Solidarité 2/2015

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Numéro 2, mai 2015 POINT FORT L ’héritage du colonialisme BOLIVIE Du théâtre pour la démocratie Le magazine de

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Magazine de Solidar Suisse

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Numéro 2, mai 2015

POINT FORTL’héritagedu colonialismeBOLIVIEDu théâtrepour la démocratie Le magazine de

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 ÉDITORIAL

la pétition. «La FIFA exige une vaste exemption d’impôts dans un pays où les Coupes du monde sont organisées. Or cet allégement fiscal est justifié par la FIFA sous prétexte qu’elle paie déjà des impôts en Suisse.» Selon l’œuvre d’entraide, «la FIFA réalise au final des bénéfices très élevés, non imposés, et accumule des milliards au détriment de la population suisse et des pays hôtes.»

21.03.2015La FIFA n’encaisse pas de but au NationalPas touche à la FIFA! Le Conseil national a refusé hier de donner suite à une péti-tion demandant de mettre fin aux privi-lèges fiscaux accordés à la Fédération internationale de football. La Jeunesse socialiste suisse (JSS) et l’organisation Solidar avaient recueilli plus de 10 000 signatures. Dans un communiqué, Solidar affiche sa déception face au rejet de

Chère lectrice, cher lecteur,En 1962, l’Algérie s’est libérée du joug de la France après une sanglante guerre d’indépendance. En 1966, mon frère et sa femme sont partis à Alger pour établir un centre de formation professionnelle sur mandat de l’OSEO. Les premiers diplômés trouvaient un emploi avant la fin de leurs études déjà car, après toutes ces années de mainmise étrangère, il n’y avait quasi-ment pas de spécialistes locaux dans le pays. Lorsque je me suis rendue plu-sieurs fois en Algérie dans les années 1980, ce déficit restait perceptible. La fameuse fuite des cerveaux est toujours une réalité puisque seules quelques per-sonnes voient des opportunités de travail dans leur propre pays et sont prêtes à renoncer à une carrière rimant avec bien-être, à l’étranger, pour mener chez elles une activité de reconstruction complexe.

Naturellement, on peut prétendre que d’autres facteurs ont fait reculer plus fortement l’Algérie que l’exploitation coloniale par la France. Mais je me demande fondamentalement si de tels excès ne trouvent justement pas un terreau idéal dans la socié-té postcoloniale.

Vous me ferez remarquer qu’on assiste actuellement au Kosovo à une vague migratoire provoquée par un système social dans lequel la population ne voit pas d’avenir et que ce pays n’a pas été colonisé. Je vous rétorquerai que la dépendance séculaire

du Kosovo envers d’autres Etats et puissances occupantes a des points communs avec l’exploitation coloniale et le fait de négliger, par voie de conséquence, le développement intérieur.

La plupart des pays prioritaires de Solidar Suisse ont un passé colonial. Vu la politique commerciale pratiquée par les puissances coloniales, ils ont entamé leur carrière d’Etats indépendants avec des désavantages initiaux conséquents. Souvent, ils servaient uniquement de pourvoyeurs de matières premières et toute relation commerciale avec d’autres Etats leur était interdite. Certains pays ont dû lutter pour leur autonomie dans des guerres d’indépendance destruc-trices dont les blessures ne sont pas toutes guéries. Que ce soit au Burkina Faso, en Amérique latine ou au Sri Lanka,

seuls des principes démocratiques fondamentaux garantissent un développement ne profitant pas à quelques-uns seulement mais au bien-être de larges couches de la population.

La lutte contre la pauvreté, inscrite dans notre nouvelle stra-tégie, repose sur trois piliers: travail décent pour couvrir les besoins vitaux, aide humanitaire ainsi que démocratie et participation. Ce dernier pilier est la réponse de Solidar Suisse aux anciennes blessures encore larvées du colonialisme et aux nouvelles plaies sanglantes, une des facettes de la mondialisation.

Esther Maurer

11.12.2014L’impact des dons suisses en Asie du Sud 10 ans après le tsunamiLes projets menés en Asie du Sud grâce aux 227 millions de francs récoltés par la Chaîne du Bonheur après le tsunami de 2004 ont eu un impact généralement positif. L’évaluation concerne les 29 plus grandes opérations réalisées par les an-tennes suisses de ADNA et de Caritas, ainsi que l’Entraide protestante, Swiss-contact, Solidar Suisse et la Croix-Rouge.

REVUE DE PRESSE

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POINT FORT L’héritage du colonialisme 4 Les coordinatrices et coordinateurs nationaux de Solidar s’expriment sur les traces que le colonialisme a laissées dans leurs pays 6 Accaparement de terres: une forme moderne de colonialisme 9 L’entreprise Pacific Rim porte plainte contre l’Etat du Salvador et lui demande une indemnisation pour les pertes potentielles subies 10 Pour gommer les anciennes structures colonialistes, il faut des normes relatives au travail décent 12 ACTUALITÉ Travail décent et participation démo-cratique – ces piliers de la nouvelle stratégie de Solidar sont la clé de la lutte contre la pauvreté 16 PORTRAIT En Bolivie, Nayra Muñoz encourage par le théâtre la réflexion sur les enjeux sociaux et donne une voix à la jeunesse 18 CHRONIQUE 11 BRÈVES 14 CONCOURS 15

Editeur:Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Case postale 2228, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction:Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction: Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Catherine VallatImpression et expédition:Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhouseParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement. Photo de couverture: Fausta Carmi travaille dans des conditions décentes sur une plantation de cannes à sucre en Bolivie. Photo: Désirée Good. Dernière page: Signez la pétition pour des multinationales responsables. Photo: Oliver Gemperle.

IMPRESSUM

PORTRAIT Nayra Muñoz invite le public à engager le débat et donne aux jeunes Boliviens la possibilité d’exprimer leurs idées et leurs perspectives.

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POINT FORTLe colonialisme a posé les bases du capitalisme et de la mondialisation et, en de nombreux endroits, il marque encore le monde d’aujourd’hui.

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Dans la carrière de pierre de Pissy, à proximité de Ouagadougou au Burkina Faso, des femmes, des

hommes et des enfants tentent de gagner leur vie.

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POINT FORT

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Le colonialisme a jeté les bases du capitalisme et de la mondialisation. A présent que les anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, il se mue en néocolonialisme. Des accords de libre-échange perpétuent de vieilles servitudes, les flux financiers bénéficient en fin de compte aux pays du Nord et l’accaparement des terres s’aggrave sans cesse. Dans ce dernier cas, les cultures pratiquées dans le Sud pour approvi-sionner le Nord rappellent étrangement les pratiques coloniales. En lisant les pages ci-après, vous en apprendrez davantage sur l’héritage du colonialisme et comment Solidar y fait face dans ses activités.Photo: Jürg Gasser

L’HÉRITAGE DU COLONIALISME

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6 POINT FORT

Solidar contribue à surmonter l’héritage négatif du colonialisme avec notamment l’introduction de la formation plurilingue au Burkina Faso (à droite au milieu) ou le soutien aux familles tamoules de cueilleurs et cueilleuses de thé au Sri Lanka (à droite en bas).

Quel héritage le colonialisme a-t-il légué aux pays prioritaires de Solidar Suisse? Nous avons posé la question à nos coordinatrices et coordinateurs sur place.Photos: Désirée Good, Jürg Gasser, Hamish John Appleby, Rico Jacometti

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Au Salvador, les colonisateurs se sont approprié la capacité de travail et les richesses de la civilisation préhispanique en accaparant les terres et en réduisant la population à l’esclavage. En taxant d’hérétiques les cultures et les idées pré-coloniales, l’Eglise a joué un rôle décisif pour établir la puissance coloniale.L’accession officielle à l’indépendance, en 1821, n’a rien changé. Les grands propriétaires terriens, les anciens fonc-tionnaires coloniaux et les membres du clergé catholique ont pris le pouvoir et accru leurs richesses en exportant des matières premières. L’exploitation s’est perpétuée même en l’absence de puis-sance coloniale, creusant les inégalités sociales et entravant le développement industriel. Aujourd’hui encore, pouvoir et propriété foncière sont répartis entre seulement quatorze familles. Depuis 2009, le pays est dirigé pour la première fois par un gouvernement qui n’est pas orienté à droite. Des progrès prometteurs commencent à briser les structures héritées du colonialisme: pro-motion de la petite production, intensifi-cation du dialogue entre population et instances étatiques. C’est tout bénéfice pour Solidar Suisse, qui s’attache depuis 1992 à promouvoir la participation dé-mocratique de la majorité pauvre de la population et à améliorer ses perspec-tives de développement économique.Le legs colonial reste néanmoins bien présent: la petite production ne peut pas concurrencer les produits bon marché, car subventionnés, importés dans le cadre des accords de libre-échange et la torréfaction du café reste l’apanage de l’Europe et des Etats-Unis.

INÉGALITÉSSOCIALES

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Martín PérezBolivie

A La Paz, des hommes et des femmes en costumes multicolores dansent dans les rues. Ils célèbrent la Fiesta del Señor del Gran Poder, une fête d’inspiration chrétienne: les fidèles promènent le saint dans la ville et les prêtres autochtones les accompagnent en portant des of-frandes à la Pachamama (la Terre-Mère).A 1000 kilomètres de là, à Camiri (est de la Bolivie), des Guaranis remettent aux autorités communales (une institution de la démocratie représentative) les reven-dications formulées par l’assemblée villa-geoise (une institution de la démocratie précoloniale).A Icla, des greffiers et greffières autoch-tones participent à une réunion conviée par un réseau contre la violence. L’ob-jectif est d’éradiquer la violence envers les femmes, qui sévit aussi bien à la campagne que dans les villes. Leur meil-leure arme est la Constitution bolivienne, puisqu’elle associe l’idéal traditionnel des autochtones («bien vivre») et le respect des droits humains modernes.La colonisation a laissé des traces dans tous les secteurs de la société bolivienne. L’un de ses héritages positifs est la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui s’applique à tout individu indépendamment de son origine. Res-pectant les différentes cultures du pays, Solidar contribue à construire des valeurs communes afin d’assurer la cohésion sociale. Nos activités reposent sur les droits humains, en particulier ceux des femmes, des jeunes et des travailleurs. Ces droits sont aussi une source d’inspi-ration pour promouvoir la justice sociale.

DROITS HUMAINS UNIVERSELS

Yolanda MartinezEl Salvador

POINT FORT 7

MENTALITÉ COLONISÉE

Dieudonné ZaongoBurkina Faso

La colonisation de la Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, poursuivait trois objectifs: utiliser la population indigène comme réservoir de main-d’œuvre, cultiver des produits d’exportation, tels les arachides et le coton, et mener une «mission civili-satrice».Soumis durant de longues années à la domination coloniale, les colonisés ont commencé à croire l’allégation selon laquelle ils étaient incapables de penser. Il leur fut donc impossible d’imaginer un avenir qui s’écarterait du modèle de développement préconisé par les colons. Cette mentalité reste si répandue que les pays africains, désormais indépen-dants, ont toujours besoin de l’appui des anciens colonisateurs pour définir leurs stratégies de développement. Par le biais des accords de libre-échange, des mesures d’ajustement structurel et la présence militaire étrangère, les éco-nomies africaines continuent de servir les intérêts des anciennes puissances coloniales.L’héritage transmis par le colonialisme au Burkina Faso va de l’habillement – costume trois-pièces et cravate par 43 degrés à l’ombre – à l’analphabétisme en passant par la dévalorisation du mode de vie rural. Les colons ont profité du fait que la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire pour empêcher la population de participer aux décisions. Le néocolonia-lisme perpétue cette tradition: aujourd’hui encore, l’enseignement scolaire est dis-pensé en français, langue que beaucoup d’enfants ne comprennent pas. Solidar Suisse tente de faire évoluer la situation en introduisant par exemple la formation plurilingue au Burkina Faso.

