soulie2000a

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  1 Mais que deviennent nos étudiants ? Une enquête sur le devenir professionnel des étudiants en sociologie Soulié Charles E mail : charles.soulie@wanadoo.fr (article paru dans : La Lettre de l’ASES, n°29, octobre 2000) « Lorsque la sociologie fait son travail, elle déplaît à tous. » 1  En présentant les résultats d’une enquête de suivi professionnel conduite auprès d’anciens étudiants en sociologie d’une université de province (en 1997, 20,2% seulement des Licences de sociologie et 34% des D.E.S.S ont été délivrés dans une université de la région  parisienne) l’objectif de cet article est de lancer un débat portant sur les finalités de l’enseignement de la sociologie à l’université, en les rapportant notamment aux fonctions sociales, professionnelles, etc., effectivement remplies par cette discipline. De même, ce genre d’enquête ne peut qu’intéresser celui qui souhaite réfléchir concrètement au contenu des  programmes d’enseignement, comme au développement des filières dites «professionnalisantes» type D.E.S.S. C’est ainsi que lors de l’année universitaire 1999/2000 et dans le cadre d’un atelier de sociologie de Licence 2 , des étudiants 3  de l’université de Rouen se sont intéressés au devenir  professionnel de leurs ca marades de Licence et D.E.S.S en e ffectuant une analyse secondair e d’une enquête par voie postale conduite en 1999 par l’Observatoire de la Vie Etudiante de Rouen 4 . Si les enquêtes portant sur le devenir professionnel des étudiants de second cycle de sciences humaines et sociales sont déjà nombreuses, celles distinguant les sociologues et s’intéressant aux D.E.S.S sont plus rares 5 . Pourtant depuis une dizaine d’années, les D.E.S.S de sociologie ne cessent de se multiplier, sous couvert notamment de « professionnalisation » 1  Passeron Jean-Claude, Le raisonnement sociologique, Nathan, 1991, p 320. 2  Ces ateliers sont une des particularités du cursus sociologique rouennais. Pour une description de ce dispositif  pédagogique : Gadéa Charles et Soulié Charles, «Réflexions sur une expérience d’initiation à la recherche en sociologie à l’université (1994-2000) », Genèses, n° 39, juin 2000. 3  Il s’agit de Boubeche Madjid, Brière Sophie, Facquet Aurélie, Gentilini David, Margueritte Hélène, Queval Virginie, Salzet Céline et Viard Vanessa que nous remercions pour leur collaboration. L’article présenté ici est un condensé du rapport rédigé par eux :  Etude du devenir professionnel des Licences et D.E.S.S de sociologie de l’université de Rouen, année 1990/2000, département de sociologie, université de Rouen, 161 pages. Ce rapport comprend notamment de nombreux entretiens reproduits in extenso et réalisés avec d’anciens étudiants de sociologie. 4  Devenir des diplômés de l’université, Enquête sur l’insertion des titulaires de Licence de psychologie,  sociologie, sciences de l’éducation, promotions 1993-1994-1995-1996,  Université de Rouen, Observatoire de la Vie Etudiante, 1999.  Devenir des diplômés de l’université, Enquête sur l’insertion des titulaires d’un D.E .S.S de  psychologie, sociologie, sciences de l’éducation, promotions 1993-1994-1995-1996 , Université de Rouen, Observatoire de la Vie Etudiante, 1999. Nous remercions vivement Yannick Lelong, de l’Observatoire de la Vie Etudiante de Rouen, pour sa collaboration pleine et entière à ce travail. Néanmoins, les propos rapportés ici sont de notre entière responsabilité. 5  A l’exception notamment de l’enquête menée par un Atelier Licence de sociologie de Rouen sous la direction de Charles Gadéa en 1996 :  Etude du devenir professionnel des sortants de D.E.S. S de sociologie , Université de Rouen, département de sociologie.

