· Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En...

40

Transcript of  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En...

Page 1:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,
Page 2:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,
Page 3:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,
Page 4:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 5:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

vouscommencedéjààvoustuer.Alors,vousréalisezquevotreseulpartenairedanscetangoestlamort.Quandcetteguerreserafinie – si elle finit un jour – personne ne pourra en parlerfacilement. Tous vos rêves deviendront des cauchemars. Letempss’estarrêté.Touteunejeunesseaétédécimée.Etl’éténeseraplusjamaisbeau.»Est-il possible de se souvenir de cette dernière phrase sanspenseràl’été1978?Cetété-làj’étaisrestéunesemaineentièreà Sarajevo, participant en journée aux séminaires dudépartementorientalistede l’Université,etcontemplant lavilledu haut des collines la nuit. Ces collines, d’où l’on tiredésormais pour semer la terreur. Je ne pouvais pas savoir quemesamisd’alorsaffronteraientlamortdesannéesplustarddansuneguerresisanglante.JemesouviensdeSarajevo,desesmonumentsdontl’histoirecommence avec les Ottomans pour continuer avec lesHabsbourg.Lescoupolesdeplomb,lesminarets,lesbazars,lesbains publics, les medersas et les tékkés avec leurs coursretirées, les herbes folles qui poussent dans les cimetièrescommecheznousàEyüp,lesombresdesclochersquis’étalentsur lesbergesde la rivièreaveccellesdesgratte-cielsemêlentdansmamémoire.LesvieillesboutiquesdeBaščaršija,vestigesdu systèmeottomandes corporations, sont enpleineharmonieavec le bâtiment de la préfecture de style autrichien qui imitepourtant l’architecture orientale. Cette harmonie trouve plutôtsonoriginedansl’ententedespeuplesetdesreligionsquedansun simple agencement esthétique. Cela vaut aussi pour leminaretdelamosquéedeGaziHüsrevBey,latourdel’horlogeen pierre, ainsi que pour leurs arches en pierre et leurs garde-fous en acier. Et le Miljacka qui prend sa source dans lesmontagnes de Bosnie roule ses flots vers d’autres villes encoulant sous les ponts. Toutes ces villes ont elles aussi leurs

Page 6:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

mosquées, leurs synagogueset leurs églises.Ellesont chacuneune place dans ma mémoire avec leurs rivières, leurs pontsimmortalisés par des légendes qui unissent non seulement lesdeuxrivesmaisaussileshommesentreeux.Jepenseauxégliseset aux mosquées que j’ai vues à Sarajevo, aux épitaphes enhébreusurdesstèlesfunérairestoutesblanchesplantéesicietlàsur lesommetdelacollineBorak.Lalumièredes icônesdelaViergeéclairelesvieuxCoransquiremplissentlesrayonsdelaBibliothèque nationale. Elle éclaire enmême temps l’enceintede la vieille synagogue et les fresques de l’église orthodoxe.Malheureusement, tous les peuples de cette région –Musulmans,Orthodoxes,Catholiquesetjuifs–quiontvécusilongtemps ensemble, ne sont plus amis. L’année dernière, lacélèbrebibliothèquedelavillefutanéantieavectoutl’héritageculturel qu’elle contenait. Ce n’est pas seulement un bâtimentquiaétédétruit,mais l’identitémêmedupeuplemusulmandeBosnie.À Mostar, le pont, vieux de quatre siècles, a été égalementbombardé. Ce chef-d’œuvre suspendu dans le vide comme uncollierenargent,qu’avaitbâtil’architecteHayrettin,discipledugrand Sinan, n’est plus. Pourtant, il procurait tellement debonheur à ces enfantsqui, ruisselantde joie, plongeaientdansleseauxbleuesetprofondesde laNeretva.Bienqu’ils fussentdes enfants dont les pères et mères pratiquaient des religionsdifférentes, ils étaient de lamême ville et de lamême langue.Aujourd’hui, comme c’est triste de les voir devenir ennemis,alorsqu’ilsjouaientensemblecetété-là,cesmêmesenfantsqueje croyais unis tels les pierres du pont qui enjambe lesprécipices.JemesouviensdeMostaroùnousétionsalléspourlajournée;jemesouviensdesmursjaunes,verts,violets;desmaisonsdel’anciennevilleetdesesruesétroites,dumarchédesforgeronsetdesétameurs,delafontainesituéedanslacourde

Page 7:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

lamosquéeKaragozBey et de l’amitié, aussi transparente quel’eaujaillissantdumarbreetquines’estjamaisaltérée.Désormais, il ne reste plus rien des beautés qui, cet été-là,m’avaientenchantéenBosnie.Nilesponts,nilesamitiésn’ontrésistéàl’épreuvedelaguerre.LeminaretdelamosquéeGaziBeyàSarajevo,lui,résisteencoreauxbombardementsréguliersdes artilleurs serbes,mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand cesatrocités vont-elles durer ?Lesgens seront-ils arrachés à leursfoyers,àleursterresetàleursvies?Jusquequandcettepluiedesangetdefeutombera-t-ellesurmesamisdeSarajevoavecquij’avais partagé le bonheur de l’été 1978 ? Le fleuveMiljackapeut bien couler jusqu’à la fin des temps, jamais il ne pourranettoyerlasouilluredela«purificationethnique».NilaDrinaque lemaîtreAndrić immortalisa.Quelle terrible situationquedesuivresurunécrandetélévisionlesévénementsatrocesdelaguerreenBosnie!Non,jenepeuxpasresterindifférentàcequis’ypasse.Malheureusement,jenepeuxrienfaired’autrequedegribouiller ces lignes. Pourtant, le peuple de Sarajevo qui vitdepuis des mois sous le siège des Serbes a besoin d’actionsconcrètes.Là-bas, les gensont faim, les enfants ont besoindelaitetdepain.Nonseulementonneleslaissepasenterrerleursmorts, mais en plus, ils ne peuvent même pas soigner leursblessés.Lesartilleursserbesneleurdonnentpasuneminutederépit.Et les tireursd’éliteabattentcommedes lapinsdansunefêteforaineceuxquis’aventurentsurl’avenueVoyvadPutnika.Ils touchent une grosse prime pour chacune de leurs victimes.L’und’entreeuxexpliquaitdansunjournall’enthousiasmequesuscitaitenlui lachasseàl’homme,toutenserrantsonfusilàlunette sur sa poitrine. Un autre, Edward Limonov, l’écrivainrusse que j’avais jadis connu, racontait àma grande déceptionqu’il n’échangerait contre rien au monde cette forceextraordinaire que procure un fusil-mitrailleur derniermodèle.

