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Siegfried Giedion, Espace, temps, architecture. Ed. Denoel, 2004. (ouvrage de 1968). Notes de lecture complétées par d’autres ouvrages comme Michel. Ragon, Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes », coll.Points, ed. Seuil, ou L’Architecture du XXe siècle, ed.Taschen, Histoire de l’Art, Epoque Contemporaine ed. Flammarion. Partie IV. L’éclosion de nouvelles possibilités. Comment considérer le XIXe dans l’architecture ? Est-ce la fin d’une époque ? Le début d’une nouvelle tradition ? Recherchons ses principales caractéristiques : - une architecture monumentale assez limitée - la révolution industrielle a bouleversé la vie des hommes, elle a créé une sorte d’instabilité permanente des idées sans qu’un nouvel équilibre soit trouvé sur le plan architectural. Ce sera le cas au XXe siècle. - le XVIIIe a été un siècle d’inventions mais le XIXe ne reflète pas cet esprit novateur. On observe que finalement ce sont les bâtiments ordinaires, fonctionnels (gares, postes, entrepôts, hôpitaux, bibliothèques, usines) qui expriment l’esprit du XIXe plutôt que les bâtiments officiels, simples évocations gothiques ou classiques ( : éclectisme). Question fondamentale : comment les possibilités offertes par les expérimentations du XIXe dans des bâtiments utilitaires seront transférées dans l’architecture de l’habitat, de la vie. 1. L’importance nouvelle du fer. Connu depuis l’Antiquité mais délaissé au profit du bronze plus résistant aux intempéries, le fer était également peu utilisé à la Renaissance, Alberti conseillant d’éviter les matériaux créés « hominum manu e arte ». D’abord utilisé en état de fonte pour les ponts, puis les ponts suspendus, au début du XIXe pour les charpentes à la place du bois afin d’éviter les incendies et enfin en 1811 pour la coupole de la Halle a blé avec le cuivre. Progressivement, grâce aux innovations techniques et la puissance croissante des hauts fourneaux la fonte est remplacée par l’acier à la fois plus résistant et plus souple. A cette époque, le style dominant est le pastiche des styles historiques pour décorer des façades. La questions la plus fréquente que se posait l’architecte avec le comandataire était « gothique ou classique » ? Certains dénonçaient ce « manteau d’arlequin » qui couvrait les façades. Cependant, des tendances nouvelles émergent grâce à l’industrialisation qui a marqué l’architecture du XIXe. L’architecte et l’ingénieur se séparent car les préoccupations du deuxième sont très prosaïques : rapidité, baisse des coûts. C’est l’époque où l’on agrandit les bâtiments industriels pour y introduire les nouvelles machines. Les

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Notes de lecture de l'ouvrage fondamental "Espace, temps Architecture" complétées par le tome 1 de Michel Ragon "Histoire de l'Architecture et de l'Urbanisme modernes" et des monographies d'architectes chez Taschen. De nombreux liens accompagnent les notes.

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Siegfried Giedion, Espace, temps, architecture. Ed. Denoel, 2004. (ouvrage de 1968). Notes de lecture complétées par d’autres ouvrages comme Michel. Ragon, Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes », coll.Points, ed. Seuil, ou L’Architecture du XXe siècle, ed.Taschen, Histoire de l’Art, Epoque Contemporaine ed. Flammarion. Partie IV. L’éclosion de nouvelles possibilités. Comment considérer le XIXe dans l’architecture ? Est-ce la fin d’une époque ? Le début d’une nouvelle tradition ? Recherchons ses principales caractéristiques : - une architecture monumentale assez limitée - la révolution industrielle a bouleversé la vie des hommes, elle a créé une sorte d’instabilité permanente des idées sans qu’un nouvel équilibre soit trouvé sur le plan architectural. Ce sera le cas au XXe siècle. - le XVIIIe a été un siècle d’inventions mais le XIXe ne reflète pas cet esprit novateur. On observe que finalement ce sont les bâtiments ordinaires, fonctionnels (gares, postes, entrepôts, hôpitaux, bibliothèques, usines) qui expriment l’esprit du XIXe plutôt que les bâtiments officiels, simples évocations gothiques ou classiques ( : éclectisme). Question fondamentale : comment les possibilités offertes par les expérimentations du XIXe dans des bâtiments utilitaires seront transférées dans l’architecture de l’habitat, de la vie. 1. L’importance nouvelle du fer. Connu depuis l’Antiquité mais délaissé au profit du bronze plus résistant aux intempéries, le fer était également peu utilisé à la Renaissance, Alberti conseillant d’éviter les matériaux créés « hominum manu e arte ». D’abord utilisé en état de fonte pour les ponts, puis les ponts suspendus, au début du XIXe pour les charpentes à la place du bois afin d’éviter les incendies et enfin en 1811 pour la coupole de la Halle a blé avec le cuivre. Progressivement, grâce aux innovations techniques et la puissance croissante des hauts fourneaux la fonte est remplacée par l’acier à la fois plus résistant et plus souple. A cette époque, le style dominant est le pastiche des styles historiques pour décorer des façades. La questions la plus fréquente que se posait l’architecte avec le comandataire était « gothique ou classique » ? Certains dénonçaient ce « manteau d’arlequin » qui couvrait les façades. Cependant, des tendances nouvelles émergent grâce à l’industrialisation qui a marqué l’architecture du XIXe. L’architecte et l’ingénieur se séparent car les préoccupations du deuxième sont très prosaïques : rapidité, baisse des coûts. C’est l’époque où l’on agrandit les bâtiments industriels pour y introduire les nouvelles machines. Les

