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- 1 - Sommaire du CHAPITRE 10 TUBERCULES ET RACINES Intr oduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 La pomme de terr e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . 4 Écologie et culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Statistiques de production pour la pomme de terre (FAOSTAT 2001, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . 9 Le manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Description de la plante de manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Origine et évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Amélioration génétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 La patate douce Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Origine et évolution de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

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Sommaire du CHAPITRE 10

TUBERCULES ET RACINES

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

La pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre. . . . . . . . . . 4Écologie et culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8Statistiques de production pour la pomme de terre (FAOSTAT 2001, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . 9

Le manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Description de la plante de manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10Origine et évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Amélioration génétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

La patate douce

Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14Origine et évolution de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . 16Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

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TUBERCULES ET RACINES

Introduction

Quelques 428 espèces de plantes appartenant à 63 familles ont été répertoriées comme plantes ayant été

cueillies ou étant présentement cultivées pour l'utilisation de leurs organes souterrains de réserve

comme aliment. Les réserves sont principalement des glucides (sous forme d'amidon) enfermées dans

une matrice riche en eau. Sauf pour quelques exceptions, les racines et les tubercules contiennent en général très

peu de protéines et des quantités réduites de vitamines, de minéraux et de lipides. Ces plantes ne peuvent fournir

tous les éléments nutritifs en concentrations suffisantes pour satisfaire les besoins de l'Homme. Plusieurs espèces

de ce groupe ont probablement été les premières à être cultivées dans les régions tropicales et sous-tropicales,

car elles peuvent être propagées végétativement. Ce moyen de propagation demande beaucoup moins d'efforts

que la plantation des graines. Dans le contexte et le temps alloué à ce cours, nous allons décrire les espèces les

plus importantes pour l'alimentation humaine directe telles que choisies par l'organisation pour l'Alimentation

et l'Agriculture des Nations-Unies (FAO). La pomme de terre, le manioc, la patate douce et les ignames sont les

espèces dont l'importance alimentaire, la production et la superficie cultivée sont, de loin, les plus importantes.

Ces plantes ont eu et continuent à avoir un impact sur le développement socio-économique global rattaché à l'a-

griculture des régions tempérées aux régions tropicales de tous les continents. Nous allons aussi faire mention

de la culture du taro qui, bien que d'une importance régionale et locale, est une culture qui a encore un impact

socio-économique important dans certaines régions tropicales du monde.

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La pomme de terre

Bien que les céréales majeures forment la base de l'alimentation humaine, la pomme de terre (Solanumtuberosum L., famille des Solanacées) est aussi importante comme source alimentaire dans les régions tem-pérées de l'hémisphère Nord du globe. Pourtant l'origine de sa culture se situe dans les régions montag-

neuses des zones tropicales et subtropicales d'Amérique du Sud et son adoption comme aliment en Europe et enAmérique du Nord ne remonte qu'à environ 250 ans. L'intérêt de sa culture est dû à l'apport énergétique destubercules produits dans les portions souterraines des tiges de la plante. Comparée aux céréales des régions tem-pérées, la pomme de terre produit un rendement plus élevé par unité de surface plantée et son apport en calo-ries par hectare est plus de deux fois celui du blé et du riz et 1,5 fois celui de maïs.. Par contre la valeur nutri-tive de la pomme de terre est inférieure àcelle des céréales car la teneur en pro-téines, bien que de bonne qualité, esttrès basse, entre 1% et 3% du poids destubercules. À part une quantité apprécia-ble de vitamine C, concentrée dans larégion périphérique (périderme) destubercules, la teneur en vitamines estréduite. L'atout principal de la pomme deterre est sa richesse en glucides en formed'amidon (17 à 34 % du poids du tuber-cule), lequel après cuisson, est facile-ment digérable. Une alimentation baséepresque exclusivement de pommes deterre conduit inexorablement à des prob-lèmes graves de malnutrition.

Description de la plante :

La pomme de terre (Solanum tubero-sum L. (2n = 48) est une plantetétraploïde et allogame qui, du faitqu'elle à la capacité de se propager végé-tativement à partir de ses organessouterrains, est considérée une plantevivace. Les plantes peuvent être issues dela germination de graines ou par propa-gation végétative à partir des bourgeons("yeux") situées sur les tubercules. Laplupart des plantations sont initiéespar propagation végétative, mais la pro-duction de graines est importante pourproduire de nouvelles variétés issues decroisements contrôlées. Suite à la germi-nation des graines ou des bourgeonsvégétatifs, les deux premières feuillesproduites sont simples et alternées tan-dis que celles qui suivent sont com-posées de 5-9 folioles de dimensionsvariables. Lors du développement végé-tatif les parties souterraines des tiges

A.

B.

C.

D.

E.

Figure 1. Solanum tuberosum (L.): Pomme de terre. Plante entière.A.- Tige secondaire tubérisée; B.- Racines; C.- Feuille; D.- Fleur; E.- Fruit(Adapté de Heiser 1990).

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produisent des ramificationslatérales qui portent des tuberculesen position terminale. La croissancedes tubercules est complétée vers lafin de l'été, à mesure que lesjournées raccourcissent. La crois-sance de la plante est de type déter-minée et une inflorescence en formede cyme est produite à l'apex de laplante environ 4 à 5 mois après lagermination. Dans les régions de cli-mats tempérés froids au Nord du42ème degré de latitude Nord, lesplantes fleurissent rarement à la finde la saison de croissance. Les fleurs,au nombre de 8 à 15, sont régulières(actinomorphes), composées de 5sépales et 5 pétales soudés (gamosé-pales et gamopétales), de 5 (parfois4-6) étamines ancrées à la base de lacorolle, d'un pistil dimère et d'unovaire à deux loges contenant denombreux ovules. Suite à unepollinisation croisée entomophile, ily a production d'une baie trilocu-laire. Les plantes atteignent entre 80cm et 1m 40 de hauteur lorsqu'ellescomplètent leur développement(FFiigguurreess 11 && 22).

Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre

Le genre Solanum, auquel appartient la pomme de terre, contient plus de 1500 espèces d'origine américainedistribuées dans les régions montagneuses de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud, du Mexique au Chili.Solanum tuberosum (2n = 48) a été placée dans la section Tuberarium, de la série Tuberosum, du genre quicontient les espèces capables de produire des tubercules à partir des tiges souterraines. La section Tuberariumcomprend un grand nombre d'espèces tellement variables morphologiquement qu'il est difficile de se mettred'accord sur le nombre d'espèces. Certains, comme Corell (l962) et Hawkes (1966) en classifient près de 159espèces distribuées dans 17 séries différentes, tandis que d'autres, comme Ugent (1966), n'en reconnaissent que36 espèces. Il est maintenant accepté que seulement une quinzaine de ces espèces soit impliquée dans l'évolu-tion de la pomme de terre. Nous nous rapportons à la synthèse de Grun (l990) et aux recherches évolutives rap-portées par Gepts 1993 qui sont basées sur la biologie moléculaire, qui proposent l'évolution indépendante dedeux sous-espèces de pomme de terre cultivées, la première S. tuberosum ssp. andigena (2n=48) dans l'Altiplanobolivien-péruvien, l'autre S. tuberosum ssp. tuberosum (2n=48) au sud du Chili, dans les régions de l'île deChiloe ((SScchhéémmaa àà llaa FFiigguurree 33).

Des espèces diploïdes (2n=24) placées dans le complexe S. brevicaule se seraient hybridées naturellemententre elles et auraient été impliquées dans l'évolution de S. stenotomum, une espèce diploïde qui pourrait êtrela première à être cultivée de façon primitive dans le Plateau Andéen. Deux autres espèces diploïdes, dérivées del'hybridation des espèces du complexe S. brevicaule, auraient été cultivées pendant de brèves périodes: S. gonio-calyx dans les régions andéennes et S. phureja dans les basses terres côtières sur le versant du Pacifique. La cul-ture de ces espèces aurait été abandonnée au profit des espèces tétraploïdes cultivées par la suite. Un croise-

Figure 2 . Formation d'un tubercule de pomme de terre.

