Séminaire: Théorie et Réalité des Crises Financières
Transcript of Séminaire: Théorie et Réalité des Crises Financières
Séminaire: Théorie et Réalité des Crises
Financières
Professeur:
Latifa AITOUTOUHEN
Année Universitaire: 2017/2018
1
Master Finance Islamique
Plan de Présentation
2
Conceptions Générales
Définitions de la crise financière
Différentes phases d’une crise financière
Les origines des crises-Facteurs de vulnérabilité et Contagion
Typologie des crises
Analyse théorique des crises financières
Modèles de générations des crises financières
Quelques crises financières dans l’histoire économique
3
Charles Kindleberger dans son ouvrage ‘histoire mondiale de la
spéculation financière’ écrit:
« Je ne prédis pas l’avenir, je me contente de tirer des enseignements du passé, le monde n’a pas me semble-t-il prêté suffisamment d’attention au passé. Il n’est pas trop tard ».
INTRODUCTION
Les phénomènes d'instabilité et de crises financières ne constituent pas un
phénomène spécifique au système économique capitaliste contemporain,
mais ils sont un éternel recommencement depuis que la finance a
commencé à s'organiser dans le monde autour de pays tels que la
Hollande, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France et ce depuis
1637 à nos jours.
Nombreux sont les économistes qui se sont intéressés aux phénomènes de
cycle et des crises : Clément Juglar, John Maynard Keynes, Hyman
Minsky, John Kenneth Galbraith, Charles Kindleberger ou plus
récemment Paul Krugman et Michel Aglietta. Selon ces économistes, Il
n’y a pas simplement une répétition des crises, mais une répétition de
cycles financiers, dont la crise constitue l’un de ses moments. 4
CONCEPTIONS GENERALES
Efficience des marchés
Mimétisme et anticipations auto réalisatrices
Spéculation
Vente à découvert et appels de marge
Liquidité, Illiquidité et fragilité financière
Bulles spéculatives
Krachs boursiers
Globalisation Financière
Libéralisation et innovations financières
Aléa moral
5
Marchés efficients
L’efficience des marchés financiers est une théorie, issue de la notion de
marchés purs et parfaits. C'est à E.Fama qu'on attribue la première
définition suite à l'apparition de ses fameux articles « journal of
business » en 1965 et « journal of finance » en 1970: « un marché financier
est efficient si et seulement si l’ensemble des informations disponibles concernant
chaque actif financier coté sur ce marché est immédiatement intégré dans le prix de
cet actif ».
Les crises financières sont assimilées à des dysfonctionnements des
marchés entraînant une déviation par rapport au modèle de référence de
l'efficience.
Limites de la notion de l’efficience:
Comportement irrationnel des agents ‘existence des noise trader’, une
bulle est une inefficience (Blanchard et Watson 1984), le « paradoxe
de Grossman, Stiglitz ». 6
7
Le phénomène de mimétisme
Le mimétisme est un ensemble de comportements individuels corrélés
et non-indépendants, cela représente une situation dans laquelle un
agent imite la décision d’un ou de plusieurs autres agents même si son
propre signal lui indique de prendre une autre décision.
Loin de la théorie de l’efficience des marchés, le mimétisme s’appuie
sur l’asymétrie d’information et suppose que les individus sont
interdépendants.
Pour Keynes, le mimétisme est d’abord un comportement rationnel.
Ce mécanisme remet en cause l’atomicité des agents puisque à présent
l’action d’un seul agent, qui serait une référence pour les autres et qui
aurait une très grande influence sur le marché.
8
Anticipations auto réalisatrices
Une autre grande défaillance du marché est l’autovalidation. On
parle aussi d’anticipations autoréalisatrices, cela signifie que des
anticipations d’agents économiques peuvent se concrétiser
uniquement parce que ces agents pensent qu’elles sont justes, et cela
qu’elles soient réellement justes ou non. Par exemple, si une
majorité d’opérateurs du marché des changes pense que le dollar va
s’apprécier dans le futur, donc qu’ils ont intérêt à en acheter
aujourd’hui pour le revendre ultérieurement, leurs opérations
d’achat vont mécaniquement valider leur croyance (le dollar va
augmenter), que celle-ci soit économiquement fondée ou non. C’est
l’enseignement fondamental de la théorie des « tâches solaires ».
9
Spéculation
Spéculation (latin speculatio) : contemplation, observation attentive.
Thalès le Milésien est le premier qui a mentionné la spéculation à partir
de la récolte des olives en Grèce antique.
Selon, (Giraud, 2002) « spéculer c’est prendre délibérément un risque de prix, c’est-à-
dire acheter aujourd’hui un actif financier ou tout autre bien en espérant que son prix va
monter, et qu’on pourra le revendre demain avec profit ».
D’après Keynes : Les spéculateurs se préoccupent, non de la valeur
véritable d’un investissement pour un homme qui l’acquiert afin de le
mettre en portefeuille, mais de la valeur que le marché, sous l’influence de la
psychologie de masse, lui attribuera trois mois ou un an plus tard.
10
Plus le prix de l’actif est volatile, plus le risque est élevé et plus
aussi le profit espéré est important. Dans ces conditions, la seule
façon, selon Milton Friedman (1953), pour le spéculateur de
réaliser des profits, c’est d’acheter quand le prix est suffisamment
bas et de vendre quand il est assez élevé.
En ce sens, la spéculation joue un rôle stabilisateur parce qu’elle
empêche une hausse ou une baisse de se prolonger. Donc, en plus
d’être bénéfique pour les spéculateurs, elle profite aussi aux
producteurs et aux consommateurs
La spéculation peut être déstabilisatrice : Roosevelt supprime les
marchés de dérivés après 1929.
Deux types de spéculation :
* Experte
* Moutonnière
Parmi les spéculateurs les plus connues dans l’histoire financiers :
Georges Soros, Warren Buffet, Madoff,…
La société Enron, les fonds spéculatifs ou hedge funds
les banques elles-mêmes : Kerviel en a révélé les limites
Mécanisme de la fraude simple et très vieux (John Law en 1719,
Charles Ponzi en 1920) :
•première étape : trouver une idée d’investissement qui attire
•deuxième étape : collecter les capitaux
•troisième étape : payer les intérêts des premiers investisseurs
par les nouveaux investisseurs
11
12
La vente à découvert
Cette technique boursière pourrait également constituer un accélérateur
des crises. Elle consiste à vendre aujourd’hui un titre qu’on ne possède
pas en l’achetant - et en le payant- à terme (par exemple, dans un mois).
Évidemment, celui qui procède à ce genre d’opération estime qu’il
paiera moins cher son achat dans un mois que ce qu’il touche
aujourd’hui de sa vente ; il anticipe une baisse.
Sa plus-value sera égale à la dévalorisation du titre.
Pourquoi une telle opération peut-elle entretenir les chutes ? Si
l’anticipation de baisse est partagée par un grand nombre
d’investisseurs, la vente à découvert leur offre la possibilité de vendre
massivement, car sans mise de fonds initiale, et de contribuer ainsi à la
baisse. Dans l’absolu, ceux qui vendent à découvert ont même intérêt à
propager des fausses rumeurs baissières pour influencer le marché.
13
L’effet amplificateur des « appels de marge »
L’acheteur qui entend spéculer à la hausse achète des actions au
comptant. Mais il se peut qu’il emprunte (contre un intérêt) à son
courtier les sommes correspondant à son achat. Il ne paie qu’une partie
de son acquisition en liquide (cette partie s’appelle la « marge »). Pour le
reste, il laisse ses actions en « nantissement » (c’est -à-dire en garantie) à
son courtier. L’acheteur fait le calcul suivant :
lorsqu’il revendra les titres qu’il a achetés à crédit, la plus-value lui
permettra de couvrir largement l’intérêt qu’il doit au courtier.
Un appel de marge est la demande de payer une certaine somme pour
ajuster un dépôt de garantie suite à la baisse de la valeur de la position
de titres qu’il est censé couvrir.
14
Le concept de liquidité suit trois dimensions qui font apparaître
ce lien :
La liquidité des actifs représente la facilité avec laquelle des
actifs peuvent être rapidement convertis en numéraire sans
perte de valeur.
La liquidité du marché correspond à la capacité d’acheter ou
vendre sur un marché, un important stock d’actifs sans
influence sur le prix.
La liquidité, d’un point de vue monétaire, est la quantité
d’actifs liquides nécessaire pour qu’une économie se développe
de façon satisfaisante et évite soit une insuffisance de crédit soit
la formation de bulle spéculative.
liquidité
15
Une situation de sous-liquidité, peut provoquer un rationnement du
crédit qui aura des répercussions négatives sur l’économie réelle. Un
apport de liquidité semble être une solution pour éviter ce genre
d’évènement catastrophique.
En revanche, une situation de sur-liquidité peut également être
dangereuse dans le sens où elle peut favoriser la préférence pour
certains actifs spéculatifs, déclenchant ainsi un processus haussier de
leur prix et par conséquent la formation d’une bulle spéculative. Aussi,
selon Keynes, faut-il de la liquidité mais pas trop.
Charles Kindleberger met l’accent sur le rôle de prêteur de dernier
ressort ‘PDR’, sans lequel les crises risquent d’être plus longues et plus
importantes
Le PDR a une responsabilité immense car l’émission de la liquidité
en cas des crises est une arme à double tranchant dont les détracteurs
estiment que les inconvénients dépassent les avantages. De même, ce
PDR crée de l’aléa moral.
16
Illiquidité
L'illiquidité généralisée peut être caractérisée par l'insuffisance des
moyens de paiements (monnaie domestique, devises étrangères)
requis pour réaliser les transactions (Thornton, 1802). Elle est
généralement associée à des situations de panique. Ces paniques
peuvent être fondées (faillites bancaires avérées) ou non (rumeurs de
faillites, dont la seule anticipation revêt un caractère auto-
réalisateur). L'insuffisance de liquidités peut prendre des formes
différentes selon les composantes du système financier affecté :
Absence de parties preneuses face à des ventes massives de titres
sur les marchés financiers ou immobiliers.
Manque de devises étrangères face à des ventes massives de
monnaie domestique sur le marché des changes.
Insuffisance de monnaie domestique centrale dans les réserves
bancaires en présence de ruée sur les dépôts bancaires.
