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1 Séminaire n°2 : PAYS FRANCOPHONES &MAINTIEN DE LA PAIX: DEFIS Techniques Capacitaires Linguistiques DAKAR, 30 et 31 janvier 2012 Compte rendu Cycle de Séminaires « Les pays francophones et le maintien de la paix : défis politiques et opérationnels »

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Séminaire n°2 :

PAYS FRANCOPHONES

&MAINTIEN DE LA PAIX: DEFIS

Techniques

Capacitaires

Linguistiques

DAKAR, 30 et 31 janvier 2012

Compte rendu

Cycle de Séminaires « Les pays francophones et le maintien de la paix : défis politiques et opérationnels »

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La Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense (DCSD) du Ministère français des

Affaires étrangères, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Centre de

Politique de sécurité de Genève (GCSP), et la Délégation aux Affaires stratégiques (DAS) du

Ministère français de la Défense, organisent d’octobre 2012 à décembre 2013 une série de

quatre séminaires sur le thème du rôle des pays francophones dans les opérations de

maintien de la paix (OMP) de l’ONU.

Ce cycle de quatre séminaires a pour objectif d’analyser la spécificité des politiques et des

besoins des pays francophones en matière de maintien de la paix dans un contexte de

coopération croissante entre l’UA, l’ONU et d’autres organisations internationales, les points

de convergence et de divergence de leurs politiques, ainsi que les défis auxquels ils sont

confrontés, dans un environnement en profonde évolution.

Les deux premières conférences (séminaires d’Addis-Abeba et de Dakar), organisées

conjointement par l’OIF et la DCSD, s’inscrivent dans le prolongement des engagements pris

par les Chefs d’Etats et de gouvernements de la Francophonie lors des Sommets de Saint-

Boniface en 2006, de Québec en 2008 et de Montreux en 2010 afin de renforcer les capacités

des États francophones en matière de maintien de la paix. Elles visent à approfondir les

réflexions engagées à la faveur des Forums de Bamako et Yaoundé - organisés par l’OIF et

certains de ses Etats-membres en partenariat avec les Nations unies - et poursuivies lors de

la réunion des Centres francophones de formation aux opérations de paix tenue en 2011 au

siège de l’OIF à Paris. L’objectif de ces deux premières conférences est de sensibiliser les

responsables francophones en discutant des enjeux et des spécificités liés à leur participation

aux opérations de paix et de créer un espace de dialogue, d’échange et de réflexion entre

eux ainsi qu’avec les organisations internationales (ONU, OIF), régionales (UA) et sous

régionales (CER).

Le séminaire d’Addis-Abeba a permis de réfléchir aux partenariats nécessaires entre

différentes organisations lors du déploiement d’opérations de paix et des difficultés

(notamment linguistiques) qui leur sont inhérentes. Il a également traité des aspects

politiques de ces partenariats et a abordé la question stratégique relative à la sortie de crise.

Il a permis finalement de mettre en lumière la trop faible participation des Etats

francophones aux opérations de maintien de la paix.

Dans la continuité du séminaire d’Addis-Abeba, le séminaire de Dakar a cherché à apporter

des solutions qui permettent d’accroître cette participation, en améliorant notamment les

dispositifs de formation, de préparation des équipements et de financement. Les réponses

aux défis linguistiques ont également représenté un axe fort de ce séminaire.

Il s’est déroulé les mercredi 30 et jeudi 31 janvier 2013 à Dakar et a regroupé soixante-dix

participants autour de trente intervenants. Inauguré par le Ministre des Forces Armées du

Sénégal, M. Augustin TINE, l’Ambassadeur de France au Sénégal M. Nicolas NORMAND et le

Directeur de la DCSD le Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, le séminaire était axé autour d’une

séance introductive précédant la tenue de trois tables rondes, ainsi que deux déjeuner-

débats.

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Table des matières

1. Mots d’ouverture

- Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction pour la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)………………………………………………………………………………………………………………………………….9

- Intervention de M. Augustin TINE, Ministre des Forces Armées du Sénégal……………………..10

2. Séance Introductive - Intervention du Dr. Niagale BAGAYOKO, Responsable du programme Maintien et consolidation de la paix (OIF) : « Les conclusions du séminaire d’Addis-Abeba »……………..…12 - Intervention du Colonel Xavier COLLIGNON, Chef du Bureau Afrique subsaharienne (DAS) : «Le bilan de la participation francophone aux opérations de maintien de la paix »…………….12 - Conférence introductive du Professeur Massaër DIALLO : « L’importance de la dimension linguistique et culturelle »………………………………………………………………………………………………….16 3. Déjeuner-débat n° 1 (30 janvier) - Conférence du Général Babacar GAYE, Conseiller militaire auprès du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU : « L’importance de la maîtrise de la langue locale dans les opérations de maintien de la paix »………………………………………………………………………………………………………………………………….19 4. Première table ronde : « La mise sur pied des contingents »

- Introduction par le Général Babacar GAYE…………………………………………………………………......21

- Intervention du Colonel Djibo SOUMANA, Conseiller militaire de M. Saïd DJINNIT, Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest : « Retour d’expérience sur la constitution des contingents militaires »………………………………23 - Intervention du Général Francis BEHANZIN, Contrôleur Général de la Police : « Retour d’expérience sur la constitution de contingent policier »…………………………………………………..25 -Intervention du Général Abdallah WAFY, Adjoint du RSSGNU a.i en RDC, Chargé des questions des droits de l’homme et de l’Etat de droit : « Retour d’expérience de la MONUSCO »……………………………………………………………………………………………………………………….30 - Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Maîtriser les processus administratifs »…………………………………………………………………………..34 - Intervention de M. Alexandre RINAUDO, DOMP - Division Police : « Politique du DOMP »36 - Intervention de M. Pierre LEVEILLE, Département d’appui aux missions (DAM) : « Répondre aux besoins spécifiques d’équipements et de financement des contingents »……………….…..38 - Intervention de M. PEER DE JONG, Strike Global Services : « Les réponses originales des nouveaux acteurs issus du secteur privé »………………………………………………………………………….41

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5. Deuxième table ronde : « Les solutions francophones de formations aux OMP »

- Introduction par le Général Mahamane TOURE, Directeur de l’Ecole de maintien de la paix (EMP) de Bamako……………………………………………………………………………………………………………….45 - Intervention du Général Major Cyprien HAKIZA, Inspecteur général du Ministère de la Défense burundais : « RETEX du Burundi au sein de l’AMISOM »………………………………….……45 - Intervention du Colonel Cheick DEMBELE, Responsable de l’entraînement et de l’évaluation de la FAA, Commission de Paix et de Sécurité de l’UA : « Etat des lieux général en matière de formation »………………………………………………………………………………………………….47 - Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne, DCSD : « Présentation du concept d’ENVR »……………………………………………………………………………….…49 - Intervention du Lieutenant-colonel Gilbert LOSSITODE, Directeur du Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et de Dépollution (CPADD) e Ouidah……………………………………………………………………………………………………………………………….51 - Intervention du Colonel Henri DIOUF, Directeur de l’Ecole d’Application d’Infanterie de Thiès………………………………………………………………………………………………..…………………………………53 - Intervention du Professeur Albert-Claude BENHAMOU, Délégué interministériel pour l’éducation numérique en Afrique, assisté du Professeur François BOCQUET : « Présentation et démonstration du programme SANKORE »…………………………………………………………………….54 - Intervention du Lieutenant-colonel Richard ZABOT, Service de formation intégrée de l’ONU : « Validation onusienne des formations »……………………………………………………………….55 6. Déjeuner-débat n°2 (31 janvier) - Conférence du Colonel Léon TRAORE, Représentant du Chef d’Etat Major Général des armées au Burkina Faso : « Difficultés des contingents francophones en zone arabophone : témoignage du Burkina Faso au Darfour »…………………………………………………………………...…….59

7. Troisième table ronde : « Agir ensemble sur le terrain : la question linguistique »

- Introduction par le Général Fernand AMOUSSOU, ancien Commandant de l’ONUCI…….…61 - Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Le point de vue du DOMP »……………………………………………………………………………………………………61 - Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne, DCSD : « Présentation de la méthode d’enseignement du français En Avant »…………………….………..62 8. Présentation de M. Maarten MERKELBACH, Chef du Département « Leadership et Gestion des conflits » (GCSP) : « La Genève internationale et la formation francophone à la gestion des conflits »………………………………………………………………………………………………………….64 9. Mots de conclusion - M. Cyril ROBINET, Chargé de mission, DCSD : Bilan et conclusions du séminaire.………………………………………………………………………………………………..…………………………66

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10. Séance de Clôture

- Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction pour la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)………………………………………………………………………………………………………………………………..68 - Intervention de M. Nicolas NORMAND, Ambassadeur de France au Sénégal……………………68 - Intervention de M. Saïd DJINNIT, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest……………………………………………………………………………………………………………………………..…69 - Intervention du Général Major Samaïla ILIYA, Co-directeur Amani Africa, Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine……………………………………………………………………………………….…70

11. Les recommandations du séminaire de Dakar………………………………………………………..……71

12. Remerciements…………………………………………………….……………………………………………..………74

13. Acronymes …………………………………………………………………………………………………………………..75

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Résumé

Ce second séminaire du cycle relatif aux pays francophones et au maintien de la paix

avait pour but d’apporter des solutions aux défis rencontrés par les OMP et identifiés lors du

séminaire d’Addis-Abeba en octobre dernier. L’enjeu a ainsi été d’identifier les

perfectionnements et améliorations possibles en termes de dispositifs de formation, de

préparation des contingents, d’équipements et de financement. Les réponses à la question

linguistique spécifique au maintien de la paix ont représenté un axe fort de l’ensemble de

cette réflexion menée sur deux jours.

En séance introductive, l’importance de la francophonie en matière de maintien de la paix a

été soulignée : sept Etats francophones figurent parmi les vingt-sept premiers pays

contributeurs aux opérations de maintien de la paix. Toutefois, si l’essentiel des missions de

l’ONU ont lieu en territoires francophones, la pratique de la langue française dans ces zones

et par les contingents sélectionnés est souvent déficitaire à tous les niveaux. Ce constat

entrave à la fois la sécurité et l’efficacité des missions de maintien de la paix. Ce fait

francophone s’accompagne également d’un élargissement des mandats des opérations de

paix contemporaines, qui s’attèlent désormais à la restauration de l’Etat de droit, au respect

des droits de l’homme, à la coordination humanitaire ou encore au redressement

économique et social. Pour répondre à un tel mandat, les contingents doivent donc disposer

de larges compétences techniques, qui font actuellement défaut aux contingents

francophones. Or, s’ils étaient dotés de telles compétences, ils seraient mieux armés que les

non-francophones pour comprendre et défendre les intérêts des populations civiles

désormais au cœur des opérations de paix. L’enjeu est donc de promouvoir la diversité

culturelle au sein des opérations de paix et de favoriser les actions des contingents

francophones dans des aires culturelles dont ces derniers maîtrisent parfaitement les codes.

Même si la participation des Etats francophones aux OMP a augmenté, du fait notamment

de la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA en 2004, elle demeure relative et n’a

jamais dépassé la barre significative des 25%. Trois principaux contributeurs de groupes

semblent toutefois se détacher et représentent 60% des personnels déployés: le Rwanda, le

Sénégal et le Maroc. Le fait francophone, même s’il est indéniable, demeure confronté à de

nombreux obstacles linguistiques, logistiques et financiers. Il est donc nécessaire

d’améliorer la participation des pays africains francophones aux structures institutionnelles

et inscrire durablement la francophonie dans le maintien de la paix.

Comme le précise le professeur M. Massaër DIALLO, la diversité culturelle avec laquelle doit

composer le maintien de la paix peut être perçue à la fois comme un atout et une

contrainte. Au-delà d’une barrière linguistique, cette diversité peut être capitalisée et doit

être respectée par chaque soldat. Sans une bonne connaissance des zones de déploiement

et cette consécration de la diversité culturelle, il ne peut y avoir de communication entre les

peuples destinataires du maintien de la paix et les contingents déployés, la paix passant

nécessairement par le respect des cultures de chacun.

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La première table ronde, présidée par le Général Babacar GAYE, a été l’occasion de traiter la

phase de mise sur pied des contingents qui est confrontée à des défis techniques,

capacitaires et linguistiques que les Etats doivent surmonter. Elle a été composée de deux

types de présentations : d’une part le rappel des règles de l’art et des fondements

doctrinaux onusiens en termes de maintien de la paix - au travers des interventions de

Messieurs Gérard HAUY, Alexandre RINAUDO et Pierre LEVEILLE - contribuant à la maîtrise

des processus administratifs et de financement des OMP. D’autre part, cette table ronde a

été l’occasion pour le Colonel Djibo SOUMANA, le Général Francis BEHANZIN et le Général

Abdallah WAFY de témoigner de leurs expériences personnelles en matière de maintien de

la paix. Ils ont chacun identifié les difficultés rencontrées par leurs contingents militaires ou

policiers et proposé des solutions, comme la mutualisation des structures. Enfin, M. PEER DE

JONG a détaillé les solutions proposées par le secteur privé en matière d’aide au

financement et à la mise sur pied des contingents francophones. Les pays africains

francophones doivent se munir d’experts en maintien de la paix de façon à ce que cette

activité ne devienne pas déficitaire pour eux. Une fois cette capacité atteinte, le vrai débat

devient celui de la performance sur le terrain.

Cette performance demeure conditionnée par les formations dispensées par les pays en

matière de maintien de la paix. Les solutions de formations aux OMP ont donc été au cœur

des enjeux de la deuxième table ronde du séminaire, introduite par le Général Mahamane

TOURE et le témoignage du Général Major HAKIZA sur l’AMISOM. Le Colonel DEMBELE a fait

état des formations existantes au sein de l’UA et des divers projets à venir au niveau

continental. Le Colonel de REVEL a présenté le concept des Ecoles Nationales à Vocation

Régionale, issu d’un partenariat entre la France et plusieurs pays souhaitant créer leur

propre école de formation. Le réseau des ENVR est large, puisqu’il comprend tant des écoles

dispensant des formations militaires générales que des formations spécialisées ou relatives

au domaine de la santé, de la sécurité intérieure ou au maintien de la paix. Deux Directeurs

de centres de formation, le Lieutenant-colonel LOSSITODE, directeur du CPADD et le Colonel

Henri DIOUF, directeur de l’EAI de Thiès, sont venus témoigner de leur expérience. Ils ont

tous deux souligné la capacité de leur établissement à servir de référence et à assurer une

harmonisation des procédures opérationnelles à l’échelle continentale. Par la suite, le

Professeur BENHAMOU a présenté l’outil Sankoré pour l’éducation numérique en Afrique et

la méthode « En Avant ! » d’enseignement du français aux militaires africains. De tels outils

apparaissent désormais essentiels dans la création d’un corpus multilingue de ressources et

dans le développement de la langue française en Afrique. Enfin, le Lieutenant-colonel

Richard ZABOT a présenté le service de formation intégrée de l’ONU dont le cœur de

mission demeure l’établissement des normes et de conseils en matière de formation ainsi

que la reconnaissance de ces formations au niveau onusien. De nombreux outils sont mis à

disposition par ce département de l’ONU pour garantir un bon niveau de préparation des

contingents, tels que la formation de formateurs, l’établissement de bases de données ou

encore la création de plateformes d’échanges. A l’issue de ces discussions, il est apparu

crucial d’améliorer non seulement la formation des contingents, mais surtout la formation

individuelle des officiers. Le vrai problème de ces formations demeure le manque de

stagiaires relais, qui, une fois formés, capitaliseraient les informations obtenues en les

inculquant à nouveau. Il est donc nécessaire d’ajuster le programme des formations aux

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standards onusiens afin d’harmoniser les niveaux des contingents et d’obtenir un « retour

sur investissement » des éléments formés pour assurer une capitalisation des

connaissances.

Au cours du deuxième déjeuner-débat, le Colonel Léon TRAORE a témoigné des difficultés

rencontrées par les contingents burkinabés en zone arabophone au Darfour, et a conclu à

un nécessaire renforcement des compétences des contingents francophones en anglais,

devenue langue de travail la plus utilisée à l’ONU. En effet, nous nous devons de d’assurer

l’interaction des contingents en mission aussi bien qu’avec la population locale, a-t-il

affirmé. Pour qu’une mission soit efficace, elle requiert une certaine opérabilité

communicationnelle qui passe nécessairement par une bonne gestion de la question

linguistique.

La recherche de cette action d’ensemble sur le terrain a été la thématique de la troisième et

dernière table ronde du séminaire, dirigée par le Général Fernand AMOUSSOU. A cet égard,

le point de vue des Nations unies a été présenté par M. Gérard HAUY qui a souligné le

déficit capacitaire des troupes francophones peu ou pas représentées dans les zones de

déploiement francophones. Ceci tient notamment à leur échec en matière de présentation

et de sélection de leurs contingents : bien souvent, en effet, les contraintes budgétaires et

une totale méconnaissance de l’architecture onusienne empêchent les pays francophones

de rassembler dans les temps leurs capacités opérationnelles et de participer aux OMP. Ces

lacunes, conjuguées aux défis linguistiques déjà évoqués pourraient être surmontées grâce

à la traduction préalable des outils et documents onusiens ainsi que par l’apprentissage de

l’anglais, au moins rudimentaire.

A l’inverse, de nombreux pays en Afrique souhaitent à l’heure actuelle perfectionner leur

français. Pour répondre à cette demande, la DCSD a mis en place une méthode

d’apprentissage du français à destination des militaires africains, la méthode « En

Avant ! » dont le but est également de développer l’expertise en français avec une maîtrise

progressive de thèmes plus complexes. Cette méthode pourrait très bien s’appliquer, par

exemple, à des situations plus conjoncturelles comme la nécessité d’inculquer des bases

rudimentaires en français aux contingents de la MISMA.

Enfin, l’implication du GCSP - Centre de Politique et de Sécurité de Genève - en matière de

maintien de la paix, notamment par le biais de son programme « Gouvernance et gestion

des conflits » a été détaillée par M. Marteen MERKELBACH. Ces formations visent

essentiellement les personnes en position de leadership au sein d’opérations

multidimensionnelles. Le GCSP promeut aussi la coopération interinstitutionnelle pour

permettre aux Etats contributeurs de troupes de développer des partenariats avec des

organismes comme l’OIF ou le GCSP afin de résoudre leurs difficultés internes.

Il apparaît aujourd’hui crucial de soutenir le développement de la francophonie, vecteur de

diversité culturelle non seulement sur le terrain mais aussi dans l’élaboration des solutions

proposées par les Nations unies . Le souci de cette diversité semble d’ailleurs faire son

chemin à New York.

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1. Mots d’ouverture

Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)

Après avoir ouvert ce séminaire et remercié les partenaires et participants ainsi que

les hautes personnalités présentes dans l’assemblée en dépit des graves événements qui

secouent actuellement l’Afrique de l’Ouest, le Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE a montré

comment l’actualité au Mali justifiait plus que jamais l’importance d’un tel séminaire.

S’il est essentiel de rappeler l’importance des valeurs de paix, démocratie et droits de

l’homme défendues dans la Charte de l’ONU, il convient aussi de souligner l’importance des

objectifs à mettre en œuvre en deçà de ces valeurs et définis notamment lors des Sommets

de la Francophonie de Québec (2008) et de Montreux (2010). La Francophonie porte en

effet des valeurs qui représentent sur le terrain une réalité incontournable. Les questions

linguistiques sont donc un impératif qu’il faut nécessairement prendre en compte dans les

opérations contemporaines de maintien de la paix. C’est pourquoi la Direction de la

coopération de sécurité et de défense, l’Organisation internationale de la Francophonie, la

Délégation aux Affaires Stratégiques et le GCSP se sont associés afin de mener une réflexion

concrète sur les spécificités des pays francophones dans ces opérations de maintien de la

paix menées par les Nations unies.

Saluant la présence de M. Augustin TINE et du Général ILYA, le Général CLEMENT-BOLLEE a

souligné le rôle éminent détenu par le Sénégal et l’UA dans la résolution des défis auxquels

sont confrontées actuellement les opérations de maintien de la paix. Si les crises sont

toujours nombreuses, chacun de ces conflits est désormais caractérisé par la prise en main

par les Africains eux-mêmes de leurs propres problèmes de sécurité. Au Mali, la MISMA se

déploie plus rapidement que prévu ; en Centrafrique la CEEAC a mené la médiation de main

de maître ; au Soudan la MINUAD témoigne de la réelle coopération entre les Nations unies

et l’UA. Nous devons rendre hommage à ces initiatives et à ces soldats. Mais bien que ces

missions remplissent leur mandat, elles rencontrent un certain nombre de difficultés, parmi

lesquelles les questions linguistiques ne sont pas des moindres. Une question demeure

commune à l’ensemble des théâtres : quelle compréhension possible au sein d’une coalition

entre contingents ne parlant pas la même langue ?

La francophonie revêt donc une importance majeure dans la thématique du maintien de la

paix, puisque sept états francophones figurent parmi les vingt-sept premiers pays

contributeurs aux OMP. De plus, sur l’ensemble des opérations des Nations unies en cours,

quatre sont déployées sur des théâtres francophones (Côte d’Ivoire, Haïti, Liban et RDC) et

comptabilisent plus de 53 000 Casques Bleus. Cela représente plus de la moitié des effectifs

déployés par les Nations unies, alors que seulement 14% des contingents sont

francophones. Or, le succès d’une opération ne peut se concevoir sans une interaction entre

personnels déployés et acteurs locaux, interaction dont le vecteur principal est la maîtrise

de la langue locale.

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Ce déficit criant a été constaté à Addis-Abeba où ont été traités « les aspects politiques et

opérationnels de la paix en Afrique ». De nombreuses difficultés ont été identifiées, comme

celle de la coopération entre les organisations, ainsi que la difficile préparation et montée

en puissance des contingents ou des enjeux de la diversité culturelle. Suite au succès

d’Addis-Abeba, le séminaire de Dakar se doit d’apporter des réponses fortes et des

recommandations qui permettront de relever les « défis techniques, capacitaires et

linguistiques » relatifs aux OMP, a déclaré M. CLEMENT-BOLLEE.

Le Général a ensuite rendu hommage à la nation sénégalaise et à son engagement

historique pour le maintien et la consolidation de la paix en Afrique et dans le monde.

L’histoire de la jeune armée sénégalaise comporte en effet une longue série d’interventions

de toute nature. Sollicitée dès les années 1960 au Congo, plus de 33 000 militaires et

gendarmes sénégalais ont été déployés depuis les indépendances. Actuellement, le Sénégal

déploie des militaires et des policiers au Liberia, en Haïti, au Congo, au Burundi, en Côte

d’Ivoire et désormais au Mali, témoignant ainsi de son implication dans la lutte contre le

terrorisme international. Ce séminaire est une opportunité pour trouver les solutions aux

défis techniques, capacitaires et linguistiques qui sont posés aux Etats francophones dans le

cadre des OMP :

(1) Les défis techniques : la sélection des contingents demeure rigoureuse et encore

mal maîtrisée par les pays francophones. Les difficultés de certaines spécialités

comme la fourniture de soins ou d’unités de police le sont également.

(2) Les défis capacitaires : les processus de fourniture, formation et remboursement

sont moins accessibles aux francophones et sont parfois rendus obscures.

(3) Les défis linguistiques : la politique linguistique des Nations unies demeure peu

multilingue et ne répond pas suffisamment à la nécessité pour les forces de

maintien de la paix de pouvoir communiquer avec les populations.

Il convient donc d’aider les francophones à présenter aux Nations unies des offres de

contingents ayant davantage de chances d’être sélectionnées. C’est le sens des actions

actuellement menées par la DCSD grâce au déploiement de plus de 345 coopérants dans le

monde et au développement du réseau d’Ecoles nationales à vocation régionale couvrant

un ensemble de spécialités utiles au maintien de la paix. La France consacre aussi un effort

particulier à l’enseignement du français en milieu militaire, dans le but de réduire le fossé

observé entre populations locales et contingents non francophones.

Intervention de M. Augustin TINE, Ministre des Forces Armées du Sénégal Le séminaire de Dakar s’inscrit dans la dynamique de celui d’Addis-Abeba et est

l’occasion de réfléchir à un enjeu crucial, celui de l’avenir des opérations de maintien de la

paix. Le mandat de la paix s’est en effet agrandi et les opérations contemporaines

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possèdent de multiples facettes, telles que la restauration de l’Etat de droit, le respect des

droits de l’homme, la coordination de l’aide humanitaire ou encore le redressement

économique et social.

Des capacités techniques nouvelles sont donc nécessaires pour répondre à ce large mandat,

d’autant que l’environnement de ces opérations se complexifie lui aussi. Or,

l’accompagnement nécessaire aux contingents francophones n’est pas toujours assuré alors

que l’essentiel des opérations se déroulent en zone francophone. La communication et

l’échange entre les populations locales, qui sont des acteurs clés, et les personnes déployées

est un impératif auquel il faut répondre. Il apparait donc indispensable de mobiliser tous les

efforts nécessaires afin de relever ces défis. Enfin, le Ministre a ajouté que le Sénégal était

conscient de l’ensemble des difficultés et des enjeux relatifs aux OMP et qu’il était prêt à les

relever.

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2. Séance Introductive

Intervention du Dr. Niagale BAGAYOKO, Responsable du programme maintien et consolidation de la paix (OIF) « Les conclusions du séminaire d’Addis-Abeba » Les recommandations et conclusions du premier séminaire à Addis-Abeba ont été

riches, et ont surtout souligné la dimension « multilingue » à donner aux opérations de

maintien de la paix. Il est une nécessité : celle d’encourager la diversité linguistique tout en

évitant la confrontation des langues. Deux types de recommandations ont été formulés :

1. Les recommandations à l’attention des Nations unies et des autres organisations

- prendre en compte le principe d’équilibre des langues dès la phase initiale de

constitution des forces d’intervention ;

- intégrer aux contingents des experts de la zone potentielle de déploiement ;

- établir des formations multilingues ;

- favoriser la communication au sein et à l’extérieur de l’état-major, en

développant des méthodes d’enseignement des langues ;

- encourager le recrutement des personnels locaux ;

- favoriser la présence de personnel parlant la langue mais connaissant aussi la

tradition politico-administrative du pays.

2. Les recommandations à l’attention de l’OIF

- poursuivre le plaidoyer pour un « respect de l’équité des langues » dans les

principaux textes ;

- participer plus activement à la conception des manuels afin de palier l’insuffisance

doctrinale en la matière ;

- développer les capacités des pays en matière stratégique ;

- promouvoir le recrutement d’ingénieurs notamment dans la phase de déploiement ;

- favoriser la coordination interministérielle ;

- accompagner les Etats membres pour favoriser leur mise aux normes ;

- mettre en place un site Internet permettant à tous d’accéder aux ressources en la

matière (en cours).

Intervention du Colonel Xavier COLLIGNON, Chef du Bureau Afrique

subsaharienne (DAS), « Bilan de la participation francophone aux

opérations de maintien de la paix »

Le Colonel COLLIGNON a présenté les résultats d’une étude que la DAS a

commandée au Réseau de Recherches sur les Opérations de Paix (ROP) et au Centre

d’Etudes et de Recherches Internationales de l’Université de Montréal sur le thème du bilan

de la participation francophone aux opérations de maintien de la paix. Réalisée l’année

dernière, cette étude permet de faire un bilan constructif de la participation francophone à

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ces opérations et développe l’idée que la francophonie est une réalité qui doit s’imposer,

sans pour autant être surestimée car elle pourrait n’être que conjoncturelle. Elle est

pourtant de nature à faire partager des savoir-faire spécifiques, tels que la gendarmerie, le

système judiciaire de droit civil ou la culture de dialogue. En fait, son émergence repose sur

un certain désengagement, en termes de contribution de troupes, des pays francophones

du Nord qui préfèrent s’investir financièrement. Cette émergence s’explique également par

l’augmentation du nombre de théâtres, la structuration plus grande des pays francophones

ainsi que la mise place d’organisations africaines plus élaborées favorisant un engagement

plus prononcé des pays africains.

Le fait francophone est une réalité, et les participants à ce séminaire en sont convaincus,

même si deux approches différentes permettent d’aborder le sujet. Une approche de

« minimalisme opérationnel » voudrait que les contingents puissent utiliser le français

comme une langue de travail et d’usage, ce qui suppose une maîtrise de cette langue et une

volonté de l’instaurer comme langue de travail. De ce point de vue, la dénomination de zone

francophone, ainsi qualifiée du fait de l’usage du français par les contingents, est

imparfaite : si les contingents qui opèrent ne sont plus francophones, la qualification n’est,

en effet, plus valable. Une autre approche, « maximaliste « et plus politique, considère la

francophonie en tant qu’acteur du maintien de la paix, prenant la participation de l’OIF

comme référence. Elle peut dès lors susciter certaines interrogations : à titre d’exemple, le

Ghana, dixième pays contributeur de troupes aux Nations unies, et membre associé à l’OIF

depuis 2006, est un pays anglophone qui peut cependant agir en zone francophone. Nos

analyses doivent s’effectuer à l’aune de ces deux approches, en définissant une zone

francophone, non seulement comme usant du français en son sein, mais aussi où la

francophonie demeure présente même si elle est le fruit de pays anglophone.

Depuis 1948, 150 missions de paix ont été déployées par une quinzaine d’organisations

internationales, régionales et sous régionales dont 53 dans des pays francophones, ce qui

représente près du tiers des déploiements, alors que les pays francophones ne représentent

que 17,6% des Etats membres des Nations unies. Il est à souligner que deux nouvelles

missions sont actuellement en train de voir le jour dans des pays francophones: la mission

de la CEDEAO au Mali et la force internationale neutre déployée à la frontière du Rwanda et

de la RDC, qui sera intégrée au sein de la MONUSCO. Le nombre de Casques Bleus déployés

en territoires francophones a nettement augmenté au cours de la dernière décennie : il est

passé d’un peu moins de 10 000 par an (exception faite de 1994 et 1995) à plus de 50 000

au cours de 2008. Au cours des dix dernières années, près de 440 000 militaires, policiers et

observateurs onusiens ont été déployés, représentant près de 53% des personnels envoyés

par l’ONU. Il est important de préciser que certaines missions onusiennes, dont les plus

importantes en termes de personnel et de mandat, ont été déployées dans l’espace

francophone, notamment avec la MONUC/MONUSCO (22 000 personnels en 2009), la FINUL

(13 000 personnels en 2007), la MINUSTAH (12 500 personnels en 2011) et l’ONUCI (11 000

personnels en 2012). La langue est bien au cœur des débats et son importance a été

notamment relevée avec force par le C34, le Comité spécial des OMP à l’ONU.

L’interopérabilité verticale et la capacité des systèmes, des unités ou des forces, à fournir

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des services et à accepter des services, doivent leur permettre de fonctionner ensemble au

sein des OMP.

Le nombre de locuteurs francophones a parallèlement augmenté et représente désormais

15% des Casques Bleus déployés, soit 10 points de plus qu’il y a 12 ans. L’interaction entre

les observateurs, les policiers et les civils se révèle capitale. L’interopérabilité horizontale

entre les membres d’une opération OMP et les populations locales requiert, en outre, une

compréhension commune et des logiques sous jacentes.

Evolution de la participation des Etats francophones

Les Etats francophones ne se sont impliqués que tardivement dans les OMP. Au début, les

Etats du Nord, tels que la France, le Canada et la Belgique, constituaient la plupart des

contingents. La participation des Etats du Sud, d’abord modeste, s’est accélérée avec

l’ONUC (1960-1964) et les premiers déploiements africains (Mali, Sénégal, Guinée, Maroc,

Tunisie) puis dès le début des années 1990 avec la MINUA. Le grand tournant s’est opéré en

2004 avec la création du Conseil de Paix et de Sécurité à l’Union africaine. Entre 2003 et

2004, le nombre des Etats francophones contribuant aux OMP est passé ainsi de 13 à 18. En

2009, une vingtaine de pays participent à au moins une opération de paix, mais ce chiffre

demeure modeste : malgré le nombre croissant de contributeurs, la part francophone

demeure minime, avec seulement 13.8% des personnels sur l’ensemble déployé. Au cours

des vingt dernières années, la participation relative des pays francophones ne dépasse

jamais la barre des 25%. Elle est sensiblement la même dans les théâtres francophones et

non-francophones. Bien que modeste, elle fluctue de manière significative entre 1990 et

2002. Les premières années du millénaire marquent un tournant, avec un chiffre absolu de

13 500 personnels déployés sous la bannière onusienne en juin 2012, proches du pic

historique des années 1990. Si leur contribution relative reste désormais moindre, de

manière générale, la participation des contingents francophones aux OMP tend à se

diversifier. Les militaires sont, en effet, accompagnés d’un nombre croissant de policiers et

gendarmes qui doivent intégrer les effectifs. Enfin, leur contribution est porteuse de

disparités entre la contribution des pays francophones du Nord et du Sud, puis entre pays

du Sud. On voit s’opérer une certaine bascule de la contribution de troupes vers un appui

financier plus soutenu : la quote-part des pays francophones du Nord représente ainsi

99,5% en 2011-2012, en sus des engagements bilatéraux et régionaux. A l’inverse les pays

africains deviennent de plus grands contributeurs de contingents : à la fin de 2012, ils

représentent plus de 92% des troupes mises à disposition. Entre 2002 et 2004, le nombre de

pays francophones non-occidentaux participant aux OMP passe de 10 à 18 et on assiste à

l’émergence de nouveaux pays gros contributeurs, comme le Bénin, le Burkina Faso, le

Niger, le Sénégal et le Togo. Les trois principaux contributeurs, le Rwanda, le Sénégal et le

Maroc, déploient à eux seuls près de 60% de l’ensemble des contingents africains

francophones.

Selon cette étude, nous assistons par ailleurs à une forme de régionalisation, puisque des

mesures pour la francophonie sont prises à cet échelon régional. L’UA n’a, par exemple, pas

été confrontée à un manque de ressources compétentes en matière de maintien de la paix.

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Ainsi, les communautés économiques régionales montrent un engagement prioritaire dans

leur sphère géographique d’intérêt. Mais ce phénomène de régionalisation pose la question

cruciale de l’impartialité : le partage du fardeau est donc une réalité régionale. La prégnance

du fait francophone est directement liée au déploiement des troupes francophones dans les

régions. La CEEAC est la seule à mener une opération de paix en territoire francophone avec

la MICOPAX, et à travailler presque intégralement en français. Nous pourrons bientôt aussi

comptabiliser la mission de la CEDEAO au Mali, dans les opérations se déroulant en zone

francophone. C’est pourquoi l’augmentation du personnel francophone doit s’accompagner

d’initiatives étatiques et régionales visant à institutionnaliser leur participation aux OMP.

Ces initiatives couvrent trois domaines principaux : la concertation, les processus nationaux

décisionnels, la formation de ces personnels.

En conclusion, le fait francophone est une réalité indéniable qui se développe grâce à un

véritable besoin opérationnel immédiat se conjuguant à une nécessité politique évidente.

Des obstacles demeurent : les obstacles stratégiques notamment sur l’usage de la force et

les craintes de certains pays du Sud et les obstacles politiques relatifs aux impératifs

intérieurs que doivent régler en priorité les décideurs. Il existe enfin des obstacles

linguistiques, logistiques et de financement (problèmes de l’avance par exemple). Il faut

donc améliorer la participation des pays africains francophones aux structures

institutionnelles pour favoriser leur participation aux OMP.

Discussions

Le Général Babacar GAYE a souhaité, à l’issue de cette introduction, soulever le

point du leadership militaire : en effet, peu de généraux francophones accèdent aux postes

de directeur de forces. Il précise donc que la contribution des francophones doit passer par

l’occupation de ces postes. La demande est présente et il reste désormais à la satisfaire en

formant ces officiers supérieurs. Il faut faire de la place à ces autorités militaires capables

mais dont le handicap principal demeure la langue, puisque le français ne peut être un atout

aux Nations unies que si l’on maîtrise la langue anglaise. Il faut donc sélectionner, former et

préparer un leadership ; la demande existe bel et bien, et nous nous devons de préparer

l’offre en conséquence. Cette idée est également soutenue par le Dr Niagale BAGAYOKO qui

a évoqué le projet en cours de réalisation entre l’OIF et l’UA relatif à la formation de ce

leadership de haut niveau en français. Cette lacune, naturellement très préoccupante,

semble toutefois moins présente aux niveaux inférieurs, puisque, selon le Général Babacar

GAYE, une nouvelle génération a été formée tous azimuts. En conséquence, la ressource

humaine sera de plus en plus importante.

Le général Francis BEHANZIN a abondé en ce sens, tout en soulignant qu’en Afrique le grade

de Général est aussi éminemment politique et qu’il est donc très difficile à obtenir ou

seulement atteignable peu avant la retraite.

Les participants ont ensuite apporté leurs témoignages, en particulier sur le thème de la

complexification des opérations de maintien de la paix et les solutions permettant d’y

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répondre. Pour le Commissaire Général WAFY, les opérations de maintien de la paix ne

revêtent plus seulement un aspect purement militaire mais elles regroupent des exigences

en matière de réponse civilo-militaire. Elles sont complexes, exigeantes au niveau des

profils, puisqu’intégrant désormais la protection des populations civiles et de nombreux

autres facteurs. Auparavant, le mandat comprenait les missions suivantes : force

d’interposition, séparation des belligérants, observation du cessez le feu. Aujourd’hui, les

exigences en matière de réponse se sont renforcées et nécessitent une expertise de haut

niveau à forte valeur ajoutée dans l’accompagnement des forces, dans la RSS (réforme du

secteur de la sécurité) ou la stabilisation et l’Etat de droit. Il faut désormais mettre l’accent

sur ces thématiques, de façon à exécuter au mieux le mandat et permettre

l’accompagnement de l’Etat en sortie de crise.

Pour le Général HAMADIKO, le Cameroun a pris la mesure de cette problématique

linguistique – le français et l’anglais y étant tous deux langues officielles. Dans l’école qu’il

dirige, l’EIFORCES d’Awaé, le Master Sécurité existe dans les deux versions, la version

française soutenue par l’Université de Yaoundé, la version anglaise animée par la George

Washington University. Enfin, le Colonel Amougousso Ami, attaché de défense du Gabon au

Sénégal, a souligné toute la difficulté pour un pays de soutenir à la fois les forces onusiennes

en y envoyant ses meilleurs éléments et d’assurer la maîtrise des problèmes internes. Ces

mêmes officiers absorbés par les opérations de maintien de la paix ne retrouvent pas

obligatoirement de fonctions adéquates à leur retour, risquant ainsi une mise à l’écart. Il fait

cas donc de la gestion difficile de ce personnel. Le Dr Niagale BAGAYOKO (OIF) relève

également la difficulté de recrutement des personnels, qui, une fois déployés, ne peuvent

retrouver de postes dans leur pays ou sont confrontés à une peine que l’on pourrait

qualifier de « purgatoire ». C’est d’autant plus vrai pour le personnel judiciaire qui ne

retrouve pas de niveau équivalent, car après un départ à l’étranger les promotions internes

s’avèrent plus difficiles. La solution serait, dans ce cas, de favoriser le dialogue entre

administrations de plusieurs pays pour empêcher ces dérives, à l’instar du modèle

britannique. Comme l’a précisé M. Alexandre RINAUDO (ONU), dans certains pays, une

expérience à l’étranger peut être largement reconnue et valorisée et il convient de s’inspirer

de ces modèles.

Conférence introductive du Professeur Massaër DIALLO «L’importance

de la dimension linguistique et culturelle »

Le problème de la dimension culturelle est rarement posé de façon précise, il est

spécifique dans la perspective de construction de la paix. Il faut se demander dans quelle

mesure le maintien de la paix est soumis à cette diversité culturelle et quels partenariats

demeurent possibles. Pour le professeur et philosophe M. Massaër DIALLO, il est avant tout

question de la langue du maintien de la paix et des éventuelles passerelles qui peuvent être

élaborées entre maintien de la paix et diversité. Tout l’enjeu se situe dans la capacité de

respecter les cultures locales dans le cadre de ces opérations et d’en faire un atout.

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1. Un problème profond : les langues du maintien de la paix

Dans la guerre, la dimension linguistique et culturelle constitue un enjeu et peut même être

à l’origine du conflit ; c’est le cas des crises identitaires et des guerres dites religieuses.

Récemment, la question des valeurs de l’Occident a été posée. L’enjeu culturel est donc de

taille, il doit aller au delà de la simple prise en compte des différences culturelles, puisque,

porté par les hommes eux-mêmes, il dépasse la seule notion de territoires aux coutumes

différentes. Il réside en des civilisations que les populations sont prêtes à défendre par les

armes. Néanmoins, à l’échelle locale, cet enjeu peut être masqué par le caractère

immédiatement militaire des objectifs et l’acuité des questions politiques. Dans ce cadre,

cet enjeu n’est pas suffisamment pris en compte et n’est nullement pris en considération

dans les programmes de formations. La culture et son importance sont vitales pour les

hommes, la maîtrise de la culture est nécessaire ; elle passe par l’établissement de

topographies culturelles qui feront avancer l’accomplissement du maintien de la paix. En

Afrique, 2 000 langues sont recensées, parlées par au moins 200 000 personnes. Plurielle, la

question de la diversité doit être intégrée dans les stratégies de maintien de la paix. En

Afrique de l’Ouest, on recense plus de 1 200 langues parlées : cette information doit entrer

en ligne de compte. Toutefois, il convient de se concentrer ici uniquement sur les langues du

maintien de la paix et non sur toutes les langues locales parlées. Elles sont dans une

situation reconnue et consignée, selon des principes d’égalité qui, pourtant, ne sont pas

vraiment respectés. Comment encadrer le travail et les langues du maintien de la paix ? Il ne

faut pas prôner l’unilatéralité des outils utilisés. Actuellement, on considère que seulement

22% des officiers sont francophones, arabophones ou lusophones. Une majorité des

personnes chargées de poser et de conceptualiser le cadre des OMP est donc issue de la

même langue. Les autres langues sont utilisées de manière marginale dans le cadre du

travail, sans que cela ne témoigne d’une capacité stratégique moindre de ces locuteurs.

Cependant, il ne faut faire du poids de l’anglais ni une fatalité, ni un obstacle : il s’agit

seulement d’une tradition. Ainsi, le Nigeria va diriger les forces dans la MISMA dans une

région essentiellement francophone ; c’est un pays où le bilinguisme est relativement faible,

même au niveau des élites. Peut-on laisser perdurer cette situation, et, avec elle, les

conséquences engendrées sur le terrain ? Ces questions doivent être considérées comme

des questions de fond. Enfin, les chiffres montrent que 46 des 56 pays francophones sont

impliqués dans des OMP, mais que leurs effectifs demeurent faibles (23%). Ce signe doit se

traduire par une responsabilisation tant sur le plan linguistique qu’opérationnel ; les

organisations internationales doivent opérer un changement de cap radical dans la gestion

de cette diversité. Si le mécanisme demeure, la disparité linguistique continuera sur le

terrain et creusera le fossé logistique en limitant l’ajustement de la stratégie à

l’environnement local. Cet épineux problème nécessite donc de trouver des solutions

durables qui ne soient plus seulement symboliques.

2. Maintien de la paix et diversité culturelle

La diversité linguistique est donc vécue à la fois comme une contrainte et un atout. La

diversité culturelle est extrême au sein d’une même langue et il faut capitaliser sur cette

diversité. Si on étend les effectifs, on donne la possibilité à d’autres locuteurs de pouvoir

participer sur le terrain et ainsi d’apporter de nouvelles solutions issues de culture

différente. La biologie et la politique se superposent : la diversification est nécessaire.

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L’exemple de l’Afrique de l’Ouest témoigne de la diversité impressionnante qui traverse cet

espace humain avec, pour 306 millions d’habitants (15 pays), plus de 35 langues parlées. Il

illustre aussi l’influence des pays anglophones qui, de fait ou de droit, ont imposé l’anglais,

dans une zone qui regroupe huit pays francophones. Cet espace humain est régi par une

diversité extraordinaire puisque 130 langues regroupent au moins 200 000 locuteurs

recouvrant 240 millions d’habitants, et parmi ces langues, 35 sont au moins sont parlées par

un million d’habitants. Enfin, 5 langues régionales totalisent le nombre de locuteurs le plus

important. Cette transversalité des langues doit être prise en compte pour la construction

de la paix avec la communauté internationale. Ainsi, les personnels qui viennent fournir les

effectifs constituent une véritable une richesse dont nous devons savoir profiter et que nous

devons capitaliser. Le développement d’une réflexion sur les langues doit déboucher sur des

stratégies de prise en compte. Les universités devraient pouvoir former les soldats aux

rudiments des langues régionales des zones de déploiement. La diversification actuelle des

nations impliquées doit renforcer cette compétence linguistique, au sens où nous aurons

des cadres et des soldats aptes à « faire comprendre ». Cette approche réaliste, et non

relativiste, doit aider à construire une culture qui soit au-dessus de ces cultures : pas en

terme de hiérarchie, mais en suivant l’idée d’une culture globale, éthique qui permettrait de

mettre en place une capacité d’évaluer, de prendre en compte et de capitaliser.

Des évolutions sont cependant nécessaires pour adopter cette approche de la diversité

culturelle :

- prendre pleinement conscience de cette diversité débouchant sur l’envie et la

nécessité d’acquérir la connaissance des populations concernées;

- intégrer un devoir de connaissance des zones de déploiement dans les formations

et inculquer aux contingents une capacité d’évaluation permettant une topographie

culturelle, même en plein désert. Le Professeur DIALLO l’a précisé « à défaut de les

connaître nous devrions les reconnaître ». Il faut tenir compte de cette contrainte,

et intégrer le respect de la culture dans les postures militaires ;

- sensibiliser les contingents à la culture afin de faire intervenir ce paramètre dans la

définition de l’exécution des actions ;

- respecter les valeurs, la culture, la religion et les lieux de culte, le patrimoine des

populations destinataires du maintien de la paix, afin de ne pas s’inscrire dans une

situation contre productive.

Il est indispensable de connaitre la réalité du terrain et comment l’aborder. Les différentes

dimensions de la réalité doivent nous interpeller. Dans le maintien de paix, une dimension

indéniable ressort de la culture. Si l’on dispose de capacités inégales à l’évaluer, la question

de sa sensibilité doit être réglée. Abondant en ce sens, le Dr Niagale BAGAYOKO (OIF) a

souligné que l’OIF entendait effectivement « défendre le français mais aussi la diversité

culturelle » afin de comprendre les codes qui nous échappent et procéder à une

compréhension fine des enjeux locaux qui sera vectrice de paix.

***

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3. Déjeuner-débat

Conférence du Général Babacar GAYE, Conseiller militaire auprès du

Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU :

« L’importance de la maîtrise de la langue locale dans les opérations

de maintien de la paix »

Plus qu’un besoin, la maîtrise de la langue locale dans les opérations de maintien de

la paix est devenue actuellement une réelle nécessité. Elle est néanmoins confrontée à de

nombreuses limites et difficultés d’application. Pour le Général GAYE, le maintien de la paix

reflète deux réalités :

- celle des observateurs non armés ;

- son aspect multidimensionnel avec un mandat couvrant de nombreux secteurs dont

l’accomplissement est essentiel à la stabilisation des pays destinataires. Dans ce

cadre précis il convient donc de pouvoir instaurer un dialogue entre les contingents

déployés, les autorités et les populations locales. Cette nécessité a bien été prise en

compte dans le cas de la nomination des Représentants spéciaux de la MONUSCO,

puisqu’une règle tacite a permis de recruter des francophones.

Une forme de pragmatisme voit donc le jour dans la mise en place de ces opérations qui ne

doivent désormais plus ignorer les populations qu’elles sont censées protéger. Le

déploiement d’interprètes de liaison permet, par exemple, de comprendre la crainte des

communautés et ainsi de mieux les protéger. Dans un deuxième temps, le Général GAYE a

aussi souligné les limites que comportait cette maîtrise de la langue locale. En effet, on ne

peut s’affranchir de l’usage contraint de la langue de travail dite « commune » et

« opérationnelle » entre les différents agents. Par ailleurs, le recrutement d’agents locaux

maîtrisant les dialectes peut entraîner un problème d’impartialité lié à la crise en cours,

alors que l’impartialité constitue bel et bien un des fondements des opérations de maintien

de la paix.

