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les craintes des populations relatives aux consé- quences du projet minier semblent se vérifier : leurs sources d’eau s’assèchent, des maisons se fissurent, certaines maladies rares apparaissent, et plusieurs prélèvements dans l’eau et les sols indiquent des présences anormalement élevées de substances extrêmement toxiques. La CIDH, saisie par une partie des communautés, a ordonné, en mai 2010, la suspension provisoire de l’activité minière, le temps d’éclaircir la situation. Fin mars 2011, l’Etat guatémaltèque n’a toujours pas mis à exécution cet ordre, auquel il est tenu de se conformer. Troisième fin de non-recevoir. Etre accusés de vouloir générer du conflit, par une en- treprise qui ne cesse de s’assoir sur le droit interna- tional rappelle un mauvais film de propagande soviétique. Cela pourrait être perçu comme ironi- que, c’est surtout effrayant. Ce faisant, Goldcorp fait peser des risques non négligeables sur nos accompagnateurs présents sur place, nous assimi- lant à des fauteurs de troubles usant de la même rhétorique que celle employée dans le passé sur les communistes et autres subversifs. Bornons nous donc à lui rappeler notre mandat : depuis bientôt 20 ans, l’accompagnement inter- national repose sur une présence dissuasive aux côtés de militants des droits humains menacés, basée sur une observation impartiale de la situation : nous dénonçons ainsi toutes les atteintes aux droits commises contre les personnes que nous accompagnons. Nous ne nous opposons pas à un projet minier par principe, mais bien aux violations qui s’y rapportent : force est de cons- tater qu’elles sont extrêmement nombreuses lorsqu’il s’agit du projet Marlin. Plus important : quand le non-droit est institution- nalisé par l’Etat guatémaltèque contre son peuple, quand le droit est détourné par une entreprise pour criminaliser ses opposants, on pourrait s’attendre à ce que le désespoir pousse la popula- tion à réagir violemment. A de rares exceptions près, il n’en est rien. Les opposants violents « extérieurs aux communautés », sont en réalité des militants locaux directement touchés par les effets de la mine ; harcelés ; intimidés ; vivant dans la peur et l’insécurité constantes. Et pourtant ils expriment pacifiquement leur droit, se récla- ment d’une justice qui leur à toujours fait défaut, mais qu’ils ne cessent de rêver pour leur peuple. Le Guatemala que nous appuyons, le Guatemala de l’Etat de droit, ce sont eux. Ils doivent être protégés, et surtout soutenus. la n° 193 février-mars 2011 Sommaire Édito p. 1 Goldcorp, entreprise de désinformation dans un Etat de non-droit. par Nicolas Krameyer. Activités p. 2-3 Notre coordinatrice siège en mission au Guatemala. par Louise Levayer. Actualité p. 4 Jeunes leaders mayas assassinés en Izabal, territoire sous pression(s) par Amandine Grandjean. Actualité p. 5 « La guerre contre les Zetas peut s’étendre à toute l’Amérique Centrale » par Cynthia Benoist. Brèves p. 6 Bloc-Notes p. 7 Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris - France Tel/Fax : + 33 (0) 1.43.73.49.60 [email protected] http://collectif-guatemala.chez-alice.fr/ Permanence : Du lundi au vendredi 10h-18h Directrice de publication : Isabelle Tauty Chamale ISSN 1277 51 69 Ont participé à ce numéro : Nicolas Krameyer, Cynthia Be- noist, Louise Levayer, Vanessa Gongora, Amandine Grandjean, Marilyne Griffon, Isabelle Tauty. C e 28 février 2011 - 200 opposants à la mine Marlin (propriété de Goldcorp) manifestent pour exiger de l’Etat gua- témaltèque qu’il mette à exécution l’ordre de suspension provisoire d’activités émis par la Cour Interaméricaine des Droits de l´Homme (CIDH) en mai dernier. Plusieurs ma- nifestants sont séquestrés, menacés de mort et violemment battus par des membres d’une com- munauté favorable à la mine. Alerté en temps ré- el, le Collectif Guatemala et d´autres organisa- tions internationales (Rights action, NISGUA, Breaking the Silence) publient aussitôt un com- muniqué demandant leur libération immédiate. Goldcorp se fend alors d’un communiqué : les militants locaux y sont présentés comme des ac- tivistes « extérieurs aux communautés » ayant usé de violence. Selon l’entreprise, tout cela laisse « suggérer que les actions des manifestants et la réaction instantanée de ces organisations internationales ont été planifiées avec l’intention de générer de la conflictualité dans les communau- tés locales ». Décryptage d’une désinformation. En plus de 6 ans, l’entreprise Goldcorp et l’Etat guatémaltèque n’ont jamais respecté leur obligation de consulter les communautés autochtones vivant près du projet minier, alors que cela est obliga- toire au terme de la convention 169 de l’Organi- sation Internationale du Travail ratifiée par le Guatemala. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, en juin 2010, a ainsi conclu aux graves manquements de l’Etat guatémaltèque dans ce domaine. Première fin de non-recevoir au res- pect des droits de la population locale. Les populations locales, s’appuyant sur le droit guatémaltèque, ont alors organisé leurs propres consultations, observées par nos accompagnateurs, lesquelles ont abouti à un rejet massif du projet minier dans une des deux municipalités concernées. La veille, l’entreprise s’illustrait en distribuant des tracts annonçant l’annulation des consulta- tions pour dissuader les gens d’y participer. Deuxième fin de non-recevoir: la Cour Constitutionnelle, au lieu de condamner l’Etat pour ses manquements, rejette le caractère contraignant des consultations. Dans la foulée, Goldcorp attaque en justice des opposantes pour avoir détérioré du matériel appartenant à l’entrepri- se. Huit d’entre elles sont condamnées. Entretemps, 1 Guatem Solidarité Lettre des adhérents du Collectif Guatemala Bimestriel Solidarité Guatemala n°193 fév-mars. 2011 Goldcorp, entreprise de désinformation dans un Etat de non-droit par Nicolas Krameyer