Page 8:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 9:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

«LeschiffresdisentlescouffinsdesbébésLeschiffresdisentlescercueilsdesvillesLepaysavec103millionsd’habitantsAvecsesorphelinssesfousetsesruinesL’undeceuxquisontpartisétaitdecheznousIln’estpasrevenuIlestrevenuaveugleAvait-ildesyeuxbleusounoirs jenem’ensouvienspas trèsbienIlestrevenuavecunejambeenmoinsEtn’apuretrouverlaportedesamaison.»Ici, les combattants du front ne sont pas encore rentrés chezeux.Jesaisquelaplupartnepourrontretrouverlaportedeleurmaison.Mêmes’ilslaretrouvent,ilsnepourrontguèreyhabiter.Car à Sarajevo, lesmaisons épargnées par les bombardementssontbienrares.Maiscequim’alepluspeinéentantqu’écrivainfutladestructiondelaBibliothèquenationale.

Page 10:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

V

LemeurtreeutlieuàSarajevo

Un matin nous avons longé avec Sead le fleuve Miljackajusqu’auquartieroùse trouve laBibliothèquenationale.L’eauavait la couleur de la boue.D’après Sead, c’est à cause de lapluied’hiersoir.Selonmoi,celaestdûauxlarmesdesangduMiljacka qui irrigue la terre de Bosnie. Car ce fleuve est lamémoire du pays tout entier.Ne croyez pas que l’eau ne peutavoir de larmes. Si le cœur des hommes s’est tant endurci, sileursyeuxsontavidesdesang,s’ilsbombardentlesécolesetleshôpitaux pour le plaisir, alors l’eau peut verser des larmes desang.Oui,mêmel’eau.«Allahascelléleurcœuretleurouïe;sur leurs yeux est un bandeau. » J’avais lu ce verset de laSourateBakaraenexergueàunchapitredansLeDervicheetlamort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’aipensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin, le dervichemevleviqui,toutseul,tenaittêteàl’injustice.Sijemesouviensbien, son couvent se trouvait à Sarajevo, sur une collinerocheuseenbordureduMiljacka.Alorsque lederviches’étaitretirédumondepourseconsacreràlacontemplationmystique,ilserebellaitsoudaincontrelesdirigeantsafindesauverlaviedesonfrèrecadet,innocent,maiscondamnéàlapeinedemort.Finalement, ildevenait lui-mêmeunoppresseurmaissarévolteétaitjustifiée.Car«lescœursetlesoreillesdeshommesétaientscellés»,uneépaissenuits’étaitemparéedumonde.Personnen’entendaitlecridesinnocents.Commeaujourd’hui.PendantqueleMiljackacontinueàcoulerenécumantsaboue,nousarrivonsàlaBibliothèquenationaleenpassantparunpontauxarchesdepierrequidoitdaterdel’époqueottomanemalgré

Page 11:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

son nom : Latinluk. Il n’en reste plus que quatre façades. Latoiture s’est complètement effondrée sous une pluie deroquettes. Vue d’en bas, elle ressemble à une toile d’araignéeaccrochée au bleu du ciel.Désormais il ne reste plus rien desvieux manuscrits qui étaient soigneusement conservés dans laréserve, des rayons sur lesquels étaient rangés des milliers devolumesdegéographie,d’astrologie,delittératureetd’art.Ilneresteplusriennonplusdesminiaturesottomanesaussicoloréesque la mosaïque ethnique des Balkans. Les stucs décorenttoujours la façade principale mais la Bibliothèque n’est plusqu’un amas de ruines. J’ai soudain la sensation d’unétouffement.Àvraidire, jenem’attendaispasàun tel ravage.Pourtant je savaisque l’histoirede l’humanitéestmarquéepartant de barbarie, d’incendies et de ruines. De l’incendie de laGrande Bibliothèque d’Alexandrie jusqu’aux livres brûlés parles Nazis, en passant par les autodafés de l’Inquisition danstoutes les villes d’Europe, l’humanité a été témoin à chaquegrand tournant de son histoire de destructions comparables.MaisàSarajevo,onveutdélibérément anéantir la cultured’unpeupleeteffacersamémoiredelasurfacedelaterre.Cecrimeest,enplus,commisgrâceauxarmeslesplusperfectionnéesdenotre siècle. Je murmure les deux vers qu’Antonio MachadoavaitécritsàlamémoiredeFedericoGarciaLorca:«LemeurtreeutlieuàGrenadeDanssonGrenadeàlui.»Cette fois, lemeurtre eut lieu àSarajevo !LeGuadalquivir acoulé jusqu’icipour répandresur les livrescalcinés lesangdupoèteandalou.Etlesfascistesserbesontfusilléunevilleentièreavecsonpasséet sonavenirainsiquesonpatrimoineculturel.LemeurtreeutlieuàSarajevo,j’ensuistémoin.

Page 12:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 13:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

majorité.Maintenant, elle fait partiede laSerbie.Et lesTurcscommelesAlbanaisyviventsouspressionserbe.Nous allons atterrir dans unmoment.Alors que les roues del’avionsedéploientavec fracas, jemesouviensd’unechansonpopulairedeSkopje:«SurlaplainedeVardar,surlaplainedeVardar!Jen’aipugagnerassezpourépousermabien-aimée.»Ma grand-mère paternelle la chantait avec son accent deRoumélie en regrettant les merveilleux jours d’antan etl’abondance dans laquelle sa famille vivait avant d’émigrer enTurquie. « Je ne peux plus rester dans ces contrées »,chantonnait-elleamèrement,puiselleallumaitunecigarettetouten songeant au passé. Comme tous les rapatriés des Balkans,elleexagéraitpeut-êtreunpeu.Peut-êtrenevivaient-ilspasdansunesiprodigueabondance,maislesjoursdifficilesvécusaprèsl’exode vers la Turquie avaient transformé dans samémoire laplainedeVardarenunparadisperdu.Jeseraitoutàl’heuredansce paradis qu’elle avait façonné dans ses souvenirs. Et jechercheraienvainlamaisondeboisoùavaitpassésonenfancecellequim’appelaitpupulkam2,ainsiquelachambresilencieusedonnantsurlefleuveVardar,lemûrierdelacouretlesfêtesdesvendanges que l’on célébrait « avant que les Serbes n’entrentdansSkopje».Je me suis installé au Grand Hôtel. L’année dernière, à monretourdeStruga,j’étaisdéjàrestédanscethôtelpourunenuit.Rienn’achangédepuis : lemêmesalon, lamêmefroideurdesfauteuilsencuir,lespetitsdrapeauxdelaréception,l’ascenseur

