Solidarité 2/2014

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Numéro 2, mai 2014 POINT FORT Pour un Mondial équitable PAKISTAN Travail des enfants Le magazine de

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Solidar Suisse

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Numéro 2, mai 2014

POINT FORTPour un Mondial équitablePAKISTANTravail des enfants Le magazine de

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 éDITORIAL

Revue De pResse

Chère lectrice, cher lecteur, Malgré les prophéties de mauvais augure, j’ai vraiment cru, l’espace de quelques mois, que je m’envolerais pour le Brésil en février, afin d’y jouer le rôle de médiatrice entre la FIFA, repré-sentée par son président en personne, les marchand-e-s de rue et les Comités populaires des villes qui accueillent le Mondial.

Je dois sans doute vous paraître bien naïve…

Et pourtant: en octobre 2013, Sepp Blatter a accepté de participer lui-même à une telle table ronde. A l’issue de ces entretiens, nous devions donner en-semble une conférence de presse au Brésil, afin d’annoncer que la FIFA avait trouvé un accord avec les groupements d’intérêts mentionnés ci-dessus. Sachant que la pression des médias risquait de compromettre la tenue et le succès d’une telle rencontre, nous avions convenu de ne pas ébruiter ce projet.

J’ai respecté cette promesse de silence, même après que le président de la FIFA a annulé sa participation, en janvier 2014. Puis, lorsque j’ai été invitée à participer le 18 mars, avec l’Inter-

nationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), à un entretien sur les terribles conditions de travail des ouvriers de la construction au Qatar, j’ai cru percevoir une lueur d’espoir: le président de la FIFA venait de nommer un délégué aux droits

humains, Theo Zwanziger, qui nous a lais-sé une bonne impression. Homme posé et réfléchi, il formulait des propositions sensées et nous espérions qu’il aurait un certain pouvoir d’action.

Nous fûmes hélas vite déçus. Deux jours plus tard, le comité exécutif de la FIFA tenait une conférence de presse au sujet de la situation des droits humains au Qatar. La langue de bois habituelle était au rendez-vous: grâce au football et à la FIFA, tout va pour le mieux et, si tel n’est pas le cas, il appartient à la politique et à l’économie d’y remédier!

Oui, il était naïf de croire que la FIFA pourrait changer. Je conti-nuerai néanmoins à m’engager pour que, lors des grands tour-nois de football, que ce soit au Brésil, en Russie ou au Qatar, la FIFA assume ses responsabilités écologiques et sociales. Cela s’appelle du développement durable! esther Maurer

05.03.2014Fribourg peut mieux faireDans notre monde globalisé, les villes sont-elles solidaires avec les pays du Sud? Après un premier exercice en 2011, Solidar Suisse a à nouveau évalué l’engagement de 88 communes.Fribourg, qui se classe 41e, n’a pas opéré de «changement notable» depuis 2011. Villars-sur-Glâne, désormais 57e, a légè-rement progressé. Solidar Suisse dé-plore cependant qu’elle ne possède «aucune directive dans le domaine des achats équitables». Le même grief est adressé à Bulle.

14.02.2014Bruxelles demande des comptes à la FIFALa FIFA a été auditionnée par la commis-sion des droits de l’homme au Parlement européen. Elle devait répondre des graves violations aux droits humains constatées sur les chantiers du Mondial 2022, qui aura lieu au Qatar. Selon les estimations de l’ONG Solidar Suisse, 185 ouvriers y ont déjà perdu la vie.«La FIFA, explique Alexandre Mariéthoz, doit user de son influence pour mettre un terme au travail forcé et à l’esclavage sur les chantiers.»

24.03.2014La Js dépose son initiative anti-spéculationLa Jeunesse socialiste, emmenée par un militant déguisé en Faucheuse de la Mort, a déposé son initiative contre la spéculation alimentaire. «Cette initiative dénonce un commerce délétère, qui crée une faim scandaleuse», a expliqué Filippo Rivola, vice-secrétaire central de la JS. L’initiative a notamment obtenu le soutien de la gauche et de plusieurs organisa-tions comme Solidar Suisse et Swissaid.Source: ATS – Agence télégraphique suisse.

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editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction:Milena Hrdina, Interserv SA Lausanne, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Carol Le CourtoisImpression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhausenParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement.

Page de titre: Sur les chantiers du Mondial, les accidents sont fréquents – en raison, notamment, de la pression exercée par la FIFA. Photo: Ueslei Marcelino. Dernière page: Stop aux tacles de la FIFA – oui à un Mondial équitable! Photo: Enrique Marcaian.

ACTuALITéAu Pakistan, de nombreux enfants doivent travailler pour que leurs parents puissent survivre. Un projet leur offre, malgré tout, une éducation de base. 14

pORTRAITEn Afrique du Sud, la situation des travailleuses est très précaire. Et négligée par les syndicats. Mary Nxumalo veut que cela change. 18

CuLTuRe En utilisant notamment le sport, le club «Unidos venceremos» offre des perspectives aux jeunes.

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pOINT FORTLa FIFA fuit ses responsabilités sociales lors de Mondiaux de football. Mais Solidar Suisse veille au grain. 4

IMpRessuM

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pOINT FORT Mondiaux de football: du fair-play svp! 4 De l’Afrique du Sud au Qatar: une minorité profite, une majorité paie 6 Brésil: les expulsions privent des marchand-e-s de rue de leur gagne-pain 8 pOINT De vue Stefan Grass: les raouts sportifs seront-ils bientôt l’apanage des dictatures? 11 CuLTuRe Mozambique: un projet de Solidar montre les vertus du sport, hors de la logique du profit 12 ACTuALITé Au Pakistan, 12 millions d’enfants travaillent au lieu d’aller à l’école. Comment y remédier? 14 CHRONIQue 13 CONCOuRs 16 RéseAu Nouvelles des OSEO régionales 17 pORTRAIT Afrique du Sud: Mary Nxumalo lutte pour que son syndicat défende les intérêts des travailleuses 18

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5Les conditions de travail sont précaires sur les chantiers – au Brésil comme en Afrique du Sud.

pOINT FORT

Depuis 2007, Solidar Suisse lutte contre l’exploitation en lien avec les Coupes du monde de football. Tant en Afrique du Sud (2010) et au Brésil (2014) qu’en prévision des Mondiaux en Russie (2018) et au Qatar (2022).Jusqu’ici, la FIFA fuit ses responsabilités. Alors même que les Coupes du monde génèrent des profits colossaux pour la FIFA, les investisseurs et les sponsors. Quant aux pays organisateurs, ils se retrouvent avec des montagnes de dettes.Quelle est la situation au Brésil, un mois avant le prochain Mondial? Les grands événements sportifs deviendront-ils l’apanage des dictatures? L’engagement de Solidar fait-il bouger les choses? Réponse dans notre dossier spécial.Photo: Joachim Merz

UN MONDIALÉQUITABLE

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Mais nul ne connaît les chiffres exacts. L’émirat du Qatar va même investir bien plus de 100 milliards pour la Coupe du monde de 2022.

