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    LIde russeVladimir Soloviev

    1888

    Le but de ces pages nest pas de donner des dtails sur ltat actuel de la Russie, come si elle tait un pays ignor et mconnu en Occident.

    Sans parler des nombreuses traductions qui ont familiaris lEurope avec les chefs-dure de notre littrature, on voit maintenant, surtout en France, des crivains minentsrenseigner le public europen sur la Russie, beaucoup mieux, peut-tre, quun Russe ne saurait le faire. Pour ne citer que deux noms franais, M. Anatole Leroy-Beaulieu a donn dans son excellent ouvrage, lEmpire des Tsars, un expos trs vridique, trplet et trs bien fait, de notre tat politique, social et religieux, et M. le vicomte de Voge, dans une srie dcrits brillants sur la littrature russe, a trait son snon seulement en connaisseur, mais en enthousiaste.

    Grce ces crivains, et beaucoup dautres encore, la partie claire du public euroavoir une connaissance suffisante de la Russie, sous les aspects multiples de son existence relle. Mais, cette connaissance des choses russes laisse toujours ouverte une question dun ordre diffrent, fort obscurcie par de puissants prjugs, et q

    i, en Russie mme, na gnralement reu que des solutions drisoires. Considre par pcomme oiseuse, et comme trop tmraire par dautres, cette question est, en mrit, la s importante entre toutes pour un Russe, et, en dehors de la Russie, elle ne saurait manquer dintrt pour tout esprit srieux. Jentends la question sur la raison dla Russie dans lhistoire universelle.

    Quand on voit cet empire immense se produire avec plus ou moins dclat, depuis deuxsicles, sur la scne du monde, quand on le voit accepter ; sur beaucoup de pointssecondaires, la civilisation europenne, et la rejeter obstinment sur dautres plus importants, en gardant ainsi une originalit qui, pour tre purement ngative, nen parapas moins imposante, quand on voit ce grand fait historique, on se demande : Quelle est donc la pense quil nous cache ou nous rvle ; quel est le principe idal quiime ce corps puissante quelle nouvelle parole ce peuple nouveau venu dira-t-il lh

    umanit ; que veut-il faire dans lhistoire du monde ? Pour rsoudre cette question, nous ne nous adresserons pas lopinion publique daujourdhui, ce qui nous exposerait e dsabuss demain. Nous chercherons la rponse dans les vrits ternelles de la religCar lide dune nation nest pas ce quelle pense delle-mme dans le temps, mais ce qpense sur elle dans lternit.

    Sommaire

    * 1 LIDE RUSSEo 1.1 Io 1.2 IIo 1.3 III

    o 1.4 IVo 1.5 Vo 1.6 VIo 1.7 VIIo 1.8 VIIIo 1.9 IXo 1.10 X

    * 2 Notes

    [modifier] LIDE RUSSE

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    [modifier] I

    En acceptant lunit essentielle et relle du genre humain, et il faut bien lacceptepuisque cest une vrit religieuse justifie par la philosophie rationnelle et confirmpar la science exacte, en acceptant. cette unit substantielle, nous devons considrer lhumanit entire comme un grand tre collectif ou un organisme social dont les difentes nations reprsentent les membres vivants. Il est vident, ce point de vue, quacun peuple ne saurait vivre en soi, par soi et pour soi, mais que la vie de chacun nest quune participation dtermine la vie gnrale de lhumanit. La fonction one nation doit remplir dans cette vie universelle, voil sa vraie ide nationale, tenellement fixe dans le plan de Dieu.

    Mais, sil est vrai que lhumanit est un grand organisme, il faut bien se rappeler que ce nest pas l, un organisme purement physique, mais que les membres et les lmentsdont il se compose les nations et les individus sont des tres moraux. Or, la condition essentielle dun tre moral, cest que la fonction particulire quil est appel ir dans la vie universelle, lide qui dtermine son existence dans la pense de Dieu, e simpose jamais comme une ncessit matrielle, mais seulement comme une obligation mrale. La pense de Dieu, qui est une fatalit absolue pour les choses, nest quun devor pour ltre moral. Mais, sil est vident quun devoir peut tre rempli ou non, peut mpli bien ou mal, peut tre accept ou rejet, on ne saurait admettre, dun autre ct,cette libert puisse changer le plan providentiel, ou enlever son efficacit la loimorale. Laction morale de Dieu ne peut pas tre moins puissante que son action physique. Il faut donc reconnatre que, dans le monde moral, il y aussi une fatalit, ma

    is une fatalit indirecte et conditionne. La vocation ou lide propre que la pense dieu assigne chaque tre moral individu ou nation et qui se rvle la conscience dtre comme son devoir suprme, cette ide agit, dans tous les cas, comme une puissane relle, elle dtermine, dans tous les cas, lexistence de ltre moral, mais elle lt de deux manires opposes : elle se manifeste comme loi de la vie, quand le devoirest rempli, et comme loi de la mort, quand il ne lest pas. Ltre moral ne peut jamais se soustraire lide divine, qui est sa raison dtre, mais il dpend de lui-mme orter dans son cur et dans ses destines comme une bndiction ou comme une maldictio

    Ce que je viens de dire est ou devrait tre un lieu commun pour tout je ne dirai pas chrtien mais pour tout monothiste. Et en effet, on n trouve rien redire A cesnses quand elles sont prsentes dune manire gnrale, cest contre leur applicationion nationale quon proteste. Le lieu commun se transforme alors tout dun coup en u

    ne rverie mystique, et laxiome devient une fantaisie subjective. Qui a jamais su la pense de Dieu sur une nation, qui peut parler de devoir un peuple ? Affirmer sapuissance, poursuivre son intrt national, voici tout ce quun peuple doit faire, etle devoir dun patriote se rduit soutenir et servir son pays dans cette politiquenationale sans lui imposer ses ides subjectives. Et pour sa voir les vrais intrts dne nation et sa mission historique relle, il ny a quun seul moyen sr, cest de demar au peuple lui-mme ce quil en pense, cest de consulter lopinion publique. Il y apendant quelque chose dtrange dans ce jugement en apparence si sens.

    Ce moyen empirique pour apprendre la vrit est absolument impraticable l o lopiniontionale est partage, ce qui est presque toujours le cas. Quelle est la vraie opinion publique de la France : celle des catholiques, ou bien celle des francs-maons? Et puisque je suis Russe, laquelle des opinions nationales dois- je sacrifier

    mes ides subjectives : celle de la Russie officielle et officieuse, la Russie daujourdhui ; ou bien celle que professent plusieurs millions de nos vieux croyants,ces vrais reprsentants de la Russie traditionnelle, de la Russie du pass pour quinotre glise et notre tat actuel sont lempire de lAntechrist ; ou bien encore serai-ce aux nihilistes quil faudrait nous adresser, eux qui reprsentent peut-tre lavenide la Russie ?

