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Sommaire

Avant-propos

12 points de repère

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Sommaire

AVANT-PROPOS • Objectif de ce livre • Plan et organisation DOUZE POINTS DE REPÈRE 1. L’Occident : un terreau favorable 2. L’expérience primordiale 3. Bouddha : vide d’illusions, plein de qualités

éveillées 4. Le Bouddha, homme et perfection 5. Le Bouddha, les Bouddhas 6. Venez-et-voyez

7. La bonté fondamentale 8. Déployer notre potentiel de vie 9. Le bouddhisme comme mode de vie 10. Base, Voie, Fruit 11. Se relier aux trois joyaux du refuge 12. L’emploi du mot Dharma

Première partie LE BOUDDHISME EN INDE

Chapitre 1. LE CONTEXTE INDIEN DU VIe SIÈCLE AV. N. È.

1. L’héritage védique 2. Les “sans demeure” et la voie de la connaissance

Chapitre 2. LA VISION DU COSMOS ET DE SES HABITANTS

1. La respiration de l’univers 2. Naître dans un monde ordinaire

Chapitre 3. LE BOUDDHA SHAKYAMUNI ET SES ŒUVRES

1. Un puzzle difficile à reconstituer 2. Un réformateur au cœur de l’Inde brahmanique 3. L’actualisation du “hors temps” de l’éveil 4. L’exposé des douze œuvres du Bouddha

Chapitre 4. DÉPLOIEMENT DE L’ENSEIGNEMENT DU BOUDDHA

1. La communauté ou sangha 2. Les soutiens politiques

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3. La floraison du Dharma • Le bouddhisme des origines • Le Mahayana • Le Vajrayana • Le Mahamudra et le Dzogchèn

Chapitre 5. DÉCLIN ET RENAISSANCE DU DHARMA

1. Le Bouddha, neuvième avatar de Vishnu ? 2. La quête de l’identité spirituelle 3. L’effet dévastateur des invasions musulmanes 4. Renaissance du bouddhisme au XXe siècle

Deuxième partie LE BOUDDHISME DANS LE MONDE

Chapitre 6. LE CHEMIN DU SUD ET DE L’ASIE DU SUD-EST

Chapitre 7. LE CHEMIN DU NORD

1. Nord-Ouest 2. Via la route de la soie et en direction des mers de Chine et du Japon 3. En direction des hauts plateaux tibétains et du désert de Gobi

Chapitre 8. LE CHEMIN DU SOLEIL COUCHANT

Troisième partie PAROLE, ENCRE, SILENCE

Chapitre 9. LE LANGAGE ET SON ENVERS

1. Le double pouvoir du langage 2. La transparence de la conception

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Chapitre 10. LES CHEMINS DE LA PAROLE

1. La triple tresse : énoncés, sens, transmissions 2. Le cercle enchanté et les semences d’éveil 3. La parole guérisseuse

Chapitre 11. LE MIROIR D’ENCRE

1. Tradition orale et écriture 2. Les corpus scripturaires 3. Huit grands maîtres… huit trésors 4. La voie des contes et des paraboles 5. La voie de la poésie

Chapitre 12. L’ONDÉE DE SILENCE

1. Une guirlande de mots et de silences 2. Déposer les questions 3. La simplicité de l’ordinaire

Quatrième partie PRINCIPALE NOTIONS ET PRATIQUES

Chapitre 13. LA CARTE DE NOTRE EXPÉRIENCE

1. L’esprit, sa nature 2. La production conditionnée ou l’interdépendance 3. Les quatre nobles vérités 4. Les quatre sceaux du Dharma 5. Les deux réalités

Chapitre 14. L’APPRENTISSAGE

1. Aperçu du triple apprentissage 2. Trois conditions-clés 3. Les quatre approches de l’apprentissage

• Hinayana : la voie du renoncement et du discernement • Mahayana : la voie de la connaissance et de l’amour • Vajrayana : l’approche sacrée • Mahamudra et Dzogchèn : l’approche fondamentale

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ÉPILOGUE Dépasser les limites d’une tradition Éveiller le devoir de responsabilité Offrande

ANNEXES • Les 37 auxiliaires de l’éveil en relation avec les cinq voies du bodhisattva • Les 49 facteurs mentaux mentionnés dans le Compendium de l’Abhidharma • Lodjong, l’entraînement de l’esprit • Stupas et statues du Bouddha • Passerelles Bouddhisme et philosophie Bouddhisme et religion Bouddhisme et psychothérapie

GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE Index des noms propres Index des notions Liste des tableaux Table des illustrations

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Note liminaire

Termes sanskrits

Pour ne pas alourdir la lecture, les mots sanskrits ne portent aucun signe diacritique. Eu égard à la cohérence

orthographique, la marque du pluriel a été adoptée bien que le pluriel des noms sanskrits ne soit pas toujours le “s”.

Les mots sanskrits apparaissent entre parenthèses quand leur emploi n’est pas courant. Le titre “Bouddha” (skt.

Buddha) étant entré dans la langue, la graphie francisée a été conservée.

PRONONCIATION EXEMPLES

u ou sutra = soutra

e é Veda = Véda

c tch (devant toute voyelle) cittamatra = tchittamatra

g g dur gita = guita

j dj Penjab = Pendjab

n sonore après une voyelle atman = atmane

s s samsara

sh ch shila = chila

Termes chinois

L’orthographe des termes chinois respecte la transcription retenue par les traducteurs des œuvres mentionnées. Le

lecteur ne s’étonnera donc pas de trouver certains termes en pinyin, le système de transcription officiel et

international du chinois, et d’autres transcrits conformément au système EFEO (École française d’Extrême-

Orient).

Termes tibétains

Les mots tibétains apparaissent dans une transcription phonétique simplifiée.

Abréviations

skt. = sankrit tib. = tibétain chap. = chapitre

jap. = japonais ch. = chinois v. = vers

Renvoi au glossaire

Les notions et termes importants, signalés par un astérisque, font l’objet d’une entrée dans le glossaire. Lorsqu’il

s’agit d’expressions (les six yogas de Naropa*, par exemple), elles figurent en italiques, l’entrée étant établie à partir

du premier mot.

Références des ouvrages cités dans les notes de bas de page

Pour alléger les notes de bas de page et faciliter ainsi la lecture, les références aux ouvrages cités concernant le

bouddhisme non pas été mentionnées, car elles figurent dans la bibliographie.

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AVANT-PROPOS 1

Avant-propos

Le véritable livre est en nous. Si nous tournons et lisons ses pages, elles révèleront des vues insoupçonnées qui nous conduiront aux joies infinies du bonheur.

Ramana Maharshi

OBJECTIF DE CE LIVRE

Le bouddhisme reste encore associé à de nombreux clichés et représentations tenaces. Pour les clichés, je pense aux images des fastueux temples d’Asie qui ornent les catalogues des agences de voyage, à l’utilisation abusive du mot “zen” — la “Zen attitude” des publicités ou le “Restez Zen” des panneaux d’autoroute —, aux Bouddha bars, au sourire légendaire du Dalaï-Lama dans les revues, à ces moines mis en scène dans des publicités pour des voitures ou du thé, ou transformés en acteurs le temps d’un film en rapport avec le football.

