, ou plus généralement, pourquoi le“super-organisme” qui pourrait exploiter toutes les niches écologiques n’existe pas. End’autres termes, pourquoi les habitats sont-ils limités ? Pour Timms et Read (1999),l’écologie évolutive offre deux explications à la restriction d’habitat : la limitation parla dispersion, et la limitation par l’adaptation.

Si l’on retourne un instant aux mallophages évoqués en introduction, on peut émettredeux hypothèses quant aux raisons de leur extinction simultanément à celle de leurhôte. On peut envisager que (i) le mode de vie de l’hôte aie empêché les parasitesde se transmettre à d’autres espèces (la dispersion est limitée), ou (ii) que les adap-tations connues par ces parasites vis-à-vis de leur hôte les aient rendus incapablesd’exploiter d’autres espèces (limitation par l’adaptation). Dans la première situation,

2.3. RESTRICTION D’HABITAT

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2. SUR QUELLE RESSOURCE SE SPÉCIALISER? | 6

la restriction de l’habitat est liée pour partie à des causes extérieures (disponibilitéd’autres ressources), mais peut aussi tenir à des caractéristiques du parasite : une es-pèce avec des capacités de dispersion limitées (faible durée de vie des stades infestants,par exemple) aura moins d’opportunités d’étendre son spectre d’hôtes.

Dans la première situation, un parasite ne peut pas se disperser sur d’autres espèces,dans la mesure où aucune espèce sensible ne se trouve dans son écosystème. Cependant,il existe des cas où de telles espèces sont présentes, mais où les parasites se trouventdans l’incapacité de les acquérir comme hôtes. La cause principale est que le parasite asubi des adaptations importantes à son hôte, et ne peut plus passer sur une autre espèce— quelle que soit sa disponibilité. Cette situation peut se produire quand les parasitessont particulièrement adaptés à la vie dans un microhabitat au sein de leur hôte (typetissulaire, particularité morphologique, trait comportemental), ou ont développé desmécanismes d’infection particuliers, qui ne sont pas transposables à d’autres espèces.

2.4 Facteurs limitant l’acquisition de nouveaux hôtes

Ward et coll. (1998), partant du constat que seuls 0.6% des aphides de Rhopalo-siphum padi parasites de Prunus padus trouvent au final un hôte, avancent que ladispersion est le stade le plus risqué pour les parasites spécialistes : le maintien de l’es-pèce à la génération suivante dépend directement de la capacité des stades infestantsà trouver des hôtes, ce qui peut notamment expliquer le profil observé de se spécialiserdans des zones où les hôtes sont présents avec des densités importantes (cf. partie 2.2).De fait, si le taux de succès de la dispersion est faible — autrement dit, que peu desstades dispersants donnent à terme des adultes —, et que ce taux de succès dépend àla fois de la rencontre avec un hôte compatible et de l’espèce d’hôte originelle, on peutconcevoir qu’il existe une pression importante pour l’acquisition de nouveaux hôtes, surlesquels la fitness serait meilleure. De fait, les bénéfices liés à la spécificité doivent êtreimportants, pour justifier le fait qu’il n’y ait pas de colonisation de nouveaux hôtes.

On peut invoquer plusieurs raisons rendant compte du maintien de la spécificité. Pre-mièrement, il est possible que les parasites soient très bien adaptés à leur hôte unique,et que l’établissement sur un nouvel hôte les désavantage (ce qui revient à limiter ladispersion par l’adaptation, comme évoqué dans la partie 2.3). Ensuite, en accord avecla théorie de la spécialisation sur les “enemy-free spaces”, il est possible que les carac-téristiques de l’hôte protègent le parasite de ses ennemis (nettoyeurs, hyperparasites,etc), où simplement que l’hôte ne soit pas exposé à des espèces entraînant un préju-dice pour le parasite. Enfin, l’hôte représente pour le parasite un “mating rendez-vous”