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Édito: Goldcorp, entreprise de désinformation. Activités: Notre coordinatrice siège en mission au Guatemala. Actualités: Jeunes leaders mayas assassinés / La guerre contre les Zetas

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les craintes des populations relatives aux consé-quences du projet minier semblent se vérifier : leurs sources d’eau s’assèchent, des maisons se fissurent, certaines maladies rares apparaissent, et plusieurs prélèvements dans l’eau et les sols indiquent des présences anormalement élevées de substances extrêmement toxiques. La CIDH, saisie par une partie des communautés, a ordonné, en mai 2010, la suspension provisoire de l’activité minière, le temps d’éclaircir la situation. Fin mars 2011, l’Etat guatémaltèque n’a toujours pas mis à exécution cet ordre, auquel il est tenu de se conformer. Troisième fin de non-recevoir. Etre accusés de vouloir générer du conflit, par une en-treprise qui ne cesse de s’assoir sur le droit interna-tional rappelle un mauvais film de propagande soviétique. Cela pourrait être perçu comme ironi-que, c’est surtout effrayant. Ce faisant, Goldcorp fait peser des risques non négligeables sur nos accompagnateurs présents sur place, nous assimi-lant à des fauteurs de troubles usant de la même rhétorique que celle employée dans le passé sur les communistes et autres subversifs. Bornons nous donc à lui rappeler notre mandat : depuis bientôt 20 ans, l’accompagnement inter-national repose sur une présence dissuasive aux côtés de militants des droits humains menacés, basée sur une observation impartiale de la situation : nous dénonçons ainsi toutes les atteintes aux droits commises contre les personnes que nous accompagnons. Nous ne nous opposons pas à un projet minier par principe, mais bien aux violations qui s’y rapportent : force est de cons-tater qu’elles sont extrêmement nombreuses lorsqu’il s’agit du projet Marlin. Plus important : quand le non-droit est institution-nalisé par l’Etat guatémaltèque contre son peuple, quand le droit est détourné par une entreprise pour criminaliser ses opposants, on pourrait s’attendre à ce que le désespoir pousse la popula-tion à réagir violemment. A de rares exceptions près, il n’en est rien. Les opposants violents « extérieurs aux communautés », sont en réalité des militants locaux directement touchés par les effets de la mine ; harcelés ; intimidés ; vivant dans la peur et l’insécurité constantes. Et pourtant ils expriment pacifiquement leur droit, se récla-ment d’une justice qui leur à toujours fait défaut, mais qu’ils ne cessent de rêver pour leur peuple. Le Guatemala que nous appuyons, le Guatemala de l’Etat de droit, ce sont eux. Ils doivent être protégés, et surtout soutenus.

la n° 193 février-mars 2011

Sommaire Édito p. 1

Goldcorp, entreprise de désinformation dans un Etat de non-droit. par Nicolas Krameyer. Activités p. 2-3

Notre coordinatrice siège e n m i s s i o n a u Guatemala. par Louise Levayer.

Actualité p. 4

Jeunes leaders mayas assassinés en Izabal, territoire sous pression(s) par Amandine Grandjean. Actualité p. 5

« La guerre contre les Zetas peut s’étendre à t o u t e l ’ A m é r i q u e Centrale » par Cynthia Benoist. Brèves p. 6 Bloc-Notes p. 7

Collectif Guatemala 21 ter, rue Voltaire

75011 Paris - France Tel/Fax : + 33 (0)

1.43.73.49.60 [email protected]

http://collectif-guatemala.chez-alice.fr/

Permanence :

Du lundi au vendredi 10h-18h Directrice de publication : Isabelle Tauty Chamale ISSN 1277 51 69 Ont participé à ce numéro : Nicolas Krameyer, Cynthia Be-noist, Louise Levayer, Vanessa Gongora, Amandine Grandjean, Marilyne Griffon, Isabelle Tauty.

C e 28 février 2011 - 200 opposants à la mine Marlin (propriété de Goldcorp) manifestent pour exiger de l’Etat gua-témaltèque qu’il mette à exécution

l’ordre de suspension provisoire d’activités émis par la Cour Interaméricaine des Droits de l´Homme (CIDH) en mai dernier. Plusieurs ma-nifestants sont séquestrés, menacés de mort et violemment battus par des membres d’une com-munauté favorable à la mine. Alerté en temps ré-el, le Collectif Guatemala et d´autres organisa-tions internationales (Rights action, NISGUA, Breaking the Silence) publient aussitôt un com-muniqué demandant leur libération immédiate. Goldcorp se fend alors d’un communiqué : les militants locaux y sont présentés comme des ac-tivistes « extérieurs aux communautés » ayant usé de violence. Selon l’entreprise, tout cela laisse « suggérer que les actions des manifestants et la réaction instantanée de ces organisations internationales ont été planifiées avec l’intention de générer de la conflictualité dans les communau-tés locales ».

Décryptage d’une désinformation. En plus de 6 ans, l’entreprise Goldcorp et l’Etat guatémaltèque n’ont jamais respecté leur obligation de consulter les communautés autochtones vivant près du projet minier, alors que cela est obliga-toire au terme de la convention 169 de l’Organi-sation Internationale du Travail ratifiée par le Guatemala. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, en juin 2010, a ainsi conclu aux graves manquements de l’Etat guatémaltèque dans ce domaine. Première fin de non-recevoir au res-pect des droits de la population locale. Les populations locales, s’appuyant sur le droit guatémaltèque, ont alors organisé leurs propres consultations, observées par nos accompagnateurs, lesquelles ont abouti à un rejet massif du projet minier dans une des deux municipalités concernées. La veille, l’entreprise s’illustrait en distribuant des tracts annonçant l’annulation des consulta-tions pour dissuader les gens d’y participer. Deuxième fin de non-recevoir: la Cour Constitutionnelle, au lieu de condamner l’Etat pour ses manquements, rejette le caractère contraignant des consultations. Dans la foulée, Goldcorp attaque en justice des opposantes pour avoir détérioré du matériel appartenant à l’entrepri-se. Huit d’entre elles sont condamnées. Entretemps,

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Guatem Solidarité

Lettre des adhérents du Collectif Guatemala Bimestriel

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Goldcorp, entreprise de désinformation dans un Etat de non-droit

par Nicolas Krameyer

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Activités

comme la nomination de Claudia Paz y Paz au poste de Procureur Général, qui permettent d’affirmer que nous nous trouvons dans une conjoncture favorable à l’avancée des cas de génocide et de disparition. Selon l’analyste, ces évolu-tions récentes rendraient même envisa-geable une prochaine condamnation de Rios Montt et de Perez Molina, princi-paux responsables des massacres perpé-trés au début des années 80. Cette situa-tion est le résultat de luttes extrêmement longues et difficiles mais elle reste aussi très fragile.

