Solidarité 3/12

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Numéro 3, août 2012 CHINE Vers un commerce décent? AFRIQUE Un micro pour les sans voix Le magazine de

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Magazine Solidar Suisse

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Numéro 3, août 2012

CHINEVers uncommercedécent?

AFRIQUEUn micro pourles sans voix

Le magazine de

01.06.2012Solidar veut bloquerl’accord avec la ChineLa conclusion d’un accord bilatéral de libre-échange entre la Confédération et la Chine pourrait être perturbée par Soli-dar, dont l’Assemblée générale du 24 mai a posé sept exigences à la poursuite des négociations. L’ONG exige notam-ment que le gouvernement chinois s’engage à appliquer les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT), à interdire le travail des enfants ou encore à fermer les camps de travail.Si les autorités helvétiques devaient passer outre, l’ONG annonce qu’elle saisira le Parti socialiste suisse (PSS) et l’Union syndicale suisse (USS) de la nécessité de lancer un référendum.

01.06.2012Un partenariat pour favoriser l’accès à l’eau potableContributeur à hauteur de 1,3 million par an, le canton de Vaud a décidé de ren-forcer son soutien à la Fédération vau-doise de coopération (FEDEVACO). Hier, lors de la conférence annuelle de l’or-ganisation, une convention a été signée. L’accord, qui porte sur une durée de trois ans pour un montant annuel de 50 000 francs, permettra de cofinancer des pro-jets liés à l’accès à l’eau. Parmi eux, le projet salvadorien de Solidar «Agua para todos» (eau pour tous). Ce programme a déjà donné accès à l’eau potable à 4200 personnes, réparties sur cinq communes, alors que d’autres collectivités bénéfi-cient indirectement de cette expérience.

Chère lectrice, cher lecteur,Ce numéro de Solidarité est consacré à la Chine. Un pays aux facettes multiples et d’une grande richesse culturelle, qui se développe à un rythme effréné. Un pays dont la structure éta-tique résulte d’une combinaison étrange de parti unique et de capitalisme. Un pays où sont fabriqués à bas prix – et souvent dans des conditions indicibles – de nombreux produits que nous utilisons au quotidien.

Solidar s’engage, depuis deux ans, aux côtés des personnes qui luttent sur place pour faire respecter les normes du tra-vail. C’est l’occasion de constater, une fois de plus, que le désir de travailler dans des conditions décentes est une revendication universelle: poussés aux limites du supportable, les travailleurs et les travailleuses se rebiffent. Lorsque les employeurs et les autorités ne les prennent pas au sérieux, ils s’organisent pour se faire respecter. Loin de poursuivre de grands objectifs politiques, ils veulent travailler dans la dignité. Notre partenaire en Chine, Labour Action China, les aide à faire valoir leurs droits.

Mais nous contribuons par un autre biais à la lutte contre l’exploitation en Chine. Il y a quatre ans, Solidar a invité les com-munes suisses à n’acheter désormais que des biens équitables, pour changer le pavage d’une rue ou d’une place par exemple.

Souvent importés de Chine, les pavés provenaient rarement d’une production équitable. Une interview de Karoline Herrmann, de WiN=WiN, l’organisme qui gère le label Fair Stone, illustre les effets obtenus grâce à la hausse de la deman-de de pierre naturelle produite dans des conditions décentes.

Un commerce respectueux du droit per-met de promouvoir des conditions de travail décentes. Voilà pourquoi Solidar appelle le Conseil fédéral à inscrire les droits humains et du travail dans l’accord de libre-échange qu’il négocie actuelle-

ment avec la Chine. Solidar s’oppose à un libre-échange débridé. Nous voulons, au contraire, un commerce décent qui profite à tout le monde.

Zoltan Dòka

Zoltan Dòka Département International de Solidar

2 éDITORIAL

12.04.2012Quand Blatter se lâche...Une franche réussite. Depuis lundi, la toile se régale de la chorégraphie de Sepp Blatter sur le tube planétaire du Brésilien Michel Telo. On y voit même le patron du football mondial faire le grand écart... Une parodie servie par le talent d’un danseur professionnel de 23 ans, étonnant sosie (après maquillage!) de son illustre modèle. Le clip «Blatter se lâche» crée déjà le buzz.C’était bien le but de Solidar, ONG suisse basée à Zurich, à quelques rues du bureau du Valaisan. Dans une pétition associée au clip, elle interpelle la FIFA et son président sur les conséquences so-ciales du Mondial 2014 sur la population brésilienne.

RevUe De pReSSe

Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Rosanna Clarelli, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction:Irene Bisang, Milena Hrdina, Walter Rosselli, Daniel Süri, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Carol Le CourtoisImpression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhausenParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé.

Page de titre: Un tailleur de pierres chinois atteint de la silicose montre une radiographie de ses poumons. Photo: Ming Pao. Dernière page: Le nouveau clip Post-it de Solidar est maintenant en ligne: www.solidar.ch

ACTUALITé Africa Labour Radio Project: ce projet utilise la radio pour informer les travailleuses et les travailleurs de leurs droits et leur fournir une plateforme d’échange. 14

CULTURe Made in Yugoslavia: le pays na-tal de Melina Kamericćn’existe plus qu’au fond des casseroles où elle apprête l’ajvar. 13

pORTRAITLes femmes n’ont plus peur des dénonciations et les jeunes s’impliquent: au Salvador, l’engagement de Maribel Abrego contribue à faire évoluer les mentalités.

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pOINT FORTDroits du travail, commerce respectueux des droits humains, lobbying. Solidar s’engage activement pour des conditions de travail décentes en Chine. 4

IMpReSSUM

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pOINT FORT Engagement pour les droits du travail en Chine 4 LAC, partenaire de Solidar, aide les ouvriers et ouvrières à défendre leurs droits 6 La Suisse doit faire du respect des droits humains une condition de l’accord de libre-échange avec la Chine 8 La demande de produits équitables façonne l’offre: on peut aujourd’hui acheter des pierres chinoises produites dans la dignité 10 CULTURe Melina Kameric: «Made in Yugoslavia» 13 ACTUALITé Africa Labour Radio Project: une voix pour défendre les droits du travail 14 CHRONIQUe 15 CONCOURS 16 RéSeAU Nouvelles des OSEO régionales 17 pORTRAIT Dans le Cabañas salvadorien, Maribel Abrego s’engage pour la participation des femmes et des jeunes 18

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5En raison d’une protection insuffi­sante contre la poussière, beaucoup de tailleurs de pierres contractent la silicose.