17
La fragilité financière
Le terme de fragilité financière est emprunté à Minsky (1986). C’est un
facteur de risque d'illiquidité, résultant de déséquilibres de bilans. Nous la
caractérisons à partir de trois formes :
l'endettement devient insoutenable : les flux de trésorerie opérationnels
sont (ou deviennent) inférieurs au service de la dette (profits insuffisants
et/ou endettement excessif).
il existe un décalage de terme entre l'engagement financier (le
financement) et la source de revenus (l'investissement), généralement
qualifié de "maturity mismatch" ("écart de maturité" ou "désajustement
d'échéance"); c'est le cas par exemple si l'on finance un investissement de
long terme par des emprunts à court terme.
il existe un décalage monétaire entre la devise dans laquelle est libellé
l'engagement financier et celle des profits générés par l'investissement,
généralement qualifié de "currency mismatch" (décalage de devise); c'est le
cas par exemple si l'on emprunte en devise étrangère pour financer un
investissement qui génèrera des ventes en monnaie domestique
18
Bulle spéculative
D'après Coudert et Verhille (2001), une bulle spéculative est « Un
écart important et persistant du prix d'un actif par rapport à sa valeur
fondamentale » comme l'indique le schéma suivant :
Source : M. Landau et Mme. Duquerroy, «Théorie et réalité des crises financières »,
Conférence Théorie et réalité des crises financières, octobre 2009
19
Une définition moins exigeante théoriquement car plus empirique est
proposée par la BCE : une bulle peut être définie comme « une
augmentation rapide et soutenue des prix qui finira par s’inverser, à un moment dans
le futur, en exerçant éventuellement des effets déstabilisateurs » (Bulletin mensuel
de la BCE, Avril 2005, p. 47-60)
Ainsi, J.Stiglitz indique que « si la raison d’un prix élevé aujourd’hui est
seulement que les investisseurs croient que le prix de vente sera élevé demain – quand
les « fondamentaux » ne justifient pas un prix élevé –alors une bulle existe. »
Patrick Artus 2008 dans la machine à bulles avance que « depuis 15 ans,
de la bulle internet à la bulle obligataire, le monde est passé d’une bulle à l’autre »
Pourquoi les bulles?
Recherche de rendements élevés des investisseurs.
Croissance rapide de la liquidité mondiale.
20
Les bulles sont expliquées par le caractère auto réalisateur des
anticipations : les spéculateurs achètent des titres dont ils anticipent la
hausse, ce qui fait monter les cours des titres en question. Ces bulles sont
rationnelles dans la mesure où l’évolution des prix valide les anticipations.
Une bulle spéculative naît et disparaît d'une manière imprévisible car son
évolution ne dépend d'aucun facteur lié aux déterminants fondamentaux
des prix.
Bulle des tulipes en 1636, bulle des actions de la compagnie des Mers de
sud, en 1920, et la bulle de la compagnie de Mississipi, bulle boursière de
1929, puis bulle des actions Dow Jones en 1987, bulle Internet en 2000, et
bulle immobilière américaine en 2006.
Les krachs boursiers
Les krachs boursiers correspondent à l’éclatement d'une
bulle spéculative. Ils se caractérisent par un effondrement
brutal des cours à la suite d'un mouvement de défiance qui
amène la plupart des opérateurs à vendre leurs titres.
Les krachs boursiers les plus connus sont ceux de 1929 et de
1987 qui éclatent sur la place financière de New York et se
propagent sur les autres places financières.
21
Globalisation et instabilité financières
La globalisation financière est l’émergence d'un marché
planétaire des capitaux, susceptible d'offrir à l'ensemble des
acteurs de l’économie mondiale une gamme complète
d'instruments financiers.
Le processus de globalisation financière est fondé sur la
règle des trois « D » : désintermédiation, dérèglementation et
décloisonnement.
22
La désintermédiation
La désintermédiation traduit le passage d'une économie
d'endettement à une économie de marchés financiers. Dans ce cas, une
part importante des financements obtenus et des placements réalisés par
les entreprises se fait directement sur les marchés financiers.
Une entreprise préférera donc se financer par une émission
d’obligations ou d’actions plutôt que de s'endetter auprès d'une banque.
23
La déréglementation
S’inscrit dans le cadre de la vague de libéralisation des mouvements
de capitaux qui s’est répandue dans l’ensemble des pays. Elle est liée à
toute absence de règles, telles que la suppression du contrôle des
changes ou bien la libéralisation des taux créditeurs et débiteurs.
Les autorités monétaires des principaux pays développés ont aboli
les réglementations de manière à faciliter la circulation internationale
du capital. La diminution des barrières réglementaires donc induit une
baisse des coûts de transaction ayant pour effet une croissance des
transactions financières internationales.
24
25
Le décloisonnement
Ce phénomène réfère à plusieurs éléments :
- Sur le plan interne : Peu de distinction entre le long
terme et le court terme; frontières progressivement abolies entre
les banques commerciales et les banques d’affaires, entre les lieux
de services d’assurance et de services bancaires, entre les
marchés de change et les marchés financiers, ...
- Sur le plan externe : Essentiellement, on réfère à
l’ouverture de la bourse et du marché des créances de l’État et
des grandes firmes aux opérateurs étrangers.
26
Les deux moteurs de la globalisation sont les innovations et la
libéralisation financières qui ont engendré simultanément un
accroissement de l'efficacité et de l'instabilité du système financier
international. Charles Kindleberger écrivait dés 2000 dans la 4ème
édition de son histoire mondiale de la spéculation financière que:
«parmi les déplacements majeurs dans la période récente on compte la
déréglementation dans des banques et des institutions financières, les innovations
comme les marchés des dérivés (qui existaient déjà mais sur une échelle beaucoup
plus modeste), les fonds d’investissements et fonds spéculatifs, la titrisation des
crédits et autres prêts hypothécaires des banques, etc. »
libéralisation financière
La libéralisation financière se traduit par la diffusion des
fondements de l’économie libérale dans la gestion des affaires
monétaires, bancaires et financières de l’économie. Elle permet
selon ses auteurs, d’améliorer l’efficacité des systèmes financier et
bancaire et de renforcer le rythme de la croissance de l’économie.
Elle se manifeste par trois formes :
la dérégulation des taux d’intérêt,
la mise en concurrence des différents canaux de financement
l’ouverture extérieure du système financier.
27
28
L’évolution à long terme du capitalisme est rythmée par les
innovations (Schumpeter et Charles Kindleberger) notamment les
innovations financières.
Ces innovations sont secrétées par les besoins du capitalisme
financier
Deux innovations financières majeures récentes :
Les produits dérivés (marchés à terme, options, dérivés de crédit
CDO, CDS,…)
La titrisation des créances bancaires
Les innovations financières
Les produits dérivé
Un produit dérivé ou (derivative product) est un contrat entre un
acheteur et un vendeur dont la valeur est « dérivée » des flux
financiers futurs d’un actif sous-jacent tel que (des actions,
obligations, instrument monétaire, indice ou matières premières).
Les produits dérivés sont d’une double nature: les produits fermes
et les produits optionnels. Parmi les contrats fermes, on distingue
les contrats futurs, les swaps et les dérivées de crédit et parmi les
contrats optionnels, on distingue les options et les warrants.
La spéculation est en effet rendue beaucoup plus aisée sur les
marchés de produits dérivés, en raison de leurs effets de levier
(très faible mise initiale par rapport à l'engagement) qui
augmentent fortement le potentiel de prise de risque. 29
30
Les produits dérivés de crédit sont des instruments financiers
contingents à un événement de crédit principalement la défaillance d’une
entreprise, côtés sur le marché financier. Ils constituent des principaux
outils de la titrisation, et forment une partie de l’activité de crédit des
banques.
Parmi ces produits dérivés, les Credit Default Swaps (CDS) sont les
contrats les plus importants et les plus largement employés par le marché
des dérivés de crédit. Ils constituent les éléments de base de ce marché sur
lesquels reposent des structures plus complexes telles que les montages de
CDO synthétique (Synthetic Collateralized Debt Obligation).
Ces produits dérivés structurés et innovants CDS et CDO ont
incontestablement attiré un grand nombre d’investisseurs (les banques, les
hedges funds, les fonds de pension, les compagnies d'assurance, de
réassurance, les assureurs monolines, les entreprises et même les
gouvernements).
31
Née aux Etats-Unis dans les années 70, cette technique a d’abord été
utilisée par les banques pour consentir davantage de crédits. Plus tard, elle a
permis aux banques de se débarrasser partiellement des mauvais risques.
C’est un montage financier qui consiste à transformer des créances
traditionnellement illiquides et gardées par leurs détenteurs jusqu’à
l’échéance à des titres négociables et liquides. Cette transformation peut par
ailleurs s’accompagner d’une restructuration donnant aux titres émis sur les
marchés des caractéristiques différentes de celles des actifs sous jacents.
La technique de titrisation élaborée par des entités cédantes consiste à
céder à un véhicule ad hoc (Special Purpose Vehicle) ou un trust qui en
finance l'acquisition par l'émission de titres, souscrits par des investisseurs.
Ces titres sont donc au passif du SPV et les créances acquises sont
inscrites à l'actif. L'entité ayant fait l'acquisition des créances en perçoit les
flux d'intérêt et de remboursement du capital qu'elle reverse en partie aux
investisseurs via le paiement de coupons et du nominal de leurs titres.
La titrisation
32
La titrisation permet de transférer le risque de crédit sous-jacent sur
un tiers., de diversifier les sources de refinancement, d'optimiser
l'allocation du capital bancaire, favoriser la marchéisation du risque de
crédit, d’optimiser la liquidité des bilans des établissements de crédit
en transformant des créances en titres négociables, d’augmenter les
crédits accordés à l'économie,…
Liquidité, Support de crédit Couvertures, Notation
Cash
Titres
Cash
Actifs
Schéma simplifié illustratif de l’opération de la titrisation
Cession / remise en garantie
L’aléa moral
La notion d’« aléa moral » a été introduite au XVIIème siècle par le
philosophe et l’économiste écossais Adam Smith. Ce phénomène
joue un rôle décisif dans la prise de risque excessive.
Or, dans un contexte caractérisé par une intervention des autorités
monétaires par le biais des systèmes de garanties des dépôts et de
sauvetage des banques en difficultés permet une sorte d’assurance et
de subvention cachées qui incite les banques à aggraver davantage le
risque encouru ainsi que leur levier financier puisqu’elles ne subiront
aucune perte en cas de survenance de problèmes.
L'aléa moral est souvent lié au phénomène d’asymétrie
informationnelle
L'aléa moral ne doit pas être confondu avec l’anti-sélection qui décrit
le fait que l'assurance est plus avantageuse pour ceux dont le risque est
plus important 33
CONCEPTS ET DEFINITIONS DES CRISES
FINANCIÈRES
Initialement, le mot « crise » tirée du mot grec « krisis » qui veut dire «
jugement », s’est révélé, pour la première fois, dans l’usage médical. La
notion de « crise » a, ensuite, été empruntée de l’usage médical par la
science économique pour décrire une situation où l’expansion de l’activité
économique est interrompue sensiblement.
Selon le dictionnaire d’économie et des sciences sociales, la crise financière
est « L’altération de tout ou partie du système financier ».
Elle peut aussi être définie comme « une variation importante touchant totalement
ou partiellement les variables financières d’une économie, que sont le volume et le cours des
valeurs mobilières, l’encours des crédits et de dépôts bancaires, et la valeur de la
monnaie ».
34
Généralement, en temps de crise, les marchés financiers s’effondrent,
les titres se déprécient, et les faillites se multiplient. A noter que
l’ampleur de ces effets dépend du type de marché, de la période et du
pays concernés Bordo et al, (2001).
Il n’existe pas une définition « conventionnelle » et partagée par tous
les théoriciens et les analystes des crises financières. Par contre, on
peut parvenir à une définition plus acceptée en définissant deux
concepts liés à la crise financière. Souvent, les économistes utilisent
les concepts de stabilité et d’instabilité financière pour mieux
expliquer le phénomène de crises financières.
35
La notion de Système Financier International (SFI) suppose
l’existence d’opérations financières internationales entre agents
économiques résidents et non-résidents.
Le concept de stabilité financière qui correspond, comme l’a
mentionné J P Patat (2000), à la situation dans laquelle le
fonctionnement des différentes composantes du système financier et
surtout leurs relations réciproques s’effectuent de manière saine et
sans coups brutaux.