    [modifier] II

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    Je nai pas insister sur ces difficults, puisque lhistoire fournit lappui de ma ne preuve directe et connue de tout le monde. Sil y a une vrit acquise pour la philosophie de lhistoire, cest celle-ci : que la vocation dfinitive du peuple juif, savraie raison dtre est essentiellement attache lide messianique, cest--dire lIl ne parat pas cependant que lopinion publique, le sentiment national des juifs,ait t trs favorable au christianisme. Je ne veux pas adresser des reproches vulgaires ce peuple unique et mystrieux, qui est aprs tout le peuple des prophtes et desaptres, le peuple de Jsus-Christ et de la sainte Vierge. Ce peuple vit encore et la parole du Nouveau-Testament lui promet une rgnration complte : Tout lIsral se(Rom., xi, 26). Et je tiens le dire quoique je ne puisse pas prouver ici cette assertion [1] lendurcissement des juifs nest pas la seule cause de leur positionstile lgard du christianisme. En Russie surtout, o lon na jamais essay dappliquifs les principes du Christianisme, oserons-nous leur demander dtre plus chrtiensque nous-mmes ? Jai voulu seulement rappeler ce fait historique remarquable que lepeuple appel donner au monde le Christianisme na accompli cette mission que malgrlui-mme, quil persiste dans sa grande majorit et durant dix-huit sicles rejeter livine quil a porte dans son sein et qui a t sa vraie raison dtre. Il nest donc pmis de dire que lopinion publique dune nation a toujours raison et quun peuple ne peut jamais mconnatre ou repousser sa vraie vocation.

    Mais peut-tre ce fait historique que jinvoque nest-il lui-mme quun prjug religiele lien fatal que lon suppose entre les destines du peuple dIsral et 1e Christianise nest quune fantaisie subjective ? Je puis cependant produire une preuve extrmement simple qui met en vidence l caractre rel et objectif du fait en question.

    Si lon prend notre Bible chrtienne, le recueil de livres qui commence par la Genseet finit par lApocalypse, et si on lexamine en dehors de toute conviction religieuse, comme un simple monument historique et littraire, on est forc davouer que cest une uvre complte et harmonieuse : la cration du ciel et de la terre et la chute delhumanit dans le premier Adam au commencement, la restauration de lhumanit dans lecond Adam ou le Christ, au centre, et la fin, lapothose apocalyptique, la cratidu nouveau ciel et de la nouvelle terre o demeure la justice, ta rvlation du mondetransfigur et glorifi, la nouvelle Jrusalem descendant des deux, le tabernacle o Diu habite avec les hommes. (Apoc. xxi.) La fin de luvre se rattache ici au commencement, la cration du monde physique et lhistoire de lhumanit sont expliques et justs par la rvlation du monde spirituel qui est lunion parfaite de lhumanit avec Dieure a abouti, le cercle est ferm, et mme du point de vue purement esthtique on est s

    atisfait. Voyons maintenant comment finit la Bible des Hbreux. Le dernier livre de cette Bible, cest Dibr-ha-iamim, les Chroniques, et voici la conclusion du dernier chapitre : Koresh, roi de Perse, dit ainsi : Tous les royaumes de la terre mont t donns par Iahv, Dieu des cieux ; et il mordonna de lui btir une maison Jruest dans la Jude. Qui de vous est ici de tout son peuple ? Que Iahv, son Dieu, soit avec lui et quil sen aille ! Entre cette conclusion et celle de la Bible chrtiene ; entre les paroles du Christ glorifi : Je suis lAlpha et lOmga, le commencemeet la fin ; je donne qui a soif de la source de leau vivante gratis ; qui est vainqueur hritera de tout, et je serai son Dieu et il sera un fils pour moi, entre ces paroles et celles du roi de Perse ; entre cette maison quil faut btir dans la Jrusalem de la Jude et lhabitation de Dieu avec les hommes dans la nouvelle Jrusalemdescendant des cieux, le contraste est vraiment frappant. Au point de vue des Juifs qui rejettent le grand dnoment universel de leur histoire nationale rvl dans l

    ouveau-Testament, il faudrait admettre que la cration du ciel et de la terre, lavocation des patriarches, la mission de Mose, tes miracles de lExode, la rvlation dSina, les exploits et les hymnes de David, la sagesse de Salomon, linspiration des prophtes, que toutes ces merveilles et toutes ces saintes gloires nont abouti endernier lieu qu un manifeste dun roi paen ordonnant- une poigne de Juifs de bticond temple de Jrusalem, ce temple dont la pauvret compare la splendeur du premiera fait pleurer les vieux do Juda et qui dans la suite na t agrandi et embelli par ldumen Hrode que pour tre dfinitivement dtruit par les soldats de Titus. Ce nest das le prjug subjectif dun chrtien, cest le monument de la pense nationale des Hbx-mmes qui dmontre manifestement quen dehors du Christianisme luvre historique dI

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    chou, et que par consquent un peuple peut bien quelquefois manquer sa vocation.

    [modifier] III

    Je ne me suis pas cart de mon sujet en parlant de la Bible des Juifs. Car il y a quelque chose dans cette Bible tronque, dans ce contraste dun commencement grandiose et dune fin mesquine, il y a quelque chose qui me rappelle les destines de la Russie si on les envisage au point de vue exclusivement nationaliste qui domine chez nous aujourdhui et qui unit dans un accord tacite les Caphes et les Hrodes de notre bureaucratie aux zlotes du panslavisme militant.

    Vraiment quand je pense aux rayons prophtiques dun grand avenir qui illuminrent lesdbuts de notre histoire, quand je me rappelle lacte noble et sage dabdication nationale qui, il y a plus de mille ans, cra ltat russe, lorsque nos anctres voyant liffisance des lments indignes pour organiser lordre social appelrent de bon gr et opos dlibr le pouvoir tranger des princes Scandinaves en leur disant la phrase mmole : Notre pays est grand et fertile, mats il ny a pas dordre en lui, venez dominer et rgner chez nous ; et aprs ltablissement si original de lordre matriel, lion non moins remarquable du christianisme, et la figure splendide de saint Vladimir, serviteur fervent et fanatique des idoles, qui, aprs avoir senti linsuffisance du paganisme et le besoin intrieur de la vraie religion, rflchit et dlibra longts avant de laccepter, mais une fois devenu chrtien voulut ltre pour tout de bon et on seulement sadonna aux uvres de charit en, soignant les pauvres et les malades, m

    ais se montra plus pntr de lcrit vanglique que les vques grec, qui le baptisrvques ne russirent qu force darguments spcieux persuader ce prince, nagure sre, infliger la peine capitale aux brigands et aux assassins : Jai peur du pch, ait-il ses pres spirituels. Et puis, quand ce beau soleil , cest ainsi que lpopulaire surnomma notre premier prince chrtien, quand ce beau soleil qui illumina les dbuts de notre histoire succdrent des sicles de tnbres et de troubles ; quars une longue suite de calamits, refoul dans les froides forts du Nord-Est, abruti ar lesclavage et la ncessit dun rude travail sur un sol ingrat, spar du monde civpeine accessible mme aux ambassadeurs du chef de la chrtient [2], le peuple russe tomba dans un tat de barbarie grossire releve par un orgueil national stupide et ignorant ; quant, oubliant le vrai christianisme de saint Vladimir, la pit moscovitesacharna des disputes absurdes sur des dtails rituels et quand des milliers dhommetaient envoys au bcher pour avoir trop tenu des erreurs typographiques dans des v