2.4. FACTEURS LIMITANT L’ACQUISITION DE NOUVEAUX HÔTES

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2. SUR QUELLE RESSOURCE SE SPÉCIALISER? | 7

(Rohde, 1979). La colonisation de nouveaux hôtes entraîne un risque de ne pas trouverde partenaire pour la reproduction, et donc de déclencher une extinction locale. Eneffet, si un parasite possède plusieurs hôtes potentiels, il est nécessaire que ses parte-naires se trouvent sur le même hôte que lui, puisqu’une fois son développement achevé,il ne peut pas passer sur un nouvel hôte pour se reproduire. La spécialisation, dans cecontexte, est pour le parasite une garantie de pouvoir transmettre ses gènes.

À propos du mating rendez-vous, il est nécessaire de préciser que certains auteurs(p. ex. Adamson et Caira, 1994) ont émis des réserves. Notamment, chez certains para-sites, on ne trouve pas la tendance selon laquelle les spécialistes sont plus agrégés queles généralistes, ce qui semble contraire aux prédictions de Rohde (1979). Cependant,il faut tenir compte du fait que les études empiriques de ces phénomènes sont encorepeu nombreuses, et qu’il reste difficile de tirer une tendance générale, encore moins uneacceptation ou une réfutation claire des prédictions théoriques.

2.4. FACTEURS LIMITANT L’ACQUISITION DE NOUVEAUX HÔTES

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Spécialisation et spéciation

3.1 Le cas des parasites généralistes

McCoy et coll. (2001) rapportent que chez la tique Ixodes uriae parasitant deuxoiseaux (Rissa tridactyla et Fratercula arctica), la variabilité intra-hôte est inférieureà la variabilité inter-hôte : autrement dit, les populations de tiques d’une même espèced’hôte sont génétiquement plus proches entre elles que de populations de la mêmeespèce sur des hôtes d’autres espèces — indépendamment de la distance géographiqueentre les populations. Ce résultat nous conduit à penser que les pressions de sélectionintroduites par l’hôte peuvent entraîner une spécialisation, mais surtout qu’elle sontun facteur de diversification important pour les parasites.

Le fait de fragmenter sa population sur différents hôtes (et que chaque infrapopula-tion se différencie sur ces différents hôtes) entraîne un isolement reproductif, qui peutà terme aboutir à une spéciation. Cette fragmentation, comme évoqué dans la par-tie 2.1, peut être un résultat de la sélection de certains génotypes de parasites parles hôtes, phénomène connu sous le nom d’assortative survival. La sélection des para-sites par les hôtes peut tenir au fait que différentes espèces vont mobiliser, contre lemême parasite, des stratégies d’évitement (comportementales) ou de défense (immu-nitaires) différentes. Ces différentes stratégies vont avoir, pour le parasite – mais aussipour l’hôte, puisque le parasite répondra à ces stratégies – des issues différentes d’unpoint de vue évolutif, pouvant entraîner une séparation des populations. À long terme,cette situation peut rendre difficile le passage d’individus d’une population vers deshôtes d’une autre espèce, instaurant une barrière reproductive, qui entraînera à termeune spéciation sur les différents hôtes — s’accompagnant d’une réduction du spectred’hôtes.

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3. SPÉCIALISATION ET SPÉCIATION | 9

(a) Cospéciation : leparasite subit un évé-nement de spéciationconcomitant à celui deson hôte.

(b) Pseudocospéciation(delayed cospeciation) :après la spéciation deshôtes, le parasite trans-fère sur une des espècesnouvellement formées etsubit une spéciation.

(c) Transfert d’hôte : leparasite acquiert un nou-vel hôte, et se spécialisedessus par la suite.

