Social TV : quel impact des stratégies sur l'engagement des téléspectateurs français ?
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La Social TV : quel impact sur l’engagement des téléspectateurs français ?
Préparé sous la direction de M. Vincent Dutot.
ESG MANAGEMENT SCHOOL
Master 2e année Spécialité : Digital Business
Lucie SAY Classe 5G15 Promotion 2014
Septembre 2013
2
Table des matières I. REVUE DE LITTERATURE ................................................................................................. 3 INTRODUCTION .......................................................................................................................................... 3 1. Des médias sociaux à la Social TV ................................................................................................ 4
Définitions et cartographie de la Social TV ....................................................................................... 4 1.1. Rôle d’interaction ......................................................................................................................................... 7 1.2. Rôle de construction de communauté ............................................................................................. 10 1.3.
2. Social TV et Second Ecran ............................................................................................................ 12 Définition du Second Ecran .................................................................................................................. 12 2.1. Le Second Ecran : quand il devient plus facile de partager avec ses téléspectateurs. 13 2.2. L’enrichissement de contenus ............................................................................................................. 15 2.3.
3. Social TV et engagement .............................................................................................................. 18 Définition de l’engagement ................................................................................................................... 18 3.1. L’engagement social : des méthodes de mesure de l’engagement différentes selon les 3.2.
plateformes ............................................................................................................................................................... 19 Un engagement social qui se transforme en engagement pour le programme ? .......... 22 3.3.
II. CADRE CONCEPTUEL ET HYPOTHESES ................................................................. 24 1. L’impact des stratégies de Social TV sur les médias sociaux ........................................... 24 2. L’impact des stratégies de Social TV sur l’engagement ..................................................... 25
III. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE .................................................................. 27 1. Méthodologie ................................................................................................................................... 27 2. Guide d’entretien ........................................................................................................................... 28
III. ANALYSE DES RESULTATS .......................................................................................... 29 1. Résultats ............................................................................................................................................ 29 1.1. Test de l’hypothèse H1 : Les stratégies de Social TV ont un impact sur les fonctions des médias sociaux. ............................................................................................................................................... 29 1.2. Test de l’hypothèse H2 : Les fonctions des médias sociaux, permettent de créer un engagement social quantitatif positif. ........................................................................................................... 37 1.3. Test de l’hypothèse H3 : Les fonctions des médias sociaux permettent de créer un engagement social qualitatif positif. .............................................................................................................. 39 1.4. Test de l’hypothèse H4 : Un engagement social quantitatif et qualitatif positif se transforment en engagement pour le programme via une augmentation des parts d’audience. ................................................................................................................................................................ 40 1.5. Test de l’hypothèse 5 : les stratégies de Social TV ont un impact direct sur l’engagement ........................................................................................................................................................................................ 43
2. Discussion des résultats .................................................................................................................. 45 IV. CONCLUSION ..................................................................................................................... 48 Apports de la recherche ....................................................................................................................... 48 Limites et voies ultérieures de recherche ..................................................................................... 49
3
I. REVUE DE LITTERATURE
INTRODUCTION
En 2010, le MIT Technology Review avait dressé sa liste des 10 technologies à suivre
pour les prochaines années. Parmi elles figurait la Social TV. Et en 2013 il semblerait que
cette revue avait raison : ce terme n’a jamais été aussi en vogue. En effet, il est désormais
difficile de ne pas trouver d’émissions de télévision affichant à certains moments un petit
mot-clé, souvent le nom ou les initiales de l’émission accompagnés d’un hashtag, le symbole
de Twitter pour ses mots-clés. Mieux encore, les plus grandes chaînes nationales
investissement désormais dans la Social TV avec des stratégies et des plateformes
propriétaires à l’instar de TF1 avec Connect.
Ainsi les grands groupes de l’industrie de la télévision ont désormais investi les médias
sociaux de manière large, ainsi que le domaine du second écran, avec les smartphones et
tablettes, afin de remplir deux types d’objectifs : un objectif d’engagement social qui englobe
les interactions (Hill, S., Benton, 2012 ; Proulx, Shepatin, 2013), la construction de la
communauté (Raïes et Gavard-Perret, 2011), ainsi que l’amélioration de l’expérience
téléspectateur via une plus grande immersion avec les applications second écran (Proulx et
Shepatin, 2013) ; et un objectif d’engagement plus concret avec le programme diffusé.
L’essentiel des recherches sur le sujet sont anglophones et viennent de divers pays,
notamment d’Amérique du Nord. Bon nombre d’études de cas Social TV viennent également
des Etats-Unis. Le phénomène est très récent en France et pour preuve : le Conseil Supérieur
de l’Audiovisuel a publié sa première étude sur la Social TV en 2013 seulement. Nous avons
donc peu de recul et une base de recherche française peu élevée sur le sujet. Les logiques
d’usage et la consommation de télévision et d’Internet sont différentes entre la France et
l’Amérique du Nord font nous sommes donc en droit de nous poser la question suivante : quel
est l’impact des stratégies de Social TV sur l’engagement des téléspectateurs en France ?
Afin de répondre à cette question, nous allons tout d’abord dans une première partie
expliquer le lien en Social TV et médias sociaux ainsi que les similitudes entre les deux.
Ensuite, dans une seconde partie, nous allons expliquer le lien en Social TV et Second Ecran
et le rôle que ce dernier a à jouer dans l’enrichissement de l’expérience téléspectateur. Enfin,
4
nous allons expliquer en quoi toutes ces stratégies développées ont un impact théorique sur
l’engagement, qu’il soit social, sur les médias sociaux, ou envers le programme télévisé, ce
qui se manifeste par un retour sur investissement.
1. Des médias sociaux à la Social TV
Définitions et cartographie de la Social TV 1.1.
Il est impossible de définir la Social TV –ou télévision sociale- sans définir ce que sont les
médias sociaux, car ces derniers sont à l’essence même de ce qu’est la Social TV. Selon Brian
Solis (2011) les médias sociaux représentent un outil ou un service qui permet de faciliter les
discussions grâce à Internet. Ils permettent de relier les individus entre eux selon leurs centres
d’intérêts, et de démocratiser l’information en transformant les lecteurs en rédacteurs.
L’utilisateur n’est donc pas passif mais actif.
Les médias sociaux sont un ensemble de plusieurs types de plateformes sociales. Kaplan
et Haenlein (2010) ont classifié tous ces types de plateformes selon deux critères :
- le degré de présence sociale : basée sur l’immédiateté (si la conversation est
synchronisée ou désynchronisée) et sur l’intimité (si la conversation est directe ou
indirecte)
- le niveau de divulgation d’informations personnelles.
A partir de ces deux critères, six types de plateformes sociales ont pu être classifiées :
- Les blogs : sites personnels relatant soit la vie personnelle de l’administrateur, soit des
informations sur un sujet en particulier. Les articles contiennent du texte mais aussi
des contenus plus riches comme des photos ou des vidéos. Le blogueur peut ensuite
communiquer avec les lecteurs via le système de commentaires.
- Les projets collaboratifs : ce sont des projets qui permettent de réunir plusieurs
personnes dans la création d’un contenu ou d’une base de données, qui seront ensuite
disponible pour tous les internautes.
- Les réseaux sociaux : plateformes qui permettent à des utilisateurs de se connecter en
divulguant des informations personnelles et accéder à celles de ses amis ou abonnés. Il
est aussi possible de partager bon nombre de contenus photo et vidéo.
- Les communautés de contenus : plateformes qui facilitent le partage de contenus entre
les utilisateurs. Ce peuvent être des vidéos ou des photos.
- Les mondes virtuels : plateformes qui permettent aux utilisateurs de vivre une vie qui
peut être soit similaire à la vie menée dans le monde réel, soit entièrement différente.
5
- Les jeux vidéo online : plateformes qui permettent aux utilisateurs d’incarner un
personnage d’un jeu vidéo et de jouer et interagir avec les autres joueurs selon des
règles données strictes.
Présence sociale
Basse Moyenne Haute
Divulgation
d’informations
personnelles
Haute Blogs Réseaux sociaux Mondes virtuels
Basse Projets
collaboratifs
Communautés de
contenus
Jeux vidéo
online
Tableau 1 – Classification des plateformes de médias sociaux selon Kaplan et Haenlein, 2010.
Et c’est avec les médias sociaux que la Social TV est née. En effet, pour comprendre
pourquoi on parle de Social TV, il faut prendre en compte le fait que la télévision a toujours
été un sujet de conversation fédérateur, que ce soit dans le cadre familial, ou au bureau.
Cependant, les conversations concernant les programmes télévisés restaient essentiellement
confinés dans ces espaces de socialisation, sans en sortir.
A l’arrivée et la démocratisation des médias sociaux, il est donc presque naturel pour que
les conversations continuent sur ces canaux. La différence étant que, cette fois, les discussions
ont lieu non pas uniquement avec la famille ou les collègues (Nathan, Harrison, Yarosh, &
Terveen, 2008) mais avec toute une communauté de téléspectateurs (Hill, S., Benton, 2012).
En effet, les médias sociaux ont contribué à la création d’un canal regroupant toutes les
conversations concernant les programmes télévisés. Et avec l’augmentation du volume
d’utilisateurs plus élevé sur les plateformes de médias sociaux, les conversations recensées
dans ce canal sont proportionnellement de plus en plus élevées, tout dépend bien entendu des
programmes diffusés au moment où la mesure est effectuée.
Même si nous pouvons compter un très grand nombre d’articles de presse papier ou
Web sur la Social TV, très peu de recherches scientifiques ont été effectuées sur les médias
sociaux spécifiquement dans le contexte de la télévision sociale. Cependant, Mike Proulx et
Stacey Shepatin (2013) ont apporté une première définition dans leur ouvrage dédié à la
Social TV. Selon eux, la Télévision Sociale est le terme inventé pour décrire la convergence
de la télévision et des medias sociaux, et résumer l’état de la télévision aujourd’hui. Plus
concrètement, Marie-Josée Montpetit (Berelowitz, 2012), scientifique spécialisée en Social
6
TV, considère que la Social TV possède deux rôles principaux : un rôle d’interaction entre
individus qui ne sont pas forcément liés par des liens familiaux ou même amicaux, mais aussi
un rôle de prescription des programmes télévisés à regarder. Les travaux de recherche
effectués par David Geerts et Pablo Cesar (2011) viennent compléter cette définition avec la
mise en avant d’un ensemble de quatre activités principales :
• La sélection et le partage de contenus : les informations venant d’autres utilisateurs
sont utilisées pour aider dans la prise de décision sur les programmes TV à regarder.
Ce peuvent être des recommandations écrites ou des vidéos des émissions en question.
• La communication : l’ensemble des interactions directes entre individus durant le
visionnage d’un programme à la télévision.
• La construction d’une communauté : l’ensemble des interactions avec une large
communauté de fans
• La mise à jour du statut : affirme ce que l’on regarde en ce moment.
Les définitions apportées par tous ces chercheurs et experts laissent à penser que la
Social TV n’est qu’une simple transposition des réseaux sociaux dans le contexte de la
télévision. Cependant, la définition apportée par la CSA (2013) ajoute également un aspect
d’enrichissement des contenus via des plateformes spécialisées, des sites collaboratifs du type
Wikipedia ou Quora, mais également des sites communautaires, impliquant ainsi que les
médias sociaux traditionnels du type Facebook et Twitter ne sont pas les seuls concernés par
la Social TV ; mais également le fait qu’un téléspectateur interagit non seulement avec les
autres téléspectateurs, mais aussi avec les contenus proposés par les chaînes de télévision
mêmes via des plateformes web ou applications mobiles propriétaires, crées dans le but
d’enrichir l’expérience téléspectateur.
Ainsi, si nous devions créer une cartographie de la Social TV, elle diffèrerait
légèrement de la classification puisque toutes les plateformes ne seraient pas présentes, et
l’écosystème de la Social TV ne compte pas que des plateformes de médias sociaux. Il faut
compter également des sites officiels des chaînes de télévision et leurs plateformes de replay,
qui permettent aux utilisateurs de regarder une émission après sa diffusion à la télévision.
Même si nous les mentionnons dans cet écosystème, nous nous concentrerons plus sur la
partie médias sociaux. Le CSA (2013) a ainsi défini une cartographie des plateformes utilisées
dans le cadre de stratégies de Social TV. Au vu des dernières initiatives venant des chaînes de
télévision elles-mêmes avec leurs propres applications second écran (M6 Connect, TF1
7
Connect, etc) nous nous sommes permis d’ajouter cette plateforme plus récente à cet
écosystème afin de l’actualiser.
Figure 1 - Cartographie des plateformes de Social TV, CSA (2013)
Rôle d’interaction 1.2.
Comme dit précédemment, la télévision a toujours été un sujet conversationnel, même
avant l’avènement des médias sociaux, où il pouvait être discuté au sein des foyers mais aussi
au bureau, devant les machines à café, et bien d’autres lieux et situations de socialisation. Il
est donc naturel qu’un des fondements de la télévision sociale soit basée sur l’interaction,
puisque les médias sociaux ont permis de créer un fil de conversation géant, où les
discussions et l’expérience de visionnage n’ont plus lieu uniquement dans les foyers, mais le
monde entier. Pour preuve, selon une étude du cabinet NPA Conseil (2012), cinquante pour
cent des tweets générés en une semaine en France auraient pour sujet la télévision. Et les
chaînes de télévision ont bien compris le potentiel et les enjeux de la Social TV et
encouragent vivement les téléspectateurs à discuter sur les réseaux sociaux et à affirmer leur
présence sociale durant la diffusion d’un programme.