Page 14:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

qui fait toujours autant de bruit à chaque arrêt et le bar retirédans un coin. Puis, la rareté des alcools sur les étagères. Parcontre, la carte géographique de l’ancienne Yougoslavie quioccupaittoutunmurn’yestplus.Àlaplace,onaaccrochéuntableau sur lequel une jeune femme se tient la tête entre lesmains,lesyeuxfixéssurlesol.Destachesabstraitestirantleurscouleurs de ses cheveux défaits virevoltent dans l’air. La nuit,ces taches semblent répandre la lumière sur la surface dutableau.Est-ce la lueurd’espoir de la nouvelleMacédoine, oubien la volonté de sortir de cette impasse, de cette situationtroubledans laquelle s’enlisent lesBalkans ?Cette fois-ci, onm’adonnéune chambre plus spacieuse. Jeme suis déshabillé,puis allongé sur le lit.La chaleur est insupportable et il n’y apas d’air conditionné. Il n’y en avait pas non plus l’annéedernière,mais lachaleurn’étaitpas si étouffante.Machambredonnaitsurunegaleriemarchande,c’est-à-diresurunemassedebéton.Cettefois-ci,j’aperçoisduhautdemonbalconlefleuveVardar, lePont-de-pierreet la forteresse juchéesurunecollineenface.Depuiscetteannée,deuxvolsparsemainesontassurésentre Istanbul et Skopje. J’avais tellement peiné pour arriverdans cette ville l’année dernière ! La route de Salonique étaitfermée à cause du conflit entre la Grèce et le nouvel Étatmacédonien,concernant lenomdecedernier.Demêmeque laroute de Belgrade, à cause de l’embargo imposé à la Serbie.Alors, j’avais dû me rendre jusqu’à Sofia en avion, puiscontinuermarouteàborddelavoitureenvoyéepar leFestivaldePoésiedeStruga.J’étaisattendupourunsymposiumsur«leParticulier et l’universel dans la poésie ». La trentième des« Soirées poétiques de Struga » allait se dérouler pour lapremière fois enMacédoine indépendante.Cettemanifestationlittéraire devait avoir lieu à tout prix en dépit des difficultéséconomiques et politiques, malgré la guerre qui continuait à

Page 15:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

deux pas de là. Le nouveau gouvernement voyait en ces« Soirées poétiques de Struga » une fenêtre du pays quis’ouvrait sur le monde et, pour cela, se pliait à toutes sortesd’exigences pour faciliter l’arrivée des écrivains et des poètesvenantdesquatrecoinsdumonde.Je suis seul cette fois. Seul dans cette chambre d’hôtel enpleine chaleur avec les souvenirs de l’année dernière. Je n’aiguère envie de sortir. Au lieu de m’abandonner à la sieste,j’essayedemerappelerlavilledeSofiaoùj’étaisrestéquelquesjoursavantdevenirici.J’aidebonnesraisonspourcela,carmesimpressionsdeSofia fontpartie intégrantedemonaventureenMacédoine.

2Monbébé,enmacédonien.

Page 16:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 17:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

sommeil profond et doux et dont les garde-manger étaientremplis de provisions. Les gens qu’on a arrachés à leur terreregrettent toujours le passé, ils racontent toujours les joursmagnifiquesd’antan,leurrichesseetleurmaison–oui,toujoursleurmaison–qu’ilsontabandonnée.Magrand-mèreétaitdecesgens-là,jeveuxdireunevéritable«rapatriéedesBalkans».Par la suite, j’ai retrouvé lamême nostalgie dans les romansdontleshérosétaientdesrapatriésdeRoumélie.Lanostalgieetl’accent local étaient les traits principaux de ces personnages.PrenonsMurtazad’OrhanKemalparexemple,quimetenscèneungardiendelapaixfortoriginal.Murtazasedistinguedesescollèguespar sonaccentde Janina. Il secroit responsablenonseulement du quartier qu’il surveille, mais aussi de l’honneurdesfemmesdecequartier,etplusencoredeceluidupaystoutentier.Ilasapropremanièredes’exprimerquidonneàpeuprèsceci:«Pendantlesguerresbalkaniques,ilestpartiaufrontluiaussi,levaillantcaporal,mononclematernelHassanBey,etd’attaquerles canons ennemis avec son sabre puis de tomber au champd’honneur et de verser son sang sur les terres sacrées de lapatrie!Allahdansleciel,l’ÉtatetlegouvernementàAnkaraetmoidanscequartier!Moi,Murtaza,onm’appelle,moiquineressembleàaucundemescollègues.MoiquisuisdeJanina!»La nouvelle de Furuzan intitulée Les Ponts d’Edirne, avaitégalementretenumonattention.Jenepensepasqu’ilexisteuneautre nouvelle dans la littérature contemporaine turque quiraconteaussibienlasolidaritéentre lesrapatriésdeRoumélie,leurdifficileintégrationdanslapatrienouvelleetleurespoirderetour aupaysoù ilsvivaientheureuxdans l’abondance. Ilmesemble entendre la voix de la bonne vieille tante Adile dequatre-vingt-dix ans, cette voix rauque, quelquepeumasculine