Celui de l’instabilité financière, par opposition, renvoie à une
situation dans laquelle les banques et les autres intermédiaires
financiers évoluent dans un contexte de turbulences et de fragilités
de type conjoncturelles ou/et structurelles.
36
37
Si on tient à cette interprétation, la crise financière peut paraître comme
un cas extrême d’instabilité financière. C'est-à-dire qu’une crise
financière peut être définie comme un « cas où le fonctionnement de l’une des
composantes du système financier ou de plusieurs est perturbé amplement et
soudainement à travers des fluctuations de même aspect».
De ce fait, une crise financière est considérée comme un point de
retournement ou de rupture lors d’un " cycle financier « qui sépare
deux phases d’évolution à sens contraires.
Cette dernière définition est la plus retenue par la plupart des manuels et
théories.
Dés lors, la question de la stabilité financière a fait l’unanimité en tant
que bien public mondial et la coopération internationale s’avère une
nécessité pour la mise en place d’un système financier stable.
38
Il convient de bien distinguer l'instabilité financière de la simple
volatilité financière; cette dernière (souvent mesurée par la
« variance » des rendements des titres, des taux de change, etc.)
décrit les fluctuations temporaires et de faible amplitude des
variables financières autour de leur valeur moyenne.
Les crises financières traduisent en général une instabilité financière
forte. Elles désignent des perturbations sur les marchés bancaires et
financiers qui conduisent à la défaillance d'établissements bancaires
et financiers, avec un risque de propagation à l'ensemble du système
financier – que l'on qualifie de « risque systémique » – de telle sorte
qu'est mise en danger l'une au moins des trois fonctions clés du
système financier : l'allocation du crédit et des capitaux, la circulation
des moyens de paiement et l'évaluation des actifs financiers.
39
LES ORIGINES DES CRISES-FACTEURS DE
VULNÉRABILITÉ ET CONTAGION
Déséquilibres
Micro/internes Déséquilibres
Macro/Extérieurs
Santé de système
bancaire, politique
d’octroi de crédit
Endettement des
institutions financières,
des SNF, des ménages
innovation, réglementation,
encouragement à la prise
de risque
Endettement extérieur,
endettement en devise
Balance des paiements,
compte courant, compte
de capital
Régime de change,
politique monétaire Contagion=
Propagation et
Contamination
- Choc commun
- Canal commercial
- Canal financier
- Contagion pure
40
Effet de Contagion
La contagion est l’augmentation de la probabilité de crise dans un pays
suite à l’avènement d’une crise dans un autre pays
La contagion se produit quand la volatilité des prix des actifs se répand
du pays en crise à d’autre pays.
La compréhension des canaux de transmission de la crise (mécanisme
de la contagion) est capitale pour mettre en place les politiques
appropriées. A ce titre, trois facteurs de propagation des crises ont été
mis en évidence dans la littérature économique, à savoir les chocs
communs, les interdépendances commerciales et financières et la
contagion pure.
41
Effet de mousson
Un facteur commun influence en même temps deux ou plusieurs pays.
Certains auteurs comme Moser (2003) parlent d’une contagion
fallacieuse si le choc commun influence deux ou plusieurs économies
au même moment sans qu’aucune connexion causale n’existe.
(Hausse des taux d’intérêt US 1982 et crise de la dette des PED).
Interdépendances « normales » effet « spillover : déversement »
ou encore « fundamentals-based contagion ».
Un pays est touché par une crise à cause de l’existence d’une crise dans
un pays tiers avec qui, il entretient des relations commerciales ou
financières. Paul Masson (1999).
42
Les liens commerciaux : la vulnérabilité des économies à la contagion est
déterminée par leur degré d’intégration commerciale
Choc sur une économie qui représente un débouché à l’export
Détérioration de la balance commerciale du pays exportateur
Attaques spéculatives contre la monnaie du pays et/ou retrait de capitaux
Perte de compétitivité liée à la dépréciation de la monnaie d’un pays
concurrent affecté par un choc
Dévaluation compétitive pour maintenir sa compétitivité ou risque de
dévaluation anticipé par les investisseurs
Arrêt de la demande des investisseurs pour les actifs de ce pays
Ex: crise asiatique 1997 - Taiwan, Singapour : attaque spéculative et
dépréciation des monnaies
43
Les liens financiers : la vulnérabilité des économies à la contagion est
déterminée par leur degré d’intégration financière
Les Investissements Directs des Entreprises
Les investissements de portefeuille et le rôle des investisseurs internationaux
Retrait des capitaux et rééquilibrage des portefeuilles de placement (Kaminsky and
Reinhart, 1998) : sudden stop
liquidation des positions dans d’autres pays pour satisfaire les demandes de
remboursements (effectives ou anticipées) liées à un choc dans leur pays,
liquidations de positions dans un autre pays pour faire face aux appels de marge.
Retrait des capitaux et/ou restriction de l’octroi de crédit via les filiales internationales
des banques lorsqu’un choc touchant le pays de la banque mère affecte son capital
(Kaminsky and Reinhart, 2000)
La « fuite vers la qualité » (flight to quality): Les investisseurs qui ont enregistré des
pertes importantes éprouvent une grande aversion pour le risque. Ils se réfugient alors
dans des placements jugés comme sûrs. Il s’agit par exemple de l’or (parfois), mais aussi
des obligations des États considérés comme les meilleures signatures (les États-Unis,
l’Allemagne, la France…).
44
Contagion pure et ≪ shift contagion ≫
Paul Masson (1999) considère que si aucun des facteurs déjà
cités ne peut expliquer une crise en série, alors on est en présence
d’une contagion pure, qui peut s’expliquer par la panique
financière et le stress, la perte de confiance, l’augmentation de
l’aversion au risque ou le comportement mimétique.
45
Charles Kindleberger (1978) constate que depuis le XVIIe siècle.
Il y a récurrence d’un certain nombre de phénomènes et c’est cette
même succession de phases identiques qui a caractérisé la plupart
des crises précédentes. Bien évidemment, ce processus n’obéit pas à
une périodicité bien définie.
Il est remarquable que, les mêmes phases s’enchaînent au cours de
toutes les crises.
LES PHASES DE LA CRISE FINANCIÈRE.
46
1/À l’origine se trouve une impulsion qui a trait à une innovation ou une
découverte qui peut être technique (de nouvelles méthodes pour la
production des tulipe, l’organisation scientifique du travail, titrisation…),
des instruments financiers (création des actions d’une compagnie de
navigation, valeurs Internet dans les années 2000, des CDO et CDS…),
une région du monde (les dragons asiatiques), la satisfaction d’un besoin
de consommation qui pourra soutenir l’activité économique (achat d’un
logement via les crédits subprimes,…) ou encore à une conjoncture
financière inédite (afflux de liquidités sur le marché boursier qui permet
la multiplication des offres publiques d’acquisition OPA, abondance de
liquidité des pays émergents et des pays de Golf qui favorisé le
développement de l’immobilier au début des années 2000,… )
47
2/L’adoption d’une stratégie sélective par les agents économiques
informés les assure de la réalité des rendements promis par
l’innovation. Ils procèdent à des achats avisés, profitant de leur
expertise technique (comment cultiver ces nouvelles tulipes? dans
quelles tranches des crédits hypothécaires s’investir), ou par
l’information privilégiée dont ils disposent. Leur comportement est
rationnel au sens économique du terme et ne conduit pas à lui seul à
un emballement spéculatif.
la grande masse des investisseurs se montre attirée par le phénomène
nouveau et ses perspectives de gain rapide.
3/correspond à la généralisation de la spéculation dans l’ensemble de
l’économie à la suite du laxisme des autorités monétaires qui injectent
des liquidités pour satisfaire la demande.
48
4/L’authentification des anticipations par une autorité indiscutable
accentue l’emballement. Dans la bulle du Mississipi, le gouvernement
français apporte son soutien officiel à Law. Dans les années 1920 aux
États-Unis, Irving Fisher déclare que l’envolée boursière et la prospérité
de l’économie sont faites pour durer. Dans la période contemporaine, la
position d’Alan Greenspan, qui dénonce l’exubérance irrationnelle,
marque le tournant de la bulle Internet lorsqu’il se range à l’opinion des
marchés. L’adoption, en 2000, de lois interdisant les régulations tant
fédérales que de la part des Etats, pour les [produits financiers] dérivés
négociés de gré à gré (Over-the-counter ou OTC), l’abolition en 1999
de Glass-Steagall Act par Gramm-Leach-Bliley Act et la loi (de début
des années 1990 sous le gouvernement Clinton) favorisant l’accès au
logement sans discrimination à tout le monde ont constitué le tournant
décisif dans la marche vers la crise financière.
49
5/ La manifestation d’un écart entre les rendements obtenus et les
rendements attendus marque le climat de la séquence et la proximité
du retournement brutal. Il intervient à cause de l’érosion endogène des
rendements du fait de la suraccumulation, ou en réponse à une
mauvaise nouvelle, apparemment mineure, qui déclenche un
réajustement des vues sur l’avenir. Dans d’autres cas, les agents les
mieux informés estiment que, compte tenu du niveau atteint par le prix
des actifs, il est prudent de se désengager en vendant les actifs.
6/ Enfin, l’intervention des autorités politiques, face à la gravité des
conséquences sociales et politiques du krach, interviennent
massivement pour la recherche des culpabilités et la réintroduction de
nouvelles règles et réformes afin d’éviter la répétition de tels épisodes
et rétablir la confiance sans laquelle les marchés ne peuvent
fonctionner. Dans la plupart des cas, ces mesures parviennent à faire
oublier la bulle passée, au point que peut se former un nouveau cycle :
une innovation qui frappe les esprits est susceptible d’amorcer une
autre phase d’expansion puis d’emballement spéculatif.
50
Amorce
d’un nouveau cycle
Innovation
importante
Reprise
de la confiance
Intervention
publique
Krach Fragilité
croissante
Mimétisme
rationnel
/stratégique
Explosion
du prix
des actifs
Accélérateur
financier
via le crédit
Anticipations
nouvelles de
demande/profit
D’une innovation réputée majeure au mimétisme
qui débouche sur la fragilité financière
Source: Robert Boyer, Mario Dehove et Dominique Plihon, les crises
financières, Rapport de CAE, 2004.
Depuis l’effondrement du système de Bretton Woods, la fréquence
des crises financières s’est notablement accrue par rapport à une
période tranquille et relativement longue, dite des ‘Trente Glorieuses’
La période qui s’ouvre avec les années 1980 se caractérise par le
retour de crises financières récurrentes. Qu’ils soient déclenchés par la
dynamique de la dette publique – crise mexicaine de 1984, crise
grecque de 2010, par des innovations financières – bulle Internet,
subprimes –, par une crise de change – crise européenne de 1993 –
ou encore par une augmentation excessive du crédit domestique –
crises asiatiques des années 1990 –, ces épisodes vont de pair avec le
mouvement de libéralisation financière amorcé dans les années 1980.
FRÉQUENCE DES CRISES FINANCIÈRES
51
Les crises financières se révèlent sous plusieurs formes. Elles se
configurent selon les marchés et les institutions qu’elles
frappent. Du fait, on peut observer des crises de change, des
crises bancaires, des crises boursières, des crises immobilières et
les crises de la dette publique. Aussi, on peut observer des
crises jumelles qui sont, essentiellement, l’association des crises
de change avec des crises bancaires.