Comment les chaînes peuvent-elles inciter les téléspectateurs à interagir ? Selon plusieurs
recherches, nous avons pu distinguer deux grandes catégories d’incitation à la discussion
Social TV
Réseaux sociaux
Communautés de contenus
Blogs, Forums
Sites collaboratifs (Wikipedia) Sites de replay
TV (myTF1, etc)
Sites des chaînes de télévision
Applications second écran
8
mises en place par les chaînes de télévision : l’encouragement à la discussion via la mise en
place de hashtags sur l’écran, la diffusion de tweets de téléspectateurs ou la participation aux
contenus d’une émission (Hill, S., Benton, 2012) ; et la recommandation de programmes sur
les réseaux sociaux via les applications de check-in (Proulx, Shepatin, 2013).
La mise en place de hashtags sur l’écran est l’exécution la plus simple afin de générer de
l’interaction. Le hashtag est un mot ou phrase clé suivi par le symbole dièse et qui permet, en
cliquant, d’accéder à d’autres tweets incluant ce même mot-clé. C’est un terme très spécifique
à la plateforme Twitter, mais qui est devenu incontournable pour les discussions sociales. En
effet, il est désormais de plus en plus difficile de ne pas voir d’émission n’ayant pas de
hashtag officiel diffusé sur l’écran, car il incite de manière réelle à la discussion, et d’autre
part, il permet aux chaînes de télévision de suivre cette dernière.
Image 1 et 2 –The Voice ou Touche Pas à Mon Poste : deux des très nombreuses émissions mettant en avant un
hashtag
En accompagnement de l’affichage d’un hashtag sur l’écran, certaines émissions
peuvent diffuser des tweets d’utilisateurs durant l’émission. Cela est souvent le cas pour des
émissions en direct, qu’elles soient de divertissement (« Danse avec les Stars ») ou plus
politiques (« C dans l’air »). C’est une initiative très appréciée puisque selon une enquête
menée par l’agence Iligo (2013), le relai de commentaires sur l’écran incite les gens à en faire
de même en commentant sur les réseaux sociaux, mais également à regarder l’émission en
question. Il y a donc un double effet : d’une part, une envie de participer aux discussions, et
d’autre part effet de promotion/recommandation de la part des autres individus. Du point de
vue des chaînes de télévision, les médias sociaux ont un effet amplificateur, viral pour leurs
programmes.
Les deux premières catégories sont les plus répandues durant les programmes. Mais il
y a également des variantes plus événementielles, permettant d’impliquer l’utilisateur tout en
9
encourageant l’interaction. La plus répandue de ces dispositifs événementiels reste la
possibilité donnée aux téléspectateurs d’influencer le contenu d’une émission. Un exemple est
de laisser les téléspectateurs de choisir la fin d’un épisode, comme cela a été le cas avec la
série télévisée américaine Hawaii 5-0. Au cours de l’épisode intitulé « Kapu », l’équipe,
enquête sur le meurtre d’un professeur d’université. Le patron de ce dernier, l’assistant
pédagogique ou un étudiant viré pour cause de fraude à un examen sont les principaux
suspects de cette affaire. C’était donc aux téléspectateurs de déterminer le coupable en votant
sur le site de la chaîne CBS et sur Twitter durant la diffusion de l’épisode avec les hashtags
associés : #theBoss pour le patron, #theTA pour l’assistant pédagogique et #theStudent pour
l’étudiant. Les votes étaient immédiatement dépouillés et la fin ayant remporté le plus de
suffrages était immédiatement diffusée à la télévision. Le dispositif a été transposé en France
par M6, qui diffuse la série.
Pour encourager l’interaction, la recommandation de programmes venant des
utilisateurs eux-mêmes est aussi un moyen efficace, propre aux médias sociaux. En effet,
Internet est un canal où il est désormais possible non seulement de donner des conseils ou des
recommandations sur des plateformes en ligne mais également d’obtenir des informations
non-biaisés sur des produits et venant d’autres clients, créant un bouche-à-oreille positif ou
négatif (Hennig-Thurau, Gwinner, Walsh and Gremler, 2004). Dans le cas précis des
programmes de télévision, si un ami nous recommande fortement de regarder un programme,
la probabilité que nous nous mettions à regarder le dit programme est beaucoup plus forte. De
la même façon, si nous pouvons lire bon nombre de messages sur un programme en
particulier sur un forum de discussion ou un hashtag en Trending Topic1 sur Twitter, nous
avons plus de chances de le remarquer, et d’allumer le poste de télévision.
Ainsi, ce bouche-à-oreille peut se faire via tous les médias sociaux traditionnels, que ce soit
les blogs, les forums de discussion, Twitter ou Facebook, ou bien via des applications dédiées
aux recommandations comme les applications de check-in qui permettent de montrer aux
autres utilisateurs ce que nous regardons à un moment donné comme GetGlue, ou les « Social
Guides », des applications qui génèrent des recommandations basées sur notre propre activité
et celle de la communauté. Un exemple français de Social Guide est Cinémur, qui
recommande des films passant à la télévision selon les informations que l’utilisateur a déclaré
sur le site.
1 Trending Topic : terme propre à Twitter désignant le fait qu’un sujet soit parmi les plus discutés sur la plateforme dans une région géographique donnée à un instant précis.
10
Rôle de construction de communauté 1.3.
Selon les travaux d’Andreas Kaplan et Michael Haenlein (2010), les médias sociaux
apportent bon nombre d’opportunités pour les marques. L’une d’elles est la construction de
communautés basées sur les contenus. Les communautés de contenus sont des plateformes
qui ont pour objectif de faciliter le partage de contenus entre les utilisateurs. Ce peuvent être
des plateformes de contenus basés sur un média en particulier comme la vidéo avec Youtube
ou Dailymotion ou comme la photo avec Flickr ou d’autres sites de galeries photo en ligne.
C’est sur la base de ces contenus que d’autres plateformes communautaires comme les
forums, sites et blogs de fans, qui sont cette fois centrés non pas sur un média mais sur un
programme en particulier, peuvent nourrir leur communauté avec de nombreuses informations
sur le programme, des photos, des extraits d’émission, etc.
Par conséquent, ces communautés partagent beaucoup de contenus qui sont soumis aux
droits d’auteur. Et même si certaines chaînes de télévision mettent en place des politiques
visant notamment à supprimer les programmes mis en ligne par les internautes sur les
plateformes de partage, nous ne pouvons pas nier la popularité de ces communautés et que si
les chaînes de télévision adoptent une position dure par rapport au partage en ligne, cela
enlève tout sens à la communauté de contenus et, par effet de ricochet, à l’une des sources des
communautés même. Et ces dernières, lorsqu’elles concernent des grands programmes à
succès, réunissent un très grand nombre de fans engagés sur un même lieu.
Les travaux de Karine Raïes et Marie-Laure Gavard-Perret (2011) sur les communautés de
marques ont démontré que l’un des ingrédients du succès de la marque Nikon et de la
communauté des Pixellistes est que non seulement Nikon n’entravait pas le bon
fonctionnement de la communauté, mais qu’en plus, elle n’hésitait pas à faire être en contact
avec les modérateurs pour les informer sur les prochaines nouveautés ou offres, ainsi
qu’organiser des concours de photographie. Cette communauté réunit aujourd’hui près de
30000 membres. Et ce qui est valable pour des marques de grande consommation l’est aussi
pour le domaine du divertissement. Un autre exemple dans le domaine de la musique, Troy
Carter, le manager de Lady Gaga, considérait que les personnes réellement engagées avec
l’artiste passaient la plupart de leur temps non pas sur les réseaux sociaux mais sur les sites de
fans. C’est donc avec les modérateurs de ces sites que le management de la star communiquait
jour après jour afin de donner des nouvelles en avance, et aider à désamorcer des rumeurs sur
11
Image 3 –HBO Connect, la plateforme communautaire pour tous les fans de la chaîne et de ses programmes.
Internet. Même s’il existe peu de recherche scientifique centrée sur la télévision, nous
pouvons considérer que la télévision suit bien ces modèles, notamment en termes de temps
passé. Par exemple, le site Glee-France2, dédié à la série américaine Glee, compte plus de 5,5
millions de visites depuis son ouverture le 4 avril 2010. Son forum est quant à lui fréquenté
par près de 3000 membres, qui ont posté plus de 176 000 messages. D’où le potentiel qu’ont
les communautés dédiées aux programmes télévisés, même s’ils sont indépendants.
Cependant, les chaînes de télévision commencent à investir le créneau des communautés
virtuelles ces dernières années en créant leur propre plateforme. C’est le cas notamment de
HBO avec sa plateforme Connect
Le cas de HBO Connect
HBO Connect est la plateforme communautaire de la chaîne câblée HBO (Game of Thrones, True Blood, Girls,
etc) ouverte en mai 2011. La plateforme se présente comme étant une application second écran destiné aux
téléspectateurs de la chaîne qui veulent avoir une meilleure expérience sociale en rapport avec les séries qu’ils
regardent.
L’interface est divisée tout d’abord selon les programmes de la chaîne. Chaque série ou émission possède donc
sa propre section, où l’on peut voir un fil de conversation divisé selon s’ils viennent de personnalités en rapport
avec le programme, s’ils viennent de nos propres amis ou bien s’ils proviennent de tout le monde. Ces pages sont
aussi reliées à tous les réseaux sociaux officiels du programme.
Elle permet également d’apporter des contenus exclusifs que les fans ne trouveraient pas ailleurs. En effet, des
chats avec des membres du casting de certaines séries sont organisés durant la période de diffusion de ces
derniers. Cela permet aux fans de tisser un lien avec le casting d’une série qu’ils aiment, ainsi qu’avoir une autre
perspective, côté coulisses de cette série, de la même manière que les fans voient le livetweet d’une personnalité
pendant un programme.
2 http://glee-‐france.fr/
12
Image 4 – Durant la diffusion de Game Of Thrones, la série phare de HBO, la chaîne a régulièrement organisé des chats avec des acteurs de la série.
De la même façon, les fans d’un programme peuvent être appelés pour montrer leur engagement en les
encourageant à la création de contenus crées par les utilisateurs (ou User Generated Content). Par exemple, nous
pouvons donner le cas de l’activation médias sociaux qui a eu lieu à quelques semaines de la diffusion de la
nouvelle saison de True Blood. La chaîne de la série vampirique a fait appel aux fans pour qu’ils montrent les
crocs sur Instagram et Twitter avec le hashtag #ShowYourFangs. Cette activation a ainsi permis de créer
l’attention à l’aube du retour de la série sur HBO.
2. Social TV et Second Ecran
Définition du Second Ecran 2.1.
Cette adoption de l’utilisation des médias sociaux durant le visionnage d’un programme à
la télévision a notamment été facilitée par la montée en puissance du second écran. Le second
écran (ou « écran compagnon ») est un terme représentant les terminaux électroniques utilisés
afin d’interagir avec les contenus télévisés. Ces terminaux peuvent être des ordinateurs fixes
et portables, des smartphones ou bien des tablettes. Ils diffèrent des télécommandes des
télévisions interactives sur deux aspects : d’une part, cela permet de contourner les problèmes
d’expérience utilisateur liés à des contenus affichés directement sur l’écran de télévision ;
d’autre part, le second écran permet un mécanisme d’interaction plus riche (Cruickshank,
Tsekleves, Whitham, Hill and Kondo, 2012)
Les Français utilisent de plus en plus ces terminaux puisqu’on dénombre 16 millions
d’individus étant équipés d’un smartphone, et un foyer sur 10 seraient équipés d’une tablette,
13
ce qui représenterait 3 millions de foyers. Et ces terminaux sont essentiellement utilisés afin
de pouvoir naviguer sur Internet. Par exemple, selon une enquête du CREDOC (2012), 29%
des personnes interrogées utilisent un smartphone pour de l’Internet mobile. Et ces supports
sont plus considérés plus comme étant complémentaires à la télévision que concurrents à cette
dernière. En effet, 71% des Français jugent les tablettes complémentaires à la télévision. La
multiplicité des écrans connectés permet donc des comportements dits « multitâches » : en
France, 74% des internautes utilisent un second écran pendant qu’ils regardent la télévision en
2012 selon NPA Conseil (2012).
Le second écran permet quatre grandes fonctions que nous pouvons séparer en deux
grandes catégories (Cesar, Bulterman, Jansen, 2008) :
- le contrôle et le transfert : le second écran peut jouer le rôle de télécommande et
permet de transférer des contenus du smartphone ou de la tablette vers la télévision.
- l’enrichissement et le partage : le second écran permet le partage instantané de photos,
de vidéos sur le web, et peuvent jouer le rôle de recommandation auprès des personnes
qui suivent l’utilisateur sur les réseaux sociaux.
Bien que ces grandes fonctions du second écran soient réelles, nous nous concentrerons
uniquement sur le second aspect qui concerne l’enrichissement et le partage, car il est
directement corrélé aux médias sociaux.
Le Second Ecran : quand il devient plus facile de partager avec ses 2.2.téléspectateurs.