    eux livres dglise, soudainement de ce chaos de barbarie et de misres surgit la figure colossale et unique de Pierre le Grand. Rejetant le nationalisme aveugle de la Moscovie, pntr dun patriotisme clair qui voit les vrais besoins de son pays, ilrrte devant rien pour imposer la Russie la civilisation quelle mprisait mais qui li tait ncessaire ; il nappelle pas seulement cette civilisation trangre comme un pecteur puissant, mais il va lui-mme la trouver chez elle en humble serviteur et en apprenti diligent ; et malgr les grands dfauts de son caractre priv il offre jusqa fin un admirable exemple de dvouement au devoir et de vertu civique. Eh bien !en se rappelant tout cela on se dit : elle doit donc tre bien grande et bien belle luvre nationale dfinitive qui a eu de tels prcurseurs, il doit viser bien haut, sne veut pas descendre, le pays qui dans son tat barbare a t reprsent par saint Vlmir et par Pierre le Grand. Mais les vraies grandeurs de la Russie sont une lettre morte pour nos prtendus patriotes qui veulent imposer au peuple russe une miss

    ion historique leur faon et leur porte. Notre uvre nationale serait, les ententout ce quil y a au monde de plus simple, elle ne tiendrait qu une seule force, laforce des armes. Donner le coup de grce lempire Ottoman qui expire, et puis dtruirla monarchie des Habsburgs, et la place de ces deux puissances mettre un tas depetits royaumes nationaux indpendants qui nattendent que cette heure solennelle de leur mancipation dfinitive pour se ruer les uns sur les autres. Cela valait bienla peine pour la Russie de souffrir et de lutter pendant mille ans, de devenirchrtienne avec saint Vladimir et europenne avec Pierre le Grand en maintenant toujours une place part entre lOrient et lOccident, tout cela pour devenir dfinitivemet un instrument de la grande ide serbe et de la grande ide bulgare !

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    Mais, nous dira-t-on, il ne sagit pas de cela, le vrai but de notre politique nationale, cest Constantinople. A ce quil parat, on ne compte plus avec les Grecs quiont cependant, eux aussi, une grande ide panhellnique. Mai. le plus important estde savoir : avec quoi, au nom de quoi pouvons-nous entrer Constantinople ? Que pouvons-nous y apporter sinon lide paenne de ltat absolu, les principes du csaro-pe que nous avons emprunt aux Grecs et qui ont dj perdu le Bas-Empire ? Il y a danslhistoire universelle des vnements mystrieux, mais il ny en a pas dabsurdes. Non nest pas la Russie que nous voyons, la Russie infidle ses meilleurs souvenirs, auxleons de Vladimir et de Pierre le Grand, la Russie possde par un nationalisme aveugle et un obscurantisme effrn, ce nest pas elle qui pourra jamais semparer de la seonde Rome et terminer la fatale question dOrient. Si, par notre faute, cette question ne peut pas tre rsolue notre plut grande gloire, elle le sera notre plus grade humiliation. Si la Russie persiste dans la voie de lobscurantisme oppressif o elle vient de rentrer, elle sera remplace en Orient par une autre force nationalebeaucoup moins doue, mais aussi beaucoup plus consistante dans son infriorit, Les Bulgares, nos protgs bien-aims dhier, nos rvolts tellement mpriss aujourdhui, sn nos rivaux triomphants et matres de la vieille Byzance.

    [modifier] IV

    Il ne faut pas du reste exagrer ces apprhensions pessimistes. La Russie na pas encore abdiqu sa raison dtre, elle na pas reni la foi et lamour de sa premire jeunes

    e est encore libre de renoncer cette politique dgosme et dabrutissement national ferait ncessairement avorter notre mission historique. Le produit falsifi quon appelle opinion publique, fabriqu et vendu bon march par une presse opportuniste, na as encore touff chez nous la conscience nationale qui saura trouver une expressionplus authentique de la vritable ide russe. Il ne faut pas aller loin pour cela :elle est l tout prs, !a vraie ide russe, atteste par le caractre religieux du peupprfigure et indique par les vnements les plus importants et par les plus grands ponnages de notre histoire. Et ai cela ne suffit pas, il y a un tmoignage encore plus grand et plus sr la parole rvle de Dieu. Non que cette parole ait jamais rient sur la Russie : cest son silence, au contraire, qui nous montre la vraie voie.Si le seul peuple dont lu Providence divine sest occupe spcialement est le peuple dsral, si la raison dtre de ce peuple unique ntait pas en lui-mme, mais dans la rchrtienne quil a prpare, et si enfin dans le Nouveau-Testament il nest plus questi

    daucune nationalit en particulier, et mme il est expressment dclar quaucun antagnational ne doit plus subsister, ne faut-il pas en conclure que dans la pense primordiale de Dieu les nations nexistent pas en dehors de leur unit organique et vivante, en dehors de lhumanit ? Et si cela est ainsi pour Dieu, cela doit tre ainsi our les nations elles-mmes, en tant quelles veulent raliser leur ide vritable qui autre chose que leur manire dtre, dans la pense ternelle de Dieu.

    La raison dtre des nations ne se trouve pas en elles-mme, mais dans lhumanit. Maisst-elle cette humanit ? Nest-elle pas un tre de raison priv de toute existence rel? Autant vaudrait-il dire que le bras et la jambe existent rellement et que lhommeentier nest quun tre de raison. Du reste tous les zoologistes connaissent des animaux (appartenant pour la plupart la classe infrieure des actinoz6a : mduses, polypes, etc.), qui ne sont au fond que des organes trs diffrencis et menant une vie iso

    le, de sorte que lanimal complet nexiste quen ide. Telle tait aussi la manire dre humain avant le Christianisme, quand il ny avait en ralit que des disjecta membra de lhomme universel, des tribus et des nations spares ou partiellement runies parla force extrieure, quand la vraie unit essentielle de lhumanit ntait quune promuune ide prophtique. Mais cette ide prit corps au moment o le centre absolu de toues tres fut rvl en Christ. Dsormais la grande unit humaine, le corps universel dee-Dieu, existe rellement sur la terre. Il nest pas parfait, mais il existe ; il nest pas parfait, mais il savance vers la perfection, il saccrot et stend lextriedveloppe intrieurement. Lhumanit nest plus un tre de raison, sa forme substantiee ralise dans la chrtient, dans lglise universelle.

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    Participer la vie de lglise universelle, au dveloppement de la grande civilisationchrtienne, y participer selon ses forces et ses capacits particulires, voil donc leseul but vritable, la seule vraie mission de chaque peuple. Cest une vrit vidente entaire que lide dun organe particulier ne peut pas lisoler et le mettre en antagonsme avec les autres organes, mais quelle est la raison de son unit et de sa solidarit avec toutes le~ parties du corps vivant. Et, du point de vue chrtien, on ne saurait contester lapplication de cette vrit tout fait lmentaire lhumanit enticorps vivant du Christ. Cest pour cela que le Christ lui-mme, tout en reconnaissant, dans sa premire parole aux Aptres, lexistence et la vocation de toutes les nations (v. Math., xxviii, 19), ne sest pas adress et na pas adress ses disciples aucation en particulier : cest que pour Lui elles nexistaient que dans leur union organique et morale comme membres vivants dun seul corps spirituel et rel. Ainsi la vrit chrtienne affirme lexistence permanente des nations et les droits de la nationalit, tout en condamnant le nationalisme qui est, pour un peuple, ce que lgosme est pur lindividu : le mauvais principe qui tend isoler ltre particulier en transformanla diffrence en division et la division en antagonisme.