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    Mais que deviennent nos tudiants ? Une enqute sur le devenir professionnel des tudiants en

    sociologie Souli Charles

    E mail : [email protected] (article paru dans : La Lettre de lASES, n29, octobre 2000) Lorsque la sociologie fait son travail, elle dplat tous. 1

    En prsentant les rsultats dune enqute de suivi professionnel conduite auprs danciens tudiants en sociologie dune universit de province (en 1997, 20,2% seulement des Licences de sociologie et 34% des D.E.S.S ont t dlivrs dans une universit de la rgion parisienne) lobjectif de cet article est de lancer un dbat portant sur les finalits de lenseignement de la sociologie luniversit, en les rapportant notamment aux fonctions sociales, professionnelles, etc., effectivement remplies par cette discipline. De mme, ce genre denqute ne peut quintresser celui qui souhaite rflchir concrtement au contenu des programmes denseignement, comme au dveloppement des filires dites professionnalisantes type D.E.S.S.

    Cest ainsi que lors de lanne universitaire 1999/2000 et dans le cadre dun atelier de

    sociologie de Licence2, des tudiants3 de luniversit de Rouen se sont intresss au devenir professionnel de leurs camarades de Licence et D.E.S.S en effectuant une analyse secondaire dune enqute par voie postale conduite en 1999 par lObservatoire de la Vie Etudiante de Rouen4. Si les enqutes portant sur le devenir professionnel des tudiants de second cycle de sciences humaines et sociales sont dj nombreuses, celles distinguant les sociologues et sintressant aux D.E.S.S sont plus rares5. Pourtant depuis une dizaine dannes, les D.E.S.S de sociologie ne cessent de se multiplier, sous couvert notamment de professionnalisation 1 Passeron Jean-Claude, Le raisonnement sociologique, Nathan, 1991, p 320. 2 Ces ateliers sont une des particularits du cursus sociologique rouennais. Pour une description de ce dispositif pdagogique : Gada Charles et Souli Charles, Rflexions sur une exprience dinitiation la recherche en sociologie luniversit (1994-2000) , Genses, n 39, juin 2000. 3 Il sagit de Boubeche Madjid, Brire Sophie, Facquet Aurlie, Gentilini David, Margueritte Hlne, Queval Virginie, Salzet Cline et Viard Vanessa que nous remercions pour leur collaboration. Larticle prsent ici est un condens du rapport rdig par eux : Etude du devenir professionnel des Licences et D.E.S.S de sociologie de luniversit de Rouen, anne 1990/2000, dpartement de sociologie, universit de Rouen, 161 pages. Ce rapport comprend notamment de nombreux entretiens reproduits in extenso et raliss avec danciens tudiants de sociologie. 4Devenir des diplms de luniversit, Enqute sur linsertion des titulaires de Licence de psychologie, sociologie, sciences de lducation, promotions 1993-1994-1995-1996, Universit de Rouen, Observatoire de la Vie Etudiante, 1999. Devenir des diplms de luniversit, Enqute sur linsertion des titulaires dun D.E.S.S de psychologie, sociologie, sciences de lducation, promotions 1993-1994-1995-1996, Universit de Rouen, Observatoire de la Vie Etudiante, 1999. Nous remercions vivement Yannick Lelong, de lObservatoire de la Vie Etudiante de Rouen, pour sa collaboration pleine et entire ce travail. Nanmoins, les propos rapports ici sont de notre entire responsabilit. 5 A lexception notamment de lenqute mene par un Atelier Licence de sociologie de Rouen sous la direction de Charles Gada en 1996 : Etude du devenir professionnel des sortants de D.E.S.S de sociologie, Universit de Rouen, dpartement de sociologie.