Graine de pomme de terre

Jeune tubercule

Noeud Rhizome

Bourgeon terminal

Jeune tubercule

Germe (oeil)

Épiderme

Tissuvasculaire

Moëlle

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ment entre S. stenotomum et l'espèce spontanée diploïde S. sparsipilum aurait produit un hybride qui auraitsubit par la suite un processus d'autopolyploïdisation et une série de croisements et d'introgressions supplé-mentaires. Les formes introgressées de S. tuberosum ssp. andigena (2n=48), auraient produit des tubercules plusvolumineux et auraient été cultivées dans les régions intra montagneuses et les hauts plateaux des Andes, dansune période aussi lointaine que 4000 à 6000 années A.P. Bien plus tard, au cours de l'expansion de la civilisa-tion inca, vers ll00 de notre ère, des variétés cultivées de cette sous-espèce auraient été transportées et cultivéesdans les régions du sud du Chili et en Argentine. Les plantes se seraient croisées naturellement avec des espècesdiploïdes spontanées locales produisant l'hybride S. tuberosum ssp. tuberosum (2n = 48). Cette plante auraitété cultivée par la suite dans cette région qui avait déjà été proposée comme centre secondaire d'origine de lapomme de terre par Vavilov (l928).

Figure 3. Évolution de la pomme de terre (Tiré de Grun, P. (1990) The evolution of cultivated potatoes. Econ. Bot. 44: 39-55. et Gepts, P. (1993) Evol. Bot. 27:51-94.)

Genre Solanum = 1800 - 2000 espèces;Section Petota èces (20 séries);Série ées dans l'évolution de la pommede terre cultivé ée.

Espèces diploïdes (2n = 24) ées dans l'évolution du complexe S. brevicaule; **S. brevicaule, **S. multidissectum, (12 espèces) **S. bukasovii, **S. canasense

**S. stenotomum (complexe)(2n=24; cultivée sur les plateaux

des Andes, hautes altitudes)

*, **S. goniocalyxégions

andéennes)

*, S. phurejaée dans les régions

côtières de la Colombie et du Pérou)*S. sparsipilum

(2n=24)

(Autopolyploïdisation)

*, **S. tuberosum ssp. andigena(2n=48)

(Introgressions multiples)

*, **S. tuberosum ssp. andigenaïdie,

cultivéplateaux des Andes

*, **S. tuberosum ssp. tuberosum(2n=48, cultivée au Chili (Chiloe) et en Argentine)

*, **S. maglia ?*, ** ?

( ) ?(2n=24, Chili, Argentine)

X

X

*, preuves basé électrophorétiques des allozymes**, preuves basé

Evolution de la pomme de terre

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Ce schéma est basé sur les analyses génétiques et cytogénétiques faites au cours des derniers 50 ans et estappuyé, dans ses grandes lignes, par les analyses biochimiques plus récentes (protéines, allozymes et ADN) tellesque décrites par Gepts (l993). Malgré cela, il comporte encore bien des éléments inconnus et difficiles à vérifi-er. Par ailleurs, l'élément temporel de l'évolution de la pomme de terre reste très spéculatif, car les donnéesarchéologiques concernant la domestication et la culture de la pomme de terre sont imprécises, peu nombreuseset de datation trop récente par rapport à ce que l'on devrait s'attendre intuitivement. Le problème ici est le faitque les artéfacts des végétaux qui pourraient établir la preuve de la domestication et culture de la pomme deterre, ainsi que ceux d'autres plantes utilisées pour leurs organes et tissus végétatifs mous, sont mal conservés etont tendance à disparaître des sites archéologiques. De plus, l'augmentation du volume des tubercules lors duprocessus de domestication a été graduelle. Il est donc difficile de déterminer avec certitude à quelle phase dedéveloppement d'un tubercule nous nous retrouvons en présence d'une preuve irréfutable indiquant la présenced'une plante cultivée.

Les tubercules des espèces sauvages du complexe S. brevicaule ont probablement été ramassés et utiliséscomme aliment par les peuples de cueilleurs-chasseurs sud-américains plusieurs milliers d'années avant leurdomestication. Les fouilles archéologiques effectuées au site de Monteverde, dans le centre-sud du Chili, font étatde restes de ces plantes accompagnant les ossements des habitants datés d'il y a 12 000 années. La preuvearchéologique la plus ancienne de la présence de l'utilisation de la pomme de terre cultivée ne vient pas desrégions intra montagneuses de l'Altiplano bolivien-péruvien mais des régions côtières désertiques du centre duPérou, à l'embouchure de la rivière Casma. Une vingtaine de tubercules desséchés, mais bien conservés, ont étédécouverts dans des niveaux d'occupation humaine datés entre 4000 et 3200 années A.P. On considère que cestubercules appartiennent à des plantes domestiquées, car leurs grains d'amidon sont de grande taille et de formeelliptique. Ils sont différents de ceux des formes spontanées qui sont de taille réduite et plus allongée. Bien qued'autres tubercules, possédant certaines caractéristiques des formes cultivées, aient été retrouvés dans la valléede Chilcas à l'intérieur des terres, dans des couches de sédiments datés d'il y a 10 000 ans, il faudra attendre uneconfirmation indépendante de datation, car il y a des doutes de la possibilité de contamination des strates desédiments. Des restes de tubercules de pomme de terre, datés de 4000 ans, ont aussi été découverts dans le sitearchéologique de Taihuanaco, dans la région du lac Titicaca, mais il n'est pas certain que ces tubercules provi-ennent de plantes cultivées. Les preuves les plus évidentes de la culture de la pomme de terre proviennent desdessins et des reliefs de poterie développés par les individus des civilisations Pré-Incas datant du deuxième siè-cle de notre ère. Ces dessins et ces poteries montrent, de façon stylisée, différentes parties de la plante. Celles-cisont encore plus abondamment dépeintes par les artisans des civilisations Mochica et Chimu, les ancêtres directsdes Incas, qui ont peuplé l'Altiplano bolivien-péruvien à partir de 800 A. D.

A l'arrivée des Espagnols sur le continent sud-américain, la culture de la pomme de terre s'étendait desrégions montagneuses de la Colombie jusqu'au sud du Chili. Les Espagnols découvrirent pour la première foiscette plante en 1537 quand ils remontèrent la rivière Magdalena et explorèrent les hauts plateaux andéens de laColombie. A haute altitude dans les Andes, les Amérindiens cultivaient la pomme de terre par la méthode de"chacras" (plantation horticole), souvent dans des champs établis en terrasse et à l'aide d'irrigation. Pour préserv-er les tubercules après la moisson, les agriculteurs plaçaient ceux-ci sur la surface des champs où ils demeuraientexposés pendant la nuit à des températures bien au-dessous du point de congélation. Les tubercules gelaient etle lendemain ils étaient piétinés afin d'éliminer le plus possible l'eau des tissus. L'eau s'évaporait rapidementpendant la période d'ensoleillement sous l'atmosphère sèche à haute altitude. Après quelques jours, l'on obte-nait des masses de tubercules macérés et séchés, légèrement fermentés, appelés chuno (prononcer ''Chugno'')qui pouvaient être entreposés sans détérioration pendant plusieurs mois. Le chuno possédait aussi l'avantaged'avoir son amidon partiellement hydrolysé par le processus de fermentation. Il pouvait ainsi être cuit plus rapi-dement à des températures inférieures à 100o C, un atout important à haute altitude.