    [modifier] V

    Le peuple russe est un peuple chrtien, et par consquent pour connatre la vraie ide usse il ne faut pas se demander ce que la Russie fera par soi et pour soi, maisce quelle doit faire au nom du principe chrtien quelle reconnat et pour le bien de

    a chrtient universelle laquelle elle est cense appartenir. Elle doit, pour remplirvraiment sa mission, entrer de cur et dme dans la vie commune du monde chrtien et eployer toutes ses forces nationales raliser, daccord avec les autres peuples, cette unit parfaite et universelle du genre humain, dont la base immuable nous est donne dans lglise du Christ. Mais lesprit de lgosme national ne se laisse pas sacrussi facilement. Il a trouv chez nous un moyen de saffirmer sans renier ouvertement le caractre religieux inhrent la nationalit russe. Non seulement on admet que lepeuple russe est un peuple chrtien, mais on proclame avec emphase quil est le peuple chrtien par excellence et que lglise est !a vraie base de notre vie nationale ;mais ce nest que pour prtendre que lglise est seulement chez nous, que nous avons lmonopole de la foi et de la vie chrtienne. De cette manire, lglise qui est en vriroche inbranlable de lunit et de la solidarit universelles devient pour la Russie e palladium dun particularisme national troit, et souvent mme linstrument passif du

    e politique goste et haineuse.

    Notre religion, en tant quelle se manifeste dans la foi du peuple et dans le culte divin, est parfaitement orthodoxe. Lglise russe en tant quelle conserve la vrit la foi, la perptuit de la succession apostolique et la validit des sacrements participe essentiellement lunit de lglise universelle, fonde par le Christ. Et si malusement cette unit nexiste chez nous que dans un tat latent et ne parvient pas uneactualit vivante, cest que des chanes sculaires tiennent le corps de notre glise ach un cadavre immonde, qui ltouffe en se dcomposant.

    Linstitution officielle qui est reprsente par notre gouvernement ecclsiastique et pr notre cole thologique, et qui maintient tout prix son caractre particularise et xclusif, nest pas certes une partie vivante de la vraie glise universelle fonde par

    le Christ. Pour dire ce quelle est en ralit nous laissons la parole un auteur, dot le tmoignage a dans cette occasion une valeur exceptionnelle. Lun des chefs lesplus minents du parti russe , ardent patriote et orthodoxe zl, en sa qualit de shile ennemi dclar de lOccident en gnral et de lglise de Rome en particulier, ayaapaut en horreur et la compagnie de Jsus en abomination, J. S. Aksakov, ne pourrait pas tre souponn davoir eu des ides prconues dfavorables notre glise nationle. Dun autre ct, quoique partageant les prjugs et les erreurs de son parti, Aksakait au-dessus des panslavistes vulgaires non seulement par son talent, mais aussi par sa bonne foi, par la sincrit de sa pense et la franchise de sa parole. Longtemps perscut par ladministration, condamn enfin au mutisme pendant douze ans, ce ne

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    que dans les. dernires annes de sa vie quil obtint comme privilge personnel et toujurs problmatique la libert relative de publier ce quil pensait.

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    coutons donc ce tmoin loyal et bien autoris. Il appuyait son jugement sur une longue srie de faits incontestables que nous devons omettre ici ; sa parole seule noussuffira.

    Notre glise du cte de son gouvernement apparat comme une espce de bureau ou de chanellerie colossale qui applique loffice de patre le troupeau du Christ tous les procds du bureaucratisme allemand avec toute la fausset officielle qui leur est inhrene [3]. Le gouvernement ecclsiastique tant organis comme un dpartement de ladministion laque, et les ministres de lglise tant mis au nombre des serviteurs de ltat, elle-mme se transforme bientt en une fonction du pouvoir sculier ou tout simplementelle entre au service de ltat. En apparence on na fait quintroduire lordre ncessdans lglise, cest son me quon lui a enleve. A lidal dun gouvernement vraiment n substitua celui dun ordre purement formel et extrieur. Il ne sagit pas seulementdu pouvoir sculier, mais surtout des ides sculires qui entrrent dans notre milieu lsiastique et semparrent un tel point de lme et de lesprit de notre clerg que n de lglise dans son sens vritable et vivant leur est devenu a peine comprhensible 4]. Nous avons des ecclsiastiques clairs qui prtendent que notre vie religieusepas assez rglemente par ltat, et ils demandent celui-ci un nouveau code de lois e

    e rgles pour lglise. Et cependant dans le code actuel de lEmpire on trouve plus de ille articles dterminant la tutelle de ltat sur lglise et prcisant tes fonctions police dans le domaine de la foi et de la pit.

    Le gouvernement sculier est dclar par notre code le conservateur des dogmes de la oi dominante et le gardien du bon ordre dans la sainte glise . Nous voyons ce gardien, le glaive lev, prt svir contre toute infraction cette orthodoxie tablie movec lassistance du Saint-Esprit quavec celle des loi. pnale, de lEmpire russe [5] o il ny a pas dunit vivante et intrieure, lintgrit extrieure ne peut tre soutla violence et la fraude [6].

    A propos de la perscution cruelle suscite par le gouvernement ecclsiastique et civil contre une secte de protestants indignes (les stundistes) dans la Russie mridion

    ale, Aksakov donne une expression vivante sa juste indignation :

    Supprimer par la prison la soif spirituelle quand on na rien pour la satisfaire ;rpondre par la prison au besoin sincre de la foi, aux questions de la pense religieuse qui sveille ; prouver par la prison la vrit de lorthodoxie, cest saper par le toute notre religion et rendre les armes au protestantisme victorieux [7].

    Et cependant il se trouve que les lois pnales, avec leur prison qui a tellement indign notre patriote, sont absolument indispensables pour conserver lEglise dominante . Les dfenseurs les plus sincres et les plus raisonnables de cette Eglise (parexemple lhistorien Pogodine, cit avec beaucoup dautres par notre auteur) avouent franchement que la libert religieuse une fois admise en Russie la moiti des paysansorthodoxes passeront au raskol (schisme des vieux-croyants trs nombreux dj malgr to

    tes les perscutions) et la moiti des gens du monde deviendra catholique.

    Que veut dire un aveu semblable ? demande Aksakov : que la moiti des membres de lglise orthodoxe ny appartient quen apparence, que ces hommes ne sont retenus dans son sein que par la crainte des peines temporelles. Tel est donc ltat actuel de notre Eglise ! tat indigne, affligeant et affreux ! Quelle surabondance de sacrilges dan. lenceinte sacre, de lhypocrisie qui remplace la vrit, de la terreur au lieu deour, de la corruption sous lapparence dun ordre extrieur, de la mauvaise foi dans la dfense violente de la vraie foi, quelle ngation, dans lglise mme, des principes aux de lglise, de toute sa raison dtre, le mensonge et lincrdulit l, o tout do

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    e et se mouvoir par la vrit et la foi... Cependant le danger le plus grave ce nestpas que le mal a pntr dans le milieu des croyants, cest quil y a reu droit de citcette position de lglise est cre par la loi, quune anomalie semblable nest quunence ncessaire de la rgie accepte par ltat et par notre socit elle-mme [8].