Nous avons également reçu la coordina-trice d’UDEFEGUA (Union de Protec-tion des défenseur(e)s des Droits de l’Homme) sur le thème du crime organisé et du contexte préélectoral. Le constat est ici beaucoup plus sombre : alors que l’insécurité et la violence physique connaissent des niveaux de plus en plus élevés (féminicide, exécutions extrajudi-ciaires, nettoyage social, attentats…), la pauvreté et l’insécurité alimentaire liée à la concentration croissante des terres ne reculent pas. Parallèlement, le narcotrafic et le crime organisé gagnent du terrain.

Ils impliquent tant les militaires que les politiques2 ce qui ren-force ce climat de violence3 et d’impunité.

Le CCDA (Comité Paysan de l’Altiplano) est venu nous pré-senter la proposition de Loi du système de développement rural intégral et la difficulté de faire passer cette loi sans la dénaturer. Puis une journaliste du journal indépendant El Observador a développé le thème de la « Continuité et consolidation du projet des élites oligarchiques et

leur maquillage social-démocrate » en démontrant notamment la collusion-dépendance du parti au pouvoir (UNE) avec les grands entrepreneurs, qui décident de l’agenda gouvernemental.

Après de longues heures de discussions, propositions et débats très disciplinés, suivant la culture anglo-saxonne, les comités ont abouti à la prise de nombreuses décisions à l’unanimité sur le fonction-nement structurel et les orientations à venir du projet. Les points les plus fon-damentaux sont notamment l’orientation vers l’accompagnement de processus comme la protection des ressources na-turelles, l’usage de gilet au nom du projet par les accompagnateurs et l’observation et la signature des actes des consultations communautaires en tant qu’ACOGUATE.

Cette semaine s’est terminée avec une après-midi célébrant les 10 ans d’ACO-GUATE où étaient conviées toutes les organisations et personnes ayant partagé des chemins de lutte avec ce projet.

Ateliers vidéo et diffusion

La session d’ateliers 2010 s’est terminée avec la tenue pendant la dernière semaine

P artir au Guatemala pour décou-vrir le travail du Collectif aux côtés des personnes et organisa-tions que nous accompagnons

constitue une étape idéale pour prendre en main le poste de coordinatrice au siè-ge. Rencontrer nos partenaires, discuter avec des personnes accompagnées, connaître les accompagnateurs, leur lieu de vie et prendre conscience de leur quo-tidien donne une toute autre dimension au travail réalisé en France.

Rencontres d’ACOGUATE A mon arrivée, nous avons pu représen-ter le Collectif avec Cynthia, notre coor-dinatrice terrain, pendant la semaine de rencontre des Comités d’ACOGUATE (projet dans lequel s’inscrit notre action d’accompagnement). Ces rencontres ont réunis 8 comités nord-américains et eu-ropéens pour définir la stratégie à venir du projet et adapter au mieux l’accompa-gnement à l’évolution complexe des réalités du pays (sociales, politiques, sécuritaires…). Ce travail a pu se faire grâce à différentes organisations de dé-fense des droits de l’Homme venues par-tager leurs analyses de la conjoncture.

CALDH (Centre d’Action Légale pour les Droits de l’Homme) est venu nous présenter les dernières avancées sur les cas de génocide et de disparitions forcées ainsi que d’autres évènements récents,

2 Solidarité Guatemala n °19 3 f é v -m a rs . 20 11

Notre coordinatrice en mission au Guatemala. par Louise Levayer

Notre nouvelle coordinatrice à Paris s’est rendue sur le terrain du 14 janvier et 02 février. Cette mission avait comme objectif d'évaluer nos projets au Guatemala et comme temps fort la participation à une grande rencontre organisée par la Coordination de l'Accompagnement International au Guatemala-ACOGUATE1. Retour...

Table des discussions entre comités d’ACOGUATE

Edition des films

Convivio à la casa Mango

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Activités

3 Solidarité Guatemala n °19 3 f é v -m a rs . 20 11

par l’organisation d’un festival à la capi-tale, l’appui aux projets de diffusion communautaire des réalisateurs et la création d’un blog où pourront être vi-sionnées les différentes réalisations. Bilan

Cette mission a également été l’occasion de discuter et de partager avec l’équipe du Collectif. Nos accompagnatrices au Guatemala, avec six mois d’expérience pour deux d’entres elles et plus d’un an et demi pour la troisième, ont su m’expli-quer les principales difficultés auxquelles elles sont confrontées, mais aussi tout ce

que cette expérience leur a apporté. Elles ont pu me conseiller sur les quelques améliorations à apporter à la formation avant le départ et au suivi des accompa-gnateurs, ce qui a directement servi aux trois accompagnateurs actuellement en formation avec le Collectif! Le travail en équipe avec Cynthia et Grégory (président du Collectif) a permis de mener à bien l’évaluation de notre projet qui est actuellement présentée aux financeurs. Cette expérience commune est très posi-tive pour les relations siège-terrain à venir et pour l’ensemble du travail réalisé depuis la France en soutien des activités et des luttes au Guatemala.

de janvier d’un atelier d’édition de cinq jours auquel j’ai pu participer. L’organi-sation maya Ukux’Be a accueilli à nou-veau cet atelier dans ses locaux de Chi-maltenango et l’équipe a ainsi pu dispo-ser de matériel informatique et de prise de son de très bonne qualité. Pour cet atelier, la méthodologie mise en place a consisté en deux jours de théorie sur le logiciel d’édition, suivi de trois jours de pratique pendant lesquels cha-que groupe a pu bénéficier de l’appui personnalisé d’un technicien monteur. Les six groupes ont pu finaliser leurs projets avec les images prises auparavant dans leurs communautés.