Pour les représentations, il suffit d’ouvrir un dictionnaire : « Doctrine religieuse d’Asie fondée en Inde sur les enseignements du Bouddha Shakyamuni ». « Doctrine religieuse »… Expression surprenante car le Bouddha n’a pas élaboré un dogme pour que les hommes “deviennent bouddhistes”. Il n’a jamais prôné un absolu insaisissable et transcendant, ni fait appel à aucune forme de croyance, ni vanté les rites, ni même agi de sorte à ce que sa personne devienne objet d’une pieuse dévotion. Au fond, mis à part l’importance accordée au développement de l’amour altruiste et de la compassion — valeurs communes à toutes les traditions spirituelles —, le bouddhisme n’a que peu de rapport avec la vision qui nous est familière de la religion.

Toutefois, on ne peut nier que les élans de piété, les attitudes parfois bigotes, les institutions monastiques, les cérémonies funéraires, le culte des reliques, les pèlerinages, le vaste marché des objets rituels, sa reconnaissance en tant que religion d’État dans certains pays d’Asie, la présence d’aumôniers bouddhistes dans

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AVANT-PROPOS 2

l’armée britannique, les titres1 et tout un décorum lui confèrent un caractère religieux. Mais cette tonalité religieuse n’est qu’un développement secondaire peu visible en Occident où le bouddhisme s’est fortement laïcisé.

On assimile aussi volontiers la tradition du Bouddha à une mystique athée, un humanisme, un ésotérisme ou une philosophie. Pourtant, il demeure étranger à tout esprit de système et à toute démarche qui se cantonnerait à un discours théorique. Les médias en font parfois une discipline du corps et de l’esprit, un remède à la difficulté d’exister, un outil de bien-être. Clichés et représentations nous montrent combien il est difficile de le définir. La multiplicité des écoles bouddhistes voile aussi sa lisibilité et l’unité foncière de son message. La diversité est telle que certains se demandent s’il n’existe pas un “bouddhisme authentique” à côté d’expressions dérivées.

Il existe beaucoup d’ouvrages sur le bouddhisme dont des œuvres grands public, des encyclopédies savantes et des textes écrits par des maîtres de renom. Qu’est-ce qui justifie alors un tel livre ? Je crois que c’est son approche médiane, ni trop grand public ni trop érudite. J’ai essayé, humblement, de rappeler que le bouddhisme est un mode de vie qui englobe tous les aspects de l’existence. Avec un regard panoramique et un esprit de synthèse, je me suis efforcé de rendre perceptibles l’unité de son message et la riche diversité de ses expressions. Entreprise “rêvée” plus que réaliste tant le bouddhisme forme un ensemble trop complexe et hétérogène pour oser prétendre le circonscrire dans un discours.

Le lecteur, qui étudie et met en pratique les enseignements du Bouddha, sans être un “spécialiste du domaine”, disposera d’un support lui évitant d’effectuer de fastidieuses recherches. Sur cette base, il aura tout loisir d’approfondir ce qui lui parle et s’avère utile à son expérience. Cette somme pourra aussi venir en aide à quiconque souhaiterait ramasser et ordonner des connaissances éparses. C’est d’ailleurs ce que j’ai moi-même effectué pour avoir entre les mains un outil de formation favorisant une certaine autonomie et un esprit critique. N’ayant aucune prétention à l’érudition savante, il s’adresse aussi au lecteur désireux de se familiariser avec la tradition du Bouddha dans une approche où la compréhension intellectuelle peut servir de cadre à une pratique authentique.

Il devrait permettre à ceux qui souhaiteraient embrasser cette voie de réfléchir en profondeur afin d’acquérir la certitude qu’elle leur correspond et qu’ils font ce choix en pleine connaissance. Tentant de mettre en évidence les valeurs universelles que véhicule cette tradition, ce livre s’adresse également à toute personne aspirant à se connaître et à développer une vision éveillée de la vie. Plus simplement, le lecteur curieux et soucieux d’étendre sa culture éprouvera de grandes

1 Sa Sainteté, pour le XIVe Dalaï-Lama, en lieu et place du titre honorifique tibétain “Kundun” qui signifie “présence” ; “Son Éminence” attribué à de grands lamas.

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joies à découvrir le bouddhisme, et ce, peut-être, en vue de rencontrer “l’autre” : son voisin ou ses “autres” que l’on côtoie au cours d’un voyage en Asie.

Dans tous les cas, ce que vous tenez entre les mains n’est qu’une présentation du bouddhisme. Un fossé existe entre le dire et l’expérience. Ce fossé ne saurait être comblé par la lecture d’un tel ouvrage. Si l’on a faim, on ne peut être rassasié en lisant les menus d’un restaurant. Si l’on veut cuisiner, on ne peut se contenter de consulter des fiches de recette. Certes, en lisant, on peut acquérir des connaissances, développer des intuitions, mais pour que la compréhension ne soit pas qu’intellectuelle, une expérience s’avère indispensable. D’où la nécessité, pour qui souhaiterait aller plus avant, de recevoir des instructions sur la pratique méditative ou tout autre forme d’enseignement dispensée par des personnes qualifiées et compétentes. Il existe aujourd’hui beaucoup de centres où l’on peut recevoir ce genre d’instructions.

Lire un ouvrage général sur la voie du Bouddha n’est donc qu’un minuscule prélude. Kyabjé Trichang Dorjéchang, tuteur du XIVe Dalaï-Lama, disait à propos du pouvoir des livres : « Un livre ne peut rien faire par lui-même. Les gens n’en tirent profit que par une pratique sincère. » Jack Kornfield, un célèbre enseignant américain, rapporte l’histoire d’une femme qui donnait des conférences très pointues sur la psychologie bouddhiste à Bangkok. Un jour, elle rencontra Lao, le maître de Jack. Elle lui demanda si son travail, qu’elle jugeait fondamental, avait une réelle valeur pour ses étudiants. Il répondit par l’affirmative. Satisfaite, elle s’empressa de lui demander quels étaient selon lui les meilleurs ouvrages sur le bouddhisme. « Ici, dit-il en désignant son cœur, ici seulement1. »

PLAN ET ORGANISATION

Le plan n’impose pas une lecture nécessairement linéaire. Comme un marcheur jette de temps en temps un coup d’œil sur sa carte, on peut aller et venir dans le texte en s’appuyant sur le sommaire détaillé, le glossaire, les index et les vues générales placées au début de chaque partie. Si l’on veut garder à l’esprit la globalité de l’architecture, une promenade régulière dans le sommaire peut se révéler très utile. Le contenu est réparti en douze points de repère, cinq parties, quatre annexes, un épilogue et un glossaire. En ce qui concerne les quatre premières parties, le plan suit une progression, partant du plus extérieur pour aller vers le plus intérieur.

1 Dharma vivant, p. 48.

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AVANT-PROPOS 4

Les douze points de repère

Douze clés de lecture qui font office d’introduction et forment l’assise de cet ouvrage.

