Sortilège et impressions serbes : Milena Marcovi au0 7 0 1 ... · PDF...

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  • Document gnr le 25 avr. 2018 20:52

    Jeu

    0 10 7Sortilge et impressions serbes : Milena Marcovi au

    Festival de thtre de Novi Sad

    Hlne Jacques

    La fin de la critique ?Numro 121, 2006

    URI : id.erudit.org/iderudit/24371ac

    Aller au sommaire du numro

    diteur(s)

    Cahiers de thtre Jeu inc.

    ISSN 0382-0335 (imprim)

    1923-2578 (numrique)

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    Citer cet article

    Jacques, H. (2006). Sortilge et impressions serbes : Milena0 10 7Marcovi au Festival de thtre de Novi Sad. Jeu, (121), 176

    181.

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  • ESPACE DU TEXTE

    HLNE JACQUES

    Sortilge et impressions serbes Milena Markovic au Festival de thtre de Novi Sad

    Porte par la bienveillance des gens croiss sur ma route, j'ai foul le sol de Novi Sad en bonne compagnie'. Car je suis rarement reste seule pendant ces semaines passes dans les Balkans : comme si mon regard laissait transparatre de la droute, implorait le secours des gens honntes, comme si, jeune voyageuse solitaire, mon sac me pesant sur le dos, j'attendais tout naturellement qu'on me vienne en aide, on m'a gentiment servi de traducteur pour acheter billets de train et d'autocar, on m'a mene vers mon htel, indiqu mon chemin, offert caf, crme glace, visite guide. Si je voyage pour goter la joie d'tre spectatrice, d'observer distance la scne de ceux qui vivent et parlent autrement, je me suis sentie ce printemps entrane, intgre dans un thtre o bien des conventions, il est vrai, me sont demeures trangres. Tou-tefois, l'heureuse facilit avec laquelle s'est droule ma visite, la persistance du soleil et, surtout, la gnreuse sollicitude des compagnons de passage ont tt fait de dissiper les papillons de crainte qui s'installent dans l'estomac, inexorablement, lorsqu'on se trouve confront l'inconnu. C'est donc le regard curieux, l'humeur enthousiaste et l'esprit dispos aux plus belles dcouvertes que j'ai assist aux spectacles prsents lors du festival de Novi Sad.

    1. Cet article est le compte rendu d'un voyage effectu au printemps 2006 Novi Sad, en Serbie. J'ai t l'invite du Sterijino Pozorje (l'Atelier Sterijino) lors de son 51e Festival de thtre, tenu du 26 mai au 3 juin 2006, et durant le Symposium organis avec l'Association internationale des critiques de thtre cette occasion, les 27 et 28 mai. Ce sjour a t rendu possible grce au soutien finan-cier du Conseil des arts du Canada.

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  • Simeon the Foundling de Milena

    Markovif, mis en scne par Tomi

    Janeiit. Spectacle du Sterijino

    Pozorje, prsent Novi Sad

    (Serbie) au printemps 2006.

    Photo : Branislav Lucie.

    Un soir, lorsqu'on m'a racont l'histoire de Simon, un sortilge ou un jeu de dupli-cation a fait en sorte que ce n'tait plus le monde que je regardais comme un thtre, mais bien la scne qui tait devenue le monde. On y a laiss dambuler des oies et des brebis. On y a cuisin, mang, pch, conduit une voiture, chant, dans, fait l'amour. On a dpos un enfant sur un cours d'eau et cet enfant est devenu grand. Tandis que l'odeur de la pluie se confondait avec celle de la nourriture cuisine, sur fond sonore de caquetages d'oiseaux et de musiques tziganes interprtes sur la scne, la vie de Simon s'est droule comme entre la veille et le rve : les pisodes de son existence se sont enchans gracieusement, dans le maelstrom d'images blouissantes qu'a com-poses, avec les nombreux acteurs et musiciens circulant sur le plateau immense, le metteur en scne Tomi Janezic2. Mais si, ce soir-l, j'ai t happe par le monde de la scne, enchante par une atmosphre baroque et onirique, c'est aussi parce que la fic-tion a gagn la salle, et plus prcisment le sige mes cts : une petite voix, mon oreille, a traduit en anglais les rpliques et chansons du spectacle, et les mots mur-murs me sont parvenus comme une autre bouffe de posie, partie intgrante du tourbillon des sens auquel j'tais convie. Sans la prsence de Milos, jeune tudiant assis prs de moi, je n'aurais sans doute pas tout compris de l'histoire de Simeon the Foundling, telle que l'a crite la dramaturge Milena Markovic3, en s'inspirant du mythe d'dipe revisit par la littrature serbe4. Je n'aurais pas pu suivre les prgri-nations de l'enfant abandonn et recueilli par des moines, parcourant le monde la recherche de sa mre, qu'il croise finalement le temps d'une treinte interdite.