Des échantillons de pomme de terre, que les Espagnols assimilaient à des ''truffes'', furent ramenés enEspagne en 1570 où cette espèce fut, pendant un certain temps, confondue avec la patate douce (Ipomoeabatatas ), d'où son nom de "patata", qui provient du nom de "batata", un des termes utilisés par les Amérindiensdes Caraïbes pour nommer la patate douce. Ce nom fut adopté dans la langue espagnole et éventuellement

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traduit en France (et au Québec) sous le nom de "patate", un terme fort utilisé dans le langage commun. Jusqu'en1600, la pomme de terre fut cultivée comme curiosité dans les jardins botaniques établis par la royauté, car lesEuropéens ne l'apprécièrent guère comme nourriture, la jugeant sans goût, trop bourrative et produisant la flat-ulence. Ce manque d'intérêt fut probablement accentué par le fait que la famille des Solanacées était représen-tée en Europe par des espèces riches en alcaloïdes mortels ce qui plaçait la pomme de terre dans une catégoriesuspecte et dangereuse. Un regain de popularité de courte durée s'établit lorsque membres de la royauté espag-nole et française attribuèrent un pouvoir aphrodisiaque à cette plante, probablement due à l'association auxtruffes. La pomme de terre finit par s'établir comme culture européenne par sa capacité de produire un alimentriche en calories dans ses parties souterraines. Pendant les longues guerres entre le royaume de Suède et celuide l'Empire Austro-Prussien au cours du 18e siècle, les champs de céréales étaient constamment détruits oubrûlés lors des avances et retraits des armées en lice. Par contre, les champs de pomme de terre étaient piétinés,mais une partie de la récolte de tubercules sous terre était préservée et permettait de sauver de la famine les pop-ulations qui survivaient aux envahisseurs. En constatant cet avantage, les rois de Suède, et par la suite, ceux del'alliance Austro-Prussienne, décidèrent d'imposer la culture de la pomme de terre. Les régions de l'Europe cen-trale et du Nord, où cette culture fut imposée, étaient soumises à un climat favorable à sa culture, car il était trèssemblable aux zones de culture de la pomme de terre à haute altitude dans les régions tropicales et subtropicalesde l'Amérique du Sud. Vers la fin du 18e siècle, la culture de la pomme de terre sur le continent européen étaitbien implantée et cette plante, plus que n'importe qu'elle autre, est considérée comme ayant contribué à l'aug-mentation de la population humaine dans ces régions.

La pomme de terre fut introduite en Angleterre de façon indépendante vers la fin du 16e siècle. Une contro-verse existe à savoir si c'était Sir Walter Raleigh, ou Sir Francis Drake, qui est le responsable de son introductionsur l'Ile. L'on raconte que la reine Elizabeth I accusa Drake de vouloir l'empoisonner quand, par mégarde, lescuisiniers lui servirent une salade de feuilles de pomme de terre (qui contient de la solanine, un alcaloïde quipeut être mortel), au lieu d'un plat de tubercules cuits à partir de la plante offerte par son navigateur favori. Parla suite, la pomme de terre fut quand même adoptée comme aliment en Angleterre et sa culture pris une impor-tance quasi exclusive dans la voisine Irlande qui subissait le joug de l'occupation anglaise. Non seulement lesconditions climatiques humides et fraîches de l'Irlande se prêtaient admirablement à la culture de la pomme deterre, mais cette plante pouvait produire assez de calories sur des lopins de terre de petites dimensions afin desatisfaire les besoins alimentaires de base d'une famille nombreuse. Hors, la structure de sous-division excessivedes terres agricoles dans les zones rurales de l'Est de l'île et la politique de propriété et de sous-location de celles-ci, obligeaient les fermiers à l'autarchie dans un contexte de pauvreté extrême. Vers 1840, l'Irlande rurale étaitdevenue dépendante de la pomme de terre à tel point que cette plante avait remplacé les céréales comme alimentde base sur de grandes étendues de territoire. La consommation journalière de pomme de terre par personneétait en moyenne de 3 à 6 kg de tubercules, qui étaient préparés en bouillie et servis aux trois repas quotidiens.Quelques suppléments de viande (mouton), de thé, de sucre, de pain de seigle ou d'orge et de beurre s'ajoutaienten petites quantités et de façon irrégulière sur une base hebdomadaire.

En 1845-46, les plantations de pomme de terre de l'Irlande furent ravagées par l'attaque d'un champignon,Phytophtora infestans, introduit accidentellement d'Amérique. Ce fléau détruisit presque entièrement la culturede la pomme de terre sur l'île en moins de 5 ans. Il est estimé que près de 1.5 millions d'irlandais moururent defaim au cours des 4 à 5 ans qui suivirent à l'épidémie initiale. Le manque de nourriture et une politique d'émi-gration agressive favorisée par les intérêts économiques anglais, forcèrent plus de un million d'habitants desrégions rurales à émigrer, la plupart aux État-Unis et au Canada. L'épidémie de champignons s'étendit aux plan-tations de pomme de terre de l'Angleterre et en Europe continentale où, du fait d'une agriculture plus diversi-fiée, elle eue un impact moindre sur la population humaine de ces régions.

La susceptibilité des plantations de pomme de terre de l'Irlande et de l'Angleterre étaient due au fait qu'ellesétaient toutes issues d'une seule introduction. De plus, l'uniformité génétique de la variété originale étaitpréservée par l'utilisation de semence végétative, ce qui revient à propager des individus qui sont des clonesidentiques. Au fait, toutes les plantations européennes étaient issues, tout au plus, de deux ou trois introductionsindépendantes dont l'identité génétique avait été perpétuée par la propagation végétative.

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Suite à la débâcle irlandaise, les améliorateurs et associations de fermiers européens développèrent des pro-grammes de sélection pour produire des variétés de pomme de terre résistantes à Phytophtora et à d'autres mal-adies. De nouvelles sources de germoplasme furent obtenues à partir d'espèces, spontanées et cultivées, depommes de terre dans diverses régions du centre et du sud des Amériques et un programme d'hybridation inten-sif fut développé à partir de 1880. Par exemple, des sources de résistance à Phytophtora infestans furent retrou-vées parmi des populations de Solanum demissum, une espèce mexicaine. Jusqu'en 1870, les quelques introduc-tions qui avaient été la source des premières plantations européennes provenaient de Solanum tuberosum ssp.andigena, des régions tropicales et subtropicales des hauts plateaux des Andes. À partir de cette date, des var-iétés de S. tuberosum spp. tuberosum provenant du sud du Chili seront introduites en Europe, sélectionnées etutilisées par la suite dans des programmes d'hybridation avec des variétés de la ssp. andigena. Au cours desderniers 30 ans, près de 550 variétés de pomme de terre ont été issues de ces programmes d'amélioration. Laqualité et l'uniformité des tubercules se sont beaucoup améliorées par rapport au début du siècle. Sous des con-ditions favorables de culture, la production par hectare d'une ferme de l'Idaho, nommé l'état de la pomme deterre aux États-Unis, peut atteindre aujourd'hui les 70 tonnes de tubercules, quatre fois la production atteignableen 1930. Les généticiens considèrent que le potentiel de production de tubercules de cette plante pourraitatteindre les 200 tonnes métriques par hectare en utilisant des variétés améliorées et des conditions de pratiquesagricoles et de culture optimales.