Page 18:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

et sentimentale pourtant, comme celle de toutes les vieillesfemmesdeRouméliequiontsurmontétantd’épreuves.Avecsonterribleaccent,elleévoquelebonvieuxtempsenRoumélie:«Sij’étaisjeune,jem’eniraisloind’ici.Lavieillesseestunsidurfardeau.Denosterres,personnenes’occupedésormais.Jen’arrive pas à comprendre la raison de tant d’efforts quefournissent nos hommes. Ils s’en vont à l’étranger, pour unailleurs incertain. Et ils laissent derrière eux la terre de leursaïeux. Tellement de sang a coulé pendant la guerre de 93,tellementd’hommesécartelés,démembrés.Et lesplusvaillantsguerriers se sont fabriqués des cannes avec des branches depommiers.»J’ai passé mon enfance à Akhisar, parmi les enfantsd’immigrés. J’ai joué aux billes avec eux, avec eux jeme suisbaigné dans la rivière. Ils se lançaient des jurons dont je n’aijusqu’à ce jour jamais pu connaître la signification. Ilsmontaient d’énormes étalons, avaient les yeux bleus et lescheveux blonds. Tous étaient des enfants de Rouméliotesrécemment immigrés.Quantànous,mon frèreetmoi,dont lesparentsétaientnésenTurquie,nousnouscroyionsdifférents,etbeaucoup plus turcs qu’eux. Nous nous moquions de leursvêtements, de leurs jurons, de leur parler. Bref, tout étaitprétexteàraillerie!Ànosyeux,ilsétaientignorantsdetout,ycompris de l’histoire de leur nouvelle patrie. Ils ne savaientparler que desméfaits du communisme,mais ne connaissaientquasiment rien de l’époque ottomane. Tandis que nous autresavionsentendumillefoisleshistoiresracontéesparnosgrands-mèresetconnaissionsparcœurlaguerrede93,lesdeuxguerresbalkaniques et ce qui s’était passé à la proclamation de laConstitution. Par la suite, quelques-uns de mes récits furentimprégnés de ces histoires. J’aurais tellement voulu que nos

Page 19:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

grands-mèressoientencoreenviepourlesécouternousdécrireleur«pays»aveccetaccentsisingulier!«Dansmoncherpaysquisentaitlarosetoutétaitbonmarché,nousavionsd’ailleursnous-mêmesunpotageroùnouscultivions toutdenospropresmains»,disaittanteAdileenfaisantsonmarchéàIstanbul.Curieusement, l’exode des rapatriés de Roumélie ne cessajamais,depuislaguerrede93jusqu’ànosjours.Aulendemaindesguerresbalkaniques,lorsdel’échangedespopulationsaprèsl’Indépendance, puis entre 1950 et 1960 et même lors del’ouverture récente des frontières4 aux Turcs de Bulgariepersécutés par Jivkov, les Balkans se vidèrent de leurspopulationsmusulmanes.Mais la plupart de ces « rapatriés »retournèrent en Bulgarie, faute de pouvoir s’adapter à leurnouveaupaysqu’ilscroyaientricheetprospère.Il est un personnage particulièrement attachant dansMacédoine 1900 de Necati Cumalı, originaire de Florina. Ils’agit de sonproprepèrequi a été contraint d’émigrer avec safamilleenAnatolieaprèslapremièreguerrebalkanique.Cumalıdécritdansce livre laMacédoinedudébutdusiècle.Àtraversses souvenirs d’enfance, il évoque lesComitadjis bulgares quiallumaientdesfeuxsurlescielsdesmontagnesenneigéesetquidansaientaurythmedemélodiespleinesd’entrain,ainsiquelesamisdesonpère,jeunesofficiersottomansetmembresduparti« Union et Progrès ». C’était l’époque où, pour entrer dansl’organisation clandestine, on jurait fidélité, les yeux bandés,unemainposéesurleCoranetsurunrevolver.C’étaitl’époqueoù le héros légendaire, Niyazi Bey de Resne, s’était rebellécontrelepouvoirimpérialetavaitprislemaquisaccompagnédesoncerfauxcornes fourchues.C’étaient les joursprécédant laproclamationde laConstitution,vécusdans lapeuret l’espoir.Bienqu’ayantprispartà tous lesévénementsdecettepériode,

Page 20:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 21:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

pourques’ouvreuneécoleturqueenMacédoine.Avant,c’est-à-dire depuis les médersas ottomanes, il n’y avait ici aucunétablissementdelangueturque.« Notre école ouvrit ses portes dès la proclamation de laRépubliquedeMacédoineen1948,meraconteRecepBougarić.Encetemps-là,nousn’avionspasdepersonnel,nidemanuels.Il a fallu beaucoup d’efforts pour arriver là où nous sommesaujourd’hui.Nous dispensons un enseignement de huit ans enlangue turque. Le macédonien est enseigné comme secondelangue mais notre principale langue de travail est fortheureusementleturc.Voussavez,quandnotreécolefutouvertejusteunmoisetdemiaprèslalibérationdeSkopje,nousétionssurlepointd’oublierleturc.Laplupartd’entrenousnesavaientd’ailleursnilire,niécrire.Danscesconditions,ilétaitvraimentcourageuxd’assurerunenseignemententurc,maisgrâceànotreattachementànotrelanguematernelle,nousavonspusurmontertouteslesdifficultés.»L’école turque «Tefeyyüz » se trouvait dans l’ancienne ville.Envisitantlasalledesprofesseurs,labibliothèqueetlasalledeconférences, j’ai été quelque peu surpris par la présence denombreux bustes d’Atatürk. Cet établissement qui prodiguaitaux élèves une formation primaire et secondaire depuiscinquante ans, revendiquait l’héritaged’AtatürkbeaucoupplusqueseshomologuesenTurquie.Elleavaitadoptélalaïcitéetleraisonnement scientifique comme principes fondamentaux. Encela, l’école « Tefeyyüz » était un modèle de l’enseignementlaïc,quisefaitmalheureusementdeplusenplusraredansnotresystème éducatif en Turquie, où les écoles coraniques semultiplient.«Notre but est non seulement d’affirmer notre identité,maisaussi d’éduquer nos enfants pour les voir un jour devenir de