Première partie – Le bouddhisme en Inde (chap. 1 à 5)

Elle traite du contexte historique, culturel et spirituel dans lequel s’inscrit le bouddhisme, depuis l’époque védique jusqu’à aujourd’hui. C’est l’occasion de découvrir le climat mental indien et d’aborder la vision ancienne du cosmos afin de mieux comprendre la vie du Bouddha, comment il a été perçu et ce que signifie sa manifestation en ce monde. On verra également quelles sont les différentes lectures qui ont été faites de ses enseignements.

Deuxième partie – Le bouddhisme dans le monde (chap. 6 à 8)

Comme son titre l’indique, cette partie couvre la diffusion du bouddhisme hors de son sol natal. L’acclimatation du bouddhisme aux civilisations qui l’ont accueilli s’est toujours produite dans le respect du principe de non-violence. On voit comment, au contact de cultures diverses, une multiplicité d’expressions de l’enseignement est apparue. Les contextes géopolitiques permettent également de distinguer la transmission spirituelle effective et les phénomènes d’instrumentalisation du bouddhisme au nom de l’intérêt des États. Vous trouverez dans cette deuxième partie plusieurs fiches sur les principales écoles bouddhiques.

Troisième partie – Parole, encre, silence (chap. 9 à 12)

Elle comprend une importante réflexion sur la place du langage, de la parole et de la pensée dans le bouddhisme. Bien que le Bouddha ait mis en doute la valeur du langage et des raisonnements, il a beaucoup parlé comme en témoignent les nombreux corpus où sont consignés ses enseignements, sans oublier les multiples commentaires dont ils ont fait l’objet. Cette partie comporte aussi un panorama de la tradition scripturaire et une anthologie des principaux textes bouddhiques. Chaque extrait fait l’objet d’une présentation. Une réflexion sur l’expérience poétique et sur l’aspect didactique et curatif du silence vient clore ce parcours.

Quatrième partie – Principales notions et pratiques (chap. 13 et 14)

Elle rend compte des caractéristiques essentielles de l’enseignement bouddhique. L’approche théorique expose ce que j’appelle “la carte de notre expérience”. Elle concerne l’examen de notre situation de sorte que nous puissions développer une première compréhension de l’esprit et de sa nature. L’approche pratique rend compte des différentes méthodes qui forment l’apprentissage spirituel proprement dit.

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AVANT-PROPOS 5

Annexes

1. Les 37 auxiliaires de l’éveil en relation avec les cinq voies du bodhisattva.2. Les 49 facteurs mentaux mentionnés dans le “Compendium de

l’Abhidharma” (Abhidharmasamuccaya) d’Asanga.3. Lodjong, l’entraînement de l’esprit.4. Passerelles.

Bouddhisme et philosophie Bouddhisme et religion Bouddhisme et psychothérapie

5. Stupas et statues du Bouddha. Le stupa : aperçu de son symbolisme et de sa fonction Les statues du Bouddha ou les apparences sacralisées

Les trois premières annexes sont des condensés d’enseignements fondamentaux, qui peuvent faire office d’aide-mémoire. L’annexe 4 revient sur deux interrogations courantes (Le bouddhisme est-il une philosophie ? une religion ?) et relate quelques affinités avec la philosophie antique, la phénoménologie et la mystique du dominicain Maître Eckhart (v. 1260-1328). Vous auriez peut-être souhaité que soit abordé le dialogue entre les traditions et qu’il ne soit pas seulement question des analogies avec l’œuvre d’un mystique chrétien. De tels développements dépassent le cadre de ce projet et comprennent le risque de saisir, au cœur des monothéismes, les notions et les visions “les plus bouddhiques” en omettant le contexte dans lequel elles s’inscrivent. En revanche, les références de plusieurs ouvrages se rapportant au dialogue inter-traditions figurent dans la bibliographie. Quant à l’annexe 5, elle donne quelques repères sur le stupa, monument bouddhiste par excellence, et la statuaire.

Épilogue

Dépasser les limites d’une tradition Éveiller le devoir de responsabilité Offrande

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DOUZE POINTS DE REPÈRE 6

Douze points de repère

QUESTION : Vous faites sans cesse référence au Bouddha. Enseignez-vous le bouddhisme ? S. N. GOENKA : Les “ismes” ne m’intéressent pas. J’enseigne le Dhamma, c’est-à-dire ce qu’a enseigné le Bouddha. Il n’a jamais enseigné d’“isme” ou de doctrine sectaire. Il a enseigné quelque chose dont peuvent profiter les personnes de tous horizons : un art de vivre. (…) Comment devenir un bon être humain – voilà le plus important.

L’art de vivre. Méditation Vipassana enseignée par S. N. Goenka de William Hart.

En regardant le monde avec l’œil du Bouddha, tout est Bouddha . (…) Tous les êtres, sensibles et insensibles, sont la voie : l’herbe, l’arbre, le pays, la planète, tout est Bouddha. Notre corps tel qu’il est, est Bouddha. (…) Découvrir la nature vraie de la réalité, c’est embrasser d’un seul regard le panorama de l’univers. Quand on a compris cette vision, on a compris l’enseignement du Bouddha.

Sômon Kôdô Sawaki (1880-1965), Le Chant de l’Éveil.

Une fois que nous aurons compris que nous n’existons pas comme nous le concevons, que nos vies passées n’ont été que des illusions, nous ne penserons pas que le moi puisse être heureux ou que notre devoir soit de le rendre heureux. Nous nous libérerons aussi de la voie, du bouddhisme lui-même.

Jorge Luis Borges, Conférences.

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DOUZE POINTS DE REPÈRE 7

1. L’OCCIDENT : UN TERREAU FAVORABLE

L’essor récent du Dharma en Occident est la suite logique d’une perméabilité naturelle. Elle s’inscrit dans la continuité des recherches que nous menons depuis le XVIIIe siècle pour trouver un salut à l’extérieur de l’Europe. Au siècle des Lumières, les intellectuels ont tourné leur regard vers l’Inde. Le phénomène n’a cessé de s’amplifier avec ce que Nietzsche a appelé la « mort de Dieu » : le fait, écrit-il, « que la foi dans le Dieu chrétien a été dépouillée de sa plausibilité ». Dans le fracas des guerres, la conscience chaotique de l’Occident moderne n’a pas toujours trouvé en elle les ressources suffisantes pour étancher la soif d’un bonheur et d’une paix que les contingences de la vie ne sauraient altérer. Fatiguée par l’épuisante confrontation avec le sentiment de l’absurde, elle s’est intéressée une nouvelle fois à la grande civilisation indienne pour voir si elle n’avait pas des modèles à offrir à ses aspirations.

L’Europe a rencontré en la personne du Bouddha un homme délivré des maux de la condition humaine. Après l’intérêt intellectuel du XIXe siècle, ce modèle de santé est devenu si probant qu’aujourd’hui des millions d’Occidentaux mettent en pratique un enseignement dénué de prosélytisme, foncièrement tolérant et respectueux des convictions et des traditions spirituelles de chacun1.

Parmi les causes de son succès, certaines paraissent assez superficielles : fascination de l’exotisme et d’un “Tibet magique”, tentative pour concilier une pensée rationnelle et scientifique et une vie contemplative où l’imaginaire et le symbolique ont leur place, rejet de la religion dans laquelle on est né et espoir que le bouddhisme réponde à des attentes déçues, matraquage médiatique qui transforme le sourire du Dalaï-Lama en produit marketing.