52
TYPOLOGIE DES CRISES FINANCIÈRES
1. Les crises bancaires
Une crise bancaire est définie comme une situation dans
laquelle: La totalité ou la majorité du capital bancaire est érodée ..
C’est à dire que les banques font fasse à différentes pertes,
accumulation de crédits non performants et de créances
douteuses, ainsi que des pertes en capital qui réduisent leurs
différents ratios prudentiels.
Ces problèmes rencontrés entraînent un large mouvement de
nationalisation des banques, une vague de faillites et de paniques
bancaires ≪ bank run ≫ ou de mesures d’urgence, telles que les
retraits brusques de capitaux, les fermetures prolongées des
banques, les fusions, la prise en charge étatique à grande échelle
ou les garantis publiques généralisés sur les dépôts.
53
54
Les crises bancaires font généralement suite à une période de
forte expansion du crédit et de hausse de la valeur des actifs
boursiers et/ou immobiliers. Ce mécanisme est souvent auto
entretenu puisque l’augmentation de la valeur des actifs qui
sont susceptibles d’être utilisés pour garantir les prêts justifiés
de nouveaux prêts.
Krugman (1999) donne une explication à ce type de crise par
le mécanisme de « l’aléa moral ». Il observe que les banques
ont tendance à développer des prêts et des placements très
risqués parce qu’elles souffrent de l’asymétrie d’information et
elles bénéficient de garanties du moins implicites de la part des
autorités monétaires.
Pour les crises bancaires, les économistes font un repérage de ces
crises à partir de données financières et bancaires, notamment
l’actif non performant/total actif est supérieur à 10%, des dires
d’experts, d’indices de panique (gel de dépôts, fermeture de
banques, garantie générale des dépôts) ou l’existence du plan de
sauvetage organisé par les pouvoirs publics dont le coût de
sauvetage est supérieur à 2% PIB.
55
Deux sortes de crises ont été distinguées par G.Caprio et
D.Klingebiel (1996), les crises systémiques et les crises non
systémiques.
Pour les crises systémiques, ces problèmes marquent le début d’une
cascade d’évènements similaires pour le reste des institutions
financières, ce qui implique que la vague de crises affecte une grande
partie du secteur bancaire ou certaines banques qui détiennent la
majeure part des actifs du système bancaire.
Pour les crises non systémiques, ces problèmes ne concernent que
quelques banques de taille petite ou moyenne.
La crise est systémique quand elle se diffuse à l’ensemble des marchés
financiers à l’échelle planétaire.
Crise japonaise 90’s, crise asiatique 97-98, crise des subprimes
56
2 . Les crises boursières:
Les termes de crise boursière ou de krach renvoient à deux
acceptions différentes mais non-exclusives l’une de l’autre.
La première correspond à l’éclatement d’une bulle spéculative,
elle-même définie comme un écart important et persistant du prix
d’un titre ou d’un indice par rapport à sa valeur fondamentale. La
crise se caractérise par une phase d’ajustement et de retour au prix
d’équilibre fondamental.
La seconde acception fait référence à la dynamique des prix
suivie par des cours boursiers. La crise se définit comme une
évolution rapide et/ou de grande ampleur des cours à la baisse.
57
De même pour les crises boursières, deux méthodes sont indiquées
pour les identifier.
La première approche, utilisée par Mishkin et White (2002),
consiste à identifier les variations de plus de 20% (en général, par
référence aux krachs de 1929 et 1987) d’un indice sur différentes
fenêtres temporelles..
La seconde approche, dite CMAX, proposée par Patel et Sarkar
(1998) s’appuie sur une variable de tension égale au rapport des cours à
l’instant t au maximum du cours pendant une période précédente prise
comme référence. Un écart supérieur à un certain seuil à 1,5 ou 2
écarts-types de cette variable en dessous de son niveau moyen sur une
fenêtre temporelle donnée signale une crise.
58
3. Les crises de change :
Ces crises représentent des situations où apparaissent de brusques
variations des taux de change, prenant forme de dévaluation forcée ou
de flottement de la monnaie dans le cas d’un régime fixe, ou d’une
dépréciation forte ou subite dans le cas d’un régime de change plus
flexible. Au-delà du changement brutal du taux de change, une crise de
change est, généralement, caractérisée par un assèchement rapide des
réserves de change.
La décennie des années 1990 a connu plusieurs épisodes de crises de
change, tant dans les pays développés que dans les pays émergents,
notamment avec les crises du SME (1992-1993), mexicaine (1994-
1995), asiatique (1997-98), de Brésil (1998 - 1999), de la Turquie (2001)
et la crise de change d’Argentine (2001)
59
Pour les crises de change deux méthodes sont habituellement
retenues pour les identifier.
Le premier consiste à considérer « qu’une monnaie subit une
crise de change lorsque sa valeur exprimée dans une monnaie de
référence subit une dépréciation au cours d’une année supérieure à
un certain seuil égal, en général, à 25% ».
La seconde consiste à « construire un indicateur de pression
spéculative, combinant la variation du change aux variations des
réserves officielles et du taux d’intérêt supposées représenter
l’intensité de la défense de la parité par les autorités monétaires et à
considérer qu’au-delà d’un certain seuil de variation de cet
indicateur par rapport à sa valeur moyenne, choisie en général à 1,5
fois l’écart-type, le marché des changes subit une crise spéculative».
60
4. Les crises jumelles :
Avant le début des années quatre-vingt, les crises bancaires étaient
pratiquement inexistantes. Avec la libéralisation financière les crises
jumelles – crises bancaires et crises de changes associées – sont
devenues plus fréquentes. Elle sont aussi beaucoup plus sévères
(Kaminsky, Lizondo et Reinhart, 1999)
La crise jumelle est le résultat d’une dépréciation ou d’une
dévaluation (généralement liée a une spéculation contre la monnaie)
et une vague de défaillances bancaires (Crise asiatique 97-98).
61
5. Les crises immobilières
Les crises du secteur de l’immobilier peuvent s’agir d’un déséquilibre
entre l’offre et la demande sous forme d’une incapacité de l’offre à
faire face à l’ampleur de la demande ou d’une incapacité de la
demande à faire face à l’offre. Ce qui fait que les prix de l’immobilier
peuvent faire l’objet d’une forte baisse et brutale de la valeur des
titres immobilier.
6. Les crises de la dette publique
Ce type de crises financières prend l’apparence d’un défaut de
paiement de la dette extérieure par un pays vis-à-vis de ses créanciers
non résidants, ou lorsqu’elle est libellée en monnaies étrangères.
62
Lorsque le débiteur est l’Etat, la dette est dite " souveraine ", la crise
se manifeste généralement par l’annonce d’un " moratoire " sur le
remboursement qui exprime une déclaration officielle et définitive de
la cessation de paiements. La communauté financière internationale
peut se mobiliser dans ce cas, sous l’égide du FMI, pour le
rééchelonnement de la dette, et fréquemment des facilités de
financement sont avancées par celui-ci sous contraintes d’amorce de
mesures de stabilisation d’ordre monétaire à très court terme et de
programmes d’ajustement structurels à moyen terme. Le Mexique a
fait l’expérience suite à la situation de cessation de paiement en 1982
et en 1994, et par la suite la Russie en août 1998.
63
64
Ces trois premières formes des crises financières sont,
désormais, les plus vues à travers l’histoire des faits
économiques. Par contre, les crises immobilières et de la
dette publique apparaissent comme des événements
conduisant à des crises financières qui se manifestent soit
par des crises bancaires, soit par des crises de change ou soit
par des crises boursière. L’analyse historique des crises
financières et leur fréquence confirment cette idée.
Les économistes classiques et les néo-classiques n’ont pas développés
des théories sur les crises financières mais ils avaient élaboré des
théories qui expliquent approximativement les crises économiques.
Le terme de « crises financières » commençait à apparaitre dans les
analyses théoriques qu’après la crise de 1929. Les premières études
sérieuses ont été l’oeuvre de Keynes (1930) par sa théorie de
l’insuffisance des investissements, de Fisher (1933) par sa théorie de
surendettement et de Minsky (1992) par sa théorie de la fragilité
financière et instabilité économique. 65
ANALYSE THÉORIQUE DES CRISES
FINANCIÈRES
A partir de 1997, ce terme de crise financière trouve un
intérêt particulier à la suite de la crise asiatique qui a suscité
de nombreux modèles théoriques et empiriques explicatifs
du phénomène. On peut citer les modèles de crises de la
première génération, de la deuxième génération et de la
troisième génération. Ces modèles ont le mérite de tenter
d’expliquer les crises financières.
66
67
La littérature économique des classiques et des néo-classiques
sur les phénomènes des crises n’est pas très riche. Cette
littérature considèrent que les crises sont des phénomènes
économiques que les classiques qualifient de «crises passagères» qui se manifestent suite à des défaillances
enregistrées dans un secteur ou activité économique et limités
dans le temps et que les néoclassiques qualifient de périodes
de « turbulences économiques »
Les théories de la période d’avant-crise de 1929
Les crises financières chez les classiques
Les classiques pensent que les crises touchent un secteur bien défini,
tel que l’agriculture, le textile, le chemin de fer ou le crédit et ne
peuvent se présenter comme des phénomènes étonnants sur lesquels il
faut faire des études et des théories entières. Ils définissent le
phénomène comme étant « des mécanismes d’ajustement porteurs de nouveaux
progrès en apurant le passé compte tenu soit des erreurs commises, soit des
changements imprévisibles de toutes sortes, plus particulièrement des techniques ».
Adam Smith dénonçait le recours excessif à l’épargne au détriment de
la consommation. Deux autres économistes, Malthus et Sismondi,
soulèvent que « des crises générales peuvent se manifester en raison de l’excès de
l’épargne, par défaut de la consommation »
68
La doctrine orthodoxe de la théorie néoclassique considère que les
crises sont des évènements conjoncturels qui résultent d’un choc
associé à un certain élément dont l’origine est exogène et qui
provoque de forts déséquilibres dans le fonctionnement des
différents marchés qui composent le système économique. Sa durée
est, par conséquent, variable et dépendante de la nature de ce choc
qui dysfonctionne totalement le bon fonctionnement des marchés
en causant un ajustement vers un nouvel équilibre.
69
Les crises financières chez les néoclassiques
70
La théorie néoclassique a construit une théorie sur les crises
économiques autour de l’idée des fluctuations des prix. Stanley Jevons
(1862) avance l’idée des fluctuations commerciales. Dans la même
ligne de pensée, Léon Walras (1852) relie les crises à des phénomènes
de déséquilibres. Kunt Wichsel (1898) met en relation les
mouvements des prix aux cycles d’affaires.
L’économiste danois Kunt Wicksel, publie en 1898, un ouvrage
intitulé « intérêt et prix », où il s’attache, particulièrement, à rechercher
l’explication des crises en tant que des fluctuations incessantes du
niveau moyen des prix. Il considère que le mouvement des prix est un
fait indépendant de la succession des phases de prospérité, de crise et
de dépression qui caractérise le capitalisme.
Schumpeter a essayé, à travers la théorie de l’évolution économique,
de développer une explication des fluctuations économiques fondée
sur le caractère discontinu du progrès technique. Mais, sa tentative
n’est pas concluante.
