Solidarité 1/2014

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Numéro 1, février 2014 Le magazine de POINT FORT âgées Les personnes PHILIPPINES Après le typhon, l’espoir renaît

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Journal de Solidar Suisse

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Numéro 1, février 2014

Le magazine de

POINT FORT

âgéesLes personnes

PHILIPPINESAprès le typhon,l’espoir renaît

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 éDITORIAL

Revue De pResse

Chère lectrice, cher lecteur, «I have a dream» («J’ai un rêve») est le titre du discours pronon-cé par Martin Luther King le 28 août 1963, lors de la Marche vers Washington pour le travail et la liberté. Il n’y a guère de citation plus célèbre.

Début octobre, Eva Geel, notre cheffe de la communication, a visité avec moi les projets de Solidar Suisse au Mozam-bique. Sur place, nous avons réalisé quelques interviews pour un périodique romand: l’idée était d’interroger des couples âgés sur leur mode de vie, leurs habitudes quotidiennes et leurs difficul-tés. Les réponses furent si palpitantes que nous leur avons consacré la rubrique «Point fort» de Solidarité.

L’une des questions posées à trois couples mozambicains âgés de 65 à 78 ans était: «De quoi rêvez-vous encore?» Assumant le rôle de photographe, j’ai eu tout loisir d’observer l’attitude de nos inter-locuteurs, ainsi que leurs réactions: étonnement, temps de ré-flexion, attente de la réponse de son époux ou épouse. Tout est encore frais dans ma mémoire: les voix, les yeux qui pétillent, les vestiges d’une joie de vivre.

Cinq des six personnes ont répondu de manière identique: elles souhaitent élever leurs petits-enfants, dont les parents sont morts du sida, et leur offrir une vie meilleure. Un homme, qui se tenait assis devant une petite maison faite de briques fabri-

quées par ses soins, nous a toutefois donné une autre réponse. Par le passé, il a travaillé dans une entreprise, qui a fini par faire faillite. Ce fut une belle époque pour toute la famille. Bien que vieux, il rêve encore d’avoir l’électricité chez lui. Pensez donc: l’électricité!

Solidar Suisse ne veut pas se contenter de rêver! Nous savons qu’en unissant nos efforts, nous pouvons initier des améliorations durables. Nous savons aussi que tout être humain a le droit de vivre dignement. Les rêves sont une pre-mière étape sur la voie du changement.

Faisons en sorte, avec votre soutien si précieux, que les rêves deviennent réalité! esther Maurer

04.01.2014Montreux devrait êtreplus solidaire envers le sudMontreux ne fait pas preuve d’assez de solidarité internationale. Ce sont les conclusions de l’analyse de Solidar Suisse, qui a évalué l’engagement de 88 com-munes vis-à-vis des pays du Sud en ma-tière de coopération au développement et d’achats publics équitables.La Ville, pourtant très internationale, se fait remarquer par son engagement frileux. Selon Solidar Suisse, sa contribution an-nuelle pour la coopération au développe-ment s’élèverait à 22 000 francs, soit seu-lement 90 centimes par habitant-e – alors que Vevey verse 4,80.– par habitant-e.

30.12.2013Les communes suisses sont (un peu) plus généreuses avec le sudPlus de la moitié des plus grandes com-munes suisses se sont améliorées ou ont maintenu un niveau élevé en matière d’engagement solidaire depuis deux ans. C’est l’un des résultats de la seconde étude de Solidar Suisse, qui porte sur la contribution des communes à la coopé-ration au développement et leur politique en matière d’achats publics éthiques.Sur le podium: Zurich, Genève et Küs-nacht (ZH). Nyon arrive en sixième posi-tion du rating national, devant Lausanne, huitième, et Vevey, dixième. Carouge suit de près, au treizième rang.

06.01.2014L’hiver dantesquedes réfugiés syriensLe programme de cash assistance (mon-tant de 100 francs par mois), fourni par Solidar, une ONG partenaire de la Chaîne du Bonheur, permet à des réfugié-e-s de s’en sortir. «Ce type d’aide a fait ses preuves. Un plus grand pourcentage de l’argent qui est donné revient aux mains des bénéficiaires, qui peuvent utiliser leur argent selon leurs propres besoins. C’est plus rapide, économise les frais d’inten-dance et c’est moins dégradant que de recevoir un sac de patates», explique Caroline de Palézieux, porte-parole de la Chaîne du Bonheur.

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editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction:Milena Hrdina, Interserv SA Lausanne, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Carol Le CourtoisImpression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhausenParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement.

Page de titre: Au Mozambique, les jeunes générations dépendent beaucoup des personnes âgées. Photo: Esther Maurer. Dernière page: Merci de tout cœur pour votre solidarité! Photo: Roland Hürlimann.

ACTuALITé Le typhon Hayan a dévasté l’île philippine de Panay. Roland Hürlimann explique l’action de Solidar sur place. 15

pORTRAITThabang Mohlala est confronté chaque jour à la dure réalité des employé-e-s temporaires en Afrique du Sud.18

CuLTuRe Une exposition de photos se penche sur le massacre de Marikana – le pire bain de sang depuis la fin de l’Apartheid.

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pOINT FORTComment les personnes âgées vivent-elles sur plusieurs continents? Eclairage sur des réalités souvent méconnues. 4

IMpRessuM

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pOINT FORT Les personnes âgées 4 Mozambique: cultiver les champs et s’occuper des petits-enfants 6 Sri Lanka: tresser des paniers et écouter de vieilles chansons 8 Serbie: voyager, se balader et cajoler sa petite-fille 9 Nicaragua: travail des champs et feuilletons brésiliens 10 Bolivie: une réforme des rentes aux effets positifs 12 pOINT De vue Luca Cirigliano: pour la dignité des personnes âgées partout dans le monde 13 ACTuALITé Enormes dégâts après le typhon Hayan: Solidar intervient aux Philippines 15 CHRONIQue 11 CONCOuRs 16 RéseAu Nouvelles des OSEO régionales 16 CuLTuRe Une exposition rappelle le massacre de Marikana 17 pORTRAIT Thabang Mohlala s’engage pour les employé-e-s temporaires en Afrique du Sud 18

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Comment les personnes âgées vivent-elles sur différents continents? Comment subviennent-elles à leurs besoins? A quoi ressemble leur quotidien?Solidarité brosse le portrait de couples âgés vivant au Sri Lanka, au Mozambique, en Serbie et au Nicaragua. Gros plan également sur la réforme des retraites en Bolivie. Enfin, un syndicaliste suisse explique comment garantir une existence digne aux personnes âgées du monde entier. Photo: Esther Maurer

PERSONNESLES

ÂGÉES

Malgré leur âge avancé, Mariana et Seveni Zeca s’occupent de leurs 15 petits-enfants et cultivent encore du maïs, afin de nourrir leur famille.