Gains pour la FIFA,pertes pour la populationEconomiquement parlant, ces grands raouts sportifs ne tiennent jamais leurs mirobolantes promesses. En 2010, les coûts pour le gouvernement sud-africain ont largement dépassé les prévisions ini-tiales. Les pouvoirs publics ont hérité d’une perte nette de 2,8 milliards de francs – que les contribuables doivent éponger. Il n’est en revanche rien resté des nouveaux emplois, des meilleurs lo-gements ou des hôpitaux promis. Sans parler de la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales. La FIFA, pour sa part, a réalisé 2,35 milliards de bénéfice,

Selon une estimation prudente du Sénat brésilien, les pouvoirs publics inves-tissent 20 à 30 milliards de francs dans le Mondial de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016. Tout cela pour construire des infrastructures – stades, routes et aéroports – et expulser, par souci d’image, des habitant-e-s de favelas situées aux abords des stades. Un montant difficile à réunir, même pour un pays émergent en plein essor comme le Brésil, et dépassant les coûts cumulés des trois derniers Mondiaux de football en Corée du Sud/Japon (organisation conjointe), en Allemagne et en Afrique du Sud.Les événements sportifs internationaux sont toujours plus gigantesques et plus chers: Vladimir Poutine a déboursé près de 50 milliards de francs pour les Jeux olympiques d’hiver de 2014, à Sotchi.

les diverses sociétés de construction 1,4 milliard.En prévision du Mondial 2010 en Afrique du Sud, Solidar Suisse s’était déjà enga-gée pour des conditions de travail dignes sur les chantiers, contre les expulsions et pour le respect des droits humains. D’abord via une pétition adressée à la FIFA, puis en collaborant avec des syndi-cats sud-africains.Avant le Mondial brésilien, Solidar a exi-gé de la FIFA diverses mesures en vue d’une Coupe du monde socialement fair-play. Car une débâcle identique à celle de l’Afrique du Sud se profile. Suite aux pressions exercées par la FIFA, le fisc brésilien a consenti des cadeaux fiscaux massifs à la fédération de football. Les pertes pour l’Etat se chiffrent déjà, selon des estimations prudentes, à près de 750 millions de francs. Par ailleurs, des

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ÉVÉNEMENTS SPORTIFS:TOUJOURS PLUS DÉLIRANTS?Une minorité profite du Mondial. Contrairement aux travailleurs et aux habitant-e-s des favelas – qui en subissent les conséquences de plein fouet. Texte: Joachim Merz. Photos: Joachim Merz, IBB, zVg

Avant le Mondial 2010, les ouvriers et ouvrières

sud-africains ont obtenu des hausses de salaire – après

une longue mobilisation.

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7pOINT FORT 7

favelas ont été «nettoyées» et des mar-chand-e-s de rue se retrouvent privés de leur gagne-pain (voir article en page 8).Nos exigences sont les suivantes: pas

d’expulsions d’habitant-e-s de favelas et de marchand-e-s de rue, pas d’exploita-tion sur les chantiers et pas d’exonéra-tions fiscales et de lois d’exception pour la FIFA (cf. www.solidar.ch/fr/brazil.html). La FIFA refuse d’entrer en matière.

Morts sur les chantiersLes préparatifs des Mondiaux font peser une terrible pression sur les épaules des ouvrières et des ouvriers des chantiers, souvent pharaoniques. Deux travailleurs sont morts en Afrique du Sud; au Brésil, sept sont décédés jusqu’ici, alors que le pays est confronté à d’importants re-tards. Au Qatar, la situation est plus dra-matique encore: même si le Mondial ne s’y déroulera qu’en 2022, la Confédéra-tion syndicale internationale (CSI) estime que plus de 400 Népalais et Indiens sont déjà morts durant les premiers travaux de construction. Aucun chiffre n’est dis-

ponible pour les autres nationalités des quelque 1,4 million de travailleurs étran-gers. Mais tous sont soumis aux condi-tions inhumaines de la «kafala», un sys-

tème de travail forcé interdisant par exemple de quitter le pays ou de changer d’employeur.

La colère monte...La devise «plus haut, plus

vite, plus fort» des Mondiaux de football et des Jeux olympiques serait-elle deve-nue «plus grand, plus cher et plus inéqui-table»? La FIFA et le Comité internatio-nal olympique (CIO) sont, manifestement, confrontés à la pression grandissante des syndicats, des médias et d’une opi-nion publique critique. Lors de scrutins démocratiques, la population dit non à l’organisation de joutes sportives (voir article en page 11), par peur d’énormes dettes pour les pouvoirs publics et de graves atteintes à l’environnement.Et, chose impensable il y a peu, durant la Coupe des confédérations de juin 2013, des centaines de milliers de Brésiliens ont protesté contre les coûts mirobo-lants du Mondial, l’état calamiteux des systèmes sanitaire et éducatif, les expul-sions forcées et les conditions de travail précaires sur les chantiers. Si, en 2008, 79% de la population du Brésil soutenait

encore le Mondial dans son pays, cette proportion a aujourd’hui chuté à 48% – et ce dans la nation la plus dingue de foot au monde.

… avec succèsLes protestations contre le gigantisme de la FIFA portent des fruits. Lors des préparatifs du Mondial 2010, les syndi-cats sud-africains du bâtiment ont vu affluer près de 30 000 nouveaux adhé-rents; ils ont aussi obtenu de substan-tielles hausses de salaire (cf. www.soli-dar.ch/campagne-hors-jeu.html). Et leurs confrères et consœurs brésiliens ont lutté avec succès à l’échelon local. Dans quatre villes accueillant des matches de la Coupe des confédérations, des mar-chand-e-s de rue brésiliens ont pu vendre leurs produits à des supporters, dans des zones à l’origine exclusivement réser-vées aux sponsors de la FIFA. Solidar a soutenu ces activités menées par des organisations de la société civile.Suite à l’énorme pression des médias et des syndicats, le gouvernement du Qatar a déclaré, en février 2014, que les condi-tions de travail de la main-d’œuvre étran-gère rempliraient des «standards élevés» à l’avenir, sur les chantiers du Mondial 2022. Mais passera-t-on de la parole aux actes? Affaire à suivre.