Comme mentionné précédemment, le second écran bouleverse les habitudes de
consommation de la télévision. Il facilite en effet la mobilité des appareils de communication
et permettent aux utilisateurs de les utiliser devant leur poste de télévision. Les utilisateurs ont
ainsi développé un comportement multitâche puisque la plupart des personnes se connectant
les médias sociaux le font tout en regardant la télévision, comme le prouve l’étude de
CreditDonkey sur les logiques d’usages des internautes américains durant la consultation de
Facebook ou Twitter. Qui plus est, les internautes américains passent de plus en plus de temps
sur les applications mobiles (Nielsen, NM Incite, 2012). En effet, ce temps passé a augmenté
de 120% entre juillet 2011 et juillet 2012, alors que le temps passé sur les PCs a augmenté de
4% uniquement sur la même période.
14
Graphique 1 – Les autres activités pratiquées par les internautes américains pendant la consultation d’un réseau
social en mars 2013, étude CreditDonkey 26 mars 2013
Ainsi, la plus grande partie des fonctionnalités des médias sociaux se retrouvent sur le
second écran via les applications mobiles et tablettes des médias sociaux sur lesquelles les
chaînes de télévision sont impliquées. Les utilisateurs peuvent ainsi interagir avec un
programme sur les médias sociaux, donner leur opinion, partager des contenus photo, vidéo,
texte sur les médias sociaux et discuter avec le reste de la communauté. La seule différence
est qu’ils peuvent désormais le faire de manière instantanée et non pas différée, pendant la
diffusion du flux télévisuel en direct.
Et l’innovation venant des chaînes de télévision est de centraliser toutes les fonctionnalités
dans une seule et même plateforme que sont les applications second écran comme MyTF1
Connect, lancé en mars 2013.
19%
22,30%
42,40%
49,90%
52%
65,10%
70,60%
83,70%
15,10%
17,80%
31,20%
32,70%
36,00%
53,50%
53,50%
66,90%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%
En voiture
Au sport
En magasin
En état d'ébriété
Aux toilettes
Au travail
En voyage
Devant la télévision
Les autres activités pratiquées par les internautes américains pendant la consultation d’un réseau social
(% des répondants)
Twitter Facebook
15
Image 5 –MyTF1 Connect, l’application qui réunit les deux écrans sur une même interface pour une expérience téléspectateur encore plus riche.
Le cas de MyTF1 Connect
MyTF1 Connect est l’application second écran lancé en mars 2013. Elle se présente comme étant une
véritable expérience réunissant les deux écrans (télévision et smartphone/ordinateur/tablette) afin que tous les
utilisateurs puissent effectuer toutes les fonctionnalités liées aux médias sociaux comme lire les fils d’actualités
Twitter liés à un programme et participer à la discussion avec les personnalités, les invités spéciaux sans quitter
l’écran de télévision puisque le flux TV est présent sur l’application. Ce qui signifie que l’interface sociale et TV
sont réunies sur un seul écran. A noter cependant que le flux direct n’est pas disponible pour toutes les
émissions, car cela dépend les droits d’exploitation de ces dernières.
L’application permet aussi à ses utilisateurs de partager sur les réseaux sociaux des extraits d’émission de
trente secondes de leur choix et durant la diffusion même de cette dernière. Concrètement, un utilisateur ayant
tout juste vu la performance d’un candidat de « The Voice » peut partager immédiatement trente secondes de
cette dernière sur Twitter et Facebook.
La discussion est centralisée, le partage est simplifié, et l’expérience globale se veut plus riche et moins
disruptive.
L’enrichissement de contenus 2.3.
Les nouveaux modes de consommation de la télévision ouvrent des portes à des nouvelles
idées et des nouveaux dispositifs afin d’enrichir l’expérience télévisuelle pour les
téléspectateurs. Ici il n’est plus question uniquement d’encourager à la discussion sur les
plateformes sociales mais à l’immersion du téléspectateur dans un programme. Selon les
études d’Ursu (2008), la télévision devrait offrir des services interactifs en accompagnement
des programmes télévisés, apportant ainsi des nouvelles routes narratives complémentaires
aux contenus diffusés à la télévision. De la même manière qu’une émission ou une série
16
télévisée à l’écriture et au rythme immersifs puisse garder un téléspectateur en immersion
dans un programme, l’utilisation d’une stratégie de Social TV bien rythmée et narrée entre les
différents terminaux combinés est importante pour garder le téléspectateur immergé dans un
programme, et l’engager plus avec les contenus sans effet disruptif. Mais comment immerger
le téléspectateur avec un programme afin de mieux l’y engager ?
A l’heure actuelle, il n’existe que peu de recherches scientifiques classifiant les types
d’expériences immersives sur le second écran. Cependant, au vu du très grand nombre
d’initiatives qui ont été effectuées ces dernières années de la part des chaînes de télévision et
des agences de communication et que nous allons développer dans la suite de cette partie,
nous pouvons les classifier en deux grandes catégories : la vision des coulisses d’un
programme, et le prolongement du concept de l’émission.
La première piste exploitée est la possibilité pour lui d’avoir une vision des coulisses d’un
programme. Bon nombre d’initiatives ont été effectuées dans ce sens, des plus simples au plus
élaborées. Le premier type d’initiative est le livetweet venant des célébrités impliquées dans
le programme que ce soit les films, séries ou émissions de télévision. Les animateurs, acteurs
ou candidats peuvent twitter pendant l’émission, qu’elle soit en diffusée en direct ou en
différé, et apporter des contenus qui ne sont leur sont pas habituellement accessibles. Ce
peuvent être par exemple des anecdotes, ou des photos exclusives. De nombreux animateurs
américains comme Oprah Winfrey livetweetent déjà durant leurs émissions, et cette tendance
n’est qu’assez récente en France avec des « animateurs numériques » comme Nikos Aliagas
en tête de liste. Le deuxième type d’initiative est la mise en place d’un dispositif plus global et
complet, intégrant plusieurs plateformes sociales déjà existantes. Un exemple récent reste la
cérémonie des Césars 2013 où un dispositif live sur Twitter, Facebook, Pinterest mais aussi la
toute récente plateforme de vidéos courtes Vine a distillé des contenus exclusifs en direct
durant la cérémonie.
La deuxième piste exploitée concerne le prolongement du concept de l’émission sur le
second écran, afin d’inviter le téléspectateur à participer au programme. Cette catégorie, de
nature plus immersive que la première, permet au téléspectateur de s’engager de façon
interactive et ludique avec une émission afin de s’imprégner de manière plus profonde avec
l’univers du programme.
17
Ainsi, les téléspectateurs pouvaient devenir le Cinquième Coach de The Voice durant la
diffusion de l’émission en mars 2013. Plus précisément, pendant les semaines d’auditions à
l’aveugle au début de sa diffusion, les téléspectateurs pouvaient se connecter sur le site web
de TF1 (mytf1.fr) et la plateforme Connect, et « buzzer » la performance de leurs candidats
favoris en même temps que la diffusion de l’émission.
Dans la même veine mais pour la fiction, France Télévisions avait développé un dispositif
de social gaming sur ordinateur et tablettes à l’occasion du retour des « Petits Meurtres
d’Agatha Christie ». Le concept : trouver l’assassin d’Elvire, la victime de l’épisode
intitulé « Meurtre au champagne ». Il était possible de consulter des extraits vidéos
complémentaires en même temps que la diffusion télévisée, ou encore accéder aux profils des
suspects. Nous pouvions ainsi progresser dans l’enquête en même temps que les enquêteurs
eux-mêmes, notre progression étant matérialisée par une barre de progression sur
l’application.
Images 6 et 7 - Le dispositif de second écran développé par France Télévisions pour les Petits Meurtres d’Agatha
Christie : encourager les téléspectateurs à trouver l’assassin d’Elvire.
Pour ce faire, des indices et des questions ont été distillés sur le compte Twitter de France
Télévisions mais aussi sur la plateforme afin d’aider les téléspectateurs connectés à résoudre
l’enquête menée par les personnages principaux. Ces contenus étaient dévoilés en
synchronisation par rapport au contenu TV, ce qui accentue l’aspect immersif de cette
expérience.
18
3. Social TV et engagement
Définition de l’engagement 3.1.
Il est impossible aujourd’hui de ne pas parler de médias sociaux sans parler de la notion
d’engagement. Mais qu’est-ce-que l’engagement exactement ? Comme l’a très bien Jeffrey
Graham, directeur exécutif du New York Times : « L’engagement, c’est comme l’amour : tout
le monde s’accorde à dire que c’est une bonne chose, mais tout le monde en a une vision
différente. »
Nous pouvons tout d’abord définir l’engagement comme étant un état d’esprit positif qui est
caractérisé par une fidélité à une entreprise et des comportements qui vont aller au-delà du
simple fait de payer un produit. Ces comportements peuvent être la recommandation du
produit à ses proches. Dans le cadre d’Internet, cela peut se traduire par la recommandation
du produit sur les forums ou les réseaux sociaux ou le fait de joindre des communautés de
marques, discuter avec d’autres membres et ressentir un sentiment d’appartenance à cette
communauté.
De manière plus concrète, Forrester Research (2009) a défini quatre grandes dimensions de
l’engagement envers les contenus proposés sur les médias sociaux.
• L’implication, qui représente la présence d’un internaute sur les différentes parties de
l’écosystème digital d’une marque, que ce soit en termes de nombre de plateformes
sur lequel il est présent, ou de volume et fréquence de visite sur ces dernières.
• L’interaction, qui correspond aux actions qui sont effectuées par un internaute sur les
différentes parties de l’écosystème digital d’une marque, que ce soient des
commentaires, des vidéos jouées ou des photos visionnées.
• L’affinité, qui représente le sentiment qu’a un internaute pour la marque avec laquelle
il interagit. Cela se traduit par le sentiment des commentaires, ou messages pour la
marque entre autres.
• L’influence, enfin, représente la probabilité qu’un internaute recommande une
marque à ses proches ou sur d’autres plateformes digitales.
A cela nous voudrions ajouter l’immersion, liée à l’aspect ludique apporté par
l’enrichissement des contenus via les applications second écran, en synchronisation avec la
diffusion TV. Comme expliqué précédemment, une stratégie Social TV bien rythmée et bien
en complémentarité avec les contenus TV permet une expérience plus immersive et plus
19
engageante si l’utilisateur parvient à se prendre au jeu. Bien que peu de recherche scientifique
ait pu être recensée jusqu’ici, nous pouvons rattacher ce phénomène à d’autres secteurs
similaires comme les jeux vidéo. Plusieurs auteurs comme Allison MacMahan (2003) ont lié
les deux notions dans une perspective sociologique.
L’engagement social : des méthodes de mesure de l’engagement différentes selon 3.2.les plateformes
En même temps que sa définition de l’engagement sur le digital, Forrester Research (2009)
avait également apporté une première liste d’indicateurs à surveiller afin de mesurer
l’engagement pour les médias.
Engagement Implication
Interaction Afdinité
Indluence
Immersion
Figure 2 -‐ Les dimensions de l'engagement dans la Social TV
20
Dimensions de l’engagement Implication Interaction Affinité Influence
Ce qu’il faut mesurer
Nombre de visiteurs sur un site ou une application Nombre de pages vues Temps passé sur le site ou l’application Fréquence de visite Souscriptions à des fils RSS ou des newsletters Audiences des téléspectateurs Utilisation de l’application mobile
Actions effectuées sur une page Vidéos jouées Contributions à la communauté Notes, votes, critiques soumises SMS envoyés Etc.
Mesure du sentiment sur les publications et commentaires de blogs, forums de discussion, etc. Trafic lié à un terme de marque
Contenu partagé, transmis Contenu taggé Nombre de vidéos incrustées Nombre de fans ou d’amis sur les réseaux sociaux Notes de satisfaction Etc.
Comment le mesurer
Web Analytics, données de tiers, données de souscription, études consommateur
Web Analytics, plateformes vidéo, médias sociaux, mobile analytics
Services de monitoring de marque ou de buzz, questionnaires, focus groups
Médias sociaux, Services de monitoring de marque ou de buzz, études.
Tableau 2 - Indicateurs de performance pour la mesure de l'engagement, Forrester Research, 2009
Même si la plupart des indicateurs sont justes, ils sont adaptés pour les médias en général
et couvrent donc non seulement le digital mais également la participation via les SMS
envoyés ou l’audience des téléspectateurs, dont nous parlerons à la suite de cette partie. Il
nous faut donc être bien plus spécifique aux plateformes de médias sociaux, en utilisant la
liste indicative des KPIs d’Olivier Blachard (2011) et que nous allons trier par plateforme.
21
Plateforme digitale Indicateurs de l’engagement
Facebook Nombre de likes, de commentaires, de partages par
jour et par publication
Nombre de clics publicitaires par jour
Nombre de fans
Twitter Nombre de retweets par jour
Nombre de mentions à un tweet par jour
Nombre de tweets utilisant un hashtag déterminé
Sentiment des tweets
Nombre d’updates par jour
Nombre de tweets par jour
Nombre de clics publicitaires par jour
Youtube ou autre plateforme vidéo propriétaire Nombre de vues
Nombre de téléchargements
Taux de rétention des vidéos
Nombre de commentaires
Sentiment des commentaires
Nombre de j’aime/j’aime pas
Nombre de vidéos mises en favoris, mises en playlists.