Écologie et culture de la pomme de terre:

La pomme de terre est adaptée aux climats tempérés froids et humides, conditions qui sont aussi retrouvéesen altitude dans les régions tropicales et subtropicales des Andes, leurs régions d'origine. Bien que la culture dela pomme de terre puisse être effectuée sur toutes sortes de sols, la production optimale est obtenue sur des solsde texture moyenne à argileuse, légèrement acides (pH 6.0-6.5), enrichis en cations échangeables, en phospho-re et en matière organique. Un bon drainage des sols est important pour éviter des malformations des tubercules.Si les conditions climatiques ne permettent pas de maintenir les sols humides au cours de la saison de croissance,il est nécessaire de d'irriguer les champs artificiellement. Les sols doivent être bien préparés au moyen de dis-ques brise-mottes avant de semer les semences végétatives qui sont des morceaux de tubercules comprenant dedeux à trois bourgeons à partir desquels se développerons les tiges et racines primaires. Traditionnellement, lesplantations de pomme de terre sont initiées tôt au printemps avec des semences végétatives, car les plantes depomme de terre fleurissent de façon irrégulière et un fort pourcentage des fleurs sont infertiles. Près de 90 %des plantations dans le monde sont initiées à partir de semences végétatives qui proviennent de la moisson del'année antérieure. Le désavantage des semences végétatives est la possibilité de celles-ci de transmettre despathogènes (en particulier des virus) et des nématodes d'une année à l'autre. A partir des années 50, les com-pagnies de semences ont commercialisé des semences végétatives qui sont certifiées libres de pathogènes. Plusrécemment, une nouvelle de variété de pomme de terre appelée "Pioneer" a été développée en Amérique duNord. Elle est plantée directement de graines issues des fruits. Les plants de pommes de terre qui émergent desemences, placées à une équidistance de 40 cm sur le rang et de 60-70 cm entre les rangs, se développent surune période de 3 à 5 mois. La croissance des nombreux tubercules, produits à l'extrémité des rhizomes de chaqueplante, est favorisée par le raccourcissement des journées vers la fin de l'été et la récolte peut être effectuée audébut de l'automne.

Traditionnellement, la récolte est effectuée manuellement aux moyen de fourches ou assistée par des charruesvoltigeuses tirées par des animaux de trait. Dans les pays industriels, l'on utilise des récolteuses mécaniséespourvues de fourches frontales qui s'enfoncent en diagonale dans le sol et qui remontent les tubercules en sur-face. Ceux-ci sont laissés exposés pendant quelques heures à la surface du champ afin de permettre au péridermede "durcir" ce qui réduit les dommages occasionnés au cours du ramassage et du transport. Par la suite, les tuber-cules sont ramassés sur des convoyeurs, secoués de leur terres sur des tamis et transportés aux lieux d'entre-posage. Les tubercules peuvent être entreposés pendant plusieurs mois à l'obscurité, soit dans des chambresfroides à des températures de 4 à 6o C, soit à des températures de 15-18o C suite à une fumigation d'hydrazidemaléique. Les deux traitements ont pour objectif d'empêcher la germination des bourgeons latents (yeux) destubercules et éviter la synthèse de chlorophylle. La formation de tissus chlorophylliens à la lumière favorise une

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synthèse accélérée d'alcaloïdes (solanine) et de certains phénols, tels que les isoflavones, lesquels à basses dosespeuvent provoquer des avortements chez les mères enceintes. Dans le cas du traitement au froid, les tuberculesdoivent être reconditionnés avant d'être mis en vente pour la consommation. Pour ce faire, ils sont placés dansdes entrepôts bien aérés maintenus à 18-20o C pendant 3 à 4 semaines afin d'éliminer la coloration brunâtredue à une réduction des sucres qui se développe de façon provisoire et réversible pendant l'entreposage au froid.Les plus grands producteurs de pomme de terre sont la Chine, la Fédération Russe, la Pologne et l'Inde qui, à euxseuls produisent plus des deux tiers de la production mondiale estimée à plus de 308 millions de tonnesmétriques de tubercules en 2001. Les États-Unis suivent avec moins de 5 % de la production mondiale. A partde la Chine, où presque toute la récolte est utilisée directement pour l'alimentation humaine, environ 40 % dela production européenne et américaine est destinée, à parts égales, à l'alimentation du bétail et à l'usage indus-triel de son amidon (papier et tissus) et d'alcools. Seulement 60 % de la production est utilisée pour l'alimenta-tion humaine, mais la moitié de cette production et soumise à une préparation industrielle avant d'être con-sommée ("chips", pommes de terre frites congelés, purées déshydratées, amidon ajouté à d'autres aliments, etc.).Les principaux états producteurs américains de pomme de terre sont l'Idaho, Washington et l'Oregon, où les con-ditions de climats tempérés froids et humides favorisent la croissance de cette plante. La pomme de terre est tou-jours un aliment important des peuples des régions andines de l'Amérique du Sud ainsi que du Mexique etd'autres régions montagneuses de l'Amérique centrale où cette plante fut introduite par les Espagnols.

A la suite de la débâcle occasionnée par l'attaque de Phytophtora en Irlande, des programmes d'améliorationgénétique de la pomme de terre furent développés dans le but de conférer de la résistance aux maladies et dediversifier les sources de germoplasme de cette culture. De nombreux croisements, utilisant des variétés tradi-tionnelles collectées dans les régions andéennes et des espèces spontanées de ces régions et du Mexique, furenteffectués dans le but de sélectionner des variétés résistantes adaptées à des conditions plus variées de climats etde sols. Depuis 1960, ces activités ont été concentrées au Centre International de Recherche sur la Pomme deTerre situé près de Lima au Pérou. Les recherches plus récentes ont permis de développer des variétés de pommeterre plus productives, adaptées non seulement aux régions de climats tempérés, mais aussi avec un certain suc-cès aux basses terres de certaines régions situées dans les tropiques.

Statistiques de production pour la pomme de terre en 2001 (FAOSTAT, révisé))

La production mondiale de la pomme de terre en 2001 était de 308,2 MTM réparties dans 152 pays sur unesuperficie d'environ 19,3 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants étaient la Chine (64,0MTM), la Fédération russe (34,5 MTM), l'Inde (25,0 MTM), la Pologne (20,4 MTM), les États-Unis (20,2 MTM),l'Ukraine (13,5 MTM), l’Allemagne (10,9 MTM), les Pays-Bas (7,7 MTM) et la France (6.5 MTM). LLee CCaannaaddaa ééttaaiittppllaaccéé eenn 1177èèmmee ppoossiittiioonn aavveecc uunnee pprroodduuccttiioonn ddee 44..00 MMTTMM. Le rendement moyen par hectare étaitestimé à 15,9 TM avec des rendements pouvant atteindre 46 TM/Ha (Hollande, Danemark) ou être aussi bas que2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Rwanda, Swaziland). Les généticiens prévoient que la pomme de terre offre un poten-tiel de production qui pourrait facilement atteindre les 250-300 TM/Ha avec des variétés améliorées quand ellessont cultivées et entreposées sous des conditions optimales.

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Le manioc

Le manioc, cassava, mandioca ou yucca, est pratiquement inconnu des régions tempérées. Pourtant, c'est lasource alimentaire principale dérivée d'un organe de réserve souterraine d'une plante dans les régions trop-icales de trois continents. Cette ressource alimentaire est utilisée par plus de 600 millions de personnes qui

habitent les régions tropicales et sous-tropicales du globe. Cette espèce, Manihot esculenta Crantz, appartientà la même famille que l'arbre caoutchouc (la famille des Euphorbiacées) et elle contribue à près de 38 % des calo-ries consommées en Afrique et plus de 11 % de l'énergie alimentaire utilisée par les habitants de l'Amériquelatine. Originaire de l'Amérique du Sud, son importance s'est accru au cours des dernières décennies en Afriqueet en Asie où elle remplace la culture de l'igname dans bien des régions. Les raisons de cette popularité crois-sante sont que le manioc produit plus par hectare que les sources d'igname cultivées locales tout en étant plusfacile à cultiver, plus tolérant à la sécheresse et plus résistant aux maladies et aux attaques des herbivores.L'inconvénient principal du manioc comme aliment, est sa basse concentration de protéines dans ses racinestubéreuses, qui en moyenne est de 1 % et rarement excède 3 %. De plus, il y a la présence de substances toxiquescyanogéniques qui requière une préparation spéciale des racines avant qu'elles puissent être consommées.