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8 POINT FORT

VOIES DE TRANSPORT COLONIALES

Jorge LampiãoMozambique

Daniel BronkalSri Lanka

La présence de Tamouls indiens au Sri Lanka est un héritage colonial. Ces migrants ont commencé à quitter le sud de l’Inde à partir de 1840 pour rejoindre l’ancienne Ceylan, car la population locale ne suffisait plus à assurer tout le travail dans les plantations des colons anglais, tout d’abord vouées à la culture du café, puis à celle du thé. Avec l’essor du thé, les travailleurs ont ensuite fait venir leurs familles. Même si la situation des Tamouls indiens s’est améliorée ces dernières an-nées, ils continuent de former le groupe de population le plus pauvre et le plus défavorisé du pays. Une autre conséquence du colonialisme, qui a toutefois aussi des origines cultu-relles, réside dans l’écart qui sépare les classes sociales. Cet écart est tel qu’il est extrêmement difficile d’introduire des «hiérarchies transversales».Dans les activités qu’elle mène au Sri Lanka, Solidar Suisse est confrontée à ces deux problèmes. Nous œuvrons dès lors à améliorer la situation des Tamouls en plaidant pour l’introduction d’une certi-fication dans diverses plantations de thé (lire à ce propos l’édition 4/2014 de «Solidarité»). Cette certification inclut des critères sociaux, comme l’interdiction du travail des enfants, une durée de travail maximale de 48 heures hebdomadaires et le respect des salaires minimaux locaux. Pour assouplir la hiérarchie, nous faisons participer tous les membres des équipes de projet aux décisions et soute-nons les processus démocratiques au sein de la population.www.solidar.ch/fr/plantation-de-the

EXPLOITATION ET RIGIDITÉ HIÉRARCHIQUE

Le passé colonial est encore très présent dans le Nicaragua d’aujourd’hui: la corruption et le système de complai-sances qui gangrènent l’administration remontent à l’ère où le pays était dirigé par la monarchie espagnole, qui mettait les postes politiques aux enchères. L’exploitation du pays par les colons a entravé le développement d’une produc-tion rentable et instauré une mentalité qui a perduré jusqu’à nos jours: les riches achètent des terres fertiles et des mai-sons pour spéculer, sans se préoccuper de créer des structures productives. La traite des femmes constitue aussi bien un héritage colonial qu’une forme moderne d’esclavage. Quant à l’attitude fataliste, selon laquelle il faut supporter une vie de misère pour connaître le bonheur dans l’au-delà, elle repose sur la «volonté de Dieu» propagée par la religion catholique.Aujourd’hui, le colonialisme trouve son prolongement dans des accords de libre-échange dont les dispositions sont défi-nies par les pays riches. Ceux-ci pro-tègent ainsi leur agriculture contre les importations, tandis que leurs produits subventionnés à grands frais accèdent librement aux marchés des pays pauvres, où les agriculteurs et les agricultrices sont dépourvus de tout soutien. Solidar Suisse œuvre pour améliorer leurs condi-tions de vie et leur participation aux décisions.

CORRUPTION ET FATALISME

Carmen Ayón Nicaragua

Au Mozambique, la puissance coloniale a construit les voies de transport en fonction de ses intérêts économiques. A ses yeux, le développement local était secondaire. Cette inégalité reste claire-ment perceptible: les localités présentant un attrait économique sont reliées par un efficace réseau de communications, alors que de vastes portions du pays restent à l’écart. Cet héritage du colonialisme perdure en-core aujourd’hui, puisque la communauté internationale fournit un appui consi-dérable au couloir de Beira qui revêt une importance cruciale pour l’économie. Mais la population locale passe au se-cond plan. Les trains qui empruntent la ligne transportent de grandes quantités de bois, de carburant, de céréales et d’engrais, sans que les trois millions d’ha-bitants du couloir de Beira en profitent. Même les projets d’investissement étran-gers délaissent la population locale. La location de grandes surfaces cultivables à des multinationales nuit à l’environne-ment et concentre la propriété de vastes territoires entre les mains d’une minorité, alors que la population indigène se voit privée de ses moyens d’existence (lire l’article à la page 9).Pour se débarrasser de l’héritage colo-nial, les personnes concernées doivent prendre part aux décisions. Voilà pour-quoi Solidar Suisse œuvre pour renforcer leur participation démocratique.

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9THEMA 9POINT FORT 9

Kwame Nkrumah, le premier président du Ghana, a défini le néocolonialisme comme le système politique et écono-mique appliqué dans des pays officielle-ment indépendants, mais qui est dirigé depuis l’étranger. Les investissements étrangers ne conduisent alors pas au développement, mais à l’exploitation. Ils creusent le fossé entre pays pauvres et riches.Formulée il y a une cinquantaine d’an-nées, cette analyse n’a rien perdu de son actualité. L’argent continue en effet d’affluer des pays du Sud vers ceux du Nord, soit par le biais de l’extraction de matières premières soit grâce à l’exploi-tation d’une main-d’œuvre bon marché par les multinationales. Ces pratiques sont des caractéristiques du néocolonia-lisme. Depuis quelques années, celui-ci s’est enrichi d’un autre phénomène: l’accaparement des terres. L’expression «accaparement des terres» désigne

l’achat ou le bail à ferme de vastes sur-faces cultivables par des gouvernements étrangers ou des multinationales. Elles servent à la culture de plantes vivrières ou énergétiques destinées à approvi-sionner les Etats investisseurs, le pays de production ne bénéficiant en rien de ces produits. L’explosion des prix alimen-taires en 2007 et en 2008 a décuplé ce phénomène. Entre 2001 et 2011, plus de 200 millions d’hectares ont été achetés de par le monde, soit davantage que la totalité des surfaces arables d’Europe. Les fonds proviennent de pays industrialisés, mais de plus en plus aussi de pays émergents et du Golfe. Les achats interviennent sur-tout en Afrique, en Asie et en Amérique latine, soit le plus souvent dans des pays pauvres aux institutions fragiles et aux gouvernements corrompus.

Les ventes se font aux dépens des petits paysans locaux. Ils sont chassés de chez eux ou déplacés de force, souvent au mépris de leur droit à la terre, et sont ainsi privés de leurs moyens d’existence. Il est très rare qu’ils soient consultés. Allant de pair avec de vastes monocul-tures, l’accaparement des terres porte atteinte à l’environnement et appauvrit la biodiversité.

Le cas du MozambiqueCes divers problèmes se retrouvent dans le projet ProSavana, prévu dans le nord du Mozambique. Les autorités souhaitent ouvrir plusieurs millions d’hectares situés dans le couloir Nacala, une zone fertile et très habitée, aux investisseurs étrangers. Si l’idée a été lancée en 2009, les orga-nisations civiles de la région n’ont été consultées qu’en 2013. Depuis, le projet divise villageois et villageoises: les uns y voient l’occasion de bénéficier de crédits et de moyens de production; les autres craignent que la monoculture du soja ne profite qu’aux investisseurs brésiliens, alors que les cultures vivrières tradition-nelles seront négligées. De plus, des familles paysannes risqueraient d’être chassées de chez elles. La protestation citoyenne fut si vive qu’un nouveau plan directeur devra être éla-boré pour ProSavana. De l’avis de Jorge Lampião, coordinateur de Solidar sur place: «Ce n’est qu’en tenant compte

des besoins de la population, qu’il sera possible d’instaurer un développement durable et équitable sur le plan social.»

L’accaparement des terres creuse le fossé entre riches et pauvres.

ACCAPAREMENT DES TERRESDans nombre de pays, le néocolonialisme a remplacé le colonialisme sans coup férir. L’une de ses formes est l’accaparement des terres. Texte: Joachim Merz. Photo: Yunas Vally

La population indigène du Mozambique risque d’être expulsée des terres où les entreprises multinationales investissent dans des projets agricoles.

Joachim Merz est responsable des projets de Solidar Suisse au Mozambique.

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ciété australienne OceanaGold, a traîné le Salvador devant la cour. Motif: le retrait de la concession la prive de gains futurs. Il ne

s’agit donc pas de compenser des investis-sements déjà effectués, mais des gains hypothétiques que l’entreprise n’aurait peut-être même pas réalisés… Montant du litige: plus de 300 millions de dollars. Base légale: l’accord de libre-échange d’Amérique centrale et une loi nationale en faveur des investisseurs.

pour exiger que le Salvador lui verse les gains qu’elle ne pourra pas réaliser. Le gouvernement lui a en effet retiré l’auto-risation d’extraire de l’or dans le Cabañas, craignant que l’activité minière ne provoque de graves dégâts en-vironnementaux. L’en-treprise prévoyait d’utiliser une solution de cyanure pour isoler l’or présent en faibles quantités dans la roche. Or, c’est à cause de ce procédé que les concentrations de cyanure et de plomb mesurées dans les eaux salvadoriennes dépassent jusqu’à mille fois les valeurs limites admises. Pacific Rim, désormais aux mains de la so-

Le Centre international pour le règle-ment des différends relatifs aux investis-sements (CIRDI), installé auprès de la Banque mondiale à Washington, n’est guère connu. Ce n’est pas surprenant, puisque ni le public ni les médias ne peuvent assister à ses audiences et que ses jugements ne sont pas sujets à recours. Les défenseurs de l’environne-ment et les paysans défavorisés du département de Cabañas, au Salvador, ne connaissent pourtant que trop bien cette cour arbitrale.

Compensation de gains hypothétiquesC’est au CIRDI que la société cana-dienne Pacific Rim a fait appel en 2008

10 POINT FORT

CABAÑAS N’AURA PAS SON ÂGE D’ORAccords de libre-échange et cours arbitrales servent à imposer une exploitation des matières premières qui fait fit des populations et de l’environnement. C’est là une nouvelle forme de colonialisme dont le Salvador fait la douloureuse expérience.Texte: Anja Ibkendanz. Dessins: Alecus

Le différend porte sur des gains hypothétiques que l’entreprise n’aurait peut-être jamais réalisés.

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THEMA 11THEMA 11

Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse

La coopération au développement est financée par des impôts et des dons. Elle dépend donc de toute manière de la volonté du peuple de lui consacrer des ressources financières. Cette vo-lonté dépend pour sa part de l’opinion que chaque citoyenne et citoyen se fait de la qualité de cette coopération. Voilà pourquoi nous tenons à diffuser des informations sur nos objectifs et nos méthodes de travail, et à amener ainsi les gens à s’intéresser à nos programmes et à nos projets. Les membres de Solidar Suisse se soucient davantage que d’autres per-sonnes de nos activités et bénéficient aussi d’une excellente information, en particulier grâce au présent magazine. Ils sont en mesure de lancer le débat sur la coopération au développement dans leur entourage, voire de dé-fendre sa cause avec des arguments rationnels. Cette défense s’avère hélas bien plus nécessaire que les œuvres d’entraide ne le souhaite-raient. La droite nationaliste aimerait en effet réduire les dépenses consa-crées à la coopération au développe-ment et même les supprimer totale-ment. Pour contrecarrer ces visées, il importe qu’un maximum d’individus et d’organisations se mobilisent. Nos membres ont ainsi un rôle crucial à jouer: diffuser nos informations et renforcer nos efforts visant à sensi-biliser la population et à faire perce-voir la coopération au développement comme un effort aussi utile qu’indis-pensable.Je remercie dès lors nos membres pour leur engagement solidaire et invite les autres lecteurs à le devenir.

CHRONIQUE

Je suis membre

Résistance et répressionDes organisations civiles régionales, des radios locales et des groupes environ-nementaux ont manifesté et lancé des pétitions contre ce projet polluant. Divers partenaires de Solidar ont également pris part au mouvement. Ce fut le cas de l’association des petits paysans qui luttent pour préserver leurs moyens d’existence: de l’eau propre, de petites exploitations (qui risquaient d’être expro-priées) et la culture de denrées alimen-taires saines. Leur résistance a largement motivé le moratoire gouvernemental. Le prix à payer fut toutefois lourd: en 2009,

Les organisations partenaires de Solidar infor - ment la population par des émissions radio sur les conséquences environnementales de la mine d’or en projet.

trois défenseurs de l’environnement ont été tués dans le Cabañas en l’espace de six mois; en juin 2011, un étudiant a connu le même sort et nombre d’acti-vistes ont reçu des menaces de mort. Ces crimes n’ont jamais été élucidés.