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pOINT FORT

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THeMA6

de petits jobs occasionnels. Ceux-ci sont toutefois rares. Il n’est guère possible de trouver un travail fixe au Mozambique. Une vive concurrence règne d’ailleurs parmi les demandeurs et demandeuses d’emploi. Rosita Zeca dépend dès lors de ses parents.

Chômage et sidaEn Suisse, on pense souvent que les enfants seraient l’assurance vieillesse de nombreuses familles africaines. Au Mozambique en tout cas, c’est l’inverse. Les jeunes ne trouvent guère de travail, beaucoup meurent du sida en laissant des orphelin-e-s à la charge des grands-parents. Quant aux personnes âgées, elles peinent souvent à subvenir à leurs propres besoins. Les rentes sont calculées au plus juste: paysan-ne-s et employé-e-s sans contrat de travail ne

A Chimoio, ville située à quelque 1000 kilomètres au nord de la capitale Maputo, la chaleur de l’après-midi est étouffante. Couchée sur un simple fichu étendu à même le sol battu devant l’abri-cuisine, Rosita Zeca fait la sieste, un jeune enfant à ses côtés. A 44 ans, elle survit grâce à

touchent qu’un montant minimal de l’Etat, à titre d’aide sociale. Les personnes anciennement salariées sont un peu mieux loties: leur rente est calculée sur la base de leur salaire, mais elle suffit tout juste pour survivre.Les parents de Rosita, qui ont été paysans, reçoivent à peine 300 meticals (dix dollars) par mois. La somme doit suffire pour 17 personnes, car Seveni (68 ans) et Mariana (63 ans) vivent avec leurs 15 petits-enfants. Ils leur donnent à manger, les envoient à l’école et jouent avec eux. Ils en ont la charge, car les pa-rents ne sont pas en mesure de le faire. Comme Rosita, ils vivent de petits bou-lots et de travail sur appel. Seveni et Mariana Zeca cultivent encore un petit lopin de terre, à 40 minutes de marche de chez eux. Ils y plantent du maïs, pour couvrir leurs propres besoins et en

Au Mozambique, les enfants ne prennent pas en charge les aîné-e-s. C’est, au contraire, la vieille génération qui pourvoit aux besoins des enfants.Texte: Eva Geel. Photos: Esther Maurer

La vIEILLE GÉNÉRaTION SuRLa bRècHE

Solidar Suisse encourage la participa-tion démocratique des habitant-e-s de Chimoio, afin d’améliorer durablement leurs conditions de vie. Grâce à votre don de 70 francs, deux personnes peuvent suivre un cours de formation continue, afin de faire valoir leurs besoins lors de l’élaboration des plans de développement communaux. www.solidar.ch/chimoio

votre don compte

Mariana (au milieu) et Seveni (2e depuis la droite) Zeca doivent soutenir leur fille

Rosita (2e depuis la gauche), qui ne trouve aucun emploi.

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vendre au marché. Certes, ils s’assurent ainsi un revenu d’appoint, mais sont loin de goûter à l’existence paisible dont jouissent nombre de retraité-e-s suisses.

Des rentes insuffisantesA quelques pas de là habitent Joana Fanita Faustino (68 ans) et son mari Adriano Armando Reis (73 ans). Eux aussi ont des petits-enfants à charge: les sept enfants de leurs deux fils récem-ment décédés. Et ce n’est de loin pas tout. «Nous en avons beaucoup et tous vivent à proxi mité», glissent-ils avec un sourire complice. Ils renoncent très vite à en faire le compte.La famille Reis s’en sort mieux que les Zeca. Adriano a travaillé dans une usine de textile et touche une rente mensuelle d’environ 70 dollars. La situation de la famille est toutefois précaire: «La rente

ne suffit pas. Nous ne survivons que grâce au champ de maïs et à l’activité de potière de ma femme.» Tout comme les Zeca, Joana et Adriano Reis aident leurs enfants en leur donnant une partie de leur récolte de maïs et de légumes. Ils ne reçoivent au-cun soutien de leurs enfants. «Ce que nos enfants gagnent suffit à peine pour leur propre famille.» Ils aimeraient avoir de quoi ouvrir une boutique et vendre de la bière et des légumes. Mais l’argent fait défaut. Ils doivent donc ex-ploiter leur champ, un travail qui devient de plus en plus dur: «Nous sommes âgés et n’avons pas de machines, mais seule-ment nos mains pour labourer et sarcler.» Ils ne se plaignent pas pour autant, heu-reux qu’ils sont d’avoir leur famille et leurs petits-enfants autour d’eux: «Tout

«Tout ce que nous faisons vise à aider nos petits-enfants.»

ce que nous faisons vise à les aider, par exemple pour les cahiers d’école, la nour-riture et l’habillement.» Absolument tous les petits-enfants vont à l’école. «Mais pas volontiers», ajoute Adriano Reis. Les enfants rient.

Dur labeur des champsLes Zambezi vivent de l’autre côté de la route non goudronnée qui traverse le quartier. Chez eux, les allées et venues sont continues. Onze petits-enfants et arrière-petits-enfants gambadent libre-ment entre les huttes de leurs grands- parents et de leurs parents, construites à proximité les unes des autres. «Ils dor-ment où ils ont envie», explique le grand-père, Felipe Charles Zambezi (70 ans).Son épouse Costanzia (50 ans) et lui vivent chichement. Bien qu’il ait travaillé comme mécanicien sur bus, Felipe ne touche pas de rente, car il ne remplit pas les conditions minimales. C’est du moins ce qu’on lui a dit. En tout et pour tout, l’aide sociale qu’ils reçoivent se monte à huit dollars. Costanzia cultive seule leur champ, car Felipe se sent trop vieux: «Je n’y arrive plus!» Le couple bénéficie du soutien de ses enfants, qui apportent de la semoule de maïs et cuisent du riz pour Costanzia, qui revient fatiguée du champ en fin de journée. Une profonde amer-tume marque leurs visages: lorsque Felipe travaillait, ils ont connu des temps meilleurs. La pauvreté est difficile à accepter. Ils ne s’animent qu’en parlant

de leurs petits-enfants: Felipe s’occupe d’eux durant la journée. Il adore inventer des jeux. Le soir, les grands-parents leur racontent des histoires et des blagues.Il est un point sur lequel nos six aîné-e-s se rejoignent: «Les enfants sont tout ce qui compte.»