Description de la plante de manioc :

Le manioc (Manihot esculenta Crantz, 2n = 36) est un arbuste ligneux, vivace et ramifié qui peut atteindrejusqu'à 5 m de hauteur. Il produit de larges feuilles fortement lobées et spiralées de formes très variables. Lors deleur croissance, les arbrisseaux produisent plusieurs racines tubéreuses de réserve, contenant jusqu'à 35 %d'amidon, qui peuvent atteindre jusqu'à 1 m de longueur et peser collectivement jusqu'à 40 kg. Le manioc estune plante monoïque qui produit des fleurs régulières (actinomorphes) femelles et mâles de petites dimensionsréunies en petits racèmes séparés. Les fleurs femelles, portées sur des racèmes à l'aisselle des feuilles, sont com-posées de 5 sépales, 5 pétales, parfois réduits, et d'un ovaire supère à trois loges soutenant un stigmate simple.Les fleurs mâles sont apétales et comportent 5 sépales et 10 étamines. Suite à une pollinisation croisée, il y amaturation d'un fruit triloculaire (schizocarpe) qui est, en fait, une capsule non charnue ((FFiigguurree 44)). Le systèmephotosynthétique du manioc est de type C4 et cette espèce est une héliophyte qui pousse sous les conditions dehautes températures et d'ensoleillement caractéristiques des régions tropicales et subtropicales.

C

AI

B

D

E

F

G H

Figure 4. Manihot esculenta (Crantz):Manioc. A.- Jeune tige avec feuille; B.- Feuilleavec stipule; C.Tige avec des fleurs; D.- Fleurfemelle; E.- Fleur mâle en coupe longitudinale;F.- Fleur femelle en coupe longitudinale; G.-Fruit; H.- Graine; I.- Tubercule.

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Origine et évolution :

Le manioc est la seule espèce du genre à avoir été domestiquée et on ne lui connaît pas de formes sauvages.Le genre Manihot comprend quelques 17 espèces spontanées originaires des régions tropicales et subtropicalesde la région amazonienne. Le centre de diversité du genre est localisé dans la région comprenant le sud du Brésilet le Paraguay. La variabilité des formes cultivées de Manihot esculenta et la grande dispersion de sa culture enAmérique au cours des périodes préhistoriques ont créé des difficultés pour interpréter son évolution et déter-miner son centre d'origine de domestication. Les analyses d'ADN récentes, utilisant les enzymes de restriction,indiqueraient que l'espèce spontanée M. aesculifolia ssp. flabelliformis serait l'ancêtre du M. esculenta, bien quedeux autres espèces, M. rubricaulis et M. pringlei pourraient aussi être impliquées. Par contre, il n'est pas pos-sible de retracer des formes spontanées de M. esculenta. Il est probable, sans en être certain, que M. aesculifo-lia soit l'espèce spontanée du manioc. Bien que certains placent l'origine de domestication du manioc enAmérique centrale (Mexique et Bélize-Guatemala), la plupart des experts optent pour une origine sud américainesuivie d'une expansion de sa culture en Amérique centrale pendant la période pré colombienne. Bien que l'onn'exclue pas que sa domestication puisse avoir été initiée dans le sud du Brésil, l'on favorise plutôt la région nord-est du Brésil.

La situation est compliquée du fait de la présence de deux types de variétés de manioc, le manioc "amer" et lemanioc "sucré". Cette classification fait état de différences dans la distribution de deux glycosidescyanogéniques, la linamarine et la lotaustraline (manihotoxine) ((FFiigguurree 55)),, qui sont présentes dans toutes lesparties de la plante, mais qui sont distribuéesdifféremment dans les racines tubéreuses desdeux types de manioc. Les racines des variétés"sucrées" contiennent ces produits toxiques enbasse concentration et seulement dans les cel-lules corticales périphériques adjacentes aupériderme, alors que les racines des variétés"amères" possèdent des concentrations élevéesde ces glycosides distribuées dans toute leurmasse parenchymateuse. D'après la plupart des experts, les variétés amères auraient été domestiquées les pre-mières dans le nord-est de l'Amérique du Sud, dans une vaste région que délimitent les frontières actuelles duBrésil, du Venezuela et des Guyanes. Les variétés de manioc "sucrées" auraient été domestiquées plus tard dansles terres basses de la Colombie et de l'Équateur, sur la côte du versant Pacifique. Par contre, Renvoize (1972) aproposé une hypothèse discordante en affirmant que le manioc sucré aurait été domestiqué par les Mayas enAmérique centrale, au Guatemala et au Mexique, au cours de périodes relativement plus récentes. Les décou-vertes archéologiques nous donnent peu de renseignements sur ce point, car s'il est vrai que des restes de man-ioc datés du premier millénaire av. J.C. ont été découverts au Mexique, des grattoirs destinés au manioc (budares)vieux de 4 000 ans ont été retrouvés dans des sites archéologiques du Venezuela. Ceux-ci ne font leur apparitiondans les sites archéologiques de l'Amérique centrale que bien plus tard au cours des premiers siècles de notreère.

A l'arrivée des Espagnols en Amérique, la culture du manioc était déjà bien implantée chez les Amérindiensdes îles des Caraïbes et ceux d'Amérique centrale. Le manioc a été introduit en Afrique par les Portugais dès l570,mais sa culture est devenue importante à partir de la fin du 19e siècle lorsque l'on découvrit que cette planteétait facile à cultiver, produisait plus sur des sols pauvres que d'autres cultures et, de surcroît, était résistanteaux maladies et à l'attaque de sauterelles qui faisaient des ravages dans diverses régions d'Afrique occidentale. Apartir de 1910, le manioc déplace et remplace peu à peu la culture des espèces et variétés d'ignames locales, etce dans bien des régions de l'Afrique tropicale. Une situation semblable se développe en Asie où le manioc faitson entrée à partir de 1950 en Inde, en Thaïlande, en Chine et, particulièrement, en Indonésie qui est actuelle-ment le quatrième pays producteur le plus important après le Nigeria, le Brésil et la Thaïlande.

Figure 5.- Ia linamarine et la lautostraline produites par le manioc

Linamarine

CH3CH2

Lotaustraline

H3C

H3CC

O-Glc

C N H3CC

O-Glc

C N

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Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc :

Le manioc est une plante bien adaptée aux climats tropicaux et subtropicaux sous des conditions d'en-soleillement et tolère bien la sécheresse. Sa croissance est favorisée dans des sols bien drainés et humides, maisest affectée par des périodes d'inondation prolongée. Elle peut générer une bonne production de racinestubéreuses de réserve même dans des sols pauvres et requière un minimum de labours et de soins tout en ayantun taux de production par hectare très élevé. Les plantations sont effectuées par propagation végétative sanslabourage préalable des sols dont on a coupé ou brûlé la végétation de surface. Des tiges de 30 cm de longueur,portant plusieurs bourgeons axillaires, sont enfoncées latéralement dans le sol à des distances d'environ 1 ml'une de l'autre. Chaque plant produira un arbrisseau et des racines tubéreuses dans les 12 à 18 mois qui suiv-ent. Celles-ci peuvent être récoltées ou laissées en place jusqu'au moment requis. Dépendant des conditions etde la période de croissance écoulée, chaque plant peut produire entre 5 et 30 kg de racines (avec un record de72 Kg à Cali (Colombie)) .