pOINT FORT

CHINE La Chine est le troisième partenaire commercial de la Suisse. Mais, malgré quelques progrès ces dernières années, la Chine conserve une mauvaise réputation en matière de droits humains et du travail. Beaucoup de produits chinois achetés chez nous sont fabriqués dans des conditions douteuses, voire inhumaines.La Suisse a récemment ouvert des négociations sur un accord de libre-échange avec la Chine. Quelle place pour les droits hu-mains dans cet accord? Un commerce décent est-il possible avec la Chine? Comment Solidar s’engage-t-elle, en Suisse et dans l’Empire du Milieu, pour des conditions de travail dignes? Réponses dans notre dossier spécial.Photo: Ming Pao

de la province de Guangzhou dans le sud-est de la Chine, fournit l’exemple d’une initiative de la base couronnée de succès. A Panyu, le salaire minimal n’était que de 1100 yuans – contre 1300 yuans dans d’autres régions de la province. De-puis mi-2011, l’organisation partenaire de Solidar, Labour Action China (LAC), lutte avec les ouvriers et ouvrières pour la transparence du calcul du salaire mini-mum et son uniformisation. En février 2012, le gouvernement a annoncé, dans une déclaration officielle, le relèvement du salaire minimum à Panyu au niveau de celui de la ville de Guangzhou. Une vic-toire rare, d’autant plus importante qu’il y va également de la question fondamen-tale de la participation des travailleurs et travailleuses aux questions les con-cernant. Ce succès a eu un écho dans toute la Chine.

La rapide croissance économique de la Chine renforce également les tensions sociales et l’insatisfaction des travail-leuses et des travailleurs. Les grèves et les manifestations sauvages, toujours plus nombreuses, en témoignent. Elles ont poussé l’Etat chinois à créer des lois pour protéger les droits du travail et à instituer des systèmes de sécurité socia-le. Mais, malgré quelques concessions aux exigences des employé-e-s, la poli-tique et la législation, qui n’ont rien de démocratique, sont toujours au service du capital. La main-d’œuvre n’a pas le droit de s’organiser librement, car seul le syndicat public ACFTU est officiellement autorisé.

Combat fructueuxLa lutte contre une norme salariale mini-male à deux vitesses à Panyu, une région

victoire pour des victimes de la silicoseDepuis 2004, LAC s’engage en faveur des droits des travailleurs et travailleuses migrants, aujourd’hui quasiment privés de tout droit. En 2010 et 2011, elle est par-venue à faire exclure la société Lucky Gems du Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie Basel World (cf. Solidarité 2/2011: www.solidar.ch/magazine-soli-darite). Depuis lors, elle a aidé d’autres ouvriers et ouvrières refusant les condi-tions de travail dangereuses pour la santé dans l’industrie des pierres précieuses.En février de cette année, au Salon inter-national de la bijouterie de Hongkong, le deuxième plus grand salon de la bijoute-rie au monde, LAC a fait pression sur deux autres entreprises: Good Luck Je-welry et Worldwide Gems and Jewelry. D’anciens employé-e-s atteints de silico-

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LUttE poUR LEs dRoIts dU tRAvAIL Les syndicats indépendants sont interdits en Chine. Résultat: toujours davantage de travailleurs et travailleuses mènent des grèves sauvages, afin d’obtenir des conditions de travail décentes.Texte: Suki Chung, LAC. Photos: Ming Pao et LAC

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se les avaient attaquées en justice et ont obtenu gain de cause voilà plus d’un an. Mais Worldwide Gems n’a versé que quelques indemnités aux plaignant-e-s, alors que Good Luck a refusé tout verse-

ment et fait appel contre le jugement. Suite aux plaintes de LAC, le Salon de la bijouterie de Hongkong a exclu ces deux sociétés de son édition 2012.

Une première reconnaissanceSoutenus par 300 protestataires réunis devant le siège de Worldwide Gems, une travailleuse et un travailleur malades ont réclamé leurs indemnités en souffrance.

Le directeur a refusé de parler avec eux, «par peur des protestataires». Mais Worldwide a, dans la foulée de cette ac-tion, formulé une offre: une indemnité de 3000 yuans (450 francs) par mois pour

les personnes concernées. Comme le jugement du tribu-nal allouait plus de 300 000 yuans à chaque plaignant, la somme proposée était très nettement insuffisante. Ce

d’autant plus qu’un des plai gnants, Luo Youzhong, au dernier stade de la silicose, dépendait d’un apport d’oxygène pour sa survie – les 3000 yuans lui auraient à peine permis de vivre, sans même couvrir les frais de ses soins médicaux.La télévision par satellite de Guangdong s’est intéressée à cette action. Elle y a consacré un reportage, qui a suscité un vif émoi. Peu après, le gouvernement a

créé un prix pour les travailleurs et tra-vailleuses migrants. Il a donc, pour la pre-mière fois, reconnu officiellement leur apport économique. Luo Youzhong figu-rait parmi les 13 personnes distinguées. Sa maladie l’a toutefois emporté le 2 juin.www.solidar.ch/chine

Votre don de 100 francs permet à LAC d’aider des travailleurs et travailleuses atteints dans leur santé. Victimes de conditions de travail dangereuses, ils pourront ainsi obtenir des indemnités. Plus le nombre de plaintes est impor-tant, plus les entreprises sont pous-sées à améliorer la sécurité au travail.

votre don est

une aide réelle

«LAC a fait exclure la société Lucky Gems du Salon mondial Basel World.»

Lors du Salon de la bijouterie de Hongkong, des manifestant­e­s exigent une indemnité pour des victimes de la silicose.

l’accord contienne uniquement des dé-clarations d’intention non contraignantes et contribue ainsi à miner les standards minimaux des droits humains et du travail en Chine.

Troubles sociaux et grèvesPour empêcher cela, Solidar Suisse s’engage dans la «Plateforme Chine». Main dans la main avec Alliance Sud, la Déclaration de Berne, la Société pour les peuples menacés et la Société pour l’amitié helvético-tibétaine, Solidar exige davantage de transparence dans les négociations et la formulation de stan-dards minimaux relatifs au droit du travail et aux droits humains. Une étude du Centre suisse de compétence pour les droits humains, publiée en 2011, sou-tient une telle revendication.Dans son papier de position «Accord commercial bilatéral entre la Suisse et la Chine: dans le respect des standards mi-nimaux en matière de droit du travail», Solidar dit sa pré-occupation face au manque d’autonomie syndicale en Chine. Cette situation aboutit à toujours davantage de troubles sociaux et de grèves spontanées des travailleurs et travailleuses. Des progrès ont beau avoir été réalisés durant cette dernière décennie, l’arbitraire des autorités lors des inspections du travail et l’emprise

exercée sur les tribunaux spécialisés compliquent la mise en application du droit du travail.