Son essor repose aussi sur la richesse des pays où il s’implante. Parce que nous ne souffrons pas de la faim, de la soif et du froid, parce que nous bénéficions des bienfaits liés aux avancées techniques et médicales, nous pouvons rechercher la félicité. Épicure le disait en son temps. Mais si la libération de la nécessité matérielle est un gage de liberté, elle n’est pas suffisante. Et le philosophe grec d’ajouter que les richesses ne sauraient dissiper l’agitation intérieure et produire la vraie joie.

L’accroissement des richesses matérielles a d’ailleurs ses revers. La mystique de l’argent, les énormes tensions sur le marché des compétences, la mondialisation des échanges, la guerre économique, mais aussi le chômage et le temps gaspillé ne font qu’appauvrir de plus en plus la qualité de la vie privée. Plus terrible sans doute est ce constat de l’échec partiel de l’effort civilisateur qui génère autant de souffrances qu’il en guérit, détruisant l’édifice de la nature, hypothéquant dans la

1 En France, on compte environ 5 millions de sympathisants du bouddhisme et 600 000 personnes engagées dans la voie.

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DOUZE POINTS DE REPÈRE 8

foulée les conditions indispensables à l’existence humaine. Les efforts de surproduction ne sont pas venus à bout du malheur. Quelles conséquences attendre de la révolution biologique (génomique, clonage, transgénèse), de l’emballement du “tout-technologique”, de l’exigence accrue de vitesse ? L’explosion de la navette Challenger a rompu le rêve d’une vie spatiale, nous rappelant que la Terre était notre véritable demeure. La somme gigantesque des savoirs ne nous a pas rendus plus sages ni fait reculer les dogmatismes religieux. Acculés à la finitude, de plus en plus conscients de notre vulnérabilité, vivant presque sans rapport au sacré et à l’absolu, voués à la dissonance, nous courons après l’idée d’un bonheur improbable, récoltant de-ci de-là quelques instants de grâce. Dans ces conditions, comment pouvons-nous déployer le potentiel de vie heureuse dont nous sommes investis ?

Nombre d’Occidentaux se tournent vers le bouddhisme pour surmonter le climat anxiogène, la détresse existentielle, le nihilisme ambiant ou la simple stupeur devant le fait d’exister. Ils perçoivent en la voie du Bouddha une vision très positive des possibilités humaines. Elle ne dramatise pas l’existence. Ce n’est pas vivre qui est le malaise mais ce que l’on fait de la vie. Ce sont nos états de conscience qui engendrent la souffrance* ou le bien-être. De ce point de vue, sa démarche expérimentale cohérente, son approche méthodique et élaborée du fonctionnement de l’esprit trouvent un écho très favorable. Le bouddhisme serait garant d’un triple espoir : espoir de trouver des moyens efficaces pour combiner le besoin d’une harmonie intérieure et les difficultés de la vie ; espoir d’un réenchantement du monde motivé par le respect et l’amour des êtres vivants ; espoir de renouer avec un absolu impersonnel au cœur de l’expérience humaine. Ainsi le bouddhisme apparaît comme une voie où se trouvent conjugués harmonieusement connaissance et amour, réflexion et foi.

Dans ce contexte, l’essentiel ne consiste pas à “devenir bouddhiste” en parodiant les moines tibétains ou du Sud Est asiatique. Avec le recul, on sait bien qu’introduire le bouddhisme tel quel en Occident débouche sur des caricatures. Ceux qui se rapprochent du bouddhisme ont sans doute meilleur temps d’essayer de digérer le message du Bouddha au sein même de leur culture. Grâce aux efforts des traducteurs et commentateurs érudits, ils disposent désormais de plusieurs trésors spirituels. Ils peuvent aussi pratiquer et recevoir directement des enseignements car les centres bouddhistes se sont multipliés. L’opération d’assimilation ne signifie pas bricolage et déformation au nom d’un quelconque syncrétisme nébuleux, encore moins bouddhamania, mais bien mise en pratique effective d’un mode de vie permettant de libérer l’esprit des tensions et des peines qui l’entravent. En gagnant en paix et en sagesse, chacun peut devenir un meilleur être humain et contribuer ainsi positivement au bien commun. Maintenant, si on considère le bouddhisme comme une religion d’Asie, un tout achevé et figé, alors se pose la question de sa conformité avec le milieu ambiant et bien sûr de sa pérennité.

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DOUZE POINTS DE REPÈRE 9

2. L’EXPÉRIENCE PRIMORDIALE

Le bouddhisme ne repose pas sur une parole révélée, un texte sacré, mais sur une expérience, celle que fit Siddhartha Gotama* au VIe siècle avant notre ère.

Siddhartha Gotama naît au pied de l’Himalaya, dans l’actuel territoire népalais, aux environs de 560 avant notre ère.. Fils du souverain Shuddhodana, du clan des Shakya, et de la reine Mayadevi, il reçoit une éducation à la hauteur des ambitions paternelles et mène une existence fastueuse. Insatisfait de cette situation dorée, profondément troublé par la souffrance des êtres et ne parvenant pas à résoudre l’énigme de la vie et de la mort, il renonce aux richesses matérielles et quitte sa famille. Il arpente les chemins de la vallée du Gange en quête d’une réponse. L’Inde est en pleine mutation. Gouvernée par des rois ambitieux à la tête de confédérations et parcourue de marchands entreprenants, elle s’urbanise peu à peu.

Après des années de réflexion, d’études et de pratiques ascétiques, Siddhartha décide de s’asseoir à l’ombre d’un arbre et de ne pas quitter cet abri tant qu’aucune solution ne se sera levée en lui. Là, il regarde au plus profond de son esprit et fait corps avec le monde vivant. Apaisé, il découvre la claire lucidité et la plénitude de l’ultime équilibre : une expérience nue, libre de tout questionnement, de tout jugement, libre de la mémoire et de l’anticipation, riche de plénitude et de qualités. Pour témoigner de l’inséparabilité de l’homme et de la nature au moment même où se produit l’expérience décisive de l’éveil*, il a ce mot : « Lorsqu’est apparue l’étoile du matin, j’ai réalisé la voie avec la vaste terre et tous les vivants. » Ses premiers disciples l’appelèrent Bouddha, l’Éveillé : la présence globale exempte de dualité et de conflit, rayonnante de compréhension et de compassion*. Compte tenu de ses origines claniques, on a associé le titre “Bouddha” au vocable Shakyamuni, le “sage du clan des Shakyas”.

Durant presque quarante ans, il parcourt le nord de l’Inde, exposant au gré de la demande la voie libératrice qu’il a découverte. Sans avoir désigné de successeur, il quitte ce monde à l’âge de quatre-vingts ans (vers 480 avant notre ère.). Ses principaux disciples vont procéder à une classification précise d’un enseignement transmis jusque-là oralement. Ils distingueront, par exemple, les propos sur la discipline des dialogues, discours et exposés circonstanciés de nature plus philosophique. Compte tenu de la diversité des vues et des pratiques, on discernera aussi différents cheminements spirituels appelés “yana” en sanskrit. Apparaîtront ainsi les termes Hinayana* ou “petit véhicule ”, Mahayana* ou “grand véhicule” et Vajrayana* ou “véhicule de diamant”. La tradition indo-tibétaine différenciera également trois cycles d’enseignement, chacun correspondant à une pédagogie spécifique. Cycles et véhicules représentent les aspects complémentaires d’une seule et même transmission adaptée à la diversité des êtres et à la multiplicité de leurs besoins.

