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1) Solidarité Numérique versus ICT4D : Quelles similarités, quelles divergences et quelles perspectives de rapprochement ? Jonathan STEBIG, eASN, IEDES, CUF

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Article à paraître dans une publication collaborative issue des rencontres eAtlas-FAO de 2010. Actuellement sous presse.

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1) Solidarité Numérique versus

ICT4D : Quelles similarités, quelles

divergences et quelles perspectives de

rapprochement ?

Jonathan STEBIG, eASN, IEDES, CUF

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Introduction

Dans une analyse comparative, nous reviendrions sur deux concepts, la solidarité

numérique et l'ICT4D, à première vue similaires, mais dans les réalités de leurs organisations

respectives, construit sur des approches divergentes.

Afin d'illustrer l'organisation des deux sphères d'actions dans le domaine du développement et

des TIC, un travail de modélisation des systèmes permettra de mieux comprendre les jeux

d'acteurs dans chaque sphère, mais aussi d'en faire ressortir les interpénétrations.

Enfin, par une analyse territoriale construite sur les relations entre les structures

internationales et les ONG locales du Burkina Faso du développement par les TIC, nous

analyserons les degrés d'impacts des différents acteurs internationaux ainsi que leurs

implications sur les projets de terrain.

1- Définition comparée des concepts de l'ICT4D et d e la

solidarité numérique dans une approche théorique

1.1) Définition du concept de solidarité numérique

"La solidarité numérique se veut une approche positive de la coopération visant à

déployer toutes les potentialités de l’Internet et du multimédia auprès de tous les publics

concernés. La solidarité peut s’exercer à travers le transfert de ressources financières,

matérielles et humaines. Elle permet de mettre en place des projets et des réseaux d’acteurs

partout dans le monde.

Un projet de solidarité numérique se caractérise par le fait qu’il permet :

- L’accès aux informations et aux connaissances de manière libre et générale, sans distinction

de moyens ;

- L’appropriation, par les groupes ciblés, des outils de la société de la connaissance et leur

capacité à tirer partie de toutes leurs fonctionnalités ;

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- Le partage de méthodes, de savoir-faire et de compétences entre les partenaires engagés

dans une action1".

Le concept de la solidarité numérique est né d'une véritable intention politique

d'institutionnaliser les projets de développement construits sur l'utilisation des Technologies

de l'information et de la Communication (TIC).

Cette approche, qui a vu le jour lors du premier Sommet Mondial de la Société de

l'information (SMSI)2, s'aligne sur une vision de coopération et d'accompagnement des

sociétés dans leur intégration au monde de l'information.

Dans sa définition, le concept ne répond pas directement à la question "pourquoi utiliser les

TIC?", il présente à l'inverse une réflexion plus construite sur la réponse à la question

"comment intégrer les populations dans la société de l'information?".

La solidarité, dont l'étymologie provient du latin "solidus" (qui signifie "entier et consistant,

lien unissant entre eux les débiteurs d'une somme"3), renvoi directement à l'idée de

l'association des différentes parties dans l'intégration de tous (dans l’unité), à la société de

l'information.

C’est à travers cette approche que les acteurs de la coopération et du développement

entendent donner une réponse à la réduction de la fracture numérique4.

1 : "Guide de la coopération décentralisée pour la solidarité numérique", Direction Générale de la Coopération

Internationale et du Développement (DGCID), ASN, Ministère des affaires étrangères et européennes.

