Situation, enjeux et perspectives sur le Marché des Energies Renouvelables en Afrique de l'Est

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Situation, enjeux et perspectives sur le Marché des énergies renouvelables en Afrique de l’Est L’Afrique de l’Est dispose d’un fort potentiel, encore largement sous utilisé, dans les cinq filières des énergies renouvelables (EnR). Le secteur de l’hydroélectricité couvre les capacités installées les plus importantes, tandis que la géothermie (Kenya) et l’éolien (Ethiopie) sont également des sources significatives dans certains pays. La vallée du Rift, à cheval sur plusieurs pays, concentre un important potentiel géothermique. Située sur l’équateur, la région dispose également de taux d’ensoleillement records propices au développement du photovoltaïque, et de vents réguliers qui favorisent l’énergie d’origine éolienne. Le potentiel de la biomasse est également important mais son développement est plus lent. Le développement des EnR doit permettre de répondre aux besoins en énergie dans la zone, amplifiés par la croissance de la population, l’urbanisation rapide et les stratégies d’industrialisation. Mais, alors que l’électrification s’accélère, l’accès des populations à des services d’énergie efficaces et durables doit encore être amélioré, en particulier dans les zones rurales. Les gouvernements des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Burundi) et l’Éthiopie ont bien compris les enjeux des EnR, ressources disponibles en abondance et durables. Ils ont développés des politiques énergétiques nationales volontaristes afin de soutenir leur développement, notamment des mécanismes incitatifs (tarif de rachat garanti, exemptions de TVA, système d’enchères, etc.). En parallèle, des stratégies de développement et d’exploitation des capacités de production électrique ont été développées à l’échelle régionale. L’enjeu des interconnexions régionales est essentiel dans la mesure où un marché régional régulé pourrait permettre à la région de devenir indépendante énergétiquement à moyen terme, et exportateur net à long terme. Le rôle du secteur privé pour libérer le potentiel EnR dans la région est essentiel. Cette note présente la situation et les enjeux des EnR dans la région. Elle permet de comprendre les évolutions des politiques énergétiques, qui dessinent les grandes tendances des marchés. Elle identifie également des perspectives d’investissements sur les marchés de la région, dans un climat général dominé par la rationalisation et l’optimisation (libéralisation du secteur, mise en place d’enchères négatives, efficacité énergétique, etc.). 1. Situation et enjeux des énergies renouvelables en Afrique de l’Est La part de la biomasse dans la consommation d’énergie primaire est très élevée dans la région, avec une moyenne de 80% et une valeur extrême de 95% au Burundi, contre 68% au Kenya. Les ménages dépendent fortement des combustibles solides issus de la biomasse (bois, charbon de bois) pour cuisiner et se chauffer, ce qui a un très fort impact sur l’environnement (déforestation, émission de gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique) et la santé (pollution de l’air). La part des produits pétroliers dans la consommation d’énergie primaire est faible en comparaison de la biomasse (de 2,5% au Burundi à 22% au Kenya) mais en forte augmentation car tiré à la hausse par le secteur des transports. Les produits pétroliers servent aussi à combler le déficit hydroélectrique en période de sécheresse, lorsque le débit des cours d’eau est insuffisant pour faire tourner les centrales, ainsi qu’à alimenter les générateurs de secours au diesel qui prennent le relais dans le résidentiel haut de gamme et certaines industries lors des fréquentes coupures du réseau électrique. La part d’électricité dans la consommation d’énergie primaire est relativement faible dans la région (9% au Kenya, la plus forte de la région). La demande d’électricité devrait néanmoins croitre de 5% par an jusqu’en

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Situation, enjeux et perspectives sur le

Marché des énergies renouvelables en Afrique de l’Est

L’Afrique de l’Est dispose d’un fort potentiel, encore largement sous utilisé, dans les cinq filières des

énergies renouvelables (EnR). Le secteur de l’hydroélectricité couvre les capacités installées les plus

importantes, tandis que la géothermie (Kenya) et l’éolien (Ethiopie) sont également des sources

significatives dans certains pays. La vallée du Rift, à cheval sur plusieurs pays, concentre un important

potentiel géothermique. Située sur l’équateur, la région dispose également de taux d’ensoleillement records

propices au développement du photovoltaïque, et de vents réguliers qui favorisent l’énergie d’origine

éolienne. Le potentiel de la biomasse est également important mais son développement est plus lent. Le

développement des EnR doit permettre de répondre aux besoins en énergie dans la zone, amplifiés par la

croissance de la population, l’urbanisation rapide et les stratégies d’industrialisation. Mais, alors que

l’électrification s’accélère, l’accès des populations à des services d’énergie efficaces et durables doit encore

être amélioré, en particulier dans les zones rurales.

Les gouvernements des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda,

Burundi) et l’Éthiopie ont bien compris les enjeux des EnR, ressources disponibles en abondance et durables.

Ils ont développés des politiques énergétiques nationales volontaristes afin de soutenir leur développement,

notamment des mécanismes incitatifs (tarif de rachat garanti, exemptions de TVA, système d’enchères, etc.).