Ces grands raouts sportifs ne tiennent jamais leurs mirobolantes promesses.

Au Qatar, les travailleurs migrants vivent dans des taudis (à gauche); au Brésil, les habitant-e-s de favelas sont violemment expulsés (à droite).

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Depuis quelques mois, Gloria Oliveira da Silva craint de vendre ses boissons, chewing-gums, pâtisseries et cigarettes sur son emplacement habituel, à la sta-tion de métro et de bus d’Itaquera, dans l’est de São Paulo. Il faut dire que, sur une colline située à proximité, s’élève le nouveau stade d’Itaquerão, spéciale-ment construit pour le Mondial 2014. Les responsables estiment qu’il est à 97% terminé. Le 12 juin, il accueillera le match d’ouverture opposant le Brésil à la Croatie. La métropole de 12 millions d’habitant-e-s compte déjà deux stades, mais les autorités ont décidé d’en construire un troisième, ce qui a coûté la vie à deux ouvriers. Ils ont été tués en

novembre 2013, lorsqu’une grue désé-quilibrée s’est rompue et a chuté sur le toit du stade.L’un des partisans les plus enthousiastes du projet était l’ex-président brésilien Lula da Silva, fan du club de football Corinthians jouant à São Paulo, et ami proche de l’entrepreneur Marcelo Bahia Odebrecht. La société de construction Odebrecht a remporté l’appel d’offres

pour ce grand projet, après avoir géné-reusement soutenu les campagnes électorales de Lula, de l’actuelle prési-dente Dilma Rousseff et du Parti travail-liste au pouvoir. L’indice international de perception de la corruption de Transpa-rency International fait figurer le Brésil en 72e position – dans un classement qui recense 177 pays.

expulsés et spoliésSelon Ítalo Cardoso, vice-président d’une agence touristique à São Paulo, quelque 250 000 touristes pourraient venir dans sa ville afin d’assister aux matches à Ita-querão. Ils ne mâcheront pas les chewing-gums de Gloria Oliveira. En tout cas pas à

proximité du stade. En effet, durant le Mondial, seuls peuvent être vendus, dans un rayon de deux kilomètres aux abords des stades, des pro-duits fabriqués et distribués

par des sponsors officiels. La disposition s’applique aussi aux tentes de projection publique des matches.Mais actuellement, la police ne tolère déjà plus que Gloria Oliveira gagne sa vie à la station de métro d’Itaquera. Elle expulse aussi les autres marchand-e-s ambulants dressant habituellement leurs stands sur une surface asphaltée couverte, entre bus et stands de restauration rapide. «Je

ne viens plus ici que l’après-midi, pendant deux à trois heures. La police m’a, pour l’heure, chassée à deux reprises. Et elle m’a même confisqué une partie de mes marchandises», raconte Gloria Oliveira. Agée de 52 ans, elle vit, avec ses quatre enfants, son mari et sa sœur, dans une maison de plain-pied de la favela da Paz, à 900 mètres du stade.

La FIFA se lave les mainsLa coordination des protestations natio-nales contre le Mondial est assumée par l’Articulation nationale des comités popu-laires de la Coupe. Elle est active partout où des matches ont lieu. La section de São Paulo écrit sur un papillon: «Tradition-

Avant le coup d’envoi du Mondial, des marchand-e-s de rue sont expulsés de force – et privés de gagne-pain. Témoignage de Gloria Oliveira da Silva. Texte: Sandro Benini. Photo: StreetNet International

PAS DE CHEWING-GUMPOUR LES FANS DE FOOT

pOINT FORT8

Le dessin de Chapatte

© Chapatte, NZZ am Sonntag

«La police m’a chasséeà deux reprises.»

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nellement, les marchand-e-s ambulants vendent aux abords des stades des den-rées typiquement brésiliennes, des bois-sons et divers objets. Ces travailleurs indépendants doivent se faire enregistrer et observer les règles et les conditions sanitaires édictées par les autorités muni-cipales concernées. La FIFA a exigé leur retrait de certains emplacements et les autorités municipales ne sont pas prêtes à leur garantir une alternative.»La FIFA a souligné, dans une lettre récem-ment adressée à Solidar Suisse, avoir commandé une étude pour «mieux com-prendre» le secteur de la vente sur la voie publique. Par ailleurs, la FIFA affirme qu’elle aurait, lors de la Coupe des confé-

dérations de juin 2013, «ouvert la zone d’exclusion de deux kilomètres à un cer-tain nombre de marchand-e-s de rue, agréés par les exécutifs des villes concer-nées». Mais les vendeuses et vendeurs travaillant sur la voie publique ne pou-vaient vendre que des «boissons autori-sées» – et ce uniquement dans les villes de Brasilia, Recife, Salvador et Fortaleza. Les deux autres villes accueillant la Coupe des confédérations auraient insisté pour tenir les marchand-e-s de rue à l’écart des stades, «du fait de lois et directives existantes».Un assouplissement sera-t-il consenti dans les villes organisatrices du Mondial? Gloria Oliveira da Silva n’a, pour l’instant,

rien entendu de tel. Par peur de la police, elle ne passe que quelques heures par jour sur son lieu de vente usuel. Son chiffre d’affaires a chuté de moitié. D’après les comités populaires, plusieurs milliers de marchand-e-s de rue ont perdu leur emploi ou sont contraints de choisir d’autres emplacements, plus excentrés et donc moins rentables.Gloria Oliveira da Silva est amère: «Pour moi et ma famille, ce Mondial est une catastrophe.»

Durant le Mondial, les marchand-e-s de rue ne pourront rien vendre aux abords des stades.