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DOUZE POINTS DE REPÈRE 10

L’enseignement du Bouddha sera largement diffusé en Inde avant d’essaimer dans le monde entier. Malgré la pluralité des traditions bouddhiques et leur caractère parfois institutionnel, l’expérience fondatrice demeure le cœur de la transmission. Toutes les lignées* s’efforcent de perpétuer l’expérience de l’éveil, d’en dévoiler le sens et les implications, dans un esprit de tolérance respectueux de la diversité des êtres et de leurs cultures.

3. BOUDDHA : VIDE D’ILLUSIONS, PLEIN DE QUALITÉS ÉVEILLÉES

Le terme “bouddha”, forme francisée du sanskrit* buddha, est un titre honorifique. Formé sur la racine budh (“s’éveiller” ou “s’épanouir”), cette épithète signifie “connaissant” ou “éveillé”. Alors que nous demeurons absorbés dans le rêve de la vie, le Bouddha a obtenu la connaissance de la véritable nature des phénomènes, celle qui libère de la torpeur et du sommeil de l’ignorance*. Dans l’imaginaire indien, on dit aussi que son intelligence s’est pleinement épanouie comme s’épanouit la fleur de lotus au-dessus des eaux sombres d’un étang. En ce sens, il a réalisé l’éveil* (bodhi) et repose en la paix du nirvana*. Pour souligner cet état de grande quiétude, on l’appelle aussi le Bienheureux (Bhagavat*).

Lorsque la confusion se dissipe, la nature claire et spacieuse de l’esprit transparaît, semblable à un ciel d’azur. Les imperfections sont des aspects secondaires qui ne peuvent en aucun cas l’affecter, comme les nuages ne peuvent détruire la clarté, la transparence et l’immensité de l’espace. Vide d’illusions, l’esprit d’un bouddha resplendit des qualités inhérentes à l’état d’éveil, dont l’amour inconditionnel pour tous les êtres et la capacité de leur venir en aide.

4. LE BOUDDHA, HOMME ET PERFECTION

Aujourd’hui, nous avons acquis de vastes connaissances dans de nombreux domaines. D’aucuns diront que nous sommes plus érudits et plus savants que le Bouddha. De ce fait, si l’occasion se présentait de le rencontrer, forts de notre savoir, nous ne parviendrions sans doute pas à discerner l’étendue de ses qualités spirituelles. De ce point de vue, le Bouddha apparaît comme un simple être humain, certes doté de capacités exceptionnelles, mais qui, comme nous, vieillit, souffre dans sa chair et meurt. Par ses efforts, il a réussi à éviter tous les errements pour finalement incarner une humanité accomplie. À ce titre, les faits marquants de sa vie relatent la dernière existence d’un être destiné à devenir ce sage remarquable plongé au cœur des affres de l’histoire.

Mais s’il a réalisé l’éveil insurpassable, c’est qu’il n’est pas différent de cette perfection qui s’exprime à travers lui dans le monde. Une perfection inconcevable, atemporelle et dans le même temps omniprésente. Le Bouddha Shakyamuni la rend clairement manifeste. Selon cette vision, il a atteint l’éveil au cours d’une vie

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antérieure et se manifeste sur terre au moment le plus opportun. Dès lors, l’ampleur de ses qualités spirituelles révèle des aptitudes qui, même si elles échappent à l’entendement habituel, ont l’avantage d’amplifier notre compréhension de la réalité de l’esprit.

L’approche historique et la vision de la perfection indicible sont complémentaires. La première nous renvoie à une lecture chronologique des actes qui ponctuent la vie du Bouddha. La seconde concerne l’expérience spirituelle la plus profonde. La perspective historique a une portée limitée. Elle ne peut embrasser l’étendue universelle et atemporelle de la bouddhéité*. Cependant, elle nous apprend que le Bouddha a vécu, comme nous, dans un monde soumis à la convoitise, à la jalousie* et à la haine. Il a connu ce que nous avons presque tous expérimenté un jour : le doute stérile, la peur, la maladie, le découragement mais aussi la joie, l’amitié, l’amour et la chaleur du foyer. En cela, le Bouddha est très proche de nous. Comme le dit Thoubtèn Djigmé Norbou, frère du XIVe Dalaï-Lama : « Que pourrions-nous bien apprendre, au fond, d’un homme né différent de nous ? »

5. LE BOUDDHA, LES BOUDDHAS

Le bouddhisme considère que le Bouddha historique n’est pas le seul bouddha dans l’univers. Il postule que d’autres éveillés se manifestèrent dans le passé et que d’autres enseigneront dans le futur pour venir en aide à tous les êtres. Tous suivent le même parcours ponctué, comme on le verra, de douze événements principaux appelés les “douze œuvres”. Tous ont actualisé l’éveil au prix de nombreux efforts s’échelonnant sur d’innombrables vies.

La vision d’une pluralité de bouddhas au sein de cycles cosmiques s’étendant sur d’immenses périodes de temps évite aux apprentis* du bouddhisme de se focaliser sur la personnalité de son fondateur. S’ils lui vouent une grande dévotion, c’est en tant que guide suprême et manifestation de l’ultime réalisation spirituelle. Ils n’oublient pas que la compréhension et la pratique de son enseignement demeurent les facteurs essentiels.

6. VENEZ-ET-VOYEZ

Ehi passika, « Venez-et-voyez ». Telle est l’expression en langue palie* qui sert à qualifier l’enseignement du Bouddha Shakyamuni.

“Voyez” appelle un effort personnel. « Si je veux savoir ce qu’est la lune, dit un texte indien, il faut que je la voie de mes propres yeux. Tout ce que d’autres m’en diront, ne me la fera jamais connaître. » Le Bouddha prodigue à ce titre deux précieux conseils. Il dit tout d’abord : « Vous êtes vous-même votre propre maître, c’est de vous que tout dépend. En tant que professeur, à titre de docteur, je peux

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vous prescrire le remède efficace, mais c’est à vous de le prendre et de vous soigner. » Dans d’autres circonstances, il précise : « Lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont défavorables, (…) et que, lorsqu’on les met en pratique, ces choses conduisent au mal et au malheur, alors, à ce moment-là, abandonnez-les. (…) Cependant, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont favorables, que telles choses louables sont pratiquées par les sages, et que lorsqu’on les met en pratique, ces choses conduisent au bien et au bonheur, pénétrez-vous de telles choses et pratiquez-les1. »

On peut comparer l’enseignement à une carte. Celui qui consulte la carte ne la confond pas avec le terrain, sa propre expérience. Le Bouddha dit d’ailleurs que celui qui ne regarde que le doigt et le confond avec la lune ne verra jamais la vraie lune. Les conseils proposés permettent d’improviser au cœur de notre propre expérience. Ils doivent être examinés et éprouvés de manière directe à la lumière de notre propre intelligence. Rien ne devrait être accepté sous le couvert d’une foi naïve et aveugle. L’intelligence critique et le libre examen empêchent de développer des attitudes rigides. En appliquant les conseils du Bouddha, il se peut que les facteurs perturbateurs — absence de discernement, appétence de l’ego*, fierté, névroses, etc. — fléchissent d’eux-mêmes. Si au cours de cette opération, nous gagnons en compréhension et en sérénité, trouvons la manière la plus fructueuse de mener notre vie, les conseils s’avèrent dès lors fondés en vérité. Le processus expérimental permet de vérifier en situation le bien-fondé des enseignements et de fortifier le courage indispensable pour surmonter les épreuves de l’existence en transmutant notre confusion en sagesse inconditionnelle.