L’enfer des campsLes camps de travail forcé constituent l’atteinte la plus grave aux droits humains et du travail. Le gouvernement chinois gère, aujourd’hui encore, des camps de travail forcé, où trois à cinq millions de personnes sont exploitées comme main-d’œuvre bon marché. Les détenu-e-s peuvent être enfermés jusqu’à trois ans, sans con da mnation formelle. Ils travail-lent le plus souvent du petit matin jusque tard le soir, sans salaire et dans des con-ditions inhumaines. On prélève parfois les organes des prisonniers condamnés à mort et exécutés, afin de les ven dre dans le pays ou à l’étranger.La multinationale suisse Roche teste, par exemple, un médicament antirejet en Chine. La plupart des organes utilisés à

des fins d’ex pé rimen tation proviennent de détenu-e-s exécutés.

CommERCEdéCENt pLUtôt QUE LIbRE-éCHANgEL’accord de libre-échange avec la Chine pourrait encourager l’importation de produits issus de camps de travail forcé.Texte: Christoph Baumann, Solidar Suisse

8 pOINT FORT

Les négociations sur un accord commer-cial bilatéral entre la Suisse et la Chine prendront bientôt fin: le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann aimerait les boucler pour la fin 2012. L’exercice n’est pas facile car, à ce jour, aucun accord de libre-échange n’a été conclu entre la Chine et un pays européen. De plus, la Commission de politique extérieure du Conseil national a obligé la délégation suisse aux négociations à intégrer, dans l’accord, un chapitre sur la durabilité garantissant le respect des normes fon-damentales de l’Organisation internatio-nale du travail (OIT). En clair: la Chine doit abolir les pires formes de travail des enfants, toutes les formes de travail for-cé, et garantir la liberté syndicale.

Absence d’informationL’administration fédérale garde le plus grand silence sur l’avancement des négociations. Après chaque cycle, on a appris qu’on avait parlé «développement durable» – ce fut à nouveau le cas en mai dernier, après le cinquième round de négociations. Des expert-e-s doivent désormais poursuivre les discussions jusqu’au prochain cycle de négociations, prévu début septembre. On sait, dans l’intervalle, que les droits humains et du travail, ainsi que les standards environne-mentaux, ne sont mentionnés qu’en préambule, si tant est qu’ils le sont. On peut donc, à juste titre, craindre que

«Il n’existe aucune loi interdisant l’importation de produits issus de camps de travail forcé.»

Des effets pervers en SuisseLa Suisse et l’Europe ne disposent d’aucune loi interdisant l’importation de produits issus de camps de travail forcé. Le nombre de ces produits augmente donc en Occident, ce qui accroît la dé-tresse en Chine. Le fait que la réglemen-tation commerciale soit profondément lacunaire comporte des effets potentiels pour notre marché du travail. Le volume de travail fourni par trois à cinq millions de détenu-e-s sans salaire en Chine équivaut à celui de la Suisse (4,4 millions de personnes actives). Théoriquement – et peut-être dans les faits aussi, le sys-tème de travail forcé de la Chine pourrait détruire tous les emplois «délocalisables» de Suisse. Le démantèlement de barriè-res commerciales par un accord com-mercial pourrait ainsi amener l’Etat chi-nois à étendre les camps de travail forcé pour abaisser encore le coût du travail. Au détriment des droits humains en Chine et des personnes actives en Suisse.

pas d’accord sans respect des droits humainsUn accord commercial avec la Chine doit aussi être au service du développement et du respect des droits humains. Pour cette raison, Solidar a formulé sept exi-gences liées à un accord commercial (voir encadré). L’Assemblée générale de Solidar Suisse a adopté cette résolution le 24 mai dernier. Si le Conseil fédéral ne veille pas à ancrer les droits humains et du travail dans l’accord commercial, Solidar Suisse demandera aux Cham-bres de le refuser.Le Parti socialiste suisse a voté une ré-solution énonçant des exigences simi-laires, lors de son Assemblée des délé-gué-e-s du 23 juin. Si l’accord n’inclut pas de dispositions suffisantes sur la durabilité, il envisage de lancer le réfé-rendum contre l’accord en question.www.sp-ps.ch/fre/Positions/Resolutions/2012

Le dessin de Corinne Bromundt

1. L’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine comporte un cha-pitre sur la durabilité avec des exigen-ces sociales et écologiques.2. Le chapitre sur la durabilité spécifie clairement que les normes fondamen-tales de l’Organisation internationale du travail (liberté syndicale; interdic-tion du travail forcé, du travail des en-fants et de la discrimination) sont des normes minimales. Il définit d’autres normes contraignantes sur la base du pacte 1 de l’ONU (droits sociaux).3. L’accord de libre-échange garantit la liberté et l’autonomie des organisa-tions syndicales; il leur assure égale-ment le droit de s’affilier à des syndi-caux internationaux.4. L’accord stipule clairement que l’entrée en vigueur du libre-échange dépend de la fermeture de tous les camps de travail forcé.5. Une commission tripartite veille à l’intégration suffisante des exigences relevant du droit du travail dans l’accord de libre-échange, ainsi qu’à l’application effective de ce dernier. En tant qu’organisme suisse de con-tact pour les plaintes, elle prend des mesures, notamment des sanctions, en cas de violation de ces règles.6. Une procédure d’arbitrage bilatérale est prévue en cas de violation des nor-mes du travail et des droits humains in-scrites dans le chapitre sur la durabilité.7. L’accord commercial régit de ma-nière contraignante la collaboration dans le domaine du travail, en particu-lier les questions relevant du droit du travail et de son application pratique. www.solidar.ch/accord-commercial.html

Accord commercial avec

la Chine: nos exigences

minimales

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dans le respect des normes sociales et environnementales. En Suisse, les villes de Zurich et de Berne donnent l’exemple. Bien qu’une offre existe, il est toutefois rare que la demande émane de clients privés.

Les pierres naturelles utilisées ici proviennent souvent de Chine. Quels sont les principaux problèmes sur place?Les ouvrières et les ouvriers sont rarement conscients des risques, et beaucoup travail-lent sans protection. Des mesures simples mais effi-caces (tampons auriculaires, mas que, lunettes de sécurité) permet-traient pourtant de prévenir des maladies professionnelles telles que la silicose ou la surdité, ainsi que les accidents. De plus, les contrats de travail et une cou-

verture sociale sont rares. Nous ne pou-vons toutefois rien affirmer quant au tra-vail des enfants. Ce sont surtout les mauvaises conditions de travail qui po-sent problème.