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/580_Int_Solidarite_numerique-2.pdf 2 : Aux termes de sa Résolution 56/183 (21 décembre 2001), l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations

Unies a approuvé la tenue du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) en deux phases, dont la

première a eu lieu à Genève (Suisse), du 10 au 12 décembre 2003 et la seconde à Tunis (Tunisie) du 16 au 18

novembre 2005. http://www.itu.int/wsis/basic/about-fr.html. 3 : Définition issue extraite du "Nouveau petit robert 2010". 4 : "On qualifie généralement de « fossé » ou de « fracture » numérique (de l’anglais « digital divide »), les

inégalités d’accès et les inégalités d’usages d’Internet et des TIC entre pays riches et pays pauvres, zones

urbaines denses et zones rurales « blanches », entre hommes et femmes, jeunes et vieux, diplômés et personnes

peu instruites,… En effet, compte tenu de l’évolution très rapide et de l’instabilité du secteur des TIC et des

télécommunications, le temps d’adoption de ces innovations technologiques varie d’une société à l’autre

(adoption tardive, lente et longue de certaines innovations en Afrique et dans les pays du Sud), et d’un individu à

l’autre (selon qu’on soit technophobe ou technophile par exemple). Ces constats fondent les différents

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Il est intéressant de voir dans la manière d'aborder les programmes de développement par les

TIC comment cette notion francophone s'est inscrite dans la continuité des notions

occidentales des théories du développement. Elle consiste en un transfert du capital technique

et humain dans les sociétés du sud, afin de leurs permettre de rattraper leur retard (Rostow,

19975).

Les dérives de cette approche pourraient s'inscrire dans une lecture néo-colonialiste de

l'approche francophone, dans la mesure où les savoirs et connaissances techniques des pays

du nord sont mis à disposition des sociétés du sud.

Cependant, à la différence de l'ensemble des sommets internationaux (sommet

mondial sur l'environnement, sur la population, etc), qui ont tous émergés de la volonté des

pays du nord, le SMSI est née à la demande de l'Afrique : "Ils ont dû combattre ce qui a

d’abord été le refus, puis une relative indifférence des États-Unis et, dans une moindre

mesure de l’Europe, qui ne souhaitaient pas traiter de ce sujet dans le cadre de l’ONU où

chaque pays dispose d’une voix quelle que soit sa population, sa puissance économique et

militaire. Il n’était effectivement pas dans l’intérêt des pays développés de mettre en jeu, dans

le cadre onusien, la suprématie de fait qu’ils exerçaient dans le domaine des infrastructures,

des équipements, des logiciels et, surtout, de la gouvernance de l’Internet" (Ministère des

affaire étrangères et européennes, 2007).

La grande particularité du SMSI correspond à l'implication de la société civile. Cette nouvelle

règle du jeu s'est mise en place dans le but de proposer à une plus grande diversité d'acteurs

(universitaires-chercheurs, experts, ONG, groupements d'intérêts, etc.), de se réunir autour des

problématiques de la société de l'information. Cette nouvelle approche a permis de proposer

un contrepoids dans les échanges du sommet, face au pouvoir décisionnaire des Etats

nationaux, la société civile ayant un rôle de conseil et d'expertise sur les sujets techniques en

raison de leur connaissance du terrain.

De plus, un second élément fait balance par rapport aux thèses néo-colonialistes, il

s'agit des intentions institutionnelles de la solidarité numérique, pilotées par deux structures

paradigmes d’une société à double vitesse marquée par une « fissure » ou un « écart » entre les « infos-riches »

et les « infos pauvres », les « info-émetteurs » et les « info-récepteurs » " (Tchehouali D., 2008). 5 : Rostow, W.-W., Les étapes de la croissance économique, un manifeste non communiste, Economica, 1997,

305p.

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"coordonnées"; le Fond de Solidarité Numérique (FSN), moteur financier des programmes de

développement et des projets stratégiques institués par l'ASN. Pour financer les programmes

de développement, ces structures ont tenté de mettre en place des outils et des mécanismes de

redistribution veillant à rassembler l'ensemble des acteurs internationaux dans la perspective

d'une intégration de tous dans la société de la connaissance, "le un pourcent de solidarité

numérique".