    En gnral, chez nous en Russie, dans les choses de lglise, comme dans les autres, clapparence, le decorum quon tient surtout a garder, et cela suffit notre amour pour lglise, notre amour paresseux, notre foi fainante. Nous fermons volontiers leeux et, dans notre crainte purile du scandale, nous nous efforons de cacher nos propres regard, ainsi qu ceux du monde entier le grand mal qui sous un voile convenable dvore comme un cancer la substance vitale de notre organisme religieux [9].

    Nulle part ailleurs on na la vrit tellement en horreur que dans le domaine de notregouvernement ecclsiastique, nulle part ailleurs la servilit nest plus grande que dans notre hirarchie spirituelle, nulle part le mensonge salutaire nest appliqu sune chelle plus large que l o tout mensonge devrait tre abhorr. Nulle part ailleurn nadmet, sous le prtexte de la prudence, autant de compromis qui rabaissent la dignit de lglise et lui enlvent son autorit. Et la cause principale de tout cela, cuon na pas une foi suffisante dans la puissance de la vrit [10].

    Tous ces maux de notre glise, et cest l le point le plus important, nous les avosus et noua les savons, nous nous sommet arrangs avec eux et nous vivons en paix.Mais cette paix honteuse, ce. compromis dshonorant, ne peuvent p.. sauvegarder la poix de lEglise, et dans la cause de la vrit ils signifient une dfaite sinon une

    rahison [11].Sil faut en croire ses dfenseurs, notre Eglise est un troupeau grand mais infidle,dont le pasteur est la police qui par force, coup de fouet, fait entrer dans lebercail les brebis gares. Une image semblable rpond-elle a la vraie ide de lglisehrist ? Et si non, notre glise nest plus lglise du Christ, et alors quest-elle donUne institution dtat qui peut tre utile aux intrt, de ltat, la discipline dess lglise, il ne faut pas loublier, est un domaine o aucune altration de la base moe ne peut tre admise, o aucune infidlit au principe vivifiant ne peut rester impuni, o, si lon ment, on ne ment pas aux hommes mais Dieu. Une glise infidle au testat du Christ est du monde entier le phnomne le plus strile et le plus anormal condamn davance par la parole de Dieu [12].

    Une glise qui fait partie dun tat, dun royaume de ce monde , a abdiqu sa missiovra partager la destine de tous les royaumes de ce monde [13]. Elle na plus en elle-mme aucune raison dtre, elle se condamne la dbilit et la mort [14].

    La conscience russe nest pas libre en Russie, et la pense religieuse reste inerte,labomination de la dsolation stablit au lieu saint, le souffle de la mort remplacelesprit vivifiant ; le glaive spirituel la parole se couvre de rouille, supplant ar le glaive matriel de ltat, et prs de lenceinte de lglise, au lieu des anges dgardant ses entres et ses issues, on voit des gendarmes et des inspecteurs de police ces gardiens des dogmes orthodoxes, ces directeurs de notre conscience [15].

    Et voici enfin la dernire conclusion de cet examen rigoureux :

    Lesprit de vrit, lesprit de charit, lesprit de vie, lesprit de libert cest slutaire qui fait dfaut lEglise russe [16].

    [modifier] VII

    Une institution que lEsprit de la vrit a abandonne ne peut pas tre lglise vritaeu. Pour le reconnatre il ne faut pas abdiquer la religion de nos pres, il ne fautpas renoncer la pit du peuple orthodoxe, ses traditions sacres, toutes les ch

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    saintes quil vnre. Il est vident au contraire que la seule chose que nous devons sarifier la vrit, cest ltablissement pseudo-ecclsiastique si bien caractris parhodoxe, cet tablissement qui a pour base la servilit et lintrt matriel et pour daction la fraude et la violence.

    Le systme du matrialisme gouvernemental qui reposait exclusivement sur la force brutale des armes et ne comptait pour rien la puissance morale de la pense et de laparole libre ce systme matrialiste nous a amens une fois aux dsastres de SbastoLa conscience du peuple russe fidlement reprsent par son souverain parla haute voi. La Russie fit pnitence et se releva par un acte de justice, lmancipation des serfs. Cet acte qui fut la gloire dun grand rgne nest cependant quun commencement. Lue lmancipation sociale ne peut pas se borner lordre matriel. Le corps de la Russist libre, mais lesprit national attend encore son 19 fvrier. Ce nest pas pourtant avec le corps seul, ce nest pas par un travail purement matriel que la Russie pourra accomplir sa mission historique et manifester son ide nationale vraie. Et comment pourrait-elle se manifester, la pauvre ide russe, enferme dans une prison troite, prive dair et de lumire et garde par des eunuques mchants et jaloux ?

    Ce nest pas en reculant vers le rgne de Nicolas Ier et en imitant les grandes erreurs de ce grand souverain quon pourrait rparer les dfauts essentiels dans luvre inplte dAlexandre II. On ne doit pas tenter la Providence en oubliant trop vite lesleons historiques quelle nous a donnes. Il est permis desprer que le sentiment releux, la bonne volont et la raison droite, qui distinguent lempereur actuel, sauront le dfendre contre des conseillers mal inspirs qui voudraient lui imposer la poli

    tique nfaste, juge et condamne Sbastopol.Lmancipation religieuse et intellectuelle de la Russie est un acte qui simpose aujourdhui notre gouvernement avec autant de ncessit que lmancipation des serfs simil y a trente ans au gouvernement dAlexandre II. Le servage lui aussi tait autrefois utile et ncessaire. De mme la tutelle officielle impose lesprit national de lassie pouvait tre bienfaisante quand cet esprit tait dans son enfance ; elle ne peut que le suffoquer aujourdhui. Il est inutile de rpter sans cesse, que notre organisme national est plein de sant et de vigueur, comme sil fallait prcisment tre faibet malade pour pouvoir tre touff. Quelles que soient les qualits intrinsques du pee russe, lies ne peuvent pas agir dune manire normale tant que sa conscience et sapense restent paralyses par un rgime de violence et dobscurantisme. Il sagit avantut de donner libre accs lair pur et 4 la lumire, denlever les barrires artificie

    qui retiennent lesprit religieux de notre nation dans lisolement et linertie, il sait de lui ouvrir le chemin droit vers la vrit complte et vivante.

    Mais on a peur de la vrit parce que la vrit est catholique, cest--dire universellveut tout prix avoir une religion part, une fol russe, une glise impriale. On nient pas pour elle-mme, mais on veut la garder comme attribut et comme sanction du nationalisme exclusif. Mais ceux qui ne veulent pas sacrifier leur gosme national la vrit universelle ne peuvent pas tre et ne doivent pas sappeler chrtiens.