Les pierres naturelles certifiées Fair Stone sont­elles vraiment produites dans des conditions équitables? Pouvez­vous le vérifier sur place?

Les importateurs européens nous an-noncent les noms de leurs fournisseurs. Nous visitons les sites de production et évaluons les conditions de travail. Nos partenaires, les importateurs, s’engagent

Il y a quatre ans, Solidar Suisse a invité les communes suisses à n’utiliser que des pierres naturelles produites de manière équitable. A l’époque, ce n’était pas facile, car les pierres certifiées équitables étaient rares. Qu’en est­il à l’heure actuelle?En Suisse, nous comptons aujourd’hui neuf partenaires qui commercialisent des pierres portant le label Fair Stone. On trouve donc des pierres équitables sur le marché. Mais cela ne suffit pas. Plus la demande de pierres produites dans le respect des normes sociales sera grande, plus les importateurs seront nombreux à inclure cette exigence dans leur chaîne d’approvisionnement.

Les clients recherchent­ils aujourd’hui des pierres équitables?Les communes exigent, de plus en plus souvent, des pierres naturelles produites

«Il est possible de savoir en tout temps d’où provient la marchandise.»

«NoUs NE sommEs pAs toUjoURs LEs bIENvENUs»

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De la pierre naturelle équitable en Chine? Cela existe. Entretien avec Karoline Herrmann, qui gère le label Fair Stone.Interview: Christian Engeli. Photo: WiN=WiN GmbH

ensuite avec la direction de l’entreprise à améliorer la situation et à nous rendre compte régulièrement des progrès ac-complis. Nos représentant-e-s sur place vérifient leurs affirmations.De plus, chaque lot expédié porte une marque spécifique et est enregistré dans notre logiciel de suivi (www.tracingfairs-tone.com). Il est, par conséquent, pos-sible de savoir en tout temps d’où pro-vient la marchandise.

Existe­t­il des contrôles indépendants?Après trois ans au maximum, chaque partenaire de Fair Stone reçoit la visite d’un inspecteur. En Chine, les contrôles sont effectués par un spécialiste du droit du travail et par le TÜV Rheinland, qui a un bureau sur place. Nous n’avons aucu-ne influence sur ces contrôles. Les pre-mières entreprises seront inspectées cette année.

Les propriétaires d’usines s’opposent­ils à ces contrôles? Leurs réactions varient. Bien entendu, la plupart souhaitent avant tout vendre leurs pierres à une société européenne. Si celle-ci exige que la production res-pecte les conditions de Fair Stone, les responsables chinois ne peuvent faire autrement. Voilà pourquoi les comman-des à long terme jouent un rôle absolu-ment crucial dans ce système. Les com-mandes ponctuelles ne peuvent pas motiver un engagement social. Une gran-de partie de notre travail consiste, dès lors, à convaincre les gens.

Et vous pouvez aussi opérer des contrôles inopinés dans un pays comme la Chine?Oui. Certes, nos représentant-e-s ne sont pas forcément bien accueillis, mais les contrôles sont obligatoires. Une en-treprise qui les refuse ne peut plus parti-ciper à notre système.

Que se passe­t­il si vous constatez un non­respect de vos critères?Nous accordons au maximum trois ans à l’entreprise pour se mettre en règle. Au terme de ce délai, elle doit avoir fait des progrès réels. Si elle ne respecte pas le délai, elle reçoit une sommation. En colla-boration avec le partenaire, nous tentons de cerner le problème. En principe, nous essayons toujours de fournir un soutien à l’entreprise.Nous sommes actuellement confrontés à une entreprise qui a embelli ses rapports. Nous venons de lui accorder un dernier délai. Si nos conditions ne sont pas res-pectées jusque-là, elle sera exclue. C’est extrêmement dommage, car nous de-vrons alors admettre que la situation de la main-d’œuvre s’est détériorée dans cette usine. Mais Fair Stone ne peut

fonctionner que si tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement tirent à la même corde.

Qu’en est­il en Europe? L’achat de pierres équitables fait­il son chemin?Si l’on considère le nombre d’importateurs de pierres naturelles, les partenaires de Fair Stone sont encore rares. Mais leur nombre augmente sans cesse.Il arrive que des importateurs créent leur propre label. Les clients, qu’ils soient pu-blics ou privés, doivent alors se montrer très prudents. Bien qu’ils fassent bonne impression, ces labels ne sont souvent que du vent. Leurs critères ne sont par-fois même pas définis, et personne ne vérifie leur respect sur place.Plus il est transparent, plus un certificat est crédible. Nous misons donc beau-coup sur la transparence. Le suivi des commandes n’en est qu’un aspect. Les rapports des entreprises, les normes, le manuel de contrôle, ainsi que nombre d’autres documents, figurent en libre accès sur notre site internet.

WiN=WiN GmbH, agence spécialiste des projets de responsabilité sociale des entreprises dans les pays émer-gents et en développement, a créé le label Fair Stone en 2008.Karoline Herrmann, coordinatrice du label, est responsable de la communi-cation avec les partenaires, du soutien à l’appli ca tion des normes dans les entreprises productrices, des relations publiques et de la communication avec les communes.www.win--win.de

WiN=WiN

A Xiamen, dans une fabrique de pierres labellisées, des ouvriers portent un équipement de protection.

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135 285 personnes exigent des règlesLe 13 juin dernier, les 135 285 signatu-res de la pétition «Droit sans frontières» ont été remises à la Chancellerie fédé-rale. La pétition demande au Conseil fédéral et aux Chambres de veiller à ce que les entreprises basées en Suisse soient tenues de respecter, partout dans le monde, les droits humains et l’environnement. Parallèlement, des élu-e-s de plusieurs partis ont déposé des interventions parlementaires.