Discussions

Plusieurs remarques et suggestions ont été faites par l’assemblée, nombre

d’intervenants témoignant de cas dans lesquels le pragmatisme n’avait nullement été de

mise. Le Général Fernand AMOUSSOU a fait mention de deux expériences personnelles

relatant l’impossible communication entre un contingent et son commandement. Il a

notamment détaillé son expérience béninoise au Libéria où un contingent était resté plus de

deux ans adossé à la frontière guinéenne sous commandement anglophone sans

comprendre ni les actions menées, ni les communications radios avec un commandement

anglophone, sans comprendre non plus les coutumes et langues de la région. Il lui apparait

donc vital de comprendre les dynamiques locales du pays de déploiement et d’user d’une

langue de travail commune afin de garantir l’efficacité de l’opération menée. Enfin,

l’intervention du Général Francis BEHANZIN ayant démontré la porosité des frontières

établies en Afrique par le colonisateur et la sensibilité de certaines résolutions tantôt aux

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personnes, tantôt aux langues, le Général GAYE a précisé les conditions dans lesquelles un

pays voisin peut intervenir dans une opération de maintien de la paix. Il rappelle que les

forces régionales ne doivent intervenir que si une action de guerre est nécessaire pour

éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage à toute la région. Autrement dit, dans une

action de stabilisation de zone, il convient d’éviter un tel déploiement puisque souvent les

intérêts des pays voisins, bien que possiblement culturellement proches, sont très

différents. Les forces déployées durant les opérations de maintien de la paix doivent en

effet respecter deux critères fondamentaux : l’impartialité de la force, et les bénéfices

d’appartenance à une même aire culturelle.

Le Commissaire Général WAFY avalise cette nécessité de maîtriser à la fois la langue locale

mais aussi et surtout celle de travail, en soulignant que les officiers francophones doivent

faire l’effort d’apprendre l’usage de la langue anglaise sur le terrain.

Enfin, le Général GAYE a conclu ce premier déjeuner-débat en soulignant, d’une part, la

nécessité de former les contingents envoyés plus spécifiquement aux théâtres d’opérations,

et d’autre part celle d’évaluer sur le terrain les incidents et problèmes rencontrés afin de

pouvoir effectuer un retour d’expérience fructueux et de pallier les difficultés répertoriées.

***

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4. Première table ronde : « La mise sur pied des contingents »

Introduction par le Général Babacar GAYE La mise sur pied des contingents, objet de cette première table ronde, se trouve à la

convergence des défis techniques, capacitaires et linguistiques que les Etats doivent

surmonter afin d’accéder au statut de pays contributeurs de troupes. Néanmoins, leur

participation au maintien de la paix gagnerait à se poser moins en termes d’opportunités à

saisir - parce que les opérations de maintien de la paix sont majoritairement déployées dans

les pays francophones - qu’en termes structurels, parce que le maintien de la paix devrait

être une composante d’une stratégie globale de défense et de sécurité.

1. Le volet politique de la mise sur pied des contingents

Les pays francophones ont pris des engagements politiques en faveur du maintien de la paix

dont l’impact sur la mise sur pied de contingents pourrait être plus déterminant. Parmi ces

engagements figure celui du sommet de Québec de 2008, à l’occasion duquel les Etats

francophones ont réitéré leur détermination à « mettre en œuvre de façon plus vigoureuse

le dispositif des déclarations de Bamako et de Saint-Boniface et l’assortir d’engagements

concrets ». Il faut se féliciter de ce que cette volonté politique s’exprime à la tribune des

Nations unies, comme ce fut le cas en juillet 2012 lors de la rencontre annuelle entre le

Conseil de sécurité et les Commandants de Force, ou bien dans les couloirs de l’ONU,

comme ce fut le cas en 2006 pour accélérer la sélection et le déploiement au Congo d’un

contingent francophone préparé dans le cadre d’un partenariat Nord-Sud. Cependant, la

volonté politique exprimée à Antananarivo en 2005 puis à Saint Boniface l’année suivante

n’a pas encore eu l’impact espéré sur les capacités des Etats. La complexité du maintien de

la paix, tel qu’il est pratiqué au sein des missions multidimensionnelles, nécessite de la part

des Etats des investissements importants pour se doter des capacités requises. En effet, la

mise sur pied des contingents doit être planifiée à l’avance, budgétisée, et coordonnée au

niveau national entre les acteurs diplomatiques, financiers et militaires concernés. Le

Sénégal peut être érigé en exemple puisque ce n’est qu’à la faveur d’une importante

livraison de matériels, prévue de longue date pour les unités de l’Armée de Terre, qu’il a pu,

en 1973, répondre à temps à l’invitation du DOMP pour prendre part à la FINUL.

La contribution des Etats francophones à la mise sur pied des contingents doit donc être à la

hauteur de leurs engagements politiques.

2. Le volet opérationnel de la mise sur pied des contingents

Le désengagement des Etats du Nord du maintien de la paix et le besoin en contingents

francophones constituent pour les Etats francophones, non seulement une opportunité,

mais aussi un test opérationnel déterminant pour l’avenir de leurs contingents au sein des

OMP. C’est pourquoi la mise sur pied des contingents ne doit pas être perçue sous le seul

angle de l’effort financier nécessaire à l’acquisition des équipements exigés mais plutôt sous

celui des capacités tactiques mises à la disposition des Nations unies. En outre, en termes de

constitution des contingents, le déploiement d’unités élémentaires constituées à la

cohésion avérée devrait être la règle.

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Il est par ailleurs déplorable que les contingents francophones projettent dans le maintien

de la paix certains dysfonctionnements structurels de leurs propres armées ; des unités

élémentaires, parfois déployées dans des situations complexes, n’ont pas le leadership

requis pour mener à bien leurs missions. Dans les mêmes situations, des contingents

asiatiques ont la ressource de détacher des officiers supérieurs. Les capacités sont au cœur

de l’initiative Nouvel Horizon destinée à mieux adapter les contingents aux défis présents et

futurs du maintien de la paix. Ce serait compromettre l’avenir que de mettre en avant la

seule maîtrise de la langue française et s’en satisfaire.

Le maintien de la paix va en effet bénéficier en 2014, avec la fin des opérations en

Afghanistan, de la disponibilité accrue de pays du Nord, contributeurs traditionnels de

troupes. C’est une nouvelle donne à laquelle les pays francophones doivent se préparer par

des mesures structurelles qui valoriseront leurs atouts que sont la pratique du français, la

motivation des hommes, la disponibilité des autorités, l’acceptation des risques par

l’opinion publique, la maîtrise de certains espaces spécifiques (zones désertiques,

forestières ou lagunaires). Ces mesures structurelles, destinées à préparer et accompagner

la mise sur pied des contingents, consisteraient à créer des divisions onusiennes au sein des

états-majors et à mettre sur pied des centres d’entraînement aux OMP bénéficiant du

retour d’expérience des contingents déjà déployés. Enfin, la maîtrise d’un anglais

fonctionnel doit désormais faire partie des acquis fondamentaux des officiers. Le maintien

de la paix est une activité complexe dont les Etats francophones sont en mesure de tirer des

bénéfices multiformes et durables sous réserve de consentir aux investissements structurels

pré-requis.

3. Le volet logistique de la mise sur pied des contingents

La maîtrise de la dimension financière et logistique du maintien de la paix est aussi un

facteur déterminant et un terrain propice à des innovations. L’organisation, la composition

et les capacités tactiques du bataillon de maintien de la paix viennent de faire l’objet d’un

document intitulé UNIBAM (manuel du bataillon d’infanterie de maintien de la paix), que le

Bureau des affaires militaires de l’ONU se propose de présenter en avril aux armées ouest-

africaines. Un des objectifs de ce manuel est de faire bénéficier les contingents de toutes les

leçons tirées des OMP en cours ainsi que des dernières technologies. Il est nécessaire que

les contingents francophones accomplissent résolument ce bond qualitatif pour se rendre

éligibles à toute demande de génération de force. Une coopération avec des partenaires

privés disposés à fournir les équipements particuliers figurant au tableau de dotation de

l’UNIBAM ainsi que la formation adéquate pour leur mise en œuvre peuvent constituer par

ailleurs une solution viable.

En effet, le maintien de la paix implique, entre les Nations unies et l’Etat membre, une

relation contractuelle nécessitant une approche managériale. A cet égard, le soutien des

matériels, outre son impact sur la performance des contingents, est susceptible, s’il est mal

exécuté, d’entacher leur réputation et de gâcher des opportunités futures. L’appel à des

sociétés s’engageant à maintenir le taux de disponibilité des matériels exigé par les Nations

unies peut s’avérer être un choix coûteux mais pertinent au regard du préjudice que peut

causer au pays contributeur et à la Mission un trop faible taux de disponibilité des

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équipements. La multi-nationalité semble aussi une direction à explorer dans la mise en

place des contingents : elle véhicule non seulement un message politique très fort, mais elle

offre aussi la possibilité aux pays francophones d’envisager des contributions dans des

niches à forte valeur ajoutée, telle que les unités d’hélicoptères, les unités fluviales ou

encore les unités du génie. La tradition ouest-africaine d’écoles multinationales offre, dans

cette perspective, un terrain particulièrement fertile.

En conclusion, le déploiement des contingents doit donc être précédé d’une planification

rigoureuse de leur soutien afin d’en tirer tous les bénéfices attendus. A cet effet, le recours

au secteur privé national ou international est une piste à explorer de manière à ce que les

Etats puissent se concentrer dans l’avenir sur l’étape suivante : la performance de leurs

contingents.

Intervention du Colonel Djibo SOUMANA, Conseiller militaire de M. Saïd

DJINNIT, RSSGNU pour l’Afrique de l’Ouest : « Accroître et améliorer la

sélection des Contingents Francophones »

Le monde actuel doit faire face à la troisième génération, « Al-Qaïda 3.0 » qui a succédé

à celle des attentats du 11 septembre et à la deuxième génération clôturée par la mort

d’Oussama Ben Laden et le début de la vague des Printemps arabes. La situation qui prévaut

au Mali, depuis bientôt dix mois, nous rappelle tant la multiplicité que la gravité des

menaces qui apparaissent aussi bien sous la forme de crimes transfrontaliers organisés, de

trafics variés, d’actes de terrorisme, que du développement de l’intégrisme – ces menaces

allant de paire avec une violation flagrante des droits de l’Homme. Les nouvelles zones de

conflit, et ainsi de déroulement des opérations, se caractérisent notamment par un

environnement extrêmement difficile. Les menaces et dangers de toute nature y fleurissent,

tout comme la pluralité des acteurs islamistes, salafistes, terroristes, narcotrafiquants et

irrédentistes disposant d’agendas hétéroclites. La question de la force à déployer et de sa

capacité reste à poser : comment contribuer à la mise en œuvre du mandat tout en

conservant la capacité de se protéger ? Quels contingents militaires composant cette force

doivent être sélectionnés ? Les « one-size-fits-all solutions » sont-elles réellement

possibles ?

1. Défis et difficultés

L’objectif de la sélection des contingents militaires est de choisir des troupes qui servent

avec distinction et conviction, en suivant les normes professionnelles exigeantes qui

régissent les OMP. La constitution de ce détachement est toujours une période laborieuse,

pleine de défis multiples s’imposant autant au commandement militaire qu’à l’officier ayant

la responsabilité délicate de cette unité. Ces défis et ces difficultés se manifestent à chaque

étape de la constitution du contingent, aussi bien durant la désignation du personnel qu’au

regroupement de l’unité ainsi constituée, ou que pendant sa formation, son soutien

logistique ou son financement.

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Le Colonel Djibo SOUMANA a identifié les difficultés suivantes :

- Méconnaissance ou maîtrise relative des textes réglementaires en matière d’OMP ;

- Moyens humains et financiers limités ;

- Méconnaissance de la zone de déploiement ;

- Insuffisance de cadres au sein des unités puisque l’encadrement des officiers et

sous-officiers est de facto limité par la barrière linguistique ;

- Cellule d’anticipation et de planification inadaptées aux OMP ;

- Inadéquation entre le TED OMP et le personnel militaire désigné ;

- Manque de plateformes et de préparation spécifique des contingents à ces

opérations ;

- Difficulté à désigner des unités organiques ;

- Délai et lieu de regroupement inadaptés aux exigences de l’engagement en OPEX ;

- Formation spécifique et logistique d’accompagnement insuffisantes ou inadaptées à

l’environnement.

2. Pistes d’amélioration de sélection

Il faut aller vers une maîtrise du cadre juridique et des textes administratifs suivants :

- Résolution des Nations unies ou de l’Organisation de tutelle ;

- Le contenu du mandat, dont il faut extraire les termes de la mission ;

- MoU: Memorandum of Understanding;

- SOMA: Status of Mission Agreement;

- SOFA: Status of Force Agreement;

- ROE: Rules of Engagement;

- Code de conduite;

- Autres textes administratifs.

La participation aux OMP doit être basée sur le professionnalisme. Aussi, la formation pour

les OMP doit-elle s’adapter à l’environnement et au contexte de manière à faire activement

face aux risques et multiples menaces auxquels les contingents sont confrontés. Elles

doivent recouvrir un caractère :

- Complet, englobant aussi bien les formateurs-cadres que les contingents, c'est-à-

dire le soldat en tant que tel ;

- Orienté vers les capacités d’anticipation et de planification ;

- Orienté vers la conduite d’activités opérationnelles et logistiques ;

- Individuel, spécialisé, collectif et flexible pour participer aux activités de

consolidation et de développement ;

- Orienté vers la création de plateformes spécialisées, le Sénégal dispose par exemple

de sept centres tactiques) ;

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- Orienté vers le bilinguisme des emplois clés (officiers et cadres) de façon à ne pas

dépendre des interprètes.

Une prise en charge médicale est à exiger au travers de l’évaluation d’une aptitude

médicale, physique, mentale et d’un certificat médical individuel.

3. Recommandations

Il est actuellement nécessaire de suivre les recommandations suivantes :

(1) Apporter une assistance technique et matérielle aux pays contributeurs de troupes,

permettant la mise en place de plateformes ou de centres spécialisés, destinée à

garantir une meilleure préparation des contingents désignés pour les OMP.

(2) Assister davantage ces mêmes pays de façon à renforcer leurs capacités

d’encadrement dans la conduite de formations adaptées à l’environnement et au

contexte en OMP.

(3) Aider ces pays à développer des capacités d’anticipation et de planification à travers

le renforcement des capacités des officiers d’état-major des Troop/Police

Contributing Country (TCC).

(4) Assister les TCC dans la mise en place de structures facilitant le bilinguisme.

(5) Favoriser la flexibilité des unités en phase de préparation afin de permettre leur

intégration dans les activités de consolidation de paix ou de sortie de crise.

De l’intervention du Colonel Djibo SOUMANA, le Général Babacar GAYE retient le plaidoyer

pour des mesures structurelles.

Intervention du Général Francis BEHANZIN, Contrôleur Général de la

Police : « Retour d’expérience sur la constitution de contingent policier.

Evaluation de la participation de la police nationale du Bénin aux

opérations de paix internationale : acquis, difficultés et perspectives »

L’un des objectifs majeurs de l’Organisation des Nations unies (ONU), créée sur la

base de l’égalité souveraine des Etats, est de maintenir la paix et la sécurité internationales.

La République du Bénin s’est donnée une obligation constitutionnelle de manifester une

forte solidarité internationale en engageant ses forces en cas de besoin, dans les opérations

de maintien et de rétablissement de la paix dans le monde entier. Elle s’est donc dotée à

partir de 1990 d’un système démocratique avec notamment des institutions régaliennes

garantes de la défense et de la sécurité du territoire, des personnes et des biens : les forces

militaires dont fait partie la gendarmerie nationale, les douanes et droits indirects, les forces

chargées de la sauvegarde des forêts et ressources naturelles et la police nationale. Cette

dernière a été créée en 1958 tout d’abord sous la dénomination de « Services de Police du

Dahomey ». Ce service étant peu outillé pour être déployé dans les forces des Nations unies

dans le monde, la Police Nationale a été dotée pour la première fois en 1969 d’un statut

spécial propre, dérogatoire à celui de la fonction publique. Mais ce n’est qu’en 1999 que les

forces de la police béninoise ont commencé à envoyer une partie de leur personnel sur les

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théâtres des opérations extérieures. Cette participation tardive de la police béninoise est

historiquement liée à son niveau d’autonomie organisationnelle peu élevé du fait de

nombreuses interférences socio politiques et de son statut de fille cadette de l’armée

béninoise qui limitait ses moyens d’actions.

Malgré son statut actuel, de nombreux efforts restent encore à réaliser pour conserver et

renforcer cette autonomie indispensable à une véritable politique de participation des

fonctionnaires de police aux opérations de paix.

1. Le fondement juridique de la participation des Forces de Police Béninoise aux

opérations de paix internationale

Les fondements de sa participation

La participation du Bénin aux OMP s’inscrit dans le cadre de sa politique étrangère en

matière de promotion de la paix et s’appuie sur la Constitution béninoise du 11 décembre

1990, la Charte des Nations unies et les Traités portant création de la CEDEAO (1975) et de

l’Union africaine (Acte Constitutif 2000). Dans cette optique, la politique étrangère du Bénin

en matière de paix et de sécurité internationales se traduit par une politique de bon

voisinage à travers des mécanismes bilatéraux, des commissions mixtes et autres rencontres

périodiques qui permettent de rechercher des solutions concrètes aux questions d’intérêt

commun. Cette place importante qu’occupe la préservation de la paix internationale dans la

politique extérieure du Bénin a conduit les autorités béninoises à créer en 2009, une

Direction spécialement chargée des questions de maintien de la paix au sein du Ministère

des Affaires étrangères.

A l’échelle internationale, le Bénin fait toujours siennes les résolutions prises par le Conseil

de sécurité en vue de l’envoi des troupes sur les théâtres des opérations de paix

conformément à l’accord signé le 31 janvier 2000 à New York. Au niveau régional, le Bénin

reste solidaire des actions de l’Union africaine dans la recherche efficace d’une paix durable

sur le continent, conformément à l’Article 4 de l’Acte Constitutif qui stipule « le droit des

Etats membres de solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité ».

Au niveau de la CEDEAO, les pays membres, dont le Bénin, se sont dotés, le 10 décembre

1999, d’un mécanisme de prévention, de gestion et de réglementation de maintien de la

paix et de la sécurité. Ce mécanisme implique un engagement moral à tous les Etats

membres.

La procédure d’engagement du Bénin dans les OMP

Conformément aux dispositions de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, seul le

Chef de l’Etat, en sa qualité de Chef suprême des armées et de la police nationale, est

habilité à engager les forces de défense et de sécurité béninoises dans les OMP. Il prend la

décision d’engager ou non des troupes ou observateurs après avis du Conseil des ministres

et sur la base d’un dossier préparé par les structures compétentes, sans avis du Parlement.

Les structures chargées de la gestion des OMP sont :

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- le Ministère des Affaires Etrangères de l’Intégration Africaine de la Francophonie et

des Béninois de l’Extérieur (MAEIAFBE) qui joue le rôle de coordinateur entre les

ministères impliqués dans les OMP et le Département des Opérations de Maintien

de la paix des Nations unies (DPKO) par l’entremise de la Mission Permanente du

Bénin à New-York (transferts de fonds, règlement des problèmes diplomatiques).

- le Ministère de la Défense Nationale (MDN) s’occupe de la planification et de l’envoi

des militaires et gendarmes dans les opérations de paix. A cet égard, la structure

pilote chargée de l’élaboration et de la validation du plan d’opération militaire est le

Centre Opérationnel interarmées (COIA). Par ailleurs, le Bénin fait souvent appel à

des partenaires stratégiques (pays ou ONU) pour assurer la projection de ses unités

sur les différents théâtres d’opérations.

- le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC) gère la

procédure d’engagement des fonctionnaires de police en direction du Conseil des

ministres sous la Haute autorité du Chef de l’Etat.

- le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) prévoit et dégage chaque année

du Budget National une importante somme pour la préparation opérationnelle des

troupes. Il reçoit en outre les fonds générés par l’utilisation du matériel et la

présence des hommes : ces fonds ne sont pas mis en place directement auprès des

Ministères mais placés sur un compte au Trésor Public, puis redistribués par la suite.

Dans le cadre de sa participation aux OMP, le Bénin entretient des relations de coopération

fructueuses avec plusieurs pays, notamment la France, les Etats Unis d’Amérique, le Canada,

la Belgique et certains pays africains dont le soutien logistique, technique et financier aux

troupes béninoises au sein des effectifs de la MONUSCO et de l’ONUCI sont très

appréciables. Ces relations de coopération sont aussi orientées vers la formation pré-

déploiement du personnel retenu pour prendre part aux OMP.

→ Le Centre Pearson pour le Maintien de la Paix (CPMP) et le Réseau francophone de

recherche sur les opérations de paix (ROP) financés par le gouvernement du Canada sont

très actifs au Bénin. Ils organisent fréquemment des séminaires de formation, des voyages

d’études (Construction d’une Banque de données sur les OMP en septembre 2011,

Confection et mise à disposition du Guide du maintien de la paix : l’Afrique et les opérations

de paix…), un appui aux différentes structures pour le renforcement de leurs capacités. Ils

délivrent également des formations au pré-déploiement auprès des personnels de la police

(en 2001 : formation commune donnée aux Policiers et Gendarmes béninois au Centre de

Formation de la Gendarmerie de Ouakam au Sénégal) ;

→ Le Centre Koffi ANNAN de formation aux OMP (KAIPTC) d’Accra au Ghana qui est aussi un

partenaire stratégique géographiquement plus proche dans la formation au pré-

déploiement ;

→ L’Ecole de Maintien de la Paix (EMP) de Bamako ;

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→ Le National Defense College (NDC) à Abuja (Nigéria) ;

→ L’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale de Paris (IHEDN) ;

→ Les gouvernements français, américain, belge, canadien. Par ailleurs, le gouvernement

suédois offre des sessions périodiques de formation auxquelles prennent part des cadres

civils, militaires, paramilitaires béninois.

A ce jour et après le retrait le 31 décembre 2010 de la Mission des Nations unies en

République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) à la demande des Autorités

tchadiennes, le Bénin participe à six OMP des Nations unies (ONUCI, MONUSCO,

MINUSTAH, MINUL, MINUS, BINUD) ainsi qu’aux missions de l’Union africaine (MINUAD et

l’AMISOM) sous la forme de contingents militaires (ONUCI et MONUSCO), d’observateurs

militaires ou d’officiers d’Etat major, de police civile. D’une manière générale, le Bénin

occupe le 26ème rang mondial au titre des pays contributeurs de troupes et le 11ème rang au

plan africain avec 118 policiers déployés, dont 8 femmes, dans le monde.

2. Les acquis de la participation des fonctionnaires de police aux OMP

Les premières expériences internationales dans le domaine du maintien de la paix pour le

Bénin datent de 1999 au Kosovo. Cette expérience a été poursuivie jusqu’à ce jour grâce au

soutien de certains organismes internationaux, mais aussi du fait de la qualité des

prestations des fonctionnaires de la police béninoise dont le dévouement et le

professionnalisme ont été largement soulignés. La participation de ses agents est

globalement positive et, sur les théâtres d’opérations, la police béninoise a appris non

seulement à travailler dans les zones d’hostilité, mais aussi dans un environnement

multiculturel aux côtés d’autres forces de même nature qui présentent certes des

similitudes du point de vue du savoir faire ou du savoir être, mais aussi des différences. La

participation des fonctionnaires de la police béninoise aux OMP entraîne donc des

retombées appréciables : des retombées financières, des retombées professionnelles

individuelles pour les fonctionnaires participant à ces missions ainsi que pour les futurs

candidats, un retour positif sur l’image du pays à l’extérieur, une meilleure appréciation du

pays par les instances de décisions onusiennes.

Toutefois, la participation encore faible de la police béninoise par rapport aux autres pays

contributeurs de troupes doit être améliorée. Le Bénin doit donc identifier tous les goulots

d’étranglement susceptibles de l’entraver tout en poursuivant le renforcement de ses

capacités. L’amélioration doit passer par des réponses plus uniformes et cohérentes aux

demandes des Nations unies dans un contexte d’OMP de plus en plus

multidimensionnelles. Par conséquent, des adaptations sont nécessaires, et justifiées du

reste par la nouvelle doctrine d’emploi du personnel dans les opérations de paix. Dans ce

cadre, les programmes de formation continue ou spécifique constituent le moyen

d’accroître et de renforcer efficacement les capacités dans les Centres de formation de

référence reconnus par la communauté internationale. La capitalisation des expériences des

anciens s’impose, ces derniers devenant des formateurs-relais sur l’expérience desquels les

plus jeunes peuvent s’appuyer.

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3. Les difficultés et les perspectives

Les difficultés auxquelles les administrations de la police et du ministère de tutelle des

fonctionnaires sont confrontées sont de plusieurs ordres. Outre la nécessité de concilier les

besoins de sécurité intérieure avec les offres de postes dans les missions internationales de

maintien de la paix, la police béninoise fait face aux défis suivants :

- Mauvais remplissage des P11 qui sont en anglais exclusivement (défi francophone) ;

- Non respect de la voie hiérarchique pour la transmission de certaines demandes de

candidatures en dépit des dispositions réglementaires et statutaires ;

- Retard dans la réception et la transmission à la police nationale des messages en

provenance de la Représentation diplomatique du Bénin à New York ;

- Absence d’une division de la formation pré-déploiement pour les opérations de paix

au profit des fonctionnaires de police ;

- Absence de dotations budgétaires suffisantes ;

- Non respect par certains fonctionnaires de police de retour de mission de

l’obligation qui leur est faite d’observer un minimum de trois ans à leur nouveau

poste d’affectation avant tout redéploiement ;

- Lenteur administrative dans le déploiement.

Face à ces difficultés et aux grands débats nationaux sur la question, les perspectives d’une

amélioration de la participation des forces de police béninoise aux OMP demeurent

nombreuses:

(1) Via un accroissement remarquable des effectifs de la police nationale. Ainsi en 2008,

un important programme de recrutement annuel et de formation des policiers a été

crée, permettant le recrutement de près de trois mille fonctionnaires de police tous

grades confondus en trois ans. Un recrutement progressif de 500 agents sur cinq ans est

également envisagé.

(2) Une meilleure prise en main des candidats aux missions de paix au travers de

l’amélioration des formations de pré-déploiement. A cet effet, l’intégration de notions

fondamentales sur les OMP, la création de mesures incitatives pour les formateurs-

relais, la maîtrise de l’anglais, de la conduite et de l’outil informatique sont désormais à

l’ordre du jour. Il faut aussi faire participer davantage d’officiers aux Senior Mission

Leaders Course (Cours supérieur de Commandement des Missions des Nations unies).

(3) Une amélioration du respect du cadre institutionnel et réglementaire qui peut être

réalisée par le biais de la mise en place d’une Banque de données (Centre Pearson) pour

le traitement des dossiers.

(4) Une nécessaire acquisition de moyens logistiques en obtenant une vision et un

leadership plus éclairés de la Police, des efforts budgétaires nationaux, des prêts

bancaires, des pistes de coopération internationale rentable (cas de la Belgique et de

l’Armée béninoise).

(5) Une Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) doit être envisagée dans les pays

francophones, parmi lesquels le Bénin, qui s’est engagé dans cette réforme depuis la

rentrée 2012.

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Une gestion efficiente du secteur des OMP suppose un accroissement constant des

effectifs, une bonne formation et un cadre réglementaire qui concilie l’intérêt général avec

le besoin d’un plus grand rayonnement international. Le mouvement de réflexion doit se

poursuivre et des réformes nécessaires doivent s’opérer ici et là, au Bénin comme ailleurs,

afin d’offrir les conditions optimales de sélection des candidats de manière à accroître le

niveau de participation de tous les pays francophones aux OMP. Les difficultés que l’on

observe dans le cadre de la participation du Bénin aux OMP résultent d’un mélange de

facteurs réversibles. L’élaboration d’une véritable politique nationale en matière de

déploiement des contingents béninois permettra d’accroître la participation du Bénin aux

OMP, mais tout dépendra de la bonne gestion, de la coordination et d’un meilleur suivi des

dossiers pour toutes les structures impliquées. Car l’importance grandissante de la

coopération entre le Bénin, l’ONU et d’autres partenaires dans le domaine des OMP

nécessite un échange permanent d’informations entre les différentes parties.

Intervention du Général Abdallah WAFY, Adjoint du RSSGNU a.i en RDC,

Chargé des questions des droits de l’homme et de l’Etat de droit :

« Retour d’expérience de la MONUSCO »

1. Présentation de la MONUSCO, Mission des Nations unies pour la stabilisation en

République démocratique du Congo

Le mandat de la MONUSCO, tel que défini par la résolution 2053 (2012) du Conseil de

Sécurité des Nations unies, fixe quatre priorités : (1) La protection des civils, (2) La

stabilisation, (3) La Réforme du Secteur de la Sécurité, (4) La consolidation de la paix. Un

mandat spécifique dévolu à la composante police permet d’appuyer la Police Nationale

Congolaise (PNC) dans sa professionnalisation, par des activités de conseil, de formation,

mais aussi par l’appui à la réforme législative et réglementaire. Le mandat de la Police de la

MONUSCO s’exécute aussi dans la droite ligne des priorités et objectifs stratégiques de la

Mission :

Protection des civils : la Police MONUSCO intervient à plusieurs niveaux dans la protection

des populations civiles en intégrant la perspective police dans les réflexions et réponses de

la Mission en matière de protection. Elle participe activement à la mise en œuvre de la

stratégie intégrée des Nations unies pour la protection des civils en RDC à travers les

mécanismes civilo-militaires développés par la Mission, à savoir l’alerte, la prévention et les

réponses, comme par exemple les équipes conjointes et multidisciplinaires de protection.

Par ailleurs, les officiers experts MONUSCO procèdent avec la PNC à un travail de proximité

fructueux qui permet souvent d’observer des irrégularités en matière de Droits de l’Homme.

L’accent est particulièrement porté sur la lutte contre l’impunité pour les violations graves

de droits de l’homme commises lors de conflits ou encore les violences sexuelles. Enfin, le

financement de projets permet à la Police MONUSCO de concrétiser et de répondre à des

besoins identifiés de protection, comme la création d’une unité spécialisée de la PNC dédiée

à la sécurisation des camps de déplacés internes aux portes de Goma, au Nord-Kivu.

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Appui au processus de la réforme de la PNC : La résolution 2053 du Conseil de sécurité met

un accent particulier sur la réforme du secteur de la PNC, dans laquelle la Police de la

MONUSCO s’est fortement impliquée, avec notamment la mise en place d’un cadre légal et

la promulgation en août 2012 d’une loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de

la police nationale.

Restauration de l’autorité de l’Etat et appui à la stabilisation de l’est RDC : Dans le cadre de

la Stratégie Internationale de Soutien à la sécurité et la stabilisation de l’est de la RDC

(ISSSS) et en appui au Programme du gouvernement congolais pour la stabilisation et la

reconstruction des zones sortant des conflits armés (STAREC), la Police MONUSCO est l’un

des partenaires principaux dans l’élaboration du plan de mise en œuvre du volet police de la

composante Restauration de l’Autorité de l’Etat de ISSSS/STAREC. Les provinces du Nord et

du Sud-Kivu ainsi que la Province orientale constituent les zones prioritaires pour

l’instauration de l’ordre public. Actuellement, la Police MONUSCO dispose d’un effectif

autorisé de près de 1 500 policiers, répartis en huit unités de police constituées (FPU)

totalisant environ 1 050 éléments, et de près de 390 officiers de police experts individuels

issus de plus de 27 pays. A l’heure actuelle, environ 14% de ces effectifs sont des femmes.

Sur les effectifs présents, seulement deux des huit unités de police constituées sont

francophones et ont été déployées par le Sénégal.

2. Exécution du mandat et réalisations de la police MONUSCO

Appui à la réforme de la PNC

Le processus de réforme de la PNC a démarré effectivement quand le Ministère de

l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité de l’époque a mis sur pied en novembre 2005 le

Groupe mixte de réflexion sur la réforme et la réorganisation de la Police, constitué aussi

bien d’experts congolais qu’internationaux. Ce groupe a rendu son rapport en mai 2006,

dressant un certain nombre de recommandations qui ont fait l’objet d’un séminaire

national de validation en avril 2007. De cette vision consensuelle est née la « Loi organique

du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise ».

Le Comité de suivi de la réforme de la Police (CSRP) a été créé pour assurer le suivi de la

réforme. Depuis sa création fin 2007, le Secrétariat Exécutif du CSRP (SE-CSRP) s’est attelé à

l’élaboration du plan d’action budgétisé de la réforme de la Police : le Cadre Stratégique à

Long Terme détaillant les projets qui devront être mis en œuvre au cours des 15 prochaines

années et le Plan d’Action Quinquennal qui conduira à une loi de programmation relative

aux dépenses d’investissement et de fonctionnement de la réforme.

Renforcement des capacités et formation

Sur les trois dernières années, la Police MONUSCO a organisé et animé un grand nombre de

formations pour renforcer les capacités de la PNC dans plusieurs domaines : 27 000

éléments sur un effectif total de 110 000 ont ainsi été formés. Près de 11 500 policiers

congolais ont aussi bénéficié d’une formation spécialisée financée par des bailleurs comme

le Japon, le Canada, la Grande Bretagne, les Etats Unis, la Suède, l’Allemagne et le

Luxembourg, mais aussi le Fonds de Consolidation de la Paix des Nations unies. Ces

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financements extrabudgétaires ont atteint sur trois ans plus de 26 millions de dollars. Ces

formations ont porté aussi bien sur des connaissances et techniques de base sur une longue

durée, que sur des thématiques très spécifiques, comme les violences basées sur le genre, le

leadership et la gestion, l’informatique ou encore la police de proximité et la sécurisation

des élections. Par ailleurs, la Police MONUSCO a contribué à la réhabilitation de six centres

de formation et à la construction d’un centre d’instruction à Mugunga.

Appui à la stabilisation de l’Est

Depuis 2009, quelques 1 500 éléments de la Police Territoriale, dont plus de 1 000 au Nord

Kivu, ont été formés et déployés par la Police MONUSCO sur les axes prioritaires définis.

Plus de 600 policiers ont été formés et déployés au titre de la Police des Frontières. Par

ailleurs, 81 bâtiments et infrastructures ont été construits et remis à la PNC, en vue de

devenir des commissariats, des logements pour policiers, des postes de police aux frontières

ou des centres de négoces.

3. Insuffisances et lacunes constatées

Les missions et tâches dévolues à la composante police de la MONUSCO se sont spécialisées

à mesure que le mandat de la Mission évoluait. Il en a résulté une inadéquation entre les

besoins en expertise de haut niveau et les ressources et profils disponibles.

Processus d’identification des candidats au déploiement (rappel)

La réglementation au sein du Département des Opérations de Maintien de la Paix, et

particulièrement au sein de la Division de la Police, définit clairement les modalités,

obligations et engagements de chaque pays contributeur envisageant de déployer des

personnels. Ces derniers doivent être de grande qualité professionnelle et morale, et se

conformer à des standards préétablis en matière d’éthique, de déontologie et de respect

des Droits de l’Homme. Ainsi, il est demandé aux potentiels pays contributeurs d’assurer

une présélection systématique et sérieuse des candidats, d’encourager la sélection des

candidats féminins, d’assurer la formation des personnels avant leur déploiement,

d’identifier des candidats de niveau supérieur capables d’occuper des postes à

responsabilités et de sensibiliser les personnels pressentis pour être déployés aux

politiques, règles et procédures des Nations unies, notamment en matière d’exploitation et

d’abus sexuels. Par ailleurs, les visites de pré-déploiement permettent aussi aux Nations

unies de s’assurer de la conformité des équipements individuels et collectifs des unités

constituées, et ce, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

Insuffisance des ressources sur le plan quantitatif comme qualitatif

Les niveaux de compétences techniques variant d’un contingent à l’autre, il convient que les

pays s’assurent d’une certaine maîtrise de l’outil informatique, de la conduite automobile,

et de la capacité de rédaction de rapports, qui sont souvent en deçà des besoins de la

mission. A cela s’ajoute le niveau de sensibilité, de compréhension, d’expérience dans des

domaines aussi spécifiques et élaborés que le renforcement de l’autorité de l’Etat, le

respect de l’Etat de droit et des Droits de l’Homme, qui peuvent varier d’un policier à l’autre

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en raison de son propre contexte national d’origine. En effet, l’état de développement

institutionnel et d’organisation des structures administratives, policières et judiciaires

diffèrent selon les pays contributeurs dont certains connaissent eux-mêmes des

problématiques similaires à la RDC. Il est évident que cela peut poser des difficultés dans

l’exécution des tâches de conseil ou de formation auprès des éléments de la PNC. Enfin, le

niveau de connaissance des valeurs et principes fondamentaux des Nations unies varie selon

le pays contributeur. C’est pourquoi le niveau de préparation avant l’arrivée dans la mission

peut générer des problèmes de conduite et de discipline au sein des effectifs. Par ailleurs, à

leur arrivée à la MONUSCO et avant d’être considérées comme opérationnelles, les unités

de police constituées doivent subir une formation de mise à niveau d’une durée d’environ

un mois comportant un volet administratif et un volet opérationnel (une formation aux

tactiques et techniques au maintien et au rétablissement de l’ordre public (MROP) ainsi que

les gestes techniques et pratiques d`intervention (GTPI)).

Professionnalisation et spécialisation croissante des missions

Les missions de la Police de la MONUSCO sont de plus en plus spécialisées et pointues,

accompagnant des processus complexes de réforme réglementaire et législative, de

stabilisation et d’appui à l’autorité de l’Etat, de démocratisation, de consolidation de la paix

et de protection des populations civiles. Ces processus témoignent d’une

professionnalisation de la composante police des missions de maintien de la paix qui

requière une spécialisation, une expertise et donc des profils de plus en plus spécifiques. Le

Général WAFY constate que les ressources disponibles mises à disposition par les pays

contributeurs ne reflètent pas nécessairement les besoins de la Mission ; on se trouve, dès

lors, en décalage par rapport au mandat à exécuter. Outre le degré de spécialisation des

tâches de police, les difficultés à disposer d’expertises de haut niveau auprès des pays

contributeurs sont réelles. En effet, comme le montre l’exemple de la MONUSCO, il est

nécessaire pour des officiers experts déployés de détenir des aptitudes en matière de

conceptualisation, de diplomatie et de négociation pour pouvoir accompagner, par

exemple, le processus de réforme de la police nationale ou l’acquisition de fonds auprès des

bailleurs.

4. Recommandations et pistes de réflexion

Recommandations d’ordre général : Il serait souhaitable que la Division de la Police logée au

sein du Département du Maintien de la Paix à New York, et le Bureau de l’Etat de Droit et

des Institutions de Sécurité (OROLSI) révisent les standards minimaux régissant le

déploiement des policiers civils afin de développer et d’actualiser les épreuves de sélection

qui s’y rapportent. Cette révision permettrait notamment, en partenariat avec des

institutions comme l’OIF, d’effectuer la sélection la plus appropriée et la plus transparente

possible. De leur côté, les pays contributeurs doivent être sensibilisés et convaincus que les

efforts consentis pour former leurs policiers en vue des épreuves de sélection constituent

un investissement bénéfique pour le pays en terme d’image et de réputation, mais aussi au

titre de la contribution à l’œuvre collective de la paix dans le monde.

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Recommandations relatives aux officiers de police experts en mission : Il serait également

utile de mobiliser certains pays qui n’ont pas pour tradition de contribuer aux OMP ou

pourraient y contribuer davantage. La formation dans des centres régionaux spécifiquement

dédiés à la préparation aux OMP permettrait en outre d’assurer en amont des standards

minimums (connaissance des Nations unies, contexte géopolitique et culturel des pays…) et

d’accroître la cohésion des personnels déployés. L’expérience des Ecoles Nationales à

Vocation Régionale (ENVR) mérite d’être explorée et développée à plus grande échelle pour

répondre aux besoins accrus du maintien de la paix.

Recommandations spécifiques aux unités de police constituées : Pour être validées et

certifiées « aptes au déploiement » au sein d’une mission des Nations unies, les unités de

police constituées doivent disposer d’équipements individuels et collectifs qui garantissent

leur autonomie et leurs capacités opérationnelles. La ressource humaine existe mais le coût

des équipements demeure encore trop élevé, freinant ainsi la participation des contingents

police. Dès lors, il parait envisageable d’imaginer un mécanisme tripartite entre les Nations

unies, de potentiels pays africains contributeurs de troupes de police et des pays capables

de préfinancer les équipements, à charge pour ces derniers de se faire rembourser au

prorata de leur engagement financier par les Nations unies. Quoi qu’il en soit, la

sensibilisation des décideurs politiques sur les retombées positives de tels engagements

demeure cruciale.

Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Maîtriser les processus administratifs »

Le DOMP sélectionne les contingents selon une série de critères, au premier titre desquels :

Critères de sélection politiques

1. Pays acceptable par les parties en présence ;

2. Pays non impliqué dans le conflit : il n’est donc pas toujours possible de prendre des

formations locales ;

3. Pays qui s’inscrit dans le principe du respect des Droits de l’Homme ; ce thème est

devenu un axe prioritaire du Chef du DOMP, M. Hervé LADSOUS ;

4. Volonté politique de l’engagement : c'est-à-dire une forte présence au niveau du DOMP

et des Ambassadeurs représentant les pays à New York.

Critères de sélection techniques :

1. Avant de faire des recommandations, le niveau des engagements en cours et des

ressources disponibles du pays en question est évalué. En effet, le pays concerné doit

assurer la continuité et la qualité des engagements présents ;

2. Capacités globales du pays ;

3. Existence d’un sponsor actif, c'est-à-dire d’un pays plus puissant qui va soutenir l’effort

de génération de forces notamment via la fourniture d’équipements, de formateurs

militaires ou spécialisés, de matériel de transport … L’idée étant d’évaluer l’aide

concrète dont peut disposer le pays ;

4. Performances antérieures : la réputation du pays candidat, tant en matière de

constitution des contingents que de la conduite sur le terrain, est prise en compte;

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5. Niveau de préparation difficile à estimer : équipements, personnels (qualité,

disponibilité), formation ;

6. Processus de décision politique parfois trop long, induisant des délais contreproductifs

alors que le facteur « temps » est capital dans la mise en place de ce type d’opérations ;

7. Communication avec le DOMP.

Les processus administratifs : le cadre administratif à maîtriser :

• Résolution du CSNU :

- Mandat

- Tâches de la composante militaire / Effectifs (fixation des troupes)

• Concept of Operations (CONOPS)

- Mandat et tâches de la composante militaire

- Organisation de la composante militaire et des effectifs

• Force Requirements

- Information d’environnement (mission, mandat)

- Tâches

- Organisation

- Effectifs

- Matériels majeurs

- Matériels de vie courante et de soutien de l’homme

• Manuel des Matériels Appartenant au Contingent (COE Manual)

- Texte du Memorandum of Understanding (MOU)

- Catégorie de matériels

- Standards applicables aux matériels

- Modalités de remboursement

Les « Force Requirements » (FR) et le Manuel des Matériels Appartenant au Contingent

(COE Manual) sont interdépendants. Par ailleurs, ce manuel doit être parfaitement connu

des officiers d’état-major responsables de la mise sur pied des contingents.

• Manuel du Bataillon d’Infanterie ONU (UNIBAM) :

Ce guide de la référence capacitaire, dont la traduction française est en cours d’exécution,

énumère les tâches et les capacités attendues. Il aborde les questions d’organisation et

d’équipements : Tâches, Capacités, Outils d’évaluation opérationnelle, TED Générique,

Organisation, Equipement, Déploiement.

Le facteur le plus important dans le suivi de ces divers processus administratifs demeure la

communication, l’essentiel étant de maintenir une relation de qualité, rapide et efficace

entre le Secrétariat de l’ONU et l’Etat-major du pays contributeur de troupes (PCT). Ceci est

particulièrement vrai pour les PCT qui ne disposent pas de conseiller militaire au sein de leur

mission permanente aux Nations unies. Le conseiller en charge des affaires militaires devrait

avoir accès à des points de contacts identifiés et officiels au sein du Ministère de la Défense

et de l’Etat-major. Il doit finalement exister une liaison permanente entre le Ministère des

Affaires étrangères et le Ministère de la Défense, tant pour permettre le succès d’une

candidature, que pour les questions liées à la génération et au déploiement de l’unité. La

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planification demeure aussi un enjeu crucial, ce qui requiert, à terme, une nécessaire

spécialisation des divisions des états-majors.

Schéma des étapes clés du processus administratif relatif à la sélection de contingents

Intervention de M. Alexandre RINAUDO, DOMP – Division Police :

« Politique du DOMP »

1. Présentation de la Division Police : composante et missions

La Division de la Police des Nations unies « UNPOL » participe à 18 opérations des Nations

unies disposant d’une composante de police. Cela représente 12 398 policiers déployés, sur

une force autorisée à 15 000 effectifs ; cet effectif devrait croitre dans les années à venir et

les policiers représenteront des contingents plus importants. Sur cet effectif total, on

dénombre 10% de femmes déployées pour une participation de 84 pays contributeurs. Ces

policiers sont déployés par delà le monde dans plus de 8 missions anglophones et 3 missions

francophones (MINUSTAH, ONUCI, MONUSCO). L’UNAMID au Darfour rassemble à elle seule

sur place 4 877 policiers pour un effectif requis de 6 500 places. S’ajoutent à ce déploiement

ceux relatifs aux Missions de politiques spéciales se déroulant en Libye, Somalie, Iraq,

Guinée Bissau, Sierra Léone pour les missions réalisées par les anglophones, et au Burundi

et en République Centrafricaine pour celles réalisées par les francophones. Plus de 42% de

l’action de la Division Police se déroulent en Afrique, contre 33% en Asie, qui en font les

deux continents les plus demandeurs.

2. Les défis rencontrés

De nombreux problèmes sont rencontrés par la Division dans l’identification et le

recrutement des postes à haute responsabilité du fait de la complexification des missions.

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La demande porte sur des officiers disposant d’une riche expérience notamment pour

pouvoir la transmettre aux forces locales, et sur des officiers capables de s’adapter à la

diversité des modèles et des standards en matière de Police sur le continent africain. L’enjeu

actuel est celui de la qualité des candidatures recherchées et souhaitables, et non leur

quantité. Néanmoins, les experts sont difficiles à trouver : ils sont utiles au niveau national

et leur retour sur expérience en terme de sécurité intérieure n’apparait pas de manière

évidente étant donné la diversité des modèles « police » en Afrique. Par ailleurs, la

féminisation croissante des effectifs constitue un défi supplémentaire, d’autant que la

Division souhaite atteindre un pourcentage s’élevant à 20% de femmes en 2014.

Enfin, les défis capacitaires sont eux-aussi bien présents, du fait d’équipements manquants

ou défaillants. Les problèmes relatifs à la discipline (violence et abus sexuels) sont aussi

récurrents ; ils relèvent essentiellement de la responsabilité des Etats contributeurs qui

doivent former leurs effectifs aux principes exigés par les Nations unies durant leur phase de

pré-déploiement afin d’éviter tout incident sur place.

3. Relever les défis : les accomplissements en la matière

Une Division de la sélection et du recrutement a été mise en place, sous impulsion de la

Conseillère de Police et ses procédures ont été normalisées. Un serveur relevant les

infractions et incidents a également été élaboré de manière à ne pas renvoyer en mission

des éléments qui n’auraient pas respecté les principes onusiens en la matière. Les

interviews peuvent désormais être traduites. Le panel permettant une coopération active

avec l’UA et l’OIF comporte donc au moins un représentant francophone. Des ateliers de

perfectionnement des CV francophones ont aussi été mis en place pour répondre à la

demande onusienne très spécifique. Ce projet sera renouvelé dans les prochains mois pour

les pays qui n’avaient pu y participer. La représentation des femmes est aussi un enjeu

auquel la division a répondu via la mise en place d’une discrimination positive et d’un débat

accru avec l’Organisation internationale des femmes policières. En effet, la confiance des

populations envers le personnel en uniforme se trouve renforcée par la présence de

personnel féminin dans les missions.