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    des tudes universitaires6. Le dpartement de sociologie de Rouen offre dailleurs un lieu dobservation privilgi, attendu quavec ses trois D.E.S.S7 il est un des plus gros producteurs de D.E.S.S de sociologie de France. En 1997, il en a dlivr 60, contre 56 Paris I Sorbonne, 50 Evry, 36 Amiens, 33 Toulouse II, 32 Strasbourg II, 30 Paris X Nanterre, 24 Nancy II, etc.8

    Un recrutement plutt domin

    En Licence de sociologie le nombre de rpondants slve 42, soit un taux de rponse net denviron 40%, tandis quen D.E.S.S leffectif est de 38, le taux de rponse net avoisinant alors les 48%9. Comme le montre le tableau suivant, cette population est fortement fminise, mme si la proportion de femmes est plus faible en D.E.S.S. Si lon en juge daprs lge au Baccalaurat, le capital scolaire des rpondants est assez faible (un tiers seulement a eu son Baccalaurat lheure, trs peu ont eu une mention) et lon notera que la majorit des tudiants de Licence ont dpass lge normal ce niveau dtudes, soit 21 ans10.

    6 Le nombre de D.E.S.S de sociologie dlivrs annuellement est pass de 12 en 1985 (1re anne dexistence) 190 en 1995, pour atteindre 455 en 1997 (Cf. Piriou Odile, La sociologie des sociologues, E.N.S ditions, 1999, p 266). Cette volution, rsolument en phase avec les demandes managriales et bureaucratiques, sest poursuivie jusqu aujourdhui, et nest pas sans provoquer des phnomnes de saturation et dvaluation du diplme. 7 Ces D.E.S.S sont les suivants : le D.E.S.S ingnierie de linnovation dont lobjectif est de : former des professionnels du changement qui conduisent des rformes ncessaires dans la gestion des ressources humaines ; le D.E.S.S de dveloppement culturel qui se prsente comme : une formation polyvalente apte concilier les authentiques enjeux artistiques avec des modes de gestion appropris, et non pas accaparants ; le D.E.S.S politique locale et dveloppement, qui vise former des professionnels du dveloppement local, missionns sur des objectifs de dveloppement qui sintgreraient comme cadres dans des cabinets administratifs publics rgionaux. (dfinitions extraites des plaquettes de prsentation) 8 Source : M.E.N, D.P.D, Diplmes dlivrs en 1997 en sociologie, dmographie . 9 Trois promotions dtudiants ayant obtenu leur diplme il y a trois, quatre et cinq ans ont t interroges. 10 De manire gnrale, le recrutement social et scolaire de la sociologie parat plutt domin. Pour une tude compare du profil des tudiants en sociologie: Apprentis philosophes et apprentis sociologues, Souli Charles, Socits contemporaines, n 21, mars 1995.

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    Le Profil des rpondants

    LICENCE D.E.S.S

    EFFECTIFS N = 42 N = 38

    % de femmes 88% 66%

    Type de bac obtenu 60% de bac E.S 40% de bac E.S 10,5% quival du bac

    Age au bac 31% ont 18 ans, les autres plus

    36% ont 18 ans, les autres plus

    Age au diplme 20-22 ans : 47,6% 23-24 ans : 47,6% 25 et + : 4,7%

    25 ans et - : 36,8% 26-30 ans : 21% 31 ans et + : 42%

    Activit prof avant ou durant les tudes

    24% (employs surtout) 60% (professions intermdiaires surtout)

    Poursuite dtudes aprs le diplme

    enqut

    90%

    10%

    Le rapprochement des Licences et des D.E.S.S souligne le profil particulier de ces

    derniers. En effet Rouen, ce sont pour les deux tiers des tudiants en reprise dtudes, plutt gs, ayant dj une exprience professionnelle (60% dentre eux travaillent avant leur inscription ce diplme, principalement dans les professions intermdiaires), dont les formations antrieures sont trs varies (10% nont pas le Baccalaurat) et qui nont souvent jamais reu denseignement de sociologie. Avec ce diplme de 3me cycle, beaucoup comptent obtenir un meilleur statut dans leur tablissement ou secteur dorigine.