Page 22:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

véritables citoyens de ce pays, dit Recep Bougarić. Ceux quin’ontpasémigréenTurquiedoiventêtreconsidéréscommedescitoyens à part entière de la Macédoine, qu’ils soient turcs,albanaisoumacédoniens.»En Macédoine, dont la population dépasse à peine deuxmillions d’habitants, les Turcs sont au nombre de cent mille.Mais, à en croire Bougarić, ils seraient plus nombreux s’ilsn’avaient pas voulu eux-mêmes être recensés commeAlbanais,étant donné que ces derniers constituent la communautéethniquelaplusimportanteaprèslesMacédoniens.Ilyaeuaussidesmariagesmixtesentrelesdeuxcommunautésqui parlent des langues différentes, mais qui ont la mêmereligion. Je me souviens des villages que j’avais vus l’annéedernièreprèsdeGostivar. Juchéssur les flancsdesmontagnes,ils avaient chacun unemosquée flanquée d’unminaret à deuxbalcons. J’avais cru alors que nous traversions une régionhabitée par les Turcs. C’est à Struga, lors d’une conversationavecleresponsableduFestival,quej’apprendraiqu’ils’agissaiten fait d’un village albanais. La Macédoine est une vraiemosaïqueethniqueavecsesAlbanais,sesTurcs,sesSerbes,sesValaques et sesTziganes.Cen’est doncpas pour rien que lesFrançais appellent « macédoine » une salade dans laquelle setrouveunmélangedelégumesetdemayonnaise.J’avais fait la connaissance de Luan Starova en Sicile, lorsd’une rencontred’écrivainsméditerranéens.Depuis, nousnoussommessouventrevus.L’annéedernière,danslacourombragéede l’église Sainte-Sophie à Ohrid, nous avons participéensembleàuneémissiondetélévisionoùnousavonsparlédelanécessitéd’undialogueentrelesculturesdespaysbalkaniques.Luan écrit ses romans aussi bien en macédonien qu’enalbanais.Sonépouse,d’originealbanaise,estjuriste.QuantàlafamilledeLuan,elleestenpartied’origineturque.LuanStarova

Page 23:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

est le cousindeFethiOkyar, compagnond’armesd’Atatürk etson adversaire politique. Pour cette raison, il porte un intérêttout particulier à la Turquie. À l’époque de Tito, il étaitambassadeurdeYougoslavieàTunis.« À cette époque, dit-il, notre pays était respecté dans lemonde. Aujourd’hui, notre horizon s’est considérablementrétréci. De plus, la situation économique s’aggrave de jour enjour. » Je sais que beaucoup d’intellectuels ex-yougoslavespensent comme Luan,mais ne le disent pas par crainte d’êtretraitésde“nostalgiques”.»« La raison de la guerre en Bosnie n’est pas seulement lenationalisme exacerbé des Serbes, continue-t-il. Tito avaitconstituéunearméepuissantepourdéfendrel’indépendancedelaYougoslavie.Maisaprès samort, ce sont lesSerbesquionthéritédel’armementlourd.Sil’onnetrouvepasdesolutionauconflitarméenBosnie,laguerrepeuts’étendrejusqu’ici.»Luanaraison.LasituationdansleKosovoestdéjàtrèstendue.Je lui explique que la Turquie a peut-être tort de mener unepolitiqued’alliancesdanslesBalkans.Carcelles-cionttoujoursaboutiàlaguerredanscetterégiondumonde.En1912, laBulgarie et laSerbie s’étaient entenduespour separtagerlaMacédoineencasdedéfaiteottomane.Cette alliance fut suivie d’une autre entre la Bulgarie et laGrèce,puis leMonténegrosignaàsontourunaccordmilitaireavec la Bulgarie et la Serbie. Quand la première guerrebalkanique éclata, la Turquie était affaiblie et bien isolée.Devant l’avancée de l’armée bulgare jusqu’à Çatalca, lapopulation turque des Balkans fut en partie chassée de laRoumélie.Maisprofitantd’undésaccordentre lesalliés sur lepartage de laMacédoine, les Turcs réussirent à récupérer unepartiedeleursterritoires.

Page 24:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 25:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

XIII

Poissonsquis’enfuientaufonddulacOhrid

C’estmondernier jourenMacédoine.Àl’hôtelDrim, jesuissurlebalcondemachambrequisurplombelelacOhrid.Enbas,lesroseauxbruissentauborddulacetlefleuveDrimcoulesousun pont de bois. En face, d’immensesmontagnes se dressent.Derrière elles, se trouve l’Albanie, le pays des aigles noirsqu’Enver Hodja avait fermé au monde pendant de longuesannées. Jemesuis toujours intéresséàcequi s’ypassait,plusparticulièrement après mon adhésion à un groupe d’extrêmegauche dans lequel je ne suis pas resté longtemps. J’ai doncsuivi deprès les efforts de redressementde cepays et sa lutteeffrénéepourl’indépendancequisetransformaprogressivementen paranoïa, après avoir tout de même tenu tête à l’Unionsoviétique,puisà laChine.Aussiétais-jecurieuxdedécouvrir«l’hommenouveau»querevendiquaitlerégimecommunisteetlavilledeTiranaoùjen’étaisjamaisallé.Finalement,lapassiondeladémocratieatteignitcepays–oui,mêmel’Albanie«pureetdure».Lesstatuesfurentdéboulonnéesuneàune.Désormais,le culte d’Enver Hodja n’existe plus, ni même « le miraclealbanais ». Selon la presse occidentale, ce pays serait le pluspauvre, le plus arriéré des Balkans et, comme dirait Demirel,notre chef d’État actuel, « n’ayant pas dix sous pour vivre ».C’est pour cette raison qu’aller en Albanie ne me tentait passpécialement. Mais de Struga, il est possible de se rendre àTirana pour la journée avec une voiture de location. Voir surplacelamisère,lesmaisonsenruinesetlesenfantsaffamés,sepromener dans une ville fantôme où seuls circulent des

Page 26:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

charrettesetdesvélos…Puis,peut-être,sefairedétroussersurlecheminduretour.Onmeracontal’histoired’unhommecurieuxcommemoi,quiavaitlouéunevoitureàStrugapourvisiterl’Albanie.Ils’étaitarrêtéàunestationd’essencepourallerauxtoilettes.Etquevit-ilàsonretour?Lesquatrepneusde savoitureavaientdisparucommepar enchantement ! Les voleurs avaient profité de son absencepour emporter les pneus. Cette histoire me rappellecurieusement ledébatauseinduparticommunistefrançaissur« la dictature du prolétariat ». À cette époque, un grouped’intellectuels communistes parmi lesquels se trouvaitAlthusser, avait soutenu « la dictature du prolétariat » que ladirectiondupartivoulaitabandonner,endisantqu’ilétaitaussidifficiled’abandonnerunconceptmarxistequ’unefemme.Nousconnaissons la suite ! Quant aux dirigeants albanais, ilss’entretuèrent pour se débarrasser de leur propre dictature. JeveuxdireparlàquelaquestionalbanaiseestunesortedeboîtedePandoredanslaviedecertainsd’entrenous.Elleestpropiceauxréponsesévasivesdugenre:«Ahoui!JeconnaisbienlesAlbanais, ils adorent les poireaux », ou encore : « Avant laRépublique, ilsvendaientduboza13dans les ruesd’Istanbul».Jem’étonneencoredufaitqu’onaitpunousfairecroirequecepaysétaitlevéritablebastionducommunisme.Voilàcequ’écritunami,MesutTufan,quiyestrécemmentallépourletournaged’unfilmdocumentaire:«C’estlepaysleplusétrangequej’aiejamaisvu.Commesiletempss’étaitarrêtédepuisundemi-siècle(etjemedemandes’ils’écoulaitavant).Ondiraitqu’ilsontétéparachutésdejenesaisoù dans les années 1990. Aucun bâtiment n’a fait l’objet derestauration depuis la révolution culturelle. Je suis dans uneville fantômedequatrecentmillehabitants.UnTurcvenddes