Le dessin de Chapatte

© Chapatte, NZZ am Sonntag

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uniquement des savoirs et des aptitudes pratiques; elle permet aussi d’acquérir des valeurs, telles que le respect des droits humains, l’égalité des sexes, le respect mutuel, la tolérance, la non-violence.Toute la collectivité porte la responsabilité de cette transmission: le gouvernement, les communes, le corps enseignant, les parents, les élèves. En effet, l’éducation n’est pas seulement prodiguée dans les salles de classe, elle l’est aussi au sein des familles et dans les espaces publics. Lorsque nous nous engageons en faveur d’une amélioration du système éducatif, les opportunités professionnelles pour les jeunes diplômé-e-s augmentent. La socié-té dans son ensemble tend, ainsi, vers plus de démocratie et de solidarité.

pakistan: soutienaux victimes des inondationsDéjà durement frappée par la pauvreté, la population du Penjab Sud fait toujours face aux conséquences des terribles inondations survenues en 2010. Ce cata-clysme, qui avait submergé deux tiers du Pakistan, a détruit les maisons et les infrastructures – ainsi que les sources de revenus de la population.Solidar Suisse soutient la reconstruction depuis 2010. De nombreuses personnes sont, cependant, toujours contraintes de survivre avec l’équivalent de deux francs par jour et vivent dans des conditions d’hygiène déplorables.C’est pourquoi Solidar a initié trois nou-veaux projets, afin de venir en aide aux personnes les plus démunies – notam-ment les personnes handicapées. Des

10 BRèves

el salvador:victoire de la gaucheSalvador Sánchez Cerén, candidat du parti de gauche FMLN, a remporté de justesse les élections présidentielles du 9 mars dernier avec 50,11% des voix, comme l’a officiellement annoncé le Conseil électoral suprême salvadorien, après deux vérifications des résultats.Norman Quijano, le candidat du parti de droite Arena et maire de San Salvador, avait appelé ses partisans à refuser le résultat de ces élections. Il avait même appelé l’armée à la résistance. Il a ensuite calmé le jeu. La menace d’un coup d’Etat militaire persiste cependant, dans un pays qui a connu 12 ans de guerre civile (1980-1992) et où la responsabilité des militaires dans les crimes de guerre n’a toujours pas été reconnue.Les menaces de la droite laissent présa-ger des temps difficiles pour le futur gou-vernement. Dans un tel contexte, un appui international aux mouvements so-ciaux est plus que jamais nécessaire. Solidar et ses partenaires continueront à s’engager pour davantage de démocratie et pour une répartition plus juste des richesses.www.solidar.ch/fr/news

On ne joue pas avec la nourriture!Le 24 mars dernier, la Jeunesse socialiste a déposé son initiative contre la spécula-tion sur les denrées alimentaires, soute-nue notamment par Solidar Suisse.Les explosions des prix, survenues en 2008 et en 2011 sur les marchés des denrées alimentaires, ont eu des consé-

quences dramatiques dans les pays du Sud. De nombreuses familles y consacrent jusqu’à 80% de leurs revenus à l’achat de nourriture. Des millions de personnes ont donc souffert de la faim.Si la situation sur les marchés s’est quelque peu améliorée, les prix restent plus élevés qu’avant 2008 et près d’un milliard de personnes souffre encore de la

faim. Aujourd’hui, le commerce des ma-tières premières est spéculatif à 80%. Depuis 2004, les acteurs financiers ont augmenté leurs investissements dans les matières premières de 13 à 430 milliards de dollars. Les banques suisses jouent un rôle majeur dans ce négoce. Une interdic-tion de la spéculation est donc vitale. www.solidar.ch/speculation

Bolivie: éduquer à la démocratieLe thème de l’agenda 2014 publié par Solidar Bolivie? L’éducation. Joliment illus-tré par des peintures de l’artiste bolivienne Graciela Rodo Boulanger, cet agenda in-cite à la réflexion et à l’action. Le message véhiculé? L’éducation ne développe pas

toilettes seront construites dans les écoles et les centres de santé. Des cam-pagnes de sensibilisation seront aussi menées pour souligner l’importance de l’hygiène dans la prévention des mala-dies. Par ailleurs, des familles recevront un soutien pour reconstruire de petites entreprises et aménager des jardins destinés à nourrir les familles. www.solidar.ch/fr/pakistan

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RAOUTS SPORTIFS: DES JOUJOUXPOUR DICTATEURS?Si l’on se fie aux votes démocratiques, l’avenir des grands événements sportifs semble compromis. Le Mondial et les JO seront-ils bientôt l’apanage des dictatures?Stefan Grass, directeur du Comité anti-olympique des Grisons

Qu’il s’agisse du Mondial de football au Brésil, des jeux de Poutine à Sotchi, des éditions précédentes des Jeux olym-piques à Pékin, Athènes, Vancouver et Turin – dont il ne reste que des ruines délabrées, des hôtels en faillite et des infrastructures de transport surdimension-nées, les grandes manifestations spor-tives sont vivement critiquées. Les popula-tions s’opposent de plus en plus fréquemment aux trois plus grands événe-ments sportifs du monde: 1. les Jeux olympiques d’été, 2. les Coupes du monde de football, 3. les Jeux olympiques d’hiver. Le Comité international olympique (CIO) et la FIFA, qui paient très peu d’impôts sur leurs bénéfices, vendent, pour des mil-liards de dollars, les droits de retransmis-sion de ces événements sportifs interna-tionaux aux chaînes de télévision, inévitablement intéressées. Grâce aux droits d’auteur et à l’exclusivité publicitaire qu’ils engendrent, les principaux sponsors versent au CIO ou à la FIFA quelques mil-liards supplémentaires pour être visibles sur les télévisions du monde entier. Lorsque des sommes d’argent si impor-tantes sont en jeu, tout le reste se re-trouve hors jeu: l’esprit olympique, le sport comme trait d’union entre les peuples, les compétitions sans dopage, la promotion du sport de masse, les indemnisations des personnes expropriées, la rémunération

des employé-e-s, la protection de l’envi-ronnement et le développement durable.

La population dit nonLorsque les populations concernées ont la possibilité d’exprimer leur opinion par le biais d’un vote direct, comme c’est le cas en Suisse, en Allemagne et en Autriche, c’est le non qui l’emporte au sujet d’une éventuelle candidature à l’organisation des Jeux olympiques. On a pu le constater à Berne, Saint-Moritz, Munich, Salzbourg et Vienne. Face au refus des vo-tant-e-s, certaines villes comme Zurich, Barcelone et Stockholm, ont décidé de renoncer d’elles-mêmes à une telle candidature. La majorité du peuple norvégien s’est prononcée contre la candidature d’Oslo pour les Jeux olympiques d’hiver de 2022. Lors d’un précédent sondage local réalisé à Oslo, une faible majorité avait pourtant soutenu la candidature de la ville.