Décider en toute souverainetéDepuis, des groupes environnementaux et religieux, des radios communautaires, des communes et d’autres organisations de la société civile ont constitué en-semble une table ronde contre l’exploi-tation minière. En 2014, celle-ci a mené diverses actions pour souligner le droit du Salvador à décider en toute souve-raineté.La dernière audience dans le cas qui oppose Pacifique Rim Cayman LLC./OceanaGold à la République du Salvador a eu lieu le 15 septembre 2014 devant la cour arbitrale de la Banque mondiale. La décision est attendue courant 2015. Alors qu’il existe depuis plusieurs décen-nies, le CIRDI n’a acquis son poids actuel qu’avec l’avènement des récents accords de libre-échange, qui réservent le droit à des entreprises de porter plainte contre des Etats afin de protéger leurs investis-sements.A ce jour, la procédure a coûté plus de 6 millions de dollars au Salvador. Le montant vertigineux des coûts peut dis-suader les pays pauvres de s’opposer aux intérêts des multinationales.D’où toute l’importance du soutien que Solidar apporte aux organisations de la société civile dans leur engagement en faveur de la protection de l’environne-ment, d’une production à petite échelle et respectueuse des ressources et de la participation démocratique.

Cabañas est un département situé au nord du Salvador qui a subi des des-tructions massives durant la guerre de 1980 à 1992. Après avoir appuyé les travaux de reconstruction, Solidar sou-tient actuellement trois organisations civiles engagées dans le développement communautaire et un groupement de femmes. L’objectif est de permettre à la population locale d’intervenir dans le développement villageois et commu-nal, ainsi que d’améliorer les conditions de vie d’une population en majorité très pauvre et principalement formée de petits paysans. Par leurs actions et par le biais de leur radio locale, les parte-naires de Solidar s’efforcent de préser-ver l’environnement et le libre accès à leurs terres.www.solidar.ch/fr/cabanas

Cabañas

Anja Ibkendanz est responsable des projets de Solidar Suisse au Salvador. Alecus est le nom d’artiste du dessina-teur bédéiste Ricardo Clement.

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Le colonialisme a préparé le terrain au capitalisme. Afin de changer cela, des réglementations mondiales pour un travail décent sont nécessaires.Texte Eva Geel. Photo: Public Domain

MOTEUR DU CAPITALISME

Les moyens étaient archaïques, mais le système moderne. Lorsque les colonisa-teurs européens firent main basse sur le monde il y a 500 ans, ils créèrent un sys-tème économique dont la forme fonda-mentale est aujourd’hui encore en vigueur. L’historien Sven Beckert le montre dans son dernier ouvrage «King Cotton» à l’aide de l’exemple, a priori banal, du coton. Plus que l’argent ou l’or, le coton fut la monnaie et le moteur du colonialisme. A l’époque précoloniale déjà, de fines cotonnades de la meilleure qualité étaient produites

par des tisserand-e-s indiens. Les Euro-péen-nes-s, vêtus de laine râpeuse, convoitaient vivement cette matière aux couleurs vives, légère comme la plume. Mais ce n’est que lorsque la route mari-time vers les Indes fut découverte, vers 1500, que le commerce se développa à grande échelle.

Du sang, de la sueur et des larmesC’est ainsi que s’établit un circuit des-tructeur: les marchands coloniaux et les compagnies commerciales, comme l’East

India Company britannique, achètent le coton indien, qui leur permet d’acquérir des esclaves noirs qu’ils déportent en-suite en Amérique. Là-bas, hommes, femmes et enfants travaillent sur les plantations. Les produits agricoles qu’ils cultivent au prix du sang, de la sueur et des larmes reviennent ensuite en Europe où ils sont consommés.Ce faisant, les Européens développèrent une nouvelle méthode d’organisation des circuits économiques et posèrent les fon-dements du capitalisme. Expansion, vol

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POINT FORT 13

L’esclavage fut la clé du succès des colonisateurs

Les conditions de travail dans l’industrie du coton restent précaires: des enfants récoltant le coton en Ouzbékistan en 2012 (à gauche).

des terres et esclavage en étaient les pierres angulaires. Et le coton y joua un rôle central. Il était, selon Beckert, «le moyen d’échange prédominant pour ac-quérir des esclaves sur le littoral africain».Cette phase du colonialisme, jusqu’en 1800, été marquée par une violence pri-vée massive. Ce n’est pas par hasard que Beckert l’appelle le «capitalisme guerrier»: les Etats n’exerçaient guère leur pouvoir souverain sur ces lointains territoires étrangers. A la place, ils soutenaient les rapines des entreprises commerciales.

Des commerçants armés s’emparaient des terres et de leur population et me-naient une chasse – au vrai sens du terme – à la main-d’œuvre, mise en esclavage pour assurer le succès économique des colonisateurs.

La dissociation du droitLe capitalisme guerrier s’appuyait sur une division schizophrénique du monde: le monde interne aux colonialistes suivait les lois, les institutions et les règles du pays d’origine. Le monde externe était en re-vanche le lieu de la domination impériale, de l’expropriation impunie d’immenses régions, de la décimation et de la mise en esclavage de peuples entiers. Cette ana-lyse de Beckert a des accents familiers. Même si le monde a changé depuis l’époque du colonialisme, si l’esclavage a été officiellement aboli et s’il existe des réglementations économiques contraignantes, de nombreuses entre-prises occidentales continuent de diviser le monde en deux parts, interne et ex-terne, cette dernière ne connaissant pas les mêmes règles. En témoignent les conditions de travail catastrophiques dans les fabriques de vêtements asiatiques, le travail des enfants en Amérique du Sud, l’exploitation et la pollution de l’environ-nement lors de l’extraction des matières premières en Afrique: la liste peut s’al-longer à volonté. Et les marchandises parviennent comme par le passé aux consommateurs et consommatrices euro-

Eva Gelle est responsable de la communication de Solidar Suisse.

péens sous la forme de t-shirts bon mar-ché, de téléphones mobiles, de bijoux, de chocolats.Bien sûr, un certain nombre d’entreprises respectent des normes. Et entre-temps, ce n’est plus seulement l’Ouest qui profite de la logique et des méthodes de l’éco-nomie mondiale. Mais sa part d’ombre reste bien présente: selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 20 millions de personnes végètent dans une existence misérable, comme esclaves ou travailleurs forcés.

Une solution: le travail décentIl est donc d’autant plus important de bri - ser enfin cette dynamique par des regle-mentations mondiales. Un pas important semble avoir été fait dans la bonne direc-tion. Non seulement à travers la nouvelle initiative suisse pour la responsabilité des multinationales du pays (voir annexe), mais aussi par le biais des nouveaux objectifs du développement de l’ONU qui doivent être approuvés en automne 2015.L’ONU va pour la première fois placer en tête de son ordre du jour la question du travail décent pour tous et toutes. C’est un succès, même s’il s’agit d’un objectif parmi d’autres et que son application est encore dans les limbes. Car pour la pre-mière fois, les Etats reconnaîtraient qu’il

existe une nécessité fondamentale d’agir dans ce domaine.Solidar Suisse s’est engagé dans la pro-cédure de consultation pour des condi-tions de travail décentes. Nous allons continuer de suivre avec attention les dis-cussions et la mise en œuvre à venir. Car avec l’objectif onusien d’un travail décent, une nouvelle perspective prometteuse s’ouvre à l’humanité: celle de tourner enfin la page du colonialisme.

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14 BRÈVES

3603 signatures pour une adjudication décenteLe 19 décembre, Solidar Suisse a remis sa réponse à la procédure de consul-tation relative à la révision de l’Accord inter cantonal sur les marchés publics (AIMP). Nous y défendons la nécessité d’inscrire dans la loi le fait que l’adju-dication respecte des critères sociaux, écologiques et de développement du-rable, puisque, malheureusement, l’occa-sion n’en avait pas été saisie lors de la rédaction du projet de loi. Il est essentiel que les pouvoirs publics qui achètent an-nuellement 40 milliards de marchandises et de services se pré occupent du respect du droit du travail lors de la production de ceux-ci. C’est aussi la conviction des 3603 cosignataires de la réponse à la consultation.

Le Mondial au QatarLa Coupe du monde au Qatar en 2022 suscite l’attention des médias. Et avec raison: plus de 1000 travailleurs et tra-vailleuses migrant-e-s sont mort-e-s sur les chantiers qataris ces trois dernières années. Ils travaillent trop, pour un salaire trop faible, parfois payé partiellement, et ne peuvent pas démissionner, sans parler même de quitter le pays, car les entre-prises retiennent leurs passeports.Solidar soutient depuis peu un centre qui fournit sur place des conseils juri-diques aux travailleurs et travailleuses migrant-e-s. Par cet engagement, nous contribuons à l’amélioration des condi-tions de travail et de vie et obtenons des informations de première main pour nos campagnes en faveur de Coupes du monde socialement responsables.

Un portrait vidéo de Solidar SuisseUne nouvelle vidéo de trois minutes don-ne une idée du travail de Solidar Suisse: l’engagement pour le droit à des condi-tions de travail décentes dans le monde entier, l’aide humanitaire en cas de catas-trophe et les campagnes de sensibilisati-on en Suisse. On peut la visionner sous: www.solidar.ch/fr/mediatheque

Une nouvelle coopération en AsieL’Asie reste l’atelier du monde et le centre de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses. Une bonne raison pour renforcer notre engagement dans cette région. L’an dernier, Solidar Suisse a entamé sa collaboration avec le Asia Monitoring Research Centre (AMRC). Elle a permis de soutenir différentes for-mations continues pour les travailleurs et travailleuses dont des journées d’étude sur les risques dans les branches de l’électronique et du textile en Chine ou un échange d’expériences d’organisations asiatiques de salarié-e-s en matière de protection sociale et de droit du travail.L’AMRC, fondé en 1976, est particulière-

Pakistan: une loi contre la violence faite aux enfantsLe 6 mars 2015, le premier ministre Nawaz Sharif a approuvé une modifica-tion du Code pénal qui interdit l’exploita-tion sexuelle des enfants, leur commerce et les peines corporelles.C’est un succès important dans un pays où le travail des enfants est largement répandu et les enfants travailleurs sou-vent touchés par la violence et les agres-sions sexuelles. A cause de la grande

pauvreté, plus de la moitié des enfants ne vont pas à l’école.L’organisation partenaire de Solidar, Group Development Pakistan, a contri-bué à ce changement législatif par son travail de lobbyisme. Le prochain obsta-cle à fran -chir sera celui du Parlement. Si la loi est adoptée, elle offrira un moyen d’action contre la violence faite aux en-fants et aura en outre un effet préventif. Elle pourra aussi avoir des effets positifs sur le projet de Solidar à Lahore contre le travail des enfants: d’une part, les pa-rents pourraient être ainsi motivés pour renvoyer leurs enfants à l’école et, d’autre part, elle permettrait de punir les auteurs des maltraitances et des agressions sexuelles.www.solidar.ch/fr/travaildesenfants

ment connu en Asie pour ses recherches rigoureuses autour de la question du tra-vail, pour son activité de centre de for-mation et donc son suivi des tendances évolutives. Une voix indépendante pour le respect du droit du travail, qui dénonce publiquement les abus.www.solidar.ch/fr/amrc

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Solution

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LE SUDOKU DE SOLIDAR Règles du jeuRemplissez les cases vides par des chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre ne peut figurer qu’une seule fois sur chaque ligne, chaque colonne et dans chacun des neuf blocs de 3 x 3 cases. La solution est trouvée à partir des chiffres inscrits dans les cases hachurées, en suivant la clé suivante: 1 = S, 2 = L, 3 = E, 4 = M, 5 = C, 6 = N, 7 = O, 8 = A, 9 = I

Envoyez votre réponse à: Solidar Suisse sur une carte postale ou par courriel à: [email protected], avec la mention «concours»

1er prix: une corbeille à linge2e prix: un sac à main

Les prix proviennent d’un groupe de producteurs de palmes du nord du Sri Lanka. Après la guerre, ils sont rentrés dans leur village et, avec l’aide de Solidar, se sont unis en groupes de production afin d’assurer leur existence.