L’atelier a permis à l’équipe technique et aux représentants d’organisations mayas présentes de discuter de la transmission du projet vidéo au niveau local. Ukux’Be s’est montrée très intéressée par la repri-se de ce projet et 2011 sera l’année de sa passation, ce qui représente un très bel aboutissement après quatre ans de déve-loppement du projet. Le Collectif continuera son action de diffusion des films réalisés, notamment

Groupe Pro-Justicia Nueva Linda

Notre visite de 2 jours avait pour but de présenter la coordinatrice, son travail en France et lui permettre de rencontrer ces personnes qui mènent une lutte de près de 8 ans pour la terre et la justice. La présence de la personne chargée aujour-d'hui de négocier l'achat de terre nous a permis de prendre connaissance de cer-taines évolutions récentes. Le groupe s’est vu attribué des terres a plusieurs centaines de kilomètres de leur ancienne finca. L’Etat devait acheter l’équivalent de 40 « caballerías » (1800

ha) à un finquero (grand propriétaire terrien) mais ils n’en ont pour l’instant obtenu que 10 : une partie de l’argent de l’Etat destiné à l’achat de ces terres aurait « disparu ». Cette négociation s’est faite par l’inter-médiaire d’un homme, qui se présente comme ami du finquero ayant de nom-breuses relations qui pourraient aider Nueva Linda et donner des formations. Sa motivation serait, selon ses mots, de « faire le bien », « il aime la campagne, les communautés et veut les aider à se développer ». Le projet de développement ici proposé au groupe est de s’occuper de 300 têtes de bétail appartenant au finquero et de les faire paître sur leurs terres. L’objectif est de « créer de la main d’œuvre interne disponible ». La rémunération pour ce travail serait équivalente à la moitié du prix de vente des kilos supplémentaires acquis par les vaches sur leurs terres et la moitié des nouvelles naissances. Par ail-leurs, cet intermédiaire leur a promis des formations gratuites selon leurs envies, un centre de soin, une crèche et de nom-breuses autres infrastructures et services.

La communauté semble considérer ce projet comme une grande opportunité. Nous considérons que ce plan ne permettra pas à Nueva Linda de disposer librement de leurs terres et qu’il les exposerait aux mêmes formes d’exploitation contre les-quelles ils ont si longtemps lutté. Des rencontres avec d’autres communautés ayant réussi à mener un développement autonome alternatif seront organisées dans les prochains mois afin que Nueva Linda puissent choisir ce futur avec les outils nécessaires et connaître les diffé-rentes options qui s’offrent à eux. Cette décision est évidemment entre leurs mains.

Leaders de Nueva Linda (à g.), coordinatrices et

accompagnatrices du Collectif (au centre) et

l’intermédiaire pour la négociation des terres (à d.) Km.207 : « Nous exigeons justice pour la disparition

forcée d’Hector Reyes ».

L’équipe de l’atelier au complet

1ACOGUATE est le projet d’accompagnement

international au Guatemala intégré par le Col-lectif et ses accompagnateurs. Il est composé de 11 comités européens et nord-américains 2 Certains d’entres eux sont candidats aux pro-chaines élections, notamment Baldizon du parti Lider 3 Selon le GAM, 60% des homicides au Guate-mala sont liés au narcotrafic

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Les corps sans vie des étudiants Catalina Mucú Maas, Alberto Coc Cal et Sebastián Xuc Coc, de la communauté Quebrada Seca –municipalité de Livingston– ont été retrouvés le 14 février, deux jours après que leurs familles aient signalé leur dispa-rition aux autorités locales. Catalina et Alberto étaient tous deux guides spirituels mayas, et anciens élèves du centre éducatif Ak’Tenamit. Catalina était également la secrétaire du conseil d’ad-ministration de l’association. “Femme q’eqchi à fort caractère et au sourire contagieux, elle était source d’inspiration pour d’autres jeunes dans une région où la majorité des femmes n’ont pas accès à l’éducation. Elle était une grande meneuse, une grande “ luchadora”, se souvient une amie proche. Sebastián était instituteur dans la communauté Quebrada Seca. Ils défendaient les droits des membres de leur communauté et avaient participé acti-vement aux négociations d’un conflit de

Activités

4 Solidarité Guatemala

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terres dans la région. Un communiqué de Encuentro Campesino dénonçait des antécédents récurrents de menaces et intimidations de la part de personnes voulant s’approprier des terres commu-nautaires. Deux semaines avant ces faits tragiques, une délégation de la communauté avait fait le voyage jusqu’à la capitale pour dénoncer cette situation et demander des mesures de protection.

Persécution permanente pour les lea-ders de la lutte pour la terre L’assassinat de ces jeunes q’eqchi’es engagés dans la lutte sociale n’est pas un cas isolé, comme le souligne un communiqué signé par plusieurs citoyens, parmi lesquels les analystes mexicains Carlos Figueroa Ibarra et Sergio Tischler3: “Ces persécutions et assassinats sont la face visible, tragique, de l’intensification des conditions oppri-mantes dans l’agro4 guatémaltèque. […] ce sont l’expression culminante de la confrontation continue qui existe entre l’appropriation privée-individuelle de terres et la lutte pour la survie des com-munautés paysannes. Le fait que ce cas spécifique réitère la persécution et les menaces dirigées contre les communautés autochtones nous renvoie directement au processus historique d’expropriation finquera5 toujours en vigueur dans notre pays avec de nouvelles configurations sociales.”

C e département est une sorte de “mini-Petén” pour les problé-matiques omniprésentes qui s’y additionnent1. En effet,

comme au Petén, de nombreuses commu-nautés mayas q’eqchi’es ont abandonné leur terres pendant les années de guerre civile. Elles sont venues se réfugier en Izabal mais faute de légalisation des terres qu’elles occupent, ces communautés sont constamment menacées d’expulsions, réalisées par la force par les autorités et par des agents de sécurité privés, aux ordres des finqueros2. Ainsi, la problémati-que agraire est à l’origine de constantes protestations sociales dans le département.