A partir des 1860 – 1890, à l’époque où se construisait la théorie
marginaliste, quelques études se consacrent par les économistes à la
question de surproduction et des crises économiques. On retient un
article de John Mills, paru en 1867, sur les cycles du crédit et les
origines de paniques commerciales. Dans cet article, il explique les
crises par des causes psychologiques.
71
Walter Bagelot (1873), dans un ouvrage intitulé « Lambart Street »,
développe des explications sur les crises à partir de la question des
mauvaises récoltes.
Clément Juglar (1862) fait, aussi, paraître un ouvrage, intitulé « des
crises commerciales et de leur retour périodique en France, en
Allemagne et aux Etats-Unis » où il est le premier économiste qui
donne une description détaillée du « cycle des affaires » et insiste sur
la régularité du retour des crises.
72
D’autres thèses ont été, ensuite, proposées par d’autres
économistes pour expliquer les crises. Il s’agit de la théorie de
sous-consommation, de la théorie de l’insuffisance de
l’épargne et de la théorie de l’accélération.
i. La théorie de sous-consommation
La thèse de la « sous-consommation » a été présentée par
Hawley (1882). Dans un ouvrage intitulé « capital et
population », il indique que la crise s’éclate parce que la
production de biens de consommation n’est pas suffisante
pour satisfaire la demande. Celle-ci étant trop forte en raison
de l’élévation des salaires.
73
ii. La théorie de l’insuffisance de l’épargne
La thèse de « l’insuffisance de l’épargne » a été défendue par
l’économiste russe Tugan Baranovski (1894), dans un ouvrage
intitulé « les crises industrielles en Angleterre ». Cet économiste
marxiste, a fini par s’éloigner des idées de Marx en posant ses
conclusions qui rejoignaient les vues libéraux sur la question des
crises. Il considère que les crises s’éclatent non pas par l’excès de
l’épargne mais par l’insuffisance de l’épargne. Il conclue que la
surproduction de bien de consommation ne peut jamais être
due à une insuffisance de la demande de ces biens.
74
iii. La théorie de l’accélération
Aftalion (1908, 1909, 1913) a apporté des explications sur les crises
en optant sur une analyse du cycle par la théorie de l’accélération. Il
s’appuie sur l’idée que la construction des biens d’équipements
demande du temps et explique que lorsque la demande des biens de
consommation augmente, la capacité de production de la nation ne
peut être augmentée immédiatement.
D’autres économistes néoclassiques ont, néanmoins, essayé de
donner des explications monétaires du cycle. Il s’agit d’expliquer la
crise par l’insuffisance de la monnaie de crédit fournie par les
banques à la fin de la période d’expansion. Cette vision a été
défendue par l’économiste américain Irwing Fisher (1912),
l’économiste autrichienne Ludwig Von Mises (1912) et par
l’économiste britannique Robertson (1926) 75
76
L’analyse des crises selon Marx
Marx n’avait pas bâti une théorie unifiée des crises, même s’il en
est l’un des principaux théoriciens, même s’il fut l’un des
premiers penseurs du cycle. Il avait même projeté de terminer
son grand œuvre, Le Capital, par un livre dont le titre est d’une
grande actualité : Le Marché mondial et les Crises. Pour lui, les
crises sont endogènes, inhérentes au fonctionnement du
capitalisme, nullement des chocs exogènes dus à des phénomènes
contingents. C’est là son enseignement principal, en opposition
aux théories libérales contemporaines qui présupposent un
fonctionnement harmonieux de l’économie de marché seulement
perturbé par des chocs stochastiques.
Les théories de la période d’après-crise de 1929
Après la crise de 1929, le monde s’est réveillé sur une crise couteuse et
dévastatrice. C’est alors que les économistes reconnaissent la nécessité
de théoriser le phénomène et de trouver des explications valables.
La période de l’après 1929 est marquée donc par trois économistes qui
se sont distingués par leurs travaux sur les phénomènes de crises,
notamment sur la crise de 1929. Ce sont Keynes, Fisher et Minsky.
la théorie de l’insuffisance d’investissement de Keynes (1930) ;
la théorie du surendettement de Fischer (1933) ;
la théorie de la fragilité financière et de l’instabilité économique de
Minsky (1992).
77
a. La théorie de l’insuffisance d’investissement de Keynes
Après l’éclatement de la crise aux Etats-Unis, en 1929, Keynes a
voulu donner une explication sur les problèmes des dépressions
économiques dans l’une de ses grandes recherches théoriques,
parue dans son ouvrage intitulé le « Traité de la monnaie », publié
en 1930.
Il a donné une explication monétaire à la crise et au phénomène
du cycle. Il met en avant l’idée de l’insuffisance de l’investissement
pour expliquer la crise.
78
b. La théorie du surendettement de Fisher
L’économiste Irving Fischer (1933) est l’un des premiers qui a
montré le rôle central de la liquidité. Il a construit sa théorie en
s’appuyant sur les notions de dette et de déflation afin d’expliquer
les grandes dépressions.
Cette théorie s’inscrit dans le contexte historique qui est marquée
par la baisse de la valeur des actions aux Etats-Unis, dés le lundi 21
octobre 1929 et par le krach de la bourse de New York, le jeudi
1929. En plus, cette crise boursière est suivie d’une longue période
de déflation, de baisse de la production, de hausse du chômage et
d’une perte de confiance générale qui se répandent au niveau
mondial.
79
80
Fisher cherche à montrer que l’endettement des agents durant les
phases ascendantes du cycle conduit a un processus déflationniste
durant la phase descendante.
Première étape : la phase ascendante du cycle
Dans la phase ascendante du cycle, les agents économiques sont
incités à s’endetter d’une part, pour bénéficier des perspectives de
plus-values en capital sur les marchés financiers et d’autre part,
pour mettre en route des projets d’investissement profitables.
L’endettement devient donc le moteur de l’activité. L’occurrence
d’un choc quelconque conduit au retournement du cycle.
81
Deuxième étape : la phase descendante du cycle
Dans cette phase descendante, les mécanismes qui avaient
été favorables au développement économique deviennent
ceux qui accentuent la crise.
Chute des recettes, des prix des actifs et la déflation des
prix industriels la valeur réelle des dettes monte
rapidement cette configuration se révèle désastreuse
pour les emprunteurs la contrainte de remboursement
devient exorbitante les emprunteurs tentent de faire face
à ces charges de remboursements en effectuant des ventes
de détresses pour obtenir des liquidités
c. La théorie de la fragilité financière et de l’instabilité
économique de Minsky
Minsky (1992) a développé une théorie expliquant la crise par
l’instabilité économique et la fragilité financière. Cette théorie
démontre que l’instabilité économique dépend des modalités de
financement des investissements et la fragilité financière explique
la survenance des crises.
82
83
Les trois étapes qui précédent la crise financière chez Hyman
Minsky sont assez identiques aux étapes mises en évidence par
Kindelberger. Le grand apport de Minsky se situe alors dans la
notion de fragilité systémique. Dans le cadre d’une économie de
marché, le libre jeu des comportements individuels et notamment
les réactions aux chocs sont amplificateurs des déséquilibres.
Les trois étapes d’une économie, selon Minsky, sont :
la « hedge finance », ou finance prudente
la « speculative finance »
la « Ponzi finance ».
84
Pour Minsky, la tranquillité économique de la période de la finance
prudente, qui caractérise la phase d’expansion, est porteuse de la crise
financière dans le cadre du capitalisme. L’optimisme des acteurs
majeurs de l’économie, dans la phase d’une croissance avec une
recherche et l’obtention de profits modérés, suscite des comportements
plus risqués en ignorant ce risque. C’est l’étape de la finance spéculative.
L’excès de confiance suscite un excès d’endettement. La course au
profit par des agents spéculateurs dans cette phase de crédit facile se
poursuit, favorisant l’investissement, la croissance et l’emploi jusqu’à ce
que les agents prennent conscience que la liquidation de leurs actifs ne
suffira pas aux remboursements de leurs engagements. Il faut par
conséquent emprunter pour payer les dettes, engageant ainsi le système
dans la finance Ponzi. Un tel processus se traduit par des hausses
purement nominales des valeurs, sans contrepartie réelle. Minsky parle
de « boom spéculatif » qui déclenche la phase de l’instabilité.
85
Le « moment Minsky » constitue le moment où les agents
surendettés sont contraints de vendre en masse leurs actifs pour
faire face à leur besoin de liquidité. La préférence pour la
liquidité étant générale, les ventes déclenchent une spirale de
baisse auto-entretenue du prix des actifs et un assèchement de la
liquidité.
Ainsi la « stabilité engendre l'instabilité ». Tel est le « paradoxe
de la tranquillité ». Cette phase de liquidation irréfléchie des
actifs est celle qui constitue la crise financière se caractérisant
par une restriction brutale du crédit (credit crunch) provoquée
par une hausse des taux d'intérêt, mettant en difficulté ceux qui
doivent emprunter pour rembourser leurs dettes antérieures. La
récession est alors la conséquence de la crise financière.
Les théories de la période de l’après-crise asiatique de 1997
Cette période a connu une accélération des crises financières
touchant des pays émergents de 1997 à 2001. Ces crises ont
suscité beaucoup d’analyses et d’études pour expliquer le
phénomène.
86
87
GÉNÉRATION DE MODÈLES DE CRISES
FINANCIÈRES
Les économistes distinguent trois catégories de modèles de crises,
qualifiés de génération de crises.
À l'origine, les modèles de première génération ont cherché à
expliquer les crises de balance des paiements des années 70-80.
Ensuite, les modèles de deuxième génération ont tenté d'apporter
une réponse aux crises du Système monétaire européen (SME) de
1992-93. Enfin, les modèles de troisième génération ont essayé de
comprendre les crises mexicaine (1994-95) et asiatiques (1997-98), à
dominante bancaire et financière.
A. Les modèles de crises de la première génération
Dans une première génération des modèles (la dégradation des
fondamentaux), Krugman (1979) et Flood et Garber (1984) ont essayé
d'expliquer les crises de balance de paiements des années 1970-1980 telles
que la crise mexicaine de 1973-1982 et d'argentine de 1978-1981.
Dans un régime de changes fixes, une croissance excessive du crédit
intérieur et un financement monétaire du déficit public peut aboutir à un
excès d’inflation du pays sur ses partenaires commerciaux ce qui
provoque une baisse de compétitivité prix c-à-d une baisse des
exportations et une hausse des importations (un déficit commercial) ce
qui engendre une dépréciation du taux de change. La banque centrale
puisse dans ses réserves de change pour racheter sa monnaie sachant
l’obligation d’assurer une fixité du taux de change, on assiste par la suite à
des attaques spéculatives dès lors que les opérateurs considérèrent que la
BC ne pourra pas maintenir sa politique inflationniste car elle est
insoutenable ce qui entrainera finalement une dévaluation de la monnaie. 88
B. Les modèles de crises de la deuxième génération
Les modèles de crise de deuxième génération ont été développés à la suite
des crises du système Monétaire Européen (SME) de 1992-1993 qui ont
constitué les premières expériences de la globalisation financière au sein des
pays développés. Ces modèles de deuxième génération, développée en
premier par Maurice Obstfeld (1994) et (1996), sont connus comme des
modèles d’équilibres multiples et d’anticipations autoréalistes. Leur idée
principale est qu’il existe plusieurs situations possibles à l’équilibre, soit dans
le cas de crise ou dans le cas de non crise, selon la psychologie des agents :
pessimistes ou optimistes.
