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Sous l’emprise de Monsieur Addams

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Lafond, Marjorie D., 1983-Sous l’emprise de Monsieur Addams

ISBN 978-2-89585-674-0I. Titre

PS8623.A358S68 2015 C843’.6 C2014-942501-5PS9623.A358S68 2015

© 2015 Les Éditeurs réunis (LÉR).

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Dépôt légal : 2015Bibliothèque et Archives nationales du Québec

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Marjorie D. Lafond

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À mes proches, ceux qui savent se reconnaître, ma source d’équilibre et de bonheur.

À Audrey, ma première lectrice, merci pour ton aide précieuse.

Pourquoi déclamer contre les passions ? Ne sont-elles pas la seule belle chose qu’il y ait sur terre,

la source de l’héroïsme, de l’enthousiasme, de la poésie, de la musique, des arts, de tout enfin ?

– Gustave FlaubertMadame Bovary, 1857

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Prologue

Je suis dans un trou et, malheureusement, ce n’est pas au sens figuré. C’est bien réel. On me

détient prisonnier dans une cavité, une espèce de puits. D’ici une heure, il est évident que je repose-rai, mort, noyé. Je sens l’eau me submerger. Elle m’inonde, me remplit lentement, si lentement que l’attente se révèle une vraie torture. Étonnamment, je réussis tout de même à garder mon sang-froid, car ton visage se profile bien au sec dans ma tête, belle Félicia. Quelle histoire de fou, mon amour. Tous les deux pris d’une aussi grande infortune. Comment a-t-on pu se retrouver captifs d’un tel cauchemar ? Ce cauchemar qui s’est emparé de nous, nous entraînant dans un monde entouré de cette mer déchaînée, infestée de requins – des bêtes comme des hommes – des plus menaçants. Depuis combien de temps au juste dure cette galère ? Je ne sais plus. Je sais seulement que je ne suis pas chez moi, allongé dans mon lit, pris dans un sommeil paradoxal agité, sur le point de me réveiller. Non, ici, où je me trouve, un éventuel réveil ne s’avérera pas possible.

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Partie 1

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Liam

Nouveau quartier, nouvelle année scolaire, nouveau collège. Rien de très neuf pour moi,

un fidèle habitué du déménagement, du recom-mencement. Mon père, géomètre topographe, nous impose, à lui et à moi, un nouvel environ-nement tous les deux ans environ. Cette fois-ci, Saint-Jérôme, ville d’environ 70 000 habitants sur la Rive-Nord de Montréal. Un 450, tout ce qui a de plus banal comme endroit. J’ai 21 ans. Vous vous demandez pourquoi j’habite toujours avec mon papa ? Bonne question ! Mis à part le fait évident que les jeunes d’aujourd’hui « collent » plus longtemps chez leurs géniteurs étant donné, j’ima-gine, les études plus longues (ce qui, selon la théorie populaire, a pour effet de prolonger en quelque sorte l’agréable période de l’adolescence), j’ai une raison que je considère comme acceptable.

Quand j’ai eu 18 ans, j’en ai eu marre de déména-ger tout le temps. J’ai donc pris un coloc, Frédéric, mon meilleur ami à l’époque, et nous nous sommes inscrits au collège Rosemont de Montréal. Nous avons passé une année mémorable ensemble à traîner dans les rues et à courir les festivals et les partys. Lors du premier été passé en ville, nos

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yeux avaient mal à force de contempler toutes ces beautés multiethniques, toutes ces minijupes, tous ces décolletés, dans un décor urbain débordant de vie et de chaleur humaine. De smog aussi, mais on n’en avait rien à foutre de la qualité de l’air ! Ce qui nous intéressait, c’était plutôt l’amour qu’il y avait dans l’air, pour être poli. Deux jeunes boucs en chaleur. On passe tous par cette étape, je crois. La faute aux hormones qu’ils disent…

Malheureusement, au terme d’une année d’insouciance extrême, ce fut le choc : une fête de fin de session se mutant en un accident mortel pour Frédéric. Eh oui ! J’étais bien le conducteur désigné. Heureusement, je n’avais pas bu ce soir-là. Je n’y étais même pas allé, à ce fameux party. Je travaillais jusqu’à trois heures du matin comme busboy dans une taverne près du collège. En terminant mon chiffre, je me souviens m’être félicité intérieure-ment de jouer les chauffeurs de taxi. Je rendais ainsi service à mon meilleur pote à moitié saoul mort en le ramenant vivant à l’appartement. Quelle ironie ! Le sort a fait que mes bonnes intentions se sont transformées en une malchance désastreuse. Quatre jeunes s’amusaient à faire la course sur l’Avenue du Mont-Royal et ils nous ont malheu-reusement rejoints à une vitesse fulgurante.