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matériaux usuels sont le bois, la brique, la pierre. Des fenêtres hautes laissent passer la lumière pour économiser l’énergie. Dans la 1e moitié du XIXe, la colonne apparente en fonte s’impose comme le 1er élément nouveau en 1850 au Crystal Palace http://fr.wikipedia.org/wiki/Crystal_Palace_%28palais_d%27expositions%29 de Joseph Paxton à l’Exposition de Londres en 1851, http://tecfa.unige.ch/~grob/1851/present.html ou à la Bibliothèque Sainte Geneviève d’Henri Labrouste http://www-bsg.univ-paris1.fr/bsg/architecture.htm à Paris. Mais dès 1818, dans une salle d’apparat du Royal Pavillon of Brighton http://www.bluffton.edu/~sullivanm/england/brighton/pavilion/nash.html John Nash, architecte du roi avait utilisé ce type de colonne en fonte. On voit que ce matériau industriel nouveau n’était pas exclu des constructions monumentales de prestige. Henri Labrouste, commence la construction de la Bibliothèque en 1843. Il utilise la colonne en fonte dans une petite salle de lecture de la réserve. De même, dans le pavillon principal de l’Exposition de Paris de 1867, avec des colonnes en fonte élancées couronnées de chapiteaux. Le fer est donc de plus en plus utilisé car la production industrielle a fait passer le prix en dessous de celui du bois. En plus il constitue une protection contre incendie. Dans les années 1880, aux Etats-Unis, l’Ecole de Chicago utilise pour la première fois une charpente cette fois en acier. Mais le charme des premières colonnes a disparu sous l’effet de la banalisation. 2. Vers la charpente en acier. La filature Philipp and Lee à Manchester est le premier exemple de bâtiment dont la charpente interne a été composée de poutres maîtresses en fonte. Dans la filature Boulton and Watt on voit les premières poutres en double T. Dans les grands magasins apparaissent les vitrines en verre et fonte. Aux USA les murs extérieurs en maçonnerie sont remplacés par des vitrines encadrées par des colonnes en fer soutenant les charges. James Bogardus a construit plusieurs édifices sur ce principe entre 1850 et 1870 comme la célèbre Maison d’édition Harper & Brothers au Franklin Quare de New York (voir cette page sur les premiers gratte-ciel) http://www.officemuseum.com/office_buildings.htm dont le mur extérieur est pratiquement entièrement en verre . Cependant, Bogardus affirme vouloir imiter les formes de l’Antiquité avec des matériaux modernes. Autre exemple majeur, le quartier River Front de la ville de Saint Louis dans les années 1870-1890, mais qui a été abandonné avec l’essor du chemin de fer. En France, la première construction entièrement exécutée à ossature de fer est le « moulin » de la chocolaterie Menier à Noisiel sur Marne, en Seine et Marne http://pagesperso-orange.fr/pone.lateb/moulin%20saulnier.htm