Adriano et Joana Reis vivent grâce à la rente d’Adriano, aux poteries de Joana et à leur champ de maïs, dont la récolte est aussi destinée à leurs enfants.

Felipe et Costanzia Zambezi (au milieu) survivent grâce à l’aide sociale, ainsi qu’aux quelques fruits et légumes de leur champ.

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Les paniers que tressent Theivanai et Rathinam Suppaiya servent à la conser-vation et au transport de légumes et d’autres aliments, ou de cages pour les

poulets. Leurs 60 ans et 71 ans, respec-tivement, ne les empêchent pas de tra-vailler encore comme vannière et van-nier: «Nous ne recevons pas de rente vieillesse, explique Theivanai Suppaiya, mais nos enfants nous aident en cas de besoin».

Journée bien remplieAprès le thé et les quelques douceurs du petit déjeuner, ils commencent à tresser leurs paniers. Peu avant midi, Theivanai Suppaiya se rend à pied au marché local

pour y acheter du riz et des légumes pour le repas. Rathinam Suppaiya ne peut plus parcourir ce kilomètre de distance: «J’ai maintenant de la peine à marcher»,

avoue-t-il. Alors il s’occupe toute la journée de trois de ses 30 petits-enfants. Après le repas, le couple continue de confectionner des pa-

niers. «Avant, j’allais parfois pêcher dans l’un des étangs qui se trouvent dans la région», ajoute-t-il. Aujourd’hui, Theivanai y va à sa place. C’est elle aussi qui les approvisionne en matières premières, à savoir en bambou pour les paniers.Theivanai Suppaiya vend leurs produits au marché local. Ils ne vont désormais pratiquement plus au marché régional, situé à 60 kilomètres et uniquement accessible en bus. Ce sont leurs filles et leurs fils qui leur ramènent quelque chose, si nécessaire. Ils viennent parfois

leur rendre visite avec leurs enfants, car Theivanai et Rathinam ne quittent guère leur domicile. «C’est uniquement lorsque des connaissances sont malades que nous nous déplaçons», raconte Theivanai Suppaiya. Et lorsqu’eux-mêmes tombent malades, ils prennent le bus pour consul-ter le médecin le plus proche, à environ 15 kilomètres de là.

Trente petits-enfantsLe couple a 30 petits-enfants – l’un et l’autre s’en rappellent avec précision. En revanche, ils ont tous deux oublié la date de leur mariage. Selon Rathinam, celui-ci remonte probablement à une cinquan-taine d’années. «Durant cette période, nous avons vécu 30 ans de guerre», ajoute Theivanai. Comme la plupart des 300 habitant-e-s de leur village d’origine de Paikkaiyadi, à quelque 350 kilomètres de Colombo, ils ont dû fuir la guerre civile. Lors de leur retour, en 2010, tout était sens dessus dessous. Depuis, ils vivent dans un logement temporaire. Une contribution financière de Solidar leur a permis d’acheter des bambous, des outils et un vélo pour aller au marché. «Je suis heureuse de disposer de notre propre revenu et de ne pas dépendre de nos enfants», explique Theivanai Suppaiya.Theivanai et Rathinam Suppaiya tra-vaillent jusqu’à la nuit tombée, autour des 18 heures. Ensuite, ils écoutent sur leur transistor d’anciennes chansons du ciné-ma sri-lankais – leur passion à côté de la vannerie.

En dépit de leur âge, Theivanai et Rathinam Suppaiya continuent de tresser des paniers. Au nord du Sri Lanka, la plupart des Tamoul-e-s ne reçoivent aucune rente.Texte et photo: Daniel Bronkal

Theivanai et Rathinam Suppaiya (ici avec leur petit-fils) tressent des paniers.

Solidar Suisse aide les réfugié-e-s internes sri lankais, de retour dans leurs villages détruits après la guerre civile, à reconstruire leurs maisons et à renouer avec une vie normale.www.solidar.ch/refugies

solidar au sri Lanka

«NOuS avONS vÉcu 30 aNS dE GuERRE»

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«Nous ne voulons pas dépendre de nos enfants.»

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Dans la Yougoslavie socialiste, les pro-fesseurs de lycée Anka et Momcilo Djurovic vivent à Novi Pazar, une ville du sud-ouest de la Serbie. Anka, 69 ans, enseignait la biologie; Momcilo, désor-mais octogénaire, le français. Depuis

qu’ils sont retraités, ils reçoivent une rente de l’Etat. «La pension pourrait être plus élevée, mais je ne me plains pas, admet Momcilo Djurovic. J’ai passé ma vie professionnelle à convaincre des en-fants de l’enrichissement qu’apporte la maîtrise de langues étrangères.» Ce pré-cepte les conduisait à voyager deux fois par an dans d’autres pays. Leurs dépla-cements restent fréquents aujourd’hui.

Ils rendent volontiers visite à leur fille Svetlana, qui vit en France avec son mari, et s’y occupent de leur petite-fille Lena. L’été, ils résident deux mois à Bar, une cité côtière au Monténégro.

Moins de convivialitéAnka et Momcilo Djurovic sont mariés depuis 35 ans. Ils habitent dans un trois pièces, avec leur deuxième fille Gordana, âgée de 34

ans. N’ayant trouvé aucun emploi à Belgrade, cette spécialiste des sciences forestières est revenue à Novi Pazar.Le couple se lève à 9 heures pour boire le premier café du matin. «Inutile de se lever plus tôt, juge Anka Djurovic. Après le petit déjeuner, Momcilo va au marché acheter des fruits et des légumes frais. Souvent, je l’accompagne. Aussi souvent que possible, nous y allons à pied, car

cela nous maintient en forme.» Puis Anka fait la cuisine. «Nous n’aimons pas la restauration rapide. Et, ici, il n’est pas fréquent d’aller au restaurant.»Tous deux passent l’après-midi chez eux ou rendent visite à des ami-e-s et à des connaissances. Anka Djurovic est en contact quotidien avec sa sœur, qui vit aussi à Novi Pazar. «Par temps maus-sade, des ami-e-s viennent nous voir et nous jouons aux cartes, raconte-t-elle encore. Mais les visites sont devenues plus rares. Aujourd’hui, les gens vivent davantage dans leur coin.» Originaire du Monténégro, Momcilo Djurovic n’a pas de parenté à Novi Pazar: «Les livres oc-cupent mon temps libre. Et j’achète le journal tous les jours, car je n’aime pas lire sur un écran.»