4. Les nouvelles procédures de recrutement : la réforme de l’équipe SAT, Selection

Assistance Team

Le SAT a vocation à se rendre dans le pays contributeur pour tester le personnel en

langues/tir/conduite, l’évaluation se poursuivant par des entretiens téléphoniques. Les

procédures suivies par le SAT ont longtemps souffert de dysfonctionnements témoignant

d’un manque criant de normalisation : le SAT opéré dans les pays pouvait se révéler

différent de celui appliqué au sein des missions ; sa durée pouvait être incertaine ; une fois

déployé, le personnel pouvait être évalué à nouveau ; suivant les instructeurs, les

pourcentages obtenus pouvaient subir de grandes variations. Il s’avérait donc indispensable

de revoir complètement ce mécanisme. Les procédures de sélection et de recrutement ont

donc été améliorées et normalisées ; des catalogues de profils permettant au DOMP de

mettre en adéquation les besoins spécifiques et les profils ont été développés. Des Equipes

d’assistance pour l’évaluation et la sélection (SAAT) ont été mises en place pour œuvrer à

l’harmonisation des procédures d’évaluation dans les Etats Membres et les Missions. Un

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test informatique et un test de conduite avec le Manuel de Transports de DFS ont été

ajoutés à l’entretien d’évaluation. La durée de validité du test a été étendue, passant de 18

à 24 mois. Les instructeurs envoyés, certifiés par les Nations unies, rencontrent désormais

les autorités locales pour discuter des problèmes de sélection et de recrutement, et les

documents nécessaires en matière de normes ou de directives à connaître sont remis aux

pays contributeurs.

En outre, toutes les candidatures doivent être soumises par une Note Verbale des Missions

Permanentes dans le délai prescrit et renseigner le formulaire P-11/PHP décrivant :

- L’historique des emplois occupés (description, accomplissements, contribution…)

- La compréhension du poste (JD)

- La certification

Concernant les problèmes médicaux, le formulaire MS-2 doit être rempli et remis à la

Division Police, moins de six mois à partir de la date de déploiement. Il comprend des

résultats d’analyses sanguines ainsi que des radiographies.

Le processus de recrutement diffère selon que la procédure relève :

- de la sélection des policiers individuels « UNPOLs » qui inclut le SAAT

- de la sélection pour les postes dits « professionnels détachés » pour lesquels la

décision finale revient au POLAD, à l’USG ou au SG

- de la sélection des Unités de Police Constituées (FPU) par la négociation du

« Memorandum of Understanding » (MOU) et d’une visite de pré-déploiement.

Une campagne de recrutement pour des policiers « détachés » est généralement conduite

une ou deux fois par an et la période de détachement couvre généralement deux ans. Les

candidats sélectionnés doivent être en service actif, et s’ils sont effectivement retenus, ils

devront être placés officiellement en position de détachement. Jusqu’à récemment, les

unités déployées (FPU) étaient très peu francophones ; désormais, il existe une réelle

volonté de participation francophone qui dépend des places disponibles en missions. Au

moment de la rotation, les FPU sont donc préférentiellement remplacées par des unités

francophones. A cet égard, le travail d’influence des Etats Membres en termes de lobbying

et de connaissances des processus administratifs constituent un avantage non négligeable.

Ce travail, largement réalisé par les pays anglo-saxons, reste à mettre en œuvre dans les

pays francophones.

Intervention de M. Pierre LEVEILLE, Département d’appui aux missions (DAM) : « Répondre aux besoins spécifiques d’équipements et de financements des contingents : Matériel appartenant au contingent, Mémorandum d’accord, contrôle et remboursement (MAC) »

Les responsabilités de la Section des Mémorandum d’accord et demandes de

remboursement sont nombreuses. Elle coordonne, par exemple, la négociation des

mémorandums d’accord entre les pays contributeurs et les intervenants au Siège ; elle

calcule les remboursements au titre du matériel sur la base de mémorandum chaque

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trimestre ; elle évalue et certifie les demandes de remboursement pour lettre d’attribution,

de décès ou d’invalidité, et traite toutes les réclamations des gouvernements ; enfin, elle

clarifie les questions sur les politiques et procédures de remboursement, en organisant

notamment tous les 3 ans des groupes de travail sur le matériel.

1. Principes de base du système de contrôle et de remboursement du MAC

- Souplesse pour répondre aux besoins de chaque pays de manière équitable ;

- Universalité d’un modèle permettant le contrôle financier et la vérification des

comptes ;

- Tous les règlements figurent dans le Manuel du MAC qui régit le contrôle et le

remboursement relatif au matériel appartenant aux forces militaires ou de police

des pays qui participent aux OMP ;

- Ce manuel doit être utilisé avec d’autres mémoires également disponibles en ligne,

tels que les aide-mémoire aux fournisseurs de troupes/police.

2. Le système relatif au MAC se caractérise par :

- Un mémorandum d’accord avec les pays qui fournissent les contingents militaires

ou de police selon diverses formules de location ;

- Des taux de remboursement standards approuvés par l’Assemblée Générale et

décrits dans le manuel relatif au matériel appartenant aux contingents (COE

Manual);

- Révision des taux de remboursement et des règles de procédures (tous les 3 ans)

Plus précisément, l’objet du Mémorandum d’accord est donc, dans un premier temps, de

définir les conditions d’ordre administratif, logistique et financier régissant la fourniture par

le Gouvernement de personnels, de matériels et de services à une mission de paix, et, dans

un deuxième temps, de préciser les normes de conduite des Nations unies applicables au

personnel fourni par le Gouvernement. La formulation d’un Mémorandum d’accord survient

après l’autorisation d’une mission de paix et un échange de notes verbales avec le DOMP ou

encore quand un pays décide de participer à une OMP. Sa négociation est l’occasion de

plusieurs propositions de tableaux organisationnels validés ou non lors de la visite de pré-

déploiement. Le dernier amendement inclut les dispositions relatives à la bonne conduite et

la discipline que doivent respecter les personnels en mission. Dès que le Mémorandum

d’accord est signé, le processus de remboursement s’engage. Il comporte 3 annexes, suivies

des normes de performances :

- L’Annexe A relative au Personnel ;

- L’Annexe B relative au Matériel Majeur :

o Contrat de location avec ou sans services d’entretien et de réparation. Dans le cas

de la « location avec services », le pays contributeur met à disposition des matériel

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majeurs et passe un accord bilatéral relatif à l’entretien avec un autre pays

contributeur Il conclut avec l’ONU un accord de « location avec services ». Dans

l’option « location sans services », le pays fournit toujours le matériel majeur mais

c’est l’ONU qui en assure l’entretien, seule, par sous-traitance ou consécutivement à

la signature d’un mémorandum avec un autre pays. Le remboursement est effectué

selon les normes de performance.

- L’Annexe C relative au soutien logistique autonome (restauration, matériel de

bureau/hébergement/électrique, lutte contre l’incendie, matériel médical…) :

o Remboursement forfaitaire par personne et par mois,

o Remboursement modulaire qui exclut tout remboursement partiel,

o Remboursement des fournitures et du matériel mineur.

La valeur de remboursement de matériel majeur et du soutien logistique autonome est de

810 millions de dollars. Le remboursement n’est déclenché que sur la base de l’envoi des

rapports de vérifications établis par le Commandant du Contingent et l’équipe d’inspection

de la Mission à chaque trimestre. Les paiements sont fondés sur la position de trésorerie

pour chaque mission telle qu’évaluée par le Contrôleur. S’il existe un désaccord entre le

contingent et les renseignements contenus, il faut alors procéder à une requête écrite.

Il est de la responsabilité des Nations unies d’examiner les rapports d’inspection, de signaler

les lacunes ou l’existence de stocks excédentaires, de calculer les montants à rembourser et

de les payer. De même, il est de la responsabilité de la Mission de procéder aux inspections

initiales (dans le mois suivant le déploiement), périodiques (trimestres), opérationnelles

(une fois durant le mandat) et de redéploiement. Les pays fournissant les contingents

doivent, quant à eux, déployer du matériel en état de fonctionnement, signaler les lacunes,

y remédier et aider le personnel de mission à établir les rapports d’inspections périodiques.

Concernant la perte ou le dommage de matériel, divers régimes existent selon que la perte

est due à un acte d’hostilité ponctuel ou un abandon forcé ; dans ce dernier cas, l’ONU

n’assume la responsabilité des articles qu’au dessus de 250 000 dollars. Les incidents hors

faute sont assumés par la partie fournissant le matériel alors que les pertes effectuées

durant le transport ressortent de la responsabilité de la partie ayant organisé ce transport.

Le coût du personnel est établi sur la base mensuelle de 1 028 dollars et comporte des

indemnités de spécialisation. Il devrait être augmenté dans les années à venir. Enfin, la

lettre d’attribution est utilisée pour l’achat de biens et de services auprès des pays

fournissant des contingents, en concurrence avec des sources commerciales. Une filière

spécifique est à suivre pour ce type de remboursement, qui a lieu dans les 90 jours suivant

le paiement. Les demandes d’indemnisation concernant les décès s’élèvent à 70 000 dollars

et les demandes d’indemnisation d’invalidité sont calculées par pourcentage sur cette

même base. Le régime est désormais le même pour tous, indépendamment de l’uniforme.

3. Les défis liés au MAC

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Le principal défi concerne les équipements majeurs, souvent non opérationnels (vieux ou

insuffisamment entretenus) ou inappropriés aux conditions locales. Le manquement à la

sécurité et le faible nombre d’opérateurs qualifiés sont récurrents. On déplore aussi un

manque de génératrices pour opérer à la fois l’équipement et le soutien logistique

autonome. Ce dernier souffre également d’un manque de consommables et d’un nombre

insuffisant de personnel médical, surtout pour les petites unités comme celles de police. En

règle générale, les mesures d’hygiène sont insuffisantes, tout comme les mesures de

prévention. Cette accumulation de détails peut être considérée comme très handicapante

dans la tenue des opérations et peut entraîner des dépenses largement supérieures à celles

initialement prévues.

Intervention de M. PEER DE JONG, Strike Global Services and Sovereign Global Services : « Assister les Etats membres dans leur participation aux OMP »

Cette dernière partie traite d’une forme de nouveauté : le rôle que peut désormais

jouer le secteur privé dans la préparation des contingents, et plus précisément, suivant

l’exemple de la police djiboutienne au Darfour.

M. PEER DE JONG, Directeur de Strike Global Services et Sovereign Global Services, a tout

d’abord dressé un constat global concernant le maintien de la paix: en la matière, il est clair

que le volontarisme des francophones est confronté au leadership anglo-saxon, qui se

traduit notamment par des sociétés américaines formant les contingents africains. Les

personnes à l’origine de ces formations sont souvent d’anciens militaires. De là est née

l’idée d’une association entre civils et anciens militaires pour proposer aux pays

francophones une prestation semblable à celle offerte par les Américains. Si les pays

francophones sont extrêmement volontaires pour participer aux OMP, il existe

malheureusement un réel défaut de préparation (code, standards internationaux, rigueur

extrême de l’ONU) qui nécessite une formation spécifique, des équipements adéquats et

une logistique à toute épreuve. Ainsi, par exemple, pour une unité de police (FPU), il faut

compter au moins six blindés, une trentaine de matériels roulants et beaucoup de

personnel.

StrikeGS est un prestataire de services qui aide à la formation, la logistique, la fourniture

d’équipements, le Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) et à la mise à disposition

d’actifs. StrikeGS n’est pas une société militaire privée, c’est une société française qui

appartient à un groupe entièrement contrôlé par des dirigeants et des capitaux privés

français. Elle est comparable à un partenariat public-privé dans le domaine militaire.

StrikeGS propose des solutions alternatives et rapides pour répondre à une problématique.

Or, l’un des défis auquel doivent répondre efficacement les Etats de manière à être réactifs

demeure celui des financements.

Les activités de StrikeGS :

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- Formation aux opérations de maintien de la paix réalisée par 20 formateurs à temps

plein durant trois mois :

o assistance aux négociations ONU, UA, etc

o financement innovant

o formation sur mesure

o équipements complets et conformes aux normes onusiennes, qualification

ONU et déploiement.

- Logistique opérationnelle des OMP :

o MCO de l’équipement sur zone

o Gestion des déploiements et des relèves

o Base arrière logistique et MCO multi-clients

o Inspections ONU afin d’optimiser les taux de remboursement onusien

L’idée est ainsi d’accompagner tout au long de la mission permanente ces membres, et plus

spécifiquement lors d’épreuves plus délicates que sont notamment les inspections des

Nations unies. Le financement est assuré ainsi que l’équipement dans sa totalité à un prix

attractif, puisque, selon le credo de la société, « nos destins sont liés ».

Modèle d’équipement :

StrikeGS procède à une adaptation stricte aux besoins et aux moyens des contingents, au

meilleur prix par le biais d’appels d’offres internationaux ou de reconditionnement de

matériel, tout en respectant les standards onusiens. Le matériel roulant, bien que bon

marché, demeure donc de qualité, tout comme la relève et le maintien en condition. Par

ailleurs, le matériel est directement livré dans le pays partenaire. Concernant le cas de la

police Djiboutienne, l’accompagnement a été complet et ce type d’aide a généré la

confiance. Il est toutefois préférable que l’Etat conserve la prérogative de cette dynamique.

StrikeSG poursuit donc plusieurs objectifs dans l’offre proposée aux pays souhaitant devenir

contributeurs de troupes :

OBJECTIF 1 - Le développement de la participation aux OMP

Pour les nouveaux entrants, une analyse des besoins ONU et de l’assistance nécessaire à

New York est dressée. Des formations ou la fourniture d’équipements complémentaires

sont aussi proposées. Les unités finalement constituées sont livrées « clés en main ».

L’optimisation des opérations en cours est également recherchée via la formation des

relèves et des équipements. Très souvent, il faut également former les personnels,

notamment à l’arrivée des équipes des Nations unies. Dès lors que le système est en place, il

faut le diversifier et échanger avec la DCSD et d’autres prestataires de formation, de

manière à éviter les offres redondantes et à garantir la complémentarité des formations. Il

n’y a ni compétition ni concurrence avec des dispositifs déjà présents (comme les ENVR). Le

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maintien en condition et la logistique sur zone sont assurés, ainsi que le suivi et

l’accompagnement des membres de la Mission durant les inspections de l’ONU.

OBJECTIF 2 - Concept de bases logistiques multi-clients

StrikeSG dispose d’une base à Djibouti, l’objectif étant qu’elle puisse répondre aux attentes

de soutien logistique pour toutes les forces au Darfour. Il faut répondre aux attentes avec

un taux de disponibilité de 90% pour obtenir un remboursement maximum. StrikeSG a

également l’intention de développer en Afrique de l’Ouest, probablement à Dakar, une

autre base logistique multi-clients en flux tendus qui serait une force de réaction rapide par

le biais d’un stock avancé d’approvisionnement qui permettrait de réduire les délais

d’acheminement. Elle serait aussi constituée d’un service de recherche et de livraison de

pièces, d’une zone de stockage des matériels, d’une compétence technique locale ou

projetable, et serait complétée d’une expertise en termes de transport opérationnel et

d’une équipe de veille logistique. Une telle base permettrait de transposer l’expérience de

Djibouti en Afrique de l’Ouest et éventuellement au Mali. Seules les pièces consommées

sont effectivement payées. Ce soutien se révèle donc très performant et rapide. Toutes les

spécialités sont représentées. StrikeSG dispose de bureaux à Paris, Bruxelles et New York

ainsi que d’équipes de logisticiens et de mécaniciens sur le terrain.

OBJECTIF 3 - Concept de logistique d’urgence

StrikeGS propose une formation et un accompagnement logistique de projection via la

préparation logistique de l’opération: montée en puissance, recherche de matériels,

accompagnement administratif lors de la visite de pré-déploiement.

OBJECTIF 4 - Concept de logistique médicale

La création de structures médicales d’urgence fait aussi partie intégrante des services

proposés.

Discussions

Comme l’a formulé le Général KANDJI et de manière générale « les crises sont au

Sud et les équipements au Nord » ; par conséquent, des propositions comme celles Strike GS

peuvent résolument créer une dynamique et offrir des solutions originales et viables aux

problèmes rencontrés par les OMP. Le Général Babacar GAYE et le Commissaire WAFY le

concèdent : l’initiative de M. PEER DE JONG est séduisante à l’heure où les difficultés dans

ce domaine sont persistantes chez les francophones. Néanmoins, une réalité doit être prise

en compte : la difficulté de l’auto-évaluation chez les francophones. Il y a ainsi un

fondement doctrinal relatif à la mise sur pied des contingents qu’il est essentiel de

maîtriser. Par ailleurs, les structures peuvent être mutualisées entre Etats afin de permettre

une préparation technique adéquate.

Le Général BEHANZIN a fait cas de la future mise en place d’une unité de police (FPU) qui

pourrait être facilitée par l’intervention d’un prestataire privé comme Strike Global. En effet,

les délais sont tels que les banques globales ne seront d’aucun secours. Toutefois, comme

l’a précisé M. PEER DE JONG, l’Etat doit rester le moteur : le Chef d’Etat doit être sollicité et

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avoir pris en compte la problématique politique. Enfin, une préparation spécifique est

nécessaire pour entrer dans la logique Nations unies, qui passe une fois de plus par

l’apprentissage de l’anglais et du français.

Le Général GAYE a conclu cette première table ronde, en soulignant les deux types de

présentations qui ont eu lieu : d’une part, le rappel des règles de l’art et des fondements

doctrinaux de la mise sur pied des contingents, d’autre part, des témoignages de mise en

œuvre ou de réception. De nombreuses solutions en ressortent, notamment sur les

structures qui doivent être en place, voire mutualisées, pour une préparation adéquate et

optimisée.

La question des équipements a été soulignée par M. PEER DE JONG proposant une solution

attractive. La préparation des contingents d’experts doit être améliorée, aussi bien sur le

plan pratique que par le bais d’une politique de l’Etat. Une question semble persister à ce

stade du séminaire : doit-on mettre à disposition nos experts pour le rayonnement du pays

ou les conserver ? L’importance de la relation contractuelle a également été évoquée et

souligne l’importance des experts du maintien de la paix au sein des Etats, domaine qui ne

doit pas devenir déficitaire pour les pays en question. La volonté politique doit donc se

concrétiser en termes de capacités, permettant ainsi aux Etats d’exercer légitimement leur

influence. Une fois la capacité atteinte, le débat se concentre sur la question de la

performance des contingents sur le terrain.

***

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5. Deuxième table ronde : « Les solutions francophones de formations

aux OMP »

Introduite par le Général Mahamane TOURE, Directeur de l’Ecole de maintien de la paix (EMP) de Bamako

Après avoir évoqué les enjeux de la mise sur pied des contingents francophones, il

est nécessaire d’en venir maintenant aux solutions de formations aux OMP. Les

dysfonctionnements structurels apparaissent comme la plus grande difficulté rencontrée

par les troupes. Il est de la responsabilité des pays contributeurs de mettre à niveau

contingents, experts et officiers. Une formation plus spécifique au niveau régional peut être

envisagée dans le cadre des centres d’excellence. L’UA a jugé utile de codifier une

architecture de paix et de sécurité comportant une composante de force en attente dont la

formation est envisagée dans ces centres : elle complète, sans pour autant les remplacer, les

initiatives nationales. Les ENVR, initiées par la DSCD et ensuite ouvertes aux autres

partenaires, jouent un rôle prépondérant. Les présentations de cette table ronde

s’inscrivent dans une dynamique d’approfondissement des forums de Bamako et de

Yaoundé organisés par l’OIF poursuivie lors des réunions de Centres Francophones à Paris

en 2011. Il s’agit de couvrir les domaines suivants, tout en insistant sur les modalités de

prise en compte des spécificités identifiées auparavant: l’éveil à la diversité culturelle, la

compréhension de la sociologie des aires de déploiement des missions et les exigences de

l’interopérabilité linguistique.

Intervention du Général Major Cyprien HAKIZA, Inspecteur général du Ministère de la Défense burundais : « RETEX du Burundi au sein de l’AMISOM »

Après l’écroulement du régime de Siad BARRE en janvier 1991, la Somalie a été

plongée dans une crise sans précédent, du fait de divisions claniques, religieuses et autres

rivalités diverses. La communauté internationale, sous l’égide des Nations unies et de l’UA, a

décidé d’intervenir, suite aux nombreuses violations des droits de l’Homme survenues dans

cette zone, afin de restaurer et stabiliser la paix en Somalie. C’est dans ce cadre que

l’AMISOM (African Union Mission in Somalia) a été mise en place avec la contribution du

Burundi.

L’AMISOM n’est pas une mission de maintien de la paix en tant que telle, c’est une mission

de soutien à la paix, agissant sous le Chapitre VI de la Charte des Nations unies. Elle a pour

mandat de fournir un soutien aux Institutions Fédérales de Transition (TFI) dans leur effort

de stabilisation du pays et d’instauration de dialogue, de faciliter la fourniture de

l’Assistance humanitaire et de créer les conditions propices à la stabilisation de la Somalie à

long terme en vue de sa reconstruction et son développement.

Les tâches dévolues à cette mission sont multiples :

- soutenir le dialogue de tous les intervenants et la réconciliation en Somalie ;

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- fournir une protection et des infrastructures aux TFI ;

- appuyer la mise en œuvre du plan national et de sécurité de la Somalie, en

particulier le rétablissement des effectifs et des formations des Forces de Sécurité

somaliennes inclusives ;

- apporter un soutien technique au désarmement et à la stabilisation du pays ;

- surveiller la situation sécuritaire dans les zones de déploiement ;

- garantir les opérations humanitaires (rapatriement, réintégration des réfugiés…) ;

- protéger le personnel et les équipements (droit de légitime défense).

Les défis rencontrés avant le déploiement de l’AMISOM, tant en termes de sélection, de

formation que de communication ont été nombreux.

1. Les difficultés de la sélection

Elle doit être réalisée de la façon suivante selon le grade du personnel recruté :

- Les hommes de rang doivent répondre à des critères de discipline, d’aptitudes

physiques et mentales.

- Les sous-officiers doivent être choisis suivants des critères de discipline, d’aptitudes

physiques et mentales et de compétences caractérisées par des connaissances

acquises et leur savoir-faire.

- Les officiers doivent répondre aux critères de discipline, d’aptitudes physiques et

mentales, de connaissances acquises, de savoir-faire, mais surtout de leadership

avéré.

2. Les multiples défis de la formation

Le Burundi, encore jeune pays contributeur de troupes, a besoin de l’expérience de pays

partenaires plus expérimentés en la matière et disposant d’instructeurs hautement

qualifiés. Ces échanges ont vu naître des coopérations fructueuses en la matière,

notamment avec les Etats-Unis, au travers du programme ACOTA (African Contingency

Operations and Assistance), ou avec la France, émettrice de formations complémentaires

dispensées par des officiers ou sous officiers spécialisés. Parallèlement, la Grande Bretagne

et les Pays Bas ont aussi participé au développement du centre de formation. Le but est de

préparer le Burundi à prendre la relève totale des formateurs fin 2013. A l’heure actuelle,

vingt bataillons ont déjà pu bénéficier de cette formation de pré-déploiement et dix-huit

d’entre eux ont déjà participé à la mission et acquis une réelle expérience sur le terrain en

matière de maintien de la paix. En complément de cette formation de pré-déploiement,

treize bataillons ont déjà suivi des formations spécialisées (coopération interarmées,

combat urbain, formation de snipers, conduite d’engins blindés, sécurité de l’aviation, etc.).

3. La communication vectrice de confiance

La communication, verbale ou non verbale, permet non seulement de faire passer une

information mais aussi de créer un climat de confiance favorisant le dialogue et l’incitation

mutuelle à agir. On le sait, toute méfiance devient un obstacle majeur à la communication.

Dans le cas plus spécifique de l’AMISOM, la communication inter-contingents se faisait

entre officiers par l’usage de la langue anglaise, rapidement maîtrisée, et par interprétation

de l’anglais au français pour les sous-officiers et hommes de rang. Concernant les échanges

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entre les Somaliens et les contingents, ils étaient difficiles, l’élite étant peu présente et la

population locale ne parlant que très peu anglais. Un interprète était donc nécessaire à

chaque échange verbal ou écrit.

4. Les défis relatifs à la protection des informations et du renseignement

La Somalie présente un caractère plus complexe concernant la protection des informations

puisque de nombreux pro-terroristes difficilement identifiables se mêlent à la population

locale. Ces derniers semblent présents au plus haut niveau du Gouvernement et de la

hiérarchie militaire.

En conclusion, le Général HAKIZA a souligné l’apport capital du contingent burundais à la

Mission, notamment dans la prise de l’Hôpital militaire et du Ministère de la Défense. Ces

deux évènements ont, en effet, changé irréversiblement la réalité sur le terrain.

Aujourd’hui, l’AMISOM et la Force de Défense Somalienne contrôlent les villes et ports

stratégiques du pays et de leurs alentours. Néanmoins, la guerre ne peut être gagnée

uniquement par les armes et la communauté internationale doit désormais aider les

nouvelles autorités somaliennes à asseoir leur légitimité et leur leadership. La confiance de

la population pourra ensuite être gagnée au travers d’une série de projets de

développement aux résultats rapides et convaincants. Enfin, pour le Burundi, la

connaissance du français constitue un atout et non une faiblesse. A cet effet, le pays a mis

en place une Ecole de rayonnement du français au sein de son Institut Supérieur des Cadres

Militaires.

Intervention du Colonel Cheick DEMEBELE, Responsable de l’entraînement et de l’évaluation de la FAA, Commission de Paix et de Sécurité de l’UA : « Etat des lieux général en matière de formation »

En introduction, le Colonel Cheick DEMBELE a souhaité citer un état des lieux réalisé

par le S.E Ramtane LAMAMRA « (…) Les réalités sur le terrain sont souvent plus ambiguës,

se situant dans un « entre deux » de « ni guerre, ni paix ». De ce fait, la communauté

internationale se trouve souvent placée devant des choix délicats : soit attendre la

restauration de la paix pour intervenir, soit prendre les risques nécessaires pour conforter

une dynamique fragile, appuyer les forces de paix et isoler les fauteurs de troubles, à défaut

de ne pouvoir les ramener dans une logique de dialogue et de recherche de compromis ».

Par conséquent, on ne peut préparer le personnel de la même manière pour une OMP et un

autre mandat. Il faut donc créer les conditions de maturation nécessaires pour qu’une OMP

soit déployable.

1. Opérationnalisation de l’Architecture Continentale de Paix et de Sécurité (APSA)

Le Conseil de Paix et Sécurité (CPS) est au cœur de l’architecture de l’APSA. Son efficacité et

ses manquements sont la résultante de l’engagement des Etats Membres, puisque les Chefs

d’Etat et de Gouvernement eux-mêmes concrétisent dans les faits l’Agenda continental de

Paix et Sécurité. Les composantes majeures de l’APSA sont en place mais des insuffisances

demeurent persistantes. C’est pourquoi l’opérationnalisation de l’APSA permettra une

meilleure prise en charge des différentes étapes des situations de conflit, de la prévention

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structurelle à la reconstruction, tout en tirant pleinement profit des initiatives de médiation.

Elle permettra aussi, si nécessaire, la conduite d’opérations de soutien à la paix, y compris

sous forme de déploiements préventifs. Cet édifice demeure donc à parachever grâce à la

formation. Il est aussi nécessaire de mobiliser davantage de ressources au profit de l’APSA,

qui devrait être considérée comme un outil politique agissant au niveau continental. Enfin, il

faudrait optimiser l’usage de ses différentes composantes, y compris le Système Continental

d’Alerte Précoce.

2. Objectifs de la formation : paix et sécurité

Cette formation doit permettre :

- De répondre aux situations d’urgence ainsi que la formulation d’une position

africaine commune sur les situations de crise ;

- De mettre en œuvre des actions qui contribuent à la prévention structurelle des

conflits ;

- D’accroître les capacités d’analyse et d’anticipation des mesures de réponse à

travers notamment des projets à caractère transversal comme le Programme

Frontières ;

- D’assurer la cohérence au niveau continental des capacités notamment par le biais

de la formation PSO qui peut être réalisée par des ENVR ou centre d’excellence ou

lors d’exercices bilatéraux ou régionaux ;

- De procéder à un management stratégique et opérationnel des missions en

partenariat avec les Nations unies (AMISOM et UNAMID).

3. Définition des responsabilités

Les responsabilités se déclinent sur trois niveaux : continental, régional et au niveau des

Etats membres. La détermination de la politique et des directives majeures, l’harmonisation

et la coordination des activités de formation ainsi que la conduite du niveau stratégique de

la formation PSO sont décidées au niveau continental. Au niveau régional, il peut être

proposé des formations PSO complémentaires et spécialisées à travers notamment des

ENVR et centres d’excellence, des exercices bilatéraux ou régionaux ou des échanges inter

et intra-régionaux. Enfin, les Etats membres apparaissent responsables de la formation et de

la mise à niveau des contingents nationaux et d’officiers d’Etat-major. Ils assurent aussi

toute activité de nature à contribuer à la préparation des capacités nationales.

4. Quelques projets au niveau continental

L’UA doit assurer au niveau continental une cohérence des formations dispensées.

Néanmoins, divers obstacles empêchent cette unification théorique. Tout d’abord – et le

Colonel DEMBELE rejoint ici les propos du Dr Nigalé BAGAYOKO – il faut engager les

décideurs politiques les plus élevés et les sensibiliser à cette thématique et à ses avantages

comparatifs. Cela permettra d’améliorer la compréhension des ambassadeurs des membres

non permanents peu familiers de la structure onusienne. Dans un deuxième temps, il

apparaît nécessaire d’établir un catalogue des formations délivrées contenant les objectifs,

le niveau de candidature requis, la méthodologie suivie, et ce, afin d’identifier ces outils et

de leur donner une visibilité importante. En effet, actuellement les formations sont menées

de façon disparate sur l’ensemble du continent et sont fonction du comportement des

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bailleurs de fonds qui se dirigent naturellement vers des aires linguistiques connues, de fait

plus confortables. Pour palier cette hétérogénéité des formations au niveau continental

aussi bien concernant leur programme que leur localisation, plusieurs projets sont en voie

de réalisation :

- Evaluation des besoins en entraînement (TNA pour une plus grande cohérence) ;

- Séminaire des Ambassadeurs de l’UA ;

- Cours de planification Stratégique et de Prise de Décision Politique ;

- Cours de Planification Opérationnelle Militaire (GOP, MPO, OPP…) ;

- Cours de l’UA pour les dirigeants de Hauts Rangs des opérations de la paix (« Senior

Mission Leaders ») ;

- Cycle de formation AMANI AFRICA II (FTX en 2014).

A l’issue de cette présentation, le Général TOURE a souligné l’existence du Fonds de la paix,

un mécanisme identifié mais dont les ressources (0.05% des droits de douanes) sont placées

sur un compte bancaire maîtrisé par les Etats. Dès lors, les agendas spécifiques de chacun

empêchent toute prise de décision ou utilisation de ces ressources à une échelle plus

globale. C’est un des problèmes supplémentaires rencontrés par cette architecture

continentale.

Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne : « Présentation du concept d’Ecoles Nationales à Vocation Régionale (ENVR) »

1. Le concept d’Ecole Nationale à Vocation Régionale (ENVR)

Les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) proviennent d’un concept

continental désireux d’africaniser la formation, en l’adaptant à la fois à l’environnement et

aux moyens des pays africains. Leur création a donc pour but de développer des structures

de formation dans les pays africains tout en répondant à la raréfaction de ces formations en

France.

Le principe du partenariat régit la mise en place de ces écoles : le pays hôte s’engage à

assurer les coûts en termes d’infrastructures et d’encadrement, et la France prend en

charge les coûts relatifs à la formation, l’appui technique et l’expertise nécessaire. Ce

partenariat repose sur un engagement concernant la qualité de l’enseignement et la valeur

des diplômes, qui est la même qu’ailleurs. La répartition des places permet un quota assuré

d’un tiers de stagiaires provenant du pays hôte et de deux tiers de stagiaires continentaux.

La sélection des stagiaires relèvent de processus rigoureux et transparents. Enfin, une

convention est signée entre le pays partenaire et la France, fixant les droits et devoirs de

chacun. La répartition des rôles est donc clairement établie, ce qui assure la viabilité du

concept.

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Les ENVR possèdent ainsi des caractéristiques spécifiques. Elles constituent un outil de

rayonnement tant pour la France et que pour le pays hôte, l’accueil et le savoir-faire de ces

pays étant ainsi mis en exergue. Elles sont aussi des structures réactives et légères qui

peuvent évoluer et dispenser de nouvelles formations comme par exemple des cours

spécifiques à la reconstruction de l’armée malienne. Enfin, elles constituent un outil au

service de l’AAPS (Architecture africaine de paix et de sécurité) en s’érigeant en véritable

facteur d’intégration et d’imbrication continentales. En outre, ces écoles sont facilement

éligibles à des financements de partenaires souhaitant s’investir dans un domaine

spécifique.

2. Le réseau d’ENVR existant

- Relatif à la formation militaire générale : Ecole navale de Bata dernière née en

Guinée Equatoriale, l’Ecole d’Application d’Infanterie de Thiès, l’Ecole d’Etat-major

de Libreville et le Cours Supérieur Interarmées de Défense de Yaoundé ;

- Relatif à la formation militaire spécialisée : Ecole militaire technique de

Ouagadougou, l’Ecole Militaire d’Administration de Koulikoro, le Pole Aéronautique

National à Vocation Régional du Cameroun et l’Ecole Génie-Travaux de Brazzaville ;

- Relatif au domaine spécifique de la santé et à la formation de médecins : Ecole du

Service de Santé des Armées à Lomé, l’Ecole d’application du Service de Santé

Militaire au Gabon et l’Ecole des Personnels Paramédicaux des Armées à Niamey ;

- Relatif à la formation de sécurité intérieure : l’Institut Supérieur d’Etudes de

Protection Civile de Ouagadougou qui soutient la dimension cruciale de la

protection civile des populations, le Centre de Perfectionnement aux Techniques de

Maintien de l’Ordre d’Awaé et le Centre de Perfectionnement de la Police Judiciaire

au Bénin ;

- Relatif aux OMP : l’Ecole de Maintien de la Paix de Bamako devenue école

internationale, le Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de

Déminage et de Dépollution de Ouidah qui a vocation à devenir aussi une école

internationale et l’Ecole Internationale des forces de Police (EIFORCES) d’Awaé qui a

absorbé une ENVR forces de police.

Le cas des écoles relatives au maintien de la paix illustre le phénomène

d’internationalisation des ENVR, du fait de l’arrivée de partenaires multiples. Elles

témoignent à la fois de l’évolution de la présence française mais aussi de sa normalisation

parmi d’autres partenaires. La notion de partenariat devient donc celle de multi-

partenariats entre plusieurs pays. Dès lors, la France peut aussi soutenir des initiatives sans

en être forcément à l’origine. Cette ouverture à de nouveaux partenaires permet un

échange avec le monde non francophone, l’élargissement des contributeurs, et, de fait, des

contributions, ainsi que l’extension des domaines de formation (3ème dimension, spécialités

techniques) rendue possible par la mutualisation des coûts. En conclusion, le Général

TOURE abonde dans le sens du Colonel de REVEL : le principe d’ouverture des écoles aux

financements internationaux, notamment dans le cadre européen, semble assurer un avenir

prometteur à ces centres de formation.

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Intervention du Lieutenant-colonel Gilbert LOSSITODE, Directeur du Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et de Dépollution de Ouidah « Présentation du CPADD, un exemple d’ENVR »

Le Lieutenant Colonel Gilbert LOSSITODE dirige le Centre de Perfectionnement aux

Actions post conflictuelles de Déminage et de Dépollution (CPADD) de Ouidah depuis juillet

2012. Dédié tout d’abord à la sous-région ouest africaine, le CPADD a étendu ses activités à

l’ensemble du continent et est devenu une référence dans le domaine du déminage

humanitaire. Toutefois, une réévaluation de ses moyens est devenue nécessaire, afin qu’il

puisse se perfectionner.

1. Le déminage humanitaire : une problématique mondiale

Les problèmes posés par les mines, les restes d’explosifs de guerre (REG) et les engins

explosifs improvisés (EEI) prennent de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui, plus de 59 pays

dans le monde sont affectés par la présence de ces explosifs sur leur territoire. Selon la

Campagne internationale de l’action contre les mines (ICBL), 4 286 personnes ont été

victimes de mines ou d’EEI en 2011. En Afrique, ce sont plus de 15 pays qui demeurent

touchés par cette problématique. Aussi la formation d’experts en déminage humanitaire

est-elle devenue un défi à relever. Le déminage humanitaire, différent du déminage

militaire, consiste à enlever les engins explosifs sur l’ensemble des territoires contaminés,

permettant ainsi de restituer des terres aux populations et d’appuyer les programmes de

développement. Le déminage humanitaire est effectué par des opérateurs militaires et civils

dans le but d’établir des territoires pacifiés où la sécurité devient maximale. Etant donné

une méthode de progression lente, le taux d’éradication suivant cette méthode apparaît

total.

2. Les missions du CPADD

Le CPADD est né d’une initiative bilatérale franco-béninoise. Sa réalisation a été animée par

la volonté de donner une suite concrète au séminaire de Bamako organisé par le Mali en

février 2001. Ce séminaire, s’inscrivait dans le cadre de la Convention, dite Convention

d’Ottawa, sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des

mines antipersonnel et sur leur destruction. Son objectif majeur était d’appeler l’ensemble

des pays africains, Etats Parties à la Convention, à mettre en œuvre, de manière pleine et

entière, leurs engagements, notamment à travers la coopération régionale. C’est ainsi

qu’avec le soutien de la France, le Bénin, en parfaite cohérence avec les termes de la

Convention d’Ottawa, et pour montrer sa détermination à lutter concrètement contre le

danger des mines en Afrique, a crée le CPADD.

Le champ d’action du CPADD s’étend sur trois des cinq piliers de « la lutte anti-mines » :

- Education au danger des mines ;

- Enlèvement et élimination des mines et REG ;

- Destruction des stocks ;

- Assistance aux victimes ;

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- Plaidoyer contre l’emploi des mines antipersonnel.

Les moyens, dont dispose le CPADD, sont de plusieurs ordres :

- Encadrement international composé de spécialistes en déminage expatriés en

provenance de France ou d’ONG, du Bénin ou des pays africains partenaires. Dans

ce dernier cas, il peut s’agir d’anciens stagiaires de l’école qui reviennent pour

participer à l’encadrement et la formation de nouvelles promotions ;

- L’école dispose d’un environnement adapté et offre de nombreuses facilités

relatives à l’hébergement et la formation des stagiaires. De plus, tous les

équipements utilisés dans le cadre de la formation sont conformes aux normes

internationales ;

- Le Centre est essentiellement financé par les gouvernements béninois et français,

même si la formation des stagiaires en provenance des ONG et du CLAM demeure

prise en compte par les bailleurs de fonds.

Le CPADD possède trois types de partenaires :

- Organismes de formation ou assimilés, tels que la Division de formation au

déminage de l’Ecole du Génie d’Angers (ESAG) ou le Centre de formation de lutte

anti-mines de Nairobi (IMATC). Par ailleurs, des contacts ont été pris avec le

Humanitarian Demining Training Center (HDTC) aux Etats-Unis et le Département de

lutte anti-mines de Cranfield University ;

- Acteurs opérationnels tels que les Unités de forces africaines en attente qui

bénéficient des formations du CPADD, ainsi que, plus récemment, les cadre des

ONG et des Centres de lutte anti-mines ;

- Acteurs institutionnels dont le Centre International de Déminage Humanitaire de

Genève (CIDH-G), la Commission nationale pour l’élimination des mines

antipersonnel (CNEMA), l’UNICEF et, dans un futur proche, une coopération avec le

service anti-mines des Nations unies (UNMAS) est envisagée.

3. Les formations proposées par le CPADD

Les formations proposées sont conformes aux normes internationales, pluridisciplinaires,

modulables et transposables dans les pays partenaires. Sur ce dernier point, le CPADD a la

possibilité de déployer des formateurs dans les pays affectés par le problème de mines et

qui en feraient la demande.

Neuf stages sont proposés au sein du CPADD :

1. EOD/NEDEX (niveau 1) ;

2. EOD/NEDEX (niveau 2) ;

3. EOD/NEDEX (niveau 3) ;

4. Inspecteur d’assurance et contrôle de qualité ;

5. Chef de chantier de déminage ;

6. Techniques de base de déminage et dépollution ;

7. Remise à niveau des formateurs ;

8. Education et prévention au danger des mines ;

9. Cours de Management.

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Ces stages s’adressent non seulement aux hommes et femmes des Forces Africaines en

Attente, des organisations internationales, des Centres nationaux de l’action contre les

mines et des ONG, mais aussi aux autres acteurs civils de l’action contre les mines. Les

stagiaires formés à ce jour proviennent de 19 pays africains francophones, et depuis août

2007, 8 pays anglophones et lusophones ont rejoint la liste des pays bénéficiaires de la

formation.

4. Les perspectives d’évolution du CPADD

- Renforcement de la coopération ;

- Organisation de nouveaux modules de cours complétant la formation actuelle

(Engins explosifs improvisés, déminage mécanique, remise à disposition des

terres…) ;

- Ajustement structurel et organisationnel du CPADD.

Depuis sa création en 2003, le CPADD a formé de nombreux spécialistes contribuant ainsi à

l’éradication du fléau des mines dans le monde. L’appui que lui procurent ses partenaires,

au premier titre desquels la France et le Japon, lui a permis d’accroître ses capacités et la

qualité de l’instruction dispensée. Le CPADD s’est ainsi érigé en référence africaine dans le

domaine de la formation aux techniques du déminage humanitaire, mais de nombreux

aspects restent à parfaire.

Intervention du Colonel Henri DIOUF, Directeur de l’Ecole d’Application

d’Infanterie (EAI) de Thiès « Plus-value et contribution des ENVR dans

les solutions francophones de formation aux OMP » Jusqu’à peu, les conflits impliquant des intervenants francophones demeuraient

rares. Consécutivement aux crises en Lybie et au Mali, la France semble avoir pris une

nouvelle posture et se situe désormais en première ligne aux côtés de ses partenaires dans

la défense des droits de l’homme ou le règlement des conflits. Dans ce cadre, l’action

conjointe de la France avec ses partenaires pourrait valablement s’appuyer sur

l’interopérabilité acquise au sein des ENVR, et notamment l’EAI, dédiée au maintien de la

paix. L’EAI apparaît ainsi au centre du système de formation, contribuant au renforcement

des capacités de maintien de la paix des pays partenaires. Par son action et son

enseignement, elle concourt à favoriser la standardisation des procédures de renforcement

de l’interopérabilité des armées sous-régionales. Quelque soit le niveau de formation

dispensée, le programme de l’EAI comporte une instruction tactique générale adaptée aux

actions de coercition et aux opérations de soutien de la paix (OSP), des exercices tactiques

spécifiques et un module de formation au droit international humanitaire. Ces trois

exercices permettent de former des cadres à leurs responsabilités juridiques dans le cadre

onusien, régional et sous-régional.

En 28 ans d’existence, l’Ecole a pu former 1 110 cadres de 26 pays différents, même si les

partenaires traditionnels demeurent le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun ou le Burundi.

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C’est pourquoi, compte tenu du nombre important d’officiers formés, l’EAI est un facteur

important de l’intégration des cadres et des élites de demain au sein d’une force de sécurité

commune. Par sa puissance de standardisation des procédures et d’apprentissage de

l’interopérabilité, l’EAI est capable de jouer un rôle déterminant dans l’harmonisation de la

procédure opérationnelle globale des pays de la CEDEAO.

Intervention du Professeur Albert-Claude BENHAMOU, Délégué

interministériel pour l’éducation numérique en Afrique, assisté du

Professeur François BOCQUET : « Présentation et démonstration du

programme SANKORE »

Le programme Sankoré d’éducation numérique pour tous en Afrique s’inscrit dans la

cadre de la contribution française au partenariat franco-britannique destiné à atteindre les

Objectifs du Millénaire en matière d’éducation sur le continent africain. L’objectif de ce

programme est de faire progresser le système éducatif, aussi bien dans le primaire que le

supérieur ainsi que le cadre professionnel. Pour atteindre ces objectifs et répondre au défi

de l’éducation de masse en Afrique, l’utilisation des moyens modernes et de l’éducation

numérique est indispensable. Néanmoins, les outils créés doivent être adaptés à

l’enseignant pour lui permettre de créer ses propres ressources afin de les partager au sein

d’une communauté éducative.

A cette fin, la France a crée une Délégation Interministérielle pour l’Education Numérique,

dirigée par le Professeur Albert-Claude BENHAMOU. Elle a permis de tisser les coopérations

nécessaires avec les administrations africaines et les partenaires concernés pour soutenir ce

projet qui a été conçu pour et avec les Africains. Cette coopération a permis la conception

du logiciel gratuit « Open Sankoré » en partenariat avec l’Université de Lausanne. Il est

téléchargeable en ligne et a été traduit en vingt-six langues, notamment en arabe et en

chinois. Il a connu un grand succès à Taiwan. Ainsi, la méthode Sankoré et son équipement

de base constitué d’un ordinateur, d’un vidéoprojecteur et d’un Tableau Numérique

Interactif (TNI), ont été installés massivement, notamment dans plus de 300 classes

numériques au Sénégal. Ces classes n’ont besoin que d’un tableau noir pour pouvoir

installer cette ressource numérique éducative. L’enseignant n’a nullement besoin de

connaissances spécifiques en informatique, il doit seulement avoir été familiarisé avec

l’interface.

La nouveauté de la « Méthode EN AVANT » réside dans la nature du programme disponible

sur le logiciel ; il s’agit d’apprendre le français aux militaires africains en utilisant les

équipements de Sankoré, méthode dérivée d’une méthode connue par l’OIF : l’élaboration

des connaissances est plus efficace en usant de graphisme et d’une implication collective.

L’équipement de base nécessaire se chiffre à 1 000 euros : il ouvre les portes d’un accès au

savoir libre et gratuit en phase avec les dernières résolutions de l’UNESCO. Le but étant

d’arriver à la création d’un corpus multilingue de ressources et de savoirs libres, disponibles

pour tous. Comme l’a souligné M. NORMAND, Ambassadeur de France au Sénégal, lors de la

visite d’une classe numérique par le Général CLÉMENT-BOLLÉE et le professeur M.

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BENHAMOU à Saint Louis : « il n’y a désormais plus de décalage dans le temps entre ce que

l’on peut apprendre dans un pays plus moderne et ici à Saint Louis ».

Intervention du Lieutenant-colonel Richard ZABOT, Service de formation

intégrée de l’ONU : « Validation onusienne des formations »

La Résolution de l’Assemblée Générale 49/37 dispose que la formation est une

responsabilité partagée. Le rôle des Nations unies est donc essentiellement d’établir un lien

entre chaque acteur du processus et de veiller à l’évaluation et à la documentation de ces

formations. Le service de formation intégrée (SFI) a pour cœur de mission la mise en place

d’un soutien à la formation, tandis que les TCC sont responsables de la formation du

personnel affecté à des opérations de maintien de la paix. Enfin, les autres services et

agences des Nations unies sont responsables des formations plus techniques et spécifiques.

Dès 1994 a été posé le principe suivant lequel « la formation du personnel affecté à des

opérations de maintien de la paix relève essentiellement de la responsabilité des Etats

Membres ». En 2010, une politique de formation de l’ensemble du personnel du maintien

de la paix a été mise en place, visant à la définition des formations à dispenser afin d’en

optimiser l’efficacité. En 2012, une évaluation des besoins en formation a permis de

déterminer les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être pour une mise en œuvre effective

du mandat. Cette évaluation a également procédé à l’identification des lacunes que la

formation pourrait corriger et souligné les besoins en compétences linguistiques.

Sa mission principale étant dédiée au soutien à la formation, le SFI doit :

- Etablir des normes, développer et diffuser le matériel de formation ;

- Conduire des « Formations de formateurs » et des « Reconnaissances de la

formation » ;

- Fournir des conseils aux centres intégrés de la formation de la mission (CIFM) ;

- Développer et délivrer une formation à la Direction et la Gestion des OMP.

Chaque année, plus de 200 000 personnes sont ciblées pour recevoir ces formations

génériques et spécialisées relatives au maintien de la paix. Afin de remplir cet objectif, le SFI

doit améliorer la circulation de l’information et favoriser l’interaction avec les Etats

Membres.