Tout ça pour vous dire que, même si ma conduite n’était pas en cause dans cet accident, j’ai eu le choc de ma vie et les mois qui ont suivi ont été très pénibles. J’ai donc laissé l’appartement au lieu de trouver un nouveau colocataire, j’ai abandonné le

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cégep, car je n’y trouvais plus la motivation pour avancer dans mes études, et je suis retourné vivre avec mon père pour un temps. Il m’a beaucoup soutenu et j’ai travaillé avec lui un an à temps plein. Cela me changeait les idées de mesurer des terrains, de dessiner des plans, d’étudier des cartes.

L’an passé, j’ai décidé qu’il était temps de redevenir maître de ma destinée. Pour être libre et autonome dans la vie, il faut un minimum d’études. J’ai donc repris les cours de ma technique en génie civil et j’ai recommencé à faire du sport, à m’entraîner. J’adore le basket-ball. J’ai fait partie de plusieurs équipes depuis mes huit ans. Par contre, mon père, lui, son truc, c’est le hockey, comme tout bon Québécois de souche qui se respecte. Je n’ai jamais pu le décevoir en lui avouant que c’était moins mon truc à moi, donc j’ai toujours pratiqué ce sport avec lui l’hiver. De toute façon, ce n’est pas désagréable de passer du temps entre père et fils.

J’ai oublié de vous dire que mon père est un homme formidable. Il m’a eu très jeune, à 18 ans. Il n’a donc pas encore 40 ans. C’est un beau mâle (enfin, je crois… je ne suis pas très objectif). Mais il est trop seul. Ce qui cloche avec lui ? Il consacre tout son temps à son travail et à ses loisirs. Il adore le golf, l’alpinisme et les romans policiers, des trucs d’hommes, quoi ! Il n’a pas le temps et ne recherche pas de vie de couple stable. Il se contente d’une aventure par-ci par-là, d’une rencontre via le Net ou encore d’une riche cliente de ses patrons de temps en temps. Il faut dire que ses expériences

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amoureuses sérieuses n’ont pas été de toute gaieté : des filles compliquées, colériques… et mon père est un homme si serein ! Il aime la simplicité, le calme, ce que la plupart des femmes n’offrent pas, à mon avis. J’imagine qu’il faut apprendre à vivre avec leur côté scénique, faire des compromis, mais mon père ne veut plus. C’est pour ça qu’il est devenu, avec les années, un célibataire endurci.

Moi, je suis tout le contraire de mon père, surtout depuis la mort de Fred. J’ai beaucoup réfléchi au genre de vie que je voulais mener et, comme la vie est très courte et qu’on entend très souvent dire que, sur notre lit de mort, tout ce qui nous reste en souvenir, c’est l’amour et l’amitié qu’on a donnés et reçus, je ne veux pas finir seul comme mon père. Je veux ma femme, mes enfants près de moi, bien installés dans une confortable maison de banlieue. Je veux le cliché, quoi ! Oui, ennuyeux comme tableau, je vous le concède, mais c’est ce à quoi j’aspire. Je n’en demande pas davantage. J’ai des ambitions honnêtes : du bonheur, des sourires, une maison en désordre, des voyages, une famille, une femme complice, amie et amante à la fois.

C’est bien beau de rêver, mais il faudrait sérieu-sement que j’envisage de me remettre en selle avec les filles si je veux dénicher la perle rare. Pas d’amis, pas de sorties, pas de clubs, pas de réseaux sociaux (j’ai délaissé cela depuis l’accident). Ma vie sociale en a pris un coup, disons. Des amis superficiels, ma page Facebook : tout était devenu futile à mes yeux. J’ai donc laissé tomber tout ça et j’ai fait le vide. Ça

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m’a fait du bien, je crois, mais, maintenant, toutes ces distractions me manquent. J’ai besoin de sociali-ser. Je me sens revigoré plus que jamais, éclatant de vitalité. Il faut en profiter ! Je comprends que c’est le moment de m’ouvrir au monde qui m’entoure.