Des jeunes meneurs de la lutte sociale C’est dans ce contexte que trois étudiants, engagés dans la lutte pour le droit à la terre, ont été assassinés à Rio Dulce le 12 février dernier. Selon le communiqué rédigé par Amnesty International, le reste de la communauté est en danger.

Le plus grand lac du Guatemala est situé dans la région d’Izabal dont il porte le nom. Il est relié à la mer Caraïbe par le fleuve Río Dulce et débouche à Puerto Barrios, le plus important port maritime du pays, avec Santo Tomas de Castilla. Depuis cette côte Atlantique sont exportées les bananes Chiquita, produites dans d’immenses exploitations agricoles (fincas), ainsi que le pé-trole de l’entreprise franco-britannique Perenco.

Jeunes leaders mayas assassinés en Izabal, territoire sous pression(s)

par Amandine Grandjean

1 Il s’agit du trafic de drogues, blanchi par les élevages bovins, et implanté au sein-même d’aires protégées, des monocultures telles que la banane, la canne à sucre et le palmier à huile, synonymes d’esclavage moderne pour les tra-vailleurs, et qui causent de sérieux dommages environnementaux, notamment sur les ressour-ces hydriques et rasent les dernières reliques de forêt tropicale du département. A ce tout s’a-joutent l’exploitation minière de nickel de la Compagnie Guatémaltèque de Nickel CGN –filiale guatémaltèque de l’entreprise canadienne HudBay Minerals Inc. qui exploite le projet minier de nickel Fénix à El Estor. 2 Finqueros: grands propriétaires terriens. 3 Ante la muerte de tres luchadores sociales q’echi’es en Izabal, Guatemala, 17 février 2011. www.albedrio.org/htm/otrosdocs/comuni ca-dos/variosciudadanos-004.htm 4 Agro: situation agraire. 5 Finquera: relatif aux finqueros.

Vague d’expulsions violentes dans le département d’Alta Verapaz

Des centaines de familles paysannes mayas q’eqchi’es résistantes, luttant pour l’accès à la terre et survivant dans des campements de fortune dans les limites d’une finca, se sont faites expulser par la force, avec pour résultats de nombreux blessés, deux morts, et de grandes pertes matérielles1. Ces expulsions, commencées le 15 mars, ont été menées plusieurs jours, sur ordre du Ministère Public de Cobán, par l’armée et la police –aidées, selon des témoins, par des paysans d’autres communautés, recrutés puis vêtus d’uniformes de police– ainsi que par des gardes privés de l’entreprise de canne à sucre Chabil Utzaj, propriétaire de la finca. Les victimes sont plus de 800 familles de 14 communautés de la Vallée Polochic, municipalité de Panzós, qui vivent dans l’extrême pauvreté et avaient décidé d’occuper, depuis fin 2010, ces terres improductives pour y semer maïs et autres grains de subsistance traditionnels. Des membres de différentes organisations sociales qui travaillent dans la région2 se sont vus menacés et poursuivis par des personnes armées, engagées par l’entreprise Chabil Utzaj, aux mains de Carlos Widdman. Sous le gouvernement d’Oscar Berger (2004-2008), la famille Berger-Widmann, s’appropria une série de fincas, utilisant des fonds publics provenant de la Banque Centraméricaine d’Intégration Economique (BCIE), et provoquant aujourd’hui incertitudes juridiques quant à l’appartenance de ces terres, revendiquées par les familles q’eqchi’es. Les autorités se font, une fois de plus, complices des intérêts privés et responsables de graves violations des droits humains, prétextant “protéger l’Etat de droit” et avoir “l’obligation morale et légale de contrecarrer ces actions illégales qui mettent en danger le pays”. Dans ce cas, la voie du dialogue a été complètement bâclée. Ainsi, cette action, à l’instar de nombreuses autres actions répressives de ce gouvernement -qui se targue d’être “solidaire” et “au visage maya”- favorise de nouveau les groupes économiques traditionnels, manquant à ses obligations de garantie du bien commun et du droit à la vie.

1 Affaires, maisonnettes et parcelles agricoles prêtes à être récoltées ont été brulées. 2 CUC (Comité d’Union Paysanne), ECAP (Equipe d’Etudes Communautaires et Action Psychosociale), Fondation Guillermo Toriello et autres personnes présentes pour accompagner ces communautés.

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d'au moins 4000 sol-dats en plus afin de combattre le crime organisé, et c'est pré-cisément cette même vision qui dominait à l'époque de la guerre civile, quand la seule présence qu'assurait l'État dans les zones oubliées était exclusi-vement une présence armée, la répression militaire. Il n'y avait pas de justice, d'édu-cation, de santé et même longtemps après la guerre, on continue à penser que la solution aux problèmes de trafic, c'est l'action armée. Cela a mené le Guatemala et le Mexique à affaiblir les structures de gouvernance de l’Etat et à commettre des erreurs stratégiques, comme la répression contre les communautés accusées de collaborer avec les trafiquants, mais qui n'ont souvent pas d'autre option pour survivre.

Comment s'explique tant de violence au Guatemala? Au Guatemala, 85% des morts le sont par arme à feu, ce qui veut dire que la pre-mière chose à faire, c'est de désarmer la population, (...) plus de 50 millions de munitions légales sont vendues par an, il y a 400.000 personnes armées légale-ment, 450.000 armes sont enregistrées légalement, et qui sait combien d'armes illégales. Un pays avec un tel niveau d'armes en circulation, un niveau de conflictualité très élevé, des institutions faibles, une présence de l’Etat réduite, une justice limitée et corrompue, peu d'investissement social, des problèmes de pauvreté et de trafic, font du Guatemala le pays le plus violent d'Amérique Centrale. Le triangle nord de l’Amérique centrale est également la zone la plus violente du monde en temps de paix, selon le rapport 2009 sur le développement humain du PNUD.