L’architecture de la formation de pré-déploiement est la suivante : la formation

fondamentale (Core Pre-deployment Training Materials, CPTM) demeure le préalable à

toute autre formation spécialisée telle que militaire, police ou la formation intégrée relative

à la protection des civils.

� La formation fondamentale au maintien de la paix comporte 4 unités adaptées à

différents publics :

- Unité 1 : Aperçu stratégique

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- Unité 2 : Etablissement et fonctionnement OMP-NU

- Unité 3 : M/O (Etablissement en moyens et objectifs) du Mandat et Fondamentaux de

pré-déploiement

- Unité 4 : Standards et sécurité du personnel des Nations unies en OMP

Bien que considérée comme obligatoire, la formation à l’aperçu stratégique n’a été

dispensée en réalité que pour 20 à 30% des soldats.

� Plus récemment, un cours dédié aux experts militaires en mission (MEOMs STM) que

sont les observateurs militaires, les conseillers militaires et les officiers de liaison, a été

mis en place. Il comporte également 4 unités :

- Unit 1 : Investigation, Verification and DDR

- Unit 2 : Mediation, Negotiation and the Use of language assistants,

- Unit 3 : Liaison and Media Relations,

- Unit 4: UN SOPs for reporting

� Le module de formation spécialisée pour la police, qui doit être revu, traite à l’heure

actuelle des normes relatives aux droits de l’Homme en matière d’emploi de la force et

en matière d’arrestation et de détention, de la navigation terrestre, du tutorat et du

conseil, de sécurité routière, de la Police des Nations unies et les différents systèmes

juridique

� Le module de protection des civils intégré dans l’essence même du mandat a été lancé

en 2011 pour le volet opérationnel, et sera effectif en 2013 concernant l’aspect

tactique. Parallèlement, une formation sur les unités de police constituées est en cours

de développement avec la Division Police du DOMP

� Des cours de base pour officiers d’état-major sont également disponibles et destinés à

faciliter l’interopérabilité. Tout comme le manuel pour les Bataillons d’infanterie

(UNIBAM), ces cours ne sont disponibles qu’en anglais pour le moment

� UN-CIMIC STM : Formations pour les officiers CIMIC déployés en Mission et les officiers

de liaison affectés auprès des agences humanitaires de l’ONU

Training for Senior Mission leaders.

� Civilian pre-deployment training

� Des cours sur les relations civilo-militaires sont aussi en cours de préparation et

devraient être disponibles au printemps 2013

D’autres outils sont mis à la disposition des Pays membres et des Missions permanentes afin

d’assurer un bon niveau de préparation des contingents :

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� Formation de Formateurs, dont l’objectif est de diffuser les cours développés par les

Nations unies auprès de formateurs nationaux. Elle comprend obligatoirement un cours

fondamental « Modules Pour La Formation Obligatoire Préalable Au Déploiement »

(CPTM) et un cours spécialisé (STM)

� Reconnaissance de la formation dont l’objectif est de vérifier que les cours dispensés

sont conformes aux normes des Nations unies. Elle permet l’obtention d’un certificat

valable 4 ans

� Déploiement d’équipes mobiles de formation au maintien de la paix, de façon à

apporter un soutien direct aux programmes de formation militaire

� Base de données sur le maintien de la paix : http://peacekeepingresourcehub.unlb.org

� Une plateforme pour la communauté pratique, permettant un échange d’informations

entre pays membres enregistrées sur l’interface : https://pktcop.unlb.org

Au regard des outils déjà existants, des pistes sont encore à explorer pour rendre la

coopération entre les Nations unies et les Etats Membres toujours plus fructueuse. Ainsi,

l’adaptation aux normes onusiennes doit se poursuivre sur la base des cours dispensés par

les Nations unies tout en favorisant une interopérabilité grandissante des forces. Elle peut

passer notamment par la reconnaissance des formations dispensées, qui, si elles sont

conformes aux standards, permettent à la fois le rayonnement du centre et une meilleure

diffusion des cours et des valeurs onusiennes. En dernier lieu, l’organisation de formations

bilingues de formateurs devrait être envisagée, avec des officiers maîtrisant le français et

l’anglais. Ces axes d’effort permettront de renforcer la présence des francophones sur les

différents réseaux existants.

Discussions

Les officiers d’Etat-major doivent avoir les compétences nécessaires pour devenir

des références. Or, c’est le manque d’appropriation de ces compétences par les Etats qui

fait actuellement le plus cruellement défaut dans le maintien de la paix. L’Ecole de Thiès

devrait arriver à faire un exercice de cadres « maintien de la paix ». En matière de

formation, les anglophones africains sont largement en avance sur les francophones. C’est

un fait, il faut donc les rattraper à marche forcée.

Le Dr Niagale BAGAYOKO profite de l’occasion pour informer les participants du lancement

d’un site internet dédié à la formation francophone au maintien de la paix, le réseau RIFOP

(Réseau des Instituts Francophones de Formation au Maintien de la Paix). L’idée est de

mutualiser l’ensemble des ressources présentées, ressources qui existent mais qui sont peu

valorisées à l’extérieur, y compris auprès des Nations unies. Cette diffusion se fera en lien

étroit avec ces écoles et les Nations unies. Un espace privé dédié sur cette plateforme

permettra de constituer des viviers d'instructeurs francophones. A ce titre, l'adaptation de

la méthode « En Avant ! » à l'auto apprentissage est une idée à exploiter. Ces formations

doivent être complétées par la participation à des opérations.

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Comme spécifié par le Général Major Chris DOVLO, une plateforme commune, tout comme

le partage de matériel, existe déjà entre écoles. Au Ghana, l’école forme les stagiaires au

maintien de la paix, en passant par une formation initiale dans un premier temps, puis

spécialisée, garantissant aux stagiaires un cursus complet. Les bataillons doivent être

composites et leur renouvellement doit être pensé. Enfin, les écoles francophones doivent

être plus visibles sur la scène internationale et s’intégrer dans les formations existantes, ou

à des rencontres comme celles de l’APSA. De nombreuses bases de données ont été créées

mais elles doivent être coordonnées.

Le Commissaire WAFY a précisé avoir bénéficié de nombreuses formations évoquées lors de

l’intervention de M. ZABOT. Ces formations sont de très haut niveau, mais l’ensemble de

l’enseignement est réalisé en anglais. Dans ces conditions, il est donc difficile de favoriser la

participation francophone. Il faut donc que le département des langues, disposant de

l’intégralité des outils nécessaires, s’adapte à cette formation des personnels francophones.

L’effort doit porter davantage sur l’amélioration de la préparation individuelle des

francophones que sur la formation globale des contingents.

Comme l’a ajouté le Général CISSE, la guerre ne peut être uniquement gagnée par les

armes, Aujourd’hui, c’est majoritairement la pauvreté qui mène à des actes illégaux ; c’est

pourquoi une formule parallèle à la guerre doit être trouvée. La dépollution, le déminage

sont des méthodes cruciales, qu’il faut perfectionner, comme c’est le cas avec le déminage

aérien.

Le Général AMOUSSOU soustrait à la problématique des bases de données, mais le vrai

problème semble résider dans la trop grande mobilité des cadres formés qui rend

impossible la capitalisation des formations données et entraîne une forte déperdition des

compétences. Il est donc indispensable d’acquérir une meilleure maîtrise des profils de

carrières. La seconde observation met en valeur les ENVR, qui délivrent des formations post

initiales ; le problème se situe plutôt au niveau des formations initiales qui ne disposent que

de peu de ressources ou forment trop d’officiers par an. Il faut travailler à l’avenir dans le

sens de l’intégration des formations et s’orienter vers des écoles régionales de formations

initiales, qui pourront être bilingues. Le Général PEREIRA a abondé en ce sens et déploré le

risque de fuite des formateurs et le manque de sédimentation des connaissances qui en

résulte. A cet égard, un ajustement des programmes de formation doit permettre

d’harmoniser les niveaux des personnels formés. Il s’agit d’accéder à une juste répartition

entre formations génériques et formations spécialisées.

***

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6.Déjeuner-débat

Conférence du Colonel Léon TRAORE, Représentant du Chef d’Etat

Major Général des armées au Burkina Faso : « Difficultés des

contingents francophones en zone arabophone : témoignage du

Burkina Faso au Darfour »

Les opérations de soutien à la paix se tiennent dans des contextes et des

environnements particuliers, mêlant différents acteurs de la défense et de la sécurité, qui ne

peuvent pas toujours aisément communiquer du fait de la diversité linguistique propre à

l’Afrique. C’est à ce défi linguistique qu’ont été confrontés les contingents burkinabés au

Darfour en zone arabophone.

ENVIRONNEMENT DES CONTINGENTS BURKINABE AU DARFOUR

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Mission conjointe des Nations unies et de l’Union

africaine au Darfour (MINUAD) et à la requête ce des deux organisations, le Gouvernement

du Burkina Faso a offert aux Nations unies le déploiement depuis août 2009 d’un contingent

militaire de 800 hommes et femmes, et, depuis décembre 2010, d’un Escadron de

Gendarmerie de 140 personnes. Ces contingents sont chargés de la protection des

personnels des Nations unies (MILOBS, UNPOL, personnels civils, ONG…). La langue anglaise,

consacrée langue de travail selon le CONOPS, demeure la seule utilisée dans les relations de

travail, les échanges interpersonnels et dans les documents officiels.

LES DIFFICULTES DE COMMUNICATION (INTERPERSONNELLE ET OFFICIELLE)

Le manque de respect du principe d’égalité et d’équilibre dans l’utilisation des langues de

travail de l’ONU constitue la première difficulté qu’ont rencontrée les contingents

burkinabés au Darfour. Le CONOPS de la MINUAD impose l’anglais comme langue de travail,

de ce fait, les efforts à déployer le sont uniquement par les francophones. Dès lors, les

difficultés de communication interviennent à deux niveaux distincts.

(1) Les difficultés de communication interpersonnelle sont constituées par les obstacles

liés à la langue entre le personnel du contingent et les autres acteurs de la mission. A

titre d’illustration, lors des patrouilles, des chefs de section burkinabè francophone ont

eu beaucoup de mal à communiquer avec les MILOBS et les UNPOL anglophones. De

même, lors des inspections, des visites d’autorités ou en cas d’incident nécessitant une

enquête et impliquant le contingent, l’usage de l’anglais est obligatoire, tout comme

lors des briefings et discours officiels.

(2) Les difficultés de communication officielle ont été révélées notamment durant la

rédaction des rapports de travail. En effet, les Commandants des contingents burkinabè

reçoivent et transmettent des instructions écrites ou verbales avec leur hiérarchie selon

des normes et des usages anglophones. Par la suite, la rédaction des documents selon

les normes de la correspondance militaire française bute sur l’incompréhension des

anglophones qui pensent à tort que les francophones accusent des insuffisances en

cette matière. En réalité, cet aspect, relevant plus de la forme que du fond, demeure

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essentiellement culturel. L’appréhension et la résolution des questions diffèrent selon

que l’on est anglophone ou francophone.

SOLUTIONS

Considérant le schéma d’une mission se déroulant en milieu anglophone, le

Commandement militaire burkinabé de la MINUAD a, lors de la sélection des personnels

destinés à intégrer le groupe de commandement, désigné des personnels ayant une assez

bonne connaissance de la langue anglaise. De même, sur le terrain, les personnels

maîtrisant l’anglais ont été employés de manière optimale comme lors des inspections

techniques, des visites officielles et des missions particulières, et ce afin de limiter toute

déperdition liée à la langue.

Au delà d’un recrutement sélectif et tenant compte des caractéristiques de la mission,

l’apprentissage et la remise à niveau, rendus obligatoires au niveau du personnel

d’encadrement, constituent aussi une solution. Ils se font à l’aide des cours d’anglais

dispensés par le Centre de Langues des Armées. Enfin, afin d’accroître le nombre des

personnels militaires parlant anglais, les stages de cadres militaires burkinabè doivent

privilégier l’immersion dans un milieu anglophone. Tout comme au niveau national,

l’apprentissage de l’anglais est encouragé, pour être en phase avec l’environnement

international caractérisé par l’usage quasi généralisé de l’anglais.

Le respect du principe d’égalité et d’équilibre dans l’utilisation des langues de travail de

l’Organisation des Nations unies, ainsi que l’encouragement au bilinguisme des contingents

francophones et anglophones devraient permettre de minimiser les difficultés de

communication au sein de la MINUAD. En tout état de cause, il importe que les capacités

des contingents soient renforcées en anglais, dans la mesure où cette langue semble avoir

pris le pas sur les autres dans les OSP.

En conclusion, même si, pour le Général GAYE, le monde anglo-saxon apparait clairement

unijambiste, le monde francophone se doit de pratiquer une certaine ouverture ; mais, du

fait d’un passé très riche, il possède encore un avenir certain. Comme le souligne le Général

HAMADIKO, des spécificités françaises, comme l’emploi des gendarmes, se pérennisent, et

avec elles, l’espoir que les anglophones puissent, eux-aussi, réaliser un effort.

***

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7. Troisième table ronde : « Agir ensemble sur le terrain : la question

linguistique »

Introduite par le Général Fernand AMOUSSOU, ancien Commandant de

l’ONUCI

La prise en compte de la capacité des différents contingents à communiquer est

aujourd’hui nécessaire à la recherche d’efficacité. Un constat est à souligner : il faut

communiquer dans la langue officielle du pays hôte. Par conséquent, les pays francophones

doivent renforcer leurs capacités de maintien de la paix de manière à pouvoir être

davantage sollicité.

A Addis-Abeba, les défis ont été identifiés et il s’agit aujourd’hui d’élaborer des solutions.

Pour autant, la participation des troupes des pays voisins, mêmes francophones, n’est ni

une solution, ni une obligation. Elle peut même, au contraire, entamer la crédibilité de

l’opération de maintien de la paix.

Pour qu’une mission soit efficace, elle nécessite de l’interopérabilité, notamment

communicationnelle : travailler ensemble sur le terrain. A cet effet, les mesures préconisées

par les Nations unies, l’UA et la France doivent pouvoir contribuer en ce sens à la

préparation et l’interaction des contingents. A ce titre, la vision du DOMP sur la question de

la préparation des contingents, tout comme les solutions proposées par l’OIF et la DCSD en

la matière, sont essentielles.

Intervention de M. Gérard HAUY : « Le point de vue du DOMP »

Le DOMP ne dispose pas de politique linguistique prédéfinie, mais face au bilan

actuel, il tâche de trouver des solutions aux différents défis liés aux OMP. Le déficit de

troupes francophones dans les pays francophones où se déroule l’essentiel des missions est

criant. Néanmoins, du fait d’un déficit de ressources, beaucoup de pays africains ne peuvent

déployer des troupes parlant massivement le français. Ce problème n’est pas uniquement

spécifique aux francophones, puisqu’il touche aussi les arabophones au Darfour.

Pour combler ce défit capacitaire, la fourniture d’assistance sur place se trouve limitée par

les contraintes budgétaires et structurelles qui empêchent toute visite préalable à celle de

pré-déploiement. Les défis linguistiques peuvent être relevés via la traduction des

documents onusiens et des séminaires visant à la maîtrise des outils disponibles, comme

celui planifié en avril à Dakar : le « Manuel du Bataillon d’Infanterie » par le bureau des

affaires militaires. Par ailleurs, le recrutement de francophones, encore faible actuellement,

pourrait être augmenté si les postes soumis à interview étaient davantage préparés par les

francophones. Toutefois, même si le Français est reconnu comme langue des Nations unies,

il est impératif d’admettre que l’anglais demeure la langue d’usage quotidien.

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Aussi le Général AMOUSSOU a-t-il souligné l’importance pour tous d’apprendre l’anglais et

de parler le français sans complexe. Il est nécessaire de s’ouvrir dans un monde globalisé où

la connaissance de la langue de l’autre brise beaucoup d’obstacles.

Intervention du Colonel Luc de REVEL : « Présentation de la méthode

d’enseignement du français En Avant »

Aujourd’hui en Afrique, un certain nombre de pays souhaitent apprendre le

français. C’est pour répondre à cette demande grandissante qu’est paru en Guinée

Equatoriale le premier tome d’une nouvelle méthode d’apprentissage du français à

destination des militaires africains, la méthode « En Avant ».

L’enseignement du français en milieu militaire est une action principale de la DSCD, qui

participe indéniablement au rayonnement de la francophonie. Il permet d’accroître le

nombre de locuteurs francophones qui pourront par la suite agir plus effacement sur les

théâtres ou correspondre avec les contingents francophones. Les moyens mis à disposition

de cette méthode sont donc importants, puisqu’un budget de près de deux millions d’euros

lui est dédié. Par ailleurs, les coopérants militaires, professeurs, bénévoles et étudiants y

participent activement. Ce soutien a permis de former 4 500 élèves africains en 2012.

L’idée est de développer un « français sur objectifs spécifiques » (le F.O.S) déjà en œuvre

pour des formations spécifiques (diplomatie, banque, médecine…) mais inexistant

concernant la formation militaire, les méthodes disponibles restant largement en

inadéquation avec les besoins des étudiants militaires et les caractéristiques du milieu. Il

fallait mettre en place un programme adapté au cadre militaire et africain. Une méthode a

ainsi été développée en Ethiopie, l’un des premiers contributeurs aux OMP, sur la base d’un

projet bilatéral, regroupant aussi bien des coopérants français que des professeurs

éthiopiens. Par la suite, un partenariat noué avec l’OIF a donné naissance à une méthode

innovante, la méthode « En avant ! », comprenant une série d’activités pédagogiques basée

sur le quotidien d’un jeune lieutenant africain fictif, Amani KIMPA, engagé dans une OMP

conduite par l’Union africaine au Carana. La méthode contient une progression pédagogique

autour des thèmes de la vie militaire (vie, au régiment, devoirs du soldat…) dans le but de

conférer un niveau d’autonomie en français général, et plus spécifiquement, dans le

domaine militaire. Le premier tome est paru en 2012, deux autres tomes sont à paraître.

Au-delà de cette formation basique, le but est aussi de développer l’expertise en français et

la maîtrise de thèmes de plus en plus complexes. L’enjeu est de pouvoir faire face à la réalité

de terrain en utilisant ces méthodes sur des durées plus courtes pour appuyer, par exemple,

des contingents étrangers dans certaines opérations. Dans cette logique, l’OIF et la DCSD

proposent de mettre sur pied des projets immédiats afin de pouvoir dispenser un

enseignement minimum en langue française dans les contingents non francophones de la

MISMA. Il s’agit maintenant de mettre en application une méthode qui a fait ses preuves.

Discussions

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A titre d’illustration, le Général CLÉMENT-BOLLÉE, abondant dans le sens du Général

AMOUSSOU, a mentionné l’existence du « French Day » au Ghana, journée durant laquelle

chacun doit s’extirper durant 24 heures de sa langue maternelle pour ne parler que le

français. Cet exemple souligne l’effort qui peut être consenti par les contingents

anglophones dans l’apprentissage du français. Il a aussi précisé le succès rencontré par la

méthode « En Avant ! » notamment lors du séminaire d’Addis Abeba. Pour M. PEER DE

JONG, la méthode « En Avant ! », par souci de bilinguisme, devrait, dans un éventuel

quatrième tome, enseigner un minimum d’anglais aux soldats. Mais, bien au-delà de

l’apprentissage de l’anglais, le Général HAMADIKO précise qu’il est nécessaire de

s’imprégner de la culture d’une langue et de tenter de l’apprendre. En effet, la langue ne

modifie pas seulement les mots, elle résulte aussi de pratiques et de procédures propres à

chaque pays. La traduction d’un document ne peut se suffire à elle seule, il convient aussi

d’améliorer la compréhension globale entre les contingents. Avant toute intégration, il est

donc essentiel que les officiers francophones acquièrent la connaissance du milieu

anglophone.

***

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8. Présentation de M. Maarten MERKELBACH, Chef du Département

« Leadership et Gestion des conflits » (GCSP) : « La Genève

internationale et la formation francophone à la gestion des conflits »

Traditionnellement connue pour sa politique de stricte neutralité, la Suisse se

profile comme un membre actif et innovant des Nations unies depuis son adhésion en 2002.

L’Organisation donne ainsi à la Suisse la possibilité de contribuer à la résolution de

problèmes globaux, défi qu’elle relève par le biais notamment de trois centres à Genève

conçus comme le prolongement de sa politique étrangère : la fondation internationale

« Centre pour le contrôle démocratique des forces armées – Genève » (DCAF) qui contribue

à renforcer la gouvernance du secteur de la sécurité (GSS) par le biais de la réforme du

secteur de la sécurité (RSS) ; le CIDHG luttant pour le déminage humanitaire et le Centre de

Politique de Sécurité (GCSP) de formation professionnelle. Ces trois centres font aujourd’hui

partie intégrante de la « Genève Internationale », capitale mondiale de la « sécurité civile ».

Elle est la traduction physique du concept de « soft security », synonyme d’une approche

basée sur la coopération non-militaire, transfrontalière et trans-secteurs dans le but de

résoudre les défis transnationaux. Genève est aussi l’hôte de 22 organisations

internationales, de nombreuses multinationales, organisations non gouvernementales et

organisations régionales ayant un lien avec l’Afrique (UA, CEDEAO, FAD, CEA, OIF…). Elle

constitue une plateforme neutre et inclusive pour comprendre les enjeux sécuritaires

contemporains.

Le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) aborde l’ensemble des problèmes liés à

la sécurité internationale et régionale selon une approche qui se veut impartiale, inclusive et

globale. Il promeut la formation des décideurs de demain, la diffusion de valeurs communes

et a l’ambition d’être un carrefour d’échanges dans le domaine des politiques de sécurité.

Ces activités comprennent des cours de formation stratégique, la promotion du dialogue et

la recherche. Depuis près de dix ans, le GCSP délivre des cours en français sur le continent

africain, notamment à destination des attachés de défense des pays francophones. Il

dispose de partenariat avec de nombreux pays mais aussi avec l’Ecole de Guerre à Paris

(vidéoconférences, papiers écrits en ligne, exercice de gestion de crise).

Dans la mise en œuvre de son mandat, le GCSP met un accent particulier sur le maintien et

la consolidation de la paix via son Programme « Gouvernance et gestion des conflits »

traitant aussi des politiques d’acteurs non-étatiques. Les formations proposées ciblent des

personnes en position de leadership au sein d’opérations multidimensionnelles et

proposent des cours sur la Gouvernance des opérations de paix (Senior-Level Peacebuilding

Course: Enhancing Leadership for Peacebuilding) et la formation d’experts civils de la

consolidation de la paix (Swiss Peacebuilding Training Course). Le GCSP promeut également

la coopération interinstitutionnelle, notamment entre Genève et New York, en tant que

membre fondateur de la « Plateforme de Genève sur la Consolidation de la paix » qui

regroupe plus de 100 institutions genevoises actives dans le champ de la gestion des

conflits.

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Dans ce contexte, la mise en œuvre de la stratégie du GCSP passe par le développement du

volet francophone de ses activités, élaboré au travers de la stratégie intitulée «Vision de la

Francophonie ». Ce positionnement sur le créneau francophone provient de la sensibilité du

GSCP au respect des spécificités culturelles des populations, premiers destinataires des

politiques de maintien et de consolidation de la paix et à l’importance de la langue, vecteur

de culture. Au sein du GCSP, cette analyse s’est traduite par la mise en place de

programmes intégrant la diversité linguistique et culturelle et préparant ainsi les décideurs

formés aux défis des opérations multidimensionnelles de demain.

Plus concrètement, le plan d’action francophonie inclut les activités suivantes :

- la publication en français de notes d’analyse sur la sécurité internationale et la

gestion des crises ;

- la traduction en français de publications anglophones ;

- le développement de partenariats avec des institutions dans l’espace francophone ;

- le développement d’un partenariat avec l’OIF ;

- l’organisation d’activités spécifiques dédiées à la francophonie, telles que le cycle de

conférences dans lequel s’inscrit le séminaire de Dakar ;

- l’organisation, en octobre 2012 à l’African Centre for Peace and Security Training,

(ACPST) d’Addis Abeba d’un module de formation « Attachés de défense » en

français, qui aura son équivalent à Dakar en mai 2013 ;

- l’organisation régulière à Genève de rencontres et conférences bilingues ou en

Français.

A Genève, le monde anglophone n’est pas un monde anglo-saxon ; il est beaucoup plus

large dans la mesure où il intègre des influences très fortes de l’Europe de Nord, de l’Asie ou

de l’Afrique anglophone. En parallèle de l’agenda anglophone genevois, la Francophonie

occupe un espace non négligeable. Ainsi, du fait de sa dualité culturelle et linguistique, le

GCSP possède tous les atouts pour véhiculer cette vision de la francophonie et faire profiter

ses partenaires de cette diversité. La Francophonie et la langue française doivent être les

vecteurs d’un message ou d’une culture complémentaires de ce qui est véhiculé par

l’anglais.

***

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9. Mots de conclusion

Bilan et conclusions du séminaire par M. Cyril ROBINET

Au terme de ces deux journées de séminaire confortant le constat initial, la

nécessité d’étoffer les formations existantes de toutes les spécialités connues, nous est

apparue. De même, le constat de l’existence de lourds défis linguistiques propres aux

formations et aux opérations de maintien de la paix a été rappelé au cours de nombreuses

interventions. Le facteur temps a, de nouveau, été qualifié de pénalisant dans la mise en

place des contingents francophones. Les capacités existent mais leur rassemblement

demeure beaucoup trop lent. Par ailleurs, comme cela a été souligné par les représentants

onusiens, le souci de la diversité linguistique semble faire son chemin à New York. Les

recommandations à prendre en compte, à l’issue de ce séminaire, sont donc nombreuses

pour relever les défis auxquels sont confrontés les francophones en matière de maintien de

la paix.

En termes de formation, il est recommandé d’élaborer un catalogue recensant toutes les

formations existantes, aux Nations unies mais aussi au sein du réseau des écoles africaines.

La liste des destinataires de ces formations devrait être élargie aux experts civils, et non

uniquement aux contingents : il est en effet nécessaire de créer un vivier d’experts

francophones dans le domaine des conflits et de la stabilisation. Enfin, des modules relatifs

aux opérations de maintien de la paix devraient être dispensés dans les académies militaires

généralistes (formation initiale), puisqu’il est crucial de sensibiliser les militaires sur cette

thématique.

Sur les formations plus spécifiquement linguistiques, plusieurs initiatives sont à encourager

pour l’avenir. Il convient à cet égard de saluer et de s’inspirer de l’initiative du Burundi

visant à diffuser la langue française auprès de ses partenaires anglophones au sein de

l’AMISOM. Il est aussi recommandé une utilisation plus répandue du programme Sankoré et

de la méthode « En Avant ! », ainsi que la mise en place du programme RIFFOP (Réseau des

institutions francophones de formation aux opérations de paix) piloté par l’OIF. De

nombreux intervenants ont d’autre part émis l’idée de projets particuliers devant

s’appliquer au Mali, notamment afin de permettre une maîtrise du français, même

rudimentaire, par les contingents de la MISMA et, a fortiori, de la future MINUMA, en vue

d’une meilleure interaction de ces contingents avec les populations locales.

La maîtrise, par les francophones, des mécanismes onusiens doit être encouragée et

facilitée par la diffusion des manuels de référence, mais aussi et surtout par leur traduction

préalable en français. Par ailleurs, des progrès restent à faire quant à la mutualisation de

leurs structures et capacités par les pays proches. Des recours accrus à des solutions de

partenariats interafricains entre pays experts et pays demandeurs, ou entre un pays africain

et un parrain hors du continent, devraient être encouragés. De même, il peut être envisagé

de faire appel au secteur privé, dans le cadre d’une solution mutuellement profitable

permettant de disposer, rapidement, des équipements nécessaires.

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Enfin, le Bénin, soutenu par l’ensemble des intervenants, a souligné le besoin d’une

meilleure communication entre pays et Nations unies. Dans ce cadre, la création de points

focaux « Opérations de Maintien de la Paix » dans les capitales (au sein des présidences, des

primatures ou des ministères de la Défense ou des Affaires étrangères) pourrait constituer

ce relais nécessaire entre les Etats membres et l’ONU.

La fin de ce cycle de réflexion aura ainsi permis l’élaboration de multiples résolutions qu’il

convient désormais de concrétiser.

***

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10. Séance de Clôture

Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la

Direction de Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère

Français des Affaires Etrangères (DCSD)

Le Général CLEMENT-BOLLÉE a souhaité en introduction remercier les intervenants

et participants pour la qualité du séminaire. L’ensemble des débats menés a permis

d’atteindre les objectifs prioritaires de ce cycle : la formulation de résolutions concrètes et

pratiques aux problèmes inhérents aux OMP. Le général CLÉMENT-BOLLÉE a souligné les

échanges respectueux et courtois. Les interventions de qualité du Général CISSÉ et du

Général GAYE, ont par ailleurs permis de placer très haut la barre des ambitions de ce

séminaire.

Il en résulte donc que les défis capacitaires ont été principalement identifiés comme

correspondant à un manque de connaissance du système et des exigences onusiennes en

matière de sélection des contingents. L’étude des défis techniques, que sont le soutien et le

financement, ont permis de mettre en lumière des solutions concrètes et nouvelles, comme

la mutualisation ou l’appel au secteur privé. Enfin la question linguistique s’est posée dans

sa totalité, elle ne pourra être résolue que par des formations croissantes et une sélection

rigoureuse du personnel employé sur les opérations de maintien de la paix. Elle est en effet

l’une des variables de réussite de la mission, puisqu’elle permet d’instaurer la

communication nécessaire à l’accomplissement de la mission.

Même si les troupes sont au Sud et les équipements au Nord, l’actualité nous montre que

les choses ne sont pas immuables. Nous nous devons de trouver des réponses communes

du fait des menaces, puisque, selon un proverbe africain, « un seul bracelet au poignet ne

fait pas de bruit ».

Intervention de M. Nicolas NORMAND, Ambassadeur de France au

Sénégal

Les OMP existent depuis plus de cinquante ans et la crise de Suez en 1956. Elles sont une

création empirique que la doctrine a quelque peu modifié au cours de l’histoire. L’après

Guerre Froide a aussi bien signifié l’intensification que la diversification de ces opérations.

Ainsi, dans les années 1990, la partie civile est devenue, en leur sein, aussi importante que

la partie militaire.

La France possède une histoire compliquée avec ces opérations, sur laquelle elle a su

prendre du recul en les complétant par d’autres instruments comme les coalitions de

volontaires, les forces nationales, ou le recours à l’OTAN. Elle a beaucoup tâtonné et

cherché des perfectionnements, notamment sur la faiblesse de la question linguistique, face

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à des pays anglophones devenus spécialistes de la fourniture de contingents (Pakistan,

Bangladesh, Nigeria, Inde, Népal…).

Or, à partir du moment où il y a une masse critique, c’est le système entier qui est dominé

par cette situation de fait. Même si la langue française possède un statut juridique égal à

celui de l’anglais aux Nations unies et que de nombreux directeurs du département des

OMP (DOMP) sont français - et c’est le cas de M. Hervé LADSOUS actuellement - l’efficacité

de ces opérations est en jeu. De nombreux soldats francophones n’arrivent pas à

communiquer et ne comprennent pas la situation, alors que le contexte des OMP est subtil,

complexe et mouvant. A cet égard, les pays francophones doivent changer de

comportement et disposer des moyens nécessaires à la sélection des contingents qu’ils

proposent aux critères du secrétariat de l’ONU. Les pays francophones doivent parvenir à

augmenter leur contribution, tout comme le Sénégal s’y emploie.

Parmi les moyens proposés à cette amélioration, le programme français RECAMP

(programmes contenant des formations, du matériel pré-positionné et des manœuvres qui

préparaient les forces africaines à agir ensemble sur des thèmes spécifiques) à destination

des pays africains a contribué à ce perfectionnement des OMP. Sa doctrine était double :

assurer à la fois le perfectionnement et l’appropriation de ces opérations. Le programme

AMANI AFRICA travaille aussi actuellement dans ce sens. Les ENVR garantissent aussi une

coopération militaire durable, disposant d’un double avantage : être sur place et enseigner

une spécialité particulière permettant la rationalisation du travail.

Le Sénégal force le respect par sa participation historique aux OMP : il a été déployé très tôt

au Liban en 1978 et continue d’agir actuellement en Haïti, en Côte d’Ivoire, en Guinée

Bissau, au Darfour et au Mali. Ainsi, le Sénégal constitue un exemple intéressant, mais qui

ne demeure pas vraiment surprenant : c’est en effet le pays du théoricien de la

francophonie, Leopold SEDAR SENGHOR.

Intervention de M. Saïd DJINNIT, Représentant spécial du Secrétaire

Général des Nations-Unies pour l’Afrique de l’Ouest

L’une des recommandations les plus pertinentes de ce séminaire demeure

l’inclusion de l’interopérabilité linguistique avec l’élaboration d’une topographie culturelle.

Il a aussi été souligné l’importance du Sénégal pour sa contribution exceptionnelle au

maintien de la paix dans le monde. Néanmoins, ce séminaire n’est pas sans lien avec

l’actualité puisqu’il se tient dans une région particulièrement perturbée par ce qui se passe

au Sahel. Il est un fait : quand on travaille sur la paix au Mali, comme c’est le cas au travers

de la MISMA, on a l’esprit au Sahel, et vice versa.

Les difficultés relatives à la situation au Mali sont nombreuses. Elles soulignent la faiblesse

de notre capacité collective à évaluer la menace et les limites de nos mécanismes de

prévention des conflits. Il faut renforcer ces dispositifs à tous les niveaux et prendre en

compte les menaces de natures diverses. Les pays ont aussi été pris de cours par ce conflit

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qui se déroule aux confins de trois régions (deux régions d’Afrique de l’Ouest, une région

d’Afrique du Nord).

Un temps précieux a été perdu à chercher des convergences dans une région aux multiples

conflits. Une position commune n’a été finalement trouvée que le 19 octobre à Bamako.

Dans ce contexte, le partenariat entre la CEDEAO, l’UA et les Nations unies apparait crucial,

et, une fois encore, les évènements nous ont montré son importance. Enfin, en suivant

l’exemple de l’engagement exceptionnel de la Guinée en la matière, il est impératif de

procéder à une réforme du secteur de la sécurité, notamment pour reconstruire l’armée

malienne. La réflexion actuelle sur cette thématique doit se poursuivre. Enfin, l’émergence

de la brigade Ouest Africaine apparait comme essentielle.

Intervention du Général Major Samaïla ILIYA, Co-directeur Amani Africa,

Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine

This workshop’s theme tackles contemporary issues. Despite progress made

regarding peace and security, we still have a long way to go, as testified by the current

situation in Mali and in the broader Sahel region as well as the ongoing tensions in the

“Grands Lacs” region. Mali is a francophone country and a challenging area. The diversity of

troops - based on languages, doctrines, equipments, tactics and structures - already

involved in the conflict underlines the issue of interoperability. The issue of language is

particularly critical for the management of such a plurality. A strengthened harmonization

among the African Union (AU) and civil society is greatly needed. In a similar vein, we call for

an improved coordination between institutional partners, countries, United Nations,

European Union (EU) and AU. In this regard, the establishment of APSA was a good step to

achieve our goals.

We need a peaceful Africa with itself and with the rest of the world: this is Africa we dream

of, and we aim at achieving. Progress has been made, for instance, thanks to the critical

dynamism of the Security Council of the African Union and also thanks to the AU and EU

first common strategy called AMANI AFRICA or “Peace in Africa”, including a training

program aimed at the development of the African Standby Force at the continental level.

Through this experience, the AU and the EU tried to capitalize on capacity already built in

order to help the ASF reach full operational capability by 2015. This commitment was

confirmed trough the implementation of a renewed three-year cycle, called AMANI AFRICA

II, for the period 2011-2014. The overall objective of this new cycle is, on one hand, to

validate the AU capacity to mandate and employ a Rapid Deployment Capability of the

AFRICAN Standby Force and, on the other hand, to run a multi-dimensional peace support

operations.

How to strengthen the African continent through the AMANI Exercise? Good governance

and post-conflict strategies are definitely part of the solution. Mediation by the African

Union will be equally decisive, as well as the development of high levels structures - in South

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and North Sudan, for instance. In conclusion, we are facing major challenges and we have to

think together about possible, sustainable and common answers.

***

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11. Recommandations du Séminaire de Dakar :

Pays francophones et Maintien de la Paix : Défis techniques,

capacitaires et linguistiques

Les recommandations formulées par les participants au séminaire, constituant un véritable

plaidoyer pour des mesures structurelles, visent à répondre aux défis de la complexification

croissante des OMP, qui requièrent désormais une réelle interopérabilité technique, le

perfectionnement de l’action des contingents francophones ainsi que le règlement de la

question linguistique afin de placer les populations civiles au cœur de la stabilisation des

Etats.

1. Renforcer les structures et les capacités des pays contributeurs aux OMP

Objectif : gagner en rapidité, car si les capacités opérationnelles sont présentes, leur

rassemblement demeure trop lent pour permettre à ces pays de présenter à temps des

contingents prêts et équipés.

- Procéder à des efforts budgétaires pour permettre l’acquisition de moyens

logistiques et d’équipements de qualité aux normes onusiennes.

- Favoriser les pistes de coopération internationale ou bilatérale permettant, par

exemple, le préfinancement des équipements.

- Généraliser le recours à des partenariats entre pays experts et demandeurs. A ce

titre, l’appel à un pays « sponsor » ou le recours au secteur privé peuvent devenir

des solutions mutuellement profitables permettant de disposer d’équipements

rapidement.

- Développer les associations entre civils et anciens militaires pour proposer aux

pays francophones une prestation semblable à celle offerte par les Américains dans

les pays anglophones.

- Encourager les mécanismes structurels innovants. Ex : Il parait envisageable

d’imaginer un mécanisme tripartite entre les Nations unies, de potentiels pays

africains contributeurs de troupes de police et des pays capables de préfinancer les

équipements, à charge pour ces derniers de se faire rembourser au prorata de leur

engagement financier par les Nations unies.

- Renforcer la planification, et pour cela, encourager une spécialisation des divisions

des états-majors.

o Créer des divisions onusiennes au sein des états-majors.

2. Améliorer le cadre de formation

Objectif : améliorer la formation des contingents mais aussi la formation individuelle.

- Donner aux officiers œuvrant à la mise sur pied des contingents les clés pour

comprendre l’architecture onusienne et maitriser les cadres juridiques et les

standards onusiens.

� Diffuser des manuels de référence préalablement traduits portant sur ces

mécanismes institutionnels.

� systématiser la traduction des documents onusiens et des séminaires

visant à la maîtrise des outils disponibles.

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- Elaborer un catalogue recensant toutes les formations existantes.

- Favoriser l’intégration des formations initiales existantes et assurer

l’harmonisation des niveaux des personnels déjà formés.

- Améliorer le contenu des formations existantes en matière de pré-déploiement,

de maîtrise de l’outil informatique, de conduite et des notions fondamentales

relatives au maintien de la paix.

� Développer des modules sur les OMP ayant vocation à être dispensés

dans les écoles militaires.

� Enrichir les écoles de maintien de la paix des spécialités connues.

• Développer la capacité à évaluer sur le terrain les incidents et problèmes

rencontrés afin de pouvoir effectuer un retour d’expérience fructueux et pallier

les difficultés répertoriées.

• Mettre en place un mécanisme de traçabilité des personnels formés ainsi que des

procédures d’accompagnement pour « l’après-OMP ».

• Mettre en place les conditions préalables, en termes de formation, pour que les

généraux francophones puissent accéder aux postes de directeurs de forces

internationales.

3. Perfectionner les outils existants

- Développer les Ecoles Nationales à Vocation Régionales (ENVR) « maintien de la

paix » à plus grande échelle ainsi que les banques de données ou les sites de

partage (RIFFOP).

- Développer des initiatives nationales, au delà de ces initiatives régionales et

mondiales.

� Développer des campagnes de sensibilisation : les décideurs politiques

doivent prendre conscience des retombées positives et durables d’un

engagement en matière de maintien de la paix.

� Mettre sur pied des centres d’entraînement aux OMP bénéficiant du

retour d’expérience des contingents déployés.

- Poursuivre les campagnes de recrutement - comme celles réalisées par la police

béninoise - et de perfectionnement afin que l’offre réponde à la demande.

4. Promouvoir le bilinguisme dans les OMP.

Objectifs : promouvoir une diversité culturelle qui doit être perçue comme un atout ;

acquérir une langue de travail commune pour permettre une meilleure communication

entre contingents et avec les populations locales ; sortir du cadre actuel de réflexion où

seuls les anglophones pensent le maintien de la paix.

- Assurer une maîtrise croissante de l’anglais, langue de travail, par les contingents

francophones.

- Encourager la diffusion de la langue française.

� Encourager les initiatives de promotion du français comme celles existant

en Ethiopie.

� Encourager l’utilisation massive du programme Sankoré et de la méthode

« En Avant ! ». Ex : encourager l’apprentissage d’un français rudimentaire

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parmi les personnels non-locuteurs francophones déployés dans le cadre

des opérations de paix, de stabilisation et de sécurisation du Mali.

- Sensibiliser les contingents au respect de la diversité culturelle et à sa

compréhension afin d’interagir plus facilement avec les populations des aires de

déploiement.

� Intégrer un devoir de connaissance des zones de déploiement dans les

formations et inculquer aux contingents une capacité d’évaluation

permettant une topographie culturelle, même dans les zones désertiques.

� Développer une sensibilité aux valeurs, culture, religion, lieux de culte, et

patrimoine des populations destinataires du maintien de la paix, afin

d’éviter les situations contreproductives.

5. Développer la communication

- Pour les pays contributeurs :

� Favoriser la communication entre les administrations homologues de

différents pays.

� Au sein d’un même pays, développer une liaison permanente entre les

Ministères des Affaires Etrangères et les Ministères de la Défense, tant

pour permettre le succès d’une candidature, que pour les questions liées

à la génération et au déploiement de l’unité.

- Entre les Etats membres et les Nations unies :

� Développer des relations directes entre le Secrétariat de l’ONU et l’Etat-

major du pays contributeur de troupes.

� Créer des points focaux « Opération de Maintien de la Paix » dans les

capitales.

� Constituer des viviers d’experts en matière de maintien de la paix.

***

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12. Remerciements

La Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense remercie vivement

les autorités sénégalaises, et notamment son excellence Monsieur Augustin Tine,

ministre des Forces Armées du Sénégal, pour l’accueil chaleureux reçu à Dakar

à l’occasion du séminaire et pour le soutien constant dont a bénéficié sa délégation.

Elle souhaite également remercier tous les participants au séminaire

pour leur présence active et les félicite chaudement pour la qualité des interventions délivrées.

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13. Acronymes

AAPS Architecture Africaine de Paix et de Sécurité ACOT African Contingency Operations and Assistance AMISOM Mission de l’Union africaine en Somalie APSA African Peace and Security Architecture ASF African Stand-by Force BINUD Mission des Nations unies au Burundi CEA Commission Economique pour l’Afrique CEEAC Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest CID Centre International de Déminage CIDH-G Centre International de Déminage Humanitaire de Genève

CIMIC Civil-Military Co-operation (Coopération civilo-militaire) CLAM Centre de coordination de lutte anti-mines CNEMA Commission Nationale pour l’Elimination des Mines Anti-personnel COE Manual Manuel relatif au matériel appartenant au Contingent (Contingent-Owned

Equipment) COPS Comité politique et de sécurité COMESA Marché Commun pour le Sud et l’Est de l’Afrique CPADD Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et

de Dépollution (de Ouidah) CPMP Centre Pearson pour le Maintien de la Paix CPTM Core Pre-deployment Training Materials (module de formation obligatoire

préalable au déploiement) CPRD Programme de reconstruction post-conflit et de développement CPS Conseil de Paix et de Sécurité (de l’Union africaine) CSNU Conseil de Sécurité (des Nations unies) DAM Département d’Appui aux Missions (de l’ONU) DAS Délégation aux Affaires Stratégiques (Ministère français de la Défense) DCSD Direction de la Coopération de sécurité et de défense (Ministère français

des Affaires Etrangères et Européennes) DDR Désarmement, Démobilisation et Réintégration DFS Department of Field Support : Département d’appui aux missions (DAM) DOMP Département des Opérations de Maintien de la Paix (de l’ONU), DPKO EAI Ecole d’Application d’Infanterie (de Thiès) EEI Engins Explosifs Improvisés EIFORCES Ecole Internationale des Forces de Sécurité d’Awaé (Cameroun)

EMP Ecole de Maintien de la Paix Alioune Blondin BEYE de Bamako ENVR Ecole Nationale à Vocation Régionale ESAG Ecole Supérieure et d’Application du Génie d’Angers EUFOR Force de l’Union Européenne au Tchad, RCA et en RDC (European Union

Force) FAA Force Africaine en Attente FAD Fond Africain de Développement FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo FICA Forum International sur le Continent Africain FPU Unité de Police Constituée (Formed Police Unit) FSO Français sur objectifs spécifiques GCSP Centre de politiques de sécurité de Genève

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HDTC Humanitarian Demining Training Center IHEDN Institut des Hautes de Défense Nationale (à Paris) IMATC Centre de formation de lutte anti-mines de Nairobi ISEPC Institut Supérieur d’Etudes de Protection Civile (à Ouagadougou) ISSSS Stratégie Internationale de Soutien à la Sécurité et la Stabilité de l’Est de la RDC République Démocratique du Congo JPT Mission conjointe de protection (Joint Protection Team in MONUSCO) KAIPTC Centre Koffi Annan de formation aux OMP (d’Accra) MAC Mémorandum d’accord, contrôle et remboursement MAEIAFBE Ministère des Affaires Etrangères de l’Intégration Africaine de la

Francophonie et des Béninois de l’Extérieur MCO Maintien en Condition Opérationnelle MEF Ministère de l’Economie et des Finances MDN Ministère Béninois de la Défense Nationale

MILOBS Military Observer (Observateur militaire) MINUAD Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour MINUK Mission des Nations unies au Kosovo MINUL Mission des Nations unies au Libéria MINURCAT Mission des Nations unies en République Centrafricaine et au Tchad MINUS Mission des Nations unies au Soudan MINUSTAH Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti MISPC Ministère Béninois de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et des Cultes MONUC Mission des Nations unies en République Démocratique du Congo (avant MONUSCO) MONUSCO Mission des Nations unies pour la Stabilisation en République

Démocratique du Congo MoU Memorandum of Understanding NDC National Defense College (à Abuja) OIF Organisation Internationale de la Francophonie OMP Opérations de Maintien de la Paix ONG Organisation Non Gouvernementale ONU Organisation des Nations unies ONUCI Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire OPEX Opérations extérieures OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord OUA Organisation pour l’Unité Africaine (ancienne UA) PCT Pays Contributeur de troupe PNC Police Nationale Congolaise POLAD Political Adviser PSO Peace Support Operation RCA République Centrafricaine RDC République Démocratique du Congo RECAMP Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix REG Restes Explosifs de Guerre RIFOPP Réseau des institutions francophones de formation aux opérations de paix ROE Rules of Engagement ROP Réseau Francophone de recherche sur les Opérations de Paix RSS Réforme du Système de Sécurité RSSG Représentant Spécial du Secrétaire Général (de l’ONU) SADC Communauté de développement de l’Afrique australe

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SAAT Selection Assesment and Assistance Team (Equipe d’Assistance pour l’Evaluation et la Sélection)

SAT Selection Assistance Team SG Secrétariat général des Nations unies SGNU Secrétaire Général des Nations unies SFI Service de Formation Intégrée de l’ONU SML FR Senior Mission Leaders Cour (en Français)

STAREC Programme de Stabilisation et de Reconstruction des Zones Sortant des Conflits Armés Plan (STAREC).