Quelle belle occasion à saisir aujourd’hui : 23 août, première journée de cours au Cégep de Saint-Jérôme. Le cours Écriture et littérature, que de plaisir en vue ! Je ne suis pas ironique. Honnêtement, je suis plutôt du type manuel, mais je possède un certain côté intellectuel. J’ai toujours eu un penchant pour la lecture. Des romans surtout. Évidemment, je me suis toujours arrangé pour bien cacher ce côté de moi à mes amis étant ado. C’est plutôt mal vu un gars qui lit ! Ça fait gay, selon plusieurs. Depuis que je suis majeur, toute-fois, j’assume de mieux en mieux ce goût pour la lecture, d’autant plus que j’ai compris que ça faisait craquer les filles. Un gars qui lit, donc qui sait réflé-chir, selon leur raisonnement. Je dois tenir ça un peu de mon père. Je l’ai toujours regardé avec fasci-nation dévorer des polars à profusion.

Mais, à ce qu’il paraît, mon côté plus sensible et intellectuel, je le tiens surtout de ma mère, une obsédée, si je peux dire, de l’art, une fausse actrice, une idéaliste qui a fait un bébé trop jeune et qui m’a abandonné quand j’avais à peine deux ans. Elle en avait 19 et toute sa vie devant elle. Elle rêvait de voyages et d’aventures. Je demandais de la dévotion, du temps, comme tous les bébés. Mon père m’a dit qu’elle n’était pas du genre « mère conciliant travail

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et famille ». Je crois qu’elle s’est donné l’obligation de choisir entre les deux et elle a su faire son choix. Je ne devais pas être une aventure assez extraordi-naire pour elle. Une chance que mon père est issu d’une bonne famille et qu’il avait une mère en or. Tous les deux, avec l’aide de mon grand-père un peu maladroit, mais qui m’aimait comme un fou, ils m’ont élevé de manière quasi exemplaire. Je n’ai pas à me plaindre. Ils m’ont donné suffisam-ment d’amour et de temps de qualité pour que je ne souffre pas trop de l’absence maternelle et que je réussisse à me forger malgré tout une solide confiance en moi-même. Elle a probablement fait le bon choix pour tout le monde, ma mère, en décidant de nous quitter. Peut-être nous aurait-elle détruits avec ses idées de grandeur…

Nous ne l’avons jamais revue. Mon père en garde toujours un souvenir amer quand il parle d’elle, mais il se souvient avec nostalgie qu’il n’avait jamais rencontré d’autres filles avec autant de charme et qu’elle était d’une beauté farouche, triviale. Une éternelle insoumise, inapprivoisable, qui n’en faisait qu’à sa tête. C’est d’ailleurs ce qui l’avait foudroyé d’amour dès leur première rencontre, bien qu’il ait toujours su qu’il devait se méfier, partir en courant même, mais qu’il en était tout simplement incapable tant qu’elle se trouvait près de lui. Elle l’avait attiré comme un aimant… jusqu’à ce que cette autre moitié aimantée disparaisse à l’autre bout du pays. Le magnétisme avait inéluctablement cessé de faire son effet avec le temps et la résignation.

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Bon, assez parlé d’elle. Je vous ai déballé l’essen-tiel à savoir sur sa personne invisible. Revenons à mon histoire.

La cloche sonne. Oups, désolé ! Pas de cloche au cégep… Nous sommes censés être de jeunes adultes (ou presque !) responsables. La chanson Radio active d’Imagine Dragons résonne dans mes oreilles. Une chance que les iPod existent ! Je me sens relax, bien dans ma peau et plein de ressources. J’entre dans le local correspondant au numéro inscrit sur mon horaire, le D-117. Une charmante prof d’une trentaine d’années nous attend avec son sourire Colgate Total. Bonne première impression. Plusieurs étudiants sont déjà arrivés, tous assis dans le même coin de la classe. Ils bavardent fort. Ils semblent se connaître depuis longtemps. La plupart doivent, comme moi, être en fin de parcours. Plus ardu de s’intégrer quand tout le monde se connaît ! Je prends place au milieu de la classe. Un gars à côté de moi boit une grosse Slush Puppie et mange des Smarties. Un peu tôt dans la journée pour ça, je trouve, mais c’est rafraîchissant. La canicule nous enveloppe à l’extérieur…

— J’espère que la prof est nice et qu’on n’aura pas plus de trois ou quatre romans à lire, parce que j’en ai marre de toutes ces lectures « plates » !