La coalition «Droit sans frontières» englobe plus de 50 organisations, dont Solidar. Elle continuera à œuvrer, no-tamment sur le plan politique, pour que ses revendications soient appliquées.www.solidar.ch/dsf

empêcherune terrible famineAu Burkina Faso, la diminution des récoltes due à la sécheresse de l’an dernier – qui s’est produite aussi dans d’autres pays du Sahel – a causé une crise des denrées alimentaires. Les

gouvernements des pays concernés et la communauté internationale ont adop-té des mesures, afin d’éviter une famine semblable à celle qui avait frappé l’Afrique orientale en 2011.Grâce au soutien de la Chaîne du Bon-heur, Solidar Suisse intervient, au Burki-na Faso, pour distribuer de la nourriture aux élèves des écoles bilingues enfanti-nes et primaires. Nous encourageons ainsi les enfants à fréquenter les écoles. Quant à leurs familles, elles reçoivent un précieux soutien jusqu’à la prochaine récolte.www.solidar.ch/news

BRÈveS

101e conférence de l’OITLors de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Rider a été élu directeur. Il s’agit du premier directeur en provenance du milieu syndical.L’approbation des recommandations de l’OIT «Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable» cons-titue une avancée essentielle, qui souli-gne l’importance d’un système minimal d’assurances sociales (maladie, perte de gain, rente) pour réduire la pauvreté dans les pays en développement. Plus de 70% de la population mondiale vit sans assu-rances sociales.Le chômage des jeunes a constitué un important sujet de discussion. Considéré jusqu’ici comme un phénomène propre

au Sud, il atteint désormais une ampleur considérable dans les pays industrialisés. En Espagne, 50% des jeunes en âge de travailler sont au chômage. Au niveau mondial, le chômage des jeunes a été multiplié par quatre depuis la crise de 2008, pour atteindre 75 millions.La Commission des normes, qui sanc-tionne les plaintes contre les violations des conventions de l’OIT, a suscité un éclat. La délégation des employeurs a refusé à la Commission d’établir une liste des plaintes, en arguant du fait que les spécialistes de l’OIT n’agiraient pas de manière impartiale. Pour la première fois, aucune plainte n’a donc été examinée. Reste à espérer que, l’année prochaine, les employeurs reconnaissent la compé-tence de la Commission des normes.

pour un Mondial équitableLa campagne de Solidar Suisse contre l’exploitation lors du Mondial 2014 au Brésil a démarré fort. Plus de 25 000 personnes ont exigé du président de la FIFA, Sepp Blatter, un engagement clair contre l’expulsion forcée de 150 000 personnes, les mauvaises conditions de travail sur les chantiers des stades et la mise à l’écart, parfois violente, des marchand-e-s ambulants. www.solidar.ch/brazil-fr

Concert de siffletscontre la FIFALe 21 mai, lors d’une rencontre interna-tionale à Bogota, StreetNet Internatio-nal, l’alliance des marchand-e-s ambu-lants, a adressé une lettre à la FIFA, exigeant que le Mondial brésilien res-pecte leurs droits:• La FIFA doit inciter les autorités loca-

les à dialoguer avec les organisations de personnes travaillant de manière informelle.

• Aux abords des stades, 50% des espaces de vente doivent être réser-vés aux personnes du lieu, exerçant le commerce informel et proposant de l’artisanat traditionnel, de la nourriture et des boissons de la région.

• Des forums pour le commerce infor-mel doivent être établis dans toutes les villes accueillant des matches.

Les 17 organisations, provenant de 13 pays d’Amérique latine, d’Europe, d’Afrique et d’Asie, ont envoyé cette lettre à la FIFA, afin de l’inviter à une rencontre pour discuter de leurs reven-dications. En signe de soutien à la péti-tion de Solidar, les manifestant-e-s ont organisé un concert de sifflets.www.solidar.ch/news

mELINA KAmERIC«mAdE IN YUgosLAvIA»

Le pays qui m’a vu naître n’existe plus que dans les casseroles où cuit l’ajvar. Une fois l’ajvar cuit, je nettoie les casse-roles. Lorsque je les retourne sur l’égouttoir, la mention «made in Yugosla-via» miroite sur le fond.

J’ai grandi avec Cockta et Jupi1, la glace Stella et Rum ploice2. Dans un pays où tout, absolument tout, portait la mention «made in Yugoslavia».

J’ai un vrai problème. Sur ma demande de visa pour les Etats-Unis figure la question: nationalité à la naissance?Je n’ose pas demander ce que doivent écrire celles qui sont nées dans un pays qui n’existe plus. Je laisse la ligne vide. Et je saute aussi la question: avez-vous déjà été membre du parti communiste? Je suis absolument honteuse, car d’une cer-taine manière, j’ai le sentiment que je trahirais mon honneur de pionnière, Tito et tous les partisans. Mais j’ai peur que les Nord-américains ne me donnent pas de visa si j’avoue que je suis née dans la République fédérative socialiste de Yougoslavie; et que, théoriquement, les pionniers aussi sont des communistes.

Comme toujours, quand je suis nerveuse, ma cicatrice au genou me démange. Pendant que je me gratte hystérique-ment, je me souviens de mon vélo. Un Pony, avec lequel je suis tombée, m’écorchant le genou jusqu’à l’os.

Ce vélo, c’est le témoin de mariage de papa qui me l’avait offert. J’avais dix ans et oncle Pero me donna une bicyclette Pony. A mes yeux, c’était quelqu’un de terriblement important, puisque tout le monde disait qu’il était un orphelin des monts Kozara3. Mira, sa femme, me don-nait des leçons d’anglais au centre des pionniers «Boško Buha». Elle venait de l’île de Lošinj et, en été, nous rendions visite à sa grand-mère et observions les dauphins.

Les témoins du mariage sont maintenant aux Etats-Unis. Et je vais y aller, en sa-chant que je ne les verrai pas. Nos té-moins de mariage ne le sont plus et les Etats-Unis sont grands.

Ils sont partis juste après la fin de la guerre. J’ai toujours voulu comprendre quelle autre contrainte les avait poussés, à part celles de la faim et des grenades. Ils sont partis sans vraiment prendre con-gé. Ils ont marmonné quelque chose comme «quitter cette merde et commen-cer une nouvelle vie».

Ensuite, aucune nouvelle. Sauf une fois: «Nous avons emménagé. Pero travaille. Je reste à la maison. C’est difficile. Nous n’avons pas d’amis. Les Serbes nous évi-tent parce que je suis Croate. Pour les Croates, c’est pareil, puisque Pero est Serbe. Et vos Bosniaques veulent encore moins de nous. Nous essayons de nous

en sortir, d’une manière ou d’une autre. Salutations.»

Maman a simplement dit: allez au diable, avec vos Serbes, vos Croates et vos Bos-niaques! Puis elle s’est tournée vers moi et a ajouté: «Rappelle-toi bien d’une cho-se: chacun trimballe sa merde dans sa tête!»

Depuis ce jour-là, ils ne sont plus nos té-moins de mariage.

Je vais aux Etats-Unis. Pour rendre visite à des amis. Dave est diplomate. Démo-crate, aussi. Avec son partenaire, Steve, un farouche républicain, ils ont adopté deux enfants: Moni, de Russie, et Naser, de Malaisie. Une grosse nurse guatémal-tèque et analphabète s’en occupe. Elle se nomme Maria et cuisine le meilleur curry du monde. Le chat vient de moi. Il s’appelle Mrkva.