Figure 3.1 – Deux situations possibles pour la spéciation chez les parasites. Dans le cas 3.1(a) (et savariante, 3.1(b)), la spéciation du parasite se fait simultanément à celle de l’hôte, ou très rapidementaprès, par transfert d’hôte puis spéciation . Dans le cas 3.1(c), le parasite effectue un transfert sur unnouvel hôte, puis subit un événement de spéciation. Il est à noter que les deux possibilités représentéesen 3.1(a) et 3.1(b) conduisent la phylogénie des parasites à correspondre à celle des hôtes, bien queles processus soient différents.

3.2 Spéciation chez les parasites spécialistes

On peut distinguer deux grandes tendances aboutissant à la spéciation – allopatrique –dans une espèce de parasite spécialiste, représentées dans la figure 3.1. Dans le premiercas, l’événement qui déclenche l’isolement des populations de parasites est la spéciationde l’espèce hôte. Les deux populations de parasites, sur les deux populations d’hôtes envoie de spéciation, continuent à évoluer de matière indépendante, et subissent poten-tiellement des adaptations, entraînant une cospéciation. Une autre situation survientquand la spéciation des hôtes ne s’accompagne pas de spéciation du parasite. En re-vanche, il est possible que le parasite effectue un transfert d’hôte, s’accompagnant d’unespéciation ultérieure. Ce mode de radiation évolutive a particulièrement été étudié chezles monogènes Gyrodactylus spp. (p. ex. Zietara et Lumme, 2002). Cette situation estdécrite dans la figure 3.1(c). On notera que la colonisation ne se fait pas nécessairementsur un hôte lié phylogénétiquement à l’hôte d’origine (ce qui représente un cas de pseu-docospéciation, représenté figure 3.1(b)), mais peut se faire sur un hôte plus éloigné.La multiplication de ces transferts d’hôte suivis de spéciations perturbe fortement leprofil de cospéciation de l’association hôte–parasite, rendant l’inférence de son histoireévolutive difficile.

3.2. SPÉCIATION CHEZ LES PARASITES SPÉCIALISTES

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3. SPÉCIALISATION ET SPÉCIATION | 10

3.3 Spéciation sympatrique, divergence sympatrique

Dans la situation où deux populations sont séparées par des barrières extrinsèques(par exemple la divergence géographique, mais aussi l’incapacité de passer sur d’autresespèces d’hôtes comme décrit dans la partie 3.1), l’isolation que l’on observe est uneconséquence du fait que l’évolution de ces populations dans chacun des sites est essen-tiellement indépendante. L’apparition de nouvelles espèces en l’absence de séparationextrinsèque, c.-à-d. par des facteurs intrinsèques à l’espèce étudiée, est la spéciationsympatrique. Pour les parasites, la définition de la sympatrie n’est pas triviale : McCoy(2003) propose ainsi deux visions différentes de ce mode de spéciation, (i) la spéciationsympatrique au sens “spéciation sur des hôtes vivant en sympatrie”, et (ii) la spéciationsynxènique, c.-à-d. “au sein d’une espèce d’hôte unique”, particulièrement bien étudiéechez les monogènes parasites de poissons (cf. Morand et coll. (2002), et références),introduisant l’idée selon laquelle “parasite speciation should not necessarily be calledsympatric because host types are in the same geographic area”.

Le premier cas est susceptible de se produire quand le stade infestant du parasite pos-sède la capacité de chercher son hôte de manière active (insectes phytophages, tiques,monogènes, certains digènes, par exemple) : l’émergence de préférences locales pourcertains types d’hôtes — c.-à-d. le fait que les stades infestants colonisent préférentiel-lement des hôtes de la même espèce que celui utilisé à la génération précédente — peutentraîner à terme une spéciation sympatrique.

L’assortative survival peut entraîner des cas de spéciation sympatrique, si la sélectionpar l’hôte se fait avant la phase de reproduction : seuls certains phénotypes atteignentalors cette phase, conduisant à une spéciation sur cet hôte. De même des hôtes ayantdes rythmes de vie différents peuvent isoler des populations de parasites, et entraînerdes spéciations (de type allochroniques).