Ce programme de financement innovant consiste à proposer à l'ensemble des institutions,

publiques ou privées, désireuses de participer à l’édification d’une société de l’information

plus équitable, de reverser un pourcent des marges des appels d'offres relatifs aux TIC au

FSN, en l'échange d'une labellisation "solidarité numérique". C'est à travers ce mécanisme que

les institutions de la solidarité numériques entendent proposer un modèle de la société de

l'information juste et équitable6.

1.2) Définition du concept de l'ICT4D

« De nombreuses personnes ont dit des nouvelles technologies de l'information et de la

communication (TIC) qu'elles étaient une balle magique qui permettrait aux pays en

développement de faire progresser leur développement économique et social. Est-il possible

de brûler les étapes du développement grâce aux TIC ? En un mot, la réponse est ... Peut-être.

En étant un peu moins bref, Nous essayons de le vérifier. Et la réponse la plus éclairée venant

de la part des personnes qui consacrent leur vie à ces sujets est Nous espérons vraiment que

oui. » (Geoffrey Kirkman, 1999)7

Cette phrase reflète concrètement le concept de "l’Information and Communication

Technology for Developement", qui à la différence du modèle de la solidarité numérique,

répond à la question "pourquoi utiliser les TIC" mais ne donne aucune indication directe sur

les moyens d’y parvenir.

Les concepts anglo-saxons se dessinent sur cette ligne de lecture, les TIC étant présentées

comme le nouveau levier du développement, permettant aux pays du sud de sauter les étapes

et de rattraper leur retard. Cette vision idéaliste est directement liée à celle contenu dans

6 : Éléments de présentation issue du site du FSN : http://www.dsf-fsn.org/cms/content/view/39/73/lang,fr/ 7 : Extrait du cours en ligne " Technologies de l'information et de la communication pour le développement "

développé par Barbara Fillip. http://www.aedev.org/ict4d/www.knowledgefordevelopment.com/ICT4D03SP/

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l’approche de la solidarité numérique, dans la mesure où ces outils sont considérés comme

étant à l’origine d’un nouveau modèle de développement équitable durable et impliquant

directement les sociétés dans le savoir et la connaissance.

Cependant, c’est dans la manière de présenter le concept que les deux approches se

distinguent, l’approche anglophone de l’Infodev8 ou celle de l’ICT4D présentent directement

les outils d’information et de communication comme étant la réponse aux problématiques

transversales du développement.

Au-delà de cette différence fondamentale apportée par les concepts respectifs de ces

deux modèles, il existe une divergence profonde et paradoxale, concernant

l’institutionnalisation et la place du politique dans leurs organisations.

L’ICT4D n’est en effet pas née d’un consensus international visant à créer un cadre politique

global dont la mission principale serait de répondre aux questions liées au développement par

les TIC. En effet, il est difficile de trouver dans le paysage de l’ICT4D une structure qui soit

en haut de la pyramide des acteurs impliqués, proposant un modèle général de

fonctionnement, et dictant les stratégies politiques à mettre en place.

A l’inverse de la solidarité numérique, née d’une intention politique forte, l’ICT4D à été

appropriée par un ensemble de structures internationales, rendant difficile la lecture de

l’organisation, et proposant ainsi des démarches cloisonnées et parallèles.

Parmi les entités identifiées, nous pouvons voir apparaitre un ensemble d’organisations

internationales (la Banque Mondiale, le Programme des Nations Unies pour le

Développement, le Global Knowledge Partnership, l’Union Internationale des Télécom, la

Global Alliance for ICT and Development, les Agences Suisses, Suédoises et Canadiennes de

Coopération et de Développement, etc) qui jouent indépendamment les unes des autres le rôle

de tête de réseau, véritables porteurs institutionnels du modèle.

A l’exception du GAID, aucune de ces entités n’a été directement créé afin de répondre aux

problématiques de la fracture numérique, mais ce sont directement les structures du

8 : Le programme d'information pour le développement est développé par la banque mondiale et un ensemble

d'agences de développement internationales s'intéressant aux moyens offerts par les TIC pour combattre la

pauvreté et créer des opportunités d'enrichissement et de croissance économique (définition de la banque

mondiale).