Démonstration de forceet nouveaux marchésLes analyses des journalistes montrent clairement que les grandes manifesta-tions sportives peuvent désormais être or-ganisées uniquement dans des pays dont les dirigeant-e-s, même s’ils sont élus dé-mocratiquement, n’ont pas recours au ré-férendum, comme c’est le cas à Sotchi,

Pékin, Pyeongchang, au Qatar et au Brésil. Car seule une minorité en profite: les autocrates mettent en scène leur pou-voir, tandis que le CIO, la FIFA et leurs sponsors conquièrent de nouveaux mar-chés. La défiance populaire est très mar-quée en Europe: lorsque le peuple a le choix entre amour du sport et montagnes de dettes, il refuse d’être soumis aux dis-positions oppressives des contrats du CIO ou de la FIFA. Beaucoup com-prennent, comme au Brésil, que les

grands raouts sportifs ne font que renfor-cer le «prestige» du gouvernement et servir les intérêts d’une poignée de per-sonnes, dans des pays où les ressources financières destinées à l’éducation, à la santé et à la réduction des inégalités sont largement insuffisantes.Conclusion? Dans les pays où la candida-ture à l’organisation de grands événe-ments sportifs est soumise au vote, la po-pulation se rebiffe. Et lorsque le peuple n’est pas consulté, son seul recours consiste à manifester pour exprimer son désaccord – ce qui ne trouble en rien le CIO et la FIFA.

Les peuples refusent d’être soumis aux diktats du CIO ou de la FIFA.

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ENSEMBLE, NOUS GAGNERONS!Lorsqu’il renonce au gigantisme, le sport accomplit des miracles. La preuve avec un projet de Solidar.Texte: Francisco Palma Saidane. Photos: Florência Muchemo

12 CuLTuRe

Depuis sa création, en 2008, le Clube Desportivo e Recreativo (CDR) permet, avec l’appui de Solidar Suisse, à de jeunes défavorisées de pratiquer divers sports: volley-ball, football, gymnastique, etc. Le club compte actuellement une équipe féminine de football, ainsi que deux équipes de volleyball, une masculine et une féminine. Il orga-nise des expositions, des concerts et des débats sur divers sujets: consommation de drogues, VIH/sida, travail des enfants et grossesses non désirées.En pleine expansion, le CDR possède déjà un bâtiment, avec une salle qui sert à la vente d’articles de sport et d’artisanat. Les jeunes suivent aussi une formation conti-nue qui leur ouvre des perspectives et devrait leur permettre, à terme, de gérer le club de manière autonome.

Clube Desportivo e Recreativo

«Un jour, j’aimerais jouer au niveau natio-nal ou international», déclare Maria de Lurdes Americo Bungarre, membre de l’équipe féminine de football du Clube Desportivo e Recreativo (CDR) à Chimoio, au Mozambique. Encore un peu essoufflée, l’avant-centre vient de dé-montrer son agilité sur le terrain. Nous sommes le 8 mars et le premier match du tournoi organisé à l’occasion de la Journée internationale de la femme vient de se terminer sur le score de 0 à 0.A 17 ans, l’orpheline va encore à l’école et vit chez sa tante avec ses quatre frères. En jouant, elle vient en aide à sa famille: «La prime d’un match me permet d’acheter des vêtements et du matériel scolaire pour moi et pour mes frères.» Les joueuses du CDR touchent en effet 1000 meticals par match gagné et 500 par match nul (soit 30 et, respective-ment, 15 francs).

sport et prévention du sIDALe CDR ne mise toutefois pas unique-ment sur les succès sportifs et les primes de résultats. En 2013, l’équipe féminine a certes remporté la Coupe de la province de Manica. Mais pour sa

capitaine, Carla Jose Jofrisse, 24 ans, les autres activités du club comptent tout autant: «Je trouve bien que, à côté de l’entraînement, on nous explique comment éviter le SIDA ou une gros-sesse précoce, et que nous parlions de ces sujets entre nous, au sein de l’équipe.» Le slogan du CDR, «Unidos venceremos!» (Ensemble, nous gagne-rons!), s’applique à tous les niveaux.Si Sofia Alexandre Miquitaios, gardienne, a rejoint l’équipe il y a deux ans, ce n’est donc pas uniquement pour des raisons

sportives. Elle apprécie le code de com-portement du CDR, qui interdit tout har-cèlement sexuel – dont les jeunes femmes sont souvent victimes dans les clubs mozambicains. Ce n’est pas le cas au CDR: «Ici, on prend les préoccupa-tions des femmes au sérieux, et le club nous propose des cours de formation, des possibilités d’emploi et une prise en charge médicale, explique la jeune femme de 21 ans. Je voudrais que des jeunes femmes nous rejoignent en plus grand nombre et qu’elles échappent

Maria de Lurdes, avant-centre de l’équipe féminine du CDR,

a de l’ambition.

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Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse

L’initiative Ecopop exige une nouvelle limitation massive de l’immigration en Suisse. Mais elle inclut aussi un postu-lat de politique de développement: 10% des dépenses de l’Etat pour la coopération au développement devraitent être affectées au planning familial dans les pays du Sud.Cette exigence est absurde. Tout d’abord, moins de 1% des immigré-e-s provient de pays du Sud au taux de natalité élevé. L’immigration issue de ces pays ne baisserait donc pas. Plus fondamentalement, le moyen le plus efficace – et de loin! – pour infléchir la croissance démographique consiste à réduire la pauvreté. Cette dernière «engendre» des familles nombreuses – ce qui réduit les terres et ressources disponibles. Un vrai serpent qui se mord la queue. La remarque a toujours valu partout. Dans l’Etat fédéral indien du Kerala par exemple, une femme donne en moyenne naissance à moins de deux enfants, car le gouvernement y investit depuis des décennies dans trois domaines: l’éducation, le système de santé et l’égalité entre hommes et femmes. Le contraste avec le reste de l’Inde est saisissant. La lutte contre la pauvreté, telle que le Kerala la pratique avec succès, est aussi l’objectif clé de la coopération suisse au développe-ment. Celle-ci agit donc avec perti-nence, dans l’optique du contrôle des naissances également.L’initiative Ecopop fait juste le contraire. Elle est absurde dans une perspective de politique de développement et n’a aucune utilité démographique – alors que ses dommages pour la Suisse seraient massifs.

ecopop rate sa cible

ainsi aux drogues, à l’alcool et à la pros-titution, qui sont très répandus à Chimoio.» Pour beaucoup de jeunes, issus des milieux les plus pauvres et qui ont souvent connu la violence, le club offre une planche de salut et l’espoir d’un avenir meilleur.Le CDR vise par ailleurs large, en alliant prévention, culture et activités sportives. Lors des rencontres de football et de volleyball, des groupes locaux se pro-duisent parfois et diffusent des mes-sages sur la prévention du VIH/sida.