La sélection synxènique est le résultat d’une sélection importante des habitats ausein de l’hôte. Le passage de certains monogènes des branchies à la cavité buccaledes poissons, ou de la peau à la vessie urinaire des amphibiens sont des exemples despéciation synxènique par acquisition d’un nouvel habitat.

3.3. SPÉCIATION SYMPATRIQUE, DIVERGENCE SYMPATRIQUE

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3. SPÉCIALISATION ET SPÉCIATION | 11

Figure 3.2 – Hypothèse pour expliquer la re-lation entre taille de l’hôte, spécificité, et mor-phométrie du hapteur des monogènes. La re-lation peut résulter d’un processus adaptatif,dans lequel les spécialistes exploitent préféren-tiellement des hôtes de grande taille. Cepen-dant, le profil observé peut résulter de l’inertiephylogénétique des différents caractères étu-diés. Voir la partie 3.4 pour des explications.Adapté Morand et coll. (2002).

3.4 Contraintes écologiques et contraintes phylogéné-

tiques

Dans quelle mesure les traits liés à la spécificité sont-ils héritables ? Šimková et coll.(2001) ont montré que la morphométrie du hapteur (organe d’attachement) des mono-gènes était liée à la spécificité. La taille des différentes parties du hapteur est corrélée àla taille de l’hôte, qui, d’après l’hypothèse de la spécialisation sur des ressources fiables(partie 2.2), est une caractéristique elle-même liée à la spécificité des parasites. On peutvoir dans ce résultat un phénomène adaptatif, mais il ne faut pas écarter l’importancedu caractère transmissible de certains de ces traits (leur inertie phylogénétique).

Morand et coll. (2002) illustrent cette nécessité (cf. figure 3.2). On peut voir dans lelien existant entre spécificité et taille du hapteur un reflet du fait qu’en moyenne, les pa-rasites spécialistes ont des hôtes de taille plus importante (représentant des ressourcesplus fiables), donc ayant une vitesse de nage plus importante, impliquant un hydrody-namisme dans la cavité branchiale plus fort, et demandant au parasite des crochets plusgrands pour rester attaché. Cependant, on peut aussi considérer que l’histoire évolutivedu système a un rôle important : si la contrainte historique existe, et peut condition-ner l’évolution du hapteur, cela suggère que des monogènes apparentés parasitent lemême type d’hôtes (de taille semblable). Il est particulièrement important de prendreen compte ces deux facteurs dans les études sur la spécialisation adaptative.

3.4. CONTRAINTES ÉCOLOGIQUES ET CONTRAINTES PHYLOGÉNÉTIQUES

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3. SPÉCIALISATION ET SPÉCIATION | 12

Desdevises et coll. (2002) ont ainsi mis en évidence que dans le système Lamellodiscus-sparidés, la spécificité était expliquée à 4% par la taille de l’hôte, 24% par l’influencecommune de la taille de l’hôte et de la phylogénie, et à 45% par la seule phylogénie,c.-à-d. par l’inertie phylogénétique du caractère. Ce résultat nous indique que la dé-termination de la spécificité ne peut pas être expliquée par un facteur unique (de fait,23% de la spécificité est expliquée par des causes autres que la phylogénie ou la taillede l’hôte), mais qu’il est nécessaire, pour la comprendre, d’intégrer les informationsévolutives, écologiques, et les caractéristiques biologiques propres au système étudié.

Concernant la figure 3.2 et les hypothèses qu’elle décrit, quelques précisions sont à ap-porter. La taille des hôtes possède une influence sur leurs caractéristiques écologiques,qui peut influer sur leur parasitofaune. Hypothétiquement, des hôtes de plus grandetaille sont susceptibles de vivre en densités inférieures, et sont moins en contact avecdes hôtes, même phylogénétiquement proches : leur mode de vie limite les capacités dedispersion du parasite. Dans ce type de situation, même si l’on observe une adapta-tion de la morphométrie du hapteur à la taille de l’hôte, ce sont d’autres facteurs quiexpliquent la spécificité. En outre, les différentes parties du hapteur n’ont pas nécessai-rement connu la même évolution au cours du temps, et en conséquence, ne montrentpas le même patron évolutif. À ce jour, nous manquons toujours de données empiriquespour vérifier ces différentes hypothèses.