En parallèle, des stratégies de développement et d’exploitation des capacités de production électrique ont

été développées à l’échelle régionale. L’enjeu des interconnexions régionales est essentiel dans la mesure

où un marché régional régulé pourrait permettre à la région de devenir indépendante énergétiquement à

moyen terme, et exportateur net à long terme.

Le rôle du secteur privé pour libérer le potentiel EnR dans la région est essentiel. Cette note présente la

situation et les enjeux des EnR dans la région. Elle permet de comprendre les évolutions des politiques

énergétiques, qui dessinent les grandes tendances des marchés. Elle identifie également des perspectives

d’investissements sur les marchés de la région, dans un climat général dominé par la rationalisation et

l’optimisation (libéralisation du secteur, mise en place d’enchères négatives, efficacité énergétique, etc.).

1. Situation et enjeux des énergies renouvelables en Afrique de l’Est

La part de la biomasse dans la consommation d’énergie primaire est très élevée dans la région, avec

une moyenne de 80% et une valeur extrême de 95% au Burundi, contre 68% au Kenya. Les ménages

dépendent fortement des combustibles solides issus de la biomasse (bois, charbon de bois) pour cuisiner et

se chauffer, ce qui a un très fort impact sur l’environnement (déforestation, émission de gaz à effet de serre

qui contribuent au changement climatique) et la santé (pollution de l’air).

La part des produits pétroliers dans la consommation d’énergie primaire est faible en comparaison de la

biomasse (de 2,5% au Burundi à 22% au Kenya) mais en forte augmentation car tiré à la hausse par le secteur

des transports. Les produits pétroliers servent aussi à combler le déficit hydroélectrique en période de

sécheresse, lorsque le débit des cours d’eau est insuffisant pour faire tourner les centrales, ainsi qu’à

alimenter les générateurs de secours au diesel qui prennent le relais dans le résidentiel haut de gamme et

certaines industries lors des fréquentes coupures du réseau électrique.

La part d’électricité dans la consommation d’énergie primaire est relativement faible dans la région (9% au

Kenya, la plus forte de la région). La demande d’électricité devrait néanmoins croitre de 5% par an jusqu’en

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2030 en Afrique de l’Est1, ce qui signifie que la capacité de production électrique des pays de la région va

devoir augmenter de manière significative. Dans l’hypothèse d’une croissance annuelle de 5% de la

demande, la capacité électrique de chaque pays devrait augmenter de 20% d’ici 2010 et de 100% d’ici 2030

pour couvrir la demande additionnelle.

Le taux d’électrification de la région est très faible par rapport au reste de l’Afrique. Il était compris

entre 20 et 30% en moyenne en 2014 et relativement homogène entre les pays de la région, à l’exception du

Burundi (cf. tableau 1). Il augmente toutefois rapidement ces dernières années. Des progressions

spectaculaires de 10% sur trois ans entre 2010 et 2013 ont été enregistrées au Rwanda et en Tanzanie. Au

Kenya, le taux d’électrification atteint 40 à 50% en 20172 grâce à un ambitieux programme d’électrification

mis en œuvre par les pouvoirs publics. Le taux de pénétration reste néanmoins très faible dans les zones

rurales en comparaison des zones urbaines dans l’ensemble des pays de la région.

Tableau 1 : Electrification en Afrique de l’Est en 2014 (Source : World Energy Outlook 2016)

Pays

Population sans

accès à

l’électricité

(millions)

Taux

d’électrification

Taux

d’électrification en

zone urbaine

Taux

d’électrification en

zone rurale

Burundi 10 5% 28% 2%

Ethiopie 73 25% 85% 10%

Kenya 36 20% 60% 7%

Ouganda 31 19% 52% 12%

Rwanda 8 27% 72% 9%

Tanzanie 36 30% 57% 18%

Chaque pays a formulé une cible pour l’accès à l’électricité. Le Rwanda et le Kenya sont les plus ambitieux,

avec l’objectif de garantir un accès à 70 % de la population d’ici 2017 pour le premier, et de 100% d’ici

2020 pour le second. La Tanzanie vise 50% d’accès d’ici 2050 et l’Ouganda au moins 98% d’ici 2030.

La production électrique repose principalement sur l’hydroélectricité, qui représente 90% de la capacité

installée en Ethiopie, 80% en Ouganda ou encore 40% au Kenya. Malgré des épisodes de sécheresse de plus

en plus fréquents et les risques qu’ils font peser sur le rendement de l’hydroélectricité, les autorités

développent toujours des projets hydroélectriques (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie, voire Kenya), pour réduire

leur dépendance aux modes de génération thermique. Les efforts d’intégration régionale (cf. infra) devraient

permettre à terme d’atténuer les risques de production liés à l’hydroélectricité, notamment grâce aux

importantes réserves des futurs barrages éthiopiens de forte capacité et à la diversification géographique des

sources de production dans des zones différemment soumises aux aléas hydriques.