Pour Castigo Raul, musicien aveugle, et son groupe, ce soutien est bienvenu: «Nous disposons d’un terrain d’essai, où nous jouons la musique traditionnelle sungura en chantant des textes pour la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles.» Castigo ajoute encore: «En travaillant avec le CDR, j’ai le senti-ment d’évoluer vers un avenir meilleur, avec des gens qui se soucient d’autrui.»

un talent fouLe CDR a été fondé par Solidar, afin d’offrir aux jeunes défavorisés des activi-tés sportives et culturelles, ainsi que des possibilités de formation. Cita Coutinho Viola, qui a rejoint le club de volleyball en 2009, a par exemple pu suivre un cours de comptabilité. A 22 ans, elle officie désormais comme aide-comptable au sein du club et s’est inscrite à l’université locale.Le pouls de Maria de Lurdes et de ses coéquipières est retourné à la normale.

Assises dans l’herbe, elles forment un cercle autour de leur entraîneur, Ipolito Sente, pour analyser le dé-roulement de la rencontre. Si personne n’est vraiment

satisfait du match nul concédé, le coach est convaincu de la qualité des joueuses: «Je trouve intéressant de travailler avec une équipe qui a gagné la coupe de la province. Je ne serais pas surpris de les voir remporter le championnat national. La plupart des joueuses ont beaucoup de talent.» Les ambitions de Marie de Lurdes pourraient donc devenir réalité.

Carla Jose Jofrisse apprécie que le

CDR lui permette aussi d’échanger

sur ses soucis.

«J’ai le sentiment d’évoluer vers un avenir meilleur.»

CHRONIQUE

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SANS TRAVAIL DES EN-FANTS, PAS DE SURVIE

Au Pakistan, nombre d’enfants doivent travailler, afin d’aider leur famille à survivre. Un nouveau projet de Solidar leur propose, malgré tout, une formation de base.Texte: Katja Schurter. Photos: Usman Ghani

14 ACTuALITé

«Oui, j’irais volontiers à l’école», affirme Naheed, 8 ans. Interrogés à leur tour, Khurram, Sahiba et Dillawar renché-rissent sans hésiter. Pourtant, au lieu d’aller à l’école, ils travaillent dans la mé-tallurgie, peignent des pinces à cheveux ou des tirelires, et aident ainsi leurs pa-rents à nouer les deux bouts. Ils vivent à Ahmed Town et à Shahdara, deux bidon-villes de Lahore, au nord-est du Pakistan. Leur situation n’a rien d’exceptionnel, dans un pays dont 60% des habitant-e-s vivent avec moins de deux dollars par jour et où 12 millions d’enfants travaillent.

ecole trop chère«Je voudrais que mes enfants aillent à l’école, afin que leur avenir soit meilleur», soupire la mère de Naheed, avant d’expli-quer: «Après la naissance de mon dernier enfant, j’allais très mal et me suis fait opérer. Mon mari ne gagne pas assez. C’est pourquoi les enfants ont dû contri-buer au revenu.» Les deux aînées des cinq enfants – Naheed et sa sœur de sept ans – aident leur mère à des travaux de broderie. A elles trois, elles ne gagnent pourtant pas plus de dix francs par mois. «S’il ne fallait pas payer de taxes sco-

laires, j’enverrais tout de suite Naheed à l’école», assure son père, dont le revenu de conducteur de tuck-tuck avoisine 80 francs par mois. Ahmed Town ne possède pas d’école publique et la plupart des pa-rents ne peuvent payer les taxes de l’école privée locale. Le rêve de Naheed – devenir institutrice – relève de l’utopie.

enfants moins onéreuxDillawar, 12 ans, a quitté l’école après la deuxième année seulement. «De toute façon, le maître ne faisait que dormir au lieu d’enseigner», raconte son frère, qui

Khurram, 10 ans, manipule des pinces à cheveux fraîchement peintes.

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témoigne ainsi de la déliquescence du système éducatif pakistanais.Comme beaucoup d’enfants, Dillawar a commencé à travailler dès l’âge de 6 ans. Engagé dans un atelier de métallurgie, il actionne des machines ou déplace de grosses pièces en fer… parfois jusque dans la nuit. Ses heures supplémentaires ne sont pas rémunérées. On déduit au contraire régulièrement divers montants de son maigre salaire de 20 francs, sous prétexte qu’il ne travaille pas assez dur. «Les parents m’ont demandé si je ne vou-

lais pas engager leurs enfants pour qu’ils apprennent quelque chose», répond le pa-tron de Dillawar, lorsqu’on lui demande pourquoi il emploie des enfants. Moham-med Haheeb estime ainsi rendre service aux parents. «Sans les enfants, j’aurais moins d’employé-e-s, que je devrais payer davantage», affirme-t-il. Ses propres en-fants ne travaillent pas. Ils fréquentent une école privée. C’est ce dont rêve Dillawar, qui voudrait apprendre à lire et à écrire, afin de trouver un bon emploi plus tard.

exploitation à domicileSahiba, 12 ans, a quitté l’école au terme de la quatrième année. Avec sa sœur de 10 ans, elle aide leur mère à peindre des tirelires en plastique: pour 144 pièces peintes, elles ne reçoivent que 13 cen-times. Le père de Sahiba serait-il disposé à envoyer ses enfants à l’école, à condi-tion qu’il y en ait une à proximité? «Je lais-serais mes fils y aller après le travail – si cela ne diminuait pas leur salaire. Mais les filles sont assez grandes pour se marier.»A l’instar des mères de Sahiba et de Naheed, beaucoup de Pakistanaises tra-vaillent chez elles, ce qui implique souvent leurs en-fants. Le travail à domicile est encore plus mal payé que dans les usines. Les enfants doivent donc mettre la main à la pâte. Les filles travaillent le plus souvent à la maison, les garçons dans des ateliers.

vapeurs toxiquesC’est le cas de Khurram, 10 ans, qui fa-brique des pinces à cheveux pour un

salaire de quelque 25 francs par mois. L’atelier se trouve dans un immeuble neuf, qui sent le béton frais. Au rez-de-chaussée, d’énormes machines crachent des pièces en plastique, que des femmes et des enfants, travaillant à domicile, dotent de ressorts. Khurram et ses jeunes collègues fixent les pinces as-semblées sur des baguettes, les peignent et les alignent sur des tréteaux mobiles, avant de les placer dans le séchoir. La peinture est certes réalisée à l’extérieur, sur le toit du bâtiment et des ventilateurs sont activés. L’odeur est pourtant si forte que l’auteure de ces lignes s’est sentie mal au bout d’une demi-heure. «La pein-ture n’est pas dangereuse», estime le patron Imran Ali, tout en refusant de révéler sa composition. Il prétend em-ployer cinq enfants et cinq adultes, dans une entreprise qui produit pour le marché local et exporte vers l’Afghanistan.Lors de nos deux visites, nous n’avons, outre le responsable, rencontré aucun adulte, mais sept enfants âgés de 8 à 12 ans. C’est sans doute parce qu’Imran Ali est tenu de leur verser un quart seule-

ment du salaire d’un adulte, heures sup-plémentaires comprises. En cas de mala-die, les employé-e-s ne sont pas payés. Il n’est donc pas surprenant d’entendre ce patron déclarer: «Les enfants sont de bons ouvriers. Ils travaillent mieux que leurs parents.»