    Le profil des D.E.S.S de sociologie se rapproche beaucoup de celui des D.E.S.S de sciences de lducation (100% de salaris et profil plutt g), eux aussi interrogs par lO.V.E de Rouen, mais scarte de celui des D.E.S.S de psychologie. En effet en psychologie (o le recrutement social et scolaire en D.E.U.G est pourtant voisin de celui de la sociologie), le taux de salaris nest que de 34% et les rpondants sont bien plus jeunes (moyenne dge 25 ans). Manifestement, les politiques de recrutement varient fortement selon les disciplines. Si les psychologues privilgient un recrutement sur base disciplinaire et scientifique (la Matrise de psychologie, de prfrence avec une bonne mention, est exige et le contenu des D.E.S.S essentiellement centr sur la psychologie), le recrutement est beaucoup plus dispers en sociologie, comme en sciences de lducation, et nest pas sans tirer du ct de la formation permanente ou continue. En fait, la prsence de financements rgionaux en D.E.S.S de sociologie implique toute une srie de contraintes tant au niveau du recrutement tudiant, que de la nature des contenus enseigns, du style pdagogique, des recherches conduites, etc. En retour, lenracinement rgional des D.E.S.S, favoris notamment par les flux de stagiaires (le D.E.S.S comprend obligatoirement un stage de trois mois), permet aux universitaires de nouer des liens avec des partenaires locaux , susceptibles leur tour dembaucher des tudiants, de financer des recherches de sociologie applique et donc de les orienter, etc. Par l, les D.E.S.S forment une sorte de vaste pompe capital social et conomique , ce qui explique sans doute leur succs. Ce type de formation est nettement moins dvelopp dans des disciplines canoniques,

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    et plus scolastiques, comme la philosophie, les lettres ou bien lhistoire par exemple, o le recrutement social et scolaire est plus lev, les proccupations gnralement moins directement pratiques, les dbouchs professionnels essentiellement centrs sur lenseignement et le secteur public, et o la continuit de la formation entre les diffrents cycles est plus nette (le fait de disposer de dbouchs professionnels clairs permettant ces disciplines dadopter une posture apparemment moins utilitariste et plus gratuite). A linverse, on note que dans des disciplines plus temporelles ou camrales comme lconomie ou le droit, les D.E.S.S se sont fortement dvelopps ces dernires annes, au dtriment souvent de la filire recherche, ce qui ne manque pas de susciter des conflits chez les universitaires. Et de fait, ce sont bien des conceptions diffrentes de la discipline, tant au plan scientifique que de ses usages sociaux, qui sopposent ici. Le fait quune majorit dtudiants du D.E.S.S de sociologie soit en reprise dtudes et vienne de lextrieur de la discipline nest pas sans poser des problmes dacculturation la sociologie et explique leur rapport souvent trs problmatique la thorie . Limportance de ce public, auquel les financeurs demandent dvaluer la formation en cours danne, oblige les universitaires des ajustements pdagogiques et scientifiques parfois douloureux. Enfin chez les formations initiales (1/3 des effectifs environ), on note qu Rouen les apprentis sociologues ne reprsentent quune faible minorit.

    La plupart des rpondants sont dorigine moyenne ou populaire, mais les enfants de cadres sont plus prsents en D.E.S.S. A ce niveau dtudes, nombre dtudiants (notamment parmi les plus gs) sont en situation de contre mobilit et paraissent lancs dans une opration de rattrapage scolaire et social. On retrouve ici un des profils classiques du public de la formation permanente ou continue.