La date limite d’envoi est le 15 juin. Les noms des gagnant-e-s seront publiés dans le numéro 3/2015 de «Solidarité». Aucune correspondance ne sera échangée concernant ce concours. Tout recours juridique est exclu. Les collaborateurs et collaboratrices de Solidar Suisse ne peuvent partici-per au concours.

La solution du concours paru dans «Solidarité» 1/2015 était «Social Media». Michelle Ody de Lausanne a gagné un sac à dos LanzArte, Laurent Junier du Mont-sur-Lausanne un t-shirt LanzArte et Susanne Sturm de Langnau un porte-clés Doctora-Edilicia. Nous remercions Solidar Bolivie pour les prix offerts ainsi que tous ceux et toutes celles qui ont participé au jeu.

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CONCOURS 15

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MERCI!

L’an passé, de nom -breuses personnes ont pu retrouver l’espoir et améliorer durablement leurs conditions de vie.

Les legs faits à Solidar par des per-sonnes qui ont pensé à notre organisa-tion en sus de leur famille et de leurs proches amis ont notablement contribué à ce résultat.

Nous voulons très chaleureusement en remercier les donateurs.

Si vous envisagez vous aussi de nous mentionner dans votre testament, nous vous fournirons volontiers les rensei-gnements ou les aide-mémoire néces - saires. Prière de vous adresser à: [email protected], 044 444 19 45

Page 16: Solidarité 2/2015

16 ACTUALITÉ

«Le bon cœur ne suffit pas!» Avec cette citation de Regina Kägi-Fuchsmann, fondatrice de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), la stratégie 2015 – 2019 de Solidar Suisse lance un pont vers nos racines: créée dans le contexte de la détresse de la population lors de la guerre civile espagnole, l’aide humani-taire était initialement notre priorité. Mais comme les interventions humanitaires ne font pas reculer la pauvreté et l’injus-tice sociale, l’engagement à long terme dans la coopération au développement a toujours constitué un complément ap-proprié. La division des projets à l’étranger – comme on l’appelait alors – de l’OSEO est devenue indépendante en 2005. De-puis 2011, nous poursuivons notre enga-gement à l’enseigne de Solidar Suisse. La réorganisation a aussi conduit à une professionnalisation sur fond de nouvelle orientation stratégique: il s’agissait de lutter contre la pauvreté en s’engageant

pour des conditions de travail couvrant les besoins vitaux. L’Agenda pour le travail décent de l’Organisation interna-tionale du travail (OIT) a tracé le cadre normatif: créer des emplois, garantir les droits du travail et une protection sociale et encourager le dialogue social – trans-posé dans le contexte local respectif.

Consolider ce qui a fait ses preuves et oser innoverNous fondant sur une analyse de contexte détaillée et sur un processus qui a inclus les collaborateurs en Suisse et à l’étranger, nous avons formulé en 2014 les lignes directrices pour les cinq prochaines années. Il est apparu qu’au vu de l’exploitation de la main-d’œuvre, dans le secteur informel surtout, la priorité d’un travail garantissant des conditions d’existence convenables restait judi-cieuse et importante. Notre stratégie concrétise cinq nouveaux objectifs dans ce domaine.

Objectifs:• La main-d’œuvre exploitée est mieux

protégée – par des mesures sur les lieux de travail, le respect des lois du travail et une couverture sociale.

• Les personnes démunies et vulnérables obtiennent des possibilités de s’assurer un revenu couvrant leurs besoins vitaux.

• Les personnes sans travail peuvent subvenir à leurs besoins et les jeunes ont davantage d’op portunités sur le marché de l’emploi. Le nombre de travailleurs occupant un emploi précaire recule.

• Les formes extrêmes d’exploitation comme le travail forcé, le travail des enfants et l’esclavage moderne sont éliminées.

• Des organisations représentatives et démocratiques de la société civile contribuent à des changements structurels socialement équitables et durables.

Avec sa nouvelle stratégie, Solidar Suisse mise sur le travail décent et la participation démocratique comme véritables piliers de la lutte contre la pauvreté.Texte: Esther Maurer. Photos: Jürg Gasser, Paola Lambertin, Désirée Good

RENDRE L’AVENIR POSSIBLE

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ACTUALITÉ 17

Esther Maurer est la directrice de Solidar Suisse.

Ces objectifs permettent à Solidar Suisse de devenir la plateforme la plus compé-tente pour toutes les questions liées à la lutte contre les conditions de travail faisant fi de la dignité humaine.

Travail décent pour tout un chacun«Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible», écrivait Antoine de Saint-Exupéry. En for-geant notre vision, la question de savoir ce qui était possible et à quel niveau nous pouvions agir s’est posée.Bien que conscients de nos limites, nous avons formulé la vision d’une société pour laquelle il vaut la peine de lutter:

Vision: Le droit à un travail décent, à la justice sociale et à la couverture des be-soins vitaux est respecté partout sur la planète – et la pauvreté est vaincue. Cha-cune et chacun peuvent mener leur vie de manière autonome et dans la dignité.

Notre mission souligne comment nous entendons réaliser cette vision. Il s’avère que nous ne sommes efficaces que si nous encourageons simultanément des structures démocratiques et la participa-tion aux processus sociopolitiques.

Mission: Dans des pays en développe-ment, émergents et en transition, Solidar Suisse lutte pour la justice sociale et contre l’exploitation. Des conditions de travail décentes, la répartition équitable des ressources et des services ainsi que la participation politique et des structures fédéralistes pour aménager son propre cadre de vie sont des droits humains fondamentaux, au cœur de l’engagement de Solidar Suisse.

Felix Gnehm, responsable des pro-grammes internationaux, précise ce que la nouvelle stratégie signifie concrète-ment pour Solidar: «Nous adaptons nos programmes au cadre stratégique. Au Sri

Lanka et au Pakistan, nous mettons déjà en œuvre une nouvelle génération de projets centrés sur la protection des per-sonnes exploitées dont les conditions de travail sont marquées par la précarité: enfants, cueilleuses de thé, victimes de conflits.»Lors de la conférence de Solidar de cette année, nous identifierons avec nos coor-dinatrices et coordinateurs nationaux les endroits où le besoin d’agir est le plus pressant. Ensemble, nous voulons faire en sorte que les gens puissent se dé-fendre efficacement contre l’exploitation et obtiennent des conditions de travail convenables ainsi que des salaires assu-rant une vie décente.

Nous nous réjouissons de continuer à compter sur votre soutien. Engagez-vous à nos côtés! www.solidar.ch/fr/strategie

Solidar s’engage notamment contre le travail des enfants et pour la formation professionnelle des jeunes au Burkina Faso et pour de meilleures conditions de travail des cueilleurs et cueilleuses de cannes à sucre et des employé-e-s de maison en Bolivie (de gauche à droite).

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L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTREEn Bolivie, Nayra Muñoz, jeune femme de 23 ans lutte en faveur des droits humains. Son engagement rayonne au-delà des murs des théâtres.Texte et photo: Stéphane Cusin

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«El Animal parle de la réalité quotidienne. Nous nous inspirons d’histoires réelles, notamment de la violence, et nous créons des spectacles. Ainsi, nous sensibilisons notre public et nous provoquons le dé-bat», déclare Nayra Muñoz pour expliquer son engagement au sein de la troupe de théâtre El Animal. En mettant en scène la vie quotidienne, la troupe anime le dé-bat public et permet aux enfants et aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations.

«Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles. J’aime ce théâtre.»

Une création bouleversanteNayra Muñoz a découvert le théâtre à 9 ans déjà. Son père l’a «forcée» à monter sur les planches afin de vaincre sa timidité. A 18 ans, elle est devenue membre de la troupe de théâtre El Animal, formée de neuf femmes. Elles donnent actuellement des représentations d’une pièce, fruit de leur création: «Invisible». Il y est question de jeunes femmes enlevées par des organisations mafieuses et

soumises à la prostitution ou au vol d’organes. «Nombre de personnes ne prennent conscience de cette réalité qu’en assistant à notre spectacle et sont bouleversés par la mise en scène», ra-conte Nayra. Dans cette pièce elle interprète trois personnages: une mère dont la fille a été enlevée, une jeune femme obligée de se prostituer et une femme proxénète. Ce sont des rôles éprouvants. «Nous arrivons à peine à imaginer la réalité de ces gens. Alors, les jouer!… Trois scènes sont particu-lièrement dures: dans l’une d’elles, deux hommes – joués par des femmes – me crachent au visage et l’un d’eux me saisit les seins. Puis je cherche ma fille dispa-rue. Elle est tout près, mais on l’empêche de crier.» Nayra Muñoz pense qu’elle ne parviendrait pas à interpréter ces rôles sans la confiance et le soutien entre les filles de la troupe.Aujourd’hui, Nayra a l’envie de poursuivre son activité dans le théâtre. Peut-être même d’en vivre. Cependant, elle est réa-liste. Ses parents l’encouragent à suivre sa passion, «mais ils trouvent que je devrais d’abord terminer mes études de droit, pour avoir un métier ‹sérieux›», dit-elle en souriant.

L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTRE

Nayra Muñoz s’appuie sur sa passion pour le théâtre afin

d’initier des changements.

PORTRAIT 19

Un don de 70 francs suffit pour finan-cer un atelier de théâtre d’une journée entière pour quinze jeunes.

La troupe de théâtre El Animal par-ticipe au projet LanzArte de Solidar. Celui-ci offre la possibilité aux jeunes d’utiliser le théâtre, la danse et le cinéma afin de parler de leur quotidien et d’exprimer leurs idées. En Bolivie, pour les jeunes, il n’est en effet pas habituel de faire connaître publique-ment leur avis. Le projet les encou-rage dès lors à aborder des problèmes du quotidien.www.solidar.ch/fr/lanzarte

Votre don compte!

LanzArte

«Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles.»

Lorsque la troupe est en tournée dans les écoles, des jeunes approchent sou-vent les comédiennes, car ils souhaite-raient aussi faire du théâtre. Ils sont alors invités à rejoindre la relève composée de neuf groups. Nayra Muñoz s’occupe des plus jeunes: «Je les aide à entrer dans le monde du théâtre et des acteurs. C’est super de leur transmettre ma passion!», ajoute-t-elle enthousiaste.Ces jeunes vivent ou connaissent des situations de violence ou de précarité. Le théâtre leurs permet de développer, notamment la confiance et l’estime de soi. Ainsi, ils sont mieux armés pour se

projeter dans un avenir incertain. Sans succomber au découragement Nayra Muñoz poursuit la lutte: «Malgré les coutumes, je n’accepte pas que d’autres me dictent ce que je dois

faire ou ne pas faire. Je transmets aux jeunes mon engagement pour la liberté et les droits humains. Je les encourage à respecter autrui et à exiger d’être res-pectés en retour.»

Stéphane Cusin est chargé de la collecte de fonds chez Solidar Suisse et a récemment visité nos projets en Bolivie.

Page 20: Solidarité 2/2015

Les multinationales suisses violent les droits humains et les standards environnementaux à

l’étranger. Avec d’autres organisations, Solidar Suisse lance l’initiative «pour des multina-

tionales responsables». Celle-ci demande des règles contraignantes pour que les entreprises

suisses respectent aussi à l’étranger les droits humains, le travail décent et l’environnement.

Signez l’initiative populaire pour des multinationales responsables.

La feuille de signatures est disponible en annexe ou sur

www.solidar.ch/fr/multinationalesresponsables

LES MULTINATIONALES DOIVENT RESPECTER LES DROITS HUMAINS!