Dans le même temps, la diversification des mix énergétiques est encouragée dans tous les pays grâce à des

objectifs quantifiés et/ou des politiques de développement des EnR. Par exemple, l’Ethiopie poursuit la

construction du barrage de Grande Renaissance (6000 MW) et l’énergéticien Ethiopian Electric Power

prévoit le développement concomitant de 5200 MW de capacité solaire, 5 200 MW de capacité éolienne,

500 MW de géothermie, et 420 MW de biomasse d’ici 2020. Si ces chiffrent affichent une volonté de

diversification, à l’instar de la plupart des pays de la zone, le réalisme de cette ambition doit être évalué au

regard de la capacité installée actuelle totale de 4100 MW du pays.

1 4-5% correspond à un scénario réaliste. Les plans de développement (optimistes voire utopiques) des différents pays visent plutôt entre 7 et 15% de croissance

de la demande. 2 Les chiffres varient selon l’AFD, la Banque Mondiale et le gouvernement kenyan, le moins conservateur sur ces chiffres.

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Depuis les années 2000, la région a connu une croissance régulière de la capacité électrique installée

d’origine renouvelable, qui atteint aujourd’hui plus de 7 GW au total (cf. tableau 2). La région bénéficie

d’un fort potentiel dans les cinq filières des EnR : l’hydroélectricité est la ressource renouvelable la plus

développée ; la vallée du Rift a permis au Kenya de développer la géothermie et d’autres pays explorent cette

possibilité (l’Éthiopie et la Tanzanie sont les plus avancés en matière d’exploration alors que le Rwanda et

l’Ouganda s’y intéressent aussi). Située sur l’équateur, la région dispose de taux d’ensoleillement records

propices au développement du photovoltaïque, mais aussi de vents réguliers qui favorisent l’énergie d’origine

éolienne. Les grands pays de la région disposent en outre de zones relativement peu peuplées favorables à la

réalisation d’installations photovoltaïques ou éoliennes de grande dimension. Par ailleurs, le Kenya et la

Tanzanie offrent une façade de respectivement 536 km et 1424 km sur l’Océan indien, ouvrant des

possibilités d’exploitation de l’énergie marine (force marémotrice, hydroliennes, éoliennes offshore, etc.).

Tableau 2 : Mix électrique des pays d’Afrique de l’Est (Source : AFD et Service Economique Régional de

Nairobi et Services économiques des pays concernés, 2017)

Resource

en MW

Ethiopie Kenya Ouganda Rwanda Tanzanie Burundi

Total 4284 2328 858 186 1564 55

Thermique 143 595 100 76,5 971

Hydro 3810 770 696 101 565

Géothermie 7 630

Eolien 324 5

Solaire

25

8,5

Biomasse

26 61

28

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Pour répondre à la croissance de la demande en électricité, les cinq pays de l’EAC et des pays voisins

(Libye, Égypte, Éthiopie, Soudan, RDC) se sont associés à partir de 2005 pour former le pool

énergétique Eastern African Power Pool (EAPP). L’EAPP a pour mission de faciliter la mise en commun

des ressources électrique au sein de la région de manière coordonnée et optimisée, en facilitant la signature

d’accords bilatéraux et multilatéraux, afin de garantir aux populations une électricité abordable, durable et

fiable. On ne peut cependant encore parler de développement et d’exploitation de capacités de production

électrique à l’échelle régionale. L’EAPP est aujourd’hui un réseau régional permettant des échanges

d’électricité entre pays voisins. L’intégration reste à poursuivre, et est ralentie par les stratégies nationales

des pays qui préfèrent concentrer leurs efforts sur le développement de leur capacité nationale. L’institution

en elle-même est plus une simple chambre d’enregistrement qu’un organisme multi-pays qui gérerait le

réseau électrique.

A moyen-terme, l’équilibre offre-demande pourrait être compromis si l’on s’en tient aux ambitions et

objectifs respectifs de chaque pays. En effet, si chaque pays atteint son objectif de production et devient un

exportateur net d’électricité, il pourrait y avoir une surcapacité de production générant une situation sous

optimale avec des prix moyens de l’électricité supérieurs à une situation sans surplus. Ce risque est

néanmoins faible car les projections nationales des différents pays seront probablement retardées si la

demande nationale ne suit pas, tandis que des réserves de capacité sont par ailleurs nécessaires pour assurer

la gestion des aléas de production et les pointes de demande. L’intégration énergétique requiert par ailleurs

une coopération politique et économique très forte, et un cadre de règles communes qui doit être approfondi,

pour répondre à des questions ouvertes - définition d’un volume maximum de ressources à exporter ou

encore spécialisation d’un pays dans l’exportation d’un type de ressource envisagés. L’intégration régionale

prendra donc encore beaucoup de temps, et s’amorcera par des accords bilatéraux afin que le marché se mette

en place progressivement. Le prix élevé de l’électricité et les surcapacités de production planifiées à moyen-

terme, notamment en Ethiopie, militent pour des interconnexions régionales à mettre en œuvre dès à présent

(cf. images 1 et 2).