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par Jules Saulnier construite en 1871-72. Saulnier est l’inventeur du bâtiment à ossature de fer et à remplissage en brique. Remarquez les renforts en diagonale en façade comme s’il s’agissait d’une maison à colombage en bois. La charpente supporte tout le poids, comme le montre la photo d’intérieur, Saulnier a également utilisé quelques carreaux de faïence en treillis pour le décors de la façade. Or on affirme à tort que c’est l’Ecole de Chicago qui a initié cette technique pour les premiers gratte-ciel, en particulier Le Home Insurance Building à Chicago, http://fr.wikipedia.org/wiki/Home_Insurance_Building 1884-1885, de l’architecte William Le Baron Jenney qui fut admis comme étant le premier gratte-ciel. La structure de 10 étages et 42m de hauteur fut construite en 1884-1885 et détruite en 1931. Principalement constitué d’un squelette en acier et de briques ce qui lui permettait, en plus de son exceptionnelle hauteur d’avoir une très grande proportion de surface vitrée pour laisser passer la lumière naturelle, indispensable à l’activité de bureau. En réalité, il s’agit du premier bâtiment non industriel à utiliser l’ossature métallique. Ainsi, cette invention a mis à 80 ans, depuis la filature de Watt, à s’imposer dans l’architecture comme « le chemin de fer vertical », c’est à dire l’ascenseur. 3. Le divorce architecte-ingénieur. Dans un contexte de fossé croissant entre sciences et techniques d’un côté et arts de l’autre au XIXe siècle, il est important de rappeler l’origine du divorce entre architectes et ingénieurs. Napoléon fonde l’Ecole des Beaux Arts qui perpétue l’union des arts plastiques et de l’architecture si naturelle à l’époque du baroque. Or, l’architecture prônée dans cette école était de plus en plus coupée des réalités. Il incombait à l’Ecole Polytechnique, fondée en 1794, de combiner sciences théoriques et techniques appliquées à l’industrie, aux transports, à l’énergie etc. L’Ecole des Beaux Arts est un monde aseptisé, attaché au formalisme alors que la Polytechnique est beaucoup plus proches des besoins réels de l’économie, de la vie. Alors que l’ingénieur, ce personnage clé du XIXe est traité avec mépris pour son ignorance des styles, certaines voix s’élèvent pour en faire l’éloge, et d’abord celle d’Henry Van de Velde (Belgique 1863, Suisse 1957) « l’ingénieur crée de la beauté comme jadis l’architecte du Moyen Age, sans le savoir ». 4. Henri Labrouste, architecte-constructeur 1801-1875. Voir biographie et liens : http://www-bsg.univ-paris1.fr/bsg/hlabrouste.htm http://fr.structurae.de/persons/data/index.cfm?ID=d001190 http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Labrouste Voir aussi du côté de la base Mérimée sur le patrimoine architectural français : accès par liste alphabétique : http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/LISTES/merimee/AA_autr-00.htm Sur la Bibliothèque Sainte Geneviève, son chef d’œuvre : http://www-bsg.univ-paris1.fr/bsg/architecture.htm

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Lors de son voyage à Rome (récompense des premiers prix à l’Ecole des Beaux Arts) il y cherche non pas des modèles esthétiques mais « l’organisme de chaque construction ». A son retour, il rompt avec l’Académie, ouvre sa propre école d’architecture et y enseigne selon le principe « la forme répond toujours à la fonction » (c’est le retour aux principes de l’architecture gothique par delà la Renaissance). Son école est combattue par les beaux Arts comme « rationaliste », cependant, on lui confie la réalisation de la Bibliothèque Sainte Geneviève qu’il construira entre 1844 et 1851 selon trois principes : - un bâtiment indépendant (c’est la 1e bibliothèque conçue comme un édifice autonome) - une armature entièrement métallique pour la première fois dans un bâtiment public - maçonnerie « coquille » pour masquer la structure métallique. Cette dernière apparaît cependant clairement à l’intérieur avec les voûtes en berceau remplies de plâtre. Elle apparaît aussi à l’extérieur. Dans une façade de type néoclassique il applique le principe de clarification de l’architecure gothique. Il poursuivra avec un autre grand projet qui restera inachevé, la Bibliothèque Nationale (1854-1875), inspirée de la salle de lecture du British Museum (circulaire) http://commons.wikimedia.org/wiki/Category:British_Museum_Reading_Room à coupole métallique de 30m de diamètre, la 1e du genre. La salle de lecture de la Bibliothèque nationale est rectangulaire, elle est dotée de 16 colonnes en fonte de 10m de hauteur. Les colonnes sont reliées par des poutrelles en ½ cercle comme le portique de l’Hôpital des Innocents de Brunelleschi à Florence. Son chef d’œuvre, le magasin central (900 000 tomes) sur quatre niveaux avec un toit en verre, des caillebotis en fonte et à claire-voie qui laisse passer la lumière et qui crée un jeu d’ombres et de lumière à la manière de Frank Loyd Wright. Le fer domine ici. L’accessibilité crée un espace purement fonctionnel mais aussi d’une grande liberté décorative. Labrouste est un architecte majeur du passage à la modernité mais il est mal connu car plusieurs plans de ses projets ont disparu. Le « grand magasin » de la Biblio Nationale est un nouveau concept qui crée un espace de type « entrepôt » et vise à mettre ainsi en contact un maximum de livres (produits) avec un maximum de lecteurs (« consommateurs ») sous une lumière abondante. Le même concept sera utilisé dans le premier grand magasin parisien : « Au bon marché » (1869-1877). Comme architecte, le fondateur Aristide Boucicaut a choisi L.A. Boileau et comme ingénieur Gustave Eiffel, deux pionniers de l'utilisation fonctionnelle du fer et du verre en architecture urbaine. Le fer pour rendre possible l'installation de larges baies vitrées. Le verre pour permettre à la lumière naturelle d'entrer à flots. Le bâtiment a été achevé en 1887. Le travail sur la lumière de Labrouste a servi ici d’exemple et préfigure celui de Le Corbusier et des architectes du XXe siècle. Surfaces vitrées au plafond, interpénétration intérieur-extérieur. http://www.ub.es/geocrit/sn/fsn-211/fsn-211_020.png http://toto.lib.unca.edu/findingaids/books/booklets/bon_marche/jpeg/bonm0009_mod.jpg http://80.65.232.176/Photos/00/00/04/74/ME0000047449_3.JPG