5 Solidarité Guatemala

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Actualités

Que pensez-vous qu'il puisse se produire en Amérique Centrale si le Guatemala déclare la guerre aux trafiquants comme en Alta Verapaz? C'est une petite région, avec peu de moyens pour combattre les trafiquants si on le compare avec les res-sources que les États-Unis et le Southern Command1 destinent à la Colombie et au Mexique. Le problème du crime international n'est pas local, il est général et cela se démontre dans le

triangle nord de l'Amérique centrale qui comprend le Salvador, le Guatemala et le Honduras (...). Au Guatemala, une autre manière de mesurer la pauvreté est l'accès à la sécurité. Il y a 150.000 agents privés de sécurité, les entreprises informent la police qu'il y a 25.000 agents privés et 24.000 armes enregistrées, donc, cela veut dire que la moitié des entreprises sont illégales et que 100.000 agents fonc-tionnent en-dehors de tout contrôle. Le bureau de contrôle des entreprises pri-vées de la Police Nationale Civile (PNC) comprend seulement 4 agents: c'est la proportion entre le privé et le public.

Que doit faire l'État du Guatemala pour combattre le fléau des trafi-quants de drogues? Il faut combattre le crime organisé avec intelligence, de bonnes enquêtes, l'accumu-lation de preuves, un travail professionnel de prévention et d'intervention. L'État doit établir un système national de sécurité et doit mettre de l'ordre dans les institutions chargées de la sécurité, en assurant une combinaison adéquate dans les services de renseignements pour que chacun ré-alise son travail dans un secteur spécialisé et avec des espaces de coordination.

L e président Colom a décidé d'attaquer le trafic de drogue en Alta Verapaz avec la même méthode qu'au Mexique. Que

peut-on attendre de cette mesure gou-vernementale? On peut s'attendre au même résultat qu'au Mexique (...). L’usage de la force militai-re pour résoudre les problèmes est une vieille habitude en Amérique Centrale. Cette zone est la route pour la drogue venant du sud, qui est stockée au Mexique pour être passée aux Etats-Unis, le principal consommateur. Rien de ce qui se fait au niveau régional, concernant la drogue, ne sera utile si le principal consommateur continue à aug-menter sa demande. Si les États-Unis ne réduisent pas leur demande, le marché ne diminuera pas et la guerre continuera.

Cette mesure est contraire aux Ac-cords de Paix.... Les Accords de Paix en Amérique Centrale ont proposé un modèle de société plus juste, plus égalitaire et un État plus fort. Mais à la place de cela, c'est le contraire qui s'est produit. Avec les politiques néo-libérales et capitalistes, les pouvoirs économiques se sont renforcés et la société a été oubliée. Les demandes de développement et d'attention sociale, surtout dans les communautés les plus éloignées du centre du pouvoir économique, ont été totalement abandonnées par l'État durant plus de deux décennies et ce sont les trafiquants de drogues, grâce à leur pouvoir économique, qui se sont chargés des ouvrages correspondant à l'État. Les trafiquants ont construit des écoles, des terrains de sport, des églises, des ponts, des rues. C'est-à-dire que l'investissement social que ne fait pas l'État, les cartels du Guatemala le font, et c'est comme ça depuis 15 ans.

Avez-vous peur qu'il se produise la même chose au Guatemala qu'au Mexique ou en Colombie? Bien sûr, les résultats parlent d'eux-mêmes. Hier encore, le Ministre de la Défense disait que dans le cadre des opéra-tions en Alta Verapaz, il y avait besoin

“La guerre contre les Zetas peut s'étendre à toute l'Amérique Centrale” par Cynthia Benoist

Extraits d'une entrevue avec Sandino Asturias, analyste au Centre d'Études Guatémaltèques (CEG), parue dans El Nuevo Diario (Nicaragua). Disponible en espagnol: http://www.elnuevodiario.com.ni/nacionales/90842

Sandino Asturias

1 SouthCom est un des dix “Unified Combat-tant Commands” dépendants du département de la Défense des Etats-Unis. Il est responsable de toutes les actions militaires US en Amérique Centrale, du Sud et aux Caraïbes.

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Caso Bamaca, une affaire qui dérange en période pré-électorale Le 22 février, Jennifer Harbury réagissait face à la dernière résolution de la Cour Constitutionelle (CC), qui ajournait la reprise de l’enquête dans l'affaire de la dispari-tion forcée de son mari Efraín Bámaca. Plus connu comme Comandante Everardo, Bámaca a lutté pendant 17 ans dans les rangs de l’Organisation Révolutionnaire du Peuple en Armes ORPA. Disparu au combat en 1992, il fut torturé pendant plus d'un an par la Direction d’Intelligence militaire. Depuis 2000, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH), exige à l’État qu’il mène les enquêtes pertinentes afin de trouver, juger et sanctionner les personnes responsables. La Cour Suprême, garante de l’exécution de cette sentence, a souvent vu son autorité désavouée par la CC qui acceptait les appels présentés par les accusés, suspendant les enquêtes en cours. Par ailleurs, le fait qu’un des candidats aux prochaines élections, l’ex-colonel Otto Pérez Molina, soit pointé du doigt dans cette affaire, ne facilite en rien la lutte pour que justice soit faite. C’est pourquoi, face à ce qui semble être une preuve de la main mise de certains militaires sur les tribunaux de ce pays, Harbury, entourée de représentants de la société civile, décidait de rendre accessible à tous, les documents déclassés du Guatemala, comme ceux de la CIA et les témoignages qui constituent le dossier Bámaca. Cette information est de domaine public, mais dans un pays où le taux d'im-punité atteint 98% et où l’opacité caractérise les institutions judiciaires, la divulgation de ce genre d'information est nécessaire pour que les victimes du conflit armé ne tombent pas dans l'oubli. Voir: www.casobamaca.org