SOFA Status of Force Agreement SOMA Status of Mission Agreement STM Specialized Training Material (cours spécialisé) TCC Troop/Police Contributing Country TED Tableau d'effectif et de dotation TFI Institutions Fédérales de Transition (Somalie) UA Union Africaine UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

UNIBAM United Nations Infantry Battalion Manual UNICEF United Nations Children's Fund UNMAS Service Anti-mines des Nations Unies UNPOLS United Nations Police Division USG Under-Secretary-General of the United Nations

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1

Séminaire n°2 :

PAYS FRANCOPHONES

&MAINTIEN DE LA PAIX: DEFIS

Techniques

Capacitaires

Linguistiques

DAKAR, 30 et 31 janvier 2012

Compte rendu

Cycle de Séminaires « Les pays francophones et le maintien de la paix : défis politiques et opérationnels »

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2

La Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense (DCSD) du Ministère français des

Affaires étrangères, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Centre de

Politique de sécurité de Genève (GCSP), et la Délégation aux Affaires stratégiques (DAS) du

Ministère français de la Défense, organisent d’octobre 2012 à décembre 2013 une série de

quatre séminaires sur le thème du rôle des pays francophones dans les opérations de

maintien de la paix (OMP) de l’ONU.

Ce cycle de quatre séminaires a pour objectif d’analyser la spécificité des politiques et des

besoins des pays francophones en matière de maintien de la paix dans un contexte de

coopération croissante entre l’UA, l’ONU et d’autres organisations internationales, les points

de convergence et de divergence de leurs politiques, ainsi que les défis auxquels ils sont

confrontés, dans un environnement en profonde évolution.

Les deux premières conférences (séminaires d’Addis-Abeba et de Dakar), organisées

conjointement par l’OIF et la DCSD, s’inscrivent dans le prolongement des engagements pris

par les Chefs d’Etats et de gouvernements de la Francophonie lors des Sommets de Saint-

Boniface en 2006, de Québec en 2008 et de Montreux en 2010 afin de renforcer les capacités

des États francophones en matière de maintien de la paix. Elles visent à approfondir les

réflexions engagées à la faveur des Forums de Bamako et Yaoundé - organisés par l’OIF et

certains de ses Etats-membres en partenariat avec les Nations unies - et poursuivies lors de

la réunion des Centres francophones de formation aux opérations de paix tenue en 2011 au

siège de l’OIF à Paris. L’objectif de ces deux premières conférences est de sensibiliser les

responsables francophones en discutant des enjeux et des spécificités liés à leur participation

aux opérations de paix et de créer un espace de dialogue, d’échange et de réflexion entre

eux ainsi qu’avec les organisations internationales (ONU, OIF), régionales (UA) et sous

régionales (CER).

Le séminaire d’Addis-Abeba a permis de réfléchir aux partenariats nécessaires entre

différentes organisations lors du déploiement d’opérations de paix et des difficultés

(notamment linguistiques) qui leur sont inhérentes. Il a également traité des aspects

politiques de ces partenariats et a abordé la question stratégique relative à la sortie de crise.

Il a permis finalement de mettre en lumière la trop faible participation des Etats

francophones aux opérations de maintien de la paix.

Dans la continuité du séminaire d’Addis-Abeba, le séminaire de Dakar a cherché à apporter

des solutions qui permettent d’accroître cette participation, en améliorant notamment les

dispositifs de formation, de préparation des équipements et de financement. Les réponses

aux défis linguistiques ont également représenté un axe fort de ce séminaire.

Il s’est déroulé les mercredi 30 et jeudi 31 janvier 2013 à Dakar et a regroupé soixante-dix

participants autour de trente intervenants. Inauguré par le Ministre des Forces Armées du

Sénégal, M. Augustin TINE, l’Ambassadeur de France au Sénégal M. Nicolas NORMAND et le

Directeur de la DCSD le Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, le séminaire était axé autour d’une

séance introductive précédant la tenue de trois tables rondes, ainsi que deux déjeuner-

débats.

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Table des matières

1. Mots d’ouverture

- Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction pour la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)………………………………………………………………………………………………………………………………….9

- Intervention de M. Augustin TINE, Ministre des Forces Armées du Sénégal……………………..10

2. Séance Introductive - Intervention du Dr. Niagale BAGAYOKO, Responsable du programme Maintien et consolidation de la paix (OIF) : « Les conclusions du séminaire d’Addis-Abeba »……………..…12 - Intervention du Colonel Xavier COLLIGNON, Chef du Bureau Afrique subsaharienne (DAS) : «Le bilan de la participation francophone aux opérations de maintien de la paix »…………….12 - Conférence introductive du Professeur Massaër DIALLO : « L’importance de la dimension linguistique et culturelle »………………………………………………………………………………………………….16 3. Déjeuner-débat n° 1 (30 janvier) - Conférence du Général Babacar GAYE, Conseiller militaire auprès du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU : « L’importance de la maîtrise de la langue locale dans les opérations de maintien de la paix »………………………………………………………………………………………………………………………………….19 4. Première table ronde : « La mise sur pied des contingents »

- Introduction par le Général Babacar GAYE…………………………………………………………………......21

- Intervention du Colonel Djibo SOUMANA, Conseiller militaire de M. Saïd DJINNIT, Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest : « Retour d’expérience sur la constitution des contingents militaires »………………………………23 - Intervention du Général Francis BEHANZIN, Contrôleur Général de la Police : « Retour d’expérience sur la constitution de contingent policier »…………………………………………………..25 -Intervention du Général Abdallah WAFY, Adjoint du RSSGNU a.i en RDC, Chargé des questions des droits de l’homme et de l’Etat de droit : « Retour d’expérience de la MONUSCO »……………………………………………………………………………………………………………………….30 - Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Maîtriser les processus administratifs »…………………………………………………………………………..34 - Intervention de M. Alexandre RINAUDO, DOMP - Division Police : « Politique du DOMP »36 - Intervention de M. Pierre LEVEILLE, Département d’appui aux missions (DAM) : « Répondre aux besoins spécifiques d’équipements et de financement des contingents »……………….…..38 - Intervention de M. PEER DE JONG, Strike Global Services : « Les réponses originales des nouveaux acteurs issus du secteur privé »………………………………………………………………………….41

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5. Deuxième table ronde : « Les solutions francophones de formations aux OMP »

- Introduction par le Général Mahamane TOURE, Directeur de l’Ecole de maintien de la paix (EMP) de Bamako……………………………………………………………………………………………………………….45 - Intervention du Général Major Cyprien HAKIZA, Inspecteur général du Ministère de la Défense burundais : « RETEX du Burundi au sein de l’AMISOM »………………………………….……45 - Intervention du Colonel Cheick DEMBELE, Responsable de l’entraînement et de l’évaluation de la FAA, Commission de Paix et de Sécurité de l’UA : « Etat des lieux général en matière de formation »………………………………………………………………………………………………….47 - Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne, DCSD : « Présentation du concept d’ENVR »……………………………………………………………………………….…49 - Intervention du Lieutenant-colonel Gilbert LOSSITODE, Directeur du Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et de Dépollution (CPADD) e Ouidah……………………………………………………………………………………………………………………………….51 - Intervention du Colonel Henri DIOUF, Directeur de l’Ecole d’Application d’Infanterie de Thiès………………………………………………………………………………………………..…………………………………53 - Intervention du Professeur Albert-Claude BENHAMOU, Délégué interministériel pour l’éducation numérique en Afrique, assisté du Professeur François BOCQUET : « Présentation et démonstration du programme SANKORE »…………………………………………………………………….54 - Intervention du Lieutenant-colonel Richard ZABOT, Service de formation intégrée de l’ONU : « Validation onusienne des formations »……………………………………………………………….55 6. Déjeuner-débat n°2 (31 janvier) - Conférence du Colonel Léon TRAORE, Représentant du Chef d’Etat Major Général des armées au Burkina Faso : « Difficultés des contingents francophones en zone arabophone : témoignage du Burkina Faso au Darfour »…………………………………………………………………...…….59

7. Troisième table ronde : « Agir ensemble sur le terrain : la question linguistique »

- Introduction par le Général Fernand AMOUSSOU, ancien Commandant de l’ONUCI…….…61 - Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Le point de vue du DOMP »……………………………………………………………………………………………………61 - Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne, DCSD : « Présentation de la méthode d’enseignement du français En Avant »…………………….………..62 8. Présentation de M. Maarten MERKELBACH, Chef du Département « Leadership et Gestion des conflits » (GCSP) : « La Genève internationale et la formation francophone à la gestion des conflits »………………………………………………………………………………………………………….64 9. Mots de conclusion - M. Cyril ROBINET, Chargé de mission, DCSD : Bilan et conclusions du séminaire.………………………………………………………………………………………………..…………………………66

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10. Séance de Clôture

- Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction pour la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)………………………………………………………………………………………………………………………………..68 - Intervention de M. Nicolas NORMAND, Ambassadeur de France au Sénégal……………………68 - Intervention de M. Saïd DJINNIT, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest……………………………………………………………………………………………………………………………..…69 - Intervention du Général Major Samaïla ILIYA, Co-directeur Amani Africa, Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine……………………………………………………………………………………….…70

11. Les recommandations du séminaire de Dakar………………………………………………………..……71

12. Remerciements…………………………………………………….……………………………………………..………74

13. Acronymes …………………………………………………………………………………………………………………..75

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Résumé

Ce second séminaire du cycle relatif aux pays francophones et au maintien de la paix

avait pour but d’apporter des solutions aux défis rencontrés par les OMP et identifiés lors du

séminaire d’Addis-Abeba en octobre dernier. L’enjeu a ainsi été d’identifier les

perfectionnements et améliorations possibles en termes de dispositifs de formation, de

préparation des contingents, d’équipements et de financement. Les réponses à la question

linguistique spécifique au maintien de la paix ont représenté un axe fort de l’ensemble de

cette réflexion menée sur deux jours.

En séance introductive, l’importance de la francophonie en matière de maintien de la paix a

été soulignée : sept Etats francophones figurent parmi les vingt-sept premiers pays

contributeurs aux opérations de maintien de la paix. Toutefois, si l’essentiel des missions de

l’ONU ont lieu en territoires francophones, la pratique de la langue française dans ces zones

et par les contingents sélectionnés est souvent déficitaire à tous les niveaux. Ce constat

entrave à la fois la sécurité et l’efficacité des missions de maintien de la paix. Ce fait

francophone s’accompagne également d’un élargissement des mandats des opérations de

paix contemporaines, qui s’attèlent désormais à la restauration de l’Etat de droit, au respect

des droits de l’homme, à la coordination humanitaire ou encore au redressement

économique et social. Pour répondre à un tel mandat, les contingents doivent donc disposer

de larges compétences techniques, qui font actuellement défaut aux contingents

francophones. Or, s’ils étaient dotés de telles compétences, ils seraient mieux armés que les

non-francophones pour comprendre et défendre les intérêts des populations civiles

désormais au cœur des opérations de paix. L’enjeu est donc de promouvoir la diversité

culturelle au sein des opérations de paix et de favoriser les actions des contingents

francophones dans des aires culturelles dont ces derniers maîtrisent parfaitement les codes.

Même si la participation des Etats francophones aux OMP a augmenté, du fait notamment

de la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA en 2004, elle demeure relative et n’a

jamais dépassé la barre significative des 25%. Trois principaux contributeurs de groupes

semblent toutefois se détacher et représentent 60% des personnels déployés: le Rwanda, le

Sénégal et le Maroc. Le fait francophone, même s’il est indéniable, demeure confronté à de

nombreux obstacles linguistiques, logistiques et financiers. Il est donc nécessaire

d’améliorer la participation des pays africains francophones aux structures institutionnelles

et inscrire durablement la francophonie dans le maintien de la paix.

Comme le précise le professeur M. Massaër DIALLO, la diversité culturelle avec laquelle doit

composer le maintien de la paix peut être perçue à la fois comme un atout et une

contrainte. Au-delà d’une barrière linguistique, cette diversité peut être capitalisée et doit

être respectée par chaque soldat. Sans une bonne connaissance des zones de déploiement

et cette consécration de la diversité culturelle, il ne peut y avoir de communication entre les

peuples destinataires du maintien de la paix et les contingents déployés, la paix passant

nécessairement par le respect des cultures de chacun.

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La première table ronde, présidée par le Général Babacar GAYE, a été l’occasion de traiter la

phase de mise sur pied des contingents qui est confrontée à des défis techniques,

capacitaires et linguistiques que les Etats doivent surmonter. Elle a été composée de deux

types de présentations : d’une part le rappel des règles de l’art et des fondements

doctrinaux onusiens en termes de maintien de la paix - au travers des interventions de

Messieurs Gérard HAUY, Alexandre RINAUDO et Pierre LEVEILLE - contribuant à la maîtrise

des processus administratifs et de financement des OMP. D’autre part, cette table ronde a

été l’occasion pour le Colonel Djibo SOUMANA, le Général Francis BEHANZIN et le Général

Abdallah WAFY de témoigner de leurs expériences personnelles en matière de maintien de

la paix. Ils ont chacun identifié les difficultés rencontrées par leurs contingents militaires ou

policiers et proposé des solutions, comme la mutualisation des structures. Enfin, M. PEER DE

JONG a détaillé les solutions proposées par le secteur privé en matière d’aide au

financement et à la mise sur pied des contingents francophones. Les pays africains

francophones doivent se munir d’experts en maintien de la paix de façon à ce que cette

activité ne devienne pas déficitaire pour eux. Une fois cette capacité atteinte, le vrai débat

devient celui de la performance sur le terrain.

Cette performance demeure conditionnée par les formations dispensées par les pays en

matière de maintien de la paix. Les solutions de formations aux OMP ont donc été au cœur

des enjeux de la deuxième table ronde du séminaire, introduite par le Général Mahamane

TOURE et le témoignage du Général Major HAKIZA sur l’AMISOM. Le Colonel DEMBELE a fait

état des formations existantes au sein de l’UA et des divers projets à venir au niveau

continental. Le Colonel de REVEL a présenté le concept des Ecoles Nationales à Vocation

Régionale, issu d’un partenariat entre la France et plusieurs pays souhaitant créer leur

propre école de formation. Le réseau des ENVR est large, puisqu’il comprend tant des écoles

dispensant des formations militaires générales que des formations spécialisées ou relatives

au domaine de la santé, de la sécurité intérieure ou au maintien de la paix. Deux Directeurs

de centres de formation, le Lieutenant-colonel LOSSITODE, directeur du CPADD et le Colonel

Henri DIOUF, directeur de l’EAI de Thiès, sont venus témoigner de leur expérience. Ils ont

tous deux souligné la capacité de leur établissement à servir de référence et à assurer une

harmonisation des procédures opérationnelles à l’échelle continentale. Par la suite, le

Professeur BENHAMOU a présenté l’outil Sankoré pour l’éducation numérique en Afrique et

la méthode « En Avant ! » d’enseignement du français aux militaires africains. De tels outils

apparaissent désormais essentiels dans la création d’un corpus multilingue de ressources et

dans le développement de la langue française en Afrique. Enfin, le Lieutenant-colonel

Richard ZABOT a présenté le service de formation intégrée de l’ONU dont le cœur de

mission demeure l’établissement des normes et de conseils en matière de formation ainsi

que la reconnaissance de ces formations au niveau onusien. De nombreux outils sont mis à

disposition par ce département de l’ONU pour garantir un bon niveau de préparation des

contingents, tels que la formation de formateurs, l’établissement de bases de données ou

encore la création de plateformes d’échanges. A l’issue de ces discussions, il est apparu

crucial d’améliorer non seulement la formation des contingents, mais surtout la formation

individuelle des officiers. Le vrai problème de ces formations demeure le manque de

stagiaires relais, qui, une fois formés, capitaliseraient les informations obtenues en les

inculquant à nouveau. Il est donc nécessaire d’ajuster le programme des formations aux

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standards onusiens afin d’harmoniser les niveaux des contingents et d’obtenir un « retour

sur investissement » des éléments formés pour assurer une capitalisation des

connaissances.

Au cours du deuxième déjeuner-débat, le Colonel Léon TRAORE a témoigné des difficultés

rencontrées par les contingents burkinabés en zone arabophone au Darfour, et a conclu à

un nécessaire renforcement des compétences des contingents francophones en anglais,

devenue langue de travail la plus utilisée à l’ONU. En effet, nous nous devons de d’assurer

l’interaction des contingents en mission aussi bien qu’avec la population locale, a-t-il

affirmé. Pour qu’une mission soit efficace, elle requiert une certaine opérabilité

communicationnelle qui passe nécessairement par une bonne gestion de la question

linguistique.

La recherche de cette action d’ensemble sur le terrain a été la thématique de la troisième et

dernière table ronde du séminaire, dirigée par le Général Fernand AMOUSSOU. A cet égard,

le point de vue des Nations unies a été présenté par M. Gérard HAUY qui a souligné le

déficit capacitaire des troupes francophones peu ou pas représentées dans les zones de

déploiement francophones. Ceci tient notamment à leur échec en matière de présentation

et de sélection de leurs contingents : bien souvent, en effet, les contraintes budgétaires et

une totale méconnaissance de l’architecture onusienne empêchent les pays francophones

de rassembler dans les temps leurs capacités opérationnelles et de participer aux OMP. Ces

lacunes, conjuguées aux défis linguistiques déjà évoqués pourraient être surmontées grâce

à la traduction préalable des outils et documents onusiens ainsi que par l’apprentissage de

l’anglais, au moins rudimentaire.

A l’inverse, de nombreux pays en Afrique souhaitent à l’heure actuelle perfectionner leur

français. Pour répondre à cette demande, la DCSD a mis en place une méthode

d’apprentissage du français à destination des militaires africains, la méthode « En

Avant ! » dont le but est également de développer l’expertise en français avec une maîtrise

progressive de thèmes plus complexes. Cette méthode pourrait très bien s’appliquer, par

exemple, à des situations plus conjoncturelles comme la nécessité d’inculquer des bases

rudimentaires en français aux contingents de la MISMA.

Enfin, l’implication du GCSP - Centre de Politique et de Sécurité de Genève - en matière de

maintien de la paix, notamment par le biais de son programme « Gouvernance et gestion

des conflits » a été détaillée par M. Marteen MERKELBACH. Ces formations visent

essentiellement les personnes en position de leadership au sein d’opérations

multidimensionnelles. Le GCSP promeut aussi la coopération interinstitutionnelle pour

permettre aux Etats contributeurs de troupes de développer des partenariats avec des

organismes comme l’OIF ou le GCSP afin de résoudre leurs difficultés internes.

Il apparaît aujourd’hui crucial de soutenir le développement de la francophonie, vecteur de

diversité culturelle non seulement sur le terrain mais aussi dans l’élaboration des solutions

proposées par les Nations unies . Le souci de cette diversité semble d’ailleurs faire son

chemin à New York.

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1. Mots d’ouverture

Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère français des Affaires Etrangères (DCSD)

Après avoir ouvert ce séminaire et remercié les partenaires et participants ainsi que

les hautes personnalités présentes dans l’assemblée en dépit des graves événements qui

secouent actuellement l’Afrique de l’Ouest, le Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE a montré

comment l’actualité au Mali justifiait plus que jamais l’importance d’un tel séminaire.

S’il est essentiel de rappeler l’importance des valeurs de paix, démocratie et droits de

l’homme défendues dans la Charte de l’ONU, il convient aussi de souligner l’importance des

objectifs à mettre en œuvre en deçà de ces valeurs et définis notamment lors des Sommets

de la Francophonie de Québec (2008) et de Montreux (2010). La Francophonie porte en

effet des valeurs qui représentent sur le terrain une réalité incontournable. Les questions

linguistiques sont donc un impératif qu’il faut nécessairement prendre en compte dans les

opérations contemporaines de maintien de la paix. C’est pourquoi la Direction de la

coopération de sécurité et de défense, l’Organisation internationale de la Francophonie, la

Délégation aux Affaires Stratégiques et le GCSP se sont associés afin de mener une réflexion

concrète sur les spécificités des pays francophones dans ces opérations de maintien de la

paix menées par les Nations unies.

Saluant la présence de M. Augustin TINE et du Général ILYA, le Général CLEMENT-BOLLEE a

souligné le rôle éminent détenu par le Sénégal et l’UA dans la résolution des défis auxquels

sont confrontées actuellement les opérations de maintien de la paix. Si les crises sont

toujours nombreuses, chacun de ces conflits est désormais caractérisé par la prise en main

par les Africains eux-mêmes de leurs propres problèmes de sécurité. Au Mali, la MISMA se

déploie plus rapidement que prévu ; en Centrafrique la CEEAC a mené la médiation de main

de maître ; au Soudan la MINUAD témoigne de la réelle coopération entre les Nations unies

et l’UA. Nous devons rendre hommage à ces initiatives et à ces soldats. Mais bien que ces

missions remplissent leur mandat, elles rencontrent un certain nombre de difficultés, parmi

lesquelles les questions linguistiques ne sont pas des moindres. Une question demeure

commune à l’ensemble des théâtres : quelle compréhension possible au sein d’une coalition

entre contingents ne parlant pas la même langue ?

La francophonie revêt donc une importance majeure dans la thématique du maintien de la

paix, puisque sept états francophones figurent parmi les vingt-sept premiers pays

contributeurs aux OMP. De plus, sur l’ensemble des opérations des Nations unies en cours,

quatre sont déployées sur des théâtres francophones (Côte d’Ivoire, Haïti, Liban et RDC) et

comptabilisent plus de 53 000 Casques Bleus. Cela représente plus de la moitié des effectifs

déployés par les Nations unies, alors que seulement 14% des contingents sont

francophones. Or, le succès d’une opération ne peut se concevoir sans une interaction entre

personnels déployés et acteurs locaux, interaction dont le vecteur principal est la maîtrise

de la langue locale.

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Ce déficit criant a été constaté à Addis-Abeba où ont été traités « les aspects politiques et

opérationnels de la paix en Afrique ». De nombreuses difficultés ont été identifiées, comme

celle de la coopération entre les organisations, ainsi que la difficile préparation et montée

en puissance des contingents ou des enjeux de la diversité culturelle. Suite au succès

d’Addis-Abeba, le séminaire de Dakar se doit d’apporter des réponses fortes et des

recommandations qui permettront de relever les « défis techniques, capacitaires et

linguistiques » relatifs aux OMP, a déclaré M. CLEMENT-BOLLEE.

Le Général a ensuite rendu hommage à la nation sénégalaise et à son engagement

historique pour le maintien et la consolidation de la paix en Afrique et dans le monde.

L’histoire de la jeune armée sénégalaise comporte en effet une longue série d’interventions

de toute nature. Sollicitée dès les années 1960 au Congo, plus de 33 000 militaires et

gendarmes sénégalais ont été déployés depuis les indépendances. Actuellement, le Sénégal

déploie des militaires et des policiers au Liberia, en Haïti, au Congo, au Burundi, en Côte

d’Ivoire et désormais au Mali, témoignant ainsi de son implication dans la lutte contre le

terrorisme international. Ce séminaire est une opportunité pour trouver les solutions aux

défis techniques, capacitaires et linguistiques qui sont posés aux Etats francophones dans le

cadre des OMP :

(1) Les défis techniques : la sélection des contingents demeure rigoureuse et encore

mal maîtrisée par les pays francophones. Les difficultés de certaines spécialités

comme la fourniture de soins ou d’unités de police le sont également.

(2) Les défis capacitaires : les processus de fourniture, formation et remboursement

sont moins accessibles aux francophones et sont parfois rendus obscures.

(3) Les défis linguistiques : la politique linguistique des Nations unies demeure peu

multilingue et ne répond pas suffisamment à la nécessité pour les forces de

maintien de la paix de pouvoir communiquer avec les populations.

Il convient donc d’aider les francophones à présenter aux Nations unies des offres de

contingents ayant davantage de chances d’être sélectionnées. C’est le sens des actions

actuellement menées par la DCSD grâce au déploiement de plus de 345 coopérants dans le

monde et au développement du réseau d’Ecoles nationales à vocation régionale couvrant

un ensemble de spécialités utiles au maintien de la paix. La France consacre aussi un effort

particulier à l’enseignement du français en milieu militaire, dans le but de réduire le fossé

observé entre populations locales et contingents non francophones.

Intervention de M. Augustin TINE, Ministre des Forces Armées du Sénégal Le séminaire de Dakar s’inscrit dans la dynamique de celui d’Addis-Abeba et est

l’occasion de réfléchir à un enjeu crucial, celui de l’avenir des opérations de maintien de la

paix. Le mandat de la paix s’est en effet agrandi et les opérations contemporaines

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possèdent de multiples facettes, telles que la restauration de l’Etat de droit, le respect des

droits de l’homme, la coordination de l’aide humanitaire ou encore le redressement

économique et social.

Des capacités techniques nouvelles sont donc nécessaires pour répondre à ce large mandat,

d’autant que l’environnement de ces opérations se complexifie lui aussi. Or,

l’accompagnement nécessaire aux contingents francophones n’est pas toujours assuré alors

que l’essentiel des opérations se déroulent en zone francophone. La communication et

l’échange entre les populations locales, qui sont des acteurs clés, et les personnes déployées

est un impératif auquel il faut répondre. Il apparait donc indispensable de mobiliser tous les

efforts nécessaires afin de relever ces défis. Enfin, le Ministre a ajouté que le Sénégal était

conscient de l’ensemble des difficultés et des enjeux relatifs aux OMP et qu’il était prêt à les

relever.

***

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2. Séance Introductive

Intervention du Dr. Niagale BAGAYOKO, Responsable du programme maintien et consolidation de la paix (OIF) « Les conclusions du séminaire d’Addis-Abeba » Les recommandations et conclusions du premier séminaire à Addis-Abeba ont été

riches, et ont surtout souligné la dimension « multilingue » à donner aux opérations de

maintien de la paix. Il est une nécessité : celle d’encourager la diversité linguistique tout en

évitant la confrontation des langues. Deux types de recommandations ont été formulés :

1. Les recommandations à l’attention des Nations unies et des autres organisations

- prendre en compte le principe d’équilibre des langues dès la phase initiale de

constitution des forces d’intervention ;

- intégrer aux contingents des experts de la zone potentielle de déploiement ;

- établir des formations multilingues ;

- favoriser la communication au sein et à l’extérieur de l’état-major, en

développant des méthodes d’enseignement des langues ;

- encourager le recrutement des personnels locaux ;

- favoriser la présence de personnel parlant la langue mais connaissant aussi la

tradition politico-administrative du pays.

2. Les recommandations à l’attention de l’OIF

- poursuivre le plaidoyer pour un « respect de l’équité des langues » dans les

principaux textes ;

- participer plus activement à la conception des manuels afin de palier l’insuffisance

doctrinale en la matière ;

- développer les capacités des pays en matière stratégique ;

- promouvoir le recrutement d’ingénieurs notamment dans la phase de déploiement ;

- favoriser la coordination interministérielle ;

- accompagner les Etats membres pour favoriser leur mise aux normes ;

- mettre en place un site Internet permettant à tous d’accéder aux ressources en la

matière (en cours).

Intervention du Colonel Xavier COLLIGNON, Chef du Bureau Afrique

subsaharienne (DAS), « Bilan de la participation francophone aux

opérations de maintien de la paix »

Le Colonel COLLIGNON a présenté les résultats d’une étude que la DAS a

commandée au Réseau de Recherches sur les Opérations de Paix (ROP) et au Centre

d’Etudes et de Recherches Internationales de l’Université de Montréal sur le thème du bilan

de la participation francophone aux opérations de maintien de la paix. Réalisée l’année

dernière, cette étude permet de faire un bilan constructif de la participation francophone à

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ces opérations et développe l’idée que la francophonie est une réalité qui doit s’imposer,

sans pour autant être surestimée car elle pourrait n’être que conjoncturelle. Elle est

pourtant de nature à faire partager des savoir-faire spécifiques, tels que la gendarmerie, le

système judiciaire de droit civil ou la culture de dialogue. En fait, son émergence repose sur

un certain désengagement, en termes de contribution de troupes, des pays francophones

du Nord qui préfèrent s’investir financièrement. Cette émergence s’explique également par

l’augmentation du nombre de théâtres, la structuration plus grande des pays francophones

ainsi que la mise place d’organisations africaines plus élaborées favorisant un engagement

plus prononcé des pays africains.

Le fait francophone est une réalité, et les participants à ce séminaire en sont convaincus,

même si deux approches différentes permettent d’aborder le sujet. Une approche de

« minimalisme opérationnel » voudrait que les contingents puissent utiliser le français

comme une langue de travail et d’usage, ce qui suppose une maîtrise de cette langue et une

volonté de l’instaurer comme langue de travail. De ce point de vue, la dénomination de zone

francophone, ainsi qualifiée du fait de l’usage du français par les contingents, est

imparfaite : si les contingents qui opèrent ne sont plus francophones, la qualification n’est,

en effet, plus valable. Une autre approche, « maximaliste « et plus politique, considère la

francophonie en tant qu’acteur du maintien de la paix, prenant la participation de l’OIF

comme référence. Elle peut dès lors susciter certaines interrogations : à titre d’exemple, le

Ghana, dixième pays contributeur de troupes aux Nations unies, et membre associé à l’OIF

depuis 2006, est un pays anglophone qui peut cependant agir en zone francophone. Nos

analyses doivent s’effectuer à l’aune de ces deux approches, en définissant une zone

francophone, non seulement comme usant du français en son sein, mais aussi où la

francophonie demeure présente même si elle est le fruit de pays anglophone.

Depuis 1948, 150 missions de paix ont été déployées par une quinzaine d’organisations

internationales, régionales et sous régionales dont 53 dans des pays francophones, ce qui

représente près du tiers des déploiements, alors que les pays francophones ne représentent

que 17,6% des Etats membres des Nations unies. Il est à souligner que deux nouvelles

missions sont actuellement en train de voir le jour dans des pays francophones: la mission

de la CEDEAO au Mali et la force internationale neutre déployée à la frontière du Rwanda et

de la RDC, qui sera intégrée au sein de la MONUSCO. Le nombre de Casques Bleus déployés

en territoires francophones a nettement augmenté au cours de la dernière décennie : il est

passé d’un peu moins de 10 000 par an (exception faite de 1994 et 1995) à plus de 50 000

au cours de 2008. Au cours des dix dernières années, près de 440 000 militaires, policiers et

observateurs onusiens ont été déployés, représentant près de 53% des personnels envoyés

par l’ONU. Il est important de préciser que certaines missions onusiennes, dont les plus

importantes en termes de personnel et de mandat, ont été déployées dans l’espace

francophone, notamment avec la MONUC/MONUSCO (22 000 personnels en 2009), la FINUL

(13 000 personnels en 2007), la MINUSTAH (12 500 personnels en 2011) et l’ONUCI (11 000

personnels en 2012). La langue est bien au cœur des débats et son importance a été

notamment relevée avec force par le C34, le Comité spécial des OMP à l’ONU.

L’interopérabilité verticale et la capacité des systèmes, des unités ou des forces, à fournir

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des services et à accepter des services, doivent leur permettre de fonctionner ensemble au

sein des OMP.

Le nombre de locuteurs francophones a parallèlement augmenté et représente désormais

15% des Casques Bleus déployés, soit 10 points de plus qu’il y a 12 ans. L’interaction entre

les observateurs, les policiers et les civils se révèle capitale. L’interopérabilité horizontale

entre les membres d’une opération OMP et les populations locales requiert, en outre, une

compréhension commune et des logiques sous jacentes.

Evolution de la participation des Etats francophones

Les Etats francophones ne se sont impliqués que tardivement dans les OMP. Au début, les

Etats du Nord, tels que la France, le Canada et la Belgique, constituaient la plupart des

contingents. La participation des Etats du Sud, d’abord modeste, s’est accélérée avec

l’ONUC (1960-1964) et les premiers déploiements africains (Mali, Sénégal, Guinée, Maroc,

Tunisie) puis dès le début des années 1990 avec la MINUA. Le grand tournant s’est opéré en

2004 avec la création du Conseil de Paix et de Sécurité à l’Union africaine. Entre 2003 et

2004, le nombre des Etats francophones contribuant aux OMP est passé ainsi de 13 à 18. En

2009, une vingtaine de pays participent à au moins une opération de paix, mais ce chiffre

demeure modeste : malgré le nombre croissant de contributeurs, la part francophone

demeure minime, avec seulement 13.8% des personnels sur l’ensemble déployé. Au cours

des vingt dernières années, la participation relative des pays francophones ne dépasse

jamais la barre des 25%. Elle est sensiblement la même dans les théâtres francophones et

non-francophones. Bien que modeste, elle fluctue de manière significative entre 1990 et

2002. Les premières années du millénaire marquent un tournant, avec un chiffre absolu de

13 500 personnels déployés sous la bannière onusienne en juin 2012, proches du pic

historique des années 1990. Si leur contribution relative reste désormais moindre, de

manière générale, la participation des contingents francophones aux OMP tend à se

diversifier. Les militaires sont, en effet, accompagnés d’un nombre croissant de policiers et

gendarmes qui doivent intégrer les effectifs. Enfin, leur contribution est porteuse de

disparités entre la contribution des pays francophones du Nord et du Sud, puis entre pays

du Sud. On voit s’opérer une certaine bascule de la contribution de troupes vers un appui

financier plus soutenu : la quote-part des pays francophones du Nord représente ainsi

99,5% en 2011-2012, en sus des engagements bilatéraux et régionaux. A l’inverse les pays

africains deviennent de plus grands contributeurs de contingents : à la fin de 2012, ils

représentent plus de 92% des troupes mises à disposition. Entre 2002 et 2004, le nombre de

pays francophones non-occidentaux participant aux OMP passe de 10 à 18 et on assiste à

l’émergence de nouveaux pays gros contributeurs, comme le Bénin, le Burkina Faso, le

Niger, le Sénégal et le Togo. Les trois principaux contributeurs, le Rwanda, le Sénégal et le

Maroc, déploient à eux seuls près de 60% de l’ensemble des contingents africains

francophones.

Selon cette étude, nous assistons par ailleurs à une forme de régionalisation, puisque des

mesures pour la francophonie sont prises à cet échelon régional. L’UA n’a, par exemple, pas

été confrontée à un manque de ressources compétentes en matière de maintien de la paix.

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Ainsi, les communautés économiques régionales montrent un engagement prioritaire dans

leur sphère géographique d’intérêt. Mais ce phénomène de régionalisation pose la question

cruciale de l’impartialité : le partage du fardeau est donc une réalité régionale. La prégnance

du fait francophone est directement liée au déploiement des troupes francophones dans les

régions. La CEEAC est la seule à mener une opération de paix en territoire francophone avec

la MICOPAX, et à travailler presque intégralement en français. Nous pourrons bientôt aussi

comptabiliser la mission de la CEDEAO au Mali, dans les opérations se déroulant en zone

francophone. C’est pourquoi l’augmentation du personnel francophone doit s’accompagner

d’initiatives étatiques et régionales visant à institutionnaliser leur participation aux OMP.

Ces initiatives couvrent trois domaines principaux : la concertation, les processus nationaux

décisionnels, la formation de ces personnels.

En conclusion, le fait francophone est une réalité indéniable qui se développe grâce à un

véritable besoin opérationnel immédiat se conjuguant à une nécessité politique évidente.

Des obstacles demeurent : les obstacles stratégiques notamment sur l’usage de la force et

les craintes de certains pays du Sud et les obstacles politiques relatifs aux impératifs

intérieurs que doivent régler en priorité les décideurs. Il existe enfin des obstacles

linguistiques, logistiques et de financement (problèmes de l’avance par exemple). Il faut

donc améliorer la participation des pays africains francophones aux structures

institutionnelles pour favoriser leur participation aux OMP.

Discussions

Le Général Babacar GAYE a souhaité, à l’issue de cette introduction, soulever le

point du leadership militaire : en effet, peu de généraux francophones accèdent aux postes

de directeur de forces. Il précise donc que la contribution des francophones doit passer par

l’occupation de ces postes. La demande est présente et il reste désormais à la satisfaire en

formant ces officiers supérieurs. Il faut faire de la place à ces autorités militaires capables

mais dont le handicap principal demeure la langue, puisque le français ne peut être un atout

aux Nations unies que si l’on maîtrise la langue anglaise. Il faut donc sélectionner, former et

préparer un leadership ; la demande existe bel et bien, et nous nous devons de préparer

l’offre en conséquence. Cette idée est également soutenue par le Dr Niagale BAGAYOKO qui

a évoqué le projet en cours de réalisation entre l’OIF et l’UA relatif à la formation de ce

leadership de haut niveau en français. Cette lacune, naturellement très préoccupante,

semble toutefois moins présente aux niveaux inférieurs, puisque, selon le Général Babacar

GAYE, une nouvelle génération a été formée tous azimuts. En conséquence, la ressource

humaine sera de plus en plus importante.

Le général Francis BEHANZIN a abondé en ce sens, tout en soulignant qu’en Afrique le grade

de Général est aussi éminemment politique et qu’il est donc très difficile à obtenir ou

seulement atteignable peu avant la retraite.

Les participants ont ensuite apporté leurs témoignages, en particulier sur le thème de la

complexification des opérations de maintien de la paix et les solutions permettant d’y

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répondre. Pour le Commissaire Général WAFY, les opérations de maintien de la paix ne

revêtent plus seulement un aspect purement militaire mais elles regroupent des exigences

en matière de réponse civilo-militaire. Elles sont complexes, exigeantes au niveau des

profils, puisqu’intégrant désormais la protection des populations civiles et de nombreux

autres facteurs. Auparavant, le mandat comprenait les missions suivantes : force

d’interposition, séparation des belligérants, observation du cessez le feu. Aujourd’hui, les

exigences en matière de réponse se sont renforcées et nécessitent une expertise de haut

niveau à forte valeur ajoutée dans l’accompagnement des forces, dans la RSS (réforme du

secteur de la sécurité) ou la stabilisation et l’Etat de droit. Il faut désormais mettre l’accent

sur ces thématiques, de façon à exécuter au mieux le mandat et permettre

l’accompagnement de l’Etat en sortie de crise.

Pour le Général HAMADIKO, le Cameroun a pris la mesure de cette problématique

linguistique – le français et l’anglais y étant tous deux langues officielles. Dans l’école qu’il

dirige, l’EIFORCES d’Awaé, le Master Sécurité existe dans les deux versions, la version

française soutenue par l’Université de Yaoundé, la version anglaise animée par la George

Washington University. Enfin, le Colonel Amougousso Ami, attaché de défense du Gabon au

Sénégal, a souligné toute la difficulté pour un pays de soutenir à la fois les forces onusiennes

en y envoyant ses meilleurs éléments et d’assurer la maîtrise des problèmes internes. Ces

mêmes officiers absorbés par les opérations de maintien de la paix ne retrouvent pas

obligatoirement de fonctions adéquates à leur retour, risquant ainsi une mise à l’écart. Il fait

cas donc de la gestion difficile de ce personnel. Le Dr Niagale BAGAYOKO (OIF) relève

également la difficulté de recrutement des personnels, qui, une fois déployés, ne peuvent

retrouver de postes dans leur pays ou sont confrontés à une peine que l’on pourrait

qualifier de « purgatoire ». C’est d’autant plus vrai pour le personnel judiciaire qui ne

retrouve pas de niveau équivalent, car après un départ à l’étranger les promotions internes

s’avèrent plus difficiles. La solution serait, dans ce cas, de favoriser le dialogue entre

administrations de plusieurs pays pour empêcher ces dérives, à l’instar du modèle

britannique. Comme l’a précisé M. Alexandre RINAUDO (ONU), dans certains pays, une

expérience à l’étranger peut être largement reconnue et valorisée et il convient de s’inspirer

de ces modèles.

Conférence introductive du Professeur Massaër DIALLO «L’importance

de la dimension linguistique et culturelle »

Le problème de la dimension culturelle est rarement posé de façon précise, il est

spécifique dans la perspective de construction de la paix. Il faut se demander dans quelle

mesure le maintien de la paix est soumis à cette diversité culturelle et quels partenariats

demeurent possibles. Pour le professeur et philosophe M. Massaër DIALLO, il est avant tout

question de la langue du maintien de la paix et des éventuelles passerelles qui peuvent être

élaborées entre maintien de la paix et diversité. Tout l’enjeu se situe dans la capacité de

respecter les cultures locales dans le cadre de ces opérations et d’en faire un atout.

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1. Un problème profond : les langues du maintien de la paix

Dans la guerre, la dimension linguistique et culturelle constitue un enjeu et peut même être

à l’origine du conflit ; c’est le cas des crises identitaires et des guerres dites religieuses.

Récemment, la question des valeurs de l’Occident a été posée. L’enjeu culturel est donc de

taille, il doit aller au delà de la simple prise en compte des différences culturelles, puisque,

porté par les hommes eux-mêmes, il dépasse la seule notion de territoires aux coutumes

différentes. Il réside en des civilisations que les populations sont prêtes à défendre par les

armes. Néanmoins, à l’échelle locale, cet enjeu peut être masqué par le caractère

immédiatement militaire des objectifs et l’acuité des questions politiques. Dans ce cadre,

cet enjeu n’est pas suffisamment pris en compte et n’est nullement pris en considération

dans les programmes de formations. La culture et son importance sont vitales pour les

hommes, la maîtrise de la culture est nécessaire ; elle passe par l’établissement de

topographies culturelles qui feront avancer l’accomplissement du maintien de la paix. En

Afrique, 2 000 langues sont recensées, parlées par au moins 200 000 personnes. Plurielle, la

question de la diversité doit être intégrée dans les stratégies de maintien de la paix. En

Afrique de l’Ouest, on recense plus de 1 200 langues parlées : cette information doit entrer

en ligne de compte. Toutefois, il convient de se concentrer ici uniquement sur les langues du

maintien de la paix et non sur toutes les langues locales parlées. Elles sont dans une

situation reconnue et consignée, selon des principes d’égalité qui, pourtant, ne sont pas

vraiment respectés. Comment encadrer le travail et les langues du maintien de la paix ? Il ne

faut pas prôner l’unilatéralité des outils utilisés. Actuellement, on considère que seulement

22% des officiers sont francophones, arabophones ou lusophones. Une majorité des

personnes chargées de poser et de conceptualiser le cadre des OMP est donc issue de la

même langue. Les autres langues sont utilisées de manière marginale dans le cadre du

travail, sans que cela ne témoigne d’une capacité stratégique moindre de ces locuteurs.

Cependant, il ne faut faire du poids de l’anglais ni une fatalité, ni un obstacle : il s’agit

seulement d’une tradition. Ainsi, le Nigeria va diriger les forces dans la MISMA dans une

région essentiellement francophone ; c’est un pays où le bilinguisme est relativement faible,

même au niveau des élites. Peut-on laisser perdurer cette situation, et, avec elle, les

conséquences engendrées sur le terrain ? Ces questions doivent être considérées comme

des questions de fond. Enfin, les chiffres montrent que 46 des 56 pays francophones sont

impliqués dans des OMP, mais que leurs effectifs demeurent faibles (23%). Ce signe doit se

traduire par une responsabilisation tant sur le plan linguistique qu’opérationnel ; les

organisations internationales doivent opérer un changement de cap radical dans la gestion

de cette diversité. Si le mécanisme demeure, la disparité linguistique continuera sur le

terrain et creusera le fossé logistique en limitant l’ajustement de la stratégie à

l’environnement local. Cet épineux problème nécessite donc de trouver des solutions

durables qui ne soient plus seulement symboliques.

2. Maintien de la paix et diversité culturelle

La diversité linguistique est donc vécue à la fois comme une contrainte et un atout. La

diversité culturelle est extrême au sein d’une même langue et il faut capitaliser sur cette

diversité. Si on étend les effectifs, on donne la possibilité à d’autres locuteurs de pouvoir

participer sur le terrain et ainsi d’apporter de nouvelles solutions issues de culture

différente. La biologie et la politique se superposent : la diversification est nécessaire.

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L’exemple de l’Afrique de l’Ouest témoigne de la diversité impressionnante qui traverse cet

espace humain avec, pour 306 millions d’habitants (15 pays), plus de 35 langues parlées. Il

illustre aussi l’influence des pays anglophones qui, de fait ou de droit, ont imposé l’anglais,

dans une zone qui regroupe huit pays francophones. Cet espace humain est régi par une

diversité extraordinaire puisque 130 langues regroupent au moins 200 000 locuteurs

recouvrant 240 millions d’habitants, et parmi ces langues, 35 sont au moins sont parlées par

un million d’habitants. Enfin, 5 langues régionales totalisent le nombre de locuteurs le plus

important. Cette transversalité des langues doit être prise en compte pour la construction

de la paix avec la communauté internationale. Ainsi, les personnels qui viennent fournir les

effectifs constituent une véritable une richesse dont nous devons savoir profiter et que nous

devons capitaliser. Le développement d’une réflexion sur les langues doit déboucher sur des

stratégies de prise en compte. Les universités devraient pouvoir former les soldats aux

rudiments des langues régionales des zones de déploiement. La diversification actuelle des

nations impliquées doit renforcer cette compétence linguistique, au sens où nous aurons

des cadres et des soldats aptes à « faire comprendre ». Cette approche réaliste, et non

relativiste, doit aider à construire une culture qui soit au-dessus de ces cultures : pas en

terme de hiérarchie, mais en suivant l’idée d’une culture globale, éthique qui permettrait de

mettre en place une capacité d’évaluer, de prendre en compte et de capitaliser.

Des évolutions sont cependant nécessaires pour adopter cette approche de la diversité

culturelle :

- prendre pleinement conscience de cette diversité débouchant sur l’envie et la

nécessité d’acquérir la connaissance des populations concernées;

- intégrer un devoir de connaissance des zones de déploiement dans les formations

et inculquer aux contingents une capacité d’évaluation permettant une topographie

culturelle, même en plein désert. Le Professeur DIALLO l’a précisé « à défaut de les

connaître nous devrions les reconnaître ». Il faut tenir compte de cette contrainte,

et intégrer le respect de la culture dans les postures militaires ;

- sensibiliser les contingents à la culture afin de faire intervenir ce paramètre dans la

définition de l’exécution des actions ;

- respecter les valeurs, la culture, la religion et les lieux de culte, le patrimoine des

populations destinataires du maintien de la paix, afin de ne pas s’inscrire dans une

situation contre productive.

Il est indispensable de connaitre la réalité du terrain et comment l’aborder. Les différentes

dimensions de la réalité doivent nous interpeller. Dans le maintien de paix, une dimension

indéniable ressort de la culture. Si l’on dispose de capacités inégales à l’évaluer, la question

de sa sensibilité doit être réglée. Abondant en ce sens, le Dr Niagale BAGAYOKO (OIF) a

souligné que l’OIF entendait effectivement « défendre le français mais aussi la diversité

culturelle » afin de comprendre les codes qui nous échappent et procéder à une

compréhension fine des enjeux locaux qui sera vectrice de paix.

***

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3. Déjeuner-débat

Conférence du Général Babacar GAYE, Conseiller militaire auprès du

Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU :

« L’importance de la maîtrise de la langue locale dans les opérations

de maintien de la paix »

Plus qu’un besoin, la maîtrise de la langue locale dans les opérations de maintien de

la paix est devenue actuellement une réelle nécessité. Elle est néanmoins confrontée à de

nombreuses limites et difficultés d’application. Pour le Général GAYE, le maintien de la paix

reflète deux réalités :

- celle des observateurs non armés ;

- son aspect multidimensionnel avec un mandat couvrant de nombreux secteurs dont

l’accomplissement est essentiel à la stabilisation des pays destinataires. Dans ce

cadre précis il convient donc de pouvoir instaurer un dialogue entre les contingents

déployés, les autorités et les populations locales. Cette nécessité a bien été prise en

compte dans le cas de la nomination des Représentants spéciaux de la MONUSCO,

puisqu’une règle tacite a permis de recruter des francophones.

Une forme de pragmatisme voit donc le jour dans la mise en place de ces opérations qui ne

doivent désormais plus ignorer les populations qu’elles sont censées protéger. Le

déploiement d’interprètes de liaison permet, par exemple, de comprendre la crainte des

communautés et ainsi de mieux les protéger. Dans un deuxième temps, le Général GAYE a

aussi souligné les limites que comportait cette maîtrise de la langue locale. En effet, on ne

peut s’affranchir de l’usage contraint de la langue de travail dite « commune » et

« opérationnelle » entre les différents agents. Par ailleurs, le recrutement d’agents locaux

maîtrisant les dialectes peut entraîner un problème d’impartialité lié à la crise en cours,

alors que l’impartialité constitue bel et bien un des fondements des opérations de maintien

de la paix.