Page 21: Solidarité 2/2015

Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 ÉDITORIAL

la pétition. «La FIFA exige une vaste exemption d’impôts dans un pays où les Coupes du monde sont organisées. Or cet allégement fiscal est justifié par la FIFA sous prétexte qu’elle paie déjà des impôts en Suisse.» Selon l’œuvre d’entraide, «la FIFA réalise au final des bénéfices très élevés, non imposés, et accumule des milliards au détriment de la population suisse et des pays hôtes.»

21.03.2015La FIFA n’encaisse pas de but au NationalPas touche à la FIFA! Le Conseil national a refusé hier de donner suite à une péti-tion demandant de mettre fin aux privi-lèges fiscaux accordés à la Fédération internationale de football. La Jeunesse socialiste suisse (JSS) et l’organisation Solidar avaient recueilli plus de 10 000 signatures. Dans un communiqué, Solidar affiche sa déception face au rejet de

Chère lectrice, cher lecteur,En 1962, l’Algérie s’est libérée du joug de la France après une sanglante guerre d’indépendance. En 1966, mon frère et sa femme sont partis à Alger pour établir un centre de formation professionnelle sur mandat de l’OSEO. Les premiers diplômés trouvaient un emploi avant la fin de leurs études déjà car, après toutes ces années de mainmise étrangère, il n’y avait quasi-ment pas de spécialistes locaux dans le pays. Lorsque je me suis rendue plu-sieurs fois en Algérie dans les années 1980, ce déficit restait perceptible. La fameuse fuite des cerveaux est toujours une réalité puisque seules quelques per-sonnes voient des opportunités de travail dans leur propre pays et sont prêtes à renoncer à une carrière rimant avec bien-être, à l’étranger, pour mener chez elles une activité de reconstruction complexe.

Naturellement, on peut prétendre que d’autres facteurs ont fait reculer plus fortement l’Algérie que l’exploitation coloniale par la France. Mais je me demande fondamentalement si de tels excès ne trouvent justement pas un terreau idéal dans la socié-té postcoloniale.

Vous me ferez remarquer qu’on assiste actuellement au Kosovo à une vague migratoire provoquée par un système social dans lequel la population ne voit pas d’avenir et que ce pays n’a pas été colonisé. Je vous rétorquerai que la dépendance séculaire

du Kosovo envers d’autres Etats et puissances occupantes a des points communs avec l’exploitation coloniale et le fait de négliger, par voie de conséquence, le développement intérieur.

La plupart des pays prioritaires de Solidar Suisse ont un passé colonial. Vu la politique commerciale pratiquée par les puissances coloniales, ils ont entamé leur carrière d’Etats indépendants avec des désavantages initiaux conséquents. Souvent, ils servaient uniquement de pourvoyeurs de matières premières et toute relation commerciale avec d’autres Etats leur était interdite. Certains pays ont dû lutter pour leur autonomie dans des guerres d’indépendance destruc-trices dont les blessures ne sont pas toutes guéries. Que ce soit au Burkina Faso, en Amérique latine ou au Sri Lanka,

seuls des principes démocratiques fondamentaux garantissent un développement ne profitant pas à quelques-uns seulement mais au bien-être de larges couches de la population.

La lutte contre la pauvreté, inscrite dans notre nouvelle stra-tégie, repose sur trois piliers: travail décent pour couvrir les besoins vitaux, aide humanitaire ainsi que démocratie et participation. Ce dernier pilier est la réponse de Solidar Suisse aux anciennes blessures encore larvées du colonialisme et aux nouvelles plaies sanglantes, une des facettes de la mondialisation.

Esther Maurer

11.12.2014L’impact des dons suisses en Asie du Sud 10 ans après le tsunamiLes projets menés en Asie du Sud grâce aux 227 millions de francs récoltés par la Chaîne du Bonheur après le tsunami de 2004 ont eu un impact généralement positif. L’évaluation concerne les 29 plus grandes opérations réalisées par les an-tennes suisses de ADNA et de Caritas, ainsi que l’Entraide protestante, Swiss-contact, Solidar Suisse et la Croix-Rouge.

REVUE DE PRESSE

Page 22: Solidarité 2/2015

POINT FORT L’héritage du colonialisme 4 Les coordinatrices et coordinateurs nationaux de Solidar s’expriment sur les traces que le colonialisme a laissées dans leurs pays 6 Accaparement de terres: une forme moderne de colonialisme 9 L’entreprise Pacific Rim porte plainte contre l’Etat du Salvador et lui demande une indemnisation pour les pertes potentielles subies 10 Pour gommer les anciennes structures colonialistes, il faut des normes relatives au travail décent 12 ACTUALITÉ Travail décent et participation démo-cratique – ces piliers de la nouvelle stratégie de Solidar sont la clé de la lutte contre la pauvreté 16 PORTRAIT En Bolivie, Nayra Muñoz encourage par le théâtre la réflexion sur les enjeux sociaux et donne une voix à la jeunesse 18 CHRONIQUE 11 BRÈVES 14 CONCOURS 15

Editeur:Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Case postale 2228, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction:Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction: Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Catherine VallatImpression et expédition:Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhouseParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement. Photo de couverture: Fausta Carmi travaille dans des conditions décentes sur une plantation de cannes à sucre en Bolivie. Photo: Désirée Good. Dernière page: Signez la pétition pour des multinationales responsables. Photo: Oliver Gemperle.

IMPRESSUM

PORTRAIT Nayra Muñoz invite le public à engager le débat et donne aux jeunes Boliviens la possibilité d’exprimer leurs idées et leurs perspectives.

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POINT FORTLe colonialisme a posé les bases du capitalisme et de la mondialisation et, en de nombreux endroits, il marque encore le monde d’aujourd’hui.

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Page 23: Solidarité 2/2015

4

Dans la carrière de pierre de Pissy, à proximité de Ouagadougou au Burkina Faso, des femmes, des

hommes et des enfants tentent de gagner leur vie.

Page 24: Solidarité 2/2015

POINT FORT

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Le colonialisme a jeté les bases du capitalisme et de la mondialisation. A présent que les anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, il se mue en néocolonialisme. Des accords de libre-échange perpétuent de vieilles servitudes, les fl ux fi nanciers bénéfi cient en fi n de compte aux pays du Nord et l’accaparement des terres s’aggrave sans cesse. Dans ce dernier cas, les cultures pratiquées dans le Sud pour approvi-sionner le Nord rappellent étrangement les pratiques coloniales. En lisant les pages ci-après, vous en apprendrez davantage sur l’héritage du colonialisme et comment Solidar y fait face dans ses activités.Photo: Jürg Gasser

L’HÉRITAGE DU COLONIALISME

Page 25: Solidarité 2/2015

6 POINT FORT

Solidar contribue à surmonter l’héritage négatif du colonialisme avec notamment l’introduction de la formation plurilingue au Burkina Faso (à droite au milieu) ou le soutien aux familles tamoules de cueilleurs et cueilleuses de thé au Sri Lanka (à droite en bas).

Quel héritage le colonialisme a-t-il légué aux pays prioritaires de Solidar Suisse? Nous avons posé la question à nos coordinatrices et coordinateurs sur place.Photos: Désirée Good, Jürg Gasser, Hamish John Appleby, Rico Jacometti

Page 26: Solidarité 2/2015

Au Salvador, les colonisateurs se sont approprié la capacité de travail et les richesses de la civilisation préhispanique en accaparant les terres et en réduisant la population à l’esclavage. En taxant d’hérétiques les cultures et les idées pré-coloniales, l’Eglise a joué un rôle décisif pour établir la puissance coloniale.L’accession officielle à l’indépendance, en 1821, n’a rien changé. Les grands propriétaires terriens, les anciens fonc-tionnaires coloniaux et les membres du clergé catholique ont pris le pouvoir et accru leurs richesses en exportant des matières premières. L’exploitation s’est perpétuée même en l’absence de puis-sance coloniale, creusant les inégalités sociales et entravant le développement industriel. Aujourd’hui encore, pouvoir et propriété foncière sont répartis entre seulement quatorze familles. Depuis 2009, le pays est dirigé pour la première fois par un gouvernement qui n’est pas orienté à droite. Des progrès prometteurs commencent à briser les structures héritées du colonialisme: pro-motion de la petite production, intensifi-cation du dialogue entre population et instances étatiques. C’est tout bénéfice pour Solidar Suisse, qui s’attache depuis 1992 à promouvoir la participation dé-mocratique de la majorité pauvre de la population et à améliorer ses perspec-tives de développement économique.Le legs colonial reste néanmoins bien présent: la petite production ne peut pas concurrencer les produits bon marché, car subventionnés, importés dans le cadre des accords de libre-échange et la torréfaction du café reste l’apanage de l’Europe et des Etats-Unis.

INÉGALITÉSSOCIALES

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Martín PérezBolivie

A La Paz, des hommes et des femmes en costumes multicolores dansent dans les rues. Ils célèbrent la Fiesta del Señor del Gran Poder, une fête d’inspiration chrétienne: les fidèles promènent le saint dans la ville et les prêtres autochtones les accompagnent en portant des of-frandes à la Pachamama (la Terre-Mère).A 1000 kilomètres de là, à Camiri (est de la Bolivie), des Guaranis remettent aux autorités communales (une institution de la démocratie représentative) les reven-dications formulées par l’assemblée villa-geoise (une institution de la démocratie précoloniale).A Icla, des greffiers et greffières autoch-tones participent à une réunion conviée par un réseau contre la violence. L’ob-jectif est d’éradiquer la violence envers les femmes, qui sévit aussi bien à la campagne que dans les villes. Leur meil-leure arme est la Constitution bolivienne, puisqu’elle associe l’idéal traditionnel des autochtones («bien vivre») et le respect des droits humains modernes.La colonisation a laissé des traces dans tous les secteurs de la société bolivienne. L’un de ses héritages positifs est la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui s’applique à tout individu indépendamment de son origine. Res-pectant les différentes cultures du pays, Solidar contribue à construire des valeurs communes afin d’assurer la cohésion sociale. Nos activités reposent sur les droits humains, en particulier ceux des femmes, des jeunes et des travailleurs. Ces droits sont aussi une source d’inspi-ration pour promouvoir la justice sociale.

DROITS HUMAINS UNIVERSELS

Yolanda MartinezEl Salvador

POINT FORT 7

MENTALITÉ COLONISÉE

Dieudonné ZaongoBurkina Faso

La colonisation de la Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, poursuivait trois objectifs: utiliser la population indigène comme réservoir de main-d’œuvre, cultiver des produits d’exportation, tels les arachides et le coton, et mener une «mission civili-satrice».Soumis durant de longues années à la domination coloniale, les colonisés ont commencé à croire l’allégation selon laquelle ils étaient incapables de penser. Il leur fut donc impossible d’imaginer un avenir qui s’écarterait du modèle de développement préconisé par les colons. Cette mentalité reste si répandue que les pays africains, désormais indépen-dants, ont toujours besoin de l’appui des anciens colonisateurs pour définir leurs stratégies de développement. Par le biais des accords de libre-échange, des mesures d’ajustement structurel et la présence militaire étrangère, les éco-nomies africaines continuent de servir les intérêts des anciennes puissances coloniales.L’héritage transmis par le colonialisme au Burkina Faso va de l’habillement – costume trois-pièces et cravate par 43 degrés à l’ombre – à l’analphabétisme en passant par la dévalorisation du mode de vie rural. Les colons ont profité du fait que la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire pour empêcher la population de participer aux décisions. Le néocolonia-lisme perpétue cette tradition: aujourd’hui encore, l’enseignement scolaire est dis-pensé en français, langue que beaucoup d’enfants ne comprennent pas. Solidar Suisse tente de faire évoluer la situation en introduisant par exemple la formation plurilingue au Burkina Faso.