3.4. CONTRAINTES ÉCOLOGIQUES ET CONTRAINTES PHYLOGÉNÉTIQUES

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Conclusion et perspectives

4.1 Approche expérimentale de la spécificité

Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, la spécificité est définie, dansle milieu naturel, par observation, comme le fait de n’exploiter qu’une ressource (oudans le cas des parasites, de n’infester qu’une espèce d’hôte). Cette notion peut assezaisément être étudiée en conditions artificielles sur des modèles hôtes-parasites, et lestravaux de ce type sont assez nombreux (p. ex. Nowak (2007), et références incluses).L’intérêt des études en conditions artificielles est qu’elles permettent de vérifier l’im-portance de différents facteurs dans la détermination de la spécificité.

Il est par exemple possible d’optimiser la dispersion du parasite, en facilitant la ren-contre avec ses hôtes, pour déterminer si ce facteur est prépondérant dans la détermi-nation de la restriction d’habitat, ou si cette restriction est le fait d’une adaptation duparasite à son hôte. D’autre part, ce type de travail permet de tester si, pour une espècede parasites généralistes, on peut mettre en évidence le fait que certaines populationschoisissent de manière préférentielle certains hôtes, et de tester les conséquences duchoix de l’hôte sur la fitness du parasite.

4.2 Implications en santé publique : sommes nous pro-

tégés par la spécificité des agents infectieux ?

Comprendre dans quelle mesure la spécificité dépend de la spécialisation adaptativen’est pas une problématique qui doit intéresser uniquement ceux qui travaillent dans lechamp de l’écologie évolutive. Les agents responsables de la propagation de zoonosesinfestent par définition des animaux, avant de coloniser l’homme (vih, Ebola,. . .). Lesfacteurs écologiques impliqués dans l’émergence de maladies sont nombreux (cf. Joneset coll. (2008), et références). En plus de la menace que ces zoonoses représentent pourles populations humaines, les transferts de pathogènes des animaux d’élevage vers lesstocks sauvages (cf. Nowak (2007) pour une revue du sujet sur l’aquaculture) sont un

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4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES | 14

fardeau économique et écologique important.

Dans quelle mesure la spécificité d’un agent infectieux est-elle une protection fiablepour l’humain ? Woolhouse et Gowtage-Sequeria (2005) ont mis en évidence que sur les177 pathogènes émergents (ou réémergents) — d’après l’Organisation mondiale de lasanté animale, des “infections nouvelles, causées par l’évolution ou la modification d’unagent pathogène ou d’un parasite existant” — infectant l’homme, 73% sont d’originezoonotique (à comparer aux 58% de l’ensemble des pathogènes infectant l’homme).D’autre part, plus de 40% des pathogènes émergents ont des spectres d’hôtes impor-tants, de 3 et plus.

Ce résultat semble indiquer que les parasites généralistes ont une capacité plus grandeà transférer sur de nouveaux hôtes. Ces résultats sont compatibles avec le travail deKaci-Chaouch et coll. (2008) sur les Lamellodiscus parasites de sparidés, dans lequelil est montré que les parasites spécialistes ont une variabilité morphométrique et gé-nétique plus importante que les spécialistes. Les parasites généralistes auraient doncune plus grande variabilité, qui leur permettrait plus facilement qu’à des spécialistesd’étendre leur spectre d’hôte. Selon cette approche, connaître le spectre d’hôte d’unagent pathogène, mais aussi comprendre les mécanismes et les conditions de l’acquisi-tion d’un nouvel hôte apparaissent comme des enjeux importants de la recherche.

4.2. IMPLICATIONS EN SANTÉ PUBLIQUE

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