Image 1 : Interconnexions régionales en 2016 (Source : AFD de Nairobi)

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Image 2 : Projets d’interconnexions régionales pour 2025 et 2035 (Source : AFD de Nairobi)

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Les pays de l’EAC (à l’exception du Burundi) et l’Éthiopie ont adopté des objectifs quantifiés en

matière de développement des énergies renouvelables (cf. tableau 3). Ces objectifs sont souvent

ambitieux, voire irréalistes et s’apparentent davantage à des déclarations d’intention plutôt qu’à de réels

plans de développement. Ainsi, le Kenya s’est donné en 2013 l’objectif d’ajouter 5000 MW de capacité

électrique d’ici fin 2016. Cet objectif n’a pas été atteint en 2016 et le ministère de l’énergie a finalement

annoncé que l’objectif des 5000 MW + devrait être réalisé d’ici 2020. Bien qu'une variété de plans

énergétiques régionaux existent, les stratégies et politiques énergétiques dans des pays de l'EAC+ restent

pilotées principalement au niveau national.

Tableau 3 : Cibles EnR par pays et secteur (Source : SER de Nairobi)

Pays

Capacité

installée en

2016

Capacité additionnelle à ajouter par secteur à moyen terme

Hydro Géothermie Biomasse Eolien Solaire

Ethiopie - GTP II 2015-2020

17 350 MW d’ici 2020 4 284 MW

7580

MW 500 MW 420 MW 5200 MW 5200 MW

Kenya - 5000+ MW Project

+ 5000MW d’ici 2020 2328 MW

790

MW 1900MW 45 MW 635MW

Ouganda

2500 MW d’ici 2020 853 MW x x 100 MW

Rwanda – ESSP 2013-2018

450 MW by 2018 186 MW 85 MW 40 MW

Tanzanie Electricity Bill 14

10 000 MW by 2025* 1564 MW x 200 MW 200 MW 100 MW

* cible tout type d’énergie confondu. Les cibles renouvelables sont faibles alors que les cibles pour le

développement des énergies fossiles (charbon) et du gaz naturel sont élevées.

x = cible quantifiée indisponible

Des changements critiques en matière de politique énergétique ont considérablement modifié le paysage de

l'énergie dans la région au cours des dernières années. Trois tendances peuvent être soulignées :

- une libéralisation du secteur de l’énergie qui a entrainé une séparation des sociétés en charge de la

production de celles en charge de la transmission, de la distribution ou encore de la maintenance au Kenya,

en Ouganda, au Burundi et en Éthiopie. Au Kenya, l’entreprise publique spécialement chargée de

l’exploration géothermique, GDC, prend en charge les risques liés à l’exploration et se rémunère sur la vente

de la vapeur aux producteurs d’électricité : la compagnie nationale en charge de la production d’électricité

KenGen et les producteurs indépendants (IPP). La Tanzanie et l’Ethiopie réfléchissent à la création d’un

système similaire pour développer la géothermie.

- une évolution vers une privatisation partielle des actifs publics, essentiellement pour la production

électrique. La mise en place de tarifs de rachat garantis (FIT) dans tous les pays de l’EAC, à l’exception du

Burundi, et en Éthiopie a permis aux producteurs énergétiques indépendants (IPP) de signer des accords

d’achat d’électricité. Les investisseurs identifient des projets d'énergie potentiellement viables et acquièrent

des licences pour produire de l’énergie électrique à un tarif de vente négocié avec le distributeur public en

gré à gré. Au Kenya et en Ethiopie, les FIT couvrent les cinq filières des EnR, avec des tarifs variables selon

la ressources et la capacité produite. Un FIT avait été mis en œuvre en Ouganda sur les cinq filières, mais le

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FIT solaire a été abandonné en 2014 au profit d’un système d’enchères négatives. Au Rwanda, le FIT pour

l’hydroélectricité, mis en place pour trois ans, a expiré en 2015 et est en cours de révision. Un projet de loi

pour la mise en œuvre d’un FIT pour le photovoltaïque a été rédigé mais n’a jamais été approuvé. En

Tanzanie, des FIT ont été mis en œuvre dans les secteurs de l’hydroélectricité et de la biomasse pour des

projets supérieurs à 10 MW, et pour des projets inférieurs à 1 MW dans les secteurs du solaire et de l’éolien.

Les réseaux de transmission et de distribution sont encore la propriété des gouvernements qui en assurent

également la gestion. La privatisation du réseau de distribution est un sujet discuté par les parties prenantes

du secteur au Kenya - publiques comme privés - mais n’apparait pas crédible aujourd’hui.

- un rôle croissant des entreprises publiques de transport et de distribution d’électricité, à travers les

projets de connexion à la grille pour le dernier kilomètre ou de connexion hors-réseau (cas du Last Mile

Connectivity Project au Kenya). Ces agences publiques ont pour mission de favoriser l’accès à l’électricité

dans les zones rurales.