    Profession du pre des rpondants

    LICENCE D.E.S.S

    Effectifs N = 42 n = 38

    Artisan, commerant 23,81% 18,42%

    Ouvrier, employ 23,81% 26,32%

    Profession intermdiaire 35,71% 10,53%

    Cad sup/prof lib 16,67% 26,32%

    Retrait/sans rponse 0% 18,48% TOTAL 100,00% 100,00%

    Les dbouchs de la Licence de sociologie : entre caissire et

    professeur des coles

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    Une enqute antrieure ralise en collaboration avec Yankel Fijalkow11 et portant sur les projets professionnels des tudiants de D.E.U.G de sociologie de Rouen prsents en cours montre que les professions du travail social intressent prs de la moiti dentre eux (les concours tant alors souvent de niveau bac , ou bac plus deux ), tandis que le reste pense frquemment au professorat des coles (ce dernier demandant un niveau bac plus trois ), ou dautres concours de la fonction publique. Cette orientation vers le travail social des tudiants, et plus particulirement de ceux dorigine populaire12, se rpercute ensuite sur le profil dmographique de la discipline. Ainsi, plus des deux tiers des tudiants du cursus de sociologie rouennais sont concentrs en D.E.U.G, la sociologie reprsentant souvent pour eux une discipline de passage et dorientation, ainsi quune propdeutique, - plus ou moins ajuste dailleurs -, aux coles du travail social et lI.U.F.M, mais rarement une vocation. Ainsi, 10% seulement aimeraient devenir chercheur et il sagit surtout denfants dorigine favorise.

    Ltude du devenir professionnel des Licences de sociologie montre que le professorat des coles, le travail social et le vaste archipel des employs sont les principaux dbouchs de la Licence de sociologie, ce qui rejoint le constat fait dans dautres enqutes13, le concours tant alors la principale voie daccs lemploi. Plus prcisment, on note que parmi les rpondants en activit, ce sont les plus jeunes (et donc les plus dots scolairement), qui russissent le concours de professeur des coles14 et ont les salaires les plus levs, tandis que leurs camarades plus gs sont plus souvent employs, et en statut prcaire, ou travailleurs sociaux.15 Les entretiens raliss dans le cadre de lAtelier montrent la souffrance intense des tudiantes dorigine populaire, et faible capital scolaire, se prsentant au concours de professeur des coles pour la deuxime, troisime, voire quatrime fois Comme le dit cette fille douvrier ayant obtenu le concours au bout de la troisime tentative : De toute faons, je trane des lacunes. J'ai jamais t une lve brillante en classe depuis la primaire. J'ai toujours maintenu la moyenne et je pense que pour ce concours l, c'est pas suffisant... Et un peu plus loin, celle-ci ajoute : " ...je ne me serais jamais permise, mme si j'adore la socio, de devenir sociologue..." De plus, il semble que la formation disciplinaire des tudiants en sociologie les dessert. Ainsi dans son prrecrutement, lI.U.F.M de Rouen privilgie explicitement les tudiants ayant obtenu une Licence dans une discipline denseignement du

    11 Fijalkow Yankel, Souli Charles, Les tudiants en sociologie de luniversit de Rouen, Premier aperu 1990-1998, 1998, Universit de Rouen, dpartement de sociologie, G.R.I.S. 12 Ainsi, beaucoup dtudiantes dorigine populaire disent vouloir soccuper denfants (leur mre tant souvent assistante maternelle) et de manire gnrale soulager la misre du monde en mobilisant des qualits ou dispositions fminines strotypes telles que la psychologie , le sens de lcoute , la comprhension , etc. On est loin ici dune conception politique, revendicative (et masculine ?), de la discipline, telle quelle existait au dbut des annes 70, et plus dans le registre contemporain de lhumanitaire ou de lthique . 13Chenu Alain, 1998, La non professionnalisation de la sociologie franaise : les sociologues, luniversit de masse et le march de lemploi , Communication au 14me Congrs mondial de sociologie, Montral. 14 Dans sa thse intitule Laffiliation dune discipline avec les dbouchs professionnels : le cas de la sociologie luniversit Jules Verne (Universit dAmiens, 2000, p 317), Bayette J-B cite un matre de confrences en sociologie: Finalement, disons le honntement, ltudiant qui boucle son D.E.U.G en deux ans, comme il devrait ltre, tend devenir un individu un peu exceptionnel ; cest un bon tudiant auquel on pense dj comme un bon candidat au concours de recrutement lI.U.F.M. 15 Le dtail des activits exerces par les Licences de sociologie est le suivant : Instituteurs, formateurs, etc., (25,2%), Professions intermdiaires de la sant et du travail social (9,4%), Employs dentreprise ou du commerce (9,4%), Employs civils et agents des services de la Fonction publique (7,1%), Techniciens (4,8%), Professeurs, professions scientifiques (2,4%), Professions de linformation des arts et du spectacle (2,4%), ouvriers (2,4%), hors emploi (35,7%).