    On se prpare chez nous fter solennellement le neuvime centenaire du Christianisme n Russie. Mais il parat que ce sera l une fte prmature. A entendre certains patrio, le baptme de saint Vladimir, si efficace pour le prince lui-mme, na t pour sa nan quun baptme deau, et il nous faudrait tre baptiss une seconde fois par lesprit

    vrit et le feu de la charit. Et vraiment ce second baptme est absolument ncessairsinon pour la Russie entire, du moins pour la partie de notre socit qui agit et quiparle aujourdhui. Pour devenir chrtienne elle doit renoncer une nouvelle idoltriemoins grossire mais non moins absurde et beaucoup plut pernicieuse que lidoltrie denos anctres paens, rejete par saint Vladimir. Jentends cette nouvelle idoltrie, ce folie pidmique du nationalisme qui pousse les peuples adorer leur propre image au lieu de la Divinit suprme et universelle.

    [modifier] VIII

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    Pour maintenir et pour manifester le caractre chrtien de la Russie, il nous faut abdiquer dfinitivement la fausse divinit de ce sicle, et sacrifier au vrai Dieu notre gosme national. La Providence nous a mis dans une condition particulire qui doitrendre ce sacrifice plus complet et plus efficace. Il y a une loi morale lmentairequi simpose galement aux individus et aux nations, et qui est exprime dans cette parole de lEvangile, qui nous command, avant de sacrifier a lautel, de faire la paixavec le frre qui a quelque chose contre nous. Le peuple russe a un frre qui a desgriefs profonds contre lui, et il nous faut faire la paix avec ce peuple frre etennemi, pour commencer le sacrifice de notre gosme national sur lautel de lEglise niverselle.

    Ce nest pas l une affaire de sentiment, quoique le sentiment aussi devrait avoir sa place dans tous rapports humains. Mais entre une politique sentimentale et unepolitique dgosme et de violence, il y a un moyen terme : la politique de lobligatin morale ou de la justice. Je ne veux pas examiner ici les prtentions des Polonais la restauration de leur ancien royaume, ni les objections que les Russes leurpeuvent opposer bon droit. Il ne sagit pas de plans problmatiques raliser, mais iniquit manifeste et incontestable laquelle il nous faut renoncer dans tous lescas. Jentends le systme odieux de russification, qui na plus affaire lautonomie ptique, mais qui sattaque lexistence nationale, lme mme du peuple polonais. Rusla Pologne, cela veut dire tuer une nation qui a une conscience trs dveloppe de soi-mme, qui a eu une histoire glorieuse et nous a devance dans sa culture intellectuelle, et qui, aujourdhui encore, ne nous cde pas en activit scientifique et littra

    re. Et quoique dans ces conditions le but dfinitif de nos russificateurs soit heureusement impossible atteindre, tout ce quon entreprend pour y parvenir nen est pas moins criminel et malfaisant. Cette russification tyrannique intimement lie ladestruction, plus tyrannique encore, de lglise grecque-unie, est un vrai pch nationl, qui pse sur la conscience de la Russie et paralyse ses forces morales.

    On a vu de grandes nations triompher pendant longtemps dans une cause injuste. Mais il parat que la Providence, par une sollicitude particulire pour le salut de notre me nationale, sempresse nous montrer, avec une vidence parfaite, que la forcemme victorieuse, nest bonne rien, quand elle nest pas dirige par une conscience e. Notre pch historique a enlev notre dernire guerre ses rsultats pratiques en mps que sa valeur morale ; il poursuivit, sur les Balkans, nos aigles victorieuxet il les arrta devant les murs de Constantinople ; en nous tant lassurance et lla

    n peuple fidle sa mission, ce pch nous imposa, au lieu dun triomphe achet par taforts hroques, lhumiliation du congrs de Berlin ; et il finit par nous chasser de lSerbie et de la Bulgarie, que nous voulions protger tout en opprimant la Pologne.

    Ce systme oppressif, qui nest pas appliqu la Pologne seulement, tout mauvais quilt en lui-mme, est rendu bien pire encore par la contradiction flagrante o il se trouve avec les ides gnreuses dmancipation et de protection dsintresse que la polsse a toujours revendiques pour elle. Cette politique est ncessairement imprgne de ausset et dhypocrisie, qui lui enlvent tout prestige, et rendent impossible tout succs durable. On ne peut pas impunment inscrire sur son tendard la libert des peupleslaves et autres, tout en tant la libert nationale aux Polonais, la libert religieuse aux Uniates et aux dissidents russes, les droits civils aux Juifs.

    Ce nest pas dans cet tat, la bouche muette, les yeux bands et lme dchire par desdictions et des remords, que la Russie doit aller son uvre historique. Nous avonseu dj deux graves leons, deux avertissements svres : Sbastopol, premirement ;dans des circonstances plus significatives encore : Berlin. Il ne faut pas attendre le troisime avertissement, qui serait peut-tre le dernier. Se repentir de sespchs historiques et satisfaire la justice ; abdiquer lgosme national en renonant litique de russification et en admettant, sans rserves, la libert religieuse, cestle seul moyen, pour la Russie, de se prparer la rvlation et la ralisation de sae ide nationale qui il ne faut pas loublier nest pas une ide abstraite ni une f

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    t aveugle, mais avant tout une obligation morale. Lide russe, nous le savons, ne peut tre autre chose quun aspect dtermin de lide chrtienne, et la mission de notrene peut nous tre claire quen tant que nous entrons dans le vrai sens du christianisme.

    [modifier] IX

    Il y a trente ou quarante ans peu prs que des crivains plus ou moins estimables nous prchent en France aussi bien quen Russie [17] un Christianisme et une glise idal, le Royaume spirituel de la fraternit libre et de lamour parfait. Cest l sans doutlidal, cest--dire lavenir de lglise. La doctrine de ces auteurs est une prophtpour ne pas tre une fausse prophtie elle devrait nous indiquer la voie droite et les bons moyens pour raliser cet idal absolu. Un idal, sil nest pas un songe creux,peut tre autre chose que la perfection ralisable de ce qui est donn. Serait-ce enreniant le pass de lglise universelle et en dtruisant sa forme actuelle quon arrivit au rgne idal de la fraternit et de lamour parfait ? Ce ne serait l quune applin assez mal place de la loi parricide qui gouverne notre vie mortelle. Dans cettevie dtermine par ltat de la nature corrompue, la nouvelle gnration narrive lace de lactualit quen supplantant ignoblement ses anctres, mais cest pour cela aussue cette existence criminelle ne dure quun instant ; et si Krhonos, aprs avoir mutil et supplant le vieux Ouranos, a t lui-mme supprim par Zeus quil ne russit pace nouveau dieu, lui aussi, ne monta le trne souill que pour subir dans la suiteune destine semblable. Telle est la loi de la vie falsifie et corrompue, dune vie q

    ui ne devrait pas tre, puisque elle est plutt mort que vie, et cest pour cela que lumanit, fatigue de cette misre infinie, attendait avec angoisse comme son vrai sauveur un Fils de Dieu qui ne fut pas le rival de son Pre. Et maintenant que ce vraiFils qui ne remplace pas, mais qui manifeste et qui glorifie son Pre, est venu et a donn une loi de vie immortelle a thumanit rgnre, lglise universelle, on oduire, sous un masque nouveau, dans cette glise mme, dans cet organisme de la vraie vie, la loi abolie de la mort !