Page 27:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

sandwichs à une vingtaine de mètres de l’ancienne statue deStaline.Lapyramided’EnverHodjaesttoujourslà,etbiensûr,justeàcôtéduCentreculturelaméricain.»Le lac Ohrid tout bleu scintille sous le soleil. Quant auxmontagnes d’Albanie, elles sont teintées de gris comme hier,quand nous sommes allés pique-niquer à Naûme avec lesécrivains invités au Festival de Struga.Nous avons traversé lelacduNordauSudenuneheure.Àgauchedéfilaientlesrivesde la Macédoine, à droite les montagnes d’Albanie. NoussommesarrivésàNaûmeenfredonnantleschansonsdecesdeuxpays. Le monastère était là, sur le versant d’une collinerocheuse : de hautsmurs, quelques peupliers et une église autoit de briques rouges dont les tours et les fenêtres faisaientpenserdavantageàunepetitemaisonqu’àunlieudeculte.Envisitantcetteéglisequiest laplusanciennedeMacédoine,j’aisongé aux frères Cyril et Méthode, inventeurs de l’alphabet«cyrillique».Àpartird’ici,ilsavaientouvertunenouvellevoieentraduisantla Bible et les Évangiles dans la langue des tribus slaves.Renonçant aux joies terrestres, ils avaient pris la route pourrépandre«laparoledeDieu»danslesBalkansetchristianiserlestribusslaves.Aujourd’hui,ilsreposentauborddulacOhrid.Ils sont toujours ensemble dans le monument qui porte leurnom.Méthode,assis, tournelespagesd’ungrandlivreécritencyrillique. Avec leur regard distrait et leur barbe hirsute, ilsparaissentpensifs.Jelesaivusensemble,commedeleurvivant,dans lemarbre dumonument érigé à leurmémoire face au lacOhrid. Et je me suis rappelé ce qu’avait écrit leur discipleClément. Le patriarche fondateur de l’École d’Ohrid quirayonna du IXe au XVIIIe siècle disait que Cyril s’élevait

Page 28:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 29:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

appliquèrent aux Turcs durant les guerres balkaniques futadministréeplus tardauxBulgarespar lesGrecs.LesBalkans,celivreécritparuntémoinoculairedesévénements,WilliamM.Shoane,professeurd’histoire auxUSA, est ouvert devantmoi.Voiciunextrait de la lettred’un soldatgrecdatéedu11juillet1913:«Cetteguerrefutunvéritablecarnage.NousavonsbrûlétouslesvillagesabandonnésparlesBulgares.Euxaussibrûlentnosvillages. Nous avons eu raison de ces fourbes avec nos fusilsMannlicher. Parmi lesmillions de prisonniers que nous avonsfaits à Nigrita, seuls quarante et un ont pu survivre. Noussommesdécidésànepaslaisserlamoindretracedecetterace.»Et un autre soldat grec écrit ces lignes àKarka, le 12 juillet1913:«Surl’ordreduRoi,nousavonsincendiétouslesvillages,carceux-ciavaientincendiéàleurtournosbellesvillesdeSerezetdeNigrita.MaisnousavonsétéplussauvagesquelesBulgares,nous avons violé toutes les jeunes femmes qui nous sonttombéesentrelesmains[…]Jemesuisemparéd’unejeunefilledeSerezquifutimmédiatementtuée.Maisavant,nousluiavonsarrachélesyeux.»Etunautresoldatdeconclure:« Il est impossible de décrire ces atrocités. Dieu seul saitjusqu’oùnoussommescapablesd’aller.Nousnousexterminonsréciproquement.»Lespeuplesbalkaniquesquiavaientvécusousl’administrationottomaneunevéritable«paxottomanica»jusqu’auXIXesièclefurent dressés les uns contre les autres par les Étatsimpérialistes.Cettebellerégionsetransforma,selonlesproprestermes d’Ashmead Barlette, un observateur impartial, « en un

Page 30:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

champderuinessuiteàungrandcataclysmeetàl’invasiond’unAttilades tempsmodernes».Decettehorreur, lesétats-majorsn’étaientpaslesseulsresponsables,maisaussilesintellectuelsultra-nationalistes et même les poètes – oui, malheureusementlespoètesaussi.VoiciquelquesversdupoèteIvanArkudoff:«RegardecemisérablevieuxboiteuxquifuitdevantlamortetlacolèreÉcrase-lesoustestalonsdefer,arrache-luilesyeuxCarcesyeux-lànesontpasdignesdelaBulgarie[…]Pourquoihésites-tu,jeunessebulgare!Enavanttoute!Toujoursenavant!Cetapisfaitdecadavresd’enfantsetdefemmesSedérouledevanttoiaussidouxquelegazonfleuriRajeunistonâmeavecl’odeurdeleurjeunessePuis,ivred’acharnementetd’héroïsme,répandsdesfleurssurlaterreEtavancecommesitumarchaissuruntapisdeveloursdansunpalais!»Jen’aipasl’intentionderépétericilesrécitsdemagrand-mèrequi n’était encorequ’une jeune fille quand lesGrecs entrèrentdans Salonique et les Bulgares dans Edirne, ni de raviver laflammedes souvenirs d’horreur dontmes grands-parents, ainsiqu’Ömer Seyfettin, furent les témoins. Je veux simplementsoulignerladimensionhumainedeladestructionprovoquéeparlesguerresbalkaniques,enespérantquecesmêmesdouleursneserontpasrevécues.La défaite ottomane lors de la première guerre balkanique