soins de piètre qualitéMomcilo Djurovic nage volontiers. « Je me sens encore jeune et déteste rester sans rien faire», lance-t-il. Ses problèmes d’ouïe le contraignent cependant à se rendre parfois à l’hôpital: «Je dois alors prendre le taxi ou prier notre fille de m’y conduire. Les soins de santé laissent à désirer. Même si les rendez-vous sont fixés d’avance, les temps d’attente sont longs et on n’est pas certain d’être ausculté», se plaint-il. Anka Djurovic doit se déplacer à Belgrade pour traiter son affection sanguine, faute de spécialistes à Novi Pazar.Tous deux se souviennent avec nostalgie de leur vie dans la Yougoslavie socialiste. Ils n’auraient jamais imaginé que tout pourrait basculer si vite. «J’aimerais que les guerres en ex-Yougoslavie n’aient jamais existé. Lutter en permanence pour notre survie, durant ces 20 der-nières années, a aussi été difficile, soupire Anka Djurovic. Mais, aujourd’hui, je suis heureuse de la présence de notre petite-fille Lena, qui embellit notre exis-tence et nous rajeunit.»www. solidar.ch/serbie

«Notre rente pourrait être plus élevée.»

uNE vIEcHambOuLÉEAnciens enseignants, Anka et Momcilo Djurovic se rappellent avec nostalgie de leur vie en ex-Yougoslavie.Texte et photo: Katarina Jovanovic

Anka et Momcilo Djurovic savourent la présence de

leur petite-fille Lena.

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«LES FILLES N’aLLaIENT PaS à L’ÉcOLE»En quelques décennies, la vie a énormément changé au Nicaragua. Eclairage – et souvenirs – d’un couple marié depuis 45 ans.Texte: Nelly Miranda. Photo: Andreas Schwaiger

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Doña Flora et don Úrsulo, dans la maison bâtie de leurs propres mains.

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Flora Peralta Escobar se lève à quatre heures du matin. Elle se lave à l’eau très froide en toute saison. «C’est pourquoi nous ne craignons pas les infarctus», dit-elle en riant. Son mari Úrsulo López Montenegro se lève une heure plus tard. Ensemble, ils boivent du café et mangent les tortillas préparées par doña Flora.

Puis don Úrsulo affûte sa machette, prend la pioche et la pelle, et part aux champs. Tous deux, depuis 31 ans, sont membres de la coopérative de produc-teurs de café Ramón Raudales, épaulée par Solidar Suisse. «La coopérative nous a fourni une formation continue, une assistance technique et des semences. Et nous nous entraidons», lance doña Flora.

Feuilletons brésiliensParfois, doña Flora accompagne son époux pour les travaux des champs. Avant midi, elle rentre faire la cuisine. «Nous avons la chance de manger avec nos fils, belles-filles et petits-enfants», se réjouit don Úrsulo. «Comme nous sommes pauvres, il y a le plus souvent du riz et des haricots – dans les moments difficiles, seulement du riz ou des hari-cots», précise doña Flora.L’après-midi, ils restent chez eux et regardent la télévision, les nouvelles sur-tout: «Nous sommes curieux de ce qui se passe au Nicaragua et dans le monde», explique la septuagénaire. «Mais nous re-gardons aussi volontiers les histoires d’amour, les plus belles étant les feuille-tons brésiliens.» Flora et Úrsulo se connaissent depuis 48 ans: «Après trois ans, nous nous sommes mariés à l’église catholique. Nous avons promis de nous aimer à jamais», se rappelle don Úrsulo, 71 ans. «Cet amour a survécu à la pau-vreté et aux mauvaises passes, comme la mort de deux de nos onze enfants.»

Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse

Les collectivités publiques disposent d’un pouvoir d’achat considérable: chaque année, cantons et communes achètent à eux seuls pour environ 40 milliards de francs de biens et de ser-vices, dont une bonne partie (pierres, textiles, articles de sport et ordina-teurs) provient de pays émergents ou en développement. L’Etat est alors un consommateur comme un autre: il peut décider d’acheter le produit le moins cher, le meilleur ou le plus équitable. S’il opte pour le commerce équitable, il s’infor-mera sur les conditions de travail et n’achètera rien aux producteurs qui versent des salaires de misère ou se moquent totalement de la sécurité au travail – et encore moins à ceux qui recourent au travail forcé des enfants. En agissant ainsi, il contribue à pro-mouvoir la justice sociale.Les acheteurs de l’Etat ne pouvant évaluer eux-mêmes les conditions de travail dans des pays lointains, ils se fient aux labels attribués par des organismes spécialisés. D’où l’impor-tance du rating Solidar, qui analyse les pratiques des collectivités publiques en matière d’achats.Après évaluation, nous établissons un classement qui identifie les com-munes «équitables» et celles qui ne le sont pas. Un outil très efficace pour que votre commune progresse vers davantage de solidarité. N’hésitez pas à vous en servir, nous vous aiderons volontiers!www.solidar.ch/rating

Miser sur le

pouvoir d’achat«Nous sommes curieux de ce qui se passe dans le monde.»

Diarrhée mortelleUn fils est mort à la guerre, alors qu’il avait 15 ans, au début des années 1980. L’autre avait sept ans lorsqu’il est décédé d’une gastro-entérite. «A l’époque, l’hôpi-tal était très éloigné et les chemins pour y accéder extrêmement dangereux», se souvient doña Flora. «Notre fils s’est dés-

hydraté en quatre heures. Je ne savais pas qu’on pouvait mourir aussi vite de diar-rhée.» Cela ne se produirait plus aujourd’hui. Le centre de soins le plus proche est à

trois kilomètres – même si la route est parfois scabreuse durant la saison des pluies. Tout n’est cependant pas rose. Lorsque des maladies ravagent leurs champs, comme la rouille du caféier au-jourd’hui, ils ne peuvent se permettre d’acheter des médicaments. Doña Flora ne peut, par exemple, remplacer ses lunettes de lecture brisées.