    En vrit, dans lglise universelle le pass et lavenir, la tradition et lidal, loiure mutuellement, sont galement essentiels et indispensables pour constituer le vrai prsent de lhumanit, son bien-tre actuel. La pit, la justice et fa charit, tute envie et & toute rivalit., doivent former un lien permanent et indissoluble entre les trois agents principaux de lhumanit sociale et historique, entre les reprs

    entants de son unit passe, de sa multiplicit prsente et de sa totalit future.

    Le principe du pass ou de la paternit est ralis dans lglise par le sacerdoce, lesspirituels, les vieux ou anciens par excellence (prtre, de presbyteros = senior),reprsentante sur la terre du Pre cleste, lAncien des jours. Et pour lglise gnrtholiques, il doit exister un sacerdoce gnral ou international centralis et unifi dns la personne dun Pre commun de tous les peuples, le Pontife universel. Il est vident, en effet, quun sacerdoce national ne peut pas reprsenter comme tel la paternit gnrale qui doit embrasser galement toutes les nations. Quant la runion de diffclergs nationaux en un seul corps oecumnique, elle ne peut tre effectue quau moyencentre international, rel et permanent, pouvant de droit et de fait rsister toutes les tendances particularistes.

    Lunit relle dune famille ne peut subsister dune manire rgulire et durable sans mun ou quelquun qui le remplace. Pour faire des individus et des peuples une famille, une fraternit relle, le principe paternel de la religion doit tre ralis ici-bdans une monarchie ecclsiastique qui puisse effectivement runir autour delle tous les lments nationaux et individuels, et leur servir toujours dimage vivante et dinstument libre de la paternit cleste.

    Le sacerdoce universel ou international avec le Pontife suprme comme centre unique reproduit, en le spiritualisant, lge primitif de lhumanit, quand tous tes peuplesaient rellement unis par lorigine commune et par lidentit des ides religieuses et

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    rgles de la vie. Cest l le vrai pass du genre humain, le pass qui ne pse pas surrsent mais lui sert de base immuable, et qui nexclut pas lavenir, mais est essentiellement un avec lui : quant au prsent de lhumanit, nous le voyons dtermin par la drsit des nations qui tendent se constituer en corps complets ou tats ayant chacunun centre particulier indpendant, un pouvoir sculier ou gouvernement temporel quireprsente et dirige laction combine des forces nationales. Les intrts de lhumanitnexistent pas pour ltat et pour le gouvernement sculier dont les devoirs sont limi la fraction du genre humain laquelle il est prpos. Lglise universelle, tout enant au moyen de son ordre sacerdotal unifi dans le Souverain Pontife la religionde la paternit commune, le grand pass ternel de notre espce, nexclut pas cependantdiversit actuelle des nations et des tats. Seulement lglise ne pourra jamais sanctonner, et en cela elle est lorgane fidle de la vrit et de la volont de Dieu, les dsions et les luttes nationales comme condition dfinitive de la socit humaine. La vraie Eglise condamnera toujours la doctrine qui affirme quil ny a rien au dessus des intrts nationaux, ce nouveau paganisme qui fait de la nation sa divinit suprme, cfaux patriotisme qui veut remplacer la religion. Lglise reconnat les droits des nations en combattant lgosme national, elle respecte le pouvoir de ltat en rsistantabsolutisme.

    Les diffrences nationales doivent subsister jusqu la fin des sicles ; les peuples divent demeurer comme membres rellement distincts de lorganisme universel. Mais cetorganisme lui-mme doit aussi exister rellement, la grande unit humaine ne doit pasexister seulement comme une puissance occulte ou un tre de raison, mais doit sincarner dans un corps social visible exerant une action attractive manifeste et per

    manente pour tenir en chec la multitude des forces centrifuges qui dchirent lhumanit.

    Pour atteindre lidal de lunit parfaite il faut sappuyer sur une unit imparfaite, relle. Avant de se runir dans la libert, il faut se runir dans lobissance. Pour sa fraternit universelle, les nations, les tats et les souverains doivent se soumettre dabord la filiation universelle en reconnaissant lautorit morale du pre commuLoubli des sentiments que les peuples doivent au pass religieux de lhumanit serait e trs mauvais augure pour son avenir. Quand on sme limpit, ce nest pas la fraternrecueille.

    Le vrai avenir de lhumanit, auquel nous devons travailler, cest la fraternit univerelle procdant de la paternit universelle par une filiation morale et sociale perma

    nente. Cet avenir qui, pour raliser un idal complet, doit accorder les intrts de lavie actuelle avec les droits du pass, a t de tous temps reprsent dans lglise de r les vrais prophtes. La socit de Dieu avec les hommes ou lglise universelle (danssens large du mot), ayant dans le sacerdoce lorgane de son unit religieuse fondamentale et dans le pouvoir temporel lorgane de sa pluralit nationale actuelle, doitmanifester aussi sa totalit absolue, son unit libre et parfaite par lorgane des prophtes spontanment suscits par lesprit de Dieu pour clairer les peuples et leurs cs en maintenant devant eux lidal complet de la socit humaine.

    [modifier] X

    Ainsi les trois termes de lexistence sociale se trouvent reprsents simultanment dan

    la vraie vie de lglise universelle dirige la fois par ces trois agents principaux: lautorit spirituelle du Pontife universel (chef infaillible du sacerdoce), reprsentant le vrai pass permanent de lhumanit ; le pouvoir sculier du souverain national(chef lgitime de ltat), concentrant en lui et personnifiant les intrts, les droitsles devoirs du prsent ; enfin le ministre libre du prophte (chef inspir de la sociumaine dans sa totalit), inaugurant la ralisation de lavenir idal de lhumanit. Laorde et laction harmonique de ces trois facteurs principaux sont la premire condition du vritable progrs. Le Pontife suprme est le reprsentant de la vraie paternit elle et non pas de la fausse paternit, de ce Krhonos (le Temps) des paens qui dvorait ses enfants. Lui, au contraire, ne trouve sa vie que dans leur vie. En gardan

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    t fidlement et en affirmant lunit immuable de la tradition, le Pontife universel napas besoin dexclure ni les intrts lgitimes de lactualit, ni les nobles aspirationparfait ; pour bien garder le pass, il na pas besoin de lier le prsent et de fermer la porte lavenir. De son ct, le chef de ltat national, sil est digne de son pdoit penser et agir en vrai fils de lglise universelle (reprsente par le SouverainPontife), et alors il est limage et lorgane vritable du Fils et du Roi ternel, de Clui qui fait la volont du Pre et non la sienne, et qui ne veut tre glorifi quen glfiant le Pre. Enfin linitiateur libre du mouvement social progressif, le prophte, sl ne trahit pas sa grande vocation, sil met son inspiration individuelle en accord avec la tradition universelle, et sa libert la vraie libert des enfants de Dieu avec la pit filiale lgard de lautorit sacre et avec le juste respect des pouvos droits lgitimes, devient lorgane vritable de lEsprit-Saint qui a parl par les pres et qui anime le corps universel du Christ en le faisant aspirer la perfectionabsolue. Plus complte est lunion de ces trois reprsentants simultans du pass, du nt et de lavenir humain, plus dcisive est la victoire de lglise universelle sur la oi fatale du temps et de la mort, plus intime est le lien qui rattache notre existence terrestre la vie ternelle de la Trinit divine.