La présence de glycosides cyanogéniques dans les racines du manioc rend nécessaire un procédé d'extractionpour éliminer ces substances nocives. Pour les variétés "amères", les racines doivent être coupées finement ougrattées et la masse est ensuite comprimée pour en extraire le jus. Ce procédé libère l'enzyme linamarase de soncompartiment cellulaire. Celle-ci hydrolyse les deux glycosides cyanogéniques produisant de l'acide cyanhy-drique (HCN*) qui s'évapore rapidement ((FFiigguurree 66)).

Par la suite, le séchage des morceaux de racines ou la cuisson de la pâte (ou de la farine produite) permetd'éliminer les résidus de cyanure qui pourraient être encore présents. Le procédé pour les variétés "sucrées" estplus simple, car il suffit de peler la zone péridermale des racines tubéreuses pour éliminer les substancescyanogéniques qui sont concentrées dans les cellules corticales périphériques. Les Amérindiens des régions ama-zoniennes avaient développé un procédé d'extraction en employant le "ttiippiittii", sorte d'exprimoir vertical àtourniquet en forme de manche. En suivant le même principe, des pressoirs horizontaux ont été développés plusrécemment dans plusieurs pays d'Afrique équatorial. Dans le même but, les "bbuuddaarreess", sortes de grattoirs faitsen pierre ou de treillis de végétaux tressés, ont été développées au cours de la période pré colombienne par lesamérindiens de l'Amérique Centrale et du nord-est de l'Amérique du Sud..

Les racines ainsi traitées sont séchées et sont moulues en farine. Celle-ci est utilisée pour la préparation degalettes plates ou ajoutée en forme d'une purée gélatineuse à différents mets cuisinés. Au Brésil et au Venezuela,pays où le manioc est une denrée alimentaire importante, les racines sont traitées par un procédé mécanisé quicoupe celles-ci en lanières qui sont, par la suite, pilées jusqu'à formation d'une pâte informe. Celle-ci est laisséeau repos pendant la nuit ce qui permet au cyanure d'être libéré et évaporé. Cette pâte humide est par la suiteutilisée pour préparer des galettes plates et minces de l m de diamètre ("tortillas de yucca") qui sont cuites aufour et qui peuvent être entreposées pendant de nombreuses semaines. La cuisson permet d'éliminer tous lesrésidus d'acide cyanhydrique qui pourraient encore persister. La pâte de manioc peut être séchée et moulue enfarine. La farine est rôtie pour préparer le ffaaffaarroo, une nourriture de base des peuples amazoniens. La pâte demanioc peut aussi être décantée de son eau et l'amidon obtenu est purifié par un processus en chaîne d'hy-dratations et de décantations multiples. L'amidon purifié peut être utilisé par l'industrie ou déposé sur des

Figure 6.- Libération de cyanure par l'action de l'enzyme linamarase.

HCN* + AcetoneLinamarine

H3C

H3CC

O-Glc

C N

Glucose + acetone cyanohydrineLinamarase(enzyme)

CH3HO C

CN*

CH3

O C CH3

CH3

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plaques métalliques, ou dans des tambours chauffés, pour la préparation du ttaappiiooccaa, qui est composé de con-glomérats (pellets) d'amidon gélatinisées et séchés par la chaleur. Le tapioca est un excellent gélifiant qui est util-isé comme ingrédient pour la préparation de poudings, de tartes à fruits et d'aliments pour nourrissons. L'eaudrainée issue du processus de préparation et purification des farines de manioc et de tapioca contient assezd'amidon pour être fermenté afin de produire des bières locales.

Amélioration génétique :

Les programmes d'amélioration génétique du manioc sont relativement récents et ont été concentrés princi-palement au Centre International de Recherches sur les Cultures Tropicales de Cali, en Colombie. De nom-breuses sources de germoplasme, comprenant non seulement des variétés traditionnelles de Manihot esculenta,mais aussi des collections de formes spontanées de d'autres espèces de Manihot, ont été utilisées dans les pro-grammes d'hybridation et de sélection. L'objectif le plus important est de produire des variétés dont le contenude protéines est significativement plus élevé que celui des variétés traditionnelles. Au cours de la dernière décen-nie, plusieurs nouvelles variétés contenant jusqu'à 8 % de protéines ont été développées et sont présentementsujettes à sélection. Le deuxième objectif est de réduire la concentration de glycosides cyanogéniques des racinessans affecter leurs concentrations dans les feuilles et parties aériennes. L'objectif est de remplacer les variétés"amères" par des variétés "sucrées" de haute productivité sans que leur résistance aux maladies et aux pestes ensoit affectée. Le botaniste américain D. J. Rogers a découvert en 1962 que les feuilles du manioc contenaient deshautes concentrations de protéines de bonne qualité pouvant atteindre 36 % de leur poids, ce qui place cettesource de protéines au même niveau que celle des graines de légumineuses. Cette découverte a engendré un pro-gramme culinaire innovateur qui a proposé l'apprêt de plats combinant la cuisson de feuilles et de racines afinde corriger les déficiences nutritives de ces dernières. Bien que les coutumes et usages soient difficiles à chang-er, ces nouveaux plats, proposés sur le modèle des tamales de maïs, sont maintenant bien acceptés par plusieurscommunautés rurales dans les régions tropicales des trois continents où le manioc est une nourriture de basedes peuples les plus démunis.

Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé)

La production mondiale de manioc en 2001 était de 178,9 MTM réparties dans 100 pays sur une superficie plan-tée d'environ 17,0 millions d'hectares. Les cinq principaux pays producteurs étaient le Nigeria (33,9 MTM). LeBrésil (24,1 MTM), la Thaïlande (18,3 MTM), l'Indonésie (16,2 MTM) et la République Démocratique du Congo(15,4 MTM). Le rendement moyen par hectare était environ de 10,5 TM; il pouvait atteindre les 27,2 TM/Ha(Barbade) et être aussi bas que 2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Malawi, Togo, Polynésie Française).

La patate douce

La patate douce (Ipomoea batatas Lam.) était cultivée pour ses racines dans les régions tropicales et sub-tropicales en Amérique et dans les îles du Pacifique bien avant l'arrivée des premiers explorateurseuropéens. La distribution de cette plante, conjointement avec celles du cocotier et de la gourde d'eau, a

été utilisée comme argument pour appuyer l'hypothèse de contacts et d'échanges préhistoriques entre les peu-ples d'Amérique du Sud et ceux des îles de l'Océanie. Jusqu'à très récemment les arguments proposés pour expli-quer l'évolution de la domestication et la culture de la patate douce étaient sujets à controverse. Les études tax-onomiques et évolutives récentes ainsi que les découvertes archéologiques des deux dernières décenniesindiquent que la domestication et la culture de cette espèce ont débuté dans les régions tropicales de la côte

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nord-ouest de la Colombie, en Amérique du Sud. Cette plante, qui fournit un aliment de meilleure qualité que laplupart des autres plantes cultivées pour leurs racines et tubercules, a été et est encore un aliment de base tra-ditionnel important pour les populations habitant les régions côtières et les îles du bassin de l'océan Pacifique.La culture de la patate douce s'est étendue aux régions tempérées aux cours des deux derniers siècles. La pro-duction mondiale en 2001 était estimée à environ 136 MTM, production se rapprochant à celle du manioc, maisprès de 2.5 fois inférieure à celle de la pomme de terre. La Chine est de loin le premier producteur du mondeavec une production en 2001 de 115 MTM, représentant plus de 83 % de la production mondiale.