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    premier degr (franais, mathmatiques, histoire, etc.). Le C.A.P.E.S de S.E.S ne parat gure accessible non plus, attendu que dans notre chantillon un seul tudiant (un garon donc, fils de cadre suprieur, mais non diplm) a finit par lobtenir au prix, dit-il: dun travail acharn .16 On notera aussi que le secteur public ou para public accueille prs de 80% des Licences de sociologie en emploi, ce qui est conforme lorientation habituelle des dbouchs professionnels des disciplines de lettres et sciences humaines et peut sans doute tre rapproch des orientations politiques, traditionnellement gauche, des tudiants comme des enseignants de ces disciplines17. Concernant les questions de mobilit sociale, on remarque une certaine forme de mobilit, mle de reproduction. Ainsi 48% des enfants douvriers sont devenus employs, contre 22,3% lensemble. Chez les tudiants dont le pre est employ, on note une volution en direction des professions intermdiaires, la mobilit sociale et professionnelle soprant en quelque sorte de proche en proche, cest--dire entre C.S.P socialement contigus, et sans doute aussi plus endogames.

    Lhtronomie des D.E.S.S Le devenir professionnel des Licences de sociologie ntant pas particulirement

    rjouissant, on pourrait sattendre ce que les D.E.S.S de sociologie leur offrent une porte de sortie plus avantageuse. En fait, et comme on la vu plus haut, les D.E.S.S rouennais recrutent pour les deux tiers des formations continues, tandis que lautre tiers ne compte gnralement quune faible proportion dapprentis sociologues. Ce qui est pour le moins surprenant. En effet, pourquoi ces D.E.S.S de sociologie recrutent-ils si peu de sociologues ?

    44,7% des D.E.S.S travaillent dans les professions intermdiaires, 34,2% sont cadres

    suprieurs, 7,9% sont employs et les 13,6% restants occupent dautres professions ou sont dans une autre situation (tudes, cong maternit, etc.). Mais ces rsultats globaux ne tiennent pas compte de la bimodalit du public. En effet, ce sont les formations continues qui accdent le plus aux fonctions de cadres suprieurs (venant pour lessentiel des professions intermdiaires cette volution sexplique aisment), tandis que les formations initiales occupent des emplois moins qualifis, plus prcaires et disposent de revenus moins levs. Ce sont dailleurs les tudiants les plus jeunes qui sont les moins satisfaits de la formation reue en D.E.S.S18. On note aussi que les femmes deviennent moins souvent cadres suprieurs que les hommes, et que les enfants douvriers et demploys sont plus souvent employs que les autres. Evoquant le devenir professionnel des tudiants en sociologie dAmiens, J-B Bayette (Op.cit., p 265) crit pour sa part: Les rsultats de notre enqute montrent quune trs grande majorit des personnes qui sont professeurs des coles ont des parents cadres moyens et que la totalit de ceux qui exercent le mtier de sociologue (conseiller dans les

    16 A quand une tude prcise du profil disciplinaire des certifis et agrgs de sciences conomiques et sociales? La part des sociologues y semble bien minime, ce qui renvoie aussi la faiblesse de leur capital scolaire, le cas des normaliens de lE.N.S Cachan tant ici mettre part. La part de ces derniers semble dailleurs crotre chez les enseignants du suprieur. 17 Sur ce point : Baudelot.C, Benoliel.R, Cucrowicz.H, Establet.R, Les tudiants, lemploi, la crise, Maspro, 1981, notamment les pages 102 et suivantes ( Le service public, la gauche ). 18 Il y aurait lieu aussi, mais la faiblesse de lchantillon ne le permet gure, de distinguer les formations initiales entre elles afin de voir ce quil en est des apprentis sociologues. Au vue des entretiens, il semble que ce soient les tudiants disposant dune formation initiale plus directement oprationnelle (conomie, droit, etc.), qui rentabilisent le mieux leur D.E.S.S de sociologie.