    Comme dans la Trinit, chacune des trois hypostases est Dieu parfait et cependant,en vertu de leur solidarit absolue, il ny a quun seul Dieu, aucune des trois personnes nayant dexistence spare et ne se trouvant jamais en dehors de lunit substantet indivisible avec les deux autres, de mme chacune des trois dignits principalesde la socit thocratique possde une vritable souverainet sans quil y ait pour ces pouvoirs absolus diffrents dans lglise universelle ou dans quelquune de ses parti

    s, car les trois reprsentants de la souverainet divino-humaine doivent tre absolument solidaires entre eux, ne formant que trois organes principaux dun seul et mme corps social, exerant trois fonctions fondamentales dune seule et mme vie collective.

    Dans la Trinit divine, la troisime personne suppose les deux premires dans leur unit. Ainsi doit-il tre dans la trinit sociale de lhumanit. Lorganisation libre et pte de la socit, ce qui est la mission des vrais prophtes, suppose lunion et la soliarit du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, de lglise et de ltat, de la chret de la nationalit. Or cette union et cette solidarit nexistent plut. Elles ont tuites par la rvolte du Fils contre le Pre, par le faux absolutisme de ltat nationalqui a voulu tre tout en restant seul, en absorbant lautorit de lglise, et en toufla libert sociale. La fausse royaut a engendr les faux prophtes, et labsolutisme a

    -social de ltat a produit ncessairement lindividualisme anti-social de la civilisaton progressive. La grande unit sociale, rompue par les nations et les tats, ne peut pas se maintenir longtemps pour les individus. La socit humaine, nexistant plus pour chaque homme comme une totalit organique dont il se sent une partie solidaire, les liens sociaux deviennent pour lindividu des limites extrieures et arbitraires contre lesquelles il se rvolte, et quil finit par supprimer. Alors il a la libert, la libert que la mort donne aux lments organiques dun corps en dcomposition. Cimage lugubre, dont les slavophile, ont tellement abus contre lOccident, et qui anourri leur orgueil national, devrait nous inspirer des sentiments tout fait opposs. Ce nest pas en Occident, cest Byzance que le pch originel du particularismeonaliste et de labsolutisme csaro-papiste a, pour la premire fois. introduit la mort dans le corps social du Christ. Et le successeur responsable de Byzance, cest lempire russe. Et aujourdhui la Russie est le seul pays de la chrtient o ltat natio

    ffirme sans rserve son absolutisme exclusif en faisant de lEglisc un attribut de la nationalit et un instrument passif du gouvernement sculier, et o cette suppression de lautorit divine nest pas mme compense (en tant quelle peut l tre) par la lilesprit humain.

    Le second terme de la trinit sociale ltat ou le pouvoir sculier, par sa positioermdiaire entre les deux autres, est le moyen principal pour soutenir ou bien pour dtruire lintgrit du ~corps universel. En reconnaissant le principe de lunit et solidarit reprsent par lglise, et en rduisant, au nom de cette solidarit, unesure toutes les ingalits produites par laction libre des forces particulires, lta

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    linstrument puissant de la vraie organisation sociale. En se renfermant au contraire dans un absolutisme isol et goste, ltat perd la vraie base immuable et la sanon infaillible de son action sociale, et laisse la socit universelle sans dfense contre le mystre de liniquit .

    Grce ses conditions historiques, la Russie nous prsente le dveloppement le plus coplet, lexpression la plus pure et la plus puissante de ltat national absolu rejetant lunit de lglise et supprimant la libert religieuse. Si nous tions un peuple panous serait bien possible de nous cristalliser dfinitivement dans un tel tat. Maisle peuple russe est chrtien au fond de son me, et le dveloppement excessif qua prichez lui le principe anti-chrtien de ltat absolu nest que le revers dun principe i celui de ltat chrtien, de la royaut du Christ. Cest le second principe de la Tsociale, et pour le manifester avec vrit et justice la Russie doit, avant tout, lemettre la place qui lui appartient, le reconnatre et laffirmer non pas comme le seul et unique principe de notre existence nationale isole, mais comme le second des trois agents principaux de la vie sociale universelle dont nous devons tre solidaires. La Russie chrtienne, en imitant le Christ lui-mme, doit soumettre le pouvoir de ltat (la royaut du Fils) lautorit de lglise universelle (le sacerdoce ddonner une part la libert sociale (action de lEsprit). Lempire russe, isol dans absolutisme, nest quune menace pour la chrtient, une menace de luttes et de guerresans fin. Lempire russe, voulant servir et protger lglise universelle et lorganison sociale, apportera !dans la famille des peuples la paix et la bndiction.

    Il nest pas bien pour un homme de rester seul. Il nen est pas autrement pour une

    ation. Il y a neuf cents ans nous avons t baptiss par saint Wladimir au nom de la Trinit fconde et non pas au nom de lunit strile. Lide russe ne peut pas consisternotre baptme. Lide russe, le devoir historique de la Russie nous demande de nous reconnatre solidaires de la famille universelle du Christ et dappliquer toutes nosfacults nationales, toute la puissance de notre empire la ralisation complte de laTrinit sociale o chacune des trois units organiques principales, lglise, lEtat etocit, est absolument libre et souveraine, non pas en se sparant des autres, les absorbant ou les dtruisant, mais en affirmant sa solidarit absolue avec elles. Restaurer sur la terre cette image fidle de la Trinit divine, voici lide russe, Et si cete ide na rien dexclusif et de particulariste, si elle nest quun nouvel aspect de lhrtienne elle-mme, si pour accomplir cette mission nationale il ne nous faut pas agir contre les autres nations, mais avec elles et pour elles, cest l la grande preuve que cette ide est vraie. Car la Vrit nest que la forme du Bien, et le Bien ne c

    nnat pas denvie.

    Paris, 23 mai 1888

    [modifier] Notes

    1. ? Jai tch de le faire dans deux tudes sur la question juive, dont lune a tdans la Revue franaise, sept. et oct. 18862. ? V. ltude intressante du P. Perling, Rome et Moscou, 1547-1579.3. ? uvres compltes dIvan Aksakov, tome IV, p. 124.4. ? Ibid., pp. 125, 126.

    5. ? Ibid., p. 84.6. ? Ibid., p. 100.7. ? Ibid., p. 72.8. ? Ibid., p. 91.9. ? Ibid., p. 42.10. ? Ibid., p. 32.11. ? Ibid., p. 43.12. ? Ibid., p. 91-92.13. ? Ibid., p. 111.14. ? Ibid., p. 93.

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    15. ? Ibid., p. 83-84.16. ? Ibid., p. 127.17. ? Jentends pour la France ce que M. Anatole Leroy-Beaulieu a si bien nomm lo

    scure et impuissante cole de Bordat-Dumoulin et de Huet . (V. La catholiques libraux, p. 182) En Russie, les ides de Bordat-Dumoulin ont t adoptes par Khomiakoff, qumploya son talent considrable a populariser ces ides en leur donnant un faux air dorthodoxie grco-russe.