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développement internationales qui se sont respectivement impliquées dans la réduction de

cette fracture, la définissant comme un enjeu central pour l’intégration des sociétés9.

Paradoxalement, de part l’ancrage institutionnel de ces acteurs respectifs, ainsi qu’en raison

de leur poids financier et de leur champ d’action international, le modèle de l’ICT4D et les

politiques stratégiques qui en sont issues exercent un impact beaucoup plus global dont la

vision à long terme est facilitée par la stabilité même de ces entités.

Par ailleurs, le référentiel de l’ICT4D et la majorité des programmes qui en sont issus

correspondent à une approche techniciste et statistique, dans la mesure où les politiques

déployées visent à répondre à l’objectif central de la connectivité et de l’accès aux

infrastructures. Nous sommes donc dans une approche « top down » (du haut vers le bas, ou

de « ranking » (classement), où le principal objectif est de trouver dans le déploiement des

réseaux de communications de nouvelles niches de marché, et de faire ainsi bénéficier les

populations du sud des infrastructures de bases pour les intégrer à la société de l’information.

C’est une distinction qui marque encore une fois les divergences entre les deux concepts, dans

la mesure où le modèle de la solidarité numérique pourrait à l’inverse être caractérisé par une

approche « bottom up » (du bas vers le haut »), plus orienté vers les objectifs de formation,

d’éducation et de soutien à l’appropriation des outils de communication par les sociétés

(Vidal, P., 2009).

A travers l'impact territorial étudié dans la troisième partie, nous remarquerons que cette

distinction théorique peut être remise en question.

A travers son degré d’institutionnalisation limité, son envergure financière et son

approche plus techniciste, l’ICT4D présente des caractéristiques qui le distinguent de la

solidarité numérique. Dans le but d’identifier les têtes de réseau des systèmes respectifs et de

faire ressortir les interrelations existantes, nous allons réaliser une étude cartographique à

partir des liens entretenus entre les différentes structures identifiées.

9 : Rapport sur le développement humain du PNUD visant à « Mettre les nouvelles technologies au service du

développement humain », 2001.

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2) Cartographie analytique des jeux et enjeux d’act eurs

2.1) Cadrage méthodologique sur les méthodes de modélisation du système

d'acteurs des TIC pour le développement

L'identification des systèmes de la solidarité numérique et de l'ICT4D s'est faite par une

analyse approfondie sur Internet des différents acteurs, en établissant comme principe de base

la recherche par partenariat ; chaque acteur identifié comme ayant un rôle clef dans le système

servant de porte d'entrée vers l'ensemble des structures avec lesquels il entretenait des

relations.

Après avoir établi une liste élargie et exhaustive des structures impliquées, le deuxième

exercice a consisté à limiter le champ d'acteurs à cartographier uniquement aux têtes de

réseaux, pour obtenir des schémas qualitatifs lisibles.

Le logiciel libre de "Mind Mapping" ou "cartographie des savoirs" utilisé est le "Visual

Understanding Environment" (VUE), très approprié pour mettre en relation au sein de cartes

schématiques les acteurs et d'identifier leur organisations et les liens qu'ils entretiennent.

A partir d’une approche globale de l’organisation des acteurs des TIC et du

développement dans les deux sphères, la méthode a consisté à réaliser des zooms sur les

maillages et interrelations entretenues par chaque type d’acteurs identifiés dans la typologie.

Dans cette typologie, les différentes catégories identifiées ont été réparties sur quatre

domaines principaux, à savoir le milieu académique, le secteur privé, les organisations

internationales et le milieu associatif.

D’un premier schéma général sur lequel l’ensemble des liens de partenariats sont identifiés, la

méthodologie de construction des cartes analytiques a permis d’identifier un ensemble

d’éléments de manière synthétique (cf. schéma 1).