Je me réjouis de les voir bientôt. Enfin, si je reçois le visa. Je ne sais toujours pas ce que je dois répondre à la question: nationalité à la naissance?

J’ai peur que ma réponse soit: ajvar.

1 Des limonades produites par Droga Kolinska.2 Une barre de chocolat, produite par Kandit.3 Dans les monts Kozara, près de 4000 partisans, hommes et femmes, furent tués en 1942.

Traduit du bosniaque par Margit Jugo. Publié dans: Wespennest No 159 (novembre 2010),www.wespennest.at

CULTURe 13

En Afrique, la radio est le média idéal pour atteindre les gens. Elle est populaire et tout le monde possède un poste. Voilà pourquoi Solidar Suisse soutient le projet d’une radio syndicale (Africa Labour Ra-dio Project), qui informe la population pauvre sur ses droits. L’animatrice gha-néenne Susan Sekyere est fière des ré-sultats obtenus dans son pays: «Tous les lundis, notre émission aborde des sujets qui préoccupent la main-d’œuvre du Ghana, comme le chômage, la pauvreté ou la sécurité au travail. Beaucoup de gens nous appellent en direct pour nous poser des questions ou donner leur avis,

raconte-t-elle enthousiaste. Récemment, une station d’Accra nous a même de-mandé l’autorisation de reprendre nos programmes.» En Ouganda aussi, les émissions remportent un vif succès. Preuve en sont les nombreux appels d’auditeurs et d’auditrices, mais aussi le fait que de plus en plus de salarié-e-s dénoncent les violations des normes du travail aux autorités. Ils savent à l’évidence à qui s’adresser pour se défendre.

Un vaste éventail de sujetsLancé en 2008, le projet informe les ouvriers et les ouvrières sur leurs droits

et essaie de les rassembler. Il propose aussi une formation sur les médias aux représentant-e-s des syndicats – pour moitié des femmes. Enfin, il produit et dif-fuse des émissions en anglais et en langues locales pour les stations de dif-férents pays: Ghana, Lesotho, Malawi, Ouganda, Zambie, etc. Le partenaire de Solidar, Workers World Media Produc-tions, produit en outre des émissions hebdomadaires, qui sont relayées dans plusieurs pays.Les émissions abordent un vaste éventail de sujets sociaux et sociétaux: précarité de l’emploi, inégalités sociales, VIH/sida

FAIRE ENtENdRE LEs sANs voIx

Dans plusieurs pays anglophones d’Afrique, une radio informe les travailleurs et les travailleuses de leurs droits.Texte et photo: Martin Jansen, Workers’ World Media Productions

14 ACTUALITé

ou toutes les formes de discrimination –qu’elle soit basée sur le sexe, l’origine ou l’orientation sexuelle.Il reste pourtant bien des écueils à sur-monter afin d’atteindre la classe ouvrière, surtout active dans le secteur informel. Il faut même, parfois, convaincre les dirigeant-e-s syndicaux du rôle que la présence dans les médias peut jouer pour améliorer la situation des travail-leurs et des travailleuses.

Droit à la liberté de paroleLe manque d’occasions de faire connaî-tre, dans les médias publics et commer-ciaux, le point de vue des syndicats et l’avis des ouvriers et ouvrières constitue un autre problème. Il s’explique notam-ment par la faiblesse des syndicats, auxquels les gouvernements africains n’accordent généralement guère de

crédit. Les représentant-e-s du projet se sont ainsi heurtés à des obstacles insur-montables lorsqu’ils ont demandé des heures d’émissions auprès des radios publiques et commerciales.En Ouganda, Onyik Bosco n’a obtenu des plages pour émettre qu’auprès d’une radio locale. Les autres l’ont éconduit sans ménagement: «Nombre de radios demandent des sommes colossales, que nous n’avons pas.» L’Ougandais estime que les syndicats participant au projet devraient insister davantage auprès des radios publiques: «Une plateforme pour les travailleurs et les travailleuses dans les médias étatiques, c’est une forme de liberté de parole à laquelle nous avons droit, affirme-t-il avec conviction. Nous devons lutter pour l’obtenir.» Le projet mettra d’ailleurs bientôt l’accent sur la li-berté des médias, pour que celle-ci ne reste pas lettre morte, mais se concrétise dans la pratique, par exemple par l’octroi d’appuis à des plateformes médiatiques. En effet, selon un rapport publié en 2012 par Freedom House sur la liberté de la presse, seuls 10% des médias d’Afrique subsaharienne sont entièrement libres, 46% le sont partiellement et 44% pas du tout.

printemps arabeDébut 2011, suite à l’éclatement du Prin-temps arabe, des syndicats tunisiens et égyptiens ont été conviés à prendre part au projet. Afin de soutenir les travailleurs et travailleuses de ces pays dans leur lut-te pour la démocratisation, une collabo-ration a été entamée avec l’union syndi-cale du Moyen-Orient et d’autres organisations partenaires en vue de lan-cer un projet de radio syndicale arabe.

L’Africa Labour Radio utilise la radio comme moyen d’information et de for-mation, mais aussi pour promouvoir l’autonomie des gens et renforcer la voix des syndicats dans les débats pu-blics sur la lutte contre la pauvreté et le travail précaire. Le projet a pour objectif de diffuser des émissions hebdomadaires dans dix pays afri-cains anglophones, afin d’aborder divers sujets du point de vue ouvrier, de développer les compétences mé-diatiques des syndicats et de ren-forcer leurs capacités à s’organiser.Extraits d’une émission:www.soundcloud.com/velapi/promowww.solidar.ch/alrp/fr

Africa Labour

Radio project

Emission de l’Africa Labour Radio, avec Bosco Onyik (à gauche) et des représen­tant­e­s du Zimbabwe, de Tanzanie et du Malawi.

AkTUeLL 15

Kade Ninaj (rechts) konnte dank Beratung und Desinfektionsmitteln die Milchqualität steigern.