    J'ai toutefois d me tirer d'affaire, aprs l'entracte, sans le prcieux concours de mon traducteur, appel accompagner ailleurs d'autres invits du festival. Au demeurant,

    je me suis exerce, cette semaine-l, regarder le thtre autrement, dpasser le sentiment d'in-comptence qui m'a envahie lorsque, stupfaite, j'ai assist mes premires pices sans sous-titre, en serbe et en hongrois : la langue tran-gre avait alors form un cran opaque entre la scne et moi, bloquant l'accs l'intelligible, transformant l'aire de jeu, cet espace pourtant si familier, en territoire dpaysant. Regarder le thtre autrement, c'est--dire m'intresser la part de cet art qui transcende les mots - jeu des

    2. Le spectacle, Simeon the Foundling (titre anglais donn dans le programme), tait une production du Sterijino Pozorje. 3. Ne en 1974 Belgrade, Milena Markovic est une fi-gure importante de la jeune gnration d'auteurs de l'ex-Yougoslavie. Ses pices ont t prsentes dans les Balkans, dans les pays germaniques et en Angleterre. 4. On retrouve l'histoire de Simon dans les littratures orale et mdivale serbes, nous apprend Miroslav Radonjic dans le catalogue du Festival, histoire qui a inspir une tragdie au dramaturge Jovan Sterija Popovic, dont le Sterijino Pozorje ftait le 200e anniver-saire de naissance (et le 150e de sa mort) cette anne.

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  • acteurs, musique, scnographie, mais aussi langue qui, dans une structure ayant toutes les apparences d'un dialogue parfaitement cohrent, devient musique, exclamations aux sonorits insolites et surprenantes. Mais hors des salles de spectacle, le voyage ne m'avait-il pas dj enseign cette leon ? Dans la mesure o une langue nous chappe, les gestes et regards acquirent une impor-tance fondamentale, la ralit environnante devient plus essentiellement prsente, autant dans les moments o l'on essaie d'changer avec une personne rencontre que dans tous ceux o, arpentant les rues, l'on tente de percevoir le pouls de la ville. Dambuler dans Novi Sad en mai, berce par une langue inconnue, c'est troquer le dsir de nommer pour celui de sentir, devenir entirement attentive aux passages dans lesquels s'en-tassent, dissimuls, boutiques et cafs, au chant des oiseaux tromps par les lumires de la place centrale, qui piaillent et roucoulent toute heure de la nuit, la couleur des fraises dans le march, la chaleur qui mane des comptoirs de bureks dans les pekaras (boulangeries), au parfum des tilleuls sous lesquels je m'attarde.

    Milena Markovit

    Mais contempler ainsi le spectacle de Milena Markovic et Tomi Janezic - de mme que celui de la ville et des paysages de mon voyage - , n'est-ce pas faire preuve d'un aveuglement slectif ? De navet, d'incomprhension obtuse ? Est-ce que cela consiste masquer tout ce qui ne suscite pas l'merveillement ? oblitrer la guerre rcente, dont il reste pourtant maintes traces visibles (et au thtre, et sur mon chemin) ? percevoir le thtre comme une fte inconsquente, sans prise sur le monde et ses enjeux politiques et sociaux ? Non, pas dans la perspective o l'on a auparavant, pour entrer dans l'uvre de Milena Markovic, sign un pacte semblable celui qui unit, implicitement, le lecteur et le conte. Les textes de l'auteure, que j'ai eu l'occa-sion de lire mon retour5, nous plongent en effet dans un univers teint de mer-veilleux et de personnages feriques, que Markovic donne voir travers un regard de petite fille. Si le conte est voqu explicitement dans Un bateau pour les poupes, o Alice, Hansel, Gretel et Boucle d'or se succdent sur la scne, il constitue par ailleurs un arrire-fond thmatique et structurel dans les autres textes dont les per-sonnages archtypaux, les motifs de la mtamorphose et du don6 sont les indices. Dans ces contes, certes, les mchants loups affluent, tandis que la violence et la

    5. Quelques textes de Milena Markovic ont rcemment t traduits du serbe en franais par Mireille Robin et publis l'Espace d'un instant, association parisienne qui se consacre la promotion et l'dition de pices d'auteurs des Balkans. Je remercie les diteurs de m'avoir donn accs aux ma-nuscrits dont il est question dans ce texte avant leur publication en octobre 2006 : Puisse Dieu poser sur nous son regard - Rails (crit en 2000), Un bateau pour les poupes (crit en 2004) et le Vaste Monde blanc (scnario de film crit en 2002). Toutes les citations sont tires de ces manuscrits. 6. Mais tu es venue au monde avec un don. C'est une puissante fe qui t'en a fait prsent , dit le vieillard Rosa dans le Vaste Monde blanc.

    178 lfllTl21-2006.4]

  • sexualit vicieuse sont exposes crment. Mai