Accès à l’écoleAlors que don Úrsulo n’a suivi que deux années d’école et que doña Flora n’y est pas allée du tout – «de mon temps, les filles n’allaient pas à l’école, car on nous préparait pour le mariage» –, leurs cinq filles et quatre fils sont tous bacheliers. De quoi remplir don Úrsulo de fierté: «Avant, les pauvres ne pouvaient fré-quenter l’école. Depuis la révolution sandiniste, en 1979, elle est gratuite et notre gouvernement actuel aide les pauvres. J’ai grandi sous la dictature de Somoza: quiconque soulevait des ques-tions dérangeantes se faisait tuer.»Tous deux vivent avec deux fils, leurs épouses et trois de leurs 31 petits- enfants dans leur maison en planches, bâtie de leurs propres mains. Lorsqu’il ne regarde pas la télévision, don Úrsulo joue au baseball l’après-midi. Ou entraîne des jeunes. Doña Flora rend visite à ses voisines pour bavarder. Aucun d’eux n’aime les jeux de hasard et ne fréquente l’église: «Nous sommes âgés et revenons éreintés du travail. Nous préférons nous reposer», confie doña Flora.www.solidar.ch/nicaragua-projets

CHRONIQUE

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Contrairement à la tendance qui prévaut dans le monde entier, le gouvernement d’Evo Morales a entrepris de profondes réformes pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées – tout en abaissant l’âge de la retraite à 58 ans. Dans un pays où l’espérance de vie ne dépasse pas 67 ans, cela n’a rien d’impossible. L’âge limite est même de 55 ans pour les femmes ayant eu trois enfants et plus.

Recul de la pauvretéUne rente minimale, cofinancée par l’Etat, a de plus été introduite. Pour en bénéficier, il faut avoir cotisé durant dix ans au moins à la caisse de pensions. Cette rente est calculée sur la base du revenu et des cotisations versées. Après 20 ans de cotisations, elle se situe entre 130 et 220 francs par mois; pour 35 ans de cotisations (situation très rare), elle

varie entre 200 et 400 francs. Celles et ceux qui ne parviennent pas à ce montant touchent désormais un complé-ment de l’Etat. Cette innovation qui aug-mente leur rente est vitale pour nombre de personnes.La rente de vieillesse générale, introduite par les gouvernements précédents, n’est pas liée aux cotisations. Le gouverne-ment du Mouvement vers le socialisme (MAS) a, dans un pays gouverné par la gauche depuis 2006, fait passer la renta dignidad, versée à toutes les personnes de plus de 60 ans, de 27 à 35 francs par mois. Pour financer cette réforme des retraites, l’Etat puise pour l’essentiel dans les recettes des exportations de gaz na-turel. Mais salarié-e-s et employeurs sont également appelés à passer à la caisse: outre les cotisations ordinaires, ils doivent verser une contribution de solidarité, qui augmente avec le revenu.

En Bolivie, la pauvreté ne cesse de recu-ler. Selon la Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine, la pauvreté relative a diminué de 62,4 à 54 % entre 2002 et 2009, et la pauvreté absolue de 37,1 à 31,2 %. Cette évolution est surtout due à la bonne conjoncture économique et à la hausse du prix des matières pre-mières. Elle a aussi été facilitée par les réformes sociales du gouvernement Morales – outre le nouveau système de retraite, l’Etat verse des contributions pour les enfants en âge scolaire et les jeunes mères.

Le fléau du travail informelDes questions cruciales restent cepen-dant ouvertes. Seuls 15 % de la popula-tion active cotisent à la sécurité sociale. C’est peu, comparé aux 45 % de la moyenne latino-américaine. Cet écart s’explique par le fait que la grande majo-rité des Bolivien-ne-s sont des travail-leurs informels. Ils ne versent donc pas de cotisations. Or, ces dernières années, le secteur informel a gagné en impor-tance. Solidar soutient d’ailleurs le dia-logue entre gouvernement, employeurs et syndicats, afin de stimuler la création d’emplois avec contrat.L’avenir des rentes vieillesse en Bolivie n’est pas assuré. Selon les calculs offi-ciels, leur financement est garanti pour une trentaine d’années. C’est trop peu pour les générations à venir. De plus, les personnes n’ayant pas cotisé à la caisse de pension, soit la majorité de la popula-tion, ne reçoivent que la renta dignidad, soit 35 francs par mois. C’est le cas de Maria Elena Quispe: «La renta dignidad ne suffit pas. Sans l’aide de mes enfants, je ne pourrais vieillir dignement.»www.solidar.ch/bolivie

En Bolivie, la réforme du système de retraite améliore le sort des personnes âgées. Son financement demeure cependant fragile.Texte: Joachim Merz. Photo: Barbara Klitzke

baISSE dE L’ÂGE dE La RETRaITE ET HauSSE dES RENTES

Malgré les réformes, une rente peine à garantir une existence digne.12

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uNE bOuSSOLE POuR uNE vIEILLESSE dIGNEPermettre à tous de vivre décemment – et garantir une existence digne aux personnes âgées. Tel est l’objectif du Social Protection Floor.Texte: Luca Cirigliano, secrétaire central à l’USS

Le Social Protection Floor (SPF) doit permettre à chacun-e de vivre décem-ment et de faire activement partie de la société. Ce droit est garanti par la Convention de l’Organisation internatio-nale du travail (OIT) et par la Déclaration des droits de la personne humaine de l’ONU. Il s’agit d’assurer le droit à des services de santé, à l’éducation, à un logement, à la mobilité et à la liberté – notamment d’expression.Le fait que toutes les personnes qui, en raison de leur âge, de leur état de santé

ou du chômage, ne peuvent plus exercer un travail rémunéré, bénéficient de bonnes conditions de vie en fait aussi partie. L’organisation concrète de ce mi-nimum, qui protège les droits de la per-sonne humaine, diffère selon les pays. L’assistance sociale rendue possible par le SPF peut prendre la forme d’aides publiques, telles que les rentes ou les transferts sociaux. Des services et des produits peuvent également être mis à la disposition des personnes: denrées

alimentaires gratuites ou à prix réduit, bons d’achat, renoncement à des fran-chises d’assurance, tarifs réduits pour le transport ferroviaire ou pour visiter des musées, etc.

Revenu minimum garantiL’objectif du Social Protection Floor est de protéger les personnes particulière-ment vulnérables et celles qui risquent de vivre dans des conditions précaires. Un revenu minimum garanti est donc essentiel pour assurer une vie digne aux

personnes âgées. A une époque où, heureusement, de plus en plus de gens vivent jusqu’à un âge avancé, il est essentiel de penser à l’organisation du SPF pour

toutes les personnes qui, en raison de leur âge, doivent quitter le marché du tra-vail. La création d’aides sociales permet-tant aux personnes âgées de vivre dignement n’est pas un simple précepte des Droits de la personne humaine. Elle correspond aussi aux impératifs écono-miques d’un monde du travail marqué par les transformations technologiques et aux besoins d’une société de plus en plus solidaire et dynamique, au fil des générations.