Au pakistan, 12 millions d’enfants travaillent.

Pour que les enfants comme Naheed, Dillawar, Sahiba et Khurram puissent être scolarisés, Solidar Suisse crée des écoles dans les bidonvilles de Lahore. Les enfants y suivent des cours à proximité de leur travail.Vouloir éradiquer le travail des enfants au Pakistan, sans s’attaquer à ses vé-ritables causes, serait illusoire et re-viendrait à combattre un symptôme. Les parents ont besoin du revenu de leurs enfants. Il importe, dès lors, de les sensibiliser à l’importance de la formation, notamment à celle des jeunes filles, ainsi qu’aux risques et aux effets néfastes du travail des enfants – tout comme il importe d’y sensibiliser les employeurs, les autori-tés et le corps enseignant.

une école pour

les enfants-ouvriers

Pour que leur famille puisse survivre, Naheed et Sahiba épaulent chaque jour leur mère dans son travail.

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16 CONCOuRs

solution

Le suDOKu De sOLIDAR Règles du jeuComplétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque co-lonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1=R, 2=L, 3=S, 4=P, 5=F, 6=Y, 7=I, 8=A, 9=V

Envoyez la solution à Solidar Suisse – sur une carte postale ou par e-mail à [email protected], sujet «sudoku».1er prix Un foulard2e prix Un tablier de cuisine3e prix Un porte-monnaieLes prix sont issus du centre de formation pour femmes «Père Celestino», soutenu par Solidar Suisse au Burkina Faso.

La date limite d’envoi est le 18 juin 2014. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 3/2014. Le concours ne donne lieu à aucune corres-pondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer.

La solution de l’énigme de Solidarité 1/2014 était «decent pension». Gabrie-la Grubenmann, de Zurich, a gagné un bon pour un repas au restaurant Sahl-timbocca; Jacqueline Hottelier, de Plan-les-Ouates, et Marianne Schindler, de Rüti, un sachet de chocolat aux amandes. Nous remercions le restaurant Sahltimbocca, de l’OSEO Zurich, pour les prix offerts. Merci également à tou-te-s les participant-e-s.

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Assemblée générale 2014 de solidar suisseMardi 3 juin, à 16h, à Zurich, Kulturmarkt, Aemtlerstrasse 23

programme16h: Assemblée statutaireRévision des statuts et autres.Tou-te-s les membres de Solidar Suisse sont invités. Veuillez vous annoncer d’ici au 26 mai, par téléphone (021 601 21 61) ou par courriel ([email protected]). L’assemblée sera suivie par un apéritif.

18h30: Débat public: solidarité internationale – agissons-nous correctement?La Suisse est solidaire avec les pays en développement. Cela dit, notre pays agit-il vraiment de manière adéquate? Les effets attendus sont-ils au rendez-vous? Ces questions – et bien d’autres – seront au cœur de ce débat sur la co-opération au développement. Avec Martin Dahinden, direc-teur de la Direction du développement et de la coopération (DDC), et Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud. Le débat – qui se déroulera en allemand – sera animé par Monika Oettli, de la Radio SRF. www.solidar.ch/fr/agenda

Invitation pour que le profit ne gagne pas…

… mais pour assurer un avenir meilleur à ces enfants!Grâce à votre héritage ou à votre legs, vous offrez des perspectives aux plus démuni-e-s.

Documentation et notices d’information:www.solidar.ch/fr/testaments.htmlou auprès de Stéphane Cusin (021 601 21 61) Solidar Suisse CP 10-14739-9

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17RéseAu

Le réseau OseO soutient le salaire minimumLe réseau OSEO considère que le salaire minimum légal est un instrument utile pour garantir un revenu décent. Toute personne qui travaille doit pouvoir vivre et faire vivre sa famille grâce à son salaire. Le salaire minimum est en outre un excellent moyen pour renforcer la for-mation professionnelle. Il est révoltant qu’une personne qui investit durant trois ou quatre ans dans un apprentissage perçoive, ensuite, un salaire insuffisant pour vivre décemment. Une formation doit être profitable et offrir de bonnes perspectives salariales.L’OSEO récuse l’argument des oppo-sant-e-s à cette initiative, selon lequel un salaire minimum inciterait les jeunes à renoncer à une formation au profit d’un emploi non qualifié. Dans ses nombreux programmes d’insertion destinés aux jeunes, qui connaissent en général un franc succès, l’OSEO remarque que les jeunes sont conscients de la valeur d’une bonne formation et qu’ils sont prêts à accepter un faible salaire d’apprenti. Si les jeunes étaient réellement motivés avant tout par l’appât du gain, la plupart d’entre eux renoncerait dès aujourd’hui à une formation au profit d’un emploi non qualifié, qui rapporte parfois plus de 4000 francs par mois.www.oseo-suisse.ch

suisse centrale: innovation etintégration professionnelleDès le 1er mai, l’OSEO Suisse centrale ajoutera à ses mesures pour l’intégration professionnelle une nouvelle offre: le res-taurant Libelle, une entreprise à vocation sociale dirigée par des professionnels.Le Libelle, situé à Lucerne, offre de nouveaux débouchés aux personnes au chômage qui manquent de perspectives sur le marché de l’emploi. Ces personnes acquerront des connaissances et des ap-titudes qui les aideront lors de leur future recherche d’emploi. En travaillant en cui-sine, en salle ou dans les bureaux, elles seront confrontées aux exigences écono-miques auxquelles une entreprise tradi-tionnelle doit faire face. Les employé-e-s permanents du restaurant les accompa-gneront dans leur formation.

Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OseO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s. une longue histoire et des racines communes unissent solidar et les OseO régionales.