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Brèves

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Tisseuses de Paix: témoignages de femmes au Guatemala L’association politique de femmes maya MOLOJ, la Coordination Nationale des Veuves du Guatemala CONAVIGUA et le mouvement Femmes Transformant le Monde, ont présenté en janvier dernier l’ouvrage Tejedoras de Paz. Il réunit les voix et les destinées d’une trentaine de femmes guatémaltèques, leurs luttes constituant un effort remarquable -souvent peu reconnu- dans la consolida-tion de la démocratie et de l’Etat de Droit au Guatemala, 15 ans après la signature des Accords de Paix. Ce fut l’occasion d’analyser la participation politique des femmes, notamment dans le milieu rural et leur rôle dans l’échiquier pré-électoral. Otilia Lux, seule députée du Mouvement Politique Maya Winaq, affirmait que “les femmes et les peuples indigènes ont un défi énorme quant à leur participation dans l’exercice politique; s’il n’existe pas d’instrument politique, il faut le créer, et s’il existe, il faut se joindre à lui”. Elle rappela par ailleurs que “les partis politi-ques au Guatemala, conservateurs et tra-ditionnels, reflètent la discrimination de genre et le racisme qui régit le système”. La richesse des témoignages recueillis contribue aussi à visualiser tous les fronts où les femmes sont présentes: contre la militarisation, contre la disparition for-cée, survivantes de tortures et violences sexuelles, résistantes internes et dans l’exil, révolutionnaires et combattantes, dans le processus de paix, pour la mé-moire et la justice, pour l’identité cultu-relle et les droits des peuples indigènes.

Tragique perte de notre ami Victor Victor Leiva, el Mono, notre compagnon, ami, jeune artiste merveilleux de 24 ans, à l’esprit volcanique, rebelle, lucide, amoureux de la vie, rêveur, tendre, danseur. Une belle personne. Les balles lâches de l’impunité ont arrêté les battements de ton cœur et nous laissent avec un cri contenu, avec un silence assourdissant, devenu ensuite pleurs, chants, poésie, danse et une acclamation pour la vie. Victor était animateur culturel communautaire, co-fondateur du collectif artistique Caja Lúdica qui célébrait ses dix ans il y a quelques mois. Il partageait son talent avec les jeunes des communautés rurales, pour leur développement culturel, ouvrant des espaces de partage, afin de leur faire retrouver confiance et joie, pour le respect et la paix. Avant de dire adieu à Victor, ses compagnons de Caja Lúdica ont levé son esprit sur le lieu de son assassinat avec du pom, des bougies et de l’encens pour le guérir, pour se guérir, se défaire de la peur, appelant les ancêtres pour le guider sur le chemin de la lumière. Puis nous l’avons emmené vers son ultime abri sur cette terre, avec un grand défilé d’artistes et des chants, au son des tambours pour que el

Mono se lance dans ce dernier voyage en dansant, pour que cesse cet absurde génocide de cette génération et tant d’autres, dans ce pays si beau mais tellement contradictoire ! Caja Lúdica a perdu par la violence quatre compagnons ces deux dernières années. Les artistes et organisations de défense des droits de la jeunesse ont clamé, lors d’une journée festival dédiée à Victor dans le Parc Central, pour l’arrêt de la violence, pour la justice et exigent la création d’une branche dédiée aux délits contre les jeunes au sein du Ministère Public.

Alertes urgentes, à vous d’agir. Dans cette édition de la Lettre à l'Adhérent, le Collectif Guatemala vous enjoint à participer à deux actions urgentes, traitant de deux cas de violations des droits humains ayant eu lieu récemment au Guatemala: dans le département d'Izabal, où trois militants ont été assassinés (voir page 4) et à San Miguel Ixtahuacán où la pré-sence de la mine Marlin continue à générer des conflits (voir édito). Les deux situations sont expliquées en détail dans chaque action urgente, ainsi que le procédé pour agir, à savoir envoyer des courriers de préoccupation à différentes ins-tances nationales et internationales. La stratégie de l'action urgente, utilisée depuis de nombreuses années par les organisations de défense des droits humains telles que Amnesty International, est basée sur l'idée de faire pression sur un gouvernement et/ou un acteur du secteur privé, pour qu'il se voit obligé à respecter les lois nationales et internationales sous peine d'être « montré du doigt » par la communauté internationale. Ainsi, plus de personnes envoient de courriers, plus la pression est forte pour le gou-vernement et/ou entreprise. C'est pourquoi nous vous invitons aujourd'hui à partici-per à ces campagnes d'action urgente sur ces deux cas emblématiques de violations des droits humains afin d'agir pour le Guatemala. Merci d'avance à vous tous-tes!

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Des nouvelles du terrain - Depuis le début de l’année, les menaces à l’encontre des membres du Comité de Victimes de la communauté El Jute, Chiquimula, se sont accrues, suite à la plainte déposée pour des faits de torture et violence sexuelles commis en 1981. Le président du Comité a reçu des menaces de mort directes et même, des coups de feu ont été portés sur son domicile, à la fin du mois de janvier. Par ailleurs, la police peine à appliquer les mesures de protection à la communauté –émises par la CIDH– et ce, notamment par le manque de volonté du Ministère Public pour lui garantir des conditions de travail optimales.

- Amandine et Vanessa ont accompagné nos amis de Nueva Linda visiter leurs nouvelles terres dans le département de Santa Rosa. Le Secrétariat des Affaires Agraires est toujours en négociation pour les huit lots de terres manquants. Par ailleurs, le Collectif Guatemala et l'organisation canadienne Breaking The Silence ont organisé une rencontre entre Nueva Linda et le Comité Paysan de l'Altiplano CCDA, pour partager leurs expériences en développement et organisation communautaires.

- Après avoir quitté la région de Huehuetenango/San Marcos, Maryline a rejoint l`équipe mobile pendant un mois. Avant de ren-trer en France, elle a fait un détour, à bicyclette, par le Petén pour découvrir les hauts lieux architecturaux de la civilisation maya.

- Amandine continue de coopérer étroitement avec l'équipe sur le terrain, et étudie la possibilité d’intégrer un master en dévelop-pement rural à l'Université San Carlos.