— Oui, j’avoue ! lui lancé-je d’un ton faussement approbateur.

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Les lectures du cégep ne m’emmerdent pas en général, mais les cours parfois, oui ! Tout dépend du prof.

— Moi, c’est Samuel. J’arrive de Mont-Laurier. C’est ma première session à Saint-Jérôme.

— Moi, c’est Liam, enchanté, mec.

Et nous nous sommes mis à discuter de tout et de rien. Qui a dit qu’il était difficile de se faire des potes ? Sympa le gars en plus. Simple, mais intéres-sant à la fois. Il me parle de son été à pêcher le doré avec son père et ses frères dans les Hautes-Laurentides. Il me présente également son voisin de pupitre, Siméon, son coloc qui arrive également de Mont-Laurier.

— On cherche à se faire un nouveau réseau d’amis à Saint-Jé. On se ramasse une petite gang pour aller faire le party au Vieux Shack ce vendredi. Viens donc avec nous. On va voir à quoi ressemblent les femmes de Saint-Jérôme. Tention, j’arrive !

— T’inquiète, Sam est plutôt du genre timide avec les filles. Grand parleur, tit faiseur, comme on dit !

— T’es donc ben con ! C’est fini ce temps-là…

Il change de sujet :

— Pis, vas-tu venir, Liam ?

— Oui, probablement !

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« Oui, pourquoi pas ? » me dis-je intérieurement. Je me sens en forme plus que jamais.

Le cours commence. La prof se présente, nous fait une description détaillée de son curriculum vitae. C’est là que tout commence. La porte s’ouvre brusquement. Malheureusement pour la retarda-taire, l’entrée se trouve à l’avant de la classe, juste à côté de la prof. Une fille, la respiration haletante après avoir manifestement couru pour tenter d’arri-ver à l’heure, atterrit tout droit devant Madame Légaré et une classe pleine à craquer. Quarante paires d’yeux la fixent. Elle ne semble pas s’en rendre compte tout de suite, puis elle aperçoit la prof qui la regarde droit dans les yeux :

— Oh… une retardataire…Vous êtes madame ?

— Roby. Félicia Roby… désolée… le station-nement…

— Eh bien, profitez-en Madame Roby, car les retards ne sont permis que le premier jour ici ! lui lance la prof d’un ton sévère qui sonne faux. Désolée pour les autres de vous l’apprendre.

La fille sourit timidement et devient soudain écarlate tout en manquant de trébucher sur le premier palier quand elle remarque enfin que la classe tout entière, jusqu’au niveau le plus haut, est en train de regarder le spectacle, amusée. L’étudiante se met désespérément à la recherche d’une place où asseoir son joli postérieur. Décidément, quand on veut faire vite et se faire discrète, le hasard joue

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contre nous ! Pas de place à l’avant. La chaise libre la plus près d’elle est celle à mes côtés. C’est mon jour de chance. Elle rejoint donc mon pupitre, car la classe est munie de tables noires rectangu-laires abritant deux chaises. Quelle joie ! C’est ma journée !

Étant du genre discret, mais pas timide, je la regarde sans gêne avec un petit sourire en coin alors qu’elle dispose son matériel devant elle et fait comme si elle était déjà concentrée à suivre le cours. Elle doit sentir mon regard posé sur elle, car elle se retourne. Nos yeux se rencontrent, se découvrent un instant, puis les siens semblent subitement offus-qués de cette intrusion dans sa bulle. Sa bouche également : pas de sourire pour moi. Elle se tourne à brûle-pourpoint vers le tableau et commence à prendre des notes très rapidement. Je fais de même. Je tente de canaliser mon attention sur l’explica-tion du plan de cours de la prof, mais j’ai du mal à me concentrer. Telle la lumière aveuglante d’un flash qui s’incruste au fond de notre œil même une fois disparue, l’image de la fille me harcèle. Je brûle de me retourner à nouveau pour l’observer. Petite brunette, ou plutôt châtain, pas très foncée en tout cas, de beaux yeux verts, légèrement en amande. Un teint plutôt hâlé étant donné les mois chauds de l’été, mais qui doit être assez clair quand l’automne s’installe. De longs cheveux épais qui semblent doux et soyeux. C’est d’abord leur odeur qui m’a attiré, une légère émanation de shampooing aux parfums exotiques, fruités et sucrés. J’adore ! Mes

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yeux s’éternisent… soyeux, si soyeux que j’y glisse-rais mes doigts à l’instant même. Et je continuerais mon chemin vers cette peau qui semble tout aussi douce, satinée, c’est indéniable. Sa voix me fait sortir de ma rêverie.