Le mécanisme des enchères négatives pour l’attribution des projets a pris une ampleur considérable

au cours des dernières années. Le mécanisme introduit une plus forte concurrence entre les investisseurs,

et permet de fournir l’électricité au consommateur final à un tarif plus bas. Mais il peut également induire

une plus forte sélectivité des projets et réduire l’attrait du marché pour les investisseurs. Dans la région, il a

été utilisé en Ouganda dans le photovoltaïque et au Rwanda dans le photovoltaïque et l’hydroélectrique.

La Tanzanie a annoncé en 2015 qu’elle instaurerait un mécanisme similaire pour l’éolien et le solaire lors de

la révision de la politique sur les accords d’achat d’électricité (SPPA). Un tel système n’a pas encore été

développé à ce jour.

Au Kenya, le ministère de l’énergie a annoncé en octobre 2016 la substitution du tarif de rachat garanti au

profit d’un mécanisme d’enchères négatives. Le projet de loi devait initialement entrer en vigueur dans les

trois mois et permettre au ministère de l’énergie de sélectionner des projets de production d'électricité et de

les attribuer aux soumissionnaires qui proposent le tarif de rachat le plus bas au distributeur public. Le

secrétaire d’état à l’énergie a finalement annoncé que le système n’entrerait en vigueur que lorsque les

développeurs qui ont reçu des licences dans le cadre du dispositif de tarif de rachat garanti auraient développé

1342 MW de capacités supplémentaires, ce qui correspond aux capacités représentées par les projets en ayant

reçu une autorisation et à 56 % de la capacité actuelle du pays, contre environ un tiers assurée aujourd’hui

par les producteurs indépendants, soit a priori vers la mi-2018. Par ailleurs, le mécanisme d’enchères

négatives ne concernerait que les projets solaires de moins de 40 MW, éoliens de moins de 50 MW et

géothermiques de moins de 70 MW. Les experts du secteur indiquent néanmoins que le développement de

ces capacités supplémentaires pourrait prendre plusieurs années.

2. Perspectives d’investissements sur le marché des énergies renouvelables en Afrique de l’Est

Depuis les années 2000, les investissements gouvernementaux se sont concentrés sur le renforcement

et le développement de capacités de production. Si l’accent a d’abord été mis sur la génération dans la

chaine de valeur, on assiste aujourd’hui à une mise à niveau des réseaux de transport et de distribution. L’Ouganda, par exemple, a annoncé que 2 Mds USD seraient consacrés à l’extension du réseau, dont 800 M

USD dans des lignes basse tension. Au Kenya, le nombre de connexions électriques a doublé au cours des

trois dernières années. La mise en place d’un réseau de transmission à niveau nécessitera des investissements

estimés à 6,5 Mds USD. Ketraco, l’opérateur public chargé de la construction et de la maintenance des lignes

de transmission, devrait lever les financements nécessaires au renforcement du réseau par le biais d’un

dispositif de partenariat public-privé dont l’élaboration des lignes directrices a débuté au premier trimestre

2017. Le gouvernement étudie actuellement divers modèles de partenariat tel que l’EPC (engineering,

procurement & construction).

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L’optimisation des réseaux de distribution d’électricité offre un fort potentiel de développement à

court terme. Les pertes sur les réseaux sont importantes, avec une moyenne de 22% pour la région EAC et

de 18% environ pour le Kenya et l’Éthiopie. Elles sont attribuables à la configuration non-optimale des

réseaux d'alimentation mais également aux pertes techniques et commerciales. Des technologies

d’optimisation de la production à l’échelle de la grille tels que des systèmes de contrôle et d'acquisition de

données (SCADA) devront être développés pour rendre plus efficiente la gestion du réseau. Elles permettront

notamment une meilleure gestion des pics de demande, de l’allocation de la charge de base et de l’intégration

des énergies intermittentes sur la grille. Des projets de SCADA sont en cours de développement au Kenya

et en Éthiopie. Un autre secteur porteur est celui du stockage de l’énergie, tant sur la grille que pour les

projets hors-réseau. Les questions de stockage sont encore peu traitées à ce jour dans la région, mais l’intérêt

pour celles-ci est fort.

L’optimisation de la consommation énergétique par la mise en œuvre de mesures d’efficacité

énergétique apparait comme une priorité à moyen terme. Jusqu’à présent l’efficacité énergétique a été

traitée sous l’angle de l’insertion des énergies renouvelables dans le mix, principalement par le régulateur,

avec le déploiement expérimental de compteurs intelligents au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie.

L’efficacité énergétique comme facteur d’optimisation de la ressource énergétique n’a pas encore été

réellement abordée. Le potentiel est très important tant dans le secteur privé – sites industriels en

autoconsommation - que dans le secteur public - écoles, universités, hôpitaux – mais les programmes encore

peu nombreux.