Organisation spécifique par pays Tous les pays ne peuvent et ne doivent pas rechercher les mêmes solutions. Si un système d’assurance avec verse-ments de cotisations fonctionne bien en Suisse, il est impossible de transposer ce système dans des pays émergents ou en développement, dont l’économie est largement informelle et où les personnes actives ne sont pas répertoriées et ne paient pas de cotisations. Dans les pays du Sud, à la population majoritairement jeune, la pyramide des âges engendre des problèmes différents de ceux, en Europe de l’Est ou dans certaines ré-gions asiatiques (notamment la Chine), où l’Etat et les organismes d’entraide sont confrontés à un important vieillisse-ment démographique.En Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est, l’approvisionnement à bas seuil et gratuit en biens et services constitue, pour un SPF visant à favoriser la dignité humaine, une mission vitale. La Suisse doit y contribuer. D’une part en partageant sa propre expérience de modèles assurant une vieillesse digne et, d’autre part, en adaptant sa politique de développement aux réalités des pays du Sud.

«un revenu minimum garanti est essentiel pour les personnes âgées.»

pOINT De vue 13

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14

paix menacéeau MozambiqueFin octobre 2013, le parti d’opposition RENAMO a rompu l’accord de paix en vigueur depuis 1992, après que des troupes gouvernementales ont attaqué le camp du président de RENAMO, Afonso Dhlakama, installé dans la jungle. Auparavant, des unités de police et des civils avaient été victimes, dans la province de Sofala, de violentes agressions par des combattants armés de RENAMO. Depuis, la crainte d’un nouveau conflit armé est omniprésente.Les affrontements violents nuisent également aux projets de Solidar, dans plusieurs districts de la province de Sofala. Les activités liées aux projets sont presque totalement interrompues, jusqu’à une amélioration de la situation du point de vue sécuritaire.En 1992, un accord de paix a mis fin à 16 ans d’une guerre civile sanglante, entre le parti au pouvoir FRELIMO et le parti RENAMO. Depuis mi-2013, les tensions entre les deux partis se sont constamment intensifiées. RENAMO, qui a perdu les quatre élections prési-dentielles des deux dernières décen-nies et dont le poids politique n’a cessé de diminuer, se sent marginalisé – d’un point de vue politique et économique.L’ONU, l’Eglise catholique et les gou-vernements des pays donateurs sont inquiets et ont incité les deux parties à entamer des négociations. Les deux formations politiques se disent prêtes à dialoguer, mais RENAMO exige que des observatrices et observateurs inter-nationaux soient présents lors des négociations.

BRèves

Journée mondialepour le travail décentLors de la rencontre de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), organisée à Johannesburg, régnait une atmosphère de renouveau. Car le 7 octobre 2013 coïncidait avec la «Journée mondiale pour le travail décent».

Garantie de qualitéchez solidar suisseSolidar Suisse introduit le système de gestion de la qualité «Qualité comme processus» (QaP). QaP est une version, adaptée à la coopération au développe-ment, du modèle EFQM (European Foun-dation for Quality Management), qui peut être certifiée par l’Association Suisse pour Systèmes de Qualité et de Manage-ment SQS. Solidar est soutenue dans ce processus par l’entreprise proEval.

Au cours des deux prochaines années, nous mettrons en œuvre des processus d’apprentissage et de développement in-ternes durables, afin d’instaurer une culture cohérente de l’efficience. Trois de nos collaborateurs et collaboratrices sont actuellement en formation; ils se-ront, à l’avenir, chargés d’instaurer et de présenter ces processus en interne. La poursuite du QaP de manière autonome, après la phase d’accompagnement exté-rieur, sera ainsi garantie.

Aide hivernalepour les réfugié-e-s syriensEn novembre 2013, Solidar Suisse a ouvert un bureau à Nabatieh, afin de coordonner l’aide d’urgence pour les réfugié-e-s syriens dans le sud du Liban. Solidar est, pour la distribution des dons humanitaires, un partenaire de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).En décembre, l’aide hivernale a tourné à plein régime. 1300 familles, soit environ 10 000 personnes, ont reçu des couver-tures, du mazout et des radiateurs. Des matériaux de construction et d’isolation

Si les conditions de travail en Afrique du Sud sont précaires et ne semblent pas vouées à s’améliorer, les intervenant-e-s ont reçu un accueil chaleureux avec des applaudissements, des danses et des chants – conformément aux coutumes sud-africaines. Crecentia Mofokeng, coordinatrice régionale, a reçu le même accueil et déclaré: «L’IBB doit revenir aux fondamentaux, se rapprocher des gens.»Depuis quelques années, l’étroite coopé-ration avec le gouvernement sud-africain et le Congrès national africain a fragilisé la position autonome du mouvement syn-dical. Crecentia Mofokeng a été encoura-gée par les messages de la directrice de Solidar Suisse, Esther Maurer, et du res-ponsable du programme pour l’Afrique du Sud, Joachim Merz, tous deux invités à s’exprimer par l’IBB.

ont également été distribués, afin que les réfugié-e-s puissent aménager leurs lo-gements en vue de l’hiver. Une aide vitale, car les températures peuvent être glaciales au Liban. En décembre, une tempête de neige a ainsi fait descendre le mercure en-dessous de 0 degré. De jeunes enfants sont morts de froid.

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Quelle est la situation sur place?Le besoin d’aide reste colossal. Les dégâts sont énormes. Au nord de Panay,

où Solidar Suisse intervient, 80 à 90 % des maisons et 90 % des bateaux de pêche ont été détruits. La grande partie des arbres est au sol. La récolte de maïs, de bananes et de noix de coco est ré-duite à néant.

La plupart des personnes touchées ont-elles reçu une aide?Une quantité suffisante de nourriture est distribuée. Mais il en faut encore, car les gens ont perdu leurs moyens de subsis-tance. Le pire, c’est que des logements d’urgence manquent toujours. Vu qu’il pleut sans cesse, les gens vivent à l’abri

des décombres. L’initiative personnelle et la solidarité ne manquent pas aux Philippines. Bien au contraire. Je n’ai jamais eu l’impression que les gens nous attendaient les bras croisés. Que fait concrètement Solidar à Panay?Début janvier, dans 17 villages, nous avons distribué des kits d’urgence à 2500 familles. Plus de 12 000 per-sonnes en profitent. Nous mettons à leur disposition de la tôle pour les toits, ainsi que des clous et des outils pour la répa-ration de leurs maisons. Pour les parois, ils utilisent le bois de leurs habitations détruites.