Nouveau directeurpour l’OseO vaudFin juin 2014, Joël Gavin quittera son poste de directeur de l’OSEO Vaud. Après une mise au concours largement ouverte et un long processus de recru-tement, son successeur est désigné. Il n’est pas inconnu de l’OSEO et dispose d’une grande expérience dans l’asso-ciation: Yves Ecœur, ancien directeur de l’OSEO Valais (1996 – 2009) et se-crétaire national du réseau des OSEO jusqu’en 2013, reprendra la direction de l’OSEO Vaud dès le 1er juin prochain.www.oseo-vd.ch

Genève: les +25 ansbientôt en formationL’OSEO Genève a été mandatée par l’Office cantonal de l’emploi et l’Hospice Général pour accueillir une vingtaine d’adultes de + de 25 ans en vue de leur trouver une formation de base (CFC ou AFP). Souvent, les adultes sans formation à l’aide sociale n’ont pour seule perspec-tive que des emplois précaires, ce qui fa-vorise une exclusion durable. Ce projet permettra aux futurs participant-e-s d’acquérir un niveau scolaire suffisant, de se confronter au marché du travail par des stages et d’être accompagnés par l’équipe de l’OSEO Genève dans la recherche d’un employeur.Cette nouvelle prestation est novatrice, puisque les participant-e-s continueront à percevoir l’aide sociale durant leur forma-tion et pourront participer à la mesure pendant six mois à une année, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils aient trouvé un apprentissage. www.oseo-ge.ch

L’autre particularité du concept de gestion du Libelle réside dans les ateliers d’inno-vation organisés régulièrement: lors de ces ateliers, les participant-e-s au pro-gramme d’insertion et les spécialistes de la cuisine développent ensemble de nouvelles recettes. Ainsi, les spécialités culinaires de différents pays viendront enrichir la carte traditionnelle de ce res-taurant de quartier. www.restaurantlibelle.ch

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VALORISER LES REVENDICATIONS DES FEMMESEn Afrique du Sud, Mary Nxumalo milite, inlassablement, et parfois avec humour, pour que son syndicat combatte le travail précaire des femmes. Texte: Eva Geel. Photo: Willman Nkosi

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VALORISER LES REVENDICATIONS DES FEMMES

dangereux.» A cela s’ajoutent les risques de morsure de serpents et la menace d’abus sexuels, car en forêt, les femmes sont souvent seules. Mais les soucis de ces femmes ne s’arrêtent pas là. Les mères célibataires craignent pour leurs enfants restés seuls à la maison – eux aussi sont régulièrement victimes d’agressions. Il n’est donc pas étonnant que les femmes émettent des revendications dif-férentes de leurs collègues masculins. C’est Mary Nxumalo qui se charge de faire entendre ces revendications. Sa tâche n’est pas aisée. Cette activiste estime que les syndicats sont, trop sou-vent, obnubilés par des questions sala-riales. Une attitude compréhensible, dans un pays où les salaires sont très bas et où le taux de chômage atteint près de 25% – voire 40% si l’on inclut celles et ceux qui ont arrêté de chercher du travail.

un miracleLes préoccupations des femmes sont fréquemment négligées. Elles sont ce-pendant essentielles: solutions de trans-port avantageuses pour le travail de nuit, congé maternité payé et garderies.Face à de telles demandes, les em-ployeurs confrontent les syndicats à un choix épineux: une hausse de salaire ou la garde d’enfants. Le personnel endure alors une véritable mise à l’épreuve. Mais, parfois, un miracle se produit. Un exploi-tant forestier a récemment décidé de supprimer l’augmentation de salaire pré-vue et de la remplacer par l’aménage-ment d’une garderie, en dépit des protes-tations d’une partie de son personnel. «Tous les employé-e-s sans enfants ont fini par comprendre cette revendication. Et par adhérer au projet de garderie», précise Mary Nxumalo.

Menaces peu conventionnellesCe genre d’expérience rythme le quoti-dien de cette militante de 54 ans. Pour atteindre ses objectifs, elle n’hésite pas à emprunter des méthodes guère conven-tionnelles. Accompagnée par d’autres

Avec une effronterie pleine d’humour, Mary Nxumalo fait avancer ses revendications.

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Avec un don de 70 francs, une respon-sable syndicale peut suivre une jour-née de formation qui lui permettra d’améliorer ses compétences de négo-ciation. Elle pourra ainsi s’impliquer plus efficacement en faveur des stan-dards sociaux et professionnels mini-maux que l’Internationale des travail-leurs du bâtiment et du bois (IBB) veut instaurer en Afrique du Sud. www.solidar.ch/afrique-du-sud.html

votre don compte

femmes du syndicat, elle a notamment menacé de verser sa cotisation syndicale à un fonds destiné à financer les congés maternité des ouvrières dans le besoin. Elle ne l’envisageait pas vraiment sérieu-sement, mais «mener une telle action se-

rait envisageable, afin que les hommes du syndicat nous prennent enfin au sérieux et cessent de sacrifier les revendications des femmes lors des négociations», glisse-t-elle avec malice.Le procédé qu’elle a élaboré dans la pro-vince de Mpumalanga, à l’est de Jo-hannesburg, pour venir en aide aux ouvrières forestières contraintes de tra-vailler sans vêtements de protection, était également original. Ces ouvrières ne connaissaient pas leurs employeurs. Mary Nxumalo s’est rendue dans la plus grande exploitation forestière de la région. Elle a expliqué au responsable que le syndicat n’hésiterait pas à porter plainte contre l’employeur. «Deux semaines plus tard, il m’appelait pour me dire que, désormais, tout le personnel disposait de vêtements de protection. C’était réellement le cas. Aujourd’hui encore, des ouvrières nous appellent pour nous remercier. Lorsque nous parvenons à changer les choses, lorsque je réussis à faire naître un sourire sur le visage des gens, cela me donne une force incroyable.»

«Aujourd’hui encore, des ouvrières nous remercient.»

Dans ses combats en faveur des ou-vrières forestières, Mary Nxumalo affiche toujours un sourire chaleureux et un cou-rage inébranlable. Elle est la déléguée du syndicat sud-africain pour les ouvrières de l’industrie chimique, papetière, fores-tière et de l’imprimerie et représente son organisme auprès de l’IBB, l’Internatio-nale des travailleurs du bâtiment et du bois. Elle connaît parfaitement la situa-tion précaire des femmes dans le monde du travail sud-africain.

serpents et abus sexuels«Dans l’industrie forestière, les femmes sont très vulnérables: elles doivent travail-ler à l’extérieur par tous les temps. En cas de pluie, la forêt devient très glissante, ce qui peut vite se révéler extrêmement

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STOP AUX TACLES DE LA FIFALa FIFA exige, lors du Mondial 2014 au Brésil, des droits de vente exclusifs

pour ses sponsors. Ce diktat menace l’existence des marchand-e-s de rue.

Fort heureusement, nous pouvons encore éviter le pire.

participez à notre action peu avant le Mondial:

www.solidar.ch/mondial2014-equitable