Pour réaliser les différents schémas par secteur, seules les relations directes

entretenues par chacun des acteurs appartenant à une catégorie de la typologie ont été

retenues. Cette approche a permis de faire ressortir les liens forts entre les structures, et a

permis de clarifier la lecture des schémas.

Dans chacun des schémas sectoriels, les structures centrales ont été identifiées, afin de faire

ressortir les acteurs ayant une position clef dans l’organisation avec les partenaires directs.

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Schéma 1 : les étapes successives de l’élaboration des schémas sectoriels

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Par ailleurs, une attention particulière à été accordée à l’identification des types de relations

entretenues, que l’on a différenciées selon qu’elles étaient construites sur des partenariats

d’actions ou des partenariats financiers.

La mise en visibilité des partenariats financiers a permis d’identifier les structures ayant un

rôle d’accompagnement financier des projets, à l’origine du montage et de la réalisation des

différents projets de développement par les TIC.

Dans ce travail de synthèse, nous réaliserons une analyse conclusive visant à identifier

les principaux acteurs relais, qui sont apparus à travers l’analyse systématique des

positionnements des structures dans leurs sphère respective, et la juxtaposition des schémas de

la solidarité numérique et de l’ICT4D. Le positionnement sectoriel, l’étude des interrelations

et l’analyse comparée des schémas ont été des étapes méthodologiques pertinentes, des outils

d’analyses indispensables afin de faire ressortir les liens potentiels, les interrelations entre les

structures anglophones et francophones.

2.2) Analyse croisée des acteurs de l'ICT4D et de la solidarité numérique

Afin d'identifier les structures charnières (maillons d'interconnexions entre les deux

sphères), les principaux acteurs disposant d'une importante densité de partenariats envers la

sphère étrangère ont été défini (cf. schéma 2).

Il en ressort le positionnement clef de la DDC et du CRDI. Au-delà du fait qu'elles soient

originaires de pays franco-anglais, ces bailleurs sont les principaux axes de mise en relation

des acteurs de la solidarité numérique. Par leur vision globale et le champ de leurs actions, ils

sont les véritables moteurs internationaux des projets de développement par les TIC,

dépassant les divergences théoriques des deux modèles.

Le CRDI se dessine ainsi à travers la lecture des schémas successifs comme le pilier

institutionnel le plus solide en matière de coordination des deux sphères. De par son

envergure financière, mais aussi de son approche qui associe la recherche scientifique à des

projets de terrain (recherche action), il se dessine comme étant l'acteur central.

Avec ces deux grandes structures de financement, il faut associer deux ONG

anglophones, ressortant du schéma comme étant les plus reliées à la sphère étrangère.

Dans la perspective d'un rapprochement des acteurs de la solidarité numérique vers le monde

de l'ICT4D, APC et IICD semblent se positionner comme les nœuds de connexion, les acteurs

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francophones ayant tout intérêt à associer leurs activités à ces structures construites sur des

partenariats très élargis, impliqués géographiquement dans un espace étendu (Amérique du

sud, Asie, Afrique). Entretenant également une situation budgétaire et institutionnelle très

solide, ces ONG disposent de l'ensemble des paramètres clefs pour s'imposer comme les relais

du système vaste de l'ICT4D pour les acteurs de la solidarité numérique.

Enfin, leur stratégie construite sur l'établissement de partenariats avec les structures locales

les plus dynamiques des pays dans lesquels elles sont impliquées les positionnent comme le

médiateur privilégié entre l'organisation internationale du développement par les TIC et les

projets de terrain.

Parmi les acteurs francophones impliqués dans des relations et partenariats croisés,

notons les positionnements clefs d'ENDA et de l'ASN, accompagnés par différentes structures

anglophones moteur des programmes de développement (le PNUD, IICD, Microsoft et le

GAID pour l'ASN ; la DDC, le CRDI, APC et l'UNESCO pour ENDA). C'est dans ce sens

que les actions de solidarité numériques, son ambition conceptuelle et sa pérennité pourront

être assurés.