Pourquoi une distribution si tardive?Juste après le typhon, il a fallu du temps pour organiser la mise à disposition du matériel nécessaire. Mais nous avons

utilisé cette période pour minutieusement préparer la distribution. Avec succès: aucun incident n’a eu lieu.

Comment avez-vous identifié les besoins prioritaires?Solidar Suisse a sollicité l’administration communale chargée d’enregistrer les plus démuni-e-s. Nous avons demandé où se situaient les besoins majeurs, car nous ne voulions pas intervenir là où une aide était déjà fournie. L’administration communale nous a très efficacement soutenus. Dans les barangays (villages), nous avons parlé avec les «captains» choisis par la population – des hommes exclusivement, mais dont les épouses ont donné de précieuses impulsions lors des séances. Nous avons reçu des listes et vérifié sur place si les familles étaient vraiment pauvres, si elles n’avaient plus de logis et ne parvenaient pas à s’en sortir. Nous avons ensuite publié une liste des bénéficiaires et leur avons lais-sé quelques jours pour exprimer leur éventuel désaccord. Personne ne l’a fait. Ensuite, nous avons invité l’ensemble des habitant-e-s à une rencontre. Nous avons expliqué qui recevrait quoi et pour quelle raison.Cette approche participative est essen-tielle. La compréhension des critères est cruciale pour que les bénéficiaires acceptent la répartition de l’aide.

Qu’avez-vous prévu pour 2014?Des charpentiers aideront les familles qui ne parviennent pas à gérer correctement le matériel distribué. Nous formons ces spécialistes afin qu’ils puissent, à l’avenir, édifier des maisons résistant aux tem-pêtes. Puis nous voulons reconstruire quatre à cinq bâtiments d’école primaire. Lors d’une prochaine phase, nous aide-rons les gens à bâtir des habitations per-manentes et à renouer durablement avec une vie normale.www.solidar.ch/philippines

ACTuALITé 15

Roland Hürlimann coordonne l’aide d’urgence de Solidar après le récent typhon aux Philippines. L’élan de solidarité de la population l’impressionne.Interview: Katja Schurter. Photo: Roland Hürlimann

dESTRucTION maSSIvE

Le typhon Hayan a détruit maisons et récoltes.

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16 CONCOuRs

solution

Le suDOKu De sOLIDAR Règles du jeuComplétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque co-lonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1 = N, 2 = T, 3 = S, 4 = D, 5 = E, 6 = P, 7 = C, 8 = O, 9 = I

Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à [email protected], sujet «sudoku».

1er prix Bon pour un repas (deux personnes) au restaurant Sahltimbocca2e et 3e prix Un sachet de chocolat aux amandes

Les prix ont été offerts par le projet Sahltimbocca de l’OSEO Zurich.

La date limite d’envoi est le 21 mars 2014. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 2/2014. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer. La solution de l’énigme de Solidarité 4/2013 était «Un autre monde». 52 personnes ont trouvé la bonne réponse; toutes recevront un signet en provenance de Bolivie. Nous remercions vivement tou-te-s les participant-e-s au jeu.

Zurich: soutien aux requérant-e-s d’asileL’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR prend en charge, à Zurich, dans le cadre d’un centre test pour la nouvelle procédure d’asile, le conseil juridique des personnes requérantes. Ce travail est accompli en collaboration avec le réseau des associations régionales OSEO et d’autres organisations.La Confédération souhaite accélérer la procédure d’asile et expérimente, lors d’une phase test, des processus plus ra-pides. Une protection juridictionnelle étendue en fait partie: les requérant-e-s concernés ont droit à des conseils et à une représentation juridique gratuits. D’ici fin septembre 2015, 1400 de-mandes d’asile environ seront traitées chaque année dans ce centre test.

RéseAu

Journée du personnel des OseOLa journée du personnel des associa-tions OSEO régionales et de Solidar Suisse s’est déroulée à Lucerne, les 15 et 16 novembre 2013.Durant l’après-midi du vendredi, plu-sieurs visites guidées de la ville de Lucerne ont eu lieu. Près de 130 colla-borateurs et collaboratrices ont ensuite savouré un dîner organisé à l’hôtel Schweizerhof.

La journée du samedi était entièrement consacrée au thème de la «Gouver-nance participative». Des exposés, des groupes de travail, ainsi qu’un débat animé par Felix Föhn, ancien directeur de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière OSEO de Suisse centrale, furent pro-pices au dialogue et aux échanges. Entre deux ateliers, les participant-e-s ont pu se régaler de délicieuses spécia-lités culinaires du Sri Lanka, du Maroc et de Bosnie-Herzégovine.

Nous avons demandé à nos abonné-e-s de nous indiquer des thèmes que nous de-vrions approfondir dans notre magazine. Voici les sujets que l’on nous a proposés: autodétermination, abandon de la propriété foncière privée, solidarité avec les per-sonnes migrantes, contraception dans les pays pauvres, art au service d’un monde meilleur, hausse du quinoa (son prix a quintuplé!) suite à son succès dans les pays industrialisés, respect des pauvres. Merci de tout cœur pour vos suggestions!

propositions de thèmes

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Le 16 août 2012, dans le village sud-africain de Marikana, 34 ouvriers de l’entreprise minière Lonmin ont trouvé la mort sous les balles de la police, qui dispersait brutalement un rassemblement de gré-vistes, sans appliquer le moindre principe de propor-tionnalité. 78 autres mineurs ont été blessés. Le massacre de Marikana est la plus importante effu-sion de sang depuis la fin de l’Apartheid en 1994. Selon de nombreux observateurs, il marque une rup-ture politique pour la jeune démocratie sud-africaine: un tournant manifeste vers un Etat qui privilégie ré-pression et violence en réponse aux revendications des citoyen-ne-s et des mouvements sociaux.