Nombre de partages sur les réseaux sociaux
Applications Second Ecran (Web/Mobile) Nombre de téléchargements
Nombre de visites par jour
Blogs et sites de fans Nombre de visites par jour
Nombre de visiteurs uniques par article
Nombre de commentaires par jour, par article
Nombre de clics vers un site par jour, par article
Tableau 3 - Tableau des indicateurs de performance pour les plateformes de Social TV
Les indicateurs de performance sont uniquement d’ordre quantitatif. Or, l’engagement social
doit aussi être mesuré de façon qualitative. Plus précisément, il faut savoir si les messages
postés sur les médias sociaux par les téléspectateurs sont positifs ou négatifs. C’est la raison
22
pour laquelle le Durham Conclave, qui réunit une douzaine d’experts, compte la notion de
sentiment parmi ses Social Media Measurement Standards.
Un engagement social qui se transforme en engagement pour le programme ? 3.3.
Seulement, et c’est une des questions principales que se posent les chaînes de télévision
lorsqu’elles investissent dans la Social TV : est-ce-que l’engagement social se transforme en
un engagement envers le programme ? Plus précisément, est-ce-qu’ une augmentation de
l’engagement social des téléspectateurs sur les médias sociaux peut se transformer en une
augmentation des parts d’audience pour le programme ? Y’a-t-il un retour sur
investissement ?
Les travaux de Raïes et Gavard-Perret (2011) ont montré l’existence d’une relation entre
l’engagement qu’un individu peut avoir avec la communauté dont il fait partie et
l’engagement qu’il peut avoir envers le produit. En somme, si un individu est engagé avec la
communauté, il sera engagé avec le produit. Et réciproquement, un individu engagé avec un
produit sera engagé avec la communauté. Même si ces travaux ne concernent pas exactement
le secteur de l’audiovisuel, nous pouvons encore une fois considérer un programme comme
étant une marque, et une chaîne de télévision comme une entreprise.
Sur un plan pratique, un bon nombre d’études terrain ont été effectués sur plusieurs
émissions, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. Et les avis divergent sur la question d’un
lien entre l’audience social et l’audience TV. En effet, nous pouvons mettre en opposition les
affirmations des cabinets d’études Nielsen (2013) et NPA (2013) ainsi que celles des travaux
de Mike Proulx et Stacey Shepatin (2013).
D’un côté, Nielsen a dévoilé en mars 2013 une étude confirmant une corrélation entre les
audiences Twitter et les audiences TV aux Etats-Unis, selon la tranche d’âge et la période de
l’année, que ce soit la Season Premiere (ou le début des saisons des programmes télévisés aux
Etats-Unis, soit entre septembre et octobre) ou le Midseason (Milieu de saison, entre janvier
et février). Cela vient confirmer l’observation faite par le cabinet NPA Conseil (2013) sur la
seconde saison de « The Voice » en France puisqu’il a noté qu’une augmentation de 11% du
« bruit social » équivalait à une augmentation de la part d’audience de l’ordre de 1%.
23
Graphique 2 – Augmentation du volume de tweets associé à une augmentation d’un pourcent de la part d’audience.
Source : Nielsen Company, Mars 2013
Cependant, les observations faites par les travaux de Proulx et Shepatin (2013)
montrent qu’il faut nuancer ce propos. En effet, les deux spécialistes de la Social TV ont
mené une étude terrain sur plusieurs séries télévisées américaines en Septembre, durant la
période des Season Premiere à l’aide du cabinet Nielsen pour les audiences TV, les données
Twitter pour le volume de tweets générés et Radian6 pour mesurer le sentiment de ces
derniers. Et bien que certaines séries confirmaient la mécanique mise en avant précédemment,
à savoir des audiences Twitter et TV soit hautes soit basses, toutes les séries télévisées n’ont
pas suivi cette même tendance. Ils ont mis en avant la série « Undercovers » où l’audience
Twitter était très élevée, mais cela ne s’est pas vu sur les audiences TV qui étaient très basses.
La série a d’ailleurs été retirée de l’antenne peu de temps après. Cela vient aussi en
corrélation avec ce qui est arrivé à la septième saison de « Secret Story » qui a bénéficié d’un
buzz record sur Twitter mais d’une audience TV très décevante (Bailly, 2013).
8,40%
4,20%
14%
8,50%
0,00% 5,00% 10,00% 15,00%
35-‐49 ans
18-‐34 ans
Augmentation du volume de tweets associé à une augmentation d'1% de la part d'audience
Début de saison TV aux USA (Septembre-‐Octobre)
Milieu de saison TV aux USA (Janvier-‐Février)
24
II. CADRE CONCEPTUEL ET HYPOTHESES
1. L’impact des stratégies de Social TV sur les médias sociaux
Un nombre conséquent d’auteurs ont étudié la Social TV sous plusieurs aspects,
notamment sur l’aspect de la conversation sociale et des communautés (Geerts et Cesar,
2011 ; Hill, S. et Benton, 2012 ; Proulx et Shepatin, 2013) ou du partage et de
l’enrichissement de contenus (Cesar, Bulterman, Jansen, 2008). Ces recherches scientifiques
et pratiques peuvent être complétées avec des travaux d’autres auteurs ayant travaillé sur le
sujet des médias sociaux (Solis, 2011 ; Kaplan et Haenlein, 2010 ; Raïes et Gavard-Perret,
2011). Tous ces auteurs ont montré l’importance d’encourager les téléspectateurs à discuter et
partager des contenus sur les médias sociaux via le second écran notamment (Ursu, 2008 ;
Cesar, Bulterman et Jansen, 2008).
Cependant, la plupart de ces recherches ne sont que théoriques ou basées sur des
exemples venant des Etats-Unis. Et même si nous pouvons désormais compter un certain
nombre de cas pratiques de Social TV en France venant notamment de grandes chaînes
nationales telles que TF1 ou M6, peu de recherches scientifiques françaises ont pu être
recensées afin de contextualiser la télévision sociale dans un cadre national, en prenant
compte des spécificités de la télévision en France. C’est la raison pour laquelle notre
recherche a pour but premier de tester l’effet des stratégies de Social TV mises en place sur
les rôles principaux des médias sociaux et du second écran. En effet, d’après les conclusions
de recherche de certains auteurs spécialisés (Hill, S. et Benton, 2012, Proulx et Shepatin,
2013) nous sommes à penser que les stratégies de Social TV ont un effet positif sur le volume
de conversation sur les médias sociaux, la construction d’une communauté online, ainsi que
sur l’immersion dans un programme via notamment les applications second écran
propriétaires aux chaînes de télévision. C’est à partir de là que nous pouvons donc poser trois
hypothèses basées sur les rôles principaux des médias sociaux :
H1 : Les stratégies de Social TV ont un impact sur les fonctions des médias sociaux. H1a : Les stratégies de Social TV incitent à la conversation sociale. H1b : Les stratégies de Social TV (notamment la facilitation du partage de contenus d’un programme sur les réseaux sociaux) vont renforcer la construction de communautés de fans pour le programme.
25
H1c : Les stratégies de Social TV via le second écran permettent de prolonger l’expérience télévisuelle afin de la rendre plus immersive pour le téléspectateur.
2. L’impact des stratégies de Social TV sur l’engagement
Les professionnels des médias sociaux ont développé bon nombre d’indicateurs de
performance permettant de mesurer la performance de leurs stratégies marketing sur les
médias sociaux (Forrester Research, 2009 ; Solis 2011 ; Blachard, 2011). Tous ces indicateurs
de performance sont réunis sous le terme d’engagement, notion importante pour les
professionnels. Cependant, tous ces indicateurs ne permettent que de mesurer la performance
que de façon quantitative. Or, l’engagement qualitatif est aussi important. En effet, bon
nombre d’outils destinés au monitoring des médias sociaux tels que Radian6 permettent de
mesurer ce qu’on appelle le sentiment des messages postés, afin de voir si ces derniers sont
positifs ou négatifs par rapport à une marque, une entreprise ou, dans notre cas précis, des
programmes de télévision (Proulx et Shepatin, 2013). En effet, des messages positifs venant
de consommateurs non biaisés vont créer un bouche-à-oreille positif (Hennig-Thurau,
Gwinner, Walsh and Gremler, 2004), tissant ainsi une relation de confiance, et donc
d’engagement à long terme (Casalo, Flavian, et Guinaliu, 2008).
Il va donc falloir bien faire la différence entre l’engagement quantitatif, mesuré par les
indicateurs de performance, et l’engagement qualitatif, mesuré quant à lui par le sentiment des
messages. De plus, la plupart des recherches sur l’engagement social restent généralistes à
toutes les marques ou entreprises et non pas spécialisées pour le secteur de l’audiovisuel.
Le deuxième objectif de cette recherche est donc de tester l’impact des stratégies de
Social TV fonctions des médias sociaux sur l’engagement. Cela nous revient donc à nous
poser deux nouvelles hypothèses :
H2 : Les fonctions des médias sociaux permettent de créer un engagement social quantitatif positif. H3 : Les fonctions des médias sociaux permettent de créer un engagement social qualitatif positif.
Enfin, l’un des enjeux principaux de la Social TV pour les chaînes de télévision reste
que cet engagement social sur les médias sociaux se transforme en engagement pour le
programme en lui-même, ce qui se manifesterait par une augmentation des parts d’audience
pour un programme. Cependant, les recherches divergent sur le sujet.
26
En effet, bien que certains aient quantifié le volume de conversation sociale requis
pour avoir un impact sur l’audimat (Nielsen, 2013 ; NPA, 2013 ; Hill, S. et Benton, 2012), des
auteurs ont nuancé ce propos en prenant en compte le sentiment (Proulx et Shepatin, 2013) et
en l’étayant par des cas pratiques aux Etats-Unis, ou même en France. Encore une fois, la
plupart des recherches sur la conversion entre l’engagement social et l’engagement produit
restent soit généralistes (Raïes et Gavard-Perret, 2011) soit effectuées dans un contexte non-
français (Proulx et Shepatin, 2013).
Le troisième objectif de cette recherche sera donc de tester le lien entre l’engagement
social, qu’il soit quantitatif ou qualitatif et l’engagement envers le programme qui se mesure
par l’audimat. Nous pouvons ainsi nous poser une nouvelle hypothèse :
H4 : Un engagement social quantitatif et qualitatif positif se transforment en engagement pour le programme via une augmentation des parts d’audience.
Nous avons pu également noter que les fonctions des médias sociaux ne sont
qu’efficaces que s’il y a une stratégie derrière. Nous pouvons donc poser une dernière
hypothèse qui est la suivante :
H5 : Les stratégies de Social TV ont un impact direct sur l’engagement.
Figure 3 - Modèle de recherche
27
III. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 1. Méthodologie
Afin de tester le modèle de recherche qui s’est dégagé du cadre conceptuel mis en
place (Figure 3), huit entretiens ont été organisés entre les mois de juillet et août 2013 avec
des personnes en lien avec le secteur de la Social TV. Ces personnes peuvent autant travailler
ou avoir travaillé au sein d’entreprises du secteur audiovisuel que dans des agences
spécialisées dans la Social TV, ou des cabinets d’études spécialisés dans l’audiovisuel comme
le CSA. Ils peuvent aussi être rédacteurs ou blogueurs spécialisés. Toutes les personnes
interviewées travaillent ou rédigent dans un contexte francophone afin de cadrer la recherche
dans un contexte national.
Les entretiens étaient de statut principal afin que nous puissions prouver les
hypothèses dégagées par le cadre conceptuel, via les retours d’expérience de professionnels,
qui sont en première ligne des stratégies de Social TV en tant que stratégistes, exécutants ou
observateurs. Ces entretiens étaient également de type semi-directif afin de laisser la liberté à
l’interviewé de parler ouvertement de son expérience professionnelle et de pouvoir lui poser
des questions personnalisées par rapport à son expérience et les projets qu’il a effectué, tout
en posant un cadre d’entretien solide avec un guide d’entretien qui sera remis en amont.
Les entretiens ont principalement été organisés soit en face à face, sur le lieu de travail
de l’interviewé ou dans un cadre calme, propice à la conversation, soit par conférence en
ligne, qu’elle soit audio ou vidéo, selon le confort de l’interviewé. Leur durée varie de 30
minutes à une heure pour chaque entretien. Seul l’entretien de Michael Tanrattana a été
effectuée par email.