Schéma 2 :

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A la lecture comparée des deux modèles, l’enjeu d’un rapprochement est donc réel

pour différentes raisons :

- Mettre en concordance une approche techniciste, qui dispose de moyens financiers et

institutionnels conséquents, et qui couvre un champ d'action très élargi avec un modèle plus

social et sociétal, dont l’objectif réside dans une meilleure appropriation des TIC par les

populations, mais qui n'a pas réussi à accompagner son ambition conceptuelle d'une stabilité

politique et financière.

- Associer un concept qui répond à la question "pourquoi les TIC ? Pour le

développement" avec un modèle qui donne des réponses sur "comment y parvenir ? Par la

solidarité".

- Rassembler un modèle construit sur une implication forte du monde de la recherche,

dont les programmes sont par ailleurs très cloisonnés et détachés des actions de terrain, avec

un modèle soutenu par des organisations internationales très présentes, et des fondations pour

le développement très influentes.

3- Les partenariats des acteurs des TIC et du

développement avec les ONG locales du Burkina Faso

Dans cette partie conclusive, nous illustrerons l'impact des acteurs internationaux

identifiés à travers les relations entretenues avec les structures associatives locales du

domaine des TIC et du développement au Burkina Faso.

3.1) Précisions méthodologiques sur la démarche d'analyse

Afin de préciser la méthode de réalisation de ce schéma, présentons dans un premier

temps la démarche entreprise pour étudier les relations des ONG locales avec les structures

internationales.

Le choix du Burkina Faso s'est établi dans la mesure où les projets d'ONG sur les

problématiques des TIC sont nombreux au Burkina Faso. A travers le balayage des structures

internationales des systèmes anglophones et francophones, les différents projets identifiés

étaient souvent mis en place au Burkina Faso, et construits sur des partenariats avec les ONG

qui ont ainsi été retenues dans le schéma.

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Un second élément est à l'origine du choix du Burkina Faso comme terrain d'étude, il

découle de l'hypothèse selon laquelle les acteurs de l'ICT4D seraient à l'inverse de leur

approche a priori techniciste (dite "top down") plus présents auprès des structures locales,

accompagnant ainsi les projets de développement à la base (approche dans une réalité

concrète effectivement bottom up). C'est à la lecture des différents projets des structures

internationales identifiées qu'est apparue cette forte densité de relations des acteurs

internationaux de l'ICT4D avec les acteurs locaux du développement.

Ainsi, l'analyse des interrelations structures internationales / acteurs locaux dans un pays

francophone permettrait de faire ressortir de manière d'autant plus forte cette idée préconçue

issue du concept de l'ICT4D.

3.2) Analyse du schéma

C'est par cet élargissement du champ d'acteur impliqué dans les mécanismes de

développement que nous pourrons questionner les fondements théoriques des modèles de

l'ICT4D et de son approche définie comme "top down" et techniciste, face à la solidarité

numérique construite théoriquement sur l'approche "bottom up" et sociétale.

A la lecture du schéma, plusieurs évidences doivent être mises en avant (cf.schéma 3).

Tout d'abord, il est important de voir dans quelle mesure l'implication globale des

acteurs anglophones et les partenariats qu'ils entretiennent avec les ONG locales du Burkina

Faso (pays francophone) est importante.

Triste réalité que cette présence résiduelle des acteurs de la solidarité numérique dans un pays

francophone qui par la multiplication de ses associations impliquées sur les questions de

développement par les TIC fait figure de véritable foyer énergétique d'appropriation des TIC

par la société civile.