Page 27: Solidarité 2/2015

8 POINT FORT

VOIES DE TRANSPORT COLONIALES

Jorge LampiãoMozambique

Daniel BronkalSri Lanka

La présence de Tamouls indiens au Sri Lanka est un héritage colonial. Ces migrants ont commencé à quitter le sud de l’Inde à partir de 1840 pour rejoindre l’ancienne Ceylan, car la population locale ne suffisait plus à assurer tout le travail dans les plantations des colons anglais, tout d’abord vouées à la culture du café, puis à celle du thé. Avec l’essor du thé, les travailleurs ont ensuite fait venir leurs familles. Même si la situation des Tamouls indiens s’est améliorée ces dernières an-nées, ils continuent de former le groupe de population le plus pauvre et le plus défavorisé du pays. Une autre conséquence du colonialisme, qui a toutefois aussi des origines cultu-relles, réside dans l’écart qui sépare les classes sociales. Cet écart est tel qu’il est extrêmement difficile d’introduire des «hiérarchies transversales».Dans les activités qu’elle mène au Sri Lanka, Solidar Suisse est confrontée à ces deux problèmes. Nous œuvrons dès lors à améliorer la situation des Tamouls en plaidant pour l’introduction d’une certi-fication dans diverses plantations de thé (lire à ce propos l’édition 4/2014 de «Solidarité»). Cette certification inclut des critères sociaux, comme l’interdiction du travail des enfants, une durée de travail maximale de 48 heures hebdomadaires et le respect des salaires minimaux locaux. Pour assouplir la hiérarchie, nous faisons participer tous les membres des équipes de projet aux décisions et soute-nons les processus démocratiques au sein de la population.www.solidar.ch/fr/plantation-de-the

EXPLOITATION ET RIGIDITÉ HIÉRARCHIQUE

Le passé colonial est encore très présent dans le Nicaragua d’aujourd’hui: la corruption et le système de complai-sances qui gangrènent l’administration remontent à l’ère où le pays était dirigé par la monarchie espagnole, qui mettait les postes politiques aux enchères. L’exploitation du pays par les colons a entravé le développement d’une produc-tion rentable et instauré une mentalité qui a perduré jusqu’à nos jours: les riches achètent des terres fertiles et des mai-sons pour spéculer, sans se préoccuper de créer des structures productives. La traite des femmes constitue aussi bien un héritage colonial qu’une forme moderne d’esclavage. Quant à l’attitude fataliste, selon laquelle il faut supporter une vie de misère pour connaître le bonheur dans l’au-delà, elle repose sur la «volonté de Dieu» propagée par la religion catholique.Aujourd’hui, le colonialisme trouve son prolongement dans des accords de libre-échange dont les dispositions sont défi-nies par les pays riches. Ceux-ci pro-tègent ainsi leur agriculture contre les importations, tandis que leurs produits subventionnés à grands frais accèdent librement aux marchés des pays pauvres, où les agriculteurs et les agricultrices sont dépourvus de tout soutien. Solidar Suisse œuvre pour améliorer leurs condi-tions de vie et leur participation aux décisions.

CORRUPTION ET FATALISME

Carmen Ayón Nicaragua

Au Mozambique, la puissance coloniale a construit les voies de transport en fonction de ses intérêts économiques. A ses yeux, le développement local était secondaire. Cette inégalité reste claire-ment perceptible: les localités présentant un attrait économique sont reliées par un efficace réseau de communications, alors que de vastes portions du pays restent à l’écart. Cet héritage du colonialisme perdure en-core aujourd’hui, puisque la communauté internationale fournit un appui consi-dérable au couloir de Beira qui revêt une importance cruciale pour l’économie. Mais la population locale passe au se-cond plan. Les trains qui empruntent la ligne transportent de grandes quantités de bois, de carburant, de céréales et d’engrais, sans que les trois millions d’ha-bitants du couloir de Beira en profitent. Même les projets d’investissement étran-gers délaissent la population locale. La location de grandes surfaces cultivables à des multinationales nuit à l’environne-ment et concentre la propriété de vastes territoires entre les mains d’une minorité, alors que la population indigène se voit privée de ses moyens d’existence (lire l’article à la page 9).Pour se débarrasser de l’héritage colo-nial, les personnes concernées doivent prendre part aux décisions. Voilà pour-quoi Solidar Suisse œuvre pour renforcer leur participation démocratique.

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9THEMA 9POINT FORT 9

Kwame Nkrumah, le premier président du Ghana, a défini le néocolonialisme comme le système politique et écono-mique appliqué dans des pays officielle-ment indépendants, mais qui est dirigé depuis l’étranger. Les investissements étrangers ne conduisent alors pas au développement, mais à l’exploitation. Ils creusent le fossé entre pays pauvres et riches.Formulée il y a une cinquantaine d’an-nées, cette analyse n’a rien perdu de son actualité. L’argent continue en effet d’affluer des pays du Sud vers ceux du Nord, soit par le biais de l’extraction de matières premières soit grâce à l’exploi-tation d’une main-d’œuvre bon marché par les multinationales. Ces pratiques sont des caractéristiques du néocolonia-lisme. Depuis quelques années, celui-ci s’est enrichi d’un autre phénomène: l’accaparement des terres. L’expression «accaparement des terres» désigne

l’achat ou le bail à ferme de vastes sur-faces cultivables par des gouvernements étrangers ou des multinationales. Elles servent à la culture de plantes vivrières ou énergétiques destinées à approvi-sionner les Etats investisseurs, le pays de production ne bénéficiant en rien de ces produits. L’explosion des prix alimen-taires en 2007 et en 2008 a décuplé ce phénomène. Entre 2001 et 2011, plus de 200 millions d’hectares ont été achetés de par le monde, soit davantage que la totalité des surfaces arables d’Europe. Les fonds proviennent de pays industrialisés, mais de plus en plus aussi de pays émergents et du Golfe. Les achats interviennent sur-tout en Afrique, en Asie et en Amérique latine, soit le plus souvent dans des pays pauvres aux institutions fragiles et aux gouvernements corrompus.

Les ventes se font aux dépens des petits paysans locaux. Ils sont chassés de chez eux ou déplacés de force, souvent au mépris de leur droit à la terre, et sont ainsi privés de leurs moyens d’existence. Il est très rare qu’ils soient consultés. Allant de pair avec de vastes monocul-tures, l’accaparement des terres porte atteinte à l’environnement et appauvrit la biodiversité.

Le cas du MozambiqueCes divers problèmes se retrouvent dans le projet ProSavana, prévu dans le nord du Mozambique. Les autorités souhaitent ouvrir plusieurs millions d’hectares situés dans le couloir Nacala, une zone fertile et très habitée, aux investisseurs étrangers. Si l’idée a été lancée en 2009, les orga-nisations civiles de la région n’ont été consultées qu’en 2013. Depuis, le projet divise villageois et villageoises: les uns y voient l’occasion de bénéficier de crédits et de moyens de production; les autres craignent que la monoculture du soja ne profite qu’aux investisseurs brésiliens, alors que les cultures vivrières tradition-nelles seront négligées. De plus, des familles paysannes risqueraient d’être chassées de chez elles. La protestation citoyenne fut si vive qu’un nouveau plan directeur devra être éla-boré pour ProSavana. De l’avis de Jorge Lampião, coordinateur de Solidar sur place: «Ce n’est qu’en tenant compte

des besoins de la population, qu’il sera possible d’instaurer un développement durable et équitable sur le plan social.»

L’accaparement des terres creuse le fossé entre riches et pauvres.

ACCAPAREMENT DES TERRESDans nombre de pays, le néocolonialisme a remplacé le colonialisme sans coup férir. L’une de ses formes est l’accaparement des terres. Texte: Joachim Merz. Photo: Yunas Vally

La population indigène du Mozambique risque d’être expulsée des terres où les entreprises multinationales investissent dans des projets agricoles.

Joachim Merz est responsable des projets de Solidar Suisse au Mozambique.

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ciété australienne OceanaGold, a traîné le Salvador devant la cour. Motif: le retrait de la concession la prive de gains futurs. Il ne

s’agit donc pas de compenser des investis-sements déjà effectués, mais des gains hypothétiques que l’entreprise n’aurait peut-être même pas réalisés… Montant du litige: plus de 300 millions de dollars. Base légale: l’accord de libre-échange d’Amérique centrale et une loi nationale en faveur des investisseurs.

pour exiger que le Salvador lui verse les gains qu’elle ne pourra pas réaliser. Le gouvernement lui a en effet retiré l’auto-risation d’extraire de l’or dans le Cabañas, craignant que l’activité minière ne provoque de graves dégâts en-vironnementaux. L’en-treprise prévoyait d’utiliser une solution de cyanure pour isoler l’or présent en faibles quantités dans la roche. Or, c’est à cause de ce procédé que les concentrations de cyanure et de plomb mesurées dans les eaux salvadoriennes dépassent jusqu’à mille fois les valeurs limites admises. Pacific Rim, désormais aux mains de la so-

Le Centre international pour le règle-ment des différends relatifs aux investis-sements (CIRDI), installé auprès de la Banque mondiale à Washington, n’est guère connu. Ce n’est pas surprenant, puisque ni le public ni les médias ne peuvent assister à ses audiences et que ses jugements ne sont pas sujets à recours. Les défenseurs de l’environne-ment et les paysans défavorisés du département de Cabañas, au Salvador, ne connaissent pourtant que trop bien cette cour arbitrale.

Compensation de gains hypothétiquesC’est au CIRDI que la société cana-dienne Pacific Rim a fait appel en 2008

10 POINT FORT

CABAÑAS N’AURA PAS SON ÂGE D’ORAccords de libre-échange et cours arbitrales servent à imposer une exploitation des matières premières qui fait fit des populations et de l’environnement. C’est là une nouvelle forme de colonialisme dont le Salvador fait la douloureuse expérience.Texte: Anja Ibkendanz. Dessins: Alecus

Le différend porte sur des gains hypothétiques que l’entreprise n’aurait peut-être jamais réalisés.

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THEMA 11THEMA 11

Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse

La coopération au développement est financée par des impôts et des dons. Elle dépend donc de toute manière de la volonté du peuple de lui consacrer des ressources financières. Cette vo-lonté dépend pour sa part de l’opinion que chaque citoyenne et citoyen se fait de la qualité de cette coopération. Voilà pourquoi nous tenons à diffuser des informations sur nos objectifs et nos méthodes de travail, et à amener ainsi les gens à s’intéresser à nos programmes et à nos projets. Les membres de Solidar Suisse se soucient davantage que d’autres per-sonnes de nos activités et bénéficient aussi d’une excellente information, en particulier grâce au présent magazine. Ils sont en mesure de lancer le débat sur la coopération au développement dans leur entourage, voire de dé-fendre sa cause avec des arguments rationnels. Cette défense s’avère hélas bien plus nécessaire que les œuvres d’entraide ne le souhaite-raient. La droite nationaliste aimerait en effet réduire les dépenses consa-crées à la coopération au développe-ment et même les supprimer totale-ment. Pour contrecarrer ces visées, il importe qu’un maximum d’individus et d’organisations se mobilisent. Nos membres ont ainsi un rôle crucial à jouer: diffuser nos informations et renforcer nos efforts visant à sensi-biliser la population et à faire perce-voir la coopération au développement comme un effort aussi utile qu’indis-pensable.Je remercie dès lors nos membres pour leur engagement solidaire et invite les autres lecteurs à le devenir.

CHRONIQUE

Je suis membre

Résistance et répressionDes organisations civiles régionales, des radios locales et des groupes environ-nementaux ont manifesté et lancé des pétitions contre ce projet polluant. Divers partenaires de Solidar ont également pris part au mouvement. Ce fut le cas de l’association des petits paysans qui luttent pour préserver leurs moyens d’existence: de l’eau propre, de petites exploitations (qui risquaient d’être expro-priées) et la culture de denrées alimen-taires saines. Leur résistance a largement motivé le moratoire gouvernemental. Le prix à payer fut toutefois lourd: en 2009,

Les organisations partenaires de Solidar infor - ment la population par des émissions radio sur les conséquences environnementales de la mine d’or en projet.

trois défenseurs de l’environnement ont été tués dans le Cabañas en l’espace de six mois; en juin 2011, un étudiant a connu le même sort et nombre d’acti-vistes ont reçu des menaces de mort. Ces crimes n’ont jamais été élucidés.