— Excuse-moi, as-tu retenu le titre du manuel optionnel à se procurer ? Je n’ai pas eu le temps de le noter.

— Euh… non, désolé.

Sale idiot ! J’aurais pu l’aider.

— Merci quand même, me chuchote-t-elle.

Le cours se poursuit et il m’est toujours aussi pénible de me concentrer à cause de la présence de cette belle inconnue, Félicia. Je connais son prénom au moins. C’est déjà ça ! Chose certaine : il y a des phéromones dans l’air ! Est-ce mon esprit qui disjoncte ou ressent-elle également cette tension électrique tout autour de nous deux ? Le cours se termine et elle se lève abruptement avant de quitter la salle d’un pas rapide. Moi, je reste assis, rêveur, à l’observer s’éloigner. Sam et Siméon semblent remarquer ma fixation.

— Ouin, tu as du goût ! Viens donc ce vendredi, elle sera sûrement là. Personne ne manque le party de la rentrée au Vieux Shack ! French assuré !

L’air détaché, je leur réponds :

— Elle est pas laide, la petite brunette.

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Ils acquiescent. Nous bavardons encore quelques minutes en quittant le local et échangeons nos numéros de cellulaire. Nous avons encore un autre cours demain tous les trois ensemble. Décidément, le Cégep de Saint-Jérôme est plutôt positif pour moi.

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Félicia

Ah merde ! Je déteste arriver en retard ! Tant pis, j’ai tellement couru. Pas question que je loupe

le premier cours de la session ! Je ne connais proba-blement personne dans cette classe qui pourrait me transmettre ce que j’aurais manqué. Je fonce, ouvre la porte et… bang ! Les grands yeux noirs d’une prof qui me fixe et qui m’adresse un commentaire gênant. Ça y est, je me sens virer à l’écarlate. Je me dirige vers l’estrade. Misère ! Je déteste avoir l’attention braquée sur moi ! Je suis servie avec tous ces yeux qui me dévisagent comme si j’étais une bête de foire. Je passe à deux doigts de trébucher.

Je cherche une place libre. Bon, en voilà une vers le fond. À côté d’un gars… J’aurais préféré une fille : moins intimidant ! C’est un beau gars en plus. Je m’assois rapidement, sors un cahier Canada et mon étui rose avec des plumes. Pourtant au magasin, il m’avait fait tripper, cet étui, mais là, en public, sortie de ma bulle d’été, je trouve que ça ne fait pas très sérieux. Ça fait même kitsch comme bébelle ! Le gars va rire de moi. J’ai des goûts douteux parfois. Il faudrait que je vieillisse un peu ! J’en sors le premier stylo que je touche. Je ne regarde pas mon voisin, mais je me sens observée. Je regarde du coin d’œil. Oui, il me scrute. C’est

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beau ! Le spectacle est fini ! Je peux repasser inaper-çue maintenant ? Je me sens mal à l’aise. Je suis une fille timide de nature. Bon, ça suffit, je n’arrive pas à me concentrer. Il semble amusé en plus, avec son petit sourire en coin. Je ne peux résister : je me tourne dans sa direction. Nos regards se croisent. Wow ! Quels beaux traits ! Je me perds dans son regard bleu clair et me retourne à la hâte, gênée. Il y a de beaux gars au Cégep de Saint-Jérôme. J’ai bien fait de venir terminer mes trois cours de base ici plutôt qu’à mon collège initial, Lionel-Groulx, moi qui voulais m’épargner du voyagement avant l’entrée à l’université et aussi me rapprocher de ma meilleure amie, que je voyais moins depuis qu’on ne fréquentait plus la même école.