Discussions

Plusieurs remarques et suggestions ont été faites par l’assemblée, nombre

d’intervenants témoignant de cas dans lesquels le pragmatisme n’avait nullement été de

mise. Le Général Fernand AMOUSSOU a fait mention de deux expériences personnelles

relatant l’impossible communication entre un contingent et son commandement. Il a

notamment détaillé son expérience béninoise au Libéria où un contingent était resté plus de

deux ans adossé à la frontière guinéenne sous commandement anglophone sans

comprendre ni les actions menées, ni les communications radios avec un commandement

anglophone, sans comprendre non plus les coutumes et langues de la région. Il lui apparait

donc vital de comprendre les dynamiques locales du pays de déploiement et d’user d’une

langue de travail commune afin de garantir l’efficacité de l’opération menée. Enfin,

l’intervention du Général Francis BEHANZIN ayant démontré la porosité des frontières

établies en Afrique par le colonisateur et la sensibilité de certaines résolutions tantôt aux

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personnes, tantôt aux langues, le Général GAYE a précisé les conditions dans lesquelles un

pays voisin peut intervenir dans une opération de maintien de la paix. Il rappelle que les

forces régionales ne doivent intervenir que si une action de guerre est nécessaire pour

éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage à toute la région. Autrement dit, dans une

action de stabilisation de zone, il convient d’éviter un tel déploiement puisque souvent les

intérêts des pays voisins, bien que possiblement culturellement proches, sont très

différents. Les forces déployées durant les opérations de maintien de la paix doivent en

effet respecter deux critères fondamentaux : l’impartialité de la force, et les bénéfices

d’appartenance à une même aire culturelle.

Le Commissaire Général WAFY avalise cette nécessité de maîtriser à la fois la langue locale

mais aussi et surtout celle de travail, en soulignant que les officiers francophones doivent

faire l’effort d’apprendre l’usage de la langue anglaise sur le terrain.

Enfin, le Général GAYE a conclu ce premier déjeuner-débat en soulignant, d’une part, la

nécessité de former les contingents envoyés plus spécifiquement aux théâtres d’opérations,

et d’autre part celle d’évaluer sur le terrain les incidents et problèmes rencontrés afin de

pouvoir effectuer un retour d’expérience fructueux et de pallier les difficultés répertoriées.

***

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4. Première table ronde : « La mise sur pied des contingents »

Introduction par le Général Babacar GAYE La mise sur pied des contingents, objet de cette première table ronde, se trouve à la

convergence des défis techniques, capacitaires et linguistiques que les Etats doivent

surmonter afin d’accéder au statut de pays contributeurs de troupes. Néanmoins, leur

participation au maintien de la paix gagnerait à se poser moins en termes d’opportunités à

saisir - parce que les opérations de maintien de la paix sont majoritairement déployées dans

les pays francophones - qu’en termes structurels, parce que le maintien de la paix devrait

être une composante d’une stratégie globale de défense et de sécurité.

1. Le volet politique de la mise sur pied des contingents

Les pays francophones ont pris des engagements politiques en faveur du maintien de la paix

dont l’impact sur la mise sur pied de contingents pourrait être plus déterminant. Parmi ces

engagements figure celui du sommet de Québec de 2008, à l’occasion duquel les Etats

francophones ont réitéré leur détermination à « mettre en œuvre de façon plus vigoureuse

le dispositif des déclarations de Bamako et de Saint-Boniface et l’assortir d’engagements

concrets ». Il faut se féliciter de ce que cette volonté politique s’exprime à la tribune des

Nations unies, comme ce fut le cas en juillet 2012 lors de la rencontre annuelle entre le

Conseil de sécurité et les Commandants de Force, ou bien dans les couloirs de l’ONU,

comme ce fut le cas en 2006 pour accélérer la sélection et le déploiement au Congo d’un

contingent francophone préparé dans le cadre d’un partenariat Nord-Sud. Cependant, la

volonté politique exprimée à Antananarivo en 2005 puis à Saint Boniface l’année suivante

n’a pas encore eu l’impact espéré sur les capacités des Etats. La complexité du maintien de

la paix, tel qu’il est pratiqué au sein des missions multidimensionnelles, nécessite de la part

des Etats des investissements importants pour se doter des capacités requises. En effet, la

mise sur pied des contingents doit être planifiée à l’avance, budgétisée, et coordonnée au

niveau national entre les acteurs diplomatiques, financiers et militaires concernés. Le

Sénégal peut être érigé en exemple puisque ce n’est qu’à la faveur d’une importante

livraison de matériels, prévue de longue date pour les unités de l’Armée de Terre, qu’il a pu,

en 1973, répondre à temps à l’invitation du DOMP pour prendre part à la FINUL.

La contribution des Etats francophones à la mise sur pied des contingents doit donc être à la

hauteur de leurs engagements politiques.

2. Le volet opérationnel de la mise sur pied des contingents

Le désengagement des Etats du Nord du maintien de la paix et le besoin en contingents

francophones constituent pour les Etats francophones, non seulement une opportunité,

mais aussi un test opérationnel déterminant pour l’avenir de leurs contingents au sein des

OMP. C’est pourquoi la mise sur pied des contingents ne doit pas être perçue sous le seul

angle de l’effort financier nécessaire à l’acquisition des équipements exigés mais plutôt sous

celui des capacités tactiques mises à la disposition des Nations unies. En outre, en termes de

constitution des contingents, le déploiement d’unités élémentaires constituées à la

cohésion avérée devrait être la règle.

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Il est par ailleurs déplorable que les contingents francophones projettent dans le maintien

de la paix certains dysfonctionnements structurels de leurs propres armées ; des unités

élémentaires, parfois déployées dans des situations complexes, n’ont pas le leadership

requis pour mener à bien leurs missions. Dans les mêmes situations, des contingents

asiatiques ont la ressource de détacher des officiers supérieurs. Les capacités sont au cœur

de l’initiative Nouvel Horizon destinée à mieux adapter les contingents aux défis présents et

futurs du maintien de la paix. Ce serait compromettre l’avenir que de mettre en avant la

seule maîtrise de la langue française et s’en satisfaire.

Le maintien de la paix va en effet bénéficier en 2014, avec la fin des opérations en

Afghanistan, de la disponibilité accrue de pays du Nord, contributeurs traditionnels de

troupes. C’est une nouvelle donne à laquelle les pays francophones doivent se préparer par

des mesures structurelles qui valoriseront leurs atouts que sont la pratique du français, la

motivation des hommes, la disponibilité des autorités, l’acceptation des risques par

l’opinion publique, la maîtrise de certains espaces spécifiques (zones désertiques,

forestières ou lagunaires). Ces mesures structurelles, destinées à préparer et accompagner

la mise sur pied des contingents, consisteraient à créer des divisions onusiennes au sein des

états-majors et à mettre sur pied des centres d’entraînement aux OMP bénéficiant du

retour d’expérience des contingents déjà déployés. Enfin, la maîtrise d’un anglais

fonctionnel doit désormais faire partie des acquis fondamentaux des officiers. Le maintien

de la paix est une activité complexe dont les Etats francophones sont en mesure de tirer des

bénéfices multiformes et durables sous réserve de consentir aux investissements structurels

pré-requis.

3. Le volet logistique de la mise sur pied des contingents

La maîtrise de la dimension financière et logistique du maintien de la paix est aussi un

facteur déterminant et un terrain propice à des innovations. L’organisation, la composition

et les capacités tactiques du bataillon de maintien de la paix viennent de faire l’objet d’un

document intitulé UNIBAM (manuel du bataillon d’infanterie de maintien de la paix), que le

Bureau des affaires militaires de l’ONU se propose de présenter en avril aux armées ouest-

africaines. Un des objectifs de ce manuel est de faire bénéficier les contingents de toutes les

leçons tirées des OMP en cours ainsi que des dernières technologies. Il est nécessaire que

les contingents francophones accomplissent résolument ce bond qualitatif pour se rendre

éligibles à toute demande de génération de force. Une coopération avec des partenaires

privés disposés à fournir les équipements particuliers figurant au tableau de dotation de

l’UNIBAM ainsi que la formation adéquate pour leur mise en œuvre peuvent constituer par

ailleurs une solution viable.

En effet, le maintien de la paix implique, entre les Nations unies et l’Etat membre, une

relation contractuelle nécessitant une approche managériale. A cet égard, le soutien des

matériels, outre son impact sur la performance des contingents, est susceptible, s’il est mal

exécuté, d’entacher leur réputation et de gâcher des opportunités futures. L’appel à des

sociétés s’engageant à maintenir le taux de disponibilité des matériels exigé par les Nations

unies peut s’avérer être un choix coûteux mais pertinent au regard du préjudice que peut

causer au pays contributeur et à la Mission un trop faible taux de disponibilité des

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équipements. La multi-nationalité semble aussi une direction à explorer dans la mise en

place des contingents : elle véhicule non seulement un message politique très fort, mais elle

offre aussi la possibilité aux pays francophones d’envisager des contributions dans des

niches à forte valeur ajoutée, telle que les unités d’hélicoptères, les unités fluviales ou

encore les unités du génie. La tradition ouest-africaine d’écoles multinationales offre, dans

cette perspective, un terrain particulièrement fertile.

En conclusion, le déploiement des contingents doit donc être précédé d’une planification

rigoureuse de leur soutien afin d’en tirer tous les bénéfices attendus. A cet effet, le recours

au secteur privé national ou international est une piste à explorer de manière à ce que les

Etats puissent se concentrer dans l’avenir sur l’étape suivante : la performance de leurs

contingents.

Intervention du Colonel Djibo SOUMANA, Conseiller militaire de M. Saïd

DJINNIT, RSSGNU pour l’Afrique de l’Ouest : « Accroître et améliorer la

sélection des Contingents Francophones »

Le monde actuel doit faire face à la troisième génération, « Al-Qaïda 3.0 » qui a succédé

à celle des attentats du 11 septembre et à la deuxième génération clôturée par la mort

d’Oussama Ben Laden et le début de la vague des Printemps arabes. La situation qui prévaut

au Mali, depuis bientôt dix mois, nous rappelle tant la multiplicité que la gravité des

menaces qui apparaissent aussi bien sous la forme de crimes transfrontaliers organisés, de

trafics variés, d’actes de terrorisme, que du développement de l’intégrisme – ces menaces

allant de paire avec une violation flagrante des droits de l’Homme. Les nouvelles zones de

conflit, et ainsi de déroulement des opérations, se caractérisent notamment par un

environnement extrêmement difficile. Les menaces et dangers de toute nature y fleurissent,

tout comme la pluralité des acteurs islamistes, salafistes, terroristes, narcotrafiquants et

irrédentistes disposant d’agendas hétéroclites. La question de la force à déployer et de sa

capacité reste à poser : comment contribuer à la mise en œuvre du mandat tout en

conservant la capacité de se protéger ? Quels contingents militaires composant cette force

doivent être sélectionnés ? Les « one-size-fits-all solutions » sont-elles réellement

possibles ?

1. Défis et difficultés

L’objectif de la sélection des contingents militaires est de choisir des troupes qui servent

avec distinction et conviction, en suivant les normes professionnelles exigeantes qui

régissent les OMP. La constitution de ce détachement est toujours une période laborieuse,

pleine de défis multiples s’imposant autant au commandement militaire qu’à l’officier ayant

la responsabilité délicate de cette unité. Ces défis et ces difficultés se manifestent à chaque

étape de la constitution du contingent, aussi bien durant la désignation du personnel qu’au

regroupement de l’unité ainsi constituée, ou que pendant sa formation, son soutien

logistique ou son financement.

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Le Colonel Djibo SOUMANA a identifié les difficultés suivantes :

- Méconnaissance ou maîtrise relative des textes réglementaires en matière d’OMP ;

- Moyens humains et financiers limités ;

- Méconnaissance de la zone de déploiement ;

- Insuffisance de cadres au sein des unités puisque l’encadrement des officiers et

sous-officiers est de facto limité par la barrière linguistique ;

- Cellule d’anticipation et de planification inadaptées aux OMP ;

- Inadéquation entre le TED OMP et le personnel militaire désigné ;

- Manque de plateformes et de préparation spécifique des contingents à ces

opérations ;

- Difficulté à désigner des unités organiques ;

- Délai et lieu de regroupement inadaptés aux exigences de l’engagement en OPEX ;

- Formation spécifique et logistique d’accompagnement insuffisantes ou inadaptées à

l’environnement.

2. Pistes d’amélioration de sélection

Il faut aller vers une maîtrise du cadre juridique et des textes administratifs suivants :

- Résolution des Nations unies ou de l’Organisation de tutelle ;

- Le contenu du mandat, dont il faut extraire les termes de la mission ;

- MoU: Memorandum of Understanding;

- SOMA: Status of Mission Agreement;

- SOFA: Status of Force Agreement;

- ROE: Rules of Engagement;

- Code de conduite;

- Autres textes administratifs.

La participation aux OMP doit être basée sur le professionnalisme. Aussi, la formation pour

les OMP doit-elle s’adapter à l’environnement et au contexte de manière à faire activement

face aux risques et multiples menaces auxquels les contingents sont confrontés. Elles

doivent recouvrir un caractère :

- Complet, englobant aussi bien les formateurs-cadres que les contingents, c'est-à-

dire le soldat en tant que tel ;

- Orienté vers les capacités d’anticipation et de planification ;

- Orienté vers la conduite d’activités opérationnelles et logistiques ;

- Individuel, spécialisé, collectif et flexible pour participer aux activités de

consolidation et de développement ;

- Orienté vers la création de plateformes spécialisées, le Sénégal dispose par exemple

de sept centres tactiques) ;

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- Orienté vers le bilinguisme des emplois clés (officiers et cadres) de façon à ne pas

dépendre des interprètes.

Une prise en charge médicale est à exiger au travers de l’évaluation d’une aptitude

médicale, physique, mentale et d’un certificat médical individuel.

3. Recommandations

Il est actuellement nécessaire de suivre les recommandations suivantes :

(1) Apporter une assistance technique et matérielle aux pays contributeurs de troupes,

permettant la mise en place de plateformes ou de centres spécialisés, destinée à

garantir une meilleure préparation des contingents désignés pour les OMP.

(2) Assister davantage ces mêmes pays de façon à renforcer leurs capacités

d’encadrement dans la conduite de formations adaptées à l’environnement et au

contexte en OMP.

(3) Aider ces pays à développer des capacités d’anticipation et de planification à travers

le renforcement des capacités des officiers d’état-major des Troop/Police

Contributing Country (TCC).

(4) Assister les TCC dans la mise en place de structures facilitant le bilinguisme.

(5) Favoriser la flexibilité des unités en phase de préparation afin de permettre leur

intégration dans les activités de consolidation de paix ou de sortie de crise.

De l’intervention du Colonel Djibo SOUMANA, le Général Babacar GAYE retient le plaidoyer

pour des mesures structurelles.

Intervention du Général Francis BEHANZIN, Contrôleur Général de la

Police : « Retour d’expérience sur la constitution de contingent policier.

Evaluation de la participation de la police nationale du Bénin aux

opérations de paix internationale : acquis, difficultés et perspectives »

L’un des objectifs majeurs de l’Organisation des Nations unies (ONU), créée sur la

base de l’égalité souveraine des Etats, est de maintenir la paix et la sécurité internationales.

La République du Bénin s’est donnée une obligation constitutionnelle de manifester une

forte solidarité internationale en engageant ses forces en cas de besoin, dans les opérations

de maintien et de rétablissement de la paix dans le monde entier. Elle s’est donc dotée à

partir de 1990 d’un système démocratique avec notamment des institutions régaliennes

garantes de la défense et de la sécurité du territoire, des personnes et des biens : les forces

militaires dont fait partie la gendarmerie nationale, les douanes et droits indirects, les forces

chargées de la sauvegarde des forêts et ressources naturelles et la police nationale. Cette

dernière a été créée en 1958 tout d’abord sous la dénomination de « Services de Police du

Dahomey ». Ce service étant peu outillé pour être déployé dans les forces des Nations unies

dans le monde, la Police Nationale a été dotée pour la première fois en 1969 d’un statut

spécial propre, dérogatoire à celui de la fonction publique. Mais ce n’est qu’en 1999 que les

forces de la police béninoise ont commencé à envoyer une partie de leur personnel sur les

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théâtres des opérations extérieures. Cette participation tardive de la police béninoise est

historiquement liée à son niveau d’autonomie organisationnelle peu élevé du fait de

nombreuses interférences socio politiques et de son statut de fille cadette de l’armée

béninoise qui limitait ses moyens d’actions.

Malgré son statut actuel, de nombreux efforts restent encore à réaliser pour conserver et

renforcer cette autonomie indispensable à une véritable politique de participation des

fonctionnaires de police aux opérations de paix.

1. Le fondement juridique de la participation des Forces de Police Béninoise aux

opérations de paix internationale

Les fondements de sa participation

La participation du Bénin aux OMP s’inscrit dans le cadre de sa politique étrangère en

matière de promotion de la paix et s’appuie sur la Constitution béninoise du 11 décembre

1990, la Charte des Nations unies et les Traités portant création de la CEDEAO (1975) et de

l’Union africaine (Acte Constitutif 2000). Dans cette optique, la politique étrangère du Bénin

en matière de paix et de sécurité internationales se traduit par une politique de bon

voisinage à travers des mécanismes bilatéraux, des commissions mixtes et autres rencontres

périodiques qui permettent de rechercher des solutions concrètes aux questions d’intérêt

commun. Cette place importante qu’occupe la préservation de la paix internationale dans la

politique extérieure du Bénin a conduit les autorités béninoises à créer en 2009, une

Direction spécialement chargée des questions de maintien de la paix au sein du Ministère

des Affaires étrangères.

A l’échelle internationale, le Bénin fait toujours siennes les résolutions prises par le Conseil

de sécurité en vue de l’envoi des troupes sur les théâtres des opérations de paix

conformément à l’accord signé le 31 janvier 2000 à New York. Au niveau régional, le Bénin

reste solidaire des actions de l’Union africaine dans la recherche efficace d’une paix durable

sur le continent, conformément à l’Article 4 de l’Acte Constitutif qui stipule « le droit des

Etats membres de solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité ».

Au niveau de la CEDEAO, les pays membres, dont le Bénin, se sont dotés, le 10 décembre

1999, d’un mécanisme de prévention, de gestion et de réglementation de maintien de la

paix et de la sécurité. Ce mécanisme implique un engagement moral à tous les Etats

membres.

La procédure d’engagement du Bénin dans les OMP

Conformément aux dispositions de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, seul le

Chef de l’Etat, en sa qualité de Chef suprême des armées et de la police nationale, est

habilité à engager les forces de défense et de sécurité béninoises dans les OMP. Il prend la

décision d’engager ou non des troupes ou observateurs après avis du Conseil des ministres

et sur la base d’un dossier préparé par les structures compétentes, sans avis du Parlement.

Les structures chargées de la gestion des OMP sont :

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- le Ministère des Affaires Etrangères de l’Intégration Africaine de la Francophonie et

des Béninois de l’Extérieur (MAEIAFBE) qui joue le rôle de coordinateur entre les

ministères impliqués dans les OMP et le Département des Opérations de Maintien

de la paix des Nations unies (DPKO) par l’entremise de la Mission Permanente du

Bénin à New-York (transferts de fonds, règlement des problèmes diplomatiques).

- le Ministère de la Défense Nationale (MDN) s’occupe de la planification et de l’envoi

des militaires et gendarmes dans les opérations de paix. A cet égard, la structure

pilote chargée de l’élaboration et de la validation du plan d’opération militaire est le

Centre Opérationnel interarmées (COIA). Par ailleurs, le Bénin fait souvent appel à

des partenaires stratégiques (pays ou ONU) pour assurer la projection de ses unités

sur les différents théâtres d’opérations.

- le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC) gère la

procédure d’engagement des fonctionnaires de police en direction du Conseil des

ministres sous la Haute autorité du Chef de l’Etat.

- le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) prévoit et dégage chaque année

du Budget National une importante somme pour la préparation opérationnelle des

troupes. Il reçoit en outre les fonds générés par l’utilisation du matériel et la

présence des hommes : ces fonds ne sont pas mis en place directement auprès des

Ministères mais placés sur un compte au Trésor Public, puis redistribués par la suite.

Dans le cadre de sa participation aux OMP, le Bénin entretient des relations de coopération

fructueuses avec plusieurs pays, notamment la France, les Etats Unis d’Amérique, le Canada,

la Belgique et certains pays africains dont le soutien logistique, technique et financier aux

troupes béninoises au sein des effectifs de la MONUSCO et de l’ONUCI sont très

appréciables. Ces relations de coopération sont aussi orientées vers la formation pré-

déploiement du personnel retenu pour prendre part aux OMP.

→ Le Centre Pearson pour le Maintien de la Paix (CPMP) et le Réseau francophone de

recherche sur les opérations de paix (ROP) financés par le gouvernement du Canada sont

très actifs au Bénin. Ils organisent fréquemment des séminaires de formation, des voyages

d’études (Construction d’une Banque de données sur les OMP en septembre 2011,

Confection et mise à disposition du Guide du maintien de la paix : l’Afrique et les opérations

de paix…), un appui aux différentes structures pour le renforcement de leurs capacités. Ils

délivrent également des formations au pré-déploiement auprès des personnels de la police

(en 2001 : formation commune donnée aux Policiers et Gendarmes béninois au Centre de

Formation de la Gendarmerie de Ouakam au Sénégal) ;

→ Le Centre Koffi ANNAN de formation aux OMP (KAIPTC) d’Accra au Ghana qui est aussi un

partenaire stratégique géographiquement plus proche dans la formation au pré-

déploiement ;

→ L’Ecole de Maintien de la Paix (EMP) de Bamako ;

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→ Le National Defense College (NDC) à Abuja (Nigéria) ;

→ L’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale de Paris (IHEDN) ;

→ Les gouvernements français, américain, belge, canadien. Par ailleurs, le gouvernement

suédois offre des sessions périodiques de formation auxquelles prennent part des cadres

civils, militaires, paramilitaires béninois.

A ce jour et après le retrait le 31 décembre 2010 de la Mission des Nations unies en

République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) à la demande des Autorités

tchadiennes, le Bénin participe à six OMP des Nations unies (ONUCI, MONUSCO,

MINUSTAH, MINUL, MINUS, BINUD) ainsi qu’aux missions de l’Union africaine (MINUAD et

l’AMISOM) sous la forme de contingents militaires (ONUCI et MONUSCO), d’observateurs

militaires ou d’officiers d’Etat major, de police civile. D’une manière générale, le Bénin

occupe le 26ème rang mondial au titre des pays contributeurs de troupes et le 11ème rang au

plan africain avec 118 policiers déployés, dont 8 femmes, dans le monde.

2. Les acquis de la participation des fonctionnaires de police aux OMP

Les premières expériences internationales dans le domaine du maintien de la paix pour le

Bénin datent de 1999 au Kosovo. Cette expérience a été poursuivie jusqu’à ce jour grâce au

soutien de certains organismes internationaux, mais aussi du fait de la qualité des

prestations des fonctionnaires de la police béninoise dont le dévouement et le

professionnalisme ont été largement soulignés. La participation de ses agents est

globalement positive et, sur les théâtres d’opérations, la police béninoise a appris non

seulement à travailler dans les zones d’hostilité, mais aussi dans un environnement

multiculturel aux côtés d’autres forces de même nature qui présentent certes des

similitudes du point de vue du savoir faire ou du savoir être, mais aussi des différences. La

participation des fonctionnaires de la police béninoise aux OMP entraîne donc des

retombées appréciables : des retombées financières, des retombées professionnelles

individuelles pour les fonctionnaires participant à ces missions ainsi que pour les futurs

candidats, un retour positif sur l’image du pays à l’extérieur, une meilleure appréciation du

pays par les instances de décisions onusiennes.

Toutefois, la participation encore faible de la police béninoise par rapport aux autres pays

contributeurs de troupes doit être améliorée. Le Bénin doit donc identifier tous les goulots

d’étranglement susceptibles de l’entraver tout en poursuivant le renforcement de ses

capacités. L’amélioration doit passer par des réponses plus uniformes et cohérentes aux

demandes des Nations unies dans un contexte d’OMP de plus en plus

multidimensionnelles. Par conséquent, des adaptations sont nécessaires, et justifiées du

reste par la nouvelle doctrine d’emploi du personnel dans les opérations de paix. Dans ce

cadre, les programmes de formation continue ou spécifique constituent le moyen

d’accroître et de renforcer efficacement les capacités dans les Centres de formation de

référence reconnus par la communauté internationale. La capitalisation des expériences des

anciens s’impose, ces derniers devenant des formateurs-relais sur l’expérience desquels les

plus jeunes peuvent s’appuyer.

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3. Les difficultés et les perspectives

Les difficultés auxquelles les administrations de la police et du ministère de tutelle des

fonctionnaires sont confrontées sont de plusieurs ordres. Outre la nécessité de concilier les

besoins de sécurité intérieure avec les offres de postes dans les missions internationales de

maintien de la paix, la police béninoise fait face aux défis suivants :

- Mauvais remplissage des P11 qui sont en anglais exclusivement (défi francophone) ;

- Non respect de la voie hiérarchique pour la transmission de certaines demandes de

candidatures en dépit des dispositions réglementaires et statutaires ;

- Retard dans la réception et la transmission à la police nationale des messages en

provenance de la Représentation diplomatique du Bénin à New York ;

- Absence d’une division de la formation pré-déploiement pour les opérations de paix

au profit des fonctionnaires de police ;

- Absence de dotations budgétaires suffisantes ;

- Non respect par certains fonctionnaires de police de retour de mission de

l’obligation qui leur est faite d’observer un minimum de trois ans à leur nouveau

poste d’affectation avant tout redéploiement ;

- Lenteur administrative dans le déploiement.

Face à ces difficultés et aux grands débats nationaux sur la question, les perspectives d’une

amélioration de la participation des forces de police béninoise aux OMP demeurent

nombreuses:

(1) Via un accroissement remarquable des effectifs de la police nationale. Ainsi en 2008,

un important programme de recrutement annuel et de formation des policiers a été

crée, permettant le recrutement de près de trois mille fonctionnaires de police tous

grades confondus en trois ans. Un recrutement progressif de 500 agents sur cinq ans est

également envisagé.

(2) Une meilleure prise en main des candidats aux missions de paix au travers de

l’amélioration des formations de pré-déploiement. A cet effet, l’intégration de notions

fondamentales sur les OMP, la création de mesures incitatives pour les formateurs-

relais, la maîtrise de l’anglais, de la conduite et de l’outil informatique sont désormais à

l’ordre du jour. Il faut aussi faire participer davantage d’officiers aux Senior Mission

Leaders Course (Cours supérieur de Commandement des Missions des Nations unies).

(3) Une amélioration du respect du cadre institutionnel et réglementaire qui peut être

réalisée par le biais de la mise en place d’une Banque de données (Centre Pearson) pour

le traitement des dossiers.

(4) Une nécessaire acquisition de moyens logistiques en obtenant une vision et un

leadership plus éclairés de la Police, des efforts budgétaires nationaux, des prêts

bancaires, des pistes de coopération internationale rentable (cas de la Belgique et de

l’Armée béninoise).

(5) Une Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) doit être envisagée dans les pays

francophones, parmi lesquels le Bénin, qui s’est engagé dans cette réforme depuis la

rentrée 2012.

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Une gestion efficiente du secteur des OMP suppose un accroissement constant des

effectifs, une bonne formation et un cadre réglementaire qui concilie l’intérêt général avec

le besoin d’un plus grand rayonnement international. Le mouvement de réflexion doit se

poursuivre et des réformes nécessaires doivent s’opérer ici et là, au Bénin comme ailleurs,

afin d’offrir les conditions optimales de sélection des candidats de manière à accroître le

niveau de participation de tous les pays francophones aux OMP. Les difficultés que l’on

observe dans le cadre de la participation du Bénin aux OMP résultent d’un mélange de

facteurs réversibles. L’élaboration d’une véritable politique nationale en matière de

déploiement des contingents béninois permettra d’accroître la participation du Bénin aux

OMP, mais tout dépendra de la bonne gestion, de la coordination et d’un meilleur suivi des

dossiers pour toutes les structures impliquées. Car l’importance grandissante de la

coopération entre le Bénin, l’ONU et d’autres partenaires dans le domaine des OMP

nécessite un échange permanent d’informations entre les différentes parties.

Intervention du Général Abdallah WAFY, Adjoint du RSSGNU a.i en RDC,

Chargé des questions des droits de l’homme et de l’Etat de droit :

« Retour d’expérience de la MONUSCO »

1. Présentation de la MONUSCO, Mission des Nations unies pour la stabilisation en

République démocratique du Congo

Le mandat de la MONUSCO, tel que défini par la résolution 2053 (2012) du Conseil de

Sécurité des Nations unies, fixe quatre priorités : (1) La protection des civils, (2) La

stabilisation, (3) La Réforme du Secteur de la Sécurité, (4) La consolidation de la paix. Un

mandat spécifique dévolu à la composante police permet d’appuyer la Police Nationale

Congolaise (PNC) dans sa professionnalisation, par des activités de conseil, de formation,

mais aussi par l’appui à la réforme législative et réglementaire. Le mandat de la Police de la

MONUSCO s’exécute aussi dans la droite ligne des priorités et objectifs stratégiques de la

Mission :

Protection des civils : la Police MONUSCO intervient à plusieurs niveaux dans la protection

des populations civiles en intégrant la perspective police dans les réflexions et réponses de

la Mission en matière de protection. Elle participe activement à la mise en œuvre de la

stratégie intégrée des Nations unies pour la protection des civils en RDC à travers les

mécanismes civilo-militaires développés par la Mission, à savoir l’alerte, la prévention et les

réponses, comme par exemple les équipes conjointes et multidisciplinaires de protection.

Par ailleurs, les officiers experts MONUSCO procèdent avec la PNC à un travail de proximité

fructueux qui permet souvent d’observer des irrégularités en matière de Droits de l’Homme.

L’accent est particulièrement porté sur la lutte contre l’impunité pour les violations graves

de droits de l’homme commises lors de conflits ou encore les violences sexuelles. Enfin, le

financement de projets permet à la Police MONUSCO de concrétiser et de répondre à des

besoins identifiés de protection, comme la création d’une unité spécialisée de la PNC dédiée

à la sécurisation des camps de déplacés internes aux portes de Goma, au Nord-Kivu.

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Appui au processus de la réforme de la PNC : La résolution 2053 du Conseil de sécurité met

un accent particulier sur la réforme du secteur de la PNC, dans laquelle la Police de la

MONUSCO s’est fortement impliquée, avec notamment la mise en place d’un cadre légal et

la promulgation en août 2012 d’une loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de

la police nationale.

Restauration de l’autorité de l’Etat et appui à la stabilisation de l’est RDC : Dans le cadre de

la Stratégie Internationale de Soutien à la sécurité et la stabilisation de l’est de la RDC

(ISSSS) et en appui au Programme du gouvernement congolais pour la stabilisation et la

reconstruction des zones sortant des conflits armés (STAREC), la Police MONUSCO est l’un

des partenaires principaux dans l’élaboration du plan de mise en œuvre du volet police de la

composante Restauration de l’Autorité de l’Etat de ISSSS/STAREC. Les provinces du Nord et

du Sud-Kivu ainsi que la Province orientale constituent les zones prioritaires pour

l’instauration de l’ordre public. Actuellement, la Police MONUSCO dispose d’un effectif

autorisé de près de 1 500 policiers, répartis en huit unités de police constituées (FPU)

totalisant environ 1 050 éléments, et de près de 390 officiers de police experts individuels

issus de plus de 27 pays. A l’heure actuelle, environ 14% de ces effectifs sont des femmes.

Sur les effectifs présents, seulement deux des huit unités de police constituées sont

francophones et ont été déployées par le Sénégal.

2. Exécution du mandat et réalisations de la police MONUSCO

Appui à la réforme de la PNC

Le processus de réforme de la PNC a démarré effectivement quand le Ministère de

l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité de l’époque a mis sur pied en novembre 2005 le

Groupe mixte de réflexion sur la réforme et la réorganisation de la Police, constitué aussi

bien d’experts congolais qu’internationaux. Ce groupe a rendu son rapport en mai 2006,

dressant un certain nombre de recommandations qui ont fait l’objet d’un séminaire

national de validation en avril 2007. De cette vision consensuelle est née la « Loi organique

du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise ».

Le Comité de suivi de la réforme de la Police (CSRP) a été créé pour assurer le suivi de la

réforme. Depuis sa création fin 2007, le Secrétariat Exécutif du CSRP (SE-CSRP) s’est attelé à

l’élaboration du plan d’action budgétisé de la réforme de la Police : le Cadre Stratégique à

Long Terme détaillant les projets qui devront être mis en œuvre au cours des 15 prochaines

années et le Plan d’Action Quinquennal qui conduira à une loi de programmation relative

aux dépenses d’investissement et de fonctionnement de la réforme.

Renforcement des capacités et formation

Sur les trois dernières années, la Police MONUSCO a organisé et animé un grand nombre de

formations pour renforcer les capacités de la PNC dans plusieurs domaines : 27 000

éléments sur un effectif total de 110 000 ont ainsi été formés. Près de 11 500 policiers

congolais ont aussi bénéficié d’une formation spécialisée financée par des bailleurs comme

le Japon, le Canada, la Grande Bretagne, les Etats Unis, la Suède, l’Allemagne et le

Luxembourg, mais aussi le Fonds de Consolidation de la Paix des Nations unies. Ces

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financements extrabudgétaires ont atteint sur trois ans plus de 26 millions de dollars. Ces

formations ont porté aussi bien sur des connaissances et techniques de base sur une longue

durée, que sur des thématiques très spécifiques, comme les violences basées sur le genre, le

leadership et la gestion, l’informatique ou encore la police de proximité et la sécurisation

des élections. Par ailleurs, la Police MONUSCO a contribué à la réhabilitation de six centres

de formation et à la construction d’un centre d’instruction à Mugunga.

Appui à la stabilisation de l’Est

Depuis 2009, quelques 1 500 éléments de la Police Territoriale, dont plus de 1 000 au Nord

Kivu, ont été formés et déployés par la Police MONUSCO sur les axes prioritaires définis.

Plus de 600 policiers ont été formés et déployés au titre de la Police des Frontières. Par

ailleurs, 81 bâtiments et infrastructures ont été construits et remis à la PNC, en vue de

devenir des commissariats, des logements pour policiers, des postes de police aux frontières

ou des centres de négoces.

3. Insuffisances et lacunes constatées

Les missions et tâches dévolues à la composante police de la MONUSCO se sont spécialisées

à mesure que le mandat de la Mission évoluait. Il en a résulté une inadéquation entre les

besoins en expertise de haut niveau et les ressources et profils disponibles.

Processus d’identification des candidats au déploiement (rappel)

La réglementation au sein du Département des Opérations de Maintien de la Paix, et

particulièrement au sein de la Division de la Police, définit clairement les modalités,

obligations et engagements de chaque pays contributeur envisageant de déployer des

personnels. Ces derniers doivent être de grande qualité professionnelle et morale, et se

conformer à des standards préétablis en matière d’éthique, de déontologie et de respect

des Droits de l’Homme. Ainsi, il est demandé aux potentiels pays contributeurs d’assurer

une présélection systématique et sérieuse des candidats, d’encourager la sélection des

candidats féminins, d’assurer la formation des personnels avant leur déploiement,

d’identifier des candidats de niveau supérieur capables d’occuper des postes à

responsabilités et de sensibiliser les personnels pressentis pour être déployés aux

politiques, règles et procédures des Nations unies, notamment en matière d’exploitation et

d’abus sexuels. Par ailleurs, les visites de pré-déploiement permettent aussi aux Nations

unies de s’assurer de la conformité des équipements individuels et collectifs des unités

constituées, et ce, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

Insuffisance des ressources sur le plan quantitatif comme qualitatif

Les niveaux de compétences techniques variant d’un contingent à l’autre, il convient que les

pays s’assurent d’une certaine maîtrise de l’outil informatique, de la conduite automobile,

et de la capacité de rédaction de rapports, qui sont souvent en deçà des besoins de la

mission. A cela s’ajoute le niveau de sensibilité, de compréhension, d’expérience dans des

domaines aussi spécifiques et élaborés que le renforcement de l’autorité de l’Etat, le

respect de l’Etat de droit et des Droits de l’Homme, qui peuvent varier d’un policier à l’autre

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en raison de son propre contexte national d’origine. En effet, l’état de développement

institutionnel et d’organisation des structures administratives, policières et judiciaires

diffèrent selon les pays contributeurs dont certains connaissent eux-mêmes des

problématiques similaires à la RDC. Il est évident que cela peut poser des difficultés dans

l’exécution des tâches de conseil ou de formation auprès des éléments de la PNC. Enfin, le

niveau de connaissance des valeurs et principes fondamentaux des Nations unies varie selon

le pays contributeur. C’est pourquoi le niveau de préparation avant l’arrivée dans la mission

peut générer des problèmes de conduite et de discipline au sein des effectifs. Par ailleurs, à

leur arrivée à la MONUSCO et avant d’être considérées comme opérationnelles, les unités

de police constituées doivent subir une formation de mise à niveau d’une durée d’environ

un mois comportant un volet administratif et un volet opérationnel (une formation aux

tactiques et techniques au maintien et au rétablissement de l’ordre public (MROP) ainsi que

les gestes techniques et pratiques d`intervention (GTPI)).

Professionnalisation et spécialisation croissante des missions

Les missions de la Police de la MONUSCO sont de plus en plus spécialisées et pointues,

accompagnant des processus complexes de réforme réglementaire et législative, de

stabilisation et d’appui à l’autorité de l’Etat, de démocratisation, de consolidation de la paix

et de protection des populations civiles. Ces processus témoignent d’une

professionnalisation de la composante police des missions de maintien de la paix qui

requière une spécialisation, une expertise et donc des profils de plus en plus spécifiques. Le

Général WAFY constate que les ressources disponibles mises à disposition par les pays

contributeurs ne reflètent pas nécessairement les besoins de la Mission ; on se trouve, dès

lors, en décalage par rapport au mandat à exécuter. Outre le degré de spécialisation des

tâches de police, les difficultés à disposer d’expertises de haut niveau auprès des pays

contributeurs sont réelles. En effet, comme le montre l’exemple de la MONUSCO, il est

nécessaire pour des officiers experts déployés de détenir des aptitudes en matière de

conceptualisation, de diplomatie et de négociation pour pouvoir accompagner, par

exemple, le processus de réforme de la police nationale ou l’acquisition de fonds auprès des

bailleurs.

4. Recommandations et pistes de réflexion

Recommandations d’ordre général : Il serait souhaitable que la Division de la Police logée au

sein du Département du Maintien de la Paix à New York, et le Bureau de l’Etat de Droit et

des Institutions de Sécurité (OROLSI) révisent les standards minimaux régissant le

déploiement des policiers civils afin de développer et d’actualiser les épreuves de sélection

qui s’y rapportent. Cette révision permettrait notamment, en partenariat avec des

institutions comme l’OIF, d’effectuer la sélection la plus appropriée et la plus transparente

possible. De leur côté, les pays contributeurs doivent être sensibilisés et convaincus que les

efforts consentis pour former leurs policiers en vue des épreuves de sélection constituent

un investissement bénéfique pour le pays en terme d’image et de réputation, mais aussi au

titre de la contribution à l’œuvre collective de la paix dans le monde.

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Recommandations relatives aux officiers de police experts en mission : Il serait également

utile de mobiliser certains pays qui n’ont pas pour tradition de contribuer aux OMP ou

pourraient y contribuer davantage. La formation dans des centres régionaux spécifiquement

dédiés à la préparation aux OMP permettrait en outre d’assurer en amont des standards

minimums (connaissance des Nations unies, contexte géopolitique et culturel des pays…) et

d’accroître la cohésion des personnels déployés. L’expérience des Ecoles Nationales à

Vocation Régionale (ENVR) mérite d’être explorée et développée à plus grande échelle pour

répondre aux besoins accrus du maintien de la paix.

Recommandations spécifiques aux unités de police constituées : Pour être validées et

certifiées « aptes au déploiement » au sein d’une mission des Nations unies, les unités de

police constituées doivent disposer d’équipements individuels et collectifs qui garantissent

leur autonomie et leurs capacités opérationnelles. La ressource humaine existe mais le coût

des équipements demeure encore trop élevé, freinant ainsi la participation des contingents

police. Dès lors, il parait envisageable d’imaginer un mécanisme tripartite entre les Nations

unies, de potentiels pays africains contributeurs de troupes de police et des pays capables

de préfinancer les équipements, à charge pour ces derniers de se faire rembourser au

prorata de leur engagement financier par les Nations unies. Quoi qu’il en soit, la

sensibilisation des décideurs politiques sur les retombées positives de tels engagements

demeure cruciale.

Intervention de M. Gérard HAUY, Adjoint du Bureau génération des forces du DOMP : « Maîtriser les processus administratifs »

Le DOMP sélectionne les contingents selon une série de critères, au premier titre desquels :

Critères de sélection politiques

1. Pays acceptable par les parties en présence ;

2. Pays non impliqué dans le conflit : il n’est donc pas toujours possible de prendre des

formations locales ;

3. Pays qui s’inscrit dans le principe du respect des Droits de l’Homme ; ce thème est

devenu un axe prioritaire du Chef du DOMP, M. Hervé LADSOUS ;

4. Volonté politique de l’engagement : c'est-à-dire une forte présence au niveau du DOMP

et des Ambassadeurs représentant les pays à New York.

Critères de sélection techniques :

1. Avant de faire des recommandations, le niveau des engagements en cours et des

ressources disponibles du pays en question est évalué. En effet, le pays concerné doit

assurer la continuité et la qualité des engagements présents ;

2. Capacités globales du pays ;

3. Existence d’un sponsor actif, c'est-à-dire d’un pays plus puissant qui va soutenir l’effort

de génération de forces notamment via la fourniture d’équipements, de formateurs

militaires ou spécialisés, de matériel de transport … L’idée étant d’évaluer l’aide

concrète dont peut disposer le pays ;

4. Performances antérieures : la réputation du pays candidat, tant en matière de

constitution des contingents que de la conduite sur le terrain, est prise en compte;

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5. Niveau de préparation difficile à estimer : équipements, personnels (qualité,

disponibilité), formation ;

6. Processus de décision politique parfois trop long, induisant des délais contreproductifs

alors que le facteur « temps » est capital dans la mise en place de ce type d’opérations ;

7. Communication avec le DOMP.

Les processus administratifs : le cadre administratif à maîtriser :

• Résolution du CSNU :

- Mandat

- Tâches de la composante militaire / Effectifs (fixation des troupes)

• Concept of Operations (CONOPS)

- Mandat et tâches de la composante militaire

- Organisation de la composante militaire et des effectifs

• Force Requirements

- Information d’environnement (mission, mandat)

- Tâches

- Organisation

- Effectifs

- Matériels majeurs

- Matériels de vie courante et de soutien de l’homme

• Manuel des Matériels Appartenant au Contingent (COE Manual)

- Texte du Memorandum of Understanding (MOU)

- Catégorie de matériels

- Standards applicables aux matériels

- Modalités de remboursement

Les « Force Requirements » (FR) et le Manuel des Matériels Appartenant au Contingent

(COE Manual) sont interdépendants. Par ailleurs, ce manuel doit être parfaitement connu

des officiers d’état-major responsables de la mise sur pied des contingents.

• Manuel du Bataillon d’Infanterie ONU (UNIBAM) :

Ce guide de la référence capacitaire, dont la traduction française est en cours d’exécution,

énumère les tâches et les capacités attendues. Il aborde les questions d’organisation et

d’équipements : Tâches, Capacités, Outils d’évaluation opérationnelle, TED Générique,

Organisation, Equipement, Déploiement.

Le facteur le plus important dans le suivi de ces divers processus administratifs demeure la

communication, l’essentiel étant de maintenir une relation de qualité, rapide et efficace

entre le Secrétariat de l’ONU et l’Etat-major du pays contributeur de troupes (PCT). Ceci est

particulièrement vrai pour les PCT qui ne disposent pas de conseiller militaire au sein de leur

mission permanente aux Nations unies. Le conseiller en charge des affaires militaires devrait

avoir accès à des points de contacts identifiés et officiels au sein du Ministère de la Défense

et de l’Etat-major. Il doit finalement exister une liaison permanente entre le Ministère des

Affaires étrangères et le Ministère de la Défense, tant pour permettre le succès d’une

candidature, que pour les questions liées à la génération et au déploiement de l’unité. La

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planification demeure aussi un enjeu crucial, ce qui requiert, à terme, une nécessaire

spécialisation des divisions des états-majors.

Schéma des étapes clés du processus administratif relatif à la sélection de contingents

Intervention de M. Alexandre RINAUDO, DOMP – Division Police :

« Politique du DOMP »

1. Présentation de la Division Police : composante et missions

La Division de la Police des Nations unies « UNPOL » participe à 18 opérations des Nations

unies disposant d’une composante de police. Cela représente 12 398 policiers déployés, sur

une force autorisée à 15 000 effectifs ; cet effectif devrait croitre dans les années à venir et

les policiers représenteront des contingents plus importants. Sur cet effectif total, on

dénombre 10% de femmes déployées pour une participation de 84 pays contributeurs. Ces

policiers sont déployés par delà le monde dans plus de 8 missions anglophones et 3 missions

francophones (MINUSTAH, ONUCI, MONUSCO). L’UNAMID au Darfour rassemble à elle seule

sur place 4 877 policiers pour un effectif requis de 6 500 places. S’ajoutent à ce déploiement

ceux relatifs aux Missions de politiques spéciales se déroulant en Libye, Somalie, Iraq,

Guinée Bissau, Sierra Léone pour les missions réalisées par les anglophones, et au Burundi

et en République Centrafricaine pour celles réalisées par les francophones. Plus de 42% de

l’action de la Division Police se déroulent en Afrique, contre 33% en Asie, qui en font les

deux continents les plus demandeurs.

2. Les défis rencontrés

De nombreux problèmes sont rencontrés par la Division dans l’identification et le

recrutement des postes à haute responsabilité du fait de la complexification des missions.

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La demande porte sur des officiers disposant d’une riche expérience notamment pour

pouvoir la transmettre aux forces locales, et sur des officiers capables de s’adapter à la

diversité des modèles et des standards en matière de Police sur le continent africain. L’enjeu

actuel est celui de la qualité des candidatures recherchées et souhaitables, et non leur

quantité. Néanmoins, les experts sont difficiles à trouver : ils sont utiles au niveau national

et leur retour sur expérience en terme de sécurité intérieure n’apparait pas de manière

évidente étant donné la diversité des modèles « police » en Afrique. Par ailleurs, la

féminisation croissante des effectifs constitue un défi supplémentaire, d’autant que la

Division souhaite atteindre un pourcentage s’élevant à 20% de femmes en 2014.

Enfin, les défis capacitaires sont eux-aussi bien présents, du fait d’équipements manquants

ou défaillants. Les problèmes relatifs à la discipline (violence et abus sexuels) sont aussi

récurrents ; ils relèvent essentiellement de la responsabilité des Etats contributeurs qui

doivent former leurs effectifs aux principes exigés par les Nations unies durant leur phase de

pré-déploiement afin d’éviter tout incident sur place.

3. Relever les défis : les accomplissements en la matière

Une Division de la sélection et du recrutement a été mise en place, sous impulsion de la

Conseillère de Police et ses procédures ont été normalisées. Un serveur relevant les

infractions et incidents a également été élaboré de manière à ne pas renvoyer en mission

des éléments qui n’auraient pas respecté les principes onusiens en la matière. Les

interviews peuvent désormais être traduites. Le panel permettant une coopération active

avec l’UA et l’OIF comporte donc au moins un représentant francophone. Des ateliers de

perfectionnement des CV francophones ont aussi été mis en place pour répondre à la

demande onusienne très spécifique. Ce projet sera renouvelé dans les prochains mois pour

les pays qui n’avaient pu y participer. La représentation des femmes est aussi un enjeu

auquel la division a répondu via la mise en place d’une discrimination positive et d’un débat

accru avec l’Organisation internationale des femmes policières. En effet, la confiance des

populations envers le personnel en uniforme se trouve renforcée par la présence de

personnel féminin dans les missions.