Ces modèles expliquent la crise à partir des interactions stratégiques entre
les intentions futures des gouvernements et les interprétations hétérogènes
qu’en donnent les spéculateurs. La crise intervient dés qu’une vague de
pessimisme profond gagne un groupe d’investisseurs provoquant une
sorties de capitaux. C’est le jeu stratégique entre le gouvernement et les
marchés qui forment le scénario de la crise. 89
Dans ce modèle, la banque centrale essaye d’optimiser sa situation:
arbitrage entre coûts et avantages du maintien du régime de change,
les attaques spéculatives sont ici arbitraires car non fondées sur les
fondamentaux. Cette fois ci l’attaque ne réussira que s’il y a un
caractère autoréalisateur des anticipations. L’état doit faire un arbitrage
entre les coûts de la défense contre les attaques spéculatives (hausse de
taux d’intérêt) et les avantages de la résistance aux pressions vers la
dévaluation. Les spéculateurs rationnels agissent en fonction des
prévisions établies sur les réactions possibles des autorités (intéraction
stratégique).
La crise peut résulter d’une incapacité du gouvernement à s’engager
de manière crédible sur des choix de politique économique.
90
C. Les modèles de crises de la troisième génération
Suite aux insuffisances soulevées dans les modèles des deux
premières générations de crises, une troisième génération de modèles
est apparue nécessaire pour expliquer les crises de l’Asie du Sud-est
(1997), de la Russie (1998), du Brésil (1999) ou, plus tard de la
Turquie et de l’Argentine (2001-2002).
Selon Krugman (2001), ces modèles de crises de la troisième
génération sont apparus avec la crise asiatique de 1997. Ils sont
connus par les crises jumelles « twin crisis ».
Dans ces crises de types nouvelles, le système de change fixe, à
ancrage rigide, joue un rôle perturbateur. Ce système a permis, dans
un premier temps, aux pays touchés par ces crises d’emprunter des
sommes considérables à taux fixe. Cela a engendré une surliquidité
de l’économie et une hausse des prix mettant en cause leur
compétitivité qui fait anticiper une dépréciation de la monnaie locale. 91
Lorsque la crise a été amorcée, ces capitaux ont contraint la Banque
Centrale à épuiser rapidement ses réserves de change et à accepter la
dévaluation par le passage à des changes plus flexibles. Cette crise de
change a été généralement suivie par une crise bancaire. Il s’agit,
donc, des crises jumelles.
les modèles de la troisième génération se basent sur le jeu de l’aléa
moral et du capitalisme de connivence pour expliquer les crises
récentes.
De plus, la libéralisation financière non accompagnée d’une
régulation prudentielle adéquate a donné naissance à une troisième
génération de crise. Elle a crée une interdépendance entre les
créanciers étrangers, qui n’étaient pas exclusivement des banques, et
les débiteurs locaux, qui étaient des agents privés.
92
93
La crise financière systémique associée aux subprimes (2007-2008)
n’a pas encore trouvé de formalisation canonique équivalente, sans
doute parce que la complexité des produits dérivés est difficile à
incorporer dans des modèles macroéconomiques. Il s’agit d’une
quatrième génération des crises Philippe Gilles.
Les crises financières ont jalonné l’histoire économique
capitaliste. Ces crises sont souvent provoquées par la
défaillance d'une ou plusieurs banques, des politiques
macroéconomiques inappropriées (qui porte sur le régime
de taux de change et la dette étrangère élevée, par exemple)
ou par des flux massifs de capitaux étrangers.
94
LES CRISES FINANCIÈRES DANS L'HISTOIRE
ÉCONOMIQUE
95
•La Crise de la « Tulipomanie » de 1637
(Célèbre pour être l'une des premières à être fortement documentée).
En février 1637, l’histoire a révélé la première véritable crise financière.
Il s’agit de la crise du marché de la tulipe aux Pays-Bas.
Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, la Hollande découvre la tulipe.
De fait de sa rareté et sa nouveauté, la tulipe est alors prise pour un
signe de richesse, Toute la Hollande commence à se passionner pour
cette fleur, Des familles entières arrêtent leur travail pour se lancer dans
la plantation de tulipe. Le prix de celle-ci augmente peu à peu et atteint
des sommets irréalistes. Bientôt, dans les années 1630, elles deviennent
un véritable objet de spéculation dans le sens où les agents achètent des
« promesses de bulbes » dans le seul espoir de les revendre encore plus
cher soit l’équivalent d’un carrosse neuf de ses deux chevaux et de leur
harnais et certains bulbes valaient plus de 100 000 dollars actuels. En un
mois, le cours de la tulipe est multiplié par 20.
96
Cet engouement extraordinaire gagne toutes les couches de la
population et dure jusqu’en 1637. Et soudain, sans qu’on sache très
bien ce qui a provoqué le retournement, certains commencent à
vendre, puis sont imités par d’autres qui prennent peur en voyant les
premiers se débarrasser de leurs bulbes. La frénésie à l’achat se
transforme en panique à la vente.
Le prix des bulbes chuta drastiquement à un dixième de leur valeur
paroxystique en 6 semaines provoquant une très sérieuse récession.
La ruine fut totale pour de très nombreuses familles et la région resta
marquée des années par le désastre.
97
• La bulle du Mississippi en France
L'épisode de la Compagnie du Mississippi s’est déroulé un siècle
plus tard selon un processus similaire à celui de la tulipomanie.
En 1716, John Law fut autorisé par Louis XIV à ouvrir une
banque et à émettre des billets pour payer les dépenses
courantes de l'Etat et prendre en charge la dette publique. Pour
soutenir l'émission de billets fut créée la Compagnie du
Mississippi et fut intégrée en 1717 dans la Compagnie
Perpétuelle des Indes, chargée d'exploiter les gisements aurifères
dont on présumait l'existence en Louisiane, colonie Française
jusqu’à Napoléon. Les actions de la compagnie flambèrent. Puis
lorsqu'on apprit en 1720 qu'aucun or n'avait été découvert, le
cours des actions s'effondra.
• La bulle des Mers du Sud en Angleterre
La Compagnie des Mers du Sud, créée à Londres en (1711) par Robert
Haley, avait également pour vocation d'endosser la Dette publique. La
Compagnie reçut le droit d'émettre des actions et de disposer à
l’époque d’un monopole du commerce dans toutes les colonies
britanniques ainsi que dans le domaine d'influence espagnol
(notamment la côte ouest des Amériques). Les actions de la Compagnie
des Mers du Sud rencontrèrent l'enthousiasme d'une partie de la
population britannique. Au cours de l'année 1720, son cours grimpa de
128 livres en janvier à près de 1000 livres en juillet. Ce succès ayant valu
dans l'intervalle la prolifération d'autres compagnies du même type, qui
ont tenté de se former sur le même modèle. Certaines prétendent
exploiter d'autres routes commerciales.
98
Ces sociétés, sont rapidement surnommées des « bulles ». Moins
pour calmer le jeu que pour protéger la Compagnie des mers du
Sud, le gouvernement adopta une loi interdisant ces lancements de
sociétés à capital public, du nom de "Bubble Act" (loi de la Bulle)
en juin 1720.
Le cours de l'action s'effondra à l'automne 1720 à Londres.
L’éclatement de cette bulle spéculative sur les titres et les monnaies
entraîne la faillite de la Compagnie des mers du sud et de plusieurs
banques.
Puis, comme au lendemain de la tulipomanie en Hollande, la vie
économique de la City londonienne et du pays tout entier s'engagea
sur le chemin de la récession.
99
• La crise de 1929
Durant les années vingt, l’économie américaine était florissante: l’adoption
de nouvelles technologies, les innovations financières et l’amélioration des
pratiques de gestion des entreprises et la rationalisation de la production
ont contribué à un optimisme général. La Bourse de New York a connu une
flambée spectaculaire pendant cette décennie. Les titres vedettes de la
période, comme Radio Corporation of America ou General Motors,
reflètent bien la profitabilité et les perspectives de croissance des
entreprises. Une bulle spéculative se forme à partir de 1927, en particulier
dans les nouvelles technologies. En effet, entre 1921 et 1929, l’indice du
cours des actions a été multiplié par quatre.
Cette bulle est amplifiée par le nouveau système d'achat à crédit d'actions,
qui depuis 1926 est permis à Wall Street et la montée de la spéculation. Les
investisseurs peuvent ainsi acheter des titres avec une couverture de
seulement 10 %. Le taux d'emprunt dépend du taux d'intérêt à court terme.
100
101
Le jeudi 2 octobre 1929, le marché s’effondre, en raison d’une mauvaise
politique monétaire menée par la Fed, à moins que des effets liés à une
surproduction pour une demande insuffisante soient aussi responsables. Le
mercredi 23, la situation s’est aggravée. Le jeudi 24 (le « jeudi noir ») le
volume des actions mises en vente s’est explosé, ce qui a entraîné une chute
spectaculaire de Wall Street.
Cette crise entraînera misère, chômage et faillites et perdurera jusqu’à la
seconde guerre mondiale. C’est aussi la première fois dans l’histoire qu’une
crise se propage si rapidement, touchant la plupart des économies de la
planète.
Les banques new-yorkaises, appuyées par la Réserve Fédérale de New York,
augmentent leurs prêts et réussissent à prévenir un manque de liquidité et
des faillites bancaires en cascade.
En 1933, le Président américain Franklin Roosevelt mettait en œuvre le «
New Deal ». Ainsi, il créait la Reconstruction Financial Corporation (RFC),
dotée de fonds publics, qui avait pour mission de consolider le système
bancaire et de financer des chantiers publics.
102
• Les crises d’Américo-Latine de 1982
Du milieu des années 1970 au début des années 1980, les mouvements
internationaux de capitaux sont dominés par les crédits des banques
commerciales aux pays du Tiers Monde. Ces prêts sont alimentés par les
dépôts des pays exportateurs de pétrole, les « pétrodollars ».
La crise américo-latine éclatait le 13 août 1982, lorsque le Mexique avait
déclaré unilatéralement un moratoire de trois mois sur le paiement du
principal de sa dette. En outre, cette crise s’est propagée à l’ensemble du
système financier international l’exposant, pour la première fois, au risque
d’une crise dite « systémique ».. Cette crise avait deux causes principales :
la brusque hausse des taux d’intérêt américains qui renchérissait le coût
des emprunts et une baisse des prix des produits exportés. Le FMI
accorda des prêts aux pays concernés afin qu’ils puissent honorer leurs
engagements et les autorités monétaires américaines font office de
médiateur et offrent aux banques des garanties.
103
•Le krach de Wall Street de 1987
Depuis le deuxième trimestre 1982, la Bourse de New York connaît un
gonflement excessif des cours, (l’indice Dow Jones a triplé). Mais, le 19
octobre 1987, la hausse des taux d’intérêt à 10 ans qui a atteint 400 points
de base et la publication d’un déficit commercial américain plus important
que prévu ont provoqué finalement une débâcle spectaculaire. Ce jour-là,
l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a subit une baisse de 22,6 %
en une seule séance, (Black Monday).