Le cours se termine. Je me souviens que le seul espace de stationnement que j’avais finalement trouvé n’était valide que deux heures. Je me préci-pite donc vers ma voiture. Dommage pour le beau gars ! Pas le temps d’essayer de socialiser avec lui. Je le reverrai probablement lors du prochain cours.

Ouf ! Pas de contravention ! Je file prendre une bouchée au Thaïzone avec Vanessa. Nous nous racontons notre matinée, et je me prépare menta-lement pour mon entrevue de cette après-midi au nouveau magasin à grande surface Addams, près du centre-ville. J’espère avoir cet emploi, car je sais que les heures de travail y sont flexibles et c’est tout près de chez moi.

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Arrivée sur les lieux, je contemple le stationne-ment vide. Le magasin n’ouvre ses portes que dans dix jours. C’est énorme comme bâtisse. Tout brille, avec d’éclatantes fenêtres gigantesques et des effets de cristal et de marbre sur la façade. Trop classe pour ma petite ville, il me semble ! Ça détonne dans le paysage environnant.

Il est presque 17 heures. Je pousse la haute porte vitrée. La plupart des lumières ne sont pas allumées à leur plein rendement. Quelques travail-leurs déballent et disposent la marchandise. Ça sent encore la peinture fraîche. Impressionnant tout ça ! Je demande à un gars d’environ mon âge où se trouve le bureau des ressources humaines. Il m’explique. Je dois continuer tout droit, jusqu’au fond du magasin, et prendre le couloir. Ce sera la deuxième porte à gauche.

— Bonne chance, me dit-il en souriant. Luc, le gérant, est absent aujourd’hui. C’est le propriétaire de la chaîne de magasin lui-même qui te fera passer l’entrevue.

Petit stress supplémentaire, mais, en même temps, je ne me mets pas trop de pression, car c’est seulement un emploi d’étudiant. Rien de trop engageant. Juste parfait pour me concentrer sur mes études en sciences pures, en attendant mes études en médecine. Oui, j’ai de grandes ambitions depuis l’an passé. Ai-je vraiment ce qu’il faut pour ça ? Je n’en suis pas certaine à cent pour cent, mais qui risque rien n’a rien.

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Au fond du magasin, j’emprunte lentement le couloir, tenant serré contre moi mon porte-document qui contient mes C.V. J’ai extirpé de ma garde-robe des vêtements propres pour l’occasion. Jupe noire, chandail corail moulant mais simple ainsi que des talons hauts pas trop hauts ! Vanessa m’encourage toujours à en porter. Elle dit que ça fait tellement féminin et que ça met en valeur mes jambes. J’ai l’impression d’avoir plutôt l’air d’une secrétaire, habillée de la sorte, mais bon, ce style me plaît parfois. Je me sens classe et ça me donne davantage confiance en moi.

Deuxième porte à gauche. Me voilà ! Je suis au bon endroit. Un écriteau annonce d’ailleurs : Ressources humaines. La porte est fermée. Il est 16 heures 58.

— Vous me devancez, mademoiselle.

Je sursaute. D’où sort-il celui-là ? Un homme d’une quarantaine d’années, grand, cheveux foncés, yeux bleus, plutôt frappants, apparaît derrière moi. Comment se fait-il que je ne l’aie pas entendu s’approcher ? Je m’éloigne discrètement en faisant deux pas de côté.

— Gabriel Addams, enchanté.

Il me serre la main.

— Et vous êtes ?

— Félicia. Félicia Roby. Je viens pour l’entrevue.

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— Oui, Luc m’a mis au courant. Désolé pour le changement de plan. Comme l’ouverture arrive à grands pas, nous ne perdons pas de temps pour l’embauche.

— Aucun problème, je comprends ça… dis-je, un peu déstabilisée, pendant que l’homme déver-rouille la porte du bureau.

Je n’arrive pas à me faire une idée sur ce person-nage. Il fait très… patron avec son maintien et sa façon de garder ses distances. Mais aussi, il a quelque chose d’énigmatique, de ténébreux même, dans le regard. Nous pénétrons dans la large pièce munie d’un bureau, d’une petite table de confé-rence et de quatre gros sièges rembourrés. C’est tout neuf ici aussi. J’aime bien le style moderne et zen à la fois.

— Prenez place, je vous prie, me dit-il d’un geste de la main.