- Vanessa a décidé de prolonger son engagement jusqu'au mois de décembre, pour suivre, entre autres, le procès du massacre de la communauté Las Dos Erres qui aura lieu en juillet et les élections présidentielles à l’automne.

Bloc notes

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Formation à l’Intervention Civile de Paix (ICP) L’édition 2011 aura lieu du 29 août au 6 septembre à Poissy. Il s’agit d’une semaine intensive de formation destinée à présenter les concepts qui régissent l’ICP et à en expéri-

menter les différents dimensions: par des jeux de rôles, mises en situation, études de cas, partages d’expérience avec d’anciens accompagnateurs, expo-sés, conférences, et projection de films…

Coût: 500€ (pension complète 8 jours). Places limitées à 20 participants.

Journée Amérique Latine au FRAP le 4 juin Le Festival des Résistances Alternati-ves à Paris qui se déroulera du 29 mai au 5 juin, consacrera une journée à l’ Amérique Latine en lutte le samedi 4 juin à la Casa Poblano de Montreuil. Différents comités y participeront: Vira Lata (Brésil), Pico y Pala (Argentine), Alerte Honduras et le Collectif Guatemala qui présentera le film de Grégory Lassalle, « Le business de l’or au Guatemala » à 14h.

Lieu: Casa Poblano, 15 rue Lavoisier, Montreuil, (Métro Robespierre, lgn 9) Plus d’info: http://frap.samizdat.net/

Spectacle: « L’illusion du serpent à 2 têtes » en Ariège. Né de la rencontre entre la danseuse comédienne Carmen Samayoa, réfugiée guatémaltèque en France depuis 1994, et Gabriel Jordan, musicien argentin depuis 3 ans en France, ce spectacle nous plonge dans l’univers des contes et mythes précolombiens (mayas, aztèques et incas) et nous questionne sur l’i-dentité de ces peuples, leur histoire, leur présent…

Montaut (09) - le 16 avril pour le Festiv’Art Pamiers (09) - le 11 juin à la MJC Contact: [email protected] [email protected]

Convocation à l’Assemblée Générale, samedi 14 mai 2011, à partir de 10h

Lieu: Chez Isabelle Tauty (trésorière), 8 rue du haut Chapelet—78100 Saint Germain-en-Laye

Vous êtes cordialement conviés à cette assemblée ouverte. Nous y présenterons, entre autres, le rapport d’activités, le rapport mo-ral, l’approbation des comptes 2010 et procéderons à l’élection du nouveau bureau. Si vous souhaitez mettre en débat un point particulier, vous pouvez nous en faire part dès maintenant par email ou courrier.

AGENDA

Nuits Document’A.L, du 5 au 15 mai 2011 à Lille et Villneuve d’Ascq Colores Latino nous présente la 4è édition de ce festival et nous invite à découvrir la création documentaire latino-américaine.

Pour le programme complet: http://colores-latino.fr/

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Le Collectif Guatemala Qui sommes-nous ? Fondé en 1979 par des réfugiés guatémaltèques et des militants français, le Collectif Guatemala est une association 1901 de solidarité internationale. Il est composé d’associations et de particuliers, dont une bonne dizaine de membres actifs, sur lesquels repose la vie de l’association. Depuis octobre 2002, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’une permanente, passée à temps-plein en 2011. Depuis mars 2006, l’association a ouvert un bureau de coordination pour ses activités au Guatemala (accompagnement international et campagne de soutien aux militants luttant contre le pillage de leurs ressources naturelles).

Les activités du Collectif au Guatemala ● L’accompagnement international √ des populations indigènes victimes du conflit armé impliquées dans des procès contre les responsables de violations massives des droits de l'Homme, √ des personnes menacées du fait de leurs activités militantes.

Comment ?

√ à la demande des groupes ou personnes menacées, √ en recherchant et en préparant des volontaires qui resteront au minimum 6 mois sur le terrain.

Pourquoi ?

√ pour établir une présence dissuasive, √ pour avoir un rôle d'observateur, √ pour relayer l'information. Les accompagnateurs/trices sont des volontaires majeurs, de tous hori-zons, désirant s’engager pour une durée minimum de 6 mois. Des ses-sions d’information et de préparation ont lieu en France avant le départ. Au Guatemala, les accompagnateurs sont intégré au projet international d’accompagnement ACOGUATE.

● L’outil vidéo √ organisation d’ateliers vidéo destinés aux membres d’organisa-tions communautaires pour la réalisation documentaire

√ soutien à la diffusion de ces films à la capitale et dans les com-munautés

√ réalisation de film-documentaires comme outil de campagne et de sensibilisation en France

Les activités du Collectif en France

● L'appui aux organisations de la société civile guatémaltè-que qui luttent pour plus de justice et de démocratie √ en relayant des dénonciations de violations des droits de l'Homme, √ en organisant des campagnes pour soutenir leurs revendica-tions, √ en recherchant des financements pour soutenir leurs projets, √ en recevant en France et en Europe des représentants de dif-férentes organisations pour leur permettre de rencontrer des décideurs politiques et financiers.

● L’information et la sensibilisation du public français

Sur quoi ?

√ la situation politique et sociale au Guatemala, √ la situation des droits de l'Homme, √ l'action des organisations populaires, indiennes et paysannes.

Comment ?

√ par la diffusion d’une lettre à l’adhérent bimensuelle, √ par l'organisation ou la participation à des conférences, dé-bats, réunions, projections documentaires √ par des réunions mensuelles ouvertes à toute personne inté-ressée.

● Le travail en réseau avec différents types de partenaires présents au Guatemala √ associatifs, √ institutionnels. Contact: [email protected]

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ADHÉSION / ABONNEMENT Le Collectif Guatemala vous propose plusieurs formules de soutien :

� Adhésion au Collectif , permettant de recevoir la Lettre à l’Adhérent 23 €

� Adhésion à tarif réduit (étudiants, chômeurs etc. joindre justificatif) 15 €

� Don , un soutien supplémentaire pour nos activités ………

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Les dons et cotisations peuvent être déductibles pour moitié des impôts. Un reçu fiscal vous sera adressé sur demande.