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    administrations publiques par exemple) ont des parents cadres suprieurs. Ruinant lide dune galit formelle des titulaires dun mme diplme on peut se demander si, en dehors du march acadmique (o la logique proprement scolaire du diplme et du concours tient une place centrale), un diplme ne vaut pas en grande partie ce que vaut dj socialement, mais aussi professionnellement, son porteur19. Ce qui relativise dautant les discours relatifs au caractre professionnalisant des diffrents diplmes

    Concernant les orientations pdagogiques et scientifiques des D.E.S.S, on note qu

    Rouen la sociologie proprement dite tient une faible part dans les enseignements (gnralement centrs autour de savoirs daction ou pratiques, qui ont souvent la faveur des tudiants), ce qui se rapproche de ce quon observe au plan national20. A ce titre, on peut se demander sil sagit rellement de D.E.S.S de sociologie , tant la sociologie ( linverse de ce quon observe dans les D.E.S.S de psychologie par exemple, o la psychologie tient la premire place) y tient une faible place. Les plaquettes des D.E.S.S ninsistent dailleurs gure sur la coloration sociologique de la formation et leurs intituls, comme le type de formation dispens, sefforcent gnralement de coller au plus prs des demandes manageriales ou bureaucratiques. Dailleurs, beaucoup dtudiants de formation continue disent tre arrivs par hasard en sociologie, lintitul du D.E.S.S jouant un rle plus important dans leur orientation que son appartenance disciplinaire.

    A ct de leur formation universitaire, les tudiants de D.E.S.S effectuent un stage de trois mois dans une institution. Ce stage est notamment loccasion pour ltudiant de btir un rseau susceptible de laider trouver un emploi. Dans notre chantillon, 10,5% des tudiants ont trouv leur emploi grce ce stage, taux infrieur celui observ en D.E.S.S de psychologie (20%). Le contenu des stages est extrmement vari et il est manifeste quen sociologie, ceux-ci offrent souvent une main duvre bon march aux diffrents employeurs (et en tous cas nettement moins chre que celle des consultants), qui nhsitent parfois pas proposer (imposer) de vritables travaux dHercule leurs stagiaires qui, voulant entrer dans les bonnes grces dun ventuel employeur, nont gure les moyens de ngocier. Ce qui explique aussi que les exigences acadmiques de rigueur, thorisation, problmatisation lors de la rdaction du rapport de stage puissent tre aussi mal vcues par les tudiants qui, objectivement, sont souvent davantage placs dans une situation de demandeur demploi que dtudiant.

    Pour conclure sur ce point, on peut se demander si en voulant professionnaliser

    toute force la sociologie, ce genre de formation nen vient pas rompre avec la sociologie elle mme et ne place pas les tudiants et enseignants dans une sorte de double bind structurel. En effet dun ct lorganisme daccueil a souvent tendance instrumentaliser le stagiaire et la sociologie afin de rsoudre les problmes pratiques quil se pose et de lautre luniversit attend quau travers du rapport de stage notamment, ltudiant se comporte en sociologue en faisant preuve dun minimum de distance et desprit critique. Les tudiants sont ainsi souvent

    19 Cf. Bourdieu.P, La distinction, Minuit, 1979, p 151. 20 Selon Monique Legrand ( Les D.E.S.S de sociologie , La lettre de LA.S.E.S, n26, nov 1999, p 37), la part de lenseignement de la sociologie dans les D.E.S.S spcialiss est minime (dans certaines cas elle ne dpasse pas 10% ; en moyenne elle avoisine 30%). Ny a t il pas l une anomalie ? Aussi devrait on pouvoir affirmer que, si le public nest pas majoritairement sociologue, il faudrait dautant plus renforcer lenseignement de la discipline. Ce paradoxe nous parat rvlateur du statut domin occup par la discipline dans ce genre de formation.