D'une manière générale, revient encore cette dramatique conclusion, qui voit

l'ambition institutionnelle du modèle de la solidarité numérique échouer dans l'établissement

et l'inscription de ses méthodes dans les projets de développement. Défini à priori comme

agissant par la base, les structures francophones apparaissent dans le schéma 3 uniquement

autour de l'association Burkina NTIC, avec le Cipaco, ENDA, OSIRIS et l'IPAO10.

10 : Ces structures n'entretiennent par ailleurs aucun autre lien envers les différentes associations locales

identifiées.

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D'un autre côté, on voit ressortir l'implication forte du MAE (partenaire financier du Biblio

Brousse, de Tin Tua et de Faso Dev), unique structure de financement impliquée réellement

auprès des structures de développement au niveau local au Burkina Faso (le FFI n'étant

uniquement à l'appui de l'initiative du Biblio Brousse).

A l'exception de cette implication de l'antenne du gouvernement français pour les

projets locaux, la pauvreté de présence des acteurs francophones auprès des projets de

solidarités numériques de terrains est illustrative de la contradiction profonde entre l'approche

à priori "bottom up" de la solidarité numérique et sa réalité très éloignée des actions de terrain

au Burkina Faso.

Sur l'ensemble des structures locales identifiées, seul le Biblio Brousse dispose de

partenariats exclusivement orientés auprès des structures internationales du système de la

solidarité numérique.

La présence des structures de l'ICT4D est dense et diversifiée, en effet, on retrouve

différentes structures profondément impliquées au côté des ONG locales du Burkina Faso.

L'ONG internationale IICD, qui propose un appui et un accompagnement des projets de

terrain de Yam Pukri, Burkina NTIC et Faso Dev.

Du côté des organisations internationales, on retrouve l'UNESCO qui est très présente au

niveau des projets de terrain, à travers ses partenariats établis avec le CNA, Tin Tua, Burkina

NTIC et le RIFOD.

Enfin, c'est les fondations pour le développement qui sont fortement représentés, avec une

implication importante du DGF, qui finance les projets de Faso Dev, de Yam Pukri et de

Burkina NTIC.

Cette diversité des types d'acteurs de l'ICT4D impliqués au niveau local, ainsi que la

mise en place de partenariats multiples sur un même territoire est un signe fort de

l'implication locale et construite sur le soutien d'acteurs agissant à la base.

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Schéma 3 :

Dernier élément au combien éloquent, il s'agit de l'inexistence de partenariats

francophones auprès du Ministères des TIC du Burkina Faso. En effet, on voit que les

soutiens logistiques et financiers du Ministères sont exclusivement issus des acteurs de

l'ICT4D (Microsoft, CISCO, et l'ITU). Ce constat est d'autant plus problématique que les pays

d'Afrique francophone entretiennent des relations historiques fortes avec la France.

Un constat annexe doit être par ailleurs mis en avant, il s'agit de la très faible présence

de liens entre les ONG locales du Burkina Faso, élément symptomatique du manque de

coordination des actions locales dans le domaine du développement, souvent à l'origine de

projets cloisonnés ne profitant pas des compétences locales parallèles existantes sur des

territoires communs.

Dans le schéma, on voit en effet apparaître des relations locales uniquement autour de Yam

Pukri, associé au programme dont elle est à l'origine Faso Dev, ainsi qu'à l'association

Burkina NTIC.

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Conclusion

Pour conclure cette étude comparative, il est tout d'abord primordial de revenir sur

cette différenciation conceptuelle des modèles de la solidarité numérique et de l'ICT4D.

Au-delà de leurs fondements théoriques respectifs, il est important de nuancer cette

différenciation, dans la mesure où les projets menés par les différents acteurs, qu'ils soient

issus du système francophones ou anglophone, sont établis sur des méthodes d'actions

communes et poursuivent des objectifs similaires, l'intégration des sociétés du sud dans la

société de l'information par une aide à l'appropriation des TIC.