Cette crise se caractérise par la transmission internationale des
perturbations notamment la chute des indices boursiers est de 9,3% à
Paris, de 10,2% et 10,4% à Londres et à Bruxelles et de 15% à Tokyo.
La crise de 1987 est en partie auto-entretenue par les « assurances de
portefeuille ». Cette technique est supposée protéger les portefeuilles
d’actions des investisseurs par une option de vente en cas de baisse. La
vente peut même être automatique si la gestion du portefeuille est confiée
à un programme informatique.
• La Crise japonaise de 1990 « décennie perdue »
Tout au long des années 1970 et 1980, le Japon s’est considéré comme
une forte économie qui va conquérir toute la planète: une croissance
solide, un chômage faible, une inflation modeste et un modèle
d’entreprise envié. Au cours de cette décennie, la Bourse a progressé
de plus de 600 % et le marché foncier de plus de 400 %.
Cette envolée boursière et immobilière, conjuguée à des taux d’intérêt
relativement bas, a considérablement assoupli les conditions de
financement de l’investissement.
A cet effet, et avec le début de la libéralisation financière qui s’était
enclenchée au Japon dès la fin des années 1980, les banques se sont
lancées dans de nouvelles opérations, plus rémunératrices, mais plus
dangereuses, en prêtant pour des opérations immobilières sans le
moindre contrôle.
104
105
À la fin des années 1980, sous l’effet de l’inflation, la banque
centrale du Japon monte ses taux. Le crédit coule moins facilement.
Le prix des actifs va s’effondrer, notamment celui de l’immobilier.
La chute de la Bourse est spectaculaire : d’un sommet à 39 000
environ fin 1989, l’indice Nikkei tombe à environ 14 300 en août
1992. Il a fallu attendre 1998 pour que le système bancaire soit
sauvé, grâce aux fonds publics.
Il a fallu attendre 1998 pour que le système bancaire soit sauvé,
grâce aux fonds publics. La croissance japonaise ne dépassera pas 1
% l’an en moyenne sur toute la décennie 1990, malgré des taux
d’intérêt très bas. Si bas que l’épargne japonaise ira se placer ailleurs.
Il est à mentionner qu’il s’agit d’une crise triple: immobilière à
l’origine, bancaire et enfin industrielle compte tenu des liens troubles
qu’entretiennent les keiretsus japonais avec leur banque.
• La Crise du Système monétaire européen (SME) de 1992
En 1992, l’Europe a connu une crise de son système monétaire.
Cette crise tient à la conjugaison de facteurs politiques et
économiques. Le référendum du traité Maastricht a suscité des
perturbations sur la crédibilité de l’union monétaire européenne. Le
non des Danois, le 02 juin, au traité de Maastricht et l'approbation si
courte des Français lors du référendum du 20 septembre ont porté
atteinte à la crédibilité de l'intégration européenne et généré une
incertitude importante sur l'avenir de l'union monétaire européenne.
De même, l’explosion (SME) en 1992-93 résulte bien de
l’hétérogénéité des pays qui le composaient. Les pays autres que
l’Allemagne (à l’exception de la France) avaient une inflation
beaucoup plus forte que l’Allemagne ce qui les forçait à avoir des
taux d’intérêt beaucoup plus élevés que celle-ci pour stabiliser leur
taux de change vis-à-vis du mark. 106
107
Ces pays ont donc subi une dégradation de leur commerce extérieur à
cause de leur perte de compétitivité (avec l’inflation plus forte), une
perte de croissance due à leurs taux d’intérêt trop élevés. La
réunification allemande qui pousse à la hausse l’inflation et les taux
d’intérêt en Allemagne déclenche la crise.
Il s’agit d’un mercredi noir où la livre sterling, la lire italienne et la
peseta espagnol crèvent le taux plancher des marges de fluctuations
définies. La livre sterling est chassée du mécanisme par la spéculation,
la lire subit le même sort le 17 septembre et la peseta est dévaluée.
le SME était un arrangement de changes fixes conduisant à une forte
hausse des taux d’intérêt dans les pays dont les monnaies pourraient
s’affaiblir . La sortie du SME a donc permis que les pays qui sortaient
profitent d’une forte baisse des taux d’intérêt.
• La crise au Mexique en 1994
La crise au Mexique a été déclenchée en 1994 par la soudaine dévaluation
du peso mexicain. L’ancrage fixe du peso mexicain au dollar était, à terme,
incompatible avec le niveau élevé de l’inflation au Mexique. Cet ancrage
conduit à une surévaluation de la monnaie mexicaine qui creuse le déficit
commercial en raison de la moindre compétitivité des produits mexicains.
Des évènements politiques détériorent le climat : révolte des indiens du
Chiapas, assassinat d’un candidat aux élections présidentielles… C’est après
avoir annoncé une dévaluation de 13% du peso par rapport au dollar, que le
peso se déprécie de plus de 60 %. L’inflation grimpe. La dépréciation du
peso alourdit la dette qui est en dollars. L’investissement se réduit.
La crise sera résorbée par une opération de sauvetage international de
grande envergure : le FMI et le trésor américain investissent plus de
50 milliards de dollars en peu de temps, ce qui va relancer l’investissement.
108
109
• La crise « asiatique » de 1997-1999
Dans les années 1990, les dragons (la Corée du Sud, Thaïlande, Taiwan,
Singapour, Indonésie etc.) apparaissent comme les nouveaux champions
de l’économie. La zone connaît alors une croissance de 9% et les capitaux
internationaux affluent, ce qui a provoqué des tensions inflationnistes. Les
Etats mènent par ailleurs des politiques expansionnistes qui entraînent
une progression alarmante de leur endettement extérieur.
En Thaïlande, le secteur privé s’endette vis-à-vis de l’étranger en monnaie
étrangère et à court terme. Avec cet argent, il investit dans l’immobilier
(donc à long terme).
La crise débute le 2 juillet 1997 par la chute du bath thaïlandais alors que
les autorités du pays ont décidé d’adopter un système de changes
flottants.
110
Ainsi, la perte de confiance s’étend à toute la zone. La roupie
indonésienne, le peso philippin et le ringgit malais chutent à leur tour.
A l’automne, ce sont la Corée, Singapour, Hong-Kong et Taiwan qui
sont frappés. En moins de trois semaines, la devise taïwanaise a baissé
ainsi de 45% par rapport au dollar. Or, les banques et les entreprises de
ces pays qui se sont massivement endettées en dollar ne parviennent
plus à honorer leurs échéances. C’est tout le système bancaire qui est
touché. La fuite des capitaux étrangers a provoqué une chute brutale
des indices boursiers. Avec la restriction au crédit et l’effondrement
monétaire, leur pouvoir d’achat des habitants d’Asie du Sud-Est a
fortement reculé. Etant donné la forte implication des pays de cette
zone dans l’économie mondiale, les Bourses du monde entier subissent
à leur tour quelques mouvements de panique et des ajustements à la
baisse des indices.
111
• La crise Russe de 1998
Le délitement de l’État, son incapacité à faire rentrer les recettes fiscales
qui lui sont dues et l’effet de contagion provoqué par les crises des pays
asiatiques étaient au cœur de la crise financière russe. Au début de la crise
financière, l’Etat a financé le déficit budgétaire en imprimant des billets
neufs pour payer les salaires et retraites mais cela n’a fait qu’alimenter
l’inflation.
A partir de milieu des années 90, l’Etat a eu recours à l’endettement
interne à court terme dans le premier temps les « GKO », et un
endettement externe dans un deuxième temps aux non-résidents et ce afin
de financer ses déficits budgétaires.
Ces titres « GKO », offrent des taux d’intérêt très élevés. Toutefois, bien
qu’ils présentent un risque également très fort, ils suscitent l’engouement
des investisseurs. Les GKO représentent 3,5 % du PIB russe en 1995 ; à la
fin de 1997, ils en représentent 14,4 %.
112
Or l’ouverture de marché de la dette russe aux non résidents a
entraîné l’entrée massive des capitaux spéculatifs attirés par les
rendements élevés sur les marchés monétaires et obligataires, ainsi
que la stabilité de change. Il est à signaler qu’au début de 1998, la
valeur de la dette détenue par les non résidents a dépassé la réserve de
devises. En outre, la balance des paiements a été fragilisée par la
présence de plusieurs facteurs notamment les sorties des capitaux des
résidents, la faiblesse des IDE, la baisse des recettes des exportations
( le cours de pétrole et des matières premières étant très faible à
l’époque). En juillet 1998, le FMI a intervenu en octroyant une aide
de 22,5 M$ à l’Etat russe.
Mi-août 1998, la Russie reconnaît, dans les faits, qu'elle est dans une
situation comparable à une « cessation de paiements ». Ce défaut de
la Russie sur les GKO a causé un Flight to quality qui a entraîné la
quasi faillite du LTCM.
113
•La crise Brésilienne en 1998 et 1999
Le Brésil semble bien avoir subi les effets de la crise russe de 1998
(une nouvelle attaque spéculative contre le real brésilien), (voir Baig et
Godfajn, 2000), les raisons de ses difficultés sont plus profondes et
plus spécifiques. Depuis le Plan Real de 1994, le Brésil tente de lutter
contre une inflation historiquement très élevée, qui a généré une
faiblesse structurelle de l'épargne financière intérieure. En outre, l'Etat
central gère les déficits publics conséquents (6 à7 % du PIB) et
persistants, via des émissions de dette publique, le plus souvent à court
terme qui reste détenue principalement par des résidents. Les taux
d'intérêt étant restés élevés (plus de 30% en terme réel), les poids et les
charges de la dette n'ont cessé de croître dans les premiers mois
suivant la crise russe, l'impact sur le Brésil est déjà substantiel : les
investisseurs étrangers commencent à rapatrier leurs capitaux et les
résidents convertissent leur épargne en devises étrangères.
114
La banque centrale intervient massivement pour maintenir le taux de
change dans les limites de son système de crémaillère (crawlimg-band).
Mais ce faisant, en alourdissant la dette (à taux flottant), elle a dégradé
après court terme une situation budgétaire déjà précaire. Ainsi, le
gouvernement a bien tenté de faire voter puis d'appliquer des
programmes successifs de correction budgétaire, mais les résultats ont
été longs : le solde primaire a été réduit d'un point de PIB en 1998,
mais le paiement d'intérêt se sont accrus de plus de quatre points,
tandis que la dette publique a augmenté de dix points de PIB en dix
huit mois de crise.
Finalement, le 6 janvier 1998, l'Etat du Minas Gerais déclarait un
moratoire sur sa dette à l'égard du gouvernement fédéral, suivi par la
plupart des autres Etats. La dynamique de sorties de capitaux, pesant à
la baisse de Réal, contraignit alors les autorités à laisser flotter le Réal.
115
Dans les jours suivant, plus de un milliard de dollars sont sortis du
pays quotidiennement. On a commencé par élargir la bande de
fluctuation du Real le 13 janvier, mais la manœuvre a échoué comme
au Mexique, en Indonésie, en Corée, en Russie. L'encrage est
abandonné, après quoi l'échange s'effondre de 35% en trois semaines
dans un contexte d'extrême volatilité des marchés et d`incertitude sur
la capacité de l'économie à absorber le choc, voir sur la capacité des
autorités à financer la dette publique ( Baig at Gldfajn, 2000). Le
retour de confiance des investisseurs et du marché après l'accord avec
le FMI (plus de 40 milliards de dollars) a accéléré le rétablissement de
la situation. Ainsi, les taux d'intérêt ont chuté fortement d'avril en
juin, ce qui a facilité la stabilisation budgétaire. Le Brésil a réussi enfin
à rétablir les confiances du marché et le Real revient presque au
niveau d'avant crise.