En 2015, une première ligne de crédit pour le développement des ENR et l’efficacité énergétique a été

développée par l’AFD au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie (programme SUNREF) à destination du secteur

privé. L’AFD a également financé 3,3 millions d’ampoules basse-consommation dans le cadre du Program

Access Scale-up. Après un retard sur la campagne de communication de la compagnie de distribution

kenyane KPLC, la distribution des ampoules a été lancée en décembre 2016. Environ 25% des ampoules

auraient été distribuées à ce jour.

En 2012 le Kenya a voté une loi sur les chauffe-eau solaires qui oblige les bâtiments utilisant plus de 100

litres d’eau à installer un chauffe-eau solaire d’ici mai 2017. Cette loi est rétroactive et s’applique aux

bâtiments construits avant 2012, qui devront être mis à niveau. Environ 140 000 chauffe-eau solaires étaient

installées dans le pays en 2015, et la demande devrait atteindre 800 000 d'ici 2020. La Commission de

régulation de l’énergie (ERC) a indiqué qu’elle sanctionnerait le non-respect de cette règlementation à partir

de juin 2017. En Ouganda, le gouvernement subventionne l’achat de chauffe-eau solaires à hauteur de 50 %

sur l’achat et l’installation afin d’encourager leur déploiement dans le secteur public et l’hôtellerie.

L'énergie hydraulique est la première source de production électrique dans la région, avec plus de 5.9

GW installés. Le potentiel inexploité est considérable, notamment sous la forme de petites unités au fil de

l’eau. L’énergie hydraulique compte pour 75% de la capacité électrique installée dans les pays de l’EAC en

moyenne, et 90% en Éthiopie. Le coût marginal du MW hydraulique supplémentaire produit augmentant à

mesure que les sites potentiellement exploitables pour de nouvelles grandes installations hydrauliques se font

plus rares, les projets de petite et moyenne dimension devraient être plus facilement développés à l’avenir.

Le potentiel de la petite hydraulique (entre 250 kW et 10 MW de puissance installée) est estimé à 4 GW.

Les coûts de développement associés aux petits projets sont par ailleurs moins élevés et la durée de mise en

œuvre des projets plus courte. La fluctuation des pluies et les sécheresses, dont la fréquence et l’intensité

sont aggravés par le changement climatique, rendent l’exploitation de l’énergie hydraulique incertaine3, d’où

un besoin de diversifier les mix électriques.

3 Ceci est à relativiser pour les grands barrages car ils ont de grandes capacités de stockage leur permettant de palier au moins en partie aux variabilités interannuelles

et saisonnières.

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Le Kenya est le seul pays de la région qui dispose d’une capacité géothermique installée. L’Ethiopie et

la Tanzanie souhaitent explorer cette possibilité mais sont à des stades plus ou moins avancés. Le

Rwanda et l’Ouganda ont également des projets de géothermie dans leur plans nationaux, à moyen voire

long terme.

Avec 630 MW de capacité installée depuis la mise en service en 2016 d’une nouvelle unité à Olkaria III, la

géothermie représente 47% de l’énergie produite dans le mix électrique kenyan (8ème rang mondial). Le

potentiel de développement est fort avec environ 600 MW à installer d’ici 2020, et entre 500 et 1000 MW

supplémentaires à installer sur la période 2020-2030.

L’Ethiopie est le pays le plus crédible dans sa démarche d’exploration géothermique. Le pays dispose de

ressources évaluées à 5000 MW et a réalisé un projet pilote. Le gouvernement éthiopien prépare actuellement

une stratégie nationale pour développer la géothermie, y compris un cadre règlementaire qui s’inspire du

modèle kenyan. Le pays souhaite installer 500 MW d’ici 2020, mais ce calendrier est très ambitieux au vu

des avancées réalisées. La Tanzanie souhaite également exploiter son potentiel géothermique, mais la

capacité de financement à long terme de TANESCO est très incertaine, ce qui rend la signature de contrats

d’achat d’électricité risquée pour les investisseurs potentiels.

Des missions de prospection ont enfin eu lieu au Rwanda et en Ouganda avec le soutien de la coopération

japonaise (JICA), sans toutefois donner de résultats jusqu’à présent.

Des applications géothermiques pour la production de chaleur sont également en cours de réflexion. Au

Kenya, GDC a installé sur le site de Menengai plusieurs unités de démonstration des applications directes de

la chaleur (serriculture, pisciculture, stérilisation du lait). Les marchés kényans et éthiopiens (notamment des

malteries) présentent des opportunités dans le domaine.

À bien des égards, le développement d’installations biomasse/biogaz à grande échelle est plus complexe

que celui d'autres sources d'énergies renouvelables. Malgré un fort potentiel, l’adoption est lente car

les quantités de déchets disponibles sont souvent insuffisantes, en raison des spécificités de l’agriculture

régionale. Jusqu’à présent, la coopération allemande (GIZ) a largement soutenu le développement de projets

biogaz avec son programme Energies Renouvelables - Fabriqué en Allemagne, qui a fortement soutenu

l’implantation des entreprises allemandes. Les pays de la zone reconnaissent le potentiel du secteur et

l’intègrent progressivement dans les plans énergétiques nationaux, mais le soutien public est faible ce qui

n’encourage pas son développement. La valorisation des déchets, quasi inexistante à l’exception

d’installations développées par les industriels, offre pourtant un fort potentiel.