THeMA 15THeMA 15

Hans-Jürg FehrPrésident de Solidar Suisse et conseiller national

Le comportement des entreprises suisses à l’étranger influe sur l’image de notre pays. C’est la leçon à tirer de l’affaire des grandes banques: en ai-dant de riches clients étrangers à échapper au fisc de leur pays, elles ont sali la réputation de la Suisse.Outre les banques, mentionnons les multinationales des matières pre-mières domiciliées en Suisse, telles Glencore et Xstrata, qui enfreignent les droits de la personne humaine et exploitent la main-d’œuvre, tout en dé-truisant l’environnement. Elles agissent souvent avec la complicité de la classe dirigeante d’un pays. Corrompue jusqu’à la moelle, celle-ci s’enrichit éhontément et place l’argent amassé illégalement à l’abri à l’étranger, dans une banque suisse par exemple, en le soustrayant bien sûr à l’impôt…Le Conseil fédéral ne voit aucune raison de garder un œil sur les multina-tionales suisses. Préférant détourner le regard, il s’étonne ensuite qu’on lui bat-te froid un peu partout dans le monde. Cette passivité est nuisible et désor-mais inacceptable. La Suisse doit se doter d’un observatoire qui surveille les multinationales et tire au besoin la son-nette d’alarme. Comme l’exige la cam-pagne «Droit sans frontières», elle doit aussi mettre en place un système per-mettant de demander des comptes aux multinationales fautives et de les punir. Nous ne voulons plus pâtir de l’inconséquence d’entreprises qui vio-lent notre Constitution à l’étranger.

CHRONIQUE

Une passivité

nuisible

Solution

2

7 8

1 4

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3 5 7 4

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7 4

4 3

1

16 jeU & BAROMÈTRe

Le SUDOkU De SOLIDAR

Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à [email protected], sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

prix Trois draps tissés à la main, en provenance du Burkina Faso.

Les prix ont été généreusement offerts par l’Association pour le développement du Département d’Ipelcé, qui est notre partenaire au Burkina Faso.

La date limite d’envoi est le 23 septembre 2012. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 4/2012. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer.

La solution de l’énigme de Solidarité 2/2012 était «green jobs». Regina Sinz-Krauss, de Berne, a gagné un jeu de stratégie; Anne-Marie Ramel, de La Tour-de-Peilz, un set d’aimants; et Martin Krieg, de Maisprach, un porte-stylos. Nous remercions vivement l’atelier Carrom de l’OSEO Bâle pour les prix offerts, ainsi que tou-te-s les participant-e-s au jeu.

Solidar Suisse réalise des projets dans plusieurs pays où la situation politique est difficile et la liberté d’expression bafouée. Si nous critiquons publique-ment ces pays, nous risquons de mettre nos parte-naires sur place en danger.

Solidar devrait …

… se contenter de s’engager dans de tels pays en y réalisant des projets et renoncer à des commentaires politiques.

… se retirer de tels pays.

… exprimer librement son avis. Quiconque veut changer la situation doit assumer certains risques.

Participez à notre sondage en renvoyant le talon-réponse joint au présent numéro de Solidarité.

BAROMÈTRe De SOLIDAR

évALUATION DU BAROMÈTRe

La FIFA doit-elle s’engager activement contre l’exploitation et les violations des droits humains lors du Mondial de football?

La seconde question a suscité des réponses contrastées, souvent motivées par la même réflexion. La plupart des personnes ayant répondu par l’affirmative veulent que le Mondial profite à la population locale et que la FIFA veille au respect des droits humains et du travail. D’autres soulignent que la médiatisation de l’événement permet d’attirer l’attention sur les injustices dans le pays hôte.Les personnes ayant répondu non pensent que les bénéfi-ces n’enrichissent que la FIFA, que le Mondial ne favorise pas un développement durable et qu’il détériore encore la situation des personnes démunies. A leur avis, l’événement coûte trop cher au pays hôte, qui manque ensuite d’argent pour des activités plus cruciales et se retrouve avec des stades inutilisés, une nature détruite et un énorme déficit.

25 oui50 non7 oui et non10 ne sait pas

Est-il judicieux que de grandes manifestations sportives, comme le Mondial de football ou les Jeux Olympiques, se déroulent dans des pays émergents ou en développement?

91 oui1 non

91

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Règles du jeuComplétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizonta-lement, selon l’équivalence ci-dessous: 1=O, 2=A, 3=I, 4=B, 5=D, 6=R, 7=N, 8=U, 9=L.

17RéSeAU

jean-Christophe Schwaab, président du réseau OSeOJean-Christophe Schwaab, conseiller national socialiste vaudois, a été élu à l’unanimité président du réseau OSEO, le 5 juin dernier.Ce docteur en droit de 33 ans est éga-lement, depuis ce printemps, président romand de l‘Association suisse des em-ployés de banque (ASEB). Ses activités de syndicaliste, sa présence au comité de l’OSEO Vaud, ainsi que son bilinguis-me, le destinaient tout naturellement à reprendre ce poste de direction. De plus, au moment où l’OSEO développe de nombreuses mesures contre le chô-mage des jeunes, sa relative jeunesse constitue un atout indéniable.En étroite collaboration avec le secré-taire national, Jean-Christophe Schwa-ab poursuivra le développement des mesures d’intégration et de formation au niveau suisse. Il sera un relais déter-minant aux Chambres fédérales, afin qu’elles soient davantage sensibles à l’intégration et à la nécessité de donner une chance à chaque personne, quelle que soit son origine.www.sah-schweiz.ch/fr

Un soutien pour entrer dans la vie professionnelleL’entrée dans la vie professionnelle re-présente une difficulté pour de nom-breux jeunes adultes, indépendamment de leur niveau de formation. Depuis l’été 2010, «CT2, Coaching Transition 2» sou-tient de jeunes adultes durant ce pro-cessus. Avec succès: ce programme, qui s’étend à toute la Suisse, assure le co a-ching de près de mille participant-e-s; son taux de réussite est de 82%. Il est mis en œuvre par les dix OSEO régiona-les et est financé jusqu’à l’été 2013 par Credit Suisse. CT2 cherche à présent de nouveaux partenaires pour assurer la continuité de ce projet très fructueux.Chômage, problèmes d’orientation, sta-ges et emplois précaires: le passage de la formation à l’entrée dans la vie profes-sionnelle est souvent problématique pour de nombreux jeunes adultes. Les statistiques du chômage, avec des chif-fres nettement plus élevés pour cette tranche d’âge, le démontrent. Pour en-trer dans la vie professionnelle, les jeu-nes adultes doivent disposer d’objectifs réalistes, d’excellents documents de candidature et d’une forte motivation.