Description de la plante :

La patate douce, Ipomoea batatas Lam, placée dans la famille des Convolvulacées, est la seule espèceéconomiquement importante des quelques 400 espèces que comporte ce genre. Cette herbacée est une vignerampante hexaploïde (2n=6X=90) qui est vivace dans les zones tropicales, mais qui se comporte comme uneannuelle dans les régions tempérées. Ses racines deréserve sont de vraies racines souterraines. Elles sedéveloppent à partir des racines adventices parcroissance secondaire, de façon similaire audéveloppement de la betterave à sucre. Cependant,au lieu que la croissance secondaire se développeen anneaux concentriques, elle se forme de façondésorganisée dans la masse de la racine (FFiigguurree77). Bien que les plantations soient initiées parpropagation végétative à partir de portions detiges aériennes ou, parfois, de racines de réserve,les plantes fleurissent de façon sporadique sous lestropiques (et plus fréquemment dans les régionssubtropicales et tempérées). Elles produisent desfleurs bisexuelles régulières (actinomorphes) dontles 5 sépales et les 5 pétales sont soudés à leurbase (FFiigguurree 88). Suite à une fertilisation croisée,il y se développe une baie triloculaire semblable àcelle des espèces de Solanacées, famille très prochedes Convolvulacées.

Origine et évolution de la patate douce :

On ne connaît pas de formes spontanées deIpomoea batatas, mais deux espèces hexaploïdes(2n=6x=90) spontanées d'origine américaine, I.trifida et I. tiliaceae, sont considérées les ancêtresde la patate douce à cause de leur morphologie etde leur caryologie similaires à celles de l'espècecultivée. Ipomoea trifida originaire du Mexique, aété proposée par la botaniste japonaise IchizoNishiyama comme étant l'espèce ancestrale de lapatate douce. Par contre, plusieurs botanistes con-sidèrent que I. trifida n'est pas une espècesauvage, mais une forme de I. batatas qui a subitune réversion des caractéristiques associées auxplantes cultivées. Douglas Yen, un ethnobotanistede l'Université d'Hawaii, favorise Ipomoea tili-aceae, distribuée dans régions des basses terres

Radis

Panais

Carotte

Patate douce

Betterave

Navet

Xylème

CambiumPhloème

Cortex

Xylème

Cambium

Phloème

Anneaux concentriques de tissus vasculaires

Faisceaux vasculaires secondaires entourés

de cellules d'entreposage

Xylème

Cambium

Phloème

Figure 7. Coupe transversale de différentes racines. Dans celles-ci, différentes zones sont le site d'accumulation de l'amidon.Chez le radis et le navet, le parenchyme du xylème se développeet accumule l'amidon. Chez le panais et la carotte, l'amidon estemmagasiné dans le cortex. Chez la betterave, on retrouve desbandes successives de tissus vasculaires, chacune de ces bandesaccumule de l'amidon. Chez la patate douce,l'amidon est accu-mulé dans le parenchyme au centre de la racine dans lequel onretrouve plusieurs faisceaux de xylème. (Modifié de Simpson & Ogorzaly1995)

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tropicales du nord-ouest de la Colombie, comme étant l'ancêtre spontané de la patate douce. Les analyses debiologie moléculaire effectuées récemment et les considérations linguistiques lui donnent raison. De plus, il n'ex-iste aucune preuve archéologique ancienne de la présence de la patate douce en Amérique centrale et sa culturen'a jamais été particulièrement développée au Mexique, ce qui n'appuie pas l'hypothèse que cette plante auraitété domestiquée initialement en Amérique centrale.

Des restes fossilisés de patates douces datés d'il y a 8 000 et 10 000 ans ont été retrouvés dans les contrefortsdes Andes en Amérique du Sud. Les fouilles archéologiques démontrent que cette espèce était cultivée et domes-tiquée en Amérique du Sud depuis au moins 4 500 ans. L'énigme qui n'est toujours pas expliqué est la présencede la patate douce en Polynésie, en Nouvelle Zélande, en Nouvelle Guinée, et dans d'autres îles du Pacifique Suddans les périodes pré colombiennes remontant au 13ème siècle de notre ère. L'hypothèse la plus acceptée et celled'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et des îles du Pacifique Sud, ce qui aurait permisd'introduire la culture de la patate douce dans ces régions. Bien que près de 6 000 km de mer ouverte séparentces deux régions, le voyage du radeau Kon Tiki, effectué par le navigateur norvégien Thor Heyerdahl en 1947, asuggéré très fortement que des navigateurs sud-américains de la période pré colombienne habitant les côtes duPacifique aient pu atteindre les îles polynésiennes en employant des méthodes de transport maritime del'époque. Ces voyages auraient pu être organisés, mais il est bien plus probable qu'ils auraient été accidentels

A

B1

B2

B3C

DE

Figure 8. Ipomoea batatas: Patate douce. A.- Tige végétative;B.- (1-3) Différentes formes de feuilles; C.Fleur; D.- Fleur ouverteartificiellement; E.- Racine.

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causés par des tempêtes qui auraient éloigné les radeaux des côtes américaines après quoi ils auraient dérivé àla faveur des courants prévalent vers l'Ouest. Un seul voyage réussi aurait pu suffire pour introduire cette plante,mais la question est de savoir si des racines de patate douce, qui n'ont pas une capacité de conservation partic-ulière, auraient pu survivre à la suite d'un voyage de plusieurs semaines ou mois.

Quel que soit le moyen d'introduction de la patate douce dans les îles d'Océanie, cette plante faisait partieintégrale de l'agriculture pratiquée par les peuples maoris qui ont colonisé ces îles, plusieurs siècles avant l'ar-rivée des premiers explorateurs européens. Cette plante était aussi cultivée en Nouvelle-Guinée et dans certainesrégions de l'Indonésie et de la Malaisie, où des systèmes de caches souterrains élaborés avaient été développéspour entreposer les racines. Les fouilles archéologiques dans l'archipel des îles Hawaii rapportent des fragmentsde patate douce datées du 10-11éme siècle de notre ère, époque qui coïncide avec la colonisation de ces îles parles navigateurs maoris venant de la Polynésie. Il est intéressant de noter que les premiers habitants d'Hawaii nom-maient cette plante "Uala". Karl Reich, expert linguistique de l'Université Nationale d'Australie, associe ce nom àla famille des langages Cuna utilisés par les peuplades pré colombiennes du nord-ouest de la Colombie, région,qui comme nous l'avons mentionné, est considérée le centre d'origine de domestication de la patate douce.

À l'arrivée des Espagnols, la patate douce était cultivée dans les îles et basses terres de l'Amérique centrale etdu sud. Dépendant des régions de culture, les Amérindiens lui donnaient des noms différents: apichu au Pérou,camote au Mexique, et aje (variétés amidonneuses) et batata ** (variétés sucrées) dans les régions des Caraïbes.La patate douce fut ramenée par Colomb en Espagne où elle fut cultivée comme plante exotique dans les jardinsbotaniques. Au début du 16ème siècle, elle fut transportée du Mexique à l'île de Guam. À cette époque l'île deGuam était une colonie asiatique de l'Espagne, et la patate douce y fut cultivée pour nourrir les marins desbateaux espagnols faisant la navette entre les diverses colonies asiatiques. De leur côté, entre 1740 et 1770, lesPortugais introduisirent la culture de la patate douce dans les régions côtières de leurs colonies d'Inde (Goa), deCeylan (Sri Lanka), des îles Moluques et d'Indochine. À cette époque, des patates douces cultivées en Espagnefurent exportées en Angleterre où, pour une raison étrange, elles furent considérées aphrodisiaques ce qui aug-menta leur popularité pendant un certain temps.