Ce recadrage est essentiel dans la mesure où la différenciation conceptuelle est dans la

réalité de l'organisation des projets, très marginale. L'élément primordial qui dissocie les deux

approches réside essentiellement dans l'impact et l'étendu du champ d'action, incroyablement

plus vaste dans le système anglophone, dans la mesure où il regroupe les principales

organisations internationales (Banque Mondiale, PNUD, etc.) ainsi que les fondations les plus

influentes dans le monde du développement par les TIC (notamment le DGF).

C'est ainsi plus en raison de l'influence moins étendue du monde francophone que la solidarité

numérique ne s'impose pas comme modèle de référence. L'ambition par laquelle est né ce

concept et sa volonté de se définir comme référence dans les projets de développement par les

TIC s'est avérée être une erreur, tant les forces en présences, véritables instigateurs des

politiques de développement sont issus du monde anglophone.

Trois clefs de lecture ressortent de l'analyse, elles doivent servir de piste de réflexion

pour une meilleure coordination des deux modèles.

Première piste :

A la lecture du schéma sur l'implication locale des acteurs du développement et des

TIC, il ressort clairement que le modèle ambitieux de la solidarité numérique n'a pas encore

réussi à s'imposer auprès des acteurs locaux, et à se positionner sur la scène internationale

comme modèle de référence (très peu de soutien financier de la part des grands bailleurs

internationaux comme la Banque Mondiale, le PNUD, le CRDI). Son isolement trop

important vis-à-vis des moteurs anglophones de l'ICT4D est criant, quelles en sont les

raisons? Excès de fierté? Manque de points d'appuis? Ou méconnaissances des portes

d'entrées? Toujours est-il que son existence en tant que modèle et son inscription pérenne

dans les champs du développement international ne passera que par cette ouverture.

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Deuxième piste :

Les potentialités d'ouvertures vers le monde le l'ICT4D doivent ainsi être mises en

avant. C'est à travers l'établissement de partenariats plus importants et d'inscription dans les

politiques globales d'acteurs tels qu'APC, IICD ou encore le CRDI que les acteurs de la

solidarité numérique pourront bénéficier d'un champ d'action plus vaste, tout en privilégiant

les méthodes d'actions qui lui sont propres. Les maillons forts du système de l'ICT4D

identifiés doivent être des portes d'entrée privilégiées.

Troisième piste :

La forte présence des acteurs académiques et du monde de la recherche dans le

système de la solidarité numérique doit être considérée comme une véritable opportunité.

C'est vraisemblablement par la multiplication des programmes de recherche, des groupements

de chercheurs et des colloques et séminaires que le modèle pourra avoir un meilleur écho

auprès des acteurs de l'ICT4D (l'exemple des rencontres eAtlas de Bamako 2009 en est la

parfaite illustration). Le rassemblement des acteurs issus des deux sphères sur des réflexions

communes représente une véritable clef d'ouverture et de coordination des acteurs à l'échelle

internationale.

Afin d'approfondir cette étude, dont les choix méthodologiques ont limité la portée

scientifique, trois pistes pourraient être privilégiées11.

- Tout d'abord il serait intéressant d'élargir le champ d'acteurs identifié, afin d'avoir

une représentation plus exhaustive des structures impliquées dans chacune des sphères. Par un

découpage typologique plus précis, de nouveaux éléments d'analyse pourraient ressortir.

- Une analyse plus géographique construite à partir de cartes permettrait de mettre en

avant les zones d'influences des différents acteurs internationaux, ainsi que leurs impacts

respectifs à l'échelle du globe.

- Enfin, les interrelations acteurs locaux / structures internationales pourraient être

dupliquées dans d'autres pays, afin d'avoir une vision plus complètes des implications locales

des acteurs de la solidarité numérique et de l'ICT4D.

11 : Les orientations de mon travail ont en effet était limitées, en raison des moyens limités, mais aussi du temps

imparti relativement cour (travail réalisé lors d’un stage de 3 mois à l’ASN).