Les huit personnes qui ont été reçus en entretien sont les suivants :
- Nicolas BOUY, chargé de mission au CSA, Direction des Etudes et de la Prospective
(Annexe 1)
- Philippe Khattou, fondateur de French Social TV (french-socialtv.com), blog
spécialisé sur la Social TV (Annexe 2)
- David Choël, Social Media Manager D8/D17 (Groupe Canal +) (Annexe 3)
- Antoine Allard, ex-Social Media Marketing Manager à France Télévisions Editions
Numériques (Annexe 4)
- Wale Gbadamosi Oyekanmi, fondateur de Darewin, agence Social TV
28
- Dimitri Gasulla, rédacteur en chef de Social TV et engagement (social-tv-et-
engagement.fr/) et consultant à We Are Social (Annexe 6)
- Maxime Pannetier, Consultant à NPA Conseil (Annexe 7)
- Michael Tanrattana, ex-Assistant Chef de Projet TV Enrichie et Sociale à M6 Web
(Annexe 8)
2. Guide d’entretien 1. Pourriez-vous tout d’abord vous présenter, votre poste ainsi que votre entreprise ? 2. Pour vous, qu’est-ce-que la Social TV ? (H1) 3. Quels sont les rôles principaux de la Social TV sur les médias sociaux ? (H1) 4. Pour vous, qu’est-ce-que la conversation sociale ? (H1a) 5 ; Est-ce-que les stratégies mises en place ont permis d’amplifier la conversation sociale ? (H1a) 6. Pour vous, quels sont les critères d’une vraie communauté pour un programme TV ? (H1b) 7. Est-ce-que le niveau de partage de contenus est important dans la construction d’une communauté ? Quelle est votre position à ce sujet ? (H1b) 8. Est-ce-que les stratégies mises en place ont un effet sur la construction d’une communauté ? (H1b) 9. Pour vous, qu’est-ce-que le second écran et quelles sont ses fonctions ? (H1c) 10. Est-ce que pour vous, le second écran permet d’avoir des expériences téléspectateur plus riches ? (H1c) 11. Est-ce-que les stratégies de Social TV ont un impact sur le degré d’immersion d’un téléspectateur dans un dispositif digital ? (H1c) 12. Pour vous, qu’est-ce-que l’engagement social et quelles sont ses composantes ? (H2/H3) 13. Est-ce-que les fonctions des médias sociaux ont un impact quantitatif sur l’engagement social ? (H2) 14. Comment mesurez-vous l’engagement social quantitatif ? (H2) 15. Est-ce-que les fonctions des médias sociaux ont un impact qualitatif sur l’engagement social ? (H3) 16. Comment mesurez-vous l’engagement social qualitatif? (H3)
29
17. Avez-vous noté une corrélation entre l’augmentation de l’audience sociale et l’augmentation de l’audimat ? (H4) 18. Pensez-vous qu’il faut un volume d’activité sur les réseaux sociaux élevé et un sentiment positif dans les messages pour un effet positif sur l’audimat ? (H4) 19. Y’a-t-il des critères qui sont déterminants dans cette mécanique entre l’audience sociale et l’audimat ? (H4) 20. Est-ce-que les stratégies de Social TV ont un effet sur l’engagement social et TV ? (H5)
III. ANALYSE DES RESULTATS Cette première phase permet de mettre en commun tous les entretiens et de passer à la phase
de test de toutes les hypothèses émises par notre recherche.
1. Résultats
1.1. Test de l’hypothèse H1 : Les stratégies de Social TV ont un impact sur les fonctions des médias sociaux.
Pour vous, qu’est-ce-que la Social TV ?
Il est tout d’abord important de constater que la définition de la Social TV n’est pas
fixe et chaque personne interrogée a eu sa propre définition de la Social TV. Même si
beaucoup se rejoignent sur la définition donnée par notre recherche, certains des
professionnels interrogés comme David Choël ou Philippe Khattou ont ajouté l’aspect
temporel de la Social TV, dans le sens où cela couvre toutes les stratégies sur les médias
sociaux avant, pendant et après la diffusion d’un programme. Michael Tanrattana, Nicolas
Bouy et Antoine Allard ont quant à eux ajouté le fait que le téléspectateur n’est plus passif
devant son écran mais actif.
Il est aussi important de noter que certaines personnes interrogées considèrent que la
Social TV est un concept qui va au-delà des médias sociaux. Wale Gbadamosi
Oyekanmi considère que la Social TV représente « toutes les opportunités liées à l’avènement
du téléspectateur connecté » et que cela couvre non seulement des objectifs d’engagement et
de fidélisation mais aussi de business, en ajoutant que les SMS et les lettres sont pris en
compte dans la Social TV. Dimitri Gasulla a quant à lui dit que la Social TV représente tout
l’avenir de la télévision.
30
Quels sont les rôles principaux de la Social TV sur les médias sociaux ?
Ensuite, bien que tout le monde reconnait le caractère multidimensionnel de la Social
TV, ses rôles sur les médias sociaux ne sont pas forcément les mêmes selon les personnes
interrogées. En effet, même si tout le monde reconnait son rôle dans la conversation sociale,
ou l’enrichissement de contenus, seules certaines personnes ont mentionné la notion de
communauté qui semble moins évidente. Wale Gbadamosi Oyekanmi a bien résumé la
situation en disant qu’il n’y a pas de conventions établies à l’heure actuelle.
Durant notre recherche, nous avions donc énuméré trois rôles de la Social TV sur les médias
sociaux que nous avions mis en sous-catégories : l’amplification de la conversation sociale
(H1a), la construction de la communauté (H1b) et l’enrichissement de l’expérience
télévisuelle (H1c).
Pour vous, qu’est-ce-que la conversation sociale ? (H1a)
Les définitions de la conversation sociale par les personnes interrogées se rejoignent
tous sur certains points avec tout de même quelques nuances. Ils reconnaissent quasiment tous
la conversation sociale comme étant les discussions effectuées autour d’un contenu. Cela peut
être du livetweet ou du commentaire sur Facebook selon Maxime Pannetier. Et cette
conversation peut être verticale, c’est-à-dire entre les téléspectateurs, mais aussi horizontale,
c’est-à-dire entre le diffuseur ou le producteur et le public selon David Choël et Nicolas Bouy.
Cependant, il y a des nuances concernant le lieu de conversation, qui doit se passer en ligne
selon Philippe Khattou, mais également au-delà des médias sociaux selon Wale Gbadamosi
Oyekanmi où les lettres ou les SMS doivent être également considérés comme de la
conversation sociale. Une notion qui est reconnue par Antoine Allard et David Choël
puisqu’ils ont mis en avant le fait que la conversation existait déjà bien avant l’avènement des
réseaux sociaux, où les gens parlaient du programme sur tous leurs lieux de socialisation
comme au travail, à l’école ou en famille. Cette dimension hors médias sociaux existe encore
aujourd’hui. Mais l’arrivée des médias sociaux a permis à cette conversation d’être palpable
et mesurable.
31
Est-ce-que les stratégies mises en place ont permis d’amplifier la conversation sociale ? (H1a)
Tout d’abord, pour l’hypothèse H1a sur l’impact des stratégies de Social TV sur la
conversation sociale, quasiment toutes les personnes interrogées ont reconnu cet impact.
Cependant, elles ont toutes apporté plusieurs nuances.
Premièrement, Antoine Allard, Maxime Pannetier et David Choël ont précisé que les
téléspectateurs n’ont pas attendu les diffuseurs pour s’emparer des médias sociaux et
commenter les programmes. Les diffuseurs et les producteurs sont arrivés sur le terrain afin
de s’approprier les usages établis, d’optimiser, de démultiplier et d’apporter un cadre à la
conversation via la mise en place de dispositifs sur le digital.
Deuxièmement, ce ne sont pas ces dispositifs, du moins uniquement, qui vont avoir
une influence sur le niveau de conversation sur les médias sociaux. En effet, la plupart des
personnes interrogées ont émis le fait que l’impact sur la conversation sociale dépend de la
force du programme. En effet, tous les programmes ne sont pas forcément prédisposés à avoir
un fort effet stimulant sur la conversation sociale. Des émissions de divertissement, de jeu ou
de télé-réalité ont un plus fort effet que les films ou les séries, surtout si ces dernières sont
diffusées la première fois. Philippe Khattou a mentionné d’autres influences comme la cible
qui doit de préférence être jeune pour avoir un impact réel, l’heure du programme, la chaîne,
mais aussi l’animateur, les invités et la dramaturgie TV. Cette liste de critères venait de NPA
Conseil, et Maxime Pannetier qui est consultant dans ce cabinet a ajouté qu’il y a une centaine
de critères pouvant avoir un impact.
Troisièmement, une conversation sociale n’existe pas sans une communauté autour
d’un programme, comme l’a dit Antoine Allard durant son entretien. Il faut pouvoir
comprendre la communauté et ses attentes et leur offrir un dispositif qui puisse les satisfaire
pour espérer un impact positif. Il y a donc une interdépendance entre la communauté et la
conversation à prendre en compte.
Et quatrièmement, l’impact est difficilement mesurable de façon exacte comme dans
toute action marketing, comme l’a dit Maxime Pannetier.
32
Pour vous, quels sont les critères d’une vraie communauté pour un programme TV ? (H1b)
Il n’y a pas de classification fixe pour définir les communautés pour un programme
TV à ce jour. David Choël a classifié les communautés en quatre types : programmes,
animateurs, chaînes et thématiques. Antoine Allard reconnaît également qu’il y a des
communautés selon les programmes ou types de programmes mais aussi des communautés
pour les animateurs qui, selon les émissions, constituent la communauté pour un programme.
Par exemple, la communauté de l’émission « Le Plus Grand Cabaret du Monde » est celle de
l’animateur Patrick Sébastien, tandis que la communauté de l’émission « Des Paroles et des
Actes » qui est un émission de débat politique, va être avant tout celle de l’émission ou de la
thématique et non pas celle du journaliste David Pujadas. Antoine Allard avait d’ailleurs émis
une classification selon les réactions que la communauté peut avoir : une posture de fan
comme c’est le cas pour des émissions de télé-réalité ou de compétition, une posture
d’opinion pour des émissions de débat, ou une posture émotionnelle pour des documentaires
ou des fictions.
Même s’il n’y a pas encore de critères pour chaque type de programme, il y a tout de
même des caractéristiques essentielles à prendre en compte. Du point de vue des chaînes, il
faut avant tout savoir choisir les bonnes plateformes pour pouvoir faire développer, émerger
les communautés, créer un sentiment d’appartenance ainsi que des ambassadeurs qui vont
parler du programme positivement autour d’eux, comme l’a bien souligné David Choël qui a
donné l’exemple de « Touche pas à mon Poste ». Cette émission doit son succès à une
communauté qui est valorisée, car considérée comme étant un chroniqueur de l’émission car
elle participe à sa construction, et à des ambassadeurs qui vont répandre la bonne parole. Il est
important de ne pas s’éparpiller et de concentrer sur les bonnes plateformes. La logique de
marque et le facteur générationnel sont aussi importants selon Maxime Pannetier.
Mais ce qui est encore plus important, c’est que la communauté même se construise
grâce à sa passion pour un programme, que ce soit un univers fictif, des personnages, ou la
décharge émotionnelle qu’un programme peut procurer, selon Wale Gbadamosi Oyekanmi.
C’est la passion et l’attachement envers un programme qui va créer l’influence, la pertinence
et l’implication d’une communauté.
33
Est-ce-que le niveau de partage de contenus est important dans la construction d’une communauté ? Quelle est votre position à ce sujet ? (H1b)
Du côté des téléspectateurs, le partage de contenus n’a pas forcément un impact sur la
construction de communauté, selon Philippe Khattou en raison de « l’effet forum » où les
groupes peuvent se créer et se fermer ensuite aux nouveaux membres qui peuvent ne pas se
sentir les bienvenus dans la communauté. Cependant, la plupart reconnaissent l’importance
des contenus du point de vue des chaînes. Sans contenus, il n’y aurait pas de communauté
selon Antoine Allard. Et le niveau de partage de contenus est un indicateur déterminant de
l’implication et de la consistance d’une communauté selon Wale Gbadamosi Oyekanmi. Les
contenus, qu’ils soient émis par les chaînes ou par les téléspectateurs, permettent, selon lui,
une meilleure notoriété pour un programme car cela permet de viraliser et démultiplier les
points de contacts vers des endroits qu’ils n’auraient pas pu atteindre. Michael Tanrattana a
quant à lui mis en avant le fait que cela renforçait le lien entre les téléspectateurs et la chaîne
de télévision.
Mais cela dépend une nouvelle fois des contenus que les diffuseurs peuvent proposer aux
téléspectateurs ou des contenus qu’ils peuvent leur proposer de créer. Il faut pouvoir travailler
ces contenus afin de maximiser leur viralité selon Antoine Allard. Mais ce travail dépend
aussi du programme et de la cible selon Dimitri Gasulla ainsi que du sentiment des contenus
partagés selon Wale Gbadamosi Oyekanmi.
En ce qui concerne plus précisément le partage illégal de contenus, la plupart
admettent que cela peut poser un problème en matière de monétisation et d’image. Mais
Dimitri Gasulla pense que le partage de contenus, utilisant des audios ou vidéos soumis au
droit d’auteur ne peut qu’être positif et que cette opposition entre ceux prônant le partage et
ceux voulant la brider est avant tout une question de génération. L’exemple de la chaîne
câblée américaine HBO et sa série phare « Game of Thrones » donné par Wale Gbadamosi
Oyekanmi est flagrant. « Game of Thrones » est la série la plus piratée au monde mais HBO
communique dessus et considère cela comme un indicateur de qualité. En prenant en compte
le fait que ces contenus peuvent accroître leur notoriété, et que l’industrie de la télévision a
subi de profonds changements avec l’émergence de plateformes de partage de vidéos comme
Youtube, qui est le premier diffuseur sur Internet, la plupart des diffuseurs ne vont pas
supprimer les vidéos, mais vont adopter une logique de partenariat. Ils vont ainsi contrôler la
diffusion de leurs contenus pour les rattacher à leurs chaînes. C’est non seulement une
question de monétisation mais aussi une question de contrôle et de parcours utilisateur selon
34
Antoine Allard. Un contenu pour enfants de la chaîne ne peut pas être placé à côté de
contenus obscènes en vidéos suggérées, par exemple.