D’où l’importance capitale de la pratique méditative. Elle relie le méditant à la qualité merveilleuse de la vie ordinaire. En la simplicité de l’état naturel*, les crampes mentales se relâchent. La méditation permet de revenir aux sources de l’expérience la plus profonde, avant la grande marée des élaborations conceptuelles. C’est l’expérience la plus dépouillée : celle du réel dans l’immédiat d’un regard, l’instant d’une expiration, une présence non interprétée ni manipulée par l’ego et ses passions. Nous portons en nous cette expérience et la joie qu’elle abrite. Sans pratique assise, le contenu de la transmission demeure inopérant. Sans méditation, point de Bouddha, point d’enseignement sur l’art de s’éveiller ; au final, point de bouddhisme...

7. LA BONTÉ FONDAMENTALE

Reconnaissant l’universalité du malheur, le bouddhisme admet que la cruauté des hommes n’est qu’un masque vivant en dépendance d’un égoïsme dévastateur.

1 Extrait du Kalama-sutta (“L’accès aux libres examens”). Cf. Môhan Wijayaratna, Sermons du Bouddha. La traduction intégrale de 20 textes du canon bouddhique, p. 33 et 35.

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Cet égoïsme plonge ses racines dans l’ignorance de notre condition réelle. Sur ce terreau fertile, se développe le “mal radical”, celui qui détruit l’harmonie de la vie.

Selon la tradition du Bouddha, le cœur de la nature humaine est un état sain et bienheureux. On l’appelle volontiers “bonté fondamentale” ou “pureté primordiale”. On objectera que les tragédies et les atrocités qui jalonnent le cours de l’histoire nous montrent un tout autre visage. Le bouddhisme nous enseigne que le mal n’est pas inhérent au monde. Les guerres sont le résultat des pensées, des jugements et des comportements souillés par la cupidité et l’obscurantisme. Même dans les situations les plus intolérables, là où le mépris des êtres humains est à son comble, l’état sain et bienheureux peut encore transparaître parce qu’il est l’état naturel des hommes. L’écrivain italien Primo Levi, emprisonné à Auschwitz, en porte témoignage dans Si c’est un homme. Rendant hommage à Lorenzo, un « homme à l’humanité pure et intacte », il écrit : « C’est justement à Lorenzo que je dois d’être encore vivant aujourd’hui, non pas tant pour son aide matérielle que pour m’avoir constamment rappelé, par sa présence, par sa façon si simple et si facile d’être bon, qu’il existait encore, en dehors du nôtre, un monde juste, des choses et des êtres encore purs et intègres que ni la corruption ni la barbarie n’avaient contaminés, qui étaient demeurés étrangers à la haine et à la peur ; quelque chose d’indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté, pour laquelle il valait la peine de se conserver vivant. »

Cette bonté, nous l’avons tous ressentie en contemplant un paysage, en découvrant une œuvre d’art, en aimant, en goûtant la chaleur de l’amitié. Nous savons tous que l’affection et la tendresse sont inscrites en notre esprit et sont même des nécessités biologiques. Le nouveau-né et sa mère éprouvent viscéralement cet élan naturel du cœur. Qui ne se précipiterait spontanément secourir un enfant sur le point de se noyer ? Tout au long de notre développement et parce que nous dépendons les uns des autres, nous avons besoin de manifester un amour altruiste. L’affection de nos parents, de nos enfants, de nos amis nourrit également notre vie. Si nous atteignons un grand âge ou devenons invalides, cet amour nous sera d’un grand secours. Au moment de notre mort, il saura peut-être nous apaiser.

Mais parce que nous sommes des êtres d’oubli, facilement emportés par des vagues d’émotions négatives* et le besoin de satisfaire notre bien-être personnel, l’éducation à la paix et à l’amour se montre indispensable. L’enseignement du Bouddha porte en lui les moyens propres à développer une culture de la non-violence et de la justice. Ainsi, la bonté fondamentale vit en dépendance d’une exigence de vertu, de responsabilité, de générosité, de ferveur et de grandeur intérieure. Elle ne saurait être identifiée à un sentiment naïf et puéril.

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8. DÉPLOYER NOTRE POTENTIEL DE VIE

Un jour, alors qu’il partage de la nourriture avec des enfants, le Bouddha expose le sens profond de sa démarche. Il vient de manger une mandarine qu’une jeune fille appelée Nandabala lui a donnée. « La mandarine que Nandabala m’a offerte, dit-il, avait neuf sections. J’en ai mangé chaque morceau consciemment en appréciant combien chacun d’entre eux était précieux et délicieux. J’étais conscient de l’existence de la mandarine, aussi, elle est devenue très réelle pour moi. Si la mandarine est réelle, la personne qui la mange est aussi réelle. Voilà ce que veut dire manger une mandarine consciemment1. »

Lorsqu’on agit ainsi, les distractions disparaissent. Dans le même temps, se développe le sens de la relation sacrée avec le monde vivant. La sensation de vie augmente. Celui qui consomme le fruit sans attention ne discernera pas en lui le mandarinier, la fleur d’où procède la mandarine, sa croissance, la pluie, la lumière et la terre qui l’ont nourri. Il ne distinguera pas les milliers d’éléments merveilleux qui entrent dans sa composition et interagissent.

Le Bouddha conclut par ces paroles : « Mes enfants, votre vie est à l’image d’une mandarine divisée en sections. Vivre les vingt-quatre heures d’une journée revient à manger toutes les parties d’une mandarine. La voie que j’ai trouvée permet de vivre chaque heure du jour en pleine conscience*, le corps et l’esprit en permanence dans l’instant présent. Le chemin opposé consiste à vivre dans la distraction. Vous ne savez alors pas vraiment que vous êtes en vie. Vous ne jouissez pas pleinement de la vie parce que votre corps et votre esprit ne sont pas fermement dans l’ici et le maintenant. »

Le bouddhisme enseigne comment accueillir la vie avec une attention libre d’attachement et de désinvolture pour que la vie féconde notre élan vital. En retour, en déployant le potentiel de vie dont nous sommes investis, nos actions épousent le mouvement harmonieux de l’énergie vitale telle qu’elle irradie autour de nous. Accueillir et déployer, un seul mouvement conforme à l’alternance de la respiration et qui laisse advenir notre authenticité.