Page 31:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

facilitaenquelquesortelatâchedel’arméegrecquequiréussitàpénétrerdansSaloniqueunjouravantl’arméebulgare,en1912.Ainsi, laville futdétachéede lasouveraineté turque,vieilledecinqsiècles.Maisleschosesprirentuneautretournuredèslorsqueseptannéesplustard,lamêmearméenourriedurêvedela«GrandeGrèce»entamasonavancéeenAnatoliecentrale.Et ce rêve ne prit fin qu’avec la « Catastrophe d’Asiemineure ». Beaucoup d’eau coula sous les ponts pendant lescinquante années qui nous séparent de cet événement. Aprèscette catastrophe, laGrèce connut d’autres tragédies, telles lesdeux guerres civiles et l’occupation nazie.Mais l’année 1922restera toujours un tournant dans la conscience nationalegrecque.Carlepeuplegrecavaitpourlapremièrefoisvécuunevéritabletragédiesociale.Lescentainesdemilliersderapatriésoriginairesd’Anatolie,contraintsdefuirenlaissantderrièreeuxleurs terres, leurs maisons et leurs voisins avaient connu lamisère et le désespoir pendant de longues années sans jamaispouvoirs’intégreràleurpaysd’accueil.JemesouviensdesruesétroitesetensoleilléesdeNeaSmyrnia(lanouvelleSmyrne)àAthènes,où jemepromenaisavecmonex-épouse. Les récits que nous racontait tante Stamatula quiavait perdu sa famille pendant la guerre me reviennent enmémoire.Dans ma nouvelle Une Maison à Athènes inspirée d’unephotographiequej’avaisvuecheztanteStamatula,j’avaisvouluraconter l’odysséed’unGrecquin’avait connud’autremaisonquecellequ’ilavaitquittéeenfuyantl’arméeturqueàSmyrne,sonerrance, telUlysse, d’unpays àun autre, d’une solitude àuneautre,jusqu’àsamortsuruneîleenproieauxlézardsetauvent.Monbutétait,nonpasdecontribueraurapprochementdespeuplesturcetgrec,maisdemettrel’accentsurledéracinement

Page 32:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 33:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Pourtant,lespopulationsdecesdeuxvillesavaientpartagétantde choses depuis des siècles ! Même s’ils n’avaient pas priédanslesmêmeslieuxdeculte,ilsavaientlabourélamêmeterreet partagé la même eau. Qui se serait douté qu’un jour lacatastrophearrivéeen1912auxTurcsdesBalkansallaitfrapperen 1922 lesGrecs d’Anatolie, que depuis ce jour le différendentre la Turquie et la Grèce perdurerait malgré diversestentativespourlerégler?Jepourraisécrire longtempsencoresurcesujet.Mais jen’enaipasletemps.Monavionpartdansuneheure.Queldommage,c’est justement l’heure de l’apéritif. Et si je commandais unouzo,enturccettefois-ci?Sijelevaismonverreàlasantédenosdeuxpeuples,auxjoursdepaixquenousn’avonspuvivreet à la fraternité des peuples balkaniques ? Je sais que lasolution de nos problèmes exige une démarche réaliste et nonpassentimentale.Maisqu’importe!VoilàcequedisaitSaitFaikdansKalinikhta:« Yani, ô Yani ! Yani le brun ! Toimon amiYani aux yeuxnoirs, petit-fils dePanayotis, le joueurd’orguedeBarbarie deBeykoz. Chante en grecMa beauté noire au goût de piment.[…] Il fait nuit. […] Les enseignes lumineuses s’éteignent.L’herbes’obscurcit.[…]Yanaki,leslumièress’éteignentsurlaplace Omonia. […] Le garçon du café Excelsior sur la placeOmoniamelance:KalinikhtaKirios22.Moiaussi,Pancho,jetedisKalinikhta!»Oui, la nuit tombe sur Salonique. Les eaux s’assombrissentdans le golfe. Moi aussi, chère S… je te dis Kalinikhta !Kalinikhtaàvoustous,amisgrecs!

Macédoine–Istanbul–Salonique,août1993

14Kemalsignifie«maturité»enottoman.15 Allusion aux jeunesmilitants exécutés après le coup d’État militaire du

Page 34:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

12mars1971.16Partiedelamaisonréservéeauxhommes.17Régimentspécialpourlesnon-musulmansd’Anatolie.18Danseanatolienne.19ChansonsdesGrecsd’Anatolievenantdesmilieuxpauvres.20JuifsdeSaloniqueconvertisàl’islam.21 Allusion à la Révolution Jeune-Turque qui proclame la Constitution de1908.22«Bonnenuit,Monsieur»engrec.

Page 35:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Sarajevo-Mostardenouveau

Page 36:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Page 37:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

Même si j’ai dit que je n’étais pasvenu àStariGrad afindevoir le vieux monastère transformé en musée, je n’ai pum’empêcherde jeteruncoupd’œilàcebâtimentqui jouxte lamaisond’Hektorović.Lesmonastèressetrouventenprincipeausommet des montagnes, éloignés des lieux d’habitation, alorsquecelui-ci,dominicainde surcroît, était situéaumilieude laville,aucentred’unepetitecourentouréed’arcades.Sonégliseressemblaitplusàuneforteressequ’àunlieudeculte.LesTurcsmesontencorerevenusàl’esprit,j’aiimaginéUluçAliReisetses hommes assaillant les hautes murailles avec leurs sabrestranchants. Ils n’attaquaient pas la foi catholique, mais uneforteresse. Les Ottomans octroyaient certes la liberté de culteaux populations vivant sur les terres conquises mais ellesn’étaient pas dupes de cette ruse. Cela dit, nous ne pouvonsguère faire abstraction de l’image négative du « Turc » quihantaitlamémoirecollectivedupeupledalmatedontlacultureparticulière propre à cette géographie se développa sousl’influence de la République de Venise. Mais ces jours deconflits appartiennent désormais au passé, aujourd’hui laTurquie comme la Croatie sont candidates à l’entrée dansl’Unioneuropéenneetentretiennentdesrelationsamicales.Onentreaumuséeentraversantunecourintérieureombragéepar les orangers et les palmiers. Parmi les objets exposés, leslettresd’Hektorovićainsique ses livres imprimésàVeniseontattirémonattention.Oncomprendquelemaîtreétaitenétroiterelation avec la culture italienne qui prédominait à l’époque,maismalgré cela, il était considéré comme l’undes fondateursde la littérature croate.On le trouve aussi dans un tableau duTintoret. Lorsqu’on voit la maison du maître et son stylegothique inachevé qui s’érige tel un spectre au centre deHvaraujourd’hui, on comprend l’omniprésence d’Hektorović. Àl’arrière-plandutableauduTintoret,onaperçoitsurunecolline