4. Les nouvelles procédures de recrutement : la réforme de l’équipe SAT, Selection

Assistance Team

Le SAT a vocation à se rendre dans le pays contributeur pour tester le personnel en

langues/tir/conduite, l’évaluation se poursuivant par des entretiens téléphoniques. Les

procédures suivies par le SAT ont longtemps souffert de dysfonctionnements témoignant

d’un manque criant de normalisation : le SAT opéré dans les pays pouvait se révéler

différent de celui appliqué au sein des missions ; sa durée pouvait être incertaine ; une fois

déployé, le personnel pouvait être évalué à nouveau ; suivant les instructeurs, les

pourcentages obtenus pouvaient subir de grandes variations. Il s’avérait donc indispensable

de revoir complètement ce mécanisme. Les procédures de sélection et de recrutement ont

donc été améliorées et normalisées ; des catalogues de profils permettant au DOMP de

mettre en adéquation les besoins spécifiques et les profils ont été développés. Des Equipes

d’assistance pour l’évaluation et la sélection (SAAT) ont été mises en place pour œuvrer à

l’harmonisation des procédures d’évaluation dans les Etats Membres et les Missions. Un

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test informatique et un test de conduite avec le Manuel de Transports de DFS ont été

ajoutés à l’entretien d’évaluation. La durée de validité du test a été étendue, passant de 18

à 24 mois. Les instructeurs envoyés, certifiés par les Nations unies, rencontrent désormais

les autorités locales pour discuter des problèmes de sélection et de recrutement, et les

documents nécessaires en matière de normes ou de directives à connaître sont remis aux

pays contributeurs.

En outre, toutes les candidatures doivent être soumises par une Note Verbale des Missions

Permanentes dans le délai prescrit et renseigner le formulaire P-11/PHP décrivant :

- L’historique des emplois occupés (description, accomplissements, contribution…)

- La compréhension du poste (JD)

- La certification

Concernant les problèmes médicaux, le formulaire MS-2 doit être rempli et remis à la

Division Police, moins de six mois à partir de la date de déploiement. Il comprend des

résultats d’analyses sanguines ainsi que des radiographies.

Le processus de recrutement diffère selon que la procédure relève :

- de la sélection des policiers individuels « UNPOLs » qui inclut le SAAT

- de la sélection pour les postes dits « professionnels détachés » pour lesquels la

décision finale revient au POLAD, à l’USG ou au SG

- de la sélection des Unités de Police Constituées (FPU) par la négociation du

« Memorandum of Understanding » (MOU) et d’une visite de pré-déploiement.

Une campagne de recrutement pour des policiers « détachés » est généralement conduite

une ou deux fois par an et la période de détachement couvre généralement deux ans. Les

candidats sélectionnés doivent être en service actif, et s’ils sont effectivement retenus, ils

devront être placés officiellement en position de détachement. Jusqu’à récemment, les

unités déployées (FPU) étaient très peu francophones ; désormais, il existe une réelle

volonté de participation francophone qui dépend des places disponibles en missions. Au

moment de la rotation, les FPU sont donc préférentiellement remplacées par des unités

francophones. A cet égard, le travail d’influence des Etats Membres en termes de lobbying

et de connaissances des processus administratifs constituent un avantage non négligeable.

Ce travail, largement réalisé par les pays anglo-saxons, reste à mettre en œuvre dans les

pays francophones.

Intervention de M. Pierre LEVEILLE, Département d’appui aux missions (DAM) : « Répondre aux besoins spécifiques d’équipements et de financements des contingents : Matériel appartenant au contingent, Mémorandum d’accord, contrôle et remboursement (MAC) »

Les responsabilités de la Section des Mémorandum d’accord et demandes de

remboursement sont nombreuses. Elle coordonne, par exemple, la négociation des

mémorandums d’accord entre les pays contributeurs et les intervenants au Siège ; elle

calcule les remboursements au titre du matériel sur la base de mémorandum chaque

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trimestre ; elle évalue et certifie les demandes de remboursement pour lettre d’attribution,

de décès ou d’invalidité, et traite toutes les réclamations des gouvernements ; enfin, elle

clarifie les questions sur les politiques et procédures de remboursement, en organisant

notamment tous les 3 ans des groupes de travail sur le matériel.

1. Principes de base du système de contrôle et de remboursement du MAC

- Souplesse pour répondre aux besoins de chaque pays de manière équitable ;

- Universalité d’un modèle permettant le contrôle financier et la vérification des

comptes ;

- Tous les règlements figurent dans le Manuel du MAC qui régit le contrôle et le

remboursement relatif au matériel appartenant aux forces militaires ou de police

des pays qui participent aux OMP ;

- Ce manuel doit être utilisé avec d’autres mémoires également disponibles en ligne,

tels que les aide-mémoire aux fournisseurs de troupes/police.

2. Le système relatif au MAC se caractérise par :

- Un mémorandum d’accord avec les pays qui fournissent les contingents militaires

ou de police selon diverses formules de location ;

- Des taux de remboursement standards approuvés par l’Assemblée Générale et

décrits dans le manuel relatif au matériel appartenant aux contingents (COE

Manual);

- Révision des taux de remboursement et des règles de procédures (tous les 3 ans)

Plus précisément, l’objet du Mémorandum d’accord est donc, dans un premier temps, de

définir les conditions d’ordre administratif, logistique et financier régissant la fourniture par

le Gouvernement de personnels, de matériels et de services à une mission de paix, et, dans

un deuxième temps, de préciser les normes de conduite des Nations unies applicables au

personnel fourni par le Gouvernement. La formulation d’un Mémorandum d’accord survient

après l’autorisation d’une mission de paix et un échange de notes verbales avec le DOMP ou

encore quand un pays décide de participer à une OMP. Sa négociation est l’occasion de

plusieurs propositions de tableaux organisationnels validés ou non lors de la visite de pré-

déploiement. Le dernier amendement inclut les dispositions relatives à la bonne conduite et

la discipline que doivent respecter les personnels en mission. Dès que le Mémorandum

d’accord est signé, le processus de remboursement s’engage. Il comporte 3 annexes, suivies

des normes de performances :

- L’Annexe A relative au Personnel ;

- L’Annexe B relative au Matériel Majeur :

o Contrat de location avec ou sans services d’entretien et de réparation. Dans le cas

de la « location avec services », le pays contributeur met à disposition des matériel

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majeurs et passe un accord bilatéral relatif à l’entretien avec un autre pays

contributeur Il conclut avec l’ONU un accord de « location avec services ». Dans

l’option « location sans services », le pays fournit toujours le matériel majeur mais

c’est l’ONU qui en assure l’entretien, seule, par sous-traitance ou consécutivement à

la signature d’un mémorandum avec un autre pays. Le remboursement est effectué

selon les normes de performance.

- L’Annexe C relative au soutien logistique autonome (restauration, matériel de

bureau/hébergement/électrique, lutte contre l’incendie, matériel médical…) :

o Remboursement forfaitaire par personne et par mois,

o Remboursement modulaire qui exclut tout remboursement partiel,

o Remboursement des fournitures et du matériel mineur.

La valeur de remboursement de matériel majeur et du soutien logistique autonome est de

810 millions de dollars. Le remboursement n’est déclenché que sur la base de l’envoi des

rapports de vérifications établis par le Commandant du Contingent et l’équipe d’inspection

de la Mission à chaque trimestre. Les paiements sont fondés sur la position de trésorerie

pour chaque mission telle qu’évaluée par le Contrôleur. S’il existe un désaccord entre le

contingent et les renseignements contenus, il faut alors procéder à une requête écrite.

Il est de la responsabilité des Nations unies d’examiner les rapports d’inspection, de signaler

les lacunes ou l’existence de stocks excédentaires, de calculer les montants à rembourser et

de les payer. De même, il est de la responsabilité de la Mission de procéder aux inspections

initiales (dans le mois suivant le déploiement), périodiques (trimestres), opérationnelles

(une fois durant le mandat) et de redéploiement. Les pays fournissant les contingents

doivent, quant à eux, déployer du matériel en état de fonctionnement, signaler les lacunes,

y remédier et aider le personnel de mission à établir les rapports d’inspections périodiques.

Concernant la perte ou le dommage de matériel, divers régimes existent selon que la perte

est due à un acte d’hostilité ponctuel ou un abandon forcé ; dans ce dernier cas, l’ONU

n’assume la responsabilité des articles qu’au dessus de 250 000 dollars. Les incidents hors

faute sont assumés par la partie fournissant le matériel alors que les pertes effectuées

durant le transport ressortent de la responsabilité de la partie ayant organisé ce transport.

Le coût du personnel est établi sur la base mensuelle de 1 028 dollars et comporte des

indemnités de spécialisation. Il devrait être augmenté dans les années à venir. Enfin, la

lettre d’attribution est utilisée pour l’achat de biens et de services auprès des pays

fournissant des contingents, en concurrence avec des sources commerciales. Une filière

spécifique est à suivre pour ce type de remboursement, qui a lieu dans les 90 jours suivant

le paiement. Les demandes d’indemnisation concernant les décès s’élèvent à 70 000 dollars

et les demandes d’indemnisation d’invalidité sont calculées par pourcentage sur cette

même base. Le régime est désormais le même pour tous, indépendamment de l’uniforme.

3. Les défis liés au MAC

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Le principal défi concerne les équipements majeurs, souvent non opérationnels (vieux ou

insuffisamment entretenus) ou inappropriés aux conditions locales. Le manquement à la

sécurité et le faible nombre d’opérateurs qualifiés sont récurrents. On déplore aussi un

manque de génératrices pour opérer à la fois l’équipement et le soutien logistique

autonome. Ce dernier souffre également d’un manque de consommables et d’un nombre

insuffisant de personnel médical, surtout pour les petites unités comme celles de police. En

règle générale, les mesures d’hygiène sont insuffisantes, tout comme les mesures de

prévention. Cette accumulation de détails peut être considérée comme très handicapante

dans la tenue des opérations et peut entraîner des dépenses largement supérieures à celles

initialement prévues.

Intervention de M. PEER DE JONG, Strike Global Services and Sovereign Global Services : « Assister les Etats membres dans leur participation aux OMP »

Cette dernière partie traite d’une forme de nouveauté : le rôle que peut désormais

jouer le secteur privé dans la préparation des contingents, et plus précisément, suivant

l’exemple de la police djiboutienne au Darfour.

M. PEER DE JONG, Directeur de Strike Global Services et Sovereign Global Services, a tout

d’abord dressé un constat global concernant le maintien de la paix: en la matière, il est clair

que le volontarisme des francophones est confronté au leadership anglo-saxon, qui se

traduit notamment par des sociétés américaines formant les contingents africains. Les

personnes à l’origine de ces formations sont souvent d’anciens militaires. De là est née

l’idée d’une association entre civils et anciens militaires pour proposer aux pays

francophones une prestation semblable à celle offerte par les Américains. Si les pays

francophones sont extrêmement volontaires pour participer aux OMP, il existe

malheureusement un réel défaut de préparation (code, standards internationaux, rigueur

extrême de l’ONU) qui nécessite une formation spécifique, des équipements adéquats et

une logistique à toute épreuve. Ainsi, par exemple, pour une unité de police (FPU), il faut

compter au moins six blindés, une trentaine de matériels roulants et beaucoup de

personnel.

StrikeGS est un prestataire de services qui aide à la formation, la logistique, la fourniture

d’équipements, le Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) et à la mise à disposition

d’actifs. StrikeGS n’est pas une société militaire privée, c’est une société française qui

appartient à un groupe entièrement contrôlé par des dirigeants et des capitaux privés

français. Elle est comparable à un partenariat public-privé dans le domaine militaire.

StrikeGS propose des solutions alternatives et rapides pour répondre à une problématique.

Or, l’un des défis auquel doivent répondre efficacement les Etats de manière à être réactifs

demeure celui des financements.

Les activités de StrikeGS :

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- Formation aux opérations de maintien de la paix réalisée par 20 formateurs à temps

plein durant trois mois :

o assistance aux négociations ONU, UA, etc

o financement innovant

o formation sur mesure

o équipements complets et conformes aux normes onusiennes, qualification

ONU et déploiement.

- Logistique opérationnelle des OMP :

o MCO de l’équipement sur zone

o Gestion des déploiements et des relèves

o Base arrière logistique et MCO multi-clients

o Inspections ONU afin d’optimiser les taux de remboursement onusien

L’idée est ainsi d’accompagner tout au long de la mission permanente ces membres, et plus

spécifiquement lors d’épreuves plus délicates que sont notamment les inspections des

Nations unies. Le financement est assuré ainsi que l’équipement dans sa totalité à un prix

attractif, puisque, selon le credo de la société, « nos destins sont liés ».

Modèle d’équipement :

StrikeGS procède à une adaptation stricte aux besoins et aux moyens des contingents, au

meilleur prix par le biais d’appels d’offres internationaux ou de reconditionnement de

matériel, tout en respectant les standards onusiens. Le matériel roulant, bien que bon

marché, demeure donc de qualité, tout comme la relève et le maintien en condition. Par

ailleurs, le matériel est directement livré dans le pays partenaire. Concernant le cas de la

police Djiboutienne, l’accompagnement a été complet et ce type d’aide a généré la

confiance. Il est toutefois préférable que l’Etat conserve la prérogative de cette dynamique.

StrikeSG poursuit donc plusieurs objectifs dans l’offre proposée aux pays souhaitant devenir

contributeurs de troupes :

OBJECTIF 1 - Le développement de la participation aux OMP

Pour les nouveaux entrants, une analyse des besoins ONU et de l’assistance nécessaire à

New York est dressée. Des formations ou la fourniture d’équipements complémentaires

sont aussi proposées. Les unités finalement constituées sont livrées « clés en main ».

L’optimisation des opérations en cours est également recherchée via la formation des

relèves et des équipements. Très souvent, il faut également former les personnels,

notamment à l’arrivée des équipes des Nations unies. Dès lors que le système est en place, il

faut le diversifier et échanger avec la DCSD et d’autres prestataires de formation, de

manière à éviter les offres redondantes et à garantir la complémentarité des formations. Il

n’y a ni compétition ni concurrence avec des dispositifs déjà présents (comme les ENVR). Le

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maintien en condition et la logistique sur zone sont assurés, ainsi que le suivi et

l’accompagnement des membres de la Mission durant les inspections de l’ONU.

OBJECTIF 2 - Concept de bases logistiques multi-clients

StrikeSG dispose d’une base à Djibouti, l’objectif étant qu’elle puisse répondre aux attentes

de soutien logistique pour toutes les forces au Darfour. Il faut répondre aux attentes avec

un taux de disponibilité de 90% pour obtenir un remboursement maximum. StrikeSG a

également l’intention de développer en Afrique de l’Ouest, probablement à Dakar, une

autre base logistique multi-clients en flux tendus qui serait une force de réaction rapide par

le biais d’un stock avancé d’approvisionnement qui permettrait de réduire les délais

d’acheminement. Elle serait aussi constituée d’un service de recherche et de livraison de

pièces, d’une zone de stockage des matériels, d’une compétence technique locale ou

projetable, et serait complétée d’une expertise en termes de transport opérationnel et

d’une équipe de veille logistique. Une telle base permettrait de transposer l’expérience de

Djibouti en Afrique de l’Ouest et éventuellement au Mali. Seules les pièces consommées

sont effectivement payées. Ce soutien se révèle donc très performant et rapide. Toutes les

spécialités sont représentées. StrikeSG dispose de bureaux à Paris, Bruxelles et New York

ainsi que d’équipes de logisticiens et de mécaniciens sur le terrain.

OBJECTIF 3 - Concept de logistique d’urgence

StrikeGS propose une formation et un accompagnement logistique de projection via la

préparation logistique de l’opération: montée en puissance, recherche de matériels,

accompagnement administratif lors de la visite de pré-déploiement.

OBJECTIF 4 - Concept de logistique médicale

La création de structures médicales d’urgence fait aussi partie intégrante des services

proposés.

Discussions

Comme l’a formulé le Général KANDJI et de manière générale « les crises sont au

Sud et les équipements au Nord » ; par conséquent, des propositions comme celles Strike GS

peuvent résolument créer une dynamique et offrir des solutions originales et viables aux

problèmes rencontrés par les OMP. Le Général Babacar GAYE et le Commissaire WAFY le

concèdent : l’initiative de M. PEER DE JONG est séduisante à l’heure où les difficultés dans

ce domaine sont persistantes chez les francophones. Néanmoins, une réalité doit être prise

en compte : la difficulté de l’auto-évaluation chez les francophones. Il y a ainsi un

fondement doctrinal relatif à la mise sur pied des contingents qu’il est essentiel de

maîtriser. Par ailleurs, les structures peuvent être mutualisées entre Etats afin de permettre

une préparation technique adéquate.

Le Général BEHANZIN a fait cas de la future mise en place d’une unité de police (FPU) qui

pourrait être facilitée par l’intervention d’un prestataire privé comme Strike Global. En effet,

les délais sont tels que les banques globales ne seront d’aucun secours. Toutefois, comme

l’a précisé M. PEER DE JONG, l’Etat doit rester le moteur : le Chef d’Etat doit être sollicité et

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avoir pris en compte la problématique politique. Enfin, une préparation spécifique est

nécessaire pour entrer dans la logique Nations unies, qui passe une fois de plus par

l’apprentissage de l’anglais et du français.

Le Général GAYE a conclu cette première table ronde, en soulignant les deux types de

présentations qui ont eu lieu : d’une part, le rappel des règles de l’art et des fondements

doctrinaux de la mise sur pied des contingents, d’autre part, des témoignages de mise en

œuvre ou de réception. De nombreuses solutions en ressortent, notamment sur les

structures qui doivent être en place, voire mutualisées, pour une préparation adéquate et

optimisée.

La question des équipements a été soulignée par M. PEER DE JONG proposant une solution

attractive. La préparation des contingents d’experts doit être améliorée, aussi bien sur le

plan pratique que par le bais d’une politique de l’Etat. Une question semble persister à ce

stade du séminaire : doit-on mettre à disposition nos experts pour le rayonnement du pays

ou les conserver ? L’importance de la relation contractuelle a également été évoquée et

souligne l’importance des experts du maintien de la paix au sein des Etats, domaine qui ne

doit pas devenir déficitaire pour les pays en question. La volonté politique doit donc se

concrétiser en termes de capacités, permettant ainsi aux Etats d’exercer légitimement leur

influence. Une fois la capacité atteinte, le débat se concentre sur la question de la

performance des contingents sur le terrain.

***

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5. Deuxième table ronde : « Les solutions francophones de formations

aux OMP »

Introduite par le Général Mahamane TOURE, Directeur de l’Ecole de maintien de la paix (EMP) de Bamako

Après avoir évoqué les enjeux de la mise sur pied des contingents francophones, il

est nécessaire d’en venir maintenant aux solutions de formations aux OMP. Les

dysfonctionnements structurels apparaissent comme la plus grande difficulté rencontrée

par les troupes. Il est de la responsabilité des pays contributeurs de mettre à niveau

contingents, experts et officiers. Une formation plus spécifique au niveau régional peut être

envisagée dans le cadre des centres d’excellence. L’UA a jugé utile de codifier une

architecture de paix et de sécurité comportant une composante de force en attente dont la

formation est envisagée dans ces centres : elle complète, sans pour autant les remplacer, les

initiatives nationales. Les ENVR, initiées par la DSCD et ensuite ouvertes aux autres

partenaires, jouent un rôle prépondérant. Les présentations de cette table ronde

s’inscrivent dans une dynamique d’approfondissement des forums de Bamako et de

Yaoundé organisés par l’OIF poursuivie lors des réunions de Centres Francophones à Paris

en 2011. Il s’agit de couvrir les domaines suivants, tout en insistant sur les modalités de

prise en compte des spécificités identifiées auparavant: l’éveil à la diversité culturelle, la

compréhension de la sociologie des aires de déploiement des missions et les exigences de

l’interopérabilité linguistique.

Intervention du Général Major Cyprien HAKIZA, Inspecteur général du Ministère de la Défense burundais : « RETEX du Burundi au sein de l’AMISOM »

Après l’écroulement du régime de Siad BARRE en janvier 1991, la Somalie a été

plongée dans une crise sans précédent, du fait de divisions claniques, religieuses et autres

rivalités diverses. La communauté internationale, sous l’égide des Nations unies et de l’UA, a

décidé d’intervenir, suite aux nombreuses violations des droits de l’Homme survenues dans

cette zone, afin de restaurer et stabiliser la paix en Somalie. C’est dans ce cadre que

l’AMISOM (African Union Mission in Somalia) a été mise en place avec la contribution du

Burundi.

L’AMISOM n’est pas une mission de maintien de la paix en tant que telle, c’est une mission

de soutien à la paix, agissant sous le Chapitre VI de la Charte des Nations unies. Elle a pour

mandat de fournir un soutien aux Institutions Fédérales de Transition (TFI) dans leur effort

de stabilisation du pays et d’instauration de dialogue, de faciliter la fourniture de

l’Assistance humanitaire et de créer les conditions propices à la stabilisation de la Somalie à

long terme en vue de sa reconstruction et son développement.

Les tâches dévolues à cette mission sont multiples :

- soutenir le dialogue de tous les intervenants et la réconciliation en Somalie ;

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- fournir une protection et des infrastructures aux TFI ;

- appuyer la mise en œuvre du plan national et de sécurité de la Somalie, en

particulier le rétablissement des effectifs et des formations des Forces de Sécurité

somaliennes inclusives ;

- apporter un soutien technique au désarmement et à la stabilisation du pays ;

- surveiller la situation sécuritaire dans les zones de déploiement ;

- garantir les opérations humanitaires (rapatriement, réintégration des réfugiés…) ;

- protéger le personnel et les équipements (droit de légitime défense).

Les défis rencontrés avant le déploiement de l’AMISOM, tant en termes de sélection, de

formation que de communication ont été nombreux.

1. Les difficultés de la sélection

Elle doit être réalisée de la façon suivante selon le grade du personnel recruté :

- Les hommes de rang doivent répondre à des critères de discipline, d’aptitudes

physiques et mentales.

- Les sous-officiers doivent être choisis suivants des critères de discipline, d’aptitudes

physiques et mentales et de compétences caractérisées par des connaissances

acquises et leur savoir-faire.

- Les officiers doivent répondre aux critères de discipline, d’aptitudes physiques et

mentales, de connaissances acquises, de savoir-faire, mais surtout de leadership

avéré.

2. Les multiples défis de la formation

Le Burundi, encore jeune pays contributeur de troupes, a besoin de l’expérience de pays

partenaires plus expérimentés en la matière et disposant d’instructeurs hautement

qualifiés. Ces échanges ont vu naître des coopérations fructueuses en la matière,

notamment avec les Etats-Unis, au travers du programme ACOTA (African Contingency

Operations and Assistance), ou avec la France, émettrice de formations complémentaires

dispensées par des officiers ou sous officiers spécialisés. Parallèlement, la Grande Bretagne

et les Pays Bas ont aussi participé au développement du centre de formation. Le but est de

préparer le Burundi à prendre la relève totale des formateurs fin 2013. A l’heure actuelle,

vingt bataillons ont déjà pu bénéficier de cette formation de pré-déploiement et dix-huit

d’entre eux ont déjà participé à la mission et acquis une réelle expérience sur le terrain en

matière de maintien de la paix. En complément de cette formation de pré-déploiement,

treize bataillons ont déjà suivi des formations spécialisées (coopération interarmées,

combat urbain, formation de snipers, conduite d’engins blindés, sécurité de l’aviation, etc.).

3. La communication vectrice de confiance

La communication, verbale ou non verbale, permet non seulement de faire passer une

information mais aussi de créer un climat de confiance favorisant le dialogue et l’incitation

mutuelle à agir. On le sait, toute méfiance devient un obstacle majeur à la communication.

Dans le cas plus spécifique de l’AMISOM, la communication inter-contingents se faisait

entre officiers par l’usage de la langue anglaise, rapidement maîtrisée, et par interprétation

de l’anglais au français pour les sous-officiers et hommes de rang. Concernant les échanges

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entre les Somaliens et les contingents, ils étaient difficiles, l’élite étant peu présente et la

population locale ne parlant que très peu anglais. Un interprète était donc nécessaire à

chaque échange verbal ou écrit.

4. Les défis relatifs à la protection des informations et du renseignement

La Somalie présente un caractère plus complexe concernant la protection des informations

puisque de nombreux pro-terroristes difficilement identifiables se mêlent à la population

locale. Ces derniers semblent présents au plus haut niveau du Gouvernement et de la

hiérarchie militaire.

En conclusion, le Général HAKIZA a souligné l’apport capital du contingent burundais à la

Mission, notamment dans la prise de l’Hôpital militaire et du Ministère de la Défense. Ces

deux évènements ont, en effet, changé irréversiblement la réalité sur le terrain.

Aujourd’hui, l’AMISOM et la Force de Défense Somalienne contrôlent les villes et ports

stratégiques du pays et de leurs alentours. Néanmoins, la guerre ne peut être gagnée

uniquement par les armes et la communauté internationale doit désormais aider les

nouvelles autorités somaliennes à asseoir leur légitimité et leur leadership. La confiance de

la population pourra ensuite être gagnée au travers d’une série de projets de

développement aux résultats rapides et convaincants. Enfin, pour le Burundi, la

connaissance du français constitue un atout et non une faiblesse. A cet effet, le pays a mis

en place une Ecole de rayonnement du français au sein de son Institut Supérieur des Cadres

Militaires.

Intervention du Colonel Cheick DEMEBELE, Responsable de l’entraînement et de l’évaluation de la FAA, Commission de Paix et de Sécurité de l’UA : « Etat des lieux général en matière de formation »

En introduction, le Colonel Cheick DEMBELE a souhaité citer un état des lieux réalisé

par le S.E Ramtane LAMAMRA « (…) Les réalités sur le terrain sont souvent plus ambiguës,

se situant dans un « entre deux » de « ni guerre, ni paix ». De ce fait, la communauté

internationale se trouve souvent placée devant des choix délicats : soit attendre la

restauration de la paix pour intervenir, soit prendre les risques nécessaires pour conforter

une dynamique fragile, appuyer les forces de paix et isoler les fauteurs de troubles, à défaut

de ne pouvoir les ramener dans une logique de dialogue et de recherche de compromis ».

Par conséquent, on ne peut préparer le personnel de la même manière pour une OMP et un

autre mandat. Il faut donc créer les conditions de maturation nécessaires pour qu’une OMP

soit déployable.

1. Opérationnalisation de l’Architecture Continentale de Paix et de Sécurité (APSA)

Le Conseil de Paix et Sécurité (CPS) est au cœur de l’architecture de l’APSA. Son efficacité et

ses manquements sont la résultante de l’engagement des Etats Membres, puisque les Chefs

d’Etat et de Gouvernement eux-mêmes concrétisent dans les faits l’Agenda continental de

Paix et Sécurité. Les composantes majeures de l’APSA sont en place mais des insuffisances

demeurent persistantes. C’est pourquoi l’opérationnalisation de l’APSA permettra une

meilleure prise en charge des différentes étapes des situations de conflit, de la prévention

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structurelle à la reconstruction, tout en tirant pleinement profit des initiatives de médiation.

Elle permettra aussi, si nécessaire, la conduite d’opérations de soutien à la paix, y compris

sous forme de déploiements préventifs. Cet édifice demeure donc à parachever grâce à la

formation. Il est aussi nécessaire de mobiliser davantage de ressources au profit de l’APSA,

qui devrait être considérée comme un outil politique agissant au niveau continental. Enfin, il

faudrait optimiser l’usage de ses différentes composantes, y compris le Système Continental

d’Alerte Précoce.

2. Objectifs de la formation : paix et sécurité

Cette formation doit permettre :

- De répondre aux situations d’urgence ainsi que la formulation d’une position

africaine commune sur les situations de crise ;

- De mettre en œuvre des actions qui contribuent à la prévention structurelle des

conflits ;

- D’accroître les capacités d’analyse et d’anticipation des mesures de réponse à

travers notamment des projets à caractère transversal comme le Programme

Frontières ;

- D’assurer la cohérence au niveau continental des capacités notamment par le biais

de la formation PSO qui peut être réalisée par des ENVR ou centre d’excellence ou

lors d’exercices bilatéraux ou régionaux ;

- De procéder à un management stratégique et opérationnel des missions en

partenariat avec les Nations unies (AMISOM et UNAMID).

3. Définition des responsabilités

Les responsabilités se déclinent sur trois niveaux : continental, régional et au niveau des

Etats membres. La détermination de la politique et des directives majeures, l’harmonisation

et la coordination des activités de formation ainsi que la conduite du niveau stratégique de

la formation PSO sont décidées au niveau continental. Au niveau régional, il peut être

proposé des formations PSO complémentaires et spécialisées à travers notamment des

ENVR et centres d’excellence, des exercices bilatéraux ou régionaux ou des échanges inter

et intra-régionaux. Enfin, les Etats membres apparaissent responsables de la formation et de

la mise à niveau des contingents nationaux et d’officiers d’Etat-major. Ils assurent aussi

toute activité de nature à contribuer à la préparation des capacités nationales.

4. Quelques projets au niveau continental

L’UA doit assurer au niveau continental une cohérence des formations dispensées.

Néanmoins, divers obstacles empêchent cette unification théorique. Tout d’abord – et le

Colonel DEMBELE rejoint ici les propos du Dr Nigalé BAGAYOKO – il faut engager les

décideurs politiques les plus élevés et les sensibiliser à cette thématique et à ses avantages

comparatifs. Cela permettra d’améliorer la compréhension des ambassadeurs des membres

non permanents peu familiers de la structure onusienne. Dans un deuxième temps, il

apparaît nécessaire d’établir un catalogue des formations délivrées contenant les objectifs,

le niveau de candidature requis, la méthodologie suivie, et ce, afin d’identifier ces outils et

de leur donner une visibilité importante. En effet, actuellement les formations sont menées

de façon disparate sur l’ensemble du continent et sont fonction du comportement des

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bailleurs de fonds qui se dirigent naturellement vers des aires linguistiques connues, de fait

plus confortables. Pour palier cette hétérogénéité des formations au niveau continental

aussi bien concernant leur programme que leur localisation, plusieurs projets sont en voie

de réalisation :

- Evaluation des besoins en entraînement (TNA pour une plus grande cohérence) ;

- Séminaire des Ambassadeurs de l’UA ;

- Cours de planification Stratégique et de Prise de Décision Politique ;

- Cours de Planification Opérationnelle Militaire (GOP, MPO, OPP…) ;

- Cours de l’UA pour les dirigeants de Hauts Rangs des opérations de la paix (« Senior

Mission Leaders ») ;

- Cycle de formation AMANI AFRICA II (FTX en 2014).

A l’issue de cette présentation, le Général TOURE a souligné l’existence du Fonds de la paix,

un mécanisme identifié mais dont les ressources (0.05% des droits de douanes) sont placées

sur un compte bancaire maîtrisé par les Etats. Dès lors, les agendas spécifiques de chacun

empêchent toute prise de décision ou utilisation de ces ressources à une échelle plus

globale. C’est un des problèmes supplémentaires rencontrés par cette architecture

continentale.

Intervention du Colonel Luc de REVEL, Sous-directeur Afrique Subsaharienne : « Présentation du concept d’Ecoles Nationales à Vocation Régionale (ENVR) »

1. Le concept d’Ecole Nationale à Vocation Régionale (ENVR)

Les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) proviennent d’un concept

continental désireux d’africaniser la formation, en l’adaptant à la fois à l’environnement et

aux moyens des pays africains. Leur création a donc pour but de développer des structures

de formation dans les pays africains tout en répondant à la raréfaction de ces formations en

France.

Le principe du partenariat régit la mise en place de ces écoles : le pays hôte s’engage à

assurer les coûts en termes d’infrastructures et d’encadrement, et la France prend en

charge les coûts relatifs à la formation, l’appui technique et l’expertise nécessaire. Ce

partenariat repose sur un engagement concernant la qualité de l’enseignement et la valeur

des diplômes, qui est la même qu’ailleurs. La répartition des places permet un quota assuré

d’un tiers de stagiaires provenant du pays hôte et de deux tiers de stagiaires continentaux.

La sélection des stagiaires relèvent de processus rigoureux et transparents. Enfin, une

convention est signée entre le pays partenaire et la France, fixant les droits et devoirs de

chacun. La répartition des rôles est donc clairement établie, ce qui assure la viabilité du

concept.

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Les ENVR possèdent ainsi des caractéristiques spécifiques. Elles constituent un outil de

rayonnement tant pour la France et que pour le pays hôte, l’accueil et le savoir-faire de ces

pays étant ainsi mis en exergue. Elles sont aussi des structures réactives et légères qui

peuvent évoluer et dispenser de nouvelles formations comme par exemple des cours

spécifiques à la reconstruction de l’armée malienne. Enfin, elles constituent un outil au

service de l’AAPS (Architecture africaine de paix et de sécurité) en s’érigeant en véritable

facteur d’intégration et d’imbrication continentales. En outre, ces écoles sont facilement

éligibles à des financements de partenaires souhaitant s’investir dans un domaine

spécifique.

2. Le réseau d’ENVR existant

- Relatif à la formation militaire générale : Ecole navale de Bata dernière née en

Guinée Equatoriale, l’Ecole d’Application d’Infanterie de Thiès, l’Ecole d’Etat-major

de Libreville et le Cours Supérieur Interarmées de Défense de Yaoundé ;

- Relatif à la formation militaire spécialisée : Ecole militaire technique de

Ouagadougou, l’Ecole Militaire d’Administration de Koulikoro, le Pole Aéronautique

National à Vocation Régional du Cameroun et l’Ecole Génie-Travaux de Brazzaville ;

- Relatif au domaine spécifique de la santé et à la formation de médecins : Ecole du

Service de Santé des Armées à Lomé, l’Ecole d’application du Service de Santé

Militaire au Gabon et l’Ecole des Personnels Paramédicaux des Armées à Niamey ;

- Relatif à la formation de sécurité intérieure : l’Institut Supérieur d’Etudes de

Protection Civile de Ouagadougou qui soutient la dimension cruciale de la

protection civile des populations, le Centre de Perfectionnement aux Techniques de

Maintien de l’Ordre d’Awaé et le Centre de Perfectionnement de la Police Judiciaire

au Bénin ;

- Relatif aux OMP : l’Ecole de Maintien de la Paix de Bamako devenue école

internationale, le Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de

Déminage et de Dépollution de Ouidah qui a vocation à devenir aussi une école

internationale et l’Ecole Internationale des forces de Police (EIFORCES) d’Awaé qui a

absorbé une ENVR forces de police.

Le cas des écoles relatives au maintien de la paix illustre le phénomène

d’internationalisation des ENVR, du fait de l’arrivée de partenaires multiples. Elles

témoignent à la fois de l’évolution de la présence française mais aussi de sa normalisation

parmi d’autres partenaires. La notion de partenariat devient donc celle de multi-

partenariats entre plusieurs pays. Dès lors, la France peut aussi soutenir des initiatives sans

en être forcément à l’origine. Cette ouverture à de nouveaux partenaires permet un

échange avec le monde non francophone, l’élargissement des contributeurs, et, de fait, des

contributions, ainsi que l’extension des domaines de formation (3ème dimension, spécialités

techniques) rendue possible par la mutualisation des coûts. En conclusion, le Général

TOURE abonde dans le sens du Colonel de REVEL : le principe d’ouverture des écoles aux

financements internationaux, notamment dans le cadre européen, semble assurer un avenir

prometteur à ces centres de formation.

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Intervention du Lieutenant-colonel Gilbert LOSSITODE, Directeur du Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et de Dépollution de Ouidah « Présentation du CPADD, un exemple d’ENVR »

Le Lieutenant Colonel Gilbert LOSSITODE dirige le Centre de Perfectionnement aux

Actions post conflictuelles de Déminage et de Dépollution (CPADD) de Ouidah depuis juillet

2012. Dédié tout d’abord à la sous-région ouest africaine, le CPADD a étendu ses activités à

l’ensemble du continent et est devenu une référence dans le domaine du déminage

humanitaire. Toutefois, une réévaluation de ses moyens est devenue nécessaire, afin qu’il

puisse se perfectionner.

1. Le déminage humanitaire : une problématique mondiale

Les problèmes posés par les mines, les restes d’explosifs de guerre (REG) et les engins

explosifs improvisés (EEI) prennent de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui, plus de 59 pays

dans le monde sont affectés par la présence de ces explosifs sur leur territoire. Selon la

Campagne internationale de l’action contre les mines (ICBL), 4 286 personnes ont été

victimes de mines ou d’EEI en 2011. En Afrique, ce sont plus de 15 pays qui demeurent

touchés par cette problématique. Aussi la formation d’experts en déminage humanitaire

est-elle devenue un défi à relever. Le déminage humanitaire, différent du déminage

militaire, consiste à enlever les engins explosifs sur l’ensemble des territoires contaminés,

permettant ainsi de restituer des terres aux populations et d’appuyer les programmes de

développement. Le déminage humanitaire est effectué par des opérateurs militaires et civils

dans le but d’établir des territoires pacifiés où la sécurité devient maximale. Etant donné

une méthode de progression lente, le taux d’éradication suivant cette méthode apparaît

total.

2. Les missions du CPADD

Le CPADD est né d’une initiative bilatérale franco-béninoise. Sa réalisation a été animée par

la volonté de donner une suite concrète au séminaire de Bamako organisé par le Mali en

février 2001. Ce séminaire, s’inscrivait dans le cadre de la Convention, dite Convention

d’Ottawa, sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des

mines antipersonnel et sur leur destruction. Son objectif majeur était d’appeler l’ensemble

des pays africains, Etats Parties à la Convention, à mettre en œuvre, de manière pleine et

entière, leurs engagements, notamment à travers la coopération régionale. C’est ainsi

qu’avec le soutien de la France, le Bénin, en parfaite cohérence avec les termes de la

Convention d’Ottawa, et pour montrer sa détermination à lutter concrètement contre le

danger des mines en Afrique, a crée le CPADD.

Le champ d’action du CPADD s’étend sur trois des cinq piliers de « la lutte anti-mines » :

- Education au danger des mines ;

- Enlèvement et élimination des mines et REG ;

- Destruction des stocks ;

- Assistance aux victimes ;

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- Plaidoyer contre l’emploi des mines antipersonnel.

Les moyens, dont dispose le CPADD, sont de plusieurs ordres :

- Encadrement international composé de spécialistes en déminage expatriés en

provenance de France ou d’ONG, du Bénin ou des pays africains partenaires. Dans

ce dernier cas, il peut s’agir d’anciens stagiaires de l’école qui reviennent pour

participer à l’encadrement et la formation de nouvelles promotions ;

- L’école dispose d’un environnement adapté et offre de nombreuses facilités

relatives à l’hébergement et la formation des stagiaires. De plus, tous les

équipements utilisés dans le cadre de la formation sont conformes aux normes

internationales ;

- Le Centre est essentiellement financé par les gouvernements béninois et français,

même si la formation des stagiaires en provenance des ONG et du CLAM demeure

prise en compte par les bailleurs de fonds.

Le CPADD possède trois types de partenaires :

- Organismes de formation ou assimilés, tels que la Division de formation au

déminage de l’Ecole du Génie d’Angers (ESAG) ou le Centre de formation de lutte

anti-mines de Nairobi (IMATC). Par ailleurs, des contacts ont été pris avec le

Humanitarian Demining Training Center (HDTC) aux Etats-Unis et le Département de

lutte anti-mines de Cranfield University ;

- Acteurs opérationnels tels que les Unités de forces africaines en attente qui

bénéficient des formations du CPADD, ainsi que, plus récemment, les cadre des

ONG et des Centres de lutte anti-mines ;

- Acteurs institutionnels dont le Centre International de Déminage Humanitaire de

Genève (CIDH-G), la Commission nationale pour l’élimination des mines

antipersonnel (CNEMA), l’UNICEF et, dans un futur proche, une coopération avec le

service anti-mines des Nations unies (UNMAS) est envisagée.

3. Les formations proposées par le CPADD

Les formations proposées sont conformes aux normes internationales, pluridisciplinaires,

modulables et transposables dans les pays partenaires. Sur ce dernier point, le CPADD a la

possibilité de déployer des formateurs dans les pays affectés par le problème de mines et

qui en feraient la demande.

Neuf stages sont proposés au sein du CPADD :

1. EOD/NEDEX (niveau 1) ;

2. EOD/NEDEX (niveau 2) ;

3. EOD/NEDEX (niveau 3) ;

4. Inspecteur d’assurance et contrôle de qualité ;

5. Chef de chantier de déminage ;

6. Techniques de base de déminage et dépollution ;

7. Remise à niveau des formateurs ;

8. Education et prévention au danger des mines ;

9. Cours de Management.

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Ces stages s’adressent non seulement aux hommes et femmes des Forces Africaines en

Attente, des organisations internationales, des Centres nationaux de l’action contre les

mines et des ONG, mais aussi aux autres acteurs civils de l’action contre les mines. Les

stagiaires formés à ce jour proviennent de 19 pays africains francophones, et depuis août

2007, 8 pays anglophones et lusophones ont rejoint la liste des pays bénéficiaires de la

formation.

4. Les perspectives d’évolution du CPADD

- Renforcement de la coopération ;

- Organisation de nouveaux modules de cours complétant la formation actuelle

(Engins explosifs improvisés, déminage mécanique, remise à disposition des

terres…) ;

- Ajustement structurel et organisationnel du CPADD.

Depuis sa création en 2003, le CPADD a formé de nombreux spécialistes contribuant ainsi à

l’éradication du fléau des mines dans le monde. L’appui que lui procurent ses partenaires,

au premier titre desquels la France et le Japon, lui a permis d’accroître ses capacités et la

qualité de l’instruction dispensée. Le CPADD s’est ainsi érigé en référence africaine dans le

domaine de la formation aux techniques du déminage humanitaire, mais de nombreux

aspects restent à parfaire.

Intervention du Colonel Henri DIOUF, Directeur de l’Ecole d’Application

d’Infanterie (EAI) de Thiès « Plus-value et contribution des ENVR dans

les solutions francophones de formation aux OMP » Jusqu’à peu, les conflits impliquant des intervenants francophones demeuraient

rares. Consécutivement aux crises en Lybie et au Mali, la France semble avoir pris une

nouvelle posture et se situe désormais en première ligne aux côtés de ses partenaires dans

la défense des droits de l’homme ou le règlement des conflits. Dans ce cadre, l’action

conjointe de la France avec ses partenaires pourrait valablement s’appuyer sur

l’interopérabilité acquise au sein des ENVR, et notamment l’EAI, dédiée au maintien de la

paix. L’EAI apparaît ainsi au centre du système de formation, contribuant au renforcement

des capacités de maintien de la paix des pays partenaires. Par son action et son

enseignement, elle concourt à favoriser la standardisation des procédures de renforcement

de l’interopérabilité des armées sous-régionales. Quelque soit le niveau de formation

dispensée, le programme de l’EAI comporte une instruction tactique générale adaptée aux

actions de coercition et aux opérations de soutien de la paix (OSP), des exercices tactiques

spécifiques et un module de formation au droit international humanitaire. Ces trois

exercices permettent de former des cadres à leurs responsabilités juridiques dans le cadre

onusien, régional et sous-régional.

En 28 ans d’existence, l’Ecole a pu former 1 110 cadres de 26 pays différents, même si les

partenaires traditionnels demeurent le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun ou le Burundi.

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C’est pourquoi, compte tenu du nombre important d’officiers formés, l’EAI est un facteur

important de l’intégration des cadres et des élites de demain au sein d’une force de sécurité

commune. Par sa puissance de standardisation des procédures et d’apprentissage de

l’interopérabilité, l’EAI est capable de jouer un rôle déterminant dans l’harmonisation de la

procédure opérationnelle globale des pays de la CEDEAO.

Intervention du Professeur Albert-Claude BENHAMOU, Délégué

interministériel pour l’éducation numérique en Afrique, assisté du

Professeur François BOCQUET : « Présentation et démonstration du

programme SANKORE »

Le programme Sankoré d’éducation numérique pour tous en Afrique s’inscrit dans la

cadre de la contribution française au partenariat franco-britannique destiné à atteindre les

Objectifs du Millénaire en matière d’éducation sur le continent africain. L’objectif de ce

programme est de faire progresser le système éducatif, aussi bien dans le primaire que le

supérieur ainsi que le cadre professionnel. Pour atteindre ces objectifs et répondre au défi

de l’éducation de masse en Afrique, l’utilisation des moyens modernes et de l’éducation

numérique est indispensable. Néanmoins, les outils créés doivent être adaptés à

l’enseignant pour lui permettre de créer ses propres ressources afin de les partager au sein

d’une communauté éducative.

A cette fin, la France a crée une Délégation Interministérielle pour l’Education Numérique,

dirigée par le Professeur Albert-Claude BENHAMOU. Elle a permis de tisser les coopérations

nécessaires avec les administrations africaines et les partenaires concernés pour soutenir ce

projet qui a été conçu pour et avec les Africains. Cette coopération a permis la conception

du logiciel gratuit « Open Sankoré » en partenariat avec l’Université de Lausanne. Il est

téléchargeable en ligne et a été traduit en vingt-six langues, notamment en arabe et en

chinois. Il a connu un grand succès à Taiwan. Ainsi, la méthode Sankoré et son équipement

de base constitué d’un ordinateur, d’un vidéoprojecteur et d’un Tableau Numérique

Interactif (TNI), ont été installés massivement, notamment dans plus de 300 classes

numériques au Sénégal. Ces classes n’ont besoin que d’un tableau noir pour pouvoir

installer cette ressource numérique éducative. L’enseignant n’a nullement besoin de

connaissances spécifiques en informatique, il doit seulement avoir été familiarisé avec

l’interface.

La nouveauté de la « Méthode EN AVANT » réside dans la nature du programme disponible

sur le logiciel ; il s’agit d’apprendre le français aux militaires africains en utilisant les

équipements de Sankoré, méthode dérivée d’une méthode connue par l’OIF : l’élaboration

des connaissances est plus efficace en usant de graphisme et d’une implication collective.

L’équipement de base nécessaire se chiffre à 1 000 euros : il ouvre les portes d’un accès au

savoir libre et gratuit en phase avec les dernières résolutions de l’UNESCO. Le but étant

d’arriver à la création d’un corpus multilingue de ressources et de savoirs libres, disponibles

pour tous. Comme l’a souligné M. NORMAND, Ambassadeur de France au Sénégal, lors de la

visite d’une classe numérique par le Général CLÉMENT-BOLLÉE et le professeur M.

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BENHAMOU à Saint Louis : « il n’y a désormais plus de décalage dans le temps entre ce que

l’on peut apprendre dans un pays plus moderne et ici à Saint Louis ».

Intervention du Lieutenant-colonel Richard ZABOT, Service de formation

intégrée de l’ONU : « Validation onusienne des formations »

La Résolution de l’Assemblée Générale 49/37 dispose que la formation est une

responsabilité partagée. Le rôle des Nations unies est donc essentiellement d’établir un lien

entre chaque acteur du processus et de veiller à l’évaluation et à la documentation de ces

formations. Le service de formation intégrée (SFI) a pour cœur de mission la mise en place

d’un soutien à la formation, tandis que les TCC sont responsables de la formation du

personnel affecté à des opérations de maintien de la paix. Enfin, les autres services et

agences des Nations unies sont responsables des formations plus techniques et spécifiques.

Dès 1994 a été posé le principe suivant lequel « la formation du personnel affecté à des

opérations de maintien de la paix relève essentiellement de la responsabilité des Etats

Membres ». En 2010, une politique de formation de l’ensemble du personnel du maintien

de la paix a été mise en place, visant à la définition des formations à dispenser afin d’en

optimiser l’efficacité. En 2012, une évaluation des besoins en formation a permis de

déterminer les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être pour une mise en œuvre effective

du mandat. Cette évaluation a également procédé à l’identification des lacunes que la

formation pourrait corriger et souligné les besoins en compétences linguistiques.

Sa mission principale étant dédiée au soutien à la formation, le SFI doit :

- Etablir des normes, développer et diffuser le matériel de formation ;

- Conduire des « Formations de formateurs » et des « Reconnaissances de la

formation » ;

- Fournir des conseils aux centres intégrés de la formation de la mission (CIFM) ;

- Développer et délivrer une formation à la Direction et la Gestion des OMP.

Chaque année, plus de 200 000 personnes sont ciblées pour recevoir ces formations

génériques et spécialisées relatives au maintien de la paix. Afin de remplir cet objectif, le SFI

doit améliorer la circulation de l’information et favoriser l’interaction avec les Etats

Membres.