Cette attitude est parfaitement compatible avec la conscience de la souffrance et de la misère humaines. Nous savons que les changements bénéfiques auxquels nous aspirons ne dépendent pas uniquement d’une réforme des modèles économiques, des structures politiques et sociales, des débats sur les grandes idées. D’un point de vue bouddhique, le meilleur service que nous puissions rendre au monde est de gagner en sagesse. C’est fondamentalement une attitude de compassion, car celui qui reste prisonnier des sables mouvants ne peut en sortir les autres. Si nous n’avons pas approfondi notre connaissance de nous-même et développer notre capacité à aimer, nous aurons peu de chose à offrir aux autres. En revanche, nous risquons de leur communiquer nos blocages, nos tensions, nos préjugés et notre insatisfaction.

1 Traduction de Thich Nhat Hanh dans Sur les traces de Siddharta, p. 108-109.

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9. LE BOUDDHISME COMME MODE DE VIE

Le bouddhisme comprend des méthodes qui éveillent à la simplicité, la beauté, l’amour et la sagesse. Reposant sur un examen de nos comportements et de leurs mobiles, elles conduisent à une transformation profonde de la manière d’envisager l’existence et notre présence au monde. Elles nous aident à découvrir nos failles et les blessures que nous cachons dans un tissu d’habitudes et de non-dits. Elles nous aident surtout à découvrir nos possibilités intérieures et à les cultiver au cœur des activités quotidiennes, de sorte que nous puissions mener une existence harmonieuse. La transformation qui s’opère a pour but de nous faire passer d’un état d’inconscience et d’insatisfaction, à un état de lucidité et de quiétude caractérisé par le contentement, la joie et l’altruisme.

Lorsque nous commençons à comprendre les mobiles qui nous animent, nous voyons clairement combien notre état mental est déterminant. Sous l’emprise de la colère* ou de jalousie, par exemple, notre vision de la vie perd son éclat et se restreint. En revanche, si nous parvenons à éviter que de telles émotions se lèvent en nous, notre esprit demeure détendu, clair et ouvert sur le monde. En étant le plus possible maître de soi, nous sommes plus à même de faire face aux difficultés que nous rencontrons. Si nous expérimentons une réelle tranquillité intérieure, les paroles outrageantes, le cynisme et autres bassesses ne nous blesseront pas. Si nous comprenons que rien ne dure et que tout se transforme, les accidents de la vie seront plus supportables. Si nous pratiquons le contentement, nos désirs faibliront, nous serons moins envieux et nous saurons nous réjouir du bonheur d’autrui. Si nous avons conscience de la valeur infinie du moment présent, la crainte du futur et le désappointement à l’évocation de souvenirs douloureux s’estomperont d’eux-mêmes. Peu à peu, nous nous ouvrirons à la beauté du monde vivant, l’amour altruiste retrouvera sa spontanéité et l’esprit demeurera en paix.

Cette aptitude suppose de nombreux efforts à renouveler chaque jour. À l’instar des formules de mieux-être immédiat qui promettent un résultat sans rien changer à nos habitudes, la pratique du bouddhisme requiert un engagement à discipliner notre comportement, à dépasser l’intérêt particulier et égoïste, à observer une alimentation respectueuse de la vie, à étudier pour maîtriser l’enseignement et la pensée, à méditer pour apprendre à laisser vivre notre état naturel. C’est là toute l’exigence d’une démarche traditionnelle où se mêlent éthique du désintéressement, connaissance de soi et souci des autres. Pareille exigence ne suppose pas une crispation. L’entraînement doit se faire sans tension, sans heurt, dans la sérénité. D’où l’importance de la détente, de la joie, de la douceur à l’égard de soi et d’autrui, de la gratitude envers la précieuse existence — bonheur enfin de prendre conscience des merveilles de l’esprit éveillé.

Comme l’écrit Thich Nath Hanh, un maître vietnamien contemporain : « Il importe ici de se demander : “Les enseignements du Bouddha ont-ils quelque chose à voir avec ma vie quotidienne ?” Les idées abstraites peuvent assurément être superbes, mais si elles n’ont rien à voir avec notre vie, quel peut bien être leur

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intérêt ? Aussi ne manquez jamais de vous demander : “Ces mots ont-ils quelque chose à voir avec le fait de se nourrir, de boire du thé, de couper du bois ou de porter de l’eau ?”1 » Les mots devraient nous conduire au monde, aux autres. Ils devraient nous aider à mener une vie de beauté, à avoir le courage d’aimer et de célébrer la vie.

10. BASE, VOIE, FRUIT

Le processus de transformation intérieure tient compte de trois niveaux appelés la base, la voie et le fruit.

La base

La base, c’est l’expérience concrète de la vie : ce que nous sommes là où nous sommes à l’instant présent. Vivre nous conduit à faire des expériences pénibles, plaisantes ou neutres. Dans cette situation, nous avons l’impression de former une entité relativement stable et indépendante, au milieu d’un univers infiniment vaste. La base, c’est aussi ce paradoxe que nous ressentons quand nous voyons les merveilles que l’homme peut accomplir au regard du saccage du monde vivant, de la multiplication des états dépressifs, du mépris des valeurs humaines fondamentales. La base, c’est donc cette situation à la fois claire et confuse : claire lorsque la bonté fondamentale rayonne, confuse et douloureuse lorsque nous perdons le contact avec l’état sain et bienheureux.

La voie

La voie consiste pour l’essentiel à s’ouvrir avec attention et lucidité au riche potentiel des situations quotidiennes, de sorte à laisser vivre la sagesse qui est en nous. La voie ne promet rien. Elle explique simplement comment les illusions dualistes viennent troubler la clarté de l’état naturel. Elle présente surtout les remèdes à appliquer afin de résoudre les problèmes cruciaux de la condition humaine. Ces remèdes permettent de pacifier l’esprit. Du coup, l’inquiétude décroît et le calme vient ; la connaissance et l’amour se développent. La voie comprend les moyens adéquats qui favorisent spontanément l’actualisation du fruit. À l’image du vent invisible qui couche les herbes, les efforts entrepris consistent à faire de notre mieux pour infléchir le cours de notre vie dans le sens de l’éveil.

La voie repose sur la transmission des richesses scripturaires (via l’étude des textes dans lesquels sont consignés les enseignements du Bouddha) et la transmission de l’expérience (via la pratique de la méditation). L’étude des enseignements ne consiste pas en l’acquisition d’un savoir théorique mais en la formation de dispositions intérieures capables d’élever le niveau de conscience par-

1 Le silence foudroyant, p. 95.

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delà le point de vue partial et limité de l’ego, en vue de renforcer la transmission de l’expérience. Même s’ils exercent l’intelligence, ouvrent des perspectives plus vastes à l’esprit, se montrent donc indispensables, les discours ne suffisent pas à transformer la personne et ils ne se suffisent pas en eux-mêmes. Il faut donc pratiquer les méthodes, s’exercer en particulier à la méditation, pour laisser advenir l’expérience fondamentale, la seule capable d’opérer une guérison complète.