116
• La « bulle Internet » : Le krach lent de la « nouvelle » économie
Au milieu des années 1990, les investisseurs, profitant d’une épargne
mondiale importante et d’une baisse des taux, se dirigeaient vers le
secteur des services de télécommunication « à haute technologie ».
Plusieurs facteurs déterminent cet engouement: le développement
de l’Internet, des fusions et des alliances conclues entre de grands
groupes, le besoin des entreprises multinationales de disposer de
réseaux de communication performants, le passage à l’an 2000…
Le contexte ainsi défini par la croissance tirée par les nouvelles
technologies ainsi qu’une situation de plein emploi « nouvelle
économie » va alors favoriser la création de nouvelles sociétés qui se
développent rapidement et vendent au monde entier : les Start-up.
Le capital-risque va permettre de financer l’essentiel des « start-up ».
117
L’indice NASDAQ est multiplié par cinq entre 1995 et 2000 passant d’un
indice de 1000 à un de 5000. La FED, respectant son cycle économique,
augmente peu à peu les taux d’intérêts. Les valeurs s’effondrent. Les
entreprises perdent des sommes colossales.
Mais à partir de mars 2000, la chute vertigineuse de la Bourse américaine
va entraîner vers le bas les Bourses européennes.
Les dommages collatéraux ne sont pas dramatiques. En effet, cette bulle
porte sur un secteur bien précis qui s’auto-gère et qui ne représente pas de
risque systémique (pas de contagion). Ce sont donc uniquement les
investisseurs restés sur leurs positions qui perdent d’énormes sommes. Le
reste de la population n’est du coup, à plus long terme, pas touchée par les
conséquences néfastes de cette bulle.
Le souvenir de ce krach lent s’est estompé en raison du l’événement du 11
septembre 2001 puis de l’affaire Enron qui a avait comme conséquence la
mise en vigueur de la loi « Sarbanes-Oxley ».
118
• La crise de Fond LTCM
Cette crise est provoquée par la démesure des dirigeants du hedge
fund long Term Capital Management, ainsi que la spectaculaire crise
des finances publiques russes et le flight to quality.
En effet, la crise asiatique a entraîné des fuites massives de capitaux.
Les investisseurs ont transféré leur risque en procédant à l’achat des
obligations des pays développés perçues comme peu risquées. Cette
fuite vers « la qualité » a conduit à un élargissement des écarts de
rendements.
Long Term Capital Management est un hedge fund apparu en 1994 et
dont la quasi-faillite en 1998 fit courir un risque majeur au système
bancaire international et créa des perturbations importantes sur les
marchés financiers.
119
Le LTCM anticipant à une inversion de mouvement a procédé à
l’achat des titres risqués et la vente des titres sans risque et a fait
joué l’effet de levier. Cette stratégie a échoué. Le rétrécissement
attendu des spreads ne s’est pas produit.
Par ailleurs, la défiance sur les marchés commence à se propager
par un effet de domino. Premières victimes de la contagion sont les
pays dits émergents. Le Brésil, en particulier, apparaît très
vulnérable, le real brésilien a entraîné dans sa chute les autres
devises d’Amérique centrale.
A l’automne 1998, la Fed organise le sauvetage du fonds LTCM en
injectant 3,5 milliards de dollars dans le fonds.
120
La bulle immobilière 2008
La crise des subprimes amorcée aux USA en 2007 est une crise financière
due à l’éclatement d’une bulle spéculative immobilière. Les subprimes
sont des crédits immobiliers gagés sur le logement de
l'emprunteur (principe de l'hypothèque), avec un taux d'emprunt fixe les
premières années, puis variable au cours du temps.
L'octroi de subprimes s'est particulièrement développé aux Etats-Unis de
2001 à 2006, période au cours de laquelle le volume des crédits accordés à
des emprunteurs peu ou moyennement solvables a atteint 640 milliards de
dollars. Les prêts subprimes étaient considérés comme risqués mais
globalement sûrs et rentables, tant que le prix de l'immobilier américain
connaissait une hausse rapide et continue. Les taux des emprunts étaient
dans l'ensemble indexés sur le taux directeur de la FED, que celle-ci avait
fortement fait baisser de 2000 à 2003 (jusqu'à atteindre 1 %).
121
Les banques et les organismes de crédit spécialisés qui avaient accordé
les subprimes ont « titrisé » une importante partie de ces créances,
revendues par lots à des « rehausseurs de crédit » (autres organismes
financiers) sous la forme d'une obligation à risque, nommée « ABS ».
Ces rehausseurs de crédit ont ensuite mélangé ces ABS avec d'autres
créances moins risquées pour en faire des « CDO » et CDS, placements
ayant naturellement attiré de très nombreux investisseurs (clients de
fonds d'investissements divers tels les hedges funds et les OPCVM)
puisqu'ils avaient obtenu des agences de notation la note maximale,
« AAA » (meilleur rapport risque/rentabilité).
La hausse des taux d’intérêt (pour faire face à l’inflation) a entraîné un
renchérissement des emprunts (baisse de la demande de logements) et
un tarissement de la liquidité interbancaire. La baisse des volumes de
crédit et les pertes enregistrées sur les prêts subprimes et d’autres
compartiments de marché ont entraîné une crise bancaire systémique,
qui a contribué à propager la crise financière à l’économie réelle et
engendré des coûts sociaux considérables.
122
•La crise de la dette grecque
La grave récession qui s’est découlé de l’éclatement de la crise financière
en septembre 2008 aux États-Unis a entraîné une explosion des déficits
publics de sorte que la quasi-totalité des pays de la zone euro violent la
règle des 3 %.
Dans ce cadre, c’est la Grèce qui a manifesté les déficits budgétaires
publics les plus élevés en rapport au PIB soit 12.7% du PIB en 2009, la
dette publique a dépassé 100% du PIB et le gouvernement en place
décide de truquer ses comptes pour dissimuler l’ampleur de la dette. Cette
manipulation est faite sur les conseils de la banque d’affaires Goldman
Sachs ; elle consiste à retarder le paiement des intérêts de la dette.
En décembre 2009, deux agences de notation dégradent la note de la
dette grecque, compte tenu à la fois de son ampleur et de l’incapacité du
pays à lancer une réforme radicale de sa fiscalité. A partir de janvier 2010,
les taux d’intérêt auxquels la Grèce peut se refinancer sur le marché
s’envolent.
123
Depuis le traité de Maastricht, il est interdit aux états européens d’être
financés par la banque centrale européenne. Dans ce cas, l’Etat grec doit
refinancer sa dette directement auprès des marchés financiers. Ainsi, pour
couvrir le risque de défaut de la dette souveraine, ces marchés financiers
ont proposé au gouvernement grec la cotation des CDS.
Les « credit default swap », ce sont ces assurances que contractent les
prêteurs pour se garantir contre le défaut d’un débiteur. Ils sont dits
« souverains » lorsqu’ils couvrent une obligation d’État, c’est-à-dire une
dette publique. Ces « produits dérivés » se sont mis à se négocier à
découverte. Selon le FMI les CDS souverains connaissent une forte hausse
sur 12 mois en février 2010, notamment +76% pour la France avec 44,8
milliards de dollars : en ordre décroissant, les plus importants volumes
bruts de CDS souverains sont l’Italie, le Brésil, l'Espagne, la Grèce pour
plus de 500 milliards de dollars.
124
En outre, le mimétisme rationnel en vertu duquel la spéculation
éloigne de la valeur fondamentale (Orléan, 2004 ; 2009) explique
sans doute l’envolée des CDS sur la dette grecque, bien au-delà de
ce qu’impliquerait le même principe d’évaluation que celui appliqué
aux autres pays. Les agences de notation suivent le marché et
déclassent les titres publics grecs au rang de créances pourries. Le
problème est alors que l’évaluation devienne inférieure au seuil
minimal permettant l’accès au refinancement de la banque centrale
européenne, tel qu’il sera progressivement durci. Dans cette
configuration, la croyance par les acteurs de la finance au défaut de
la dette peut ainsi avoir un caractère autoréalisateur.
La crise grecque éclaire tant les méfaits de l’instabilité de la
globalisation financière que l’inachèvement de la construction
institutionnelle de la zone Euro.
• Bibliographie :
•AGLIETTA M. (2008), La crise : Pourquoi on en est arrivé là ? Comment en sortir ?
Michalon.
•BOYER R. (2004), Théorie de la régulation. Tome 1 : les fondamentaux, La découverte.
Collection Repères.
•BRENDER, A. et PISANI, F. (2001), Les marchés et la croissance. Economica. Voir
notamment le chapitre 3 (p.109-166).
•BRENDER, A. et PISANI, F. (2009), La crise de la finance globalisée. La découverte.
Collection Repères.
•De BOISSIEU C. (Dir.) (2007), Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulations.
Economica. Voir notamment les chapitres 3 et 9.
•KRUGMAN, P. (1999), Pourquoi les crises reviennent toujours ? Seuil. Krugman P. &
Obsfeld M. (2006),« Economie internationale », Ed. Pearson Education, 7ème édition,
Juillet 2006, p. 225.
•Tovar C. E. (2006), « Les pays émergents pourront-ils emprunter dans leur monnaie ? »,
Problèmes économiques, 1er février, p. 25
•Philippe d’Arvisenet, ‘Finance Internationale’, Dunod, 2e édition.
•www.parisschoolofeconomics.com/orlean-andre/depot « L’aveuglement au désastre. Le
cas des crises financières ». André Orléan – 060208.
JÉRÔME VILLION, Les subprimes (1): de la bulle à la crise financière 125
126
•Brossard Olivier [1998], L'instabilité financière selon Minsky : l'incertitude et la
liquidité au fondement du cycle ,Revue économique, vol. 49, n° 2, pp 407-435
•Minsky Hyman, Stabilizing an Unstable Economy, New York, McGraw-Hill,
2008.Première édition publiée en 1986 par Yale UniversityPress. Traduction : André
Cartapanis, page 230-231
•Comprendre les crises financières, Olivier Lacoste, Eyrollrs pratique ; p : 27,47
•Finance Internationale ; Philippe d’Arvisenet ; 2e édition ; Dunod ; p: 266.
•Robert BOYER, La crise Grecque. Inachèvement de la construction européenne…
ou/et expression du pouvoir de la finance ? 23 avril 2010
•Michel Aglietta, les crises financières : plus ça change, plus c’est la même chose,
Université de Paris X, Nanterre
•André Orléan, Le poids des croyances, (Pour la revue Sciences Humaines,
septembre-octobre 1998)
•Patrick Artus, La spéculation, In: Revue économique. Volume 47, n°3, 1996. pp.
409-424.
•Bruno Versaevel, La spéculation sur le marché des actions : un phénomène
monétaire ?
•Robert Boyer, Mario Dehove et Dominique Plihon, les crises financières, Rapport
de CAE, 2004.
•Laure Klein, ‘La crise des subprimes’, RB, Revue, Banque, Edition.
•……
Bonne Chance...
127