Bien que la patate douce soit encore utilisée de façon intensive dans les régions tropicales et sous-tropicalesdes Amériques et qu'elle soit devenue une culture importante dans les états du sud-est des États-Unis, sa pro-duction est maintenant concentrée en Afrique et en Asie, où l'on retrouve les dix pays producteurs les plus impor-tants. La Chine est de loin le premier producteur mondial, accaparant plus de 83 % de la production mondiale.Bien que la production au Japon, le septième producteur mondial en 2001, ait diminué au cours des deuxdernières décennies, elle est plus élevée que dans tous les pays américains réunis. Dans plusieurs pays asiatiques,la patate douce est considérée comme une protection contre les ravages des typhons. En effet, ceux-ci ravagentles cultures de surface tels que le riz et d'autres plantes de culture utilisés pour leurs fruits et végétation de sur-face et ne laissent intactes que les plantes cultivées pour leurs organes souterrains.

Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce :

Cette vigne d'origine tropicale est bien adaptée aux températures chaudes et à l'humidité des tropiques et netolère pas le gel. Dans ces conditions, la patate douce est traditionnellement cultivée comme une espèce vivaceavec un prélèvement des racines à chaque année à partir de plants qui sont laissés sur place. Bien que cultivéeprincipalement dans les régions côtières et dans les basses terres des régions tropicales, cette plante peut êtrecultivée avec succès, sous des conditions favorables, jusqu'à 2 800 m d'altitude. Dans les régions subtropicales

_____________________________________________________________________________________________________________** le nom batata fut plus tard attribué par erreur à la pomme de terre ("patata") lorsque celle ci fut introduite en Espagneen 1537, semant une confusion qui n'a jamais été corrigée. Les noms Kumar, kumara, ou une variante de ces mots, étaientaussi utilisés au Pérou et en Polynésie pour nommer la patate douce. L'utilisation de ces termes dans les deux régions étaitconsidérée comme une preuve de l'introduction de la patate douce du Pérou dans les régions du Pacifique du Sud. Le termeKumar est maintenant considéré d'origine polynésienne par les experts linguistiques et l'on suppose que ce terme a étéintroduit au Pérou au cours du 16e siècle, pendant la période post-colombienne.

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et tempérées chaudes, où les températures de la saison hivernale peuvent descendre en dessous de 14o C, la cul-ture de la patate douce se fait sur une base annuelle, généralement en rotation avec d'autres culturesenrichissantes des sols comme le soja et l'arachide. Du fait de sa récolte souterraine, la culture de la patate douceest bien adaptée aux sols légers, même sablonneux, si ceux-ci sont maintenus humides pendant la saison de crois-sance. Par contre, sa production est affectée par des périodes prolongées d'inondation et les sols doivent pos-séder un bon drainage sous des conditions d'humidité excessive. L'ajout d'engrais riches en phosphore et enpotassium améliore les rendements de cette culture.

Les plantations de patate douce sont initiées par la propagation végétative de segments de tiges aériennes oud'une racine de réserve entière. Dans le premier cas, des racines adventices à géotropisme positif seront produitesdans la partie inférieure de la tige et un méristème végétatif surgira du sol et produira les premières feuilles ayantune forme de flèche. Dans le second cas, les nombreux bourgeons situés en surface de la racine produiront desracines adventices sur la partie inférieure et des tiges aériennes desquelles se développeront des feuilles sur lapartie supérieure de la racine (FFiigguurree 99). Bien que des plantes de patate douce puissent être produites à par-tir de graines, les plantations sont rarement initiées de cette façon, car la floraison est peu fréquente et ledéveloppement des plantes et des racines à partir de graines prend beaucoup plus de temps. L'inconvénient leplus important est que les plantes issues de grainessont, contrairement à celles propagées végétativement,trop variables quant à leur physiologie et leur mor-phologie, ce qui affecte l'uniformité et la synchronisa-tion dans la production et les récoltes des racines. Laproduction de graines est par contre essentielle auxprogrammes d'amélioration basés sur les croisementscontrôlés et les programmes de sélection qui suivent.

Dans les tropiques, la récolte peut être effectuée entout moment et dépendra de l'état du développementdes racines de réserve. Dans les régions subtropicaleset tempérées chaudes, les plantations sont effectuéesau printemps afin que les récoltes soient faites à l'au-tomne. Le développement des racines étant favorisé parune diminution de la photopériode. Des périodes decroissance allant de 3 mois à 6 mois (variétés hâtivescultivées dans les régions plus septentrionales et var-iétés cultivées dans les régions les plus chaudes) sontnécessaires pour atteindre un développement racinaireoptimal.

La plupart des régions productrices de patate douce utilisent des méthodes traditionnelles de culture où lespratiques agricoles sont manuelles et dépendent principalement d'une main-d’œuvre abondante. Par contre,cette culture s'est mécanisée aux États-Unis et dans certains pays d'Asie. Des équipements semblables à ceux util-isés pour la culture de la pomme de terre ont été adaptés pour les labours, l'ensemencement et la récolte de lapatate douce.

La valeur nutritive de la patate douce est supérieure à celles du manioc et de la pomme de terre. La quantitéd'hydrates de carbone oscille entre 21 et 32 % dont 3 à 6 % en forme de sucres dont le contenu augmentesuite à l'entreposage et à la cuisson. Bien que les racines de la plupart des variétés de cette plante contiennent2 à 3 % de protéines, certaines variétés sélectionnées au cours des derniers 20 ans atteignent les 5 à 6 %, ce quiplace cette plante en tête, avec l'igname, pour la qualité nutritionnelle de ces organes de réserve souterraine. Lesracines sont presque aussi riches en vitamine A que les carottes et contiennent des taux de vitamine C semblablesà la pomme de terre. C'est une bonne source de minéraux et sa valeur calorique est supérieure à celle de lapomme de terre.

Deux types de patate douce ont été développés. Les variétés amidonneuses contiennent rarement plus de 2 %

Figure 2- (A) Les feuilles d'une patate douce peuvent sedévelopper à partir d'une racine basale mais la plupart desfeuilles se développent à partir des bourgeons situés sur lapartie supérieure (B) plant obtenu de la germination d'unegraine.

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de sucres dans leurs racines. Celles-ci sont généralement de couleurs jaune à brun clair et de structure fibreuse.Les racines des variétés sucrées, développées au cours des derniers trente ans, accumulent jusqu'à 6 à 8 % desucres et contiennent aussi un pourcentage supérieur en vitamine A (carotènes) ce qui leur confère une col-oration orangée et une structure plus dense et hydratée que les formes riches en amidon..Dans la plupart des pays tropicaux producteurs de patate douce, les racines, issues de petites plantations privéesou communautaires, sont utilisées comme légumes accompagnant les plats cuisinés ou sont préparées en purées.Aux États-Unis, une partie importante, environ 40 % de la production, est utilisée pour l'alimentation du bétailet le reste comme légumes ou comme dessert après une cuisson des racines dans du sucre (confiserie). Au Japonet à Taiwan, près de la moitié de la production est utilisée pour l'extraction d'amidon destiné en grande partie àla fermentation pour la production de vins et d'alcools industriels.

Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé)

La production mondiale de patate douce en 2001 était environ de 135,9 MTM distribuée dans 109 pays etcouvrait une superficie d'environ 9,4 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants de patatedouce étaient la Chine (115,1 MTM) , le Nigeria (2,5 MTM), l'Ouganda (2,5 MTM), le Viêt-Nam (1,6 MTM), ),l'Indonésie (1,7 MTM), l'Inde (1,2 MTM), le Japon (1,1 MTM) et le Rwanda (1.1 MTM) . Il est possible que cetteproduction soit sous-estimée, car dans bien des pays du Tiers-Monde la patate douce et cultivée dans des jardinsprivés et cette production n'est pas toujours rapportée dans les statistiques régionales. La production moyennepar hectare était estimée à 14,5 TM et les rendements peuvent varier entre 35 TM/Ha (Israël, Hong Kong) et 1-2 TM/Ha (Tanzanie, Chad, Swaziland).