Le fruit

Le fruit est l’éveil, la bouddhéité, cet instant où le sommeil de l’ignorance prend fin cédant la place à une compréhension infinie, ouverte, claire et compatissante. L’esprit comprend directement et spontanément sa nature. Le fruit est simplement le réel que nous sommes, présent à chaque instant.

puretéfondamentale

é v e i l

F R U I T B A S E

p o l a r i t é

voiled'ignorance

vision dualistemoi / monde

V O I E

transmissionscripturaire

transmissionde l'expérience

c o mp r é h e n s i o na m o u r

Figure 1. L’unité de la tripartition base-voie-fruit

11. SE RELIER AU TROIS JOYAUX DU REFUGE

« Qu’est-ce qu’être bouddhiste ? », entend-on souvent. Sur le fond, “être bouddhiste” c’est se sentir en résonance avec l’enseignement du Bouddha. C’est ressentir en soi sa profonde vérité, la vivre dans le déroulement de notre existence quotidienne. Au niveau le plus essentiel, l’expérience spirituelle la plus profonde est commune à toutes les traditions. Cette expérience révèle la perfection de notre humanité. De ce point de vue, nous sommes tous des êtres humains avant d’être

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bouddhistes, chrétiens, musulmans, taoïstes, shintoïstes, athées... L’appartenance à telle ou telle tradition spirituelle ou humaniste demeure secondaire. Nous pouvons revêtir toute sorte d’étiquettes au cours de notre existence alors que nous garderons le statut d’être humain jusqu’à notre mort.

Toutefois, on peut “devenir bouddhiste”, comme on dit “devenir chrétien ou musulman”, par une adhésion du cœur et donc un engagement. L’adhésion du cœur se concrétise par “l’entrée en refuge”. Le refuge repose sur une résolution intérieure : abandonner les actes négatifs qui intensifient la douleur existentielle et tourner son esprit vers la clarté de l’éveil.

En sanskrit, le refuge se dit sharana, ce qui signifie “protection” ou “secours”. Les personnes cherchant à se protéger contre les méfaits de la souffrance s’en remettent aux trois joyaux* en lesquels elles ont toute confiance et avec lesquels elles établissent une connexion spirituelle. Ces trois joyaux se nomment : Bouddha, Dharma, Sangha. On les nomme “joyaux” parce qu’ils sont exempts de toute passion égoïste et ne sont pas affectés par les changements dus au temps.

Le BouddhaSelon les véhicules, ce peut être le Bouddha historique (le guideaccompli), l’éveil qui est le but de la voie, la nature de bouddha au cœurde tous les êtres vivants, mais aussi la nature ultime de tous lesphénomènes : le chant d’un oiseau, les rivières, les nuages, la terre, lecosmos...

Le DharmaLe remède aux maux dont nous souffrons, la voie de compréhension etd’amour qui permet d’actualiser l’éveil.

Le SanghaLa communauté des personnes engagées dans la voie et soucieusesd’incarner son idéal du bien. Cœur de la transmission dans sa dimensionpersonnelle, interpersonnelle et atemporelle, le Sangha est le lieu où sevit la continuité de la base, de la voie et du fruit. C’est là que prennentforme les différents canaux de la transmission : les lignées spirituelles etles écoles. Dans une vision holiste, le Sangha ne se limite pas àl’harmonie que manifeste la communauté des disciples du Bouddha. Ilenglobe tous les êtres vivants dans la formidable danse del’interdépendance.

Les joyaux désignent la triple dimension de l’éveil. Lorsque notre esprit et notre cœur sont libres d’illusions, nous actualisons l’ultime réalisation spirituelle, Bouddha. Lorsque notre parole reflète la compréhension la plus profonde, exhale la bienveillance et se montre éveillante, elle exprime la réalité de la voie, Dharma. Lorsque nous agissons sous l’influence de ces belles dispositions, notre présence au

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monde via notre corps rend manifeste le sentier d’éveil et le réalise. Cette présence est alors le reflet du Sangha. Au niveau essentiel, la confiance en la pureté primordiale de l’esprit est le refuge unique.

Un rituel entérine la décision de vivre à la lumière de la bonté fondamentale. Il confère à cette résolution une force particulière qui fera décroître la domination aveugle de l’ego. La cérémonie de l’entrée en refuge comprend un hommage rendu au Bouddha et la récitation des préceptes que le postulant devra s’efforcer de respecter. Elle se vit dans un état de compassion pour tous les êtres vivants, et plus particulièrement pour les plus faibles et les plus démunis. Le rituel ordonne le corps et la parole à la nouvelle posture de l’esprit en établissant une connexion positive avec la pureté primordiale. Selon les écoles, la formule de l’entrée en refuge varie quelque peu dans la forme. Sur le fond, tout reste identique.

En les Bouddhas, Dharma et Sangha, Jusqu’à l’éveil j’entre en refuge, Par les bienfaits des dons et vertus, Que je m’éveille pour tous les vivants.

Celui qui entre dans la quête sacrée accueille dans le même temps l’inspiration d’une tradition millénaire de bonté et d’harmonie. Il en devient l’héritier. Le nom qu’il reçoit à ce moment-là est le reflet de ses engagements et des nouvelles aptitudes qui vont lui permettre de découvrir sa condition réelle dans les actions de la vie quotidienne.

12. L’EMPLOI DU MOT DHARMA

Le terme “bouddhisme” est un néologisme apparu aux alentours de 1825. Les indianistes du XIXe siècle ont essayé de classifier un enseignement perçu alors comme un système de pensée, une lointaine religion d’Orient. L’emploi du suffixe “-isme” a l’inconvénient de situer l’enseignement du Bouddha dans une perspective théologique, métaphysique, philosophique et dogmatique qui n’est pas du tout celle de son esprit ni de sa nature. Les maîtres de toutes les écoles emploient plutôt le mot sanskrit Dharma*. Connaître les principales significations de “Dharma” laisse entendre les résonances profondes qui se cachent sous le néologisme.

Ces significations se déclinent traditionnellement en trois catégories essentielles :

La réalité authentique ou ultimeLe Dharma, dont la racine dhri- (tenir, maintenir) exprime une idée destabilité et de constance, est l’harmonie suprême.

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L’enseignementL’enseignement du Bouddha qui propose une voie de compréhension etd’amour permettant de nous libérer des illusions et d’accéder à notre natureprofonde, en apportant à l’esprit paix, bonheur et liberté. À ce titre,l’enseignement exprime l’harmonie suprême.

Les phénomènes ou les données de l’expérienceTout ce qui se manifeste à la conscience par l’intermédiaire des sens ainsique les contenus psychiques et notionnels. Finalement, tout ce qui est objetde connaissance.

Ces trois aspects sont en totale continuité. L’enseignement du Bouddha reflète le mode d’existence véritable des choses et des êtres. De l’expérience de la réalité telle qu’elle est, non déformée par le désir* égoïste, procède une vision qui s’organise en un enseignement. Cet enseignement satisfait tous ceux qui ont besoin de concepts, d’images, de gestes et de silences pour tenter d’apaiser la triple interrogation qui nous hante parfois jusqu’à la fin de notre vie : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Gakhyil ou “spirale de joie”. Représente les trois joyaux enlacés (Bouddha, Dharma, Sangha) et symbolise la plénitude inhérente à la nature ultime de l’esprit.

Dans le Dzogchèn* ou Grande Perfection, il représente aussi l’unité fondamentale de la base, de la voie et du fruit en l’état primordial.