Décider en toute souverainetéDepuis, des groupes environnementaux et religieux, des radios communautaires, des communes et d’autres organisations de la société civile ont constitué en-semble une table ronde contre l’exploi-tation minière. En 2014, celle-ci a mené diverses actions pour souligner le droit du Salvador à décider en toute souve-raineté.La dernière audience dans le cas qui oppose Pacifique Rim Cayman LLC./OceanaGold à la République du Salvador a eu lieu le 15 septembre 2014 devant la cour arbitrale de la Banque mondiale. La décision est attendue courant 2015. Alors qu’il existe depuis plusieurs décen-nies, le CIRDI n’a acquis son poids actuel qu’avec l’avènement des récents accords de libre-échange, qui réservent le droit à des entreprises de porter plainte contre des Etats afin de protéger leurs investis-sements.A ce jour, la procédure a coûté plus de 6 millions de dollars au Salvador. Le montant vertigineux des coûts peut dis-suader les pays pauvres de s’opposer aux intérêts des multinationales.D’où toute l’importance du soutien que Solidar apporte aux organisations de la société civile dans leur engagement en faveur de la protection de l’environne-ment, d’une production à petite échelle et respectueuse des ressources et de la participation démocratique.

Cabañas est un département situé au nord du Salvador qui a subi des des-tructions massives durant la guerre de 1980 à 1992. Après avoir appuyé les travaux de reconstruction, Solidar sou-tient actuellement trois organisations civiles engagées dans le développement communautaire et un groupement de femmes. L’objectif est de permettre à la population locale d’intervenir dans le développement villageois et commu-nal, ainsi que d’améliorer les conditions de vie d’une population en majorité très pauvre et principalement formée de petits paysans. Par leurs actions et par le biais de leur radio locale, les parte-naires de Solidar s’efforcent de préser-ver l’environnement et le libre accès à leurs terres.www.solidar.ch/fr/cabanas

Cabañas

Anja Ibkendanz est responsable des projets de Solidar Suisse au Salvador. Alecus est le nom d’artiste du dessina-teur bédéiste Ricardo Clement.

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Le colonialisme a préparé le terrain au capitalisme. Afin de changer cela, des réglementations mondiales pour un travail décent sont nécessaires.Texte Eva Geel. Photo: Public Domain

MOTEUR DU CAPITALISME

Les moyens étaient archaïques, mais le système moderne. Lorsque les colonisa-teurs européens firent main basse sur le monde il y a 500 ans, ils créèrent un sys-tème économique dont la forme fonda-mentale est aujourd’hui encore en vigueur. L’historien Sven Beckert le montre dans son dernier ouvrage «King Cotton» à l’aide de l’exemple, a priori banal, du coton. Plus que l’argent ou l’or, le coton fut la monnaie et le moteur du colonialisme. A l’époque précoloniale déjà, de fines cotonnades de la meilleure qualité étaient produites

par des tisserand-e-s indiens. Les Euro-péen-nes-s, vêtus de laine râpeuse, convoitaient vivement cette matière aux couleurs vives, légère comme la plume. Mais ce n’est que lorsque la route mari-time vers les Indes fut découverte, vers 1500, que le commerce se développa à grande échelle.

Du sang, de la sueur et des larmesC’est ainsi que s’établit un circuit des-tructeur: les marchands coloniaux et les compagnies commerciales, comme l’East

India Company britannique, achètent le coton indien, qui leur permet d’acquérir des esclaves noirs qu’ils déportent en-suite en Amérique. Là-bas, hommes, femmes et enfants travaillent sur les plantations. Les produits agricoles qu’ils cultivent au prix du sang, de la sueur et des larmes reviennent ensuite en Europe où ils sont consommés.Ce faisant, les Européens développèrent une nouvelle méthode d’organisation des circuits économiques et posèrent les fon-dements du capitalisme. Expansion, vol

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POINT FORT 13

L’esclavage fut la clé du succès des colonisateurs

Les conditions de travail dans l’industrie du coton restent précaires: des enfants récoltant le coton en Ouzbékistan en 2012 (à gauche).

des terres et esclavage en étaient les pierres angulaires. Et le coton y joua un rôle central. Il était, selon Beckert, «le moyen d’échange prédominant pour ac-quérir des esclaves sur le littoral africain».Cette phase du colonialisme, jusqu’en 1800, été marquée par une violence pri-vée massive. Ce n’est pas par hasard que Beckert l’appelle le «capitalisme guerrier»: les Etats n’exerçaient guère leur pouvoir souverain sur ces lointains territoires étrangers. A la place, ils soutenaient les rapines des entreprises commerciales.

Des commerçants armés s’emparaient des terres et de leur population et me-naient une chasse – au vrai sens du terme – à la main-d’œuvre, mise en esclavage pour assurer le succès économique des colonisateurs.

La dissociation du droitLe capitalisme guerrier s’appuyait sur une division schizophrénique du monde: le monde interne aux colonialistes suivait les lois, les institutions et les règles du pays d’origine. Le monde externe était en re-vanche le lieu de la domination impériale, de l’expropriation impunie d’immenses régions, de la décimation et de la mise en esclavage de peuples entiers. Cette ana-lyse de Beckert a des accents familiers. Même si le monde a changé depuis l’époque du colonialisme, si l’esclavage a été officiellement aboli et s’il existe des réglementations économiques contraignantes, de nombreuses entre-prises occidentales continuent de diviser le monde en deux parts, interne et ex-terne, cette dernière ne connaissant pas les mêmes règles. En témoignent les conditions de travail catastrophiques dans les fabriques de vêtements asiatiques, le travail des enfants en Amérique du Sud, l’exploitation et la pollution de l’environ-nement lors de l’extraction des matières premières en Afrique: la liste peut s’al-longer à volonté. Et les marchandises parviennent comme par le passé aux consommateurs et consommatrices euro-

Eva Gelle est responsable de la communication de Solidar Suisse.

péens sous la forme de t-shirts bon mar-ché, de téléphones mobiles, de bijoux, de chocolats.Bien sûr, un certain nombre d’entreprises respectent des normes. Et entre-temps, ce n’est plus seulement l’Ouest qui profite de la logique et des méthodes de l’éco-nomie mondiale. Mais sa part d’ombre reste bien présente: selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 20 millions de personnes végètent dans une existence misérable, comme esclaves ou travailleurs forcés.

Une solution: le travail décentIl est donc d’autant plus important de bri - ser enfin cette dynamique par des regle-mentations mondiales. Un pas important semble avoir été fait dans la bonne direc-tion. Non seulement à travers la nouvelle initiative suisse pour la responsabilité des multinationales du pays (voir annexe), mais aussi par le biais des nouveaux objectifs du développement de l’ONU qui doivent être approuvés en automne 2015.L’ONU va pour la première fois placer en tête de son ordre du jour la question du travail décent pour tous et toutes. C’est un succès, même s’il s’agit d’un objectif parmi d’autres et que son application est encore dans les limbes. Car pour la pre-mière fois, les Etats reconnaîtraient qu’il

existe une nécessité fondamentale d’agir dans ce domaine.Solidar Suisse s’est engagé dans la pro-cédure de consultation pour des condi-tions de travail décentes. Nous allons continuer de suivre avec attention les dis-cussions et la mise en œuvre à venir. Car avec l’objectif onusien d’un travail décent, une nouvelle perspective prometteuse s’ouvre à l’humanité: celle de tourner enfin la page du colonialisme.

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3603 signatures pour une adjudication décenteLe 19 décembre, Solidar Suisse a remis sa réponse à la procédure de consul-tation relative à la révision de l’Accord inter cantonal sur les marchés publics (AIMP). Nous y défendons la nécessité d’inscrire dans la loi le fait que l’adju-dication respecte des critères sociaux, écologiques et de développement du-rable, puisque, malheureusement, l’occa-sion n’en avait pas été saisie lors de la rédaction du projet de loi. Il est essentiel que les pouvoirs publics qui achètent an-nuellement 40 milliards de marchandises et de services se pré occupent du respect du droit du travail lors de la production de ceux-ci. C’est aussi la conviction des 3603 cosignataires de la réponse à la consultation.

Le Mondial au QatarLa Coupe du monde au Qatar en 2022 suscite l’attention des médias. Et avec raison: plus de 1000 travailleurs et tra-vailleuses migrant-e-s sont mort-e-s sur les chantiers qataris ces trois dernières années. Ils travaillent trop, pour un salaire trop faible, parfois payé partiellement, et ne peuvent pas démissionner, sans parler même de quitter le pays, car les entre-prises retiennent leurs passeports.Solidar soutient depuis peu un centre qui fournit sur place des conseils juri-diques aux travailleurs et travailleuses migrant-e-s. Par cet engagement, nous contribuons à l’amélioration des condi-tions de travail et de vie et obtenons des informations de première main pour nos campagnes en faveur de Coupes du monde socialement responsables.

Un portrait vidéo de Solidar SuisseUne nouvelle vidéo de trois minutes don-ne une idée du travail de Solidar Suisse: l’engagement pour le droit à des condi-tions de travail décentes dans le monde entier, l’aide humanitaire en cas de catas-trophe et les campagnes de sensibilisati-on en Suisse. On peut la visionner sous: www.solidar.ch/fr/mediatheque

Une nouvelle coopération en AsieL’Asie reste l’atelier du monde et le centre de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses. Une bonne raison pour renforcer notre engagement dans cette région. L’an dernier, Solidar Suisse a entamé sa collaboration avec le Asia Monitoring Research Centre (AMRC). Elle a permis de soutenir différentes for-mations continues pour les travailleurs et travailleuses dont des journées d’étude sur les risques dans les branches de l’électronique et du textile en Chine ou un échange d’expériences d’organisations asiatiques de salarié-e-s en matière de protection sociale et de droit du travail.L’AMRC, fondé en 1976, est particulière-

Pakistan: une loi contre la violence faite aux enfantsLe 6 mars 2015, le premier ministre Nawaz Sharif a approuvé une modifica-tion du Code pénal qui interdit l’exploita-tion sexuelle des enfants, leur commerce et les peines corporelles.C’est un succès important dans un pays où le travail des enfants est largement répandu et les enfants travailleurs sou-vent touchés par la violence et les agres-sions sexuelles. A cause de la grande

pauvreté, plus de la moitié des enfants ne vont pas à l’école.L’organisation partenaire de Solidar, Group Development Pakistan, a contri-bué à ce changement législatif par son travail de lobbyisme. Le prochain obsta-cle à fran -chir sera celui du Parlement. Si la loi est adoptée, elle offrira un moyen d’action contre la violence faite aux en-fants et aura en outre un effet préventif. Elle pourra aussi avoir des effets positifs sur le projet de Solidar à Lahore contre le travail des enfants: d’une part, les pa-rents pourraient être ainsi motivés pour renvoyer leurs enfants à l’école et, d’autre part, elle permettrait de punir les auteurs des maltraitances et des agressions sexuelles.www.solidar.ch/fr/travaildesenfants

ment connu en Asie pour ses recherches rigoureuses autour de la question du tra-vail, pour son activité de centre de for-mation et donc son suivi des tendances évolutives. Une voix indépendante pour le respect du droit du travail, qui dénonce publiquement les abus.www.solidar.ch/fr/amrc

BRÈVES

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Solution

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LE SUDOKU DE SOLIDAR Règles du jeuRemplissez les cases vides par des chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre ne peut figurer qu’une seule fois sur chaque ligne, chaque colonne et dans chacun des neuf blocs de 3 x 3 cases. La solution est trouvée à partir des chiffres inscrits dans les cases hachurées, en suivant la clé suivante: 1 = S, 2 = L, 3 = E, 4 = M, 5 = C, 6 = N, 7 = O, 8 = A, 9 = I

Envoyez votre réponse à: Solidar Suisse sur une carte postale ou par courriel à: [email protected], avec la mention «concours»

1er prix: une corbeille à linge2e prix: un sac à main

Les prix proviennent d’un groupe de producteurs de palmes du nord du Sri Lanka. Après la guerre, ils sont rentrés dans leur village et, avec l’aide de Solidar, se sont unis en groupes de production afin d’assurer leur existence.