L’organisation Khanya College de Johannesburg, partenaire de Solidar, a lancé la campagne «We Are All Marikana» (Nous sommes tous Marikana), en col-laboration avec d’autres organisations de terrain. Objectif: s’opposer à la violence policière et à la cri-minalisation de la protestation sociale.Khanya College a également conçu l’exposition iti-nérante «Remember Marikana» (Souvenez-vous de Marikana), composée d’une quarantaine de clichés réalisés par les photographes sud-africains Greg Marinovich, Leon Sadiki et Sebabatso Mosamo. Cette exposition relate les évènements avant, pen-dant et après la funeste journée du 16 août 2012. Elle a été présentée dans divers sites d’Afrique du Sud, afin de rappeler ce tragique incident. www.solidar.ch/afrique-du-sud

CuLTuRe

REmEmbER maRIkaNa

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Une exposition photographique revient sur le massacre perpétré dans le villagesud-africain de Marikana.Texte: Joachim Merz. Photos: Khanya College

9000 personnes se sont rassemblées à Marikana à l’occasion du 1er

anniversaire de ce massacre, au cours duquel 34 grévistes furent tués.

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«IL m’a FRaPPÉ au vISaGE avEc Sa cRavacHE»Thabang Mohlala défend les droits des employé-e-s temporaires, dont les effectifs sont en hausse constante en Afrique du Sud. Pour avoir été l’un d’entre eux, il connaît bien leur dure réalité. Texte: Eva Geel. Photo: Esther Maurer

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Thabang Mohlala avait certes rencontré divers problèmes sur son lieu de travail, mais ne s’attendait vraiment pas à ce qui s’est passé le 15 octobre 2012: «Lorsque j’ai dit à l’employeur qu’il contrevenait à la loi en menaçant de rosser notre équipe de conseillers, il m’a frappé au visage avec sa cravache.» Thabang a dû se rendre à l’hôpital pour se faire soigner.Pourquoi une telle violence? L’employeur voulait empêcher un groupe de balayeurs et de balayeuses en grève de demander conseil au service de consultation Casual Workers Advice Office (CWAO; voir encadré). Ne respectant ni la loi ni les obligations fixées par la commune qui lui avait confié le nettoyage des rues, son entreprise avait baissé les salaires: alors que le salaire mensuel s’élevait jusqu’ici à 6000 rands (600 francs), l’entreprise –

qui appartient pourtant à l’African Natio-nal Congress (ANC) – ne versait plus que 1700 rands (170 francs). De tels cas sont monnaie courante en Afrique du Sud. Le chômage augmente, davantage de gens vivent de missions temporaires et du travail sur appel, les employés fixes sont remplacés par les intérimaires. Or les syndicats défendent surtout les inté-rêts des employés fixes.

privés de tout droitThabang Mohlala a lui aussi travaillé comme intérimaire. Il a débuté en 2002, chez l’entreprise chimique Reckitt Benckiser. Comme manœuvre, il touchait 13 rands (1 fr. 30) de l’heure, un tarif relevé de 5 centimes lorsqu’il a été pro-mu machiniste. «A la conclusion du contrat, on m’a dit: signe là, là, et encore là!», se souvient-il. Thabang Mohlala n’a jamais reçu une copie du contrat. Une pratique habituelle: les employé-e-s ne reçoivent jamais une copie d’un contrat à durée déterminée, car l’échéance du contrat n’y figure en général pas. L’employeur peut ainsi les mettre sous pression. Notamment en modifiant la date d’échéance du contrat.Thabang Mohlala a pourtant travaillé du-rant de nombreuses années chez Reckitt Benckiser à Johannesburg, soit à près de 500 kilomètres de chez lui. Sa femme et leurs enfants, une fille de 13 ans et un fils de 8 ans, vivent à Mpumalanga. Mais Thabang ne trouve pas de travail sur place. «Je peux aller les voir au maximum tous les deux mois.»

Licencié à cause d’un conflit du travailEn 2011, Thabang Mohlala a participé à une grève dans le secteur chimique: «Les employé-e-s fixes faisaient grève pour obtenir une hausse salariale. Nous avons débrayé par solidarité.» Les intérimaires demandaient un salaire minimal incluant des prestations sociales et une garantie de salaire en cas de maladie. Si la grève a amélioré le sort de la main-d’œuvre fixe, les intérimaires n’ont rien obtenu: «Peu après, 480 d’entre nous se sont

Thabang Mohlala porte toujours la cicatrice du coup asséné, il y a une

année, par un employeur violent.

pORTRAIT 19

Créé en 2011, le service de consulta-tion pour intérimaires vient en aide aux salarié-e-s précaires, toujours plus nombreux en Afrique du Sud. Il leur propose des conseils gratuits ainsi qu’une assistance juridique, même par téléphone: en cas de problème, les tra-vailleurs peuvent envoyer un SMS au CWAO, qui rappelle aussitôt.www.solidar.ch/afrique-du-sud

Office CWAO

Casual Workers Advice

remis en grève», raconte Thabang. Une terrible déception les attendait: les employé-e-s fixes n’ont plus voulu en-tendre parler de solidarité. Et ce qui devait arriver est arrivé: l’entreprise a re-jeté les revendications des temporaires. Lorsqu’ils ont finalement décidé de se re-mettre au travail, 216 d’entre eux ont été licenciés. Ceux-ci, parmi lesquels figurait Thabang Mohlala, ont attaqué Reckitt Benckiser en justice pour licenciement abusif. L’entreprise a été condamnée à leur verser six mois de salaire à titre de dédommagement, mais Thabang nous apprend «qu’elle a jusqu’ici fait mine d’ignorer le verdict». Engagé pour une durée déterminée par CWAO, Thabang Mohlala est chargé d’in-former les travailleurs et les travailleuses sur leurs droits. «Je voudrais garder cet emploi, mais le CWAO manque d’argent», explique-t-il. Les responsables du CWAO le regrettent aussi, car l’expérience de Thabang est précieuse. Il connaît bien les conditions de travail et les problèmes des intérimaires et s’engage à leurs côtés, car «il est important qu’ils connaissent leurs droits». Thabang Mohlala sait d’expérience à quel point le combat est difficile. Après le fameux coup de cra-vache, il a porté plainte contre le fou-gueux patron: «Je n’ai jamais été enten-du par un procureur. La corruption est omniprésente dans ce pays!»* La traditionnelle cravache sud-africaine, ou sjambok, est aujourd’hui vendue en plastique et souvent utilisée lors de bagarres.

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mERcI !Jusqu’à Noël 2013, Solidar Suisse a reçu plus de 560 000 francs pour les victimes du typhon Hayan. Merci de tout cœur pour votre solidarité!Grâce à vos dons, Solidar Suisse a pu dispenser une aide d’urgence et contribuer à reconstruire les maisons des personnes touchées. A l’heure actuelle, nous aidons les victimes à renouer avec une existence normale.

Chaque don est utile à la reconstruction des zones dévastées:

www.solidar.ch/don ou CP 10-14739-9