Est-ce-que les stratégies mises en place ont un effet sur la construction d’une communauté ? (H1b)
Ensuite, pour l’hypothèse H1b sur l’impact des stratégies de Social TV sur la
construction de communauté, quasiment toutes les personnes interrogées reconnaissent son
impact quantitatif. Mais encore une fois, des nuances sont à apporter notamment sur la nature
du programme au cœur de la stratégie. En effet, la plupart des professionnels ont reconnu que
cela ne dépend pas uniquement du dispositif, mais surtout du programme où certaines
émissions s’y prêtent plus que d’autres. David Choël a notamment mentionné l’émission
« Touche pas à mon Poste » où il y a un vrai travail de construction de communauté qui ne
passe pas uniquement par l’animation pure de réseaux sociaux mais aussi par une valorisation
de la communauté qui joue le rôle d’ambassadeur tout au long de l’année, ce qui est l’ objectif
mentionné par David Choël : créer des ambassadeurs afin de démultiplier les points de
contacts. Une opinion qui est partagée par Philippe Khattou et Antoine Allard entre autres.
Pour vous, qu’est-ce-que le second écran et quelles sont ses fonctions ? (H1c)
Enfin, pour l’hypothèse H1c, portant sur l’impact des stratégies de Social TV sur
l’immersion du téléspectateur, il faut tout d’abord noter que, bien que la plupart des personnes
interrogées se rejoignent sur la notion d’écran compagnon, qui accompagne donc le contenu
principal, nous pouvons voir deux camps se former : d’une part, ceux qui citent tous les
écrans qui ne sont pas la télévision comme le smartphone, la tablette ou bien l’ordinateur
comme étant le second écran ; et d’autre part ceux qui citent le second écran comme l’écran
sur lequel les utilisateurs vont passer le moins de temps. Ce qui signifie que la télévision peut
également être un second écran. Wale Gbadamosi Oyekanmi a d’ailleurs défini le second
écran comme un terme qui est subjectif et dépendant du mode de consommation de
l’utilisateur. S’il regarde principalement la télévision et interagit de temps à autre via son
smartphone, cela signifie que ce dernier est le second écran. En revanche, si l’utilisateur passe
son temps sur sa tablette, la télévision devient à ce moment-là le second écran. Une opinion
partagée par Antoine Allard pour qui les contenus TV peuvent désormais également être
diffusés sur les smartphones, tablettes et ordinateurs. De plus, avec la TV connectée, les
contenus qui sont censés appartenir aux smartphones peuvent être aussi consommés
35
directement sur la télévision. La définition de second écran n’est donc pas encore fixée et,
dans une industrie encore jeune et en mouvement, il faut attendre avant de pouvoir réellement
forger une définition qui fera autorité.
Est-ce que pour vous, le second écran permet d’avoir des expériences téléspectateur plus riches ? (H1c)
Au terme de ces entretiens, il apparaît également qu’il y a différentes manières
d’aborder le terme d’enrichissement de contenus : d’une part l’enrichissement d’un contenu
TV via notamment des contenus additionnels fournis par les diffuseurs et producteurs sur
l’application second écran d’une chaîne ou d’un programme ; et d’autre part l’enrichissement
des contenus de la part des téléspectateurs eux-mêmes qui vont converser sur les réseaux
sociaux et envoyer des photos ou vidéos qui peuvent être exploités par les diffuseurs afin
d’enrichir le programme TV et valoriser les téléspectateurs.
Concrètement, la plupart des personnes interrogées ont reconnu l’impact sur
l’enrichissement de l’expérience télévisuelle. Wale justifie cela par le fait que, contrairement
à la télévision, l’expérience sur le second écran est une expérience qui est personnalisée. Il a
notamment apporté l’exemple de l’application pour la série « Bref » qui permettait à
l’utilisateur de parler réellement avec les acteurs de la série. Michael Tanrattana avait lui
donné l’exemple la fonctionnalité Connect de M6 qui permettait, durant la diffusion de Top
Chef de devenir le Cinquième Jury en notant les plats des candidats et recevoir des anecdotes
du jury.
Mais il y a là aussi un certain nombre de nuances à apporter. Premièrement, cela
dépend une nouvelle fois du programme. Nicolas Bouy a mentionné le fait que des
programmes de jeux ou divertissement sont très adaptés à la Social TV et à des émissions de
télé-réalité.
Deuxièmement, cela dépend de comment les données sont exploitées et comment cela
sert à l’émission et à la communauté. En effet, David Choël a mentionné l’exemple de
« Nouvelle Star » où les commentaires du jury sur les performances étaient contrebalancés par
ceux des téléspectateurs afin de créer de la discussion et enrichir l’expérience télévisuelle car
d’une part, cela apporte une part d’interactivité à l’émission, et d’autre part, le téléspectateur
est valorisé car ce qu’il fait a une incidence sur le programme. Un avis qui est partagé par
Antoine Allard, qui a ajouté que cela sera un cheval de bataille de la Social TV à l’avenir,
36
signifiant que la notion de Social TV est amenée à évoluer, ce que pense également Michael
Tanrattana qui pense que le second écran n’en est encore qu’à ses débuts.
Est-ce-que les stratégies de Social TV ont un impact sur le degré d’immersion d’un téléspectateur dans un dispositif digital ? (H1c)
En ce qui concerne l’immersion d’un programme via des dispositifs immersifs de type
« Braquo » ou « Les petits meurtres d’Agatha Christie » qui permettent au téléspectateur
d’être immergé dans l’univers d’un programme et de participer, la plupart des personnes
interrogées reconnaissent cet impact. David Choël avait notamment cité l’application pour la
série de Canal + « Les Revenants » qui permettait de se plonger dans l’univers de la série,
connaître les personnages et recevoir des contenus additionnels. Le but de l’application,
lancée en amont de la diffusion de la série, était de promouvoir le programme et de créer de la
conversation sur les médias sociaux. Cependant, toutes les applications n’ont pas vocation à le
faire, et Nicolas Bouy, David Choël et Maxime Pannetier ont apporté quelques conditions à
remplir pour pouvoir rendre cette application immersive.
Premièrement, il faut que l’univers graphique soit cohérent avec celle de la série afin
de plonger le téléspectateur dans une atmosphère qu’il retrouvera quand il regardera la série.
Deuxièmement, il faut pouvoir raconter une histoire qui puisse venir en complément
du contenu principal, donc créer un second fil scénaristique, avec un rythme et une narration
propres où les diffuseurs pourraient faire intervenir des personnages, ou faire participer le
téléspectateur en posant des questions ou en soumettant des énigmes. Et troisièmement, il faut
que le tout ne crée pas un effet disruptif avec le contenu principal. Cela signifie qu’il ne faut
pas que le téléspectateur ait à gérer plusieurs flux à la fois, gênant ainsi l’expérience
utilisateur. D’autant plus que les téléspectateurs sont des zappeurs sur la TV, ce qui signifie
qu’ils sont également des zappeurs sur le second écran selon Philippe Khattou.
Deux nuances principales sont à apporter concernant tous ces dispositifs. La première
nuance concerne les personnes utilisant ces applications, notamment les dispositifs de
synchronisation avec un contenu TV. En effet, le nombre de personnes utilisant ces dispositifs
est actuellement très limité, et ces personnes sont plus souvent des personnes plus orientés
technologie ou des blogueurs spécialisés qui peuvent devenir des ambassadeurs. Une opinion
qu’a développée Antoine Allard en citant l’exemple de l’application des « Petits Meurtres
d’Agatha Christie » qui a reçu 2000 connexions en une heure en prenant en compte le fait
37
qu’il n’y avait pas de communication juste avant la diffusion du programme. Un chiffre jugé
satisfaisant par France Télévisions mais qui démontre que l’utilisation de ces applications
n’est pas encore « grand public » et c’est un échantillon qui est jugé trop peu représentatif
pour faire l’objet d’une étude marketing.
La deuxième nuance vient quant à elle de la source de l’immersion dans un programme.
L’avis émis par Maxime Pannetier est intéressant car, selon lui, l’enrichissement de contenus
ne doit pas forcément venir d’applications second écran onéreuses et trop riches avec trop de
flux et d’onglets à gérer, mais de simples dispositifs comme des pages Facebook qui
prolongent l’univers d’un programme pour la rendre encore plus immersive. Il a notamment
cité la page Facebook de la série de France 2 « Fais pas ci, fais pas ça » où le personnage de
Fabienne Lepic, mairesse de la ville de Sèvres a sa propre page Facebook où elle partage des
photos et discute même avec ses fans, ce qui permet selon Maxime Pannetier, de créer une
réelle immersion dans l’univers d’un programme via le digital.
1.2. Test de l’hypothèse H2 : Les fonctions des médias sociaux, permettent de créer un engagement social quantitatif positif.
Pour vous, qu’est-ce-que l’engagement social et quelles sont ses composantes ? (H2/H3)
Il est tout d’abord intéressant de constater qu’il n’y a pas une définition fixe de
l’engagement comme l’a résumé Dimitri Gasulla. Cependant, les définitions données ne se
contredisent pas. Tandis que Philippe Khattou, Maxime Pannetier et Wale Gbadamosi
Oyekanmi ont mis en avant le fait d’émettre une interaction positive ou négative avec un
contenu, d’autre mettent en avant la pluralité des actions qui peuvent être faites sur les médias
sociaux puisque cela peut être autant des j’aime, partages ou commentaires que des clics.
Chaque action effectuée est un type d’engagement en lui-même selon Antoine Allard. Et
enfin, ce dernier ainsi que David Choël incluent la notion de communauté au sein de
l’engagement car il ne peut pas y avoir d’engagement sans communauté et l’objectif est de la
faire fructifier afin de transformer les fans en ambassadeurs.
Il est intéressant aussi de constater que l’engagement social, dans un sens plus large,
peut aussi inclure des engagements en dehors des médias sociaux selon Wale Gbadamosi
Oyekanmi. En effet, envoyer une lettre ou faire le déplacement pour aller assister à une
émission sur un plateau est aussi un engagement, même s’il n’est pas quantifiable.
38
Est-ce-que les fonctions des médias sociaux ont un impact quantitatif sur l’engagement social ? (H2)
A la question de l’impact des médias sociaux sur un engagement quantitatif, toutes les
personnes interrogées reconnaissent cette relation, en expliquant même que l’engagement
social ne peut exister sans les médias sociaux selon Nicolas Bouy. La conversation sociale a
toujours existé mais les médias sociaux ont rendu cette conversation quantifiable et
exploitable par les diffuseurs et les producteurs qui arrivent sur ce terrain pour donner un
cadre à la conversation. Et le fait que l’utilisation des médias sociaux et notamment de Twitter
est de plus en plus grand public fait que toutes les émissions voient leur nombre de tweets
augmenter, même si leur format et genre ne sont pas forcément taillés pour de la Social TV.
Mais des nuances sont à apporter. En effet, l’impact est une nouvelle fois variable selon les
types de programmes. Il peut être autant significatif que dérisoire selon s’il est un programme
de télé-réalité, de divertissement ou une fiction. Cela dépend aussi de la communauté et de
son niveau de fidélité selon Antoine Allard. Le dispositif et la communication autour de ce
dispositif sont également à prendre en compte selon Maxime Pannetier. Cependant, l’impact
de ces dispositifs et de leur communication sont encore difficilement mesurables aujourd’hui.
Comment mesurez-vous l’engagement social quantitatif ? (H2)
Les indicateurs de performance clés donnés par les personnes travaillant dans ce
milieu sont intéressants car ils se rejoignent tous sur plusieurs points : d’une part, leurs
reportings laissent une grande place à Twitter qui est considéré par beaucoup comme l’outil
de Social TV par excellence. Des indicateurs comme le nombre de tweets, d’utilisateurs ainsi
que de tweets par utilisateurs sont essentiels selon Philippe Khattou. Les diffuseurs ont
également des abonnements à des outils outils externes comme Mesagraph ou TVTweet qui
vont mesurer leurs audiences sociales que celles de leurs concurrentes ou encore les croiser
avec des données d’audience TV ou démographiques. Facebook vient après Twitter et on y
calcule notamment le taux d’engagement, ou bien les People Talking About This (PTA) qui
correspond au nombre de personnes ayant aimé, commenté ou partagé un contenu d’une page
Facebook.
Maxime Pannetier a mentionné que d’autres médias sociaux comme Pinterest, Instagram
et Vine peuvent être utilisés, augmentant d’autant plus le nombre de médias utilisés et donc le
nombre d’indicateurs à prendre en compte. Il y a encore du travail à effectuer afin de trouver
des indicateurs couvrant tous les médias sociaux d’une émission tout en étant adapté à ce
39
programme. Cela signifie donc qu’il n’y a, à ce jour, pas d’indicateur spécialisé pour
l’industrie de l’audiovisuel, ce qu’a affirmé Michael Tanrattana.
1.3. Test de l’hypothèse H3 : Les fonctions des médias sociaux permettent de créer un engagement social qualitatif positif.