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    partags entre la tentation de devenir au plus vite un indigne (afin notamment daccrotre leurs chances de trouver un emploi dans le milieu considr) et un surmoi scientifique (plus ou moins dvelopp dailleurs selon leur formation initiale) leur enjoignant dabord de faire lanalyse scientifique de ce milieu. Dans ces conditions, on comprend que la rupture avec les prnotions soit souvent difficile

    Au total, on ne peut manquer dtre frapp par lhtronomie des D.E.S.S de

    sociologie rouennais. Non seulement ceux ci recrutent lessentiel de leur clientle en dehors de la filire, mais de plus la formation sociologique y tient une place minime. Interrogeant les sortants du D.E.S.S, il est dailleurs frappant de constater combien peu se disent sociologues. Pour beaucoup, la sociologie ne peut tre quun complment soit dune formation professionnelle antrieure, soit dune formation intellectuelle plus srieuse ou plus reconnue (conomie ou droit par exemple). Ce nest quun adjuvant susceptible denrichir une panoplie de technologies sociales plus vaste ou, dans une version plus noble, un supplment dme humaniste destin corriger les rigueurs ou les excs dun esprit trop troitement gestionnaire.

    Une professionnalisation en trompe loeil?

    Il apparat donc que du point de vue des tudiants de D.E.S.S, comme de Licence dailleurs, la formation sociologique ne peut gure se suffire elle-mme pour accder un emploi qualifi. Tout se passe comme sil fallait la panacher avec une exprience professionnelle, ou une autre formation peut tre plus directement opratoire, pour en tirer un rel profit21. Ainsi, Alain Chenu (Op.cit, p 22) nous apprend quaprs le D.E.A, 45% seulement des diplms accdent un poste de cadre. Le niveau de salaire sen ressent : ceux ci sont nettement infrieurs ceux des autres diplms. Ce faible rendement des diplmes de sociologie sexplique dj par labsence de dbouchs types de la filire. En effet, et contrairement aux disciplines denseignement plus reconnus comme la philosophie, les lettres, lhistoire, les langues, etc., qui au travers du systme denseignement secondaire disposent dun vaste rseau demplois stables et bien identifis, la sociologie (hormis les postes denseignants dans le suprieur ou de chercheurs dans les grands instituts de recherche publics) ne dispose pas, la diffrence de la psychologie (discipline pourtant trs voisine au plan du recrutement scolaire et social, mais ayant russi sa professionnalisation)22 de dbouchs professionnels clairs. Cest pourquoi dailleurs nombre danciens tudiants de Licence ont pu nous dire en substance que : Sociologue, cest pas un mtier rel . Et de fait, la probabilit de ces tudiants devenir enseignant dans le suprieur est infime, do la faiblesse des vocations parmi eux et leurs demandes souvent trs utilitaires. Mais le faible rendement des diplmes de sociologie sexplique aussi par le profil social et scolaire des tudiants, qui les dsavantage tant au niveau des concours de recrutement de lenseignement (du primaire comme du secondaire), quau niveau de laccs lemploi dans le secteur marchand ou para public vis notamment par les D.E.S.S.

    21 Dans son tude sur la formation des sociologues acadmiques (Op.cit.), Odile Piriou souligne limportance prise en 3me cycle par ceux quelle appelle les convertis , cest--dire des tudiants provenant dautres disciplines, venus sur le tard la sociologie, et qui occupent ensuite une place de choix dans le milieu des enseignants chercheurs. 22 A ce titre, il serait instructif de raliser une tude compare des D.E.S.S de psychologie et sociologie, tant au plan du recrutement, des contenus enseigns, des pratiques de recherche, que des dbouchs.