Les projets de méthanisation des déchets de l’agriculture ou des industries de transformation sont les plus

nombreux au Kenya et en Ouganda. Au Kenya, le potentiel pour développer de nouveaux projets de

valorisation des déchets dans les usines sucrières est estimé à 300 MW.

Le développement de l’énergie solaire en Afrique de l’est a suivi la baisse du coût des équipements

solaires dans le monde. La région totalise 9,2 MW de capacité solaire installée raccordée au réseau.

Malgré une ressource très abondante, le développement des projets d’énergie solaire raccordés au réseau n’a

pas été aussi important que les projets géothermiques ou éoliens. Le Rwanda est l’exception avec sa centrale

photovoltaïque d’Agahozo Shalom Youth Village de 8,75 MW raccordée au réseau.

La baisse continue du coût des panneaux photovoltaïques rend le solaire connecté au réseau de plus en plus

compétitif. Néanmoins, de lourdes incertitudes pèsent sur le secteur au Kenya. L’une des barrières

principales est la lenteur des négociations du tarif de rachat garanti. Plusieurs projets de centrales solaires

raccordées à la grille ont été menacés par la perspective de mise en œuvre du système d’enchères négatives,

mais les annonces récentes du ministère de l’énergie ont rassuré les acteurs déjà positionnés sur des projets

solaires avec tarifs de rachat garanti.

Page 10: Situation, enjeux et perspectives sur le Marché des Energies Renouvelables en Afrique de l'Est

Le potentiel éolien est important au Kenya, en Éthiopie et en Tanzanie, mais cette source d’énergie

n’est pas exploitée pleinement en raison des problèmes d’acquisition foncière, de l’insuffisance

d’infrastructures pour acheminer les composantes sur les sites, et de la nécessité d’optimiser

l’intégration des énergies intermittentes sur la grille.

L’Éthiopie est le premier pays, avec 370MW raccordés au réseau (ferme d’Ashegoda de 120 MW et ferme

d’Adama de 250 MW). Le Kenya compte 25,5 MW d’électricité d’origine éolienne raccordée au réseau, et

la réserve de projets est importante, avec notamment le projet du Lac Turkana de 310 MW, et le projet de

Meru dont l’AFD a financé la première phase (80MW), mais qui a terme pourrait être étendu (400 MW)4.

Le développement du sous-secteur est l’une des priorités du gouvernement qui a pour objectif d’installer 630

MW d’éolien d’ici 2020. Mais cette ambition a été revue à la baisse dans le dernier plan de développement

du secteur datant de 2016.

L’Éthiopie soutient également le développement de l’éolien, avec l’objectif d’installer 5200 MW d’ici 2020.

La capacité éolienne installée étant actuellement de 370 MW, la réalisation de cet objectif semble néanmoins

peu vraisemblable. Le gouvernement éthiopien a annoncé que 70% des 5200 MW seraient développés par le

secteur privé au moyen de tarifs de rachat garantis, dans un secteur toutefois largement dirigé par le

gouvernement laissant peu de place à l’initiative privée. La Tanzanie compte quelques projets en cours de

développement dans une plus faible mesure.

Les systèmes de mini-réseau et de réseau autonome sont en plein essor depuis plusieurs années déjà,

particulièrement dans le solaire au Kenya et en Tanzanie. Les deux pays sont les chefs de file du continent

en matière d’installations de systèmes pico-photovoltaïques et de systèmes solaires domestiques dans les

zones rurales, avec 20% de la population rurale alimentée qui accède à l’électricité grâce à ces systèmes au

Kenya et plus de 50% en Tanzanie. Au Rwanda, le développement des mini-réseaux hydroélectriques est

fortement soutenu par le gouvernement.

Le potentiel pour les systèmes de mini réseau et hors réseau est fort : la demande devrait continuer de croitre

car de nombreux ménages ne sont pas raccordés dans les zones enclavées où les investissements dans le

réseau seraient trop importants. Par ailleurs, des programmes gouvernementaux visant à développer

l’hybridation des mini réseaux existants sont développés, principalement dans le solaire et l’éolien, afin de

réduire la dépendance aux énergies fossiles.

Qu’il s’agisse de mini-réseaux, hors réseau ou de projets d’hybridation, la capacité installée par projet est

faible, mais le nombre de projet à développer élevé. La stratégie de développement et le cadre règlementaire

doivent être précisés afin de donner confiance au secteur privé. Le Kenya a par exemple une stratégie de

raccordement pour tous dans le pays, qui évolue progressivement vers l’intégration des mini-réseaux pour

atteindre 100% d’accès à l’électricité dans le pays d’ici 2020. Le modèle prédominant de mini-réseau est

actuellement le modèle opéré par le distributeur public KPLC, qui a développé un programme d’hybridation

des mini-réseaux qui fonctionnent aux énergies fossiles. Les procédures actuelles de licence et de permis

pour le secteur privé sont longues (trois ans en moyenne) et ne sont pas adaptées aux petites installations,

qui pour la plupart opèrent sans permis. De plus, à mesure que la grille nationale s’étend, les questions de

modèle économique pour le raccordement des installations à la grille se posent notamment le rachat de

l’installation, le tarif de rachat, les normes, etc.