La Suisse ne dispose pas encore d’un programme d’envergure nationale visant à faciliter l’entrée dans la vie profession-nelle. CT2 comble cette lacune: il propo-se aux jeunes adultes des offres acces-sibles et spécialisées dans le cadre d’un soutien individuel.CT2 est dispensé dans douze cantons suisses des trois régions linguistiques (Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Fri-bourg, Genève, Lucerne, Schaffhouse, Tessin, Valais, Vaud, Zoug et Zurich). Le programme est ouvert à toute personne ayant suivi une formation, de la forma-tion certifiante au master universitaire – que l’on soit en train de terminer sa for-mation, à la recherche d’un emploi ou déjà inscrit-e auprès d’un Office régional de placement.82% des participant-e-s ont trouvé une solution d’insertion satisfaisante et du-rable. Le rapport d’évaluation de l’Ecole Supérieure du Nord-Ouest de la Suisse confirme cette remarquable efficacité: le programme est jugé «très bien structu-ré» et «mené de façon précise et effi-cace»; de plus, l’approche adoptée «a parfaitement fait ses preuves».www.sah-schweiz.ch/fr

Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OSeO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s. Une longue histoire et des racines communes unissent Solidar et les OSeO régionales.

Du jardinage pourencourager l’intégrationDu romarin et de la roquette au lieu de gazon et broussailles: dans la cour inté-rieure de l’Ecole d’art de Lucerne naît un jardin, dont la récolte atterrit toute fraîche à la cuisine de la cantine. Suzan

Curtis, enseignante de design industriel et illustration, dispense un cours en plein air à ses 28 étudiant-e-s de Bachelor. D’une part, pour aménager un bel espace vert. D’autre part, afin de créer un lieu de rencontre qui encoura-ge les relations sociales.L’OSEO Suisse centrale, qui mène elle aussi des projets de jardinage pour l’intégration, met à disposition de l’Ecole d’art des personnes réfugiées et admi-ses provisoirement, qui travaillent avec les élèves de Mme Curtis. Les produits du jardin sont ensuite utilisés par la cantine, pour le plus grand bonheur de ses habitué-e-s.www.sah-zs.ch

«LEs FEmmEs REvENdIQUENt ENFIN LEURs dRoIts»Maribel Abrego s’engage très activement au Salvador. Son action aide des femmes à faire valoir leurs intérêts.Texte: Katja Schurter. Photo: Solidar

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«Les gens sont extrêmement pauvres, peu éduqués, habitent dans des condi-tions indignes et l’agriculture ne rapporte rien», explique Maria Maribel Abrego Mercado en recensant les problèmes qui touchent Cabañas, l’une des régions les plus pauvres du Salvador. «S’y ajoutent la violence contre les femmes et la crimina-lité juvénile.» La couverture médicale aussi est insuffisante. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement de gauche en 2009, elle est certes gratuite, mais les médicaments sont rares.

Femmes nettement défavoriséesPour changer cette situation, cette femme de 35 ans a cofondé, en 2002, l’organisation des femmes AMUC. «Les femmes ont moins accès à l’éducation et au travail rémunéré. Elles dépendent souvent économiquement de leur com-

pagnon, ce qui rend la séparation plus difficile lorsque le mari est violent. Par ailleurs, il y a beaucoup de mères céliba-taires qui ne reçoivent aucune allocation du père de l’enfant.» Afin de créer des possibilités de travail pour les femmes, l’AMUC les soutient par des crédits. Elle a aussi fondé une coopérative, qui pro duit des denrées alimentaires et des tuiles, destinées à la construction d’habitations.

Renforcer la participationDans la région, 600 femmes sont organi-sées dans 30 comités de l’AMUC; quatre autres comités rassemblent les jeunes. Dans ces groupes, des questions comme la violence, le genre, l’estime de soi et les droits humains sont discutées, car «les femmes doivent connaître leurs droits, afin de pouvoir chercher de l’aide.» En outre, les comités agissent pour que les autorités prennent en compte les be-soins des habitant-e-s des villages. «Nous demandons la poursuite judiciaire des violences contre les femmes et des procès loyaux. Souvent, l’agresseur dis-pose d’un avocat, mais pas la victime», s’irrite Maribel Abrego. Les raisons de son engagement, on les trouve dans ses expériences familiales, et aussi dans son enthousiasme lorsqu’il s’agit de renforcer l’organisation des femmes. «Je suis acti-ve dans des organisations depuis 17 ans et je trouve formidable que les femmes revendiquent leurs droits.»

Recul de la violenceLes efforts de l’AMUC sont couronnés de succès. «Les femmes ont aujourd’hui moins peur de déposer plainte lorsqu’elles ont été molestées. Quand nous avons lancé l’organisation, certaines femmes pleuraient presque quand on leur de-mandait simplement de se présenter», rappelle Maribel Abrego pour montrer le chemin parcouru. «Grâce à une plainte, nous avons récemment pu empêcher qu’un homme mette sa femme à la rue. Et il y a moins de violences que dans les régions où aucun travail avec les jeunes n’est effectué.»

Agir avec les jeunesLe problème croissant de la violence ju-vénile est à mettre en lien avec l’absence de perspectives. Certes, il y a de plus en plus d’écoliers et d’écolières qui ob-tiennent leur maturité, mais pour faire des études, il faut se rendre en ville. La plupart du temps, l’argent manque pour cela. Maribel l’a appris elle-même: à cause des longs trajets et de l’organisation des études, qui n’est pas conçue pour des étudiant-e-s qui travail-lent en plus, cette mère célibataire a dû abandonner ses études de droit. Mais même celui ou celle qui termine ses étu-des a peu de chances de décrocher un travail. De nombreux jeunes émigrent alors aux Etats-Unis. «La composition de nos groupes de jeunes change constam-ment, car les jeunes quittent le pays à 15 ans déjà», explique Maribel Abrego.Dans ces comités, les questions abor-dées sont celles de la violence, de la cri-minalité, des drogues et du genre. On y trouve des cours de danse et de théâtre; deux équipes féminines et quatre équipes masculines de football ont été formées. «Bien sûr, de nombreux jeunes qui ont des problèmes ne viennent pas dans nos groupes», tempère Maribel, «mais il y a aussi des jeunes qui ont quit-té leur bande.» Le travail avec les jeunes est crucial pour prévenir la violence con-tre les femmes. «Il faut s’appuyer sur les jeunes, car il est plus difficile de changer l’opinion des adultes.»

Maribel Abrego au milieu de son équipe de football,

qui aide de jeunes femmes à retrouver confiance

en elles.

pORTRAIT 19

L’organisation de femmes AMUC est l’une des quatre organisations avec lesquelles Solidar Suisse a construit un réseau à Cabañas, afin d’améliorer le quotidien des 15 000 habitant-e-s de la région. L’AMUC soutient la parti-cipation et l’indépendance écono-mique des femmes.www.solidar.ch/elsalvador

La participation

à Cabañas