Est-ce-que les fonctions des médias sociaux ont un impact qualitatif sur l’engagement social ? (H3)
Contrairement à l’engagement social quantitatif, les personnes interrogées sont bien
plus dubitatives concernant l’engagement social qualitatif. D’une part, le sentiment ne dépend
pas d’un dispositif mais du programme et de sa dramaturgie. Et les médias sociaux n’ont pas
pour rôle de modifier le sentiment mais de l’amplifier selon David Choël. Philippe Khattou a
d’ailleurs ajouté un point concernant la viralité des commentaires négatifs qui est bien plus
élevée que celle des commentaires positifs, ce qui crée donc un biais. La mesure du sentiment
n’est donc pas forcément fiable.
Mais cette corrélation n’est pas confirmée d’autant plus que peu de personnes se sont
réellement penchées dessus. Nicolas Bouy avait confirmé que les diffuseurs n’ont pas la
mesure du sentiment comme priorité, ce qu’a confirmé Antoine Allard. En effet, les chaînes
de télévision peuvent voir des pics d’audience sociale pour la corréler à un moment de
l’émission où il s’est passé un évènement, ressentir le sentiment global mais la mesure est très
perfectible, et surtout pas industrialisée à l’heure actuelle.
Comment mesurez-vous l’engagement social qualitatif? (H3)
Il y a deux façons de calculer l’engagement qualitatif selon les personnes interrogées sur
le sujet que sont les outils statistiques de type Digimind ou Radian6, ou bien l’analyse
humaine. L’analyse via des outils statistiques n’est pas encore totalement performante et il
faut souvent une analyse humaine par derrière. Les diffuseurs manquent de temps et de
ressources pour mettre le sentiment sur leur liste de priorités.
40
1.4. Test de l’hypothèse H4 : Un engagement social quantitatif et qualitatif positif se transforment en engagement pour le programme via une augmentation des parts d’audience.
Avez-vous noté une corrélation entre l’augmentation de l’audience sociale et l’augmentation de l’audimat ? (H4)
A la question de la corrélation entre les audiences sociales et les audiences TV, les
réponses diffèrent très clairement entre les personnes interrogées. Antoine Allard n’a jamais
observé de corrélation claire entre les deux dans le cadre de son travail à France Télévisions.
Un programme peut en effet avoir un succès en audiences Twitter mais être très modeste en
audiences TV. Et inversement, un programme peut très bien marcher en termes d’audience
TV mais être un échec sur les audiences sociales.
Cependant, une partie des professionnels interrogés admettent qu’il y a probablement
une corrélation entre les deux audiences sans en être entièrement certains. Maxime Pannetier
et Dimitri Gasulla se sont appuyés sur une étude du cabinet Nielsen datant d’août 2013
mettant en avant une relation à double sens entre l’activité Twitter et l’activité TV. Cela
signifie donc que la puissance de l’activité Twitter a un impact sur l’audience d’un
programme et inversement, la puissance d’un programme a un impact sur l’activité Twitter.
Une hypothèse de cercle vertueux de l’audience qui avait été soulevée par David Choël.
Nicolas Bouy a d’ailleurs apporté l’exemple de TF1 et de « Danse avec les Stars » qui aurait
gagné 300 000 téléspectateurs grâce à leur dispositif extensif de Social TV. Michael
Tanrattana a quant à lui donné l’exemple de la finale de l’émission Top Chef en 2013 où
l’émission a enregistré 116 000 tweets, soit trois fois plus que la demi-finale, et 600 000
téléspectateurs de plus que la demi-finale.
Cependant, bon nombre de nuances sont à apporter une nouvelle fois à cette
corrélation. Tout d’abord, la mesure de l’impact est quasiment impossible à l’heure actuelle.
En effet, d’une part il est difficile de mesurer l’impact d’une action marketing et de trouver
l’origine d’un acte de consommation. D’autant plus que l’industrie de la Social TV est
composé de plusieurs points de contacts en plus de la télévision, comme des plateformes de
vidéos telles que Youtube ou Dailymotion, ou bien les sites de catch-up/replay des diffuseurs,
selon Wale Gbadamosi Oyekanmi. D’autre part parce que l’industrie de la Social TV est
encore très jeune et commence à peine à s’installer en France. Ensuite, cela dépend une
nouvelle fois du programme et de la cible de cette dernière qui peuvent avoir une influence
41
sur l’intensité de cet impact. Après, aucun ne sait si c’est l’activité Twitter qui initie ce cercle
vertueux ou si c’est le succès d’un programme à la télévision qui en est à l’origine. D’où le
syndrome de l’œuf et de la poule mentionné par Maxime Pannetier.
Et enfin, Twitter, qui est l’outil moteur de la Social TV, n’est encore utilisé que de
façon très marginale en France, et par une cible principalement jeune, alors que les audiences
TV concernent toutes les couches de la population française. Il y a donc deux échelles
différentes, ce qui rend la généralisation de cette corrélation impossible à l’heure actuelle.
Nous pouvons uniquement la réduire à des cibles similaires. L’exemple donné par David
Choël sur l’émission « Touche Pas à Mon Poste » en est un exemple flagrant. Une étude
récente a en effet comparé les audiences Twitter avec les audiences TV de l’émission sur la
cible des 15-34 ans, qui est non seulement la cible de Twitter mais également le cœur de cible
de l’émission. Selon David Choël, les courbes se superposaient parfaitement, ce qui laisse
penser qu’il y a une corrélation. Mais il y a ici nécessité d’approfondir le travail de recherche
afin de déceler une vraie corrélation entre ces audiences en France.
Pensez-vous qu’il faut un volume d’activité sur les réseaux sociaux élevé et un sentiment positif dans les messages pour un effet positif sur l’audimat ? (H4)
Selon certaines personnes interrogées, le fait d’avoir un volume d’activité élevé et un
sentiment positif sur les réseaux sociaux ne peut qu’avoir un effet positif sur les audiences.
Selon Maxime Pannetier, d’une part, un grand nombre de tweets sur un programme en
particulier participe à un effet de masse qui aide à promouvoir l’émission sur les médias
sociaux, tandis que, d’autre part, un sentiment positif sera aidé par des influenceurs qui
viendront appuyer la promotion d’un programme en le commentant, recommandant, etc.
Nicolas Bouy a admis cette corrélation en faisant une analogie avec le cinéma où les critiques
peuvent avoir un impact extrême sur le succès d’un film. Cela signifie que si un film reçoit
des critiques positives, les gens iront le voir et le film sera un très grand succès tandis que, au
contraire, si un film reçoit des critiques très négatives, personne n’ira le voir et ce sera un
échec. Il n’y a pas de semi-échec possible selon lui.
Mais même s’ils admettent qu’il est toujours idéal d’avoir un volume d’activité sur les
réseaux sociaux élevé et un sentiment positif dans les messages, cela n’a pas forcément un
impact sur les audiences selon plusieurs professionnels interrogés. En effet, comme Antoine
Allard et David Choël l’ont expliqué au cours de leurs entretiens, une émission peut être un
42
succès sur les médias sociaux mais avoir des audiences TV faibles, et inversement, une
émission peut être un carton d’audience mais avoir peu d’audience sociale et un sentiment
négatif. Un exemple concret avait été apporté par Philippe Khattou et Michael Tanrattana sur
les mesures d’audiences sociales et TV du dernier épisode de la quatrième saison de Top Chef
diffusée le 29 avril 2013. Les audiences TV ont suivi le schéma classique des derniers
épisodes d’une émission, à savoir une légère augmentation des audiences puisque le gagnant
de l’émission allait être désigné ce soir-là. Cependant, il y a eu un grand pic de conversations
négatives à l’encontre de l’émission, notamment envers Naoëlle, une des candidates de
l’émission qui n’était pas la favorite du public en raison d’un vol de crevettes dans un des
épisodes précédents. Des commentaires négatifs ou un scandale peuvent ainsi avoir un effet
positif sur les audiences TV.
Y’a-t-il des critères qui sont déterminants dans cette mécanique entre l’audience sociale et l’audimat ? (H4)
Selon Maxime Pannetier, il existerait une centaine de critères qui peuvent avoir une
influence sur la mécanique entre l’audience sociale et l’audience TV. Mais parmi ces critères
essentiels, on retrouve :
- Le type de programme : le fait qu’une émission soit une émission de divertissement,
politique ou fiction aura un impact sur la mécanique. Philippe Khattou avait une
nouvelle fois fait référence à l’impact significatif des « Anges de la Télé-Réalité » sur
la cible jeune et sur les médias sociaux.
- La chaîne sur laquelle le programme est diffusé : cela va avoir un impact sur la cible et
donc sur la mécanique. Par exemple, une chaîne comme NRJ12 cible un public très
jeune et donc très connectée aux médias sociaux tandis qu’une chaîne comme Mezzo a
un cible plus âgée et moins portée sur ces technologies.
- Le type de diffusion du programme (en direct ou en différé)
- La cible : une cible plus jeune sera plus connectée aux médias sociaux et
commenteront donc plus naturellement
- L’horaire : un programme destiné aux jeunes aura plus d’impact s’il est diffusé en fin
d’après-midi après les cours qu’à 14 heures.
- L’animateur : un animateur qui livetwitte la diffusion d’une émission et vient enrichir
les contenus a une influence sur la mécanique, d’autant plus si elle a une communauté
large sur les médias sociaux comme Nikos Aliagas. Antoine Allard avait par ailleurs
43
ajouté qu’un animateur populaire avec une grande communauté était une valeur
ajoutée non seulement pour la conversation sociale, mais aussi pour les audiences.
- L’invité : plus il est connu, plus cela va créer de la conversation et un effet de masse
de l’audience TV parce que ces invités sont un type d’influenceurs.
- La dramaturgie TV : c’est lorsque le scénario ou le déroulé d’un programme va avoir
un effet émotionnel sur les téléspectateurs qui vont réagir sur les réseaux sociaux. Un
exemple donné par Philippe Khattou est celui des « Les Anges de la Télé-Réalité » qui
est une émission ciblant principalement les jeunes, mais dont la fameuse scène du
« Non mais allô » a fait réagir bien au-delà de son cœur de cible et a contribué à une
augmentation des audiences.
- Le dispositif : L’ensemble des moyens et mécaniques mis en place autour d’un
programme
- Les influenceurs : cela va de la superstar internationale à des célébrités locales en
passant par des micro-influenceurs comme des blogueurs qui ont une petite
communauté.
- Le facteur générationnel : Des programmes peuvent fédérer des panels plus larges de
la population.
- Une communauté pro-active : des ambassadeurs du programme qui vont répandre la
bonne parole sur le programme autour d’eux.
- Le sujet de l’émission : ce critère touche à l’émotionnel et peut toucher plus ou moins
les téléspectateurs selon leur degré d’affect avec le sujet. Par exemple, un sujet sur les
grossesses peut toucher de façon intense des mamans ou futures mamans.
1.5. Test de l’hypothèse 5 : les stratégies de Social TV ont un impact direct sur l’engagement
Les stratégies de Social TV ont-‐elles eu un impact sur l’engagement social et l’engagement TV des téléspectateurs ? (H5)
La dernière hypothèse est intéressante car elle a tout d’abord été reçue de façon
diverse par les personnes interrogées. Tandis qu’Antoine Allard et Maxime Pannetier
pensent que la Social TV est obligatoirement corrélée aux médias sociaux et doit passer
par ce réceptacle pour générer de l’engagement social, Dimitri Gasulla pense que la
Social TV est l’avenir de la télévision et ne doit pas forcément passer que par les médias
sociaux pour créer de l’engagement. Wale Gbadamosi Oyekanmi avait d’ailleurs
44
mentionné qu’il pensait également aux stratégies hors médias sociaux dans le cadre de
son travail.
Pour ce qui est tout d’abord de l’impact direct des stratégies de Social TV sur
l’engagement quantitatif des téléspectateurs, une stratégie de Social TV ne peut qu’être
positive selon David Choël car cela donne un cadre à la conversation avec notamment la
stratégie de hashtags qui permet de concentrer les conversations autour d’un même
hashtag pour faire émerger le programme sur les médias sociaux grâce à un effet de
masse. Michael Tanrattana a également mentionné l’exemple de l’émission « The Voice »
qui a été un véritable succès d’audience et qui le doit en partie à une stratégie de Social
TV bien rôdée sur le second écran, notamment l’application « Le Cinquième Coach » qui
permettait aux joueurs de faire leurs pronostics en simultané avec le jury pendant
l’émission. La notoriété de Nikos Aliagas sur les médias sociaux est aussi à prendre en
compte car il est très pro-‐actif sur Twitter, postant des photos teaser avant l’émission
mais aussi pendant afin de créer de la conversation. Malgré tout, selon Philippe Khattou,
le programme reste le principal décideur du succès d’un programme sur les médias
sociaux.
En ce qui concerne l’engagement social qualitatif, le constat est variable. Tandis
que Philippe Khattou pense que le programme reste le principal décideur dans
l’engagement social qualitatif, Wale Gbadamosi Oyekanmi pense que le travail de
Community Management qui est effectué dans la discussion entre le diffuseur et son
public a un effet sur le sentiment du public. Michael Tanrattana pense que l’engagement
social qualitatif dépend de la manière dont les stratégies sont reçues. Il a donné
d’ailleurs un exemple de mauvaise stratégie Social TV avec l’activation « La Stat by
SFR », une fonction de l’application MYTF1 Connect qui consistait à recevoir des
statistiques durant un match de football diffusé en simultané sur TF1. Cette initiative de
la chaîne a été très mal reçue en raison du fait que les statistiques étaient préparées à
l’avance et ne donnaient pas forcément de plus-‐value au téléspectateur.