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5. Le rôle des grandes expositions. Elles rappellent les foires du MA. A partir du milieu du XIXe elle sont internationales. Avec le développement du libre-échange elles mettent en compétition les États. C’est lors de la 1e d’entre elles que Crystal Palace de Londres, une bâtiments les plus modernes de son époque, a été construit entièrement en fer et en verre. (détruit par un incendie en 1932). La Galerie des machines, symbole de l’ère victorienne, avait déjà disparu en 1912. Ce bâtiment a ait une impression féerique avec sa surface de 74000 m2 = x4 la surface de Saint Pierre de Rome. C’est le premier édifice de dimensions gigantesques en bois (la charpente), fer et verre. Il a été construit en 6 mois. Joseph Paxton a su marier la grandeur et la délicatesse, « c’est un fragment de songe d’une nuit d’été » disait un visiteur. Partie IV. Il faut une morale en architecture. 1. Les années 1890 -1910 : les précurseurs européens de la modernité. Alors que les métropoles connaissent une frénésie de construction, l’éclectisme continue à dominer en Europe. Hendrik Petrus Berlage http://lartnouveau.com/artistes/autres_pays/BERLAGE.HTM (1856-1934) fustige l’architecture de son temps où « le mensonge est la règle et la vérité l’exception. C’est une architecture de parade, d’imitation, de mensonge ». Il construit la Bourse d’Amsterdam, en 1898, chef d’oeuvre de style rationaliste (courant qui s’inspire de Viollet-le-Duc) du grand architecte hollandais, qui diffuse en Europe les principes de Frank Loyd Wright (brique au naturel, espace rationnellement compartimenté, sobriété). Quelques photos de la Bourse : Intérieur de la bourse aux marchandises :

• http://www.vitruvio.ch/arcgallery/vitruvio/olanda/buildingexchange_02.jpg http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Beurs_van_Berlage_Grote_Zaal.jpg http://www.bma.amsterdam.nl/adam/pics/msp/beurs2.jpg Extérieur : http://www.vitruvio.ch/arcgallery/vitruvio/olanda/buildingexchange_01.jpg http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/ab/BeursVanBerlage.jpg/800px-BeursVanBerlage.jpg La Bourse est d’une esthétique néo-flamande, mais qui suit une démarche d’œuvre d’art total en y intégrant des éléments de décoration (voir détails de la charpente).Fasciné par le style roman, mais pas dans un sens historiciste, il construisait dans les années 1880-90, comme Sullivan à Chicago, des immeubles de bureaux de style mixte (roman-renaissance avec arcades. La Bourse aura une grande influence sur l’Ecole d’Amsterdam (Piet Kramer…) influencée également par l’expressionnisme

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allemand, ou sur les fonctionnalistes du « Stijl » à partir de 1917. Cependant, sur le plan technique, la Bourse n’apporte rien de nouveau par rapport à la Bibliothèque Sainte Geneviève de Labrouste (structure métallique enfermée dans une maçonnerie porteuse). Ecole bruxelloise : http://www.irismonument.be/main/home.aspx?ContentID=gc100&cp=9999 (site lent mais très bien documenté : descriptions intéressantes des œuvres ) Henry Van de Velde (1863-1957) http://lartnouveau.com/artistes/autres_pays/van_de_velde.htm dénonce également le mensonge de l’architecture et défend « L’Art moderne ». Il conçoit sa maison de l’avenue Van der Raye à Uccle, faubourg de Bruxelles (1894-1896), comme une œuvre totale avec tous les objets dessinés par lui. La façade est sobre, les fenêtres sont adaptées à la fonction de la pièce. Ses meubles ont un grand succès en Allemagne mais pas en France. Un des principaux représentants du « Modern Style », qualifié en France péjorativement d’ « art belge ». Avec Siegfried Giedion et contre Pierre Francastel, on s’accorde à dire qu’il est au début du XXe le leader incontesté de l’architecture moderne en Europe : architecte, créateur de meubles, théoricien, il découvre par hasard les œuvres de William Morris (socialiste anglais), en