La date limite d’envoi est le 15 juin. Les noms des gagnant-e-s seront publiés dans le numéro 3/2015 de «Solidarité». Aucune correspondance ne sera échangée concernant ce concours. Tout recours juridique est exclu. Les collaborateurs et collaboratrices de Solidar Suisse ne peuvent partici-per au concours.

La solution du concours paru dans «Solidarité» 1/2015 était «Social Media». Michelle Ody de Lausanne a gagné un sac à dos LanzArte, Laurent Junier du Mont-sur-Lausanne un t-shirt LanzArte et Susanne Sturm de Langnau un porte-clés Doctora-Edilicia. Nous remercions Solidar Bolivie pour les prix offerts ainsi que tous ceux et toutes celles qui ont participé au jeu.

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CONCOURS 15

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MERCI!

L’an passé, de nom -breuses personnes ont pu retrouver l’espoir et améliorer durablement leurs conditions de vie.

Les legs faits à Solidar par des per-sonnes qui ont pensé à notre organisa-tion en sus de leur famille et de leurs proches amis ont notablement contribué à ce résultat.

Nous voulons très chaleureusement en remercier les donateurs.

Si vous envisagez vous aussi de nous mentionner dans votre testament, nous vous fournirons volontiers les rensei-gnements ou les aide-mémoire néces - saires. Prière de vous adresser à: [email protected], 044 444 19 45

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16 ACTUALITÉ

«Le bon cœur ne suffit pas!» Avec cette citation de Regina Kägi-Fuchsmann, fondatrice de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), la stratégie 2015 – 2019 de Solidar Suisse lance un pont vers nos racines: créée dans le contexte de la détresse de la population lors de la guerre civile espagnole, l’aide humani-taire était initialement notre priorité. Mais comme les interventions humanitaires ne font pas reculer la pauvreté et l’injus-tice sociale, l’engagement à long terme dans la coopération au développement a toujours constitué un complément ap-proprié. La division des projets à l’étranger – comme on l’appelait alors – de l’OSEO est devenue indépendante en 2005. De-puis 2011, nous poursuivons notre enga-gement à l’enseigne de Solidar Suisse. La réorganisation a aussi conduit à une professionnalisation sur fond de nouvelle orientation stratégique: il s’agissait de lutter contre la pauvreté en s’engageant

pour des conditions de travail couvrant les besoins vitaux. L’Agenda pour le travail décent de l’Organisation interna-tionale du travail (OIT) a tracé le cadre normatif: créer des emplois, garantir les droits du travail et une protection sociale et encourager le dialogue social – trans-posé dans le contexte local respectif.

Consolider ce qui a fait ses preuves et oser innoverNous fondant sur une analyse de contexte détaillée et sur un processus qui a inclus les collaborateurs en Suisse et à l’étranger, nous avons formulé en 2014 les lignes directrices pour les cinq prochaines années. Il est apparu qu’au vu de l’exploitation de la main-d’œuvre, dans le secteur informel surtout, la priorité d’un travail garantissant des conditions d’existence convenables restait judi-cieuse et importante. Notre stratégie concrétise cinq nouveaux objectifs dans ce domaine.

Objectifs:• La main-d’œuvre exploitée est mieux

protégée – par des mesures sur les lieux de travail, le respect des lois du travail et une couverture sociale.

• Les personnes démunies et vulnérables obtiennent des possibilités de s’assurer un revenu couvrant leurs besoins vitaux.

• Les personnes sans travail peuvent subvenir à leurs besoins et les jeunes ont davantage d’op portunités sur le marché de l’emploi. Le nombre de travailleurs occupant un emploi précaire recule.

• Les formes extrêmes d’exploitation comme le travail forcé, le travail des enfants et l’esclavage moderne sont éliminées.

• Des organisations représentatives et démocratiques de la société civile contribuent à des changements structurels socialement équitables et durables.

Avec sa nouvelle stratégie, Solidar Suisse mise sur le travail décent et la participation démocratique comme véritables piliers de la lutte contre la pauvreté.Texte: Esther Maurer. Photos: Jürg Gasser, Paola Lambertin, Désirée Good

RENDRE L’AVENIR POSSIBLE

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ACTUALITÉ 17

Esther Maurer est la directrice de Solidar Suisse.

Ces objectifs permettent à Solidar Suisse de devenir la plateforme la plus compé-tente pour toutes les questions liées à la lutte contre les conditions de travail faisant fi de la dignité humaine.

Travail décent pour tout un chacun«Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible», écrivait Antoine de Saint-Exupéry. En for-geant notre vision, la question de savoir ce qui était possible et à quel niveau nous pouvions agir s’est posée.Bien que conscients de nos limites, nous avons formulé la vision d’une société pour laquelle il vaut la peine de lutter:

Vision: Le droit à un travail décent, à la justice sociale et à la couverture des be-soins vitaux est respecté partout sur la planète – et la pauvreté est vaincue. Cha-cune et chacun peuvent mener leur vie de manière autonome et dans la dignité.

Notre mission souligne comment nous entendons réaliser cette vision. Il s’avère que nous ne sommes efficaces que si nous encourageons simultanément des structures démocratiques et la participa-tion aux processus sociopolitiques.

Mission: Dans des pays en développe-ment, émergents et en transition, Solidar Suisse lutte pour la justice sociale et contre l’exploitation. Des conditions de travail décentes, la répartition équitable des ressources et des services ainsi que la participation politique et des structures fédéralistes pour aménager son propre cadre de vie sont des droits humains fondamentaux, au cœur de l’engagement de Solidar Suisse.

Felix Gnehm, responsable des pro-grammes internationaux, précise ce que la nouvelle stratégie signifie concrète-ment pour Solidar: «Nous adaptons nos programmes au cadre stratégique. Au Sri

Lanka et au Pakistan, nous mettons déjà en œuvre une nouvelle génération de projets centrés sur la protection des per-sonnes exploitées dont les conditions de travail sont marquées par la précarité: enfants, cueilleuses de thé, victimes de conflits.»Lors de la conférence de Solidar de cette année, nous identifierons avec nos coor-dinatrices et coordinateurs nationaux les endroits où le besoin d’agir est le plus pressant. Ensemble, nous voulons faire en sorte que les gens puissent se dé-fendre efficacement contre l’exploitation et obtiennent des conditions de travail convenables ainsi que des salaires assu-rant une vie décente.

Nous nous réjouissons de continuer à compter sur votre soutien. Engagez-vous à nos côtés! www.solidar.ch/fr/strategie

Solidar s’engage notamment contre le travail des enfants et pour la formation professionnelle des jeunes au Burkina Faso et pour de meilleures conditions de travail des cueilleurs et cueilleuses de cannes à sucre et des employé-e-s de maison en Bolivie (de gauche à droite).

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L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTREEn Bolivie, Nayra Muñoz, jeune femme de 23 ans lutte en faveur des droits humains. Son engagement rayonne au-delà des murs des théâtres.Texte et photo: Stéphane Cusin

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«El Animal parle de la réalité quotidienne. Nous nous inspirons d’histoires réelles, notamment de la violence, et nous créons des spectacles. Ainsi, nous sensibilisons notre public et nous provoquons le dé-bat», déclare Nayra Muñoz pour expliquer son engagement au sein de la troupe de théâtre El Animal. En mettant en scène la vie quotidienne, la troupe anime le dé-bat public et permet aux enfants et aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations.

«Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles. J’aime ce théâtre.»

Une création bouleversanteNayra Muñoz a découvert le théâtre à 9 ans déjà. Son père l’a «forcée» à monter sur les planches afin de vaincre sa timidité. A 18 ans, elle est devenue membre de la troupe de théâtre El Animal, formée de neuf femmes. Elles donnent actuellement des représentations d’une pièce, fruit de leur création: «Invisible». Il y est question de jeunes femmes enlevées par des organisations mafieuses et

soumises à la prostitution ou au vol d’organes. «Nombre de personnes ne prennent conscience de cette réalité qu’en assistant à notre spectacle et sont bouleversés par la mise en scène», ra-conte Nayra. Dans cette pièce elle interprète trois personnages: une mère dont la fille a été enlevée, une jeune femme obligée de se prostituer et une femme proxénète. Ce sont des rôles éprouvants. «Nous arrivons à peine à imaginer la réalité de ces gens. Alors, les jouer!… Trois scènes sont particu-lièrement dures: dans l’une d’elles, deux hommes – joués par des femmes – me crachent au visage et l’un d’eux me saisit les seins. Puis je cherche ma fille dispa-rue. Elle est tout près, mais on l’empêche de crier.» Nayra Muñoz pense qu’elle ne parviendrait pas à interpréter ces rôles sans la confiance et le soutien entre les filles de la troupe.Aujourd’hui, Nayra a l’envie de poursuivre son activité dans le théâtre. Peut-être même d’en vivre. Cependant, elle est réa-liste. Ses parents l’encouragent à suivre sa passion, «mais ils trouvent que je devrais d’abord terminer mes études de droit, pour avoir un métier ‹sérieux›», dit-elle en souriant.

L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTRE

Nayra Muñoz s’appuie sur sa passion pour le théâtre afin

d’initier des changements.

PORTRAIT 19

Un don de 70 francs suffit pour finan-cer un atelier de théâtre d’une journée entière pour quinze jeunes.

La troupe de théâtre El Animal par-ticipe au projet LanzArte de Solidar. Celui-ci offre la possibilité aux jeunes d’utiliser le théâtre, la danse et le cinéma afin de parler de leur quotidien et d’exprimer leurs idées. En Bolivie, pour les jeunes, il n’est en effet pas habituel de faire connaître publique-ment leur avis. Le projet les encou-rage dès lors à aborder des problèmes du quotidien.www.solidar.ch/fr/lanzarte

Votre don compte!

LanzArte

«Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles.»

Lorsque la troupe est en tournée dans les écoles, des jeunes approchent sou-vent les comédiennes, car ils souhaite-raient aussi faire du théâtre. Ils sont alors invités à rejoindre la relève composée de neuf groups. Nayra Muñoz s’occupe des plus jeunes: «Je les aide à entrer dans le monde du théâtre et des acteurs. C’est super de leur transmettre ma passion!», ajoute-t-elle enthousiaste.Ces jeunes vivent ou connaissent des situations de violence ou de précarité. Le théâtre leurs permet de développer, notamment la confiance et l’estime de soi. Ainsi, ils sont mieux armés pour se

projeter dans un avenir incertain. Sans succomber au découragement Nayra Muñoz poursuit la lutte: «Malgré les coutumes, je n’accepte pas que d’autres me dictent ce que je dois

faire ou ne pas faire. Je transmets aux jeunes mon engagement pour la liberté et les droits humains. Je les encourage à respecter autrui et à exiger d’être res-pectés en retour.»

Stéphane Cusin est chargé de la collecte de fonds chez Solidar Suisse et a récemment visité nos projets en Bolivie.

Page 39: Solidarité 2/2015

Les multinationales suisses violent les droits humains et les standards environnementaux à

l’étranger. Avec d’autres organisations, Solidar Suisse lance l’initiative «pour des multina-

tionales responsables». Celle-ci demande des règles contraignantes pour que les entreprises

suisses respectent aussi à l’étranger les droits humains, le travail décent et l’environnement.

Signez l’initiative populaire pour des multinationales responsables.

La feuille de signatures est disponible en annexe ou sur

www.solidar.ch/fr/multinationalesresponsables

LES MULTINATIONALES DOIVENT RESPECTER LES DROITS HUMAINS!