Enfin, pour ce qui est de l’impact des stratégies de Social TV sur les audiences TV,
les personnes interrogées sur le sujet pensent qu’ il n’est pas possible de tirer des
conclusions aujourd’hui car aucun outil de mesure pouvant attester de cela n’existe sur
45
le marché à l’heure actuelle. Michael Tanrattana pense cependant que cela est possible
mais qu’il y a beaucoup d’autres facteurs à prendre en compte.
2. Discussion des résultats
La première hypothèse mettait en avant un impact des stratégies de Social TV sur
plusieurs fonctions des médias sociaux comme l’amplification de la conversation sociale, la
construction de communauté et l’enrichissement des contenus via le second écran. Cette
hypothèse qui défend l’idée que les stratégies de Social TV permettaient de donner un cadre
pour les diffuseurs afin d’exploiter les médias sociaux à leur avantage a bien été validée. Ce
résultat va dans le sens des recherches de Hill, S. et Benton (2012) qui avaient étudié l’impact
de stratégies de hashtags sur les médias sociaux et qui avaient conclu à une augmentation des
tweets sur les médias sociaux mais également de Cruickshank, Tsekleves, Whitham, Hill et
Kondo (2012) qui avaient démontré que l’expérience téléspectateur était plus riche avec des
dispositifs de second écran. »
Les résultats de cette recherche ont également mis en évidence une relation entre les
fonctions mêmes des médias sociaux. En effet, il ne peut pas y avoir de conversation sans
qu’il y ait une communauté présente pour discuter. Et il ne peut pas y avoir non plus
d’enrichissement de contenus sans qu’il y ait une communauté présente pour créer des
contenus sur les médias sociaux et les partager et pour discuter.
Cependant, la corrélation entre la stratégie Social TV et les médias sociaux n’est pas
totale, car il faut prendre en compte les spécificités du programme comme le genre de ce
programme, la chaîne sur laquelle il est diffusé, l’horaire, la cible du programme, l’animateur,
les invités, la dramaturgie, et tout le dispositif mis en place et qui découle de la stratégie et qui
peut être composé de plateformes, de contenus qui viennent enrichir le contenu principal,
ainsi que d’un programme d’influenceurs. En effet, tous les programmes ne sont pas
forcément prédisposés à un fort impact sur les médias sociaux.
La seconde hypothèse défend un impact des médias sociaux sur l’engagement
quantitatif. Cette hypothèse a bien été validée.
Cette recherche a également pu mettre en avant Twitter comme étant la plateforme de
Social TV par excellence. En effet, c’est à partir de cette plateforme que les diffuseurs
mesurent leur audience sociale. D’autres plateformes utilisées comme Facebook, Pinterest,
Instagram ou Vine ne viennent qu’après dans les reportings.
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Cependant, la corrélation n’est, encore une fois, pas totale, car il faut prendre en
compte les spécificités du programme car tous les programmes ne sont pas forcément
prédisposés à un fort impact sur les médias sociaux.
La troisième hypothèse met en avant un impact des médias sociaux sur l’engagement
qualitatif. Cette hypothèse qui défend une influence des médias sociaux sur le sentiment des
téléspectateurs ne peut être validée à l’heure actuelle. En effet, l’industrie de l’audiovisuel ne
s’intéresse à l’heure actuelle qu’à l’engagement quantitatif et ne place pas l’engagement
qualitatif sur leur liste de priorités pour des raisons de moyens, de ressources et de temps. Les
chaînes et leurs programmes génèrent en effet une quantité très grande de tweets qu’il est
extrêmement difficile et chronophage à analyser à la main, et les outils actuellement sur le
marché ne sont pas encore assez fiables, notamment en France. De plus, les médias sociaux
n’ont pas pour fonction de modifier le sentiment des téléspectateurs mais de l’amplifier et ce
sont souvent les commentaires négatifs qui sont les plus partagés, les plus viralisés.
La quatrième hypothèse met en avant la corrélation entre l’engagement social
quantitatif et qualitatif et les audiences TV. Cette hypothèse qui défend une corrélation entre
un engagement social quantitatif élevé, un engagement social qualitatif positif et une
augmentation des audiences TV ne peut pas être totalement validée à l’heure actuelle. En
effet, un programme peut être un carton d’audience à la TV mais avoir peu de conversations
sur les médias sociaux et un sentiment négatif, et inversement, un programme peut être un
succès sur les médias sociaux avec un sentiment très positif mais avoir des audiences TV
faibles. Cela va à l’encontre de l’étude de Raïes et Gavard-Perret (2011) qui restait une
recherche plus généraliste sur les communautés de marques. La télévision a donc des
spécificités sur les marques n’ont pas et nous ne pouvons donc pas aborder la télévision sur
les médias sociaux de la même manière que les marques commerciales.
A l’heure actuelle, la Social TV est encore jeune en France et l’utilisation d’outils
comme Twitter reste assez marginal, malgré des nombre de tweets en augmentation. De plus,
sa cible reste très jeune. Cependant, il est possible qu’il y ait une corrélation entre une
audience sociale, donc quantitative et une audience TV. L’étude des audiences Twitter et TV
sur la cible des 15-34 ans pour l’émission « Touche Pas A Mon Poste » a montré que les
courbes se superposaient parfaitement selon David Choël. La raison invoquée pour expliquer
la corrélation des deux courbes est que la cible des 15-34 ans est non seulement le cœur de
cible de l’émission mais également la cible de Twitter. La corrélation peut être vérifiée sur
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une certaine cible mais ne peut pas encore être généralisée aujourd’hui et il faudra donc des
recherches plus poussées dans les prochaines années, le temps que les usages évoluent.
En plus de la cible, il faut aussi prendre en compte les spécificités du programme pour
comme le genre, la chaîne, l’animateur ou l’horaire car tous les programmes ne sont pas
forcément prédisposés à de la Social TV.
Par ailleurs, une hypothèse qui avait été soulevée par plusieurs personnes interrogées
et par le cabinet Nielsen en août 2013 serait une double corrélation entre les audiences Twitter
et les audiences TV qui peuvent créer à eux deux un cercle vicieux ou vertueux. Cela signifie
que non seulement un effet de masse sur Twitter peut avoir une influence sur les audiences,
mais également que la force d’un programme sur les audiences TV peut avoir une influence
sur les audiences Twitter. L’étude du cabinet Nielsen a cependant été effectuée dans un
contexte très généraliste, sans prendre en compte les spécificités du marché français. Il faudra
donc à l’avenir étudier cette question.
La cinquième hypothèse met en avant l’impact direct des stratégies de Social TV sur
l’engagement social et l’audience TV. Cette hypothèse ne peut être que partiellement validée
à l’heure actuelle. En effet, seul l’impact des stratégies de Social TV sur l’engagement
quantitatif peut être validée. Comme l’a bien dit David Choël, une stratégie de Social TV ne
peut qu’être positive pour un programme, sauf si elle est mauvaise. Un bon exemple reste
« The Voice » qui doit son succès en partie à sa stratégie de Social TV, via le second écran et
via son animateur, Nikos Aliagas qui a contribué à la conversation.
En revanche, l'impact des stratégies de Social TV sur l’engagement social qualitatif ne
peut être validée, même si un dispositif peut être bien ou mal reçu par les téléspectateurs,
résultant sur des commentaires positifs ou négatifs, le programme reste tout de même le
principal critère régnant sur le sentiment des téléspectateurs.
Pour ce qui est de l’impact des stratégies de Social TV sur les audiences TV, il n’est
pas possible de valider cela aujourd’hui en raison du fait qu’il n’existe à ce jour aucun outil
statistique permettant de valider cette relation.
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IV. CONCLUSION
Cette recherche avait pour objectif de mettre en avant la Social TV dans un contexte
français et de souligner les effets des stratégies des diffuseurs et producteurs sur les médias
sociaux et sur l’engagement. Les recherches ont démontré en ce sens un impact sur plusieurs
fonctions des médias sociaux que sont l’amplification de la conversation sociale, la
construction de communauté et l’immersion dans un programme. Elle n’a cependant qu’un
impact partiel sur l’engagement qui peut augmenter en volume mais n’a pas d’influence sur le
sentiment des téléspectateurs. Un impact sur les audiences TV semble se dessiner mais n’est
pas encore prouvé aujourd’hui. Bon nombre de critères inhérents au programme sont avant
tout à prendre en compte en plus des stratégies de Social TV comme l’horaire de diffusion, le
genre, la chaîne ou encore la cible visée par le programme.
Apports de la recherche
Le modèle de recherche présenté ainsi que les ajustements qui ont été apportés par les
entretiens de recherche ont permis tout d’abord de faire un état des lieux de la Social TV en
France en 2013, de voir les pratiques des diffuseurs sur les médias sociaux pour leurs marques
programmes ou chaînes.
Outre l’amplification de la conversation, ou la construction de communautés qui était
déjà présente et faite par les téléspectateurs eux-mêmes, cette recherche a permis de mettre en
lumière l’enrichissement de contenus et l’immersion dans un programme via la conception de
dispositifs digitaux plus poussés et innovants sur le second écran qui sont à l’initiative des
diffuseurs et producteurs. Peu de recherche scientifique avait été faite sur le sujet dans le
cadre même de la Social TV et notre recherche a permis d’établir des premiers critères
permettant une meilleure expérience utilisateur pour ce genre de dispositifs, à savoir une
narration et un univers graphique cohérents qui viennent en complément de l’histoire
principale sans pour autant créer un effet disruptif en raison de la gestion d’un trop grand
nombre de flux en simultané.
La recherche a également permis de mettre en avant une interdépendance entre les
différentes fonctions des médias sociaux. En effet, il est apparu que la conversation sociale ne
peut pas être possible sans une communauté derrière, qu’il n’y a pas de communauté sans
conversation, et que l’enrichissement des contenus peut venir des commentaires des
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téléspectateurs qui peuvent être exploités. Cette interdépendance n’avait pas forcément été
visible aux tout débuts de notre recherche.
Nous nous sommes également rendus compte qu’au-delà des stratégies de Social TV,
des médias sociaux et de l’engagement, il y a un critère principal qui a une influence sur
toutes les couches de ce modèle. Ce critère est le programme en lui-même. En effet, le genre
du programme, l’horaire, la chaîne, la cible, le mode de diffusion, la dramaturgie, l’animateur
ou les invités ont un impact sur la relation entre les stratégies et les médias sociaux et donc sur
l’engagement social. Cela signifie que chaque programme ne va pas avoir le même impact sur
les médias sociaux et l’engagement. Pour les chaînes et les producteurs, cela induit la
proposition suivante : il faut créer des stratégies qui soient taillées au plus près d’un
programme et de ses caractéristiques, afin qu’il puisse plaire à la communauté pour que cette
dernière puisse adhérer.
Quant à la relation entre l’engagement social et les audiences TV, des premières
études empiriques sur des émissions françaises laissent à penser qu’il pourrait bien y avoir
une relation bilatérale entre ces deux critères, et la recherche nous a permis d’ouvrir une
nouvelle question : est-ce l’engagement social ou la force d’un programme qui initie ce cercle
vertueux ?
Limites et voies ultérieures de recherche
Tout d’abord, cette recherche a été effectuée alors que la Social TV a été installée en
France depuis peu de temps. L’industrie est encore trop jeune avec des stratégies qui sont à
peine installées et pas encore entièrement intégrées aux programmes, ainsi que des
définitions qui ne sont pas encore fixes. En effet, il ne semble pas y avoir à ce jour une
définition claire qui fasse autorité dans l’industrie, que ce soit pour la définition du second
écran ou de la Social TV même. De plus, même si nous tendons vers une démocratisation, les
usages des médias sociaux, notamment de Twitter restent relativement marginaux et restent
cantonnées à une cible jeune alors que la télévision et sa mesure des audiences touchent toutes
les couches de la population. Il semble donc approprié de remettre en question ce modèle lors
de nouvelles recherches sur le sujet à des stades ultérieurs du développement de la Social TV
en France.
Egalement, les technologies permettant de mesurer les audiences sociales ainsi que le
sentiment des messages sont encore perfectibles ou à l’état d’expérimentation. Une étude plus
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poussée sur ce terrain là serait pertinente lorsque ces outils seront plus largement utilisés dans
l’industrie de l’audiovisuel.
Ensuite, cette recherche a été effectuée du point de vue des professionnels et non pas
des consommateurs eux-mêmes. Comme l’ont dit plusieurs d’entre eux en entretien, il n’y a
pas d’échantillon assez représentatif ou de mesure concrète à l’heure actuelle pour pouvoir
arriver à des conclusions d’un point de vue téléspectateur. Cela ouvre donc des voies pour des
études quantitatives à l’avenir, lorsque la Social TV sera plus développée en France.
Enfin, cette étude reste très généraliste car elle n’aborde pas le sujet d’un genre de
programme, de cible ou de chaîne en particulier. Il serait très intéressant de faire des études
plus poussées qui mettraient en avant l’impact des stratégies de Social TV sur un type de
programme (télé-réalité, divertissement, etc.), une case horaire ou une cible.