Les modèles commerciaux doivent eux aussi être affinés afin de rendre viables les projets. Les défis pour la

mise à l’échelle sont nombreux (par exemple des dépenses d'investissement initiales élevées et des banques

qui ne maitrisent pas la gestion des risques spécifiques associés aux financements de ces projets).

Le secteur privé a acquis une très bonne réputation pour le développement de systèmes hors réseaux, et se

distingue par les modèles innovants proposés. M-KOPA au Kenya fournit par exemple aux ménages un

4 Le projet n’est pas encore assez mûr pour une telle extension à l’heure actuelle précise l’AFD.

Page 11: Situation, enjeux et perspectives sur le Marché des Energies Renouvelables en Afrique de l'Est

système solaire complet, qui comprend un panneau solaire, deux lampes suspendues, une lampe de poche,

une radio et un boîtier de commande pour recharger un téléphone portable. Le système coûte initialement 35

USD puis l’acheteur rembourse quotidiennement 43 cts USD pendant un an, grâce au système de paiement

mobile. Les développeurs de systèmes hors-réseau cherchent à proposer des systèmes complémentaires de

stockage d’énergie, ouvrant un marché nouveau qui devrait se développer rapidement et où les opportunités

pour le secteur privé sont fortes.

La Tanzanie laisse beaucoup plus de libertés aux développeurs d’installations non raccordées au réseau

public, qui peuvent négocier librement le tarif consenti aux usagers et opérer l’installation. Le retard pris par

le Kenya par la Tanzanie pour la couverture des populations rurales par les réseaux autonomes tient à la

volonté des autorités publiques de préserver le monopole de la distribution à l’opérateur public KPLC.

Le fort potentiel en énergies renouvelables est un réel atout pour l’Afrique de l’Est. Les cinq filières des EnR

sont encore largement sous utilisées alors que la demande privée progresse, tant de la part des ménages que

des industriels.

La France s’attache à soutenir des investissements structurants pour la région, en finançant des projets

d’énergies renouvelables qui favorisent une trajectoire de développement vertueuse et faiblement émissive

en gaz à effet de serre, mais également en soutenant l’intégration énergétique régionale, qui devrait

permettre à terme l’optimisation des capacités installées dans les différents pays, alors que le prix élevé de

l’électricité et les surcapacités de production planifiées à moyen-terme, notamment en Ethiopie, militent

pour une rationalisation du réseau au moyen des interconnexions régionales.

A très court terme, deux enjeux majeurs sont identifiés dans la région auxquels le développement des

énergies renouvelables devrait permettre de répondre plus efficacement.

D’une part, l’utilisation massive de la biomasse comme source d’énergie primaire, qui provoque une

déforestation massive en Afrique de l’est et soulève de graves problèmes de santé publique. Des solutions à

petite échelle sont développées et financées par les bailleurs de fonds, visant à substituer des énergies

alternatives issues de la valorisation énergétique des déchets – biogaz – au charbon de bois, tandis que des

campagnes de reforestation sont entreprises par le secteur privé, grands groupes industriels et ONG. Mais

sans mobilisation des autorités et de la société civile, l’usage massif de la biomasse constitue un des défis

les plus urgents à traiter au regard des enjeux climatiques pour l’Afrique de l’est.

D’autre part, la faible prise en compte dans les politiques publiques des gains potentiels liés à la gestion de

l’énergie électrique, dans des systèmes économiques qui ont jusqu’alors donné la priorité au renforcement

des capacités de production au détriment de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Si certaines

dispositions s’orientent vers une approche plus économe de la consommation électrique, beaucoup reste à

faire encore dans le domaine normatif et fiscal pour encourager les investissements orientés vers la

réduction de la consommation électrique dans le bâtiment, l’industrie ou les transports.

Au Kenya, certains grands projets tels que la centrale à charbon de 900 MW à Lamu ou à plus long terme

le développement d’une filière nucléaire civile, qui présentent une rationalité économique et une rentabilité

faibles, illustrent cette prépondérance de la course aux capacités sur une approche plus raisonnée des

besoins réels. Une articulation renforcée des enjeux énergétiques avec les problématiques climatiques et

environnementales en Afrique de l’est permettrait dans doute de faire évoluer progressivement cette

orientation vers un modèle plus équilibré.

JUIN 2017

Rédigé par Anne Joncheray, Attachée sectorielle, Energies Renouvelables

Revu par Benoit Gauthier, Chef du Service Economique Régional, et

Joël Hamann, Conseiller Régional Développement Durable

Contact : [email protected]