Je m’assois donc en me souvenant de ce que ma mère m’a dit si souvent : « Garde ton dos droit ! » Oui, maman… Il ne parle pas, donc je prends un peu nerveusement l’initiative de le faire :

— Voici mon C.V., au cas où vous n’avez plus celui que je vous ai télécopié.

L’homme me fixe d’abord sans rien dire. Je suis mal à l’aise. Un autre homme qui me dévisage d’une drôle de façon dans la même journée. Il baisse finalement les yeux vers mon C.V. et n’a l’air

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guère impressionné. J’ai seulement deux emplois à mon actif, mais j’ai quand même d’abord travaillé chez McDonald ! Ça compte ça !

— Vous vous passionnez pour les sciences, Madame Roby ?

Il n’est pas obligé de m’appeler Madame, il me semble… J’ai seulement 19 ans et nous ne sommes pas à l’école !

— Oui, en fait, je termine mon DEC en sciences pures et j’espère entrer à l’université en médecine l’an prochain, même cet hiver si possible.

— Très bien. Intéressant…Vous serez parfaite pour l’emploi en pharmacie, comme assistante d’abord, puis comme technicienne en laboratoire éventuellement. Si vous avez l’intention de demeu-rer parmi nous un temps appréciable, nous payons des formations, évidemment.

Cet homme m’intimide. Il doit être drôlement riche avec sa cinquantaine de magasins dans tout le pays. Son attitude est celle d’un P.D.G., mais pas nécessairement son look, plutôt décontracté, à la mode. Jeans délavés, chandail en laine légère avec fermeture éclair.

— Oui, cela m’intéresse vraiment.

— Eh bien, c’est réglé ! Je vous veux demain en pharmacie pour votre training.

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C’est tout ? Pas de questions du type « Parlez-moi de vous », « Comment vos collègues vous décri-raient-ils ? », « Quel est votre pire défaut ? » ou encore « Pouvez-vous me parler d’une expérience professionnelle dont vous soyez particulièrement fière ? » Rien de tout cela ? C’est si facile ?

— À quelle heure se terminent vos cours ?

— Je termine à midi le mardi.

— D’accord, donc…13 heures 30, ça vous va ?

— Oui, aucun problème… Je serai là sans faute, et à l’heure !

J’ai l’impression d’avoir prononcé cette dernière phrase dans le vide, car il ne me regarde plus, il est déjà plongé dans son écran d’ordinateur, occupé à pitonner. Je n’ai droit à aucune formule de politesse avant de partir, seulement un sec :

— Veuillez fermer la porte en sortant, s’il vous plaît.

Je sors, un peu sous le choc de cette entre-vue éclair. Au moins, j’ai le job. J’ai beaucoup de questions sur l’emploi, mais j’attendrai de les poser au gérant. Espérons qu’il soit moins intimidant que le proprio…

De retour à la maison, j’ai un petit creux. Il n’y a rien de tentant dans le frigo. Je me fais une tartine de beurre d’arachide et confiture de framboise accompagnée d’un grand verre de Quik. J’apporte

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le tout dans ma chambre, ouvre mon sac à dos et j’en sors les livres obligatoires du cours de littéra-ture que j’ai achetés plus tôt à la Coop du cégep : Don Juan, de Molière, Candide, de Voltaire, Les contemplations, de Victor Hugo, et Tristan et Iseult, un roman qui date du Moyen Âge, vers 1200 si je me souviens bien. Une histoire d’amour impossible. Un amour ravageur. Un preux chevalier, la fille d’un roi, un philtre magique. Moi qui rêve trop souvent d’amour depuis ces derniers temps, je pense que je vais commencer par lire celui-là.

Je connaissais un peu l’histoire, mais j’ai litté-ralement plongé dans ce livre traduit de l’ancien français. Dès les premières pages, je me suis surprise à imaginer Tristan exactement comme le gars du cours de littérature. Peut-être parce que c’est le dernier gars que j’ai regardé aujourd’hui ayant environ le même âge que ce personnage ? Oui, pas de doute, Tristan devait y ressembler : grand, beau et fort, de solide constitution. Et – le roman ne le mentionne pas – probablement aussi ces mêmes yeux bleu pâle. Le roman ne contient pas de véritable description physique du personnage principal en fait. Pour les détails, mon imagination s’en occupe fort bien, et je peux vous affirmer qu’il est vraiment d’une beauté rare ce Tristan, comme ce gars…

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