L’architecture de la formation de pré-déploiement est la suivante : la formation

fondamentale (Core Pre-deployment Training Materials, CPTM) demeure le préalable à

toute autre formation spécialisée telle que militaire, police ou la formation intégrée relative

à la protection des civils.

� La formation fondamentale au maintien de la paix comporte 4 unités adaptées à

différents publics :

- Unité 1 : Aperçu stratégique

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- Unité 2 : Etablissement et fonctionnement OMP-NU

- Unité 3 : M/O (Etablissement en moyens et objectifs) du Mandat et Fondamentaux de

pré-déploiement

- Unité 4 : Standards et sécurité du personnel des Nations unies en OMP

Bien que considérée comme obligatoire, la formation à l’aperçu stratégique n’a été

dispensée en réalité que pour 20 à 30% des soldats.

� Plus récemment, un cours dédié aux experts militaires en mission (MEOMs STM) que

sont les observateurs militaires, les conseillers militaires et les officiers de liaison, a été

mis en place. Il comporte également 4 unités :

- Unit 1 : Investigation, Verification and DDR

- Unit 2 : Mediation, Negotiation and the Use of language assistants,

- Unit 3 : Liaison and Media Relations,

- Unit 4: UN SOPs for reporting

� Le module de formation spécialisée pour la police, qui doit être revu, traite à l’heure

actuelle des normes relatives aux droits de l’Homme en matière d’emploi de la force et

en matière d’arrestation et de détention, de la navigation terrestre, du tutorat et du

conseil, de sécurité routière, de la Police des Nations unies et les différents systèmes

juridique

� Le module de protection des civils intégré dans l’essence même du mandat a été lancé

en 2011 pour le volet opérationnel, et sera effectif en 2013 concernant l’aspect

tactique. Parallèlement, une formation sur les unités de police constituées est en cours

de développement avec la Division Police du DOMP

� Des cours de base pour officiers d’état-major sont également disponibles et destinés à

faciliter l’interopérabilité. Tout comme le manuel pour les Bataillons d’infanterie

(UNIBAM), ces cours ne sont disponibles qu’en anglais pour le moment

� UN-CIMIC STM : Formations pour les officiers CIMIC déployés en Mission et les officiers

de liaison affectés auprès des agences humanitaires de l’ONU

Training for Senior Mission leaders.

� Civilian pre-deployment training

� Des cours sur les relations civilo-militaires sont aussi en cours de préparation et

devraient être disponibles au printemps 2013

D’autres outils sont mis à la disposition des Pays membres et des Missions permanentes afin

d’assurer un bon niveau de préparation des contingents :

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� Formation de Formateurs, dont l’objectif est de diffuser les cours développés par les

Nations unies auprès de formateurs nationaux. Elle comprend obligatoirement un cours

fondamental « Modules Pour La Formation Obligatoire Préalable Au Déploiement »

(CPTM) et un cours spécialisé (STM)

� Reconnaissance de la formation dont l’objectif est de vérifier que les cours dispensés

sont conformes aux normes des Nations unies. Elle permet l’obtention d’un certificat

valable 4 ans

� Déploiement d’équipes mobiles de formation au maintien de la paix, de façon à

apporter un soutien direct aux programmes de formation militaire

� Base de données sur le maintien de la paix : http://peacekeepingresourcehub.unlb.org

� Une plateforme pour la communauté pratique, permettant un échange d’informations

entre pays membres enregistrées sur l’interface : https://pktcop.unlb.org

Au regard des outils déjà existants, des pistes sont encore à explorer pour rendre la

coopération entre les Nations unies et les Etats Membres toujours plus fructueuse. Ainsi,

l’adaptation aux normes onusiennes doit se poursuivre sur la base des cours dispensés par

les Nations unies tout en favorisant une interopérabilité grandissante des forces. Elle peut

passer notamment par la reconnaissance des formations dispensées, qui, si elles sont

conformes aux standards, permettent à la fois le rayonnement du centre et une meilleure

diffusion des cours et des valeurs onusiennes. En dernier lieu, l’organisation de formations

bilingues de formateurs devrait être envisagée, avec des officiers maîtrisant le français et

l’anglais. Ces axes d’effort permettront de renforcer la présence des francophones sur les

différents réseaux existants.

Discussions

Les officiers d’Etat-major doivent avoir les compétences nécessaires pour devenir

des références. Or, c’est le manque d’appropriation de ces compétences par les Etats qui

fait actuellement le plus cruellement défaut dans le maintien de la paix. L’Ecole de Thiès

devrait arriver à faire un exercice de cadres « maintien de la paix ». En matière de

formation, les anglophones africains sont largement en avance sur les francophones. C’est

un fait, il faut donc les rattraper à marche forcée.

Le Dr Niagale BAGAYOKO profite de l’occasion pour informer les participants du lancement

d’un site internet dédié à la formation francophone au maintien de la paix, le réseau RIFOP

(Réseau des Instituts Francophones de Formation au Maintien de la Paix). L’idée est de

mutualiser l’ensemble des ressources présentées, ressources qui existent mais qui sont peu

valorisées à l’extérieur, y compris auprès des Nations unies. Cette diffusion se fera en lien

étroit avec ces écoles et les Nations unies. Un espace privé dédié sur cette plateforme

permettra de constituer des viviers d'instructeurs francophones. A ce titre, l'adaptation de

la méthode « En Avant ! » à l'auto apprentissage est une idée à exploiter. Ces formations

doivent être complétées par la participation à des opérations.

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Comme spécifié par le Général Major Chris DOVLO, une plateforme commune, tout comme

le partage de matériel, existe déjà entre écoles. Au Ghana, l’école forme les stagiaires au

maintien de la paix, en passant par une formation initiale dans un premier temps, puis

spécialisée, garantissant aux stagiaires un cursus complet. Les bataillons doivent être

composites et leur renouvellement doit être pensé. Enfin, les écoles francophones doivent

être plus visibles sur la scène internationale et s’intégrer dans les formations existantes, ou

à des rencontres comme celles de l’APSA. De nombreuses bases de données ont été créées

mais elles doivent être coordonnées.

Le Commissaire WAFY a précisé avoir bénéficié de nombreuses formations évoquées lors de

l’intervention de M. ZABOT. Ces formations sont de très haut niveau, mais l’ensemble de

l’enseignement est réalisé en anglais. Dans ces conditions, il est donc difficile de favoriser la

participation francophone. Il faut donc que le département des langues, disposant de

l’intégralité des outils nécessaires, s’adapte à cette formation des personnels francophones.

L’effort doit porter davantage sur l’amélioration de la préparation individuelle des

francophones que sur la formation globale des contingents.

Comme l’a ajouté le Général CISSE, la guerre ne peut être uniquement gagnée par les

armes, Aujourd’hui, c’est majoritairement la pauvreté qui mène à des actes illégaux ; c’est

pourquoi une formule parallèle à la guerre doit être trouvée. La dépollution, le déminage

sont des méthodes cruciales, qu’il faut perfectionner, comme c’est le cas avec le déminage

aérien.

Le Général AMOUSSOU soustrait à la problématique des bases de données, mais le vrai

problème semble résider dans la trop grande mobilité des cadres formés qui rend

impossible la capitalisation des formations données et entraîne une forte déperdition des

compétences. Il est donc indispensable d’acquérir une meilleure maîtrise des profils de

carrières. La seconde observation met en valeur les ENVR, qui délivrent des formations post

initiales ; le problème se situe plutôt au niveau des formations initiales qui ne disposent que

de peu de ressources ou forment trop d’officiers par an. Il faut travailler à l’avenir dans le

sens de l’intégration des formations et s’orienter vers des écoles régionales de formations

initiales, qui pourront être bilingues. Le Général PEREIRA a abondé en ce sens et déploré le

risque de fuite des formateurs et le manque de sédimentation des connaissances qui en

résulte. A cet égard, un ajustement des programmes de formation doit permettre

d’harmoniser les niveaux des personnels formés. Il s’agit d’accéder à une juste répartition

entre formations génériques et formations spécialisées.

***

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6.Déjeuner-débat

Conférence du Colonel Léon TRAORE, Représentant du Chef d’Etat

Major Général des armées au Burkina Faso : « Difficultés des

contingents francophones en zone arabophone : témoignage du

Burkina Faso au Darfour »

Les opérations de soutien à la paix se tiennent dans des contextes et des

environnements particuliers, mêlant différents acteurs de la défense et de la sécurité, qui ne

peuvent pas toujours aisément communiquer du fait de la diversité linguistique propre à

l’Afrique. C’est à ce défi linguistique qu’ont été confrontés les contingents burkinabés au

Darfour en zone arabophone.

ENVIRONNEMENT DES CONTINGENTS BURKINABE AU DARFOUR

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Mission conjointe des Nations unies et de l’Union

africaine au Darfour (MINUAD) et à la requête ce des deux organisations, le Gouvernement

du Burkina Faso a offert aux Nations unies le déploiement depuis août 2009 d’un contingent

militaire de 800 hommes et femmes, et, depuis décembre 2010, d’un Escadron de

Gendarmerie de 140 personnes. Ces contingents sont chargés de la protection des

personnels des Nations unies (MILOBS, UNPOL, personnels civils, ONG…). La langue anglaise,

consacrée langue de travail selon le CONOPS, demeure la seule utilisée dans les relations de

travail, les échanges interpersonnels et dans les documents officiels.

LES DIFFICULTES DE COMMUNICATION (INTERPERSONNELLE ET OFFICIELLE)

Le manque de respect du principe d’égalité et d’équilibre dans l’utilisation des langues de

travail de l’ONU constitue la première difficulté qu’ont rencontrée les contingents

burkinabés au Darfour. Le CONOPS de la MINUAD impose l’anglais comme langue de travail,

de ce fait, les efforts à déployer le sont uniquement par les francophones. Dès lors, les

difficultés de communication interviennent à deux niveaux distincts.

(1) Les difficultés de communication interpersonnelle sont constituées par les obstacles

liés à la langue entre le personnel du contingent et les autres acteurs de la mission. A

titre d’illustration, lors des patrouilles, des chefs de section burkinabè francophone ont

eu beaucoup de mal à communiquer avec les MILOBS et les UNPOL anglophones. De

même, lors des inspections, des visites d’autorités ou en cas d’incident nécessitant une

enquête et impliquant le contingent, l’usage de l’anglais est obligatoire, tout comme

lors des briefings et discours officiels.

(2) Les difficultés de communication officielle ont été révélées notamment durant la

rédaction des rapports de travail. En effet, les Commandants des contingents burkinabè

reçoivent et transmettent des instructions écrites ou verbales avec leur hiérarchie selon

des normes et des usages anglophones. Par la suite, la rédaction des documents selon

les normes de la correspondance militaire française bute sur l’incompréhension des

anglophones qui pensent à tort que les francophones accusent des insuffisances en

cette matière. En réalité, cet aspect, relevant plus de la forme que du fond, demeure

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essentiellement culturel. L’appréhension et la résolution des questions diffèrent selon

que l’on est anglophone ou francophone.

SOLUTIONS

Considérant le schéma d’une mission se déroulant en milieu anglophone, le

Commandement militaire burkinabé de la MINUAD a, lors de la sélection des personnels

destinés à intégrer le groupe de commandement, désigné des personnels ayant une assez

bonne connaissance de la langue anglaise. De même, sur le terrain, les personnels

maîtrisant l’anglais ont été employés de manière optimale comme lors des inspections

techniques, des visites officielles et des missions particulières, et ce afin de limiter toute

déperdition liée à la langue.

Au delà d’un recrutement sélectif et tenant compte des caractéristiques de la mission,

l’apprentissage et la remise à niveau, rendus obligatoires au niveau du personnel

d’encadrement, constituent aussi une solution. Ils se font à l’aide des cours d’anglais

dispensés par le Centre de Langues des Armées. Enfin, afin d’accroître le nombre des

personnels militaires parlant anglais, les stages de cadres militaires burkinabè doivent

privilégier l’immersion dans un milieu anglophone. Tout comme au niveau national,

l’apprentissage de l’anglais est encouragé, pour être en phase avec l’environnement

international caractérisé par l’usage quasi généralisé de l’anglais.

Le respect du principe d’égalité et d’équilibre dans l’utilisation des langues de travail de

l’Organisation des Nations unies, ainsi que l’encouragement au bilinguisme des contingents

francophones et anglophones devraient permettre de minimiser les difficultés de

communication au sein de la MINUAD. En tout état de cause, il importe que les capacités

des contingents soient renforcées en anglais, dans la mesure où cette langue semble avoir

pris le pas sur les autres dans les OSP.

En conclusion, même si, pour le Général GAYE, le monde anglo-saxon apparait clairement

unijambiste, le monde francophone se doit de pratiquer une certaine ouverture ; mais, du

fait d’un passé très riche, il possède encore un avenir certain. Comme le souligne le Général

HAMADIKO, des spécificités françaises, comme l’emploi des gendarmes, se pérennisent, et

avec elles, l’espoir que les anglophones puissent, eux-aussi, réaliser un effort.

***

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7. Troisième table ronde : « Agir ensemble sur le terrain : la question

linguistique »

Introduite par le Général Fernand AMOUSSOU, ancien Commandant de

l’ONUCI

La prise en compte de la capacité des différents contingents à communiquer est

aujourd’hui nécessaire à la recherche d’efficacité. Un constat est à souligner : il faut

communiquer dans la langue officielle du pays hôte. Par conséquent, les pays francophones

doivent renforcer leurs capacités de maintien de la paix de manière à pouvoir être

davantage sollicité.

A Addis-Abeba, les défis ont été identifiés et il s’agit aujourd’hui d’élaborer des solutions.

Pour autant, la participation des troupes des pays voisins, mêmes francophones, n’est ni

une solution, ni une obligation. Elle peut même, au contraire, entamer la crédibilité de

l’opération de maintien de la paix.

Pour qu’une mission soit efficace, elle nécessite de l’interopérabilité, notamment

communicationnelle : travailler ensemble sur le terrain. A cet effet, les mesures préconisées

par les Nations unies, l’UA et la France doivent pouvoir contribuer en ce sens à la

préparation et l’interaction des contingents. A ce titre, la vision du DOMP sur la question de

la préparation des contingents, tout comme les solutions proposées par l’OIF et la DCSD en

la matière, sont essentielles.

Intervention de M. Gérard HAUY : « Le point de vue du DOMP »

Le DOMP ne dispose pas de politique linguistique prédéfinie, mais face au bilan

actuel, il tâche de trouver des solutions aux différents défis liés aux OMP. Le déficit de

troupes francophones dans les pays francophones où se déroule l’essentiel des missions est

criant. Néanmoins, du fait d’un déficit de ressources, beaucoup de pays africains ne peuvent

déployer des troupes parlant massivement le français. Ce problème n’est pas uniquement

spécifique aux francophones, puisqu’il touche aussi les arabophones au Darfour.

Pour combler ce défit capacitaire, la fourniture d’assistance sur place se trouve limitée par

les contraintes budgétaires et structurelles qui empêchent toute visite préalable à celle de

pré-déploiement. Les défis linguistiques peuvent être relevés via la traduction des

documents onusiens et des séminaires visant à la maîtrise des outils disponibles, comme

celui planifié en avril à Dakar : le « Manuel du Bataillon d’Infanterie » par le bureau des

affaires militaires. Par ailleurs, le recrutement de francophones, encore faible actuellement,

pourrait être augmenté si les postes soumis à interview étaient davantage préparés par les

francophones. Toutefois, même si le Français est reconnu comme langue des Nations unies,

il est impératif d’admettre que l’anglais demeure la langue d’usage quotidien.

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Aussi le Général AMOUSSOU a-t-il souligné l’importance pour tous d’apprendre l’anglais et

de parler le français sans complexe. Il est nécessaire de s’ouvrir dans un monde globalisé où

la connaissance de la langue de l’autre brise beaucoup d’obstacles.

Intervention du Colonel Luc de REVEL : « Présentation de la méthode

d’enseignement du français En Avant »

Aujourd’hui en Afrique, un certain nombre de pays souhaitent apprendre le

français. C’est pour répondre à cette demande grandissante qu’est paru en Guinée

Equatoriale le premier tome d’une nouvelle méthode d’apprentissage du français à

destination des militaires africains, la méthode « En Avant ».

L’enseignement du français en milieu militaire est une action principale de la DSCD, qui

participe indéniablement au rayonnement de la francophonie. Il permet d’accroître le

nombre de locuteurs francophones qui pourront par la suite agir plus effacement sur les

théâtres ou correspondre avec les contingents francophones. Les moyens mis à disposition

de cette méthode sont donc importants, puisqu’un budget de près de deux millions d’euros

lui est dédié. Par ailleurs, les coopérants militaires, professeurs, bénévoles et étudiants y

participent activement. Ce soutien a permis de former 4 500 élèves africains en 2012.

L’idée est de développer un « français sur objectifs spécifiques » (le F.O.S) déjà en œuvre

pour des formations spécifiques (diplomatie, banque, médecine…) mais inexistant

concernant la formation militaire, les méthodes disponibles restant largement en

inadéquation avec les besoins des étudiants militaires et les caractéristiques du milieu. Il

fallait mettre en place un programme adapté au cadre militaire et africain. Une méthode a

ainsi été développée en Ethiopie, l’un des premiers contributeurs aux OMP, sur la base d’un

projet bilatéral, regroupant aussi bien des coopérants français que des professeurs

éthiopiens. Par la suite, un partenariat noué avec l’OIF a donné naissance à une méthode

innovante, la méthode « En avant ! », comprenant une série d’activités pédagogiques basée

sur le quotidien d’un jeune lieutenant africain fictif, Amani KIMPA, engagé dans une OMP

conduite par l’Union africaine au Carana. La méthode contient une progression pédagogique

autour des thèmes de la vie militaire (vie, au régiment, devoirs du soldat…) dans le but de

conférer un niveau d’autonomie en français général, et plus spécifiquement, dans le

domaine militaire. Le premier tome est paru en 2012, deux autres tomes sont à paraître.

Au-delà de cette formation basique, le but est aussi de développer l’expertise en français et

la maîtrise de thèmes de plus en plus complexes. L’enjeu est de pouvoir faire face à la réalité

de terrain en utilisant ces méthodes sur des durées plus courtes pour appuyer, par exemple,

des contingents étrangers dans certaines opérations. Dans cette logique, l’OIF et la DCSD

proposent de mettre sur pied des projets immédiats afin de pouvoir dispenser un

enseignement minimum en langue française dans les contingents non francophones de la

MISMA. Il s’agit maintenant de mettre en application une méthode qui a fait ses preuves.

Discussions

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A titre d’illustration, le Général CLÉMENT-BOLLÉE, abondant dans le sens du Général

AMOUSSOU, a mentionné l’existence du « French Day » au Ghana, journée durant laquelle

chacun doit s’extirper durant 24 heures de sa langue maternelle pour ne parler que le

français. Cet exemple souligne l’effort qui peut être consenti par les contingents

anglophones dans l’apprentissage du français. Il a aussi précisé le succès rencontré par la

méthode « En Avant ! » notamment lors du séminaire d’Addis Abeba. Pour M. PEER DE

JONG, la méthode « En Avant ! », par souci de bilinguisme, devrait, dans un éventuel

quatrième tome, enseigner un minimum d’anglais aux soldats. Mais, bien au-delà de

l’apprentissage de l’anglais, le Général HAMADIKO précise qu’il est nécessaire de

s’imprégner de la culture d’une langue et de tenter de l’apprendre. En effet, la langue ne

modifie pas seulement les mots, elle résulte aussi de pratiques et de procédures propres à

chaque pays. La traduction d’un document ne peut se suffire à elle seule, il convient aussi

d’améliorer la compréhension globale entre les contingents. Avant toute intégration, il est

donc essentiel que les officiers francophones acquièrent la connaissance du milieu

anglophone.

***

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8. Présentation de M. Maarten MERKELBACH, Chef du Département

« Leadership et Gestion des conflits » (GCSP) : « La Genève

internationale et la formation francophone à la gestion des conflits »

Traditionnellement connue pour sa politique de stricte neutralité, la Suisse se

profile comme un membre actif et innovant des Nations unies depuis son adhésion en 2002.

L’Organisation donne ainsi à la Suisse la possibilité de contribuer à la résolution de

problèmes globaux, défi qu’elle relève par le biais notamment de trois centres à Genève

conçus comme le prolongement de sa politique étrangère : la fondation internationale

« Centre pour le contrôle démocratique des forces armées – Genève » (DCAF) qui contribue

à renforcer la gouvernance du secteur de la sécurité (GSS) par le biais de la réforme du

secteur de la sécurité (RSS) ; le CIDHG luttant pour le déminage humanitaire et le Centre de

Politique de Sécurité (GCSP) de formation professionnelle. Ces trois centres font aujourd’hui

partie intégrante de la « Genève Internationale », capitale mondiale de la « sécurité civile ».

Elle est la traduction physique du concept de « soft security », synonyme d’une approche

basée sur la coopération non-militaire, transfrontalière et trans-secteurs dans le but de

résoudre les défis transnationaux. Genève est aussi l’hôte de 22 organisations

internationales, de nombreuses multinationales, organisations non gouvernementales et

organisations régionales ayant un lien avec l’Afrique (UA, CEDEAO, FAD, CEA, OIF…). Elle

constitue une plateforme neutre et inclusive pour comprendre les enjeux sécuritaires

contemporains.

Le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) aborde l’ensemble des problèmes liés à

la sécurité internationale et régionale selon une approche qui se veut impartiale, inclusive et

globale. Il promeut la formation des décideurs de demain, la diffusion de valeurs communes

et a l’ambition d’être un carrefour d’échanges dans le domaine des politiques de sécurité.

Ces activités comprennent des cours de formation stratégique, la promotion du dialogue et

la recherche. Depuis près de dix ans, le GCSP délivre des cours en français sur le continent

africain, notamment à destination des attachés de défense des pays francophones. Il

dispose de partenariat avec de nombreux pays mais aussi avec l’Ecole de Guerre à Paris

(vidéoconférences, papiers écrits en ligne, exercice de gestion de crise).

Dans la mise en œuvre de son mandat, le GCSP met un accent particulier sur le maintien et

la consolidation de la paix via son Programme « Gouvernance et gestion des conflits »

traitant aussi des politiques d’acteurs non-étatiques. Les formations proposées ciblent des

personnes en position de leadership au sein d’opérations multidimensionnelles et

proposent des cours sur la Gouvernance des opérations de paix (Senior-Level Peacebuilding

Course: Enhancing Leadership for Peacebuilding) et la formation d’experts civils de la

consolidation de la paix (Swiss Peacebuilding Training Course). Le GCSP promeut également

la coopération interinstitutionnelle, notamment entre Genève et New York, en tant que

membre fondateur de la « Plateforme de Genève sur la Consolidation de la paix » qui

regroupe plus de 100 institutions genevoises actives dans le champ de la gestion des

conflits.

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Dans ce contexte, la mise en œuvre de la stratégie du GCSP passe par le développement du

volet francophone de ses activités, élaboré au travers de la stratégie intitulée «Vision de la

Francophonie ». Ce positionnement sur le créneau francophone provient de la sensibilité du

GSCP au respect des spécificités culturelles des populations, premiers destinataires des

politiques de maintien et de consolidation de la paix et à l’importance de la langue, vecteur

de culture. Au sein du GCSP, cette analyse s’est traduite par la mise en place de

programmes intégrant la diversité linguistique et culturelle et préparant ainsi les décideurs

formés aux défis des opérations multidimensionnelles de demain.

Plus concrètement, le plan d’action francophonie inclut les activités suivantes :

- la publication en français de notes d’analyse sur la sécurité internationale et la

gestion des crises ;

- la traduction en français de publications anglophones ;

- le développement de partenariats avec des institutions dans l’espace francophone ;

- le développement d’un partenariat avec l’OIF ;

- l’organisation d’activités spécifiques dédiées à la francophonie, telles que le cycle de

conférences dans lequel s’inscrit le séminaire de Dakar ;

- l’organisation, en octobre 2012 à l’African Centre for Peace and Security Training,

(ACPST) d’Addis Abeba d’un module de formation « Attachés de défense » en

français, qui aura son équivalent à Dakar en mai 2013 ;

- l’organisation régulière à Genève de rencontres et conférences bilingues ou en

Français.

A Genève, le monde anglophone n’est pas un monde anglo-saxon ; il est beaucoup plus

large dans la mesure où il intègre des influences très fortes de l’Europe de Nord, de l’Asie ou

de l’Afrique anglophone. En parallèle de l’agenda anglophone genevois, la Francophonie

occupe un espace non négligeable. Ainsi, du fait de sa dualité culturelle et linguistique, le

GCSP possède tous les atouts pour véhiculer cette vision de la francophonie et faire profiter

ses partenaires de cette diversité. La Francophonie et la langue française doivent être les

vecteurs d’un message ou d’une culture complémentaires de ce qui est véhiculé par

l’anglais.

***

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9. Mots de conclusion

Bilan et conclusions du séminaire par M. Cyril ROBINET

Au terme de ces deux journées de séminaire confortant le constat initial, la

nécessité d’étoffer les formations existantes de toutes les spécialités connues, nous est

apparue. De même, le constat de l’existence de lourds défis linguistiques propres aux

formations et aux opérations de maintien de la paix a été rappelé au cours de nombreuses

interventions. Le facteur temps a, de nouveau, été qualifié de pénalisant dans la mise en

place des contingents francophones. Les capacités existent mais leur rassemblement

demeure beaucoup trop lent. Par ailleurs, comme cela a été souligné par les représentants

onusiens, le souci de la diversité linguistique semble faire son chemin à New York. Les

recommandations à prendre en compte, à l’issue de ce séminaire, sont donc nombreuses

pour relever les défis auxquels sont confrontés les francophones en matière de maintien de

la paix.

En termes de formation, il est recommandé d’élaborer un catalogue recensant toutes les

formations existantes, aux Nations unies mais aussi au sein du réseau des écoles africaines.

La liste des destinataires de ces formations devrait être élargie aux experts civils, et non

uniquement aux contingents : il est en effet nécessaire de créer un vivier d’experts

francophones dans le domaine des conflits et de la stabilisation. Enfin, des modules relatifs

aux opérations de maintien de la paix devraient être dispensés dans les académies militaires

généralistes (formation initiale), puisqu’il est crucial de sensibiliser les militaires sur cette

thématique.

Sur les formations plus spécifiquement linguistiques, plusieurs initiatives sont à encourager

pour l’avenir. Il convient à cet égard de saluer et de s’inspirer de l’initiative du Burundi

visant à diffuser la langue française auprès de ses partenaires anglophones au sein de

l’AMISOM. Il est aussi recommandé une utilisation plus répandue du programme Sankoré et

de la méthode « En Avant ! », ainsi que la mise en place du programme RIFFOP (Réseau des

institutions francophones de formation aux opérations de paix) piloté par l’OIF. De

nombreux intervenants ont d’autre part émis l’idée de projets particuliers devant

s’appliquer au Mali, notamment afin de permettre une maîtrise du français, même

rudimentaire, par les contingents de la MISMA et, a fortiori, de la future MINUMA, en vue

d’une meilleure interaction de ces contingents avec les populations locales.

La maîtrise, par les francophones, des mécanismes onusiens doit être encouragée et

facilitée par la diffusion des manuels de référence, mais aussi et surtout par leur traduction

préalable en français. Par ailleurs, des progrès restent à faire quant à la mutualisation de

leurs structures et capacités par les pays proches. Des recours accrus à des solutions de

partenariats interafricains entre pays experts et pays demandeurs, ou entre un pays africain

et un parrain hors du continent, devraient être encouragés. De même, il peut être envisagé

de faire appel au secteur privé, dans le cadre d’une solution mutuellement profitable

permettant de disposer, rapidement, des équipements nécessaires.

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Enfin, le Bénin, soutenu par l’ensemble des intervenants, a souligné le besoin d’une

meilleure communication entre pays et Nations unies. Dans ce cadre, la création de points

focaux « Opérations de Maintien de la Paix » dans les capitales (au sein des présidences, des

primatures ou des ministères de la Défense ou des Affaires étrangères) pourrait constituer

ce relais nécessaire entre les Etats membres et l’ONU.

La fin de ce cycle de réflexion aura ainsi permis l’élaboration de multiples résolutions qu’il

convient désormais de concrétiser.

***

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10. Séance de Clôture

Intervention du Général Bruno CLÉMENT-BOLLÉE, Directeur de la

Direction de Coopération de Sécurité et de Défense du Ministère

Français des Affaires Etrangères (DCSD)

Le Général CLEMENT-BOLLÉE a souhaité en introduction remercier les intervenants

et participants pour la qualité du séminaire. L’ensemble des débats menés a permis

d’atteindre les objectifs prioritaires de ce cycle : la formulation de résolutions concrètes et

pratiques aux problèmes inhérents aux OMP. Le général CLÉMENT-BOLLÉE a souligné les

échanges respectueux et courtois. Les interventions de qualité du Général CISSÉ et du

Général GAYE, ont par ailleurs permis de placer très haut la barre des ambitions de ce

séminaire.

Il en résulte donc que les défis capacitaires ont été principalement identifiés comme

correspondant à un manque de connaissance du système et des exigences onusiennes en

matière de sélection des contingents. L’étude des défis techniques, que sont le soutien et le

financement, ont permis de mettre en lumière des solutions concrètes et nouvelles, comme

la mutualisation ou l’appel au secteur privé. Enfin la question linguistique s’est posée dans

sa totalité, elle ne pourra être résolue que par des formations croissantes et une sélection

rigoureuse du personnel employé sur les opérations de maintien de la paix. Elle est en effet

l’une des variables de réussite de la mission, puisqu’elle permet d’instaurer la

communication nécessaire à l’accomplissement de la mission.

Même si les troupes sont au Sud et les équipements au Nord, l’actualité nous montre que

les choses ne sont pas immuables. Nous nous devons de trouver des réponses communes

du fait des menaces, puisque, selon un proverbe africain, « un seul bracelet au poignet ne

fait pas de bruit ».

Intervention de M. Nicolas NORMAND, Ambassadeur de France au

Sénégal

Les OMP existent depuis plus de cinquante ans et la crise de Suez en 1956. Elles sont une

création empirique que la doctrine a quelque peu modifié au cours de l’histoire. L’après

Guerre Froide a aussi bien signifié l’intensification que la diversification de ces opérations.

Ainsi, dans les années 1990, la partie civile est devenue, en leur sein, aussi importante que

la partie militaire.

La France possède une histoire compliquée avec ces opérations, sur laquelle elle a su

prendre du recul en les complétant par d’autres instruments comme les coalitions de

volontaires, les forces nationales, ou le recours à l’OTAN. Elle a beaucoup tâtonné et

cherché des perfectionnements, notamment sur la faiblesse de la question linguistique, face

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à des pays anglophones devenus spécialistes de la fourniture de contingents (Pakistan,

Bangladesh, Nigeria, Inde, Népal…).

Or, à partir du moment où il y a une masse critique, c’est le système entier qui est dominé

par cette situation de fait. Même si la langue française possède un statut juridique égal à

celui de l’anglais aux Nations unies et que de nombreux directeurs du département des

OMP (DOMP) sont français - et c’est le cas de M. Hervé LADSOUS actuellement - l’efficacité

de ces opérations est en jeu. De nombreux soldats francophones n’arrivent pas à

communiquer et ne comprennent pas la situation, alors que le contexte des OMP est subtil,

complexe et mouvant. A cet égard, les pays francophones doivent changer de

comportement et disposer des moyens nécessaires à la sélection des contingents qu’ils

proposent aux critères du secrétariat de l’ONU. Les pays francophones doivent parvenir à

augmenter leur contribution, tout comme le Sénégal s’y emploie.

Parmi les moyens proposés à cette amélioration, le programme français RECAMP

(programmes contenant des formations, du matériel pré-positionné et des manœuvres qui

préparaient les forces africaines à agir ensemble sur des thèmes spécifiques) à destination

des pays africains a contribué à ce perfectionnement des OMP. Sa doctrine était double :

assurer à la fois le perfectionnement et l’appropriation de ces opérations. Le programme

AMANI AFRICA travaille aussi actuellement dans ce sens. Les ENVR garantissent aussi une

coopération militaire durable, disposant d’un double avantage : être sur place et enseigner

une spécialité particulière permettant la rationalisation du travail.

Le Sénégal force le respect par sa participation historique aux OMP : il a été déployé très tôt

au Liban en 1978 et continue d’agir actuellement en Haïti, en Côte d’Ivoire, en Guinée

Bissau, au Darfour et au Mali. Ainsi, le Sénégal constitue un exemple intéressant, mais qui

ne demeure pas vraiment surprenant : c’est en effet le pays du théoricien de la

francophonie, Leopold SEDAR SENGHOR.

Intervention de M. Saïd DJINNIT, Représentant spécial du Secrétaire

Général des Nations-Unies pour l’Afrique de l’Ouest

L’une des recommandations les plus pertinentes de ce séminaire demeure

l’inclusion de l’interopérabilité linguistique avec l’élaboration d’une topographie culturelle.

Il a aussi été souligné l’importance du Sénégal pour sa contribution exceptionnelle au

maintien de la paix dans le monde. Néanmoins, ce séminaire n’est pas sans lien avec

l’actualité puisqu’il se tient dans une région particulièrement perturbée par ce qui se passe

au Sahel. Il est un fait : quand on travaille sur la paix au Mali, comme c’est le cas au travers

de la MISMA, on a l’esprit au Sahel, et vice versa.

Les difficultés relatives à la situation au Mali sont nombreuses. Elles soulignent la faiblesse

de notre capacité collective à évaluer la menace et les limites de nos mécanismes de

prévention des conflits. Il faut renforcer ces dispositifs à tous les niveaux et prendre en

compte les menaces de natures diverses. Les pays ont aussi été pris de cours par ce conflit

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qui se déroule aux confins de trois régions (deux régions d’Afrique de l’Ouest, une région

d’Afrique du Nord).

Un temps précieux a été perdu à chercher des convergences dans une région aux multiples

conflits. Une position commune n’a été finalement trouvée que le 19 octobre à Bamako.

Dans ce contexte, le partenariat entre la CEDEAO, l’UA et les Nations unies apparait crucial,

et, une fois encore, les évènements nous ont montré son importance. Enfin, en suivant

l’exemple de l’engagement exceptionnel de la Guinée en la matière, il est impératif de

procéder à une réforme du secteur de la sécurité, notamment pour reconstruire l’armée

malienne. La réflexion actuelle sur cette thématique doit se poursuivre. Enfin, l’émergence

de la brigade Ouest Africaine apparait comme essentielle.

Intervention du Général Major Samaïla ILIYA, Co-directeur Amani Africa,

Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine

This workshop’s theme tackles contemporary issues. Despite progress made

regarding peace and security, we still have a long way to go, as testified by the current

situation in Mali and in the broader Sahel region as well as the ongoing tensions in the

“Grands Lacs” region. Mali is a francophone country and a challenging area. The diversity of

troops - based on languages, doctrines, equipments, tactics and structures - already

involved in the conflict underlines the issue of interoperability. The issue of language is

particularly critical for the management of such a plurality. A strengthened harmonization

among the African Union (AU) and civil society is greatly needed. In a similar vein, we call for

an improved coordination between institutional partners, countries, United Nations,

European Union (EU) and AU. In this regard, the establishment of APSA was a good step to

achieve our goals.

We need a peaceful Africa with itself and with the rest of the world: this is Africa we dream

of, and we aim at achieving. Progress has been made, for instance, thanks to the critical

dynamism of the Security Council of the African Union and also thanks to the AU and EU

first common strategy called AMANI AFRICA or “Peace in Africa”, including a training

program aimed at the development of the African Standby Force at the continental level.

Through this experience, the AU and the EU tried to capitalize on capacity already built in

order to help the ASF reach full operational capability by 2015. This commitment was

confirmed trough the implementation of a renewed three-year cycle, called AMANI AFRICA

II, for the period 2011-2014. The overall objective of this new cycle is, on one hand, to

validate the AU capacity to mandate and employ a Rapid Deployment Capability of the

AFRICAN Standby Force and, on the other hand, to run a multi-dimensional peace support

operations.

How to strengthen the African continent through the AMANI Exercise? Good governance

and post-conflict strategies are definitely part of the solution. Mediation by the African

Union will be equally decisive, as well as the development of high levels structures - in South

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and North Sudan, for instance. In conclusion, we are facing major challenges and we have to

think together about possible, sustainable and common answers.

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11. Recommandations du Séminaire de Dakar :

Pays francophones et Maintien de la Paix : Défis techniques,

capacitaires et linguistiques

Les recommandations formulées par les participants au séminaire, constituant un véritable

plaidoyer pour des mesures structurelles, visent à répondre aux défis de la complexification

croissante des OMP, qui requièrent désormais une réelle interopérabilité technique, le

perfectionnement de l’action des contingents francophones ainsi que le règlement de la

question linguistique afin de placer les populations civiles au cœur de la stabilisation des

Etats.

1. Renforcer les structures et les capacités des pays contributeurs aux OMP

Objectif : gagner en rapidité, car si les capacités opérationnelles sont présentes, leur

rassemblement demeure trop lent pour permettre à ces pays de présenter à temps des

contingents prêts et équipés.

- Procéder à des efforts budgétaires pour permettre l’acquisition de moyens

logistiques et d’équipements de qualité aux normes onusiennes.

- Favoriser les pistes de coopération internationale ou bilatérale permettant, par

exemple, le préfinancement des équipements.

- Généraliser le recours à des partenariats entre pays experts et demandeurs. A ce

titre, l’appel à un pays « sponsor » ou le recours au secteur privé peuvent devenir

des solutions mutuellement profitables permettant de disposer d’équipements

rapidement.

- Développer les associations entre civils et anciens militaires pour proposer aux

pays francophones une prestation semblable à celle offerte par les Américains dans

les pays anglophones.

- Encourager les mécanismes structurels innovants. Ex : Il parait envisageable

d’imaginer un mécanisme tripartite entre les Nations unies, de potentiels pays

africains contributeurs de troupes de police et des pays capables de préfinancer les

équipements, à charge pour ces derniers de se faire rembourser au prorata de leur

engagement financier par les Nations unies.

- Renforcer la planification, et pour cela, encourager une spécialisation des divisions

des états-majors.

o Créer des divisions onusiennes au sein des états-majors.

2. Améliorer le cadre de formation

Objectif : améliorer la formation des contingents mais aussi la formation individuelle.

- Donner aux officiers œuvrant à la mise sur pied des contingents les clés pour

comprendre l’architecture onusienne et maitriser les cadres juridiques et les

standards onusiens.

� Diffuser des manuels de référence préalablement traduits portant sur ces

mécanismes institutionnels.

� systématiser la traduction des documents onusiens et des séminaires

visant à la maîtrise des outils disponibles.

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- Elaborer un catalogue recensant toutes les formations existantes.

- Favoriser l’intégration des formations initiales existantes et assurer

l’harmonisation des niveaux des personnels déjà formés.

- Améliorer le contenu des formations existantes en matière de pré-déploiement,

de maîtrise de l’outil informatique, de conduite et des notions fondamentales

relatives au maintien de la paix.

� Développer des modules sur les OMP ayant vocation à être dispensés

dans les écoles militaires.

� Enrichir les écoles de maintien de la paix des spécialités connues.

• Développer la capacité à évaluer sur le terrain les incidents et problèmes

rencontrés afin de pouvoir effectuer un retour d’expérience fructueux et pallier

les difficultés répertoriées.

• Mettre en place un mécanisme de traçabilité des personnels formés ainsi que des

procédures d’accompagnement pour « l’après-OMP ».

• Mettre en place les conditions préalables, en termes de formation, pour que les

généraux francophones puissent accéder aux postes de directeurs de forces

internationales.

3. Perfectionner les outils existants

- Développer les Ecoles Nationales à Vocation Régionales (ENVR) « maintien de la

paix » à plus grande échelle ainsi que les banques de données ou les sites de

partage (RIFFOP).

- Développer des initiatives nationales, au delà de ces initiatives régionales et

mondiales.

� Développer des campagnes de sensibilisation : les décideurs politiques

doivent prendre conscience des retombées positives et durables d’un

engagement en matière de maintien de la paix.

� Mettre sur pied des centres d’entraînement aux OMP bénéficiant du

retour d’expérience des contingents déployés.

- Poursuivre les campagnes de recrutement - comme celles réalisées par la police

béninoise - et de perfectionnement afin que l’offre réponde à la demande.

4. Promouvoir le bilinguisme dans les OMP.

Objectifs : promouvoir une diversité culturelle qui doit être perçue comme un atout ;

acquérir une langue de travail commune pour permettre une meilleure communication

entre contingents et avec les populations locales ; sortir du cadre actuel de réflexion où

seuls les anglophones pensent le maintien de la paix.

- Assurer une maîtrise croissante de l’anglais, langue de travail, par les contingents

francophones.

- Encourager la diffusion de la langue française.

� Encourager les initiatives de promotion du français comme celles existant

en Ethiopie.

� Encourager l’utilisation massive du programme Sankoré et de la méthode

« En Avant ! ». Ex : encourager l’apprentissage d’un français rudimentaire

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parmi les personnels non-locuteurs francophones déployés dans le cadre

des opérations de paix, de stabilisation et de sécurisation du Mali.

- Sensibiliser les contingents au respect de la diversité culturelle et à sa

compréhension afin d’interagir plus facilement avec les populations des aires de

déploiement.

� Intégrer un devoir de connaissance des zones de déploiement dans les

formations et inculquer aux contingents une capacité d’évaluation

permettant une topographie culturelle, même dans les zones désertiques.

� Développer une sensibilité aux valeurs, culture, religion, lieux de culte, et

patrimoine des populations destinataires du maintien de la paix, afin

d’éviter les situations contreproductives.

5. Développer la communication

- Pour les pays contributeurs :

� Favoriser la communication entre les administrations homologues de

différents pays.

� Au sein d’un même pays, développer une liaison permanente entre les

Ministères des Affaires Etrangères et les Ministères de la Défense, tant

pour permettre le succès d’une candidature, que pour les questions liées

à la génération et au déploiement de l’unité.

- Entre les Etats membres et les Nations unies :

� Développer des relations directes entre le Secrétariat de l’ONU et l’Etat-

major du pays contributeur de troupes.

� Créer des points focaux « Opération de Maintien de la Paix » dans les

capitales.

� Constituer des viviers d’experts en matière de maintien de la paix.

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12. Remerciements

La Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense remercie vivement

les autorités sénégalaises, et notamment son excellence Monsieur Augustin Tine,

ministre des Forces Armées du Sénégal, pour l’accueil chaleureux reçu à Dakar

à l’occasion du séminaire et pour le soutien constant dont a bénéficié sa délégation.

Elle souhaite également remercier tous les participants au séminaire

pour leur présence active et les félicite chaudement pour la qualité des interventions délivrées.

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13. Acronymes

AAPS Architecture Africaine de Paix et de Sécurité ACOT African Contingency Operations and Assistance AMISOM Mission de l’Union africaine en Somalie APSA African Peace and Security Architecture ASF African Stand-by Force BINUD Mission des Nations unies au Burundi CEA Commission Economique pour l’Afrique CEEAC Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest CID Centre International de Déminage CIDH-G Centre International de Déminage Humanitaire de Genève

CIMIC Civil-Military Co-operation (Coopération civilo-militaire) CLAM Centre de coordination de lutte anti-mines CNEMA Commission Nationale pour l’Elimination des Mines Anti-personnel COE Manual Manuel relatif au matériel appartenant au Contingent (Contingent-Owned

Equipment) COPS Comité politique et de sécurité COMESA Marché Commun pour le Sud et l’Est de l’Afrique CPADD Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et

de Dépollution (de Ouidah) CPMP Centre Pearson pour le Maintien de la Paix CPTM Core Pre-deployment Training Materials (module de formation obligatoire

préalable au déploiement) CPRD Programme de reconstruction post-conflit et de développement CPS Conseil de Paix et de Sécurité (de l’Union africaine) CSNU Conseil de Sécurité (des Nations unies) DAM Département d’Appui aux Missions (de l’ONU) DAS Délégation aux Affaires Stratégiques (Ministère français de la Défense) DCSD Direction de la Coopération de sécurité et de défense (Ministère français

des Affaires Etrangères et Européennes) DDR Désarmement, Démobilisation et Réintégration DFS Department of Field Support : Département d’appui aux missions (DAM) DOMP Département des Opérations de Maintien de la Paix (de l’ONU), DPKO EAI Ecole d’Application d’Infanterie (de Thiès) EEI Engins Explosifs Improvisés EIFORCES Ecole Internationale des Forces de Sécurité d’Awaé (Cameroun)

EMP Ecole de Maintien de la Paix Alioune Blondin BEYE de Bamako ENVR Ecole Nationale à Vocation Régionale ESAG Ecole Supérieure et d’Application du Génie d’Angers EUFOR Force de l’Union Européenne au Tchad, RCA et en RDC (European Union

Force) FAA Force Africaine en Attente FAD Fond Africain de Développement FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo FICA Forum International sur le Continent Africain FPU Unité de Police Constituée (Formed Police Unit) FSO Français sur objectifs spécifiques GCSP Centre de politiques de sécurité de Genève

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HDTC Humanitarian Demining Training Center IHEDN Institut des Hautes de Défense Nationale (à Paris) IMATC Centre de formation de lutte anti-mines de Nairobi ISEPC Institut Supérieur d’Etudes de Protection Civile (à Ouagadougou) ISSSS Stratégie Internationale de Soutien à la Sécurité et la Stabilité de l’Est de la RDC République Démocratique du Congo JPT Mission conjointe de protection (Joint Protection Team in MONUSCO) KAIPTC Centre Koffi Annan de formation aux OMP (d’Accra) MAC Mémorandum d’accord, contrôle et remboursement MAEIAFBE Ministère des Affaires Etrangères de l’Intégration Africaine de la

Francophonie et des Béninois de l’Extérieur MCO Maintien en Condition Opérationnelle MEF Ministère de l’Economie et des Finances MDN Ministère Béninois de la Défense Nationale

MILOBS Military Observer (Observateur militaire) MINUAD Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour MINUK Mission des Nations unies au Kosovo MINUL Mission des Nations unies au Libéria MINURCAT Mission des Nations unies en République Centrafricaine et au Tchad MINUS Mission des Nations unies au Soudan MINUSTAH Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti MISPC Ministère Béninois de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et des Cultes MONUC Mission des Nations unies en République Démocratique du Congo (avant MONUSCO) MONUSCO Mission des Nations unies pour la Stabilisation en République

Démocratique du Congo MoU Memorandum of Understanding NDC National Defense College (à Abuja) OIF Organisation Internationale de la Francophonie OMP Opérations de Maintien de la Paix ONG Organisation Non Gouvernementale ONU Organisation des Nations unies ONUCI Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire OPEX Opérations extérieures OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord OUA Organisation pour l’Unité Africaine (ancienne UA) PCT Pays Contributeur de troupe PNC Police Nationale Congolaise POLAD Political Adviser PSO Peace Support Operation RCA République Centrafricaine RDC République Démocratique du Congo RECAMP Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix REG Restes Explosifs de Guerre RIFOPP Réseau des institutions francophones de formation aux opérations de paix ROE Rules of Engagement ROP Réseau Francophone de recherche sur les Opérations de Paix RSS Réforme du Système de Sécurité RSSG Représentant Spécial du Secrétaire Général (de l’ONU) SADC Communauté de développement de l’Afrique australe

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SAAT Selection Assesment and Assistance Team (Equipe d’Assistance pour l’Evaluation et la Sélection)

SAT Selection Assistance Team SG Secrétariat général des Nations unies SGNU Secrétaire Général des Nations unies SFI Service de Formation Intégrée de l’ONU SML FR Senior Mission Leaders Cour (en Français)

STAREC Programme de Stabilisation et de Reconstruction des Zones Sortant des Conflits Armés Plan (STAREC).

SOFA Status of Force Agreement SOMA Status of Mission Agreement STM Specialized Training Material (cours spécialisé) TCC Troop/Police Contributing Country TED Tableau d'effectif et de dotation TFI Institutions Fédérales de Transition (Somalie) UA Union Africaine UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

UNIBAM United Nations Infantry Battalion Manual UNICEF United Nations Children's Fund UNMAS Service Anti-mines des Nations Unies UNPOLS United Nations Police Division USG Under-Secretary-General of the United Nations