Page 38:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

uneoliveraieetdeuxcrucifixs’élançantversleciel,aupremierplanapparaissentcinqfiguresrassembléesautourducorpssansvieduChrist,entouréd’unlinceulblanc.Lepoètesedistingueparmieuxavecsescheveuxcourtsgris,sabarbeblancheetsonhabitdeveloursrougefoncé.Àcôté,lajeunefemmequiscruteavecplusdecuriositéquedepitiéledéfuntdoitêtresafilleet,toutprèsd’elle,songendre.Sont-ilspartisenfamilleàVenisepour servir de modèles au peintre, ou est-ce Le Tintoret enpersonnequis’estdéplacéjusqu’ici?Jenelesais.

***

Hvar (qui vient du grecFaros) n’est pas seulement l’une desplusbellesvillesdel’Adriatique,ellepossèdeaussiunhéritagehistoriqueavecsaforteressejuchéesurlacolline,sestours,sesrues quimontent et qui descendent, ses constructions de stylegothiqueetrenaissance,sonvieuxchantiernavaletau-dessus,lepremier théâtre d’Europe ouvert au public. Ici, on peutégalement voir des maisons décorées de mosaïques romaines,desmurssur lesquelssedressentenbas-relief le liondeSaintMarc.Etcettearchitecturedepierrevousrappelleàchaquepasquevousvoustrouvezbiensurlescôtesdalmates.Onn’appellepas lamerAdriatique la«baiedeVenise»parhasard,commel’a précisé FernandBraudel, car du point de vue architecturalc’est l’endroit le plus harmonieux de la Méditerranée. Ayantrompuleursliensaveclaterre,lesvillesnefontplusqu’unaveclamer.Et grâce au commercemaritime, elles se développèrenttout au long de l’histoire. Cependant, l’île possède égalementdes terres fécondes, des vignes, des oliveraies, mais en sepromenantdanslesruesdeHvar,enregardantlesyachtsancrésauquai,entraversantd’unboutàl’autrelaplusgrandeplacedeDalmaties’étendantentrelacathédraleetlechantiernaval,vousréalisez que vous êtes bien – non pas dans un petit village –

Page 39:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

maisdansunevilleeuropéenne.Jésus,quel’onenterresurletableauduTintoretdumonastèrede Stari Grad à Hvar, mange avec ses apôtres sur un autretableau,celuideMatteoPonzzoni–encoreunpeintrevénitien–qui recouvre tout le mur principal de la salle à manger dumonastère franciscain situé au bord de la mer. Du vin rougeremplitlescarafes,ilyadupoissondanslesassiettes.EtsurlatêtedeJésusplacéjusteaucentredelatableapparaituneaurajaunepaille.C’est ledernier repas.Le filsdeDieusera toutàl’heurecrucifiésurleMontdesOliviers.Pourtantiln’yapaslamoindrecraintedanslesregards,nideJésus,nidesapôtres.Ilssonttousplongésdansuneconversationhouleuse.Ilestévidentqu’ilssetrouventnonpasàJérusalemmaisenDalmatie.Ilssontheureuxdans ce lieu sanspareil que le climatméditerranéenaoffert à l’homme.À l’arrière-plan, on prépare le repas dans lacuisine que l’on aperçoit à travers une porte entrebâillée, lesserviteurshabillésd’ununiformeensoieàrayuresjaunesetbleumarinessepressentpourservirduvin.Sivousvoulezmonavis,Jésus comme ses apôtres est ivre. Ils semoquent tous de leuravenir.CelavautlapeinedeveniràHvarjustepourcontemplercetableau.

Hvar,2010

Page 40:  · Sourate Bakara en exergue à un chapitre dans Le Derviche et la mort de Meša Selimović. En marchant le long du fleuve j’ai pensé au héros de Selimović, Ahmet Nurettin,

DumêmeauteurRomansetnouvellesUn Long été à Istanbul, Gallimard, coll. Du monde entier, 1980, coll.L’Étrangère,1992etcoll.l’Imaginaire2007LaPremièrefemme,Seuil,1986.(Coll.Points,1994)LesLapinsducommandant,Messidor,1985.(Coll.Points,1995)LeDerniertramway,Seuil,1991.(Coll.Points,1996)LeRomanduconquérant,duSeuil,1996.(Coll.Points,1999)LaMortdelamouette,FataMorgana,1997LesTurbansdeVenise,Seuil,2001BalconsurlaMéditerranée,Seuil,2003Aupaysdespoissonscaptifs–Uneenfanceturque,Bleuautour,2004Lesfillesd’Allah,Seuil,2009

Récitsdevoyages,essaisNazimHikmetetlalittératurepopulaireturque,L’Harmattan,1987Istanbul,unguideintime,Autrement,1989PaysagelittérairedelaTurquiecontemporaine,L’Harmattan,1993Parolesdévoilées,Anthologiede la littérature féminine turque,Arcantère-Unesco,1993JournaldeSaint-Nazaire,Meet,1995RetourdanslesBalkans,Quorum,1997LeMouvementperpétueld’Aragon,L’Harmattan,1997UnTurcenAmérique,Publisud,1997LeDervicheetlaville,FataMorgana,2000YacharKemal–LeRomand’unetransition,L’Harmattan,2001Miragesdusud,l’Espritdespéninsules,2001.(Coll.Points,2005)Lechantdeshommes,LeTempsdesCerises,2002Devilleenville.Ombresettraces,Seuil,2007Besançon,natureintimedutemps,Empreintetempsprésent,2007LaTurquie:uneidéeneuveenEurope,Empreintetempsprésent,2009Septderviches,Seuil,2010Belleetrebelle,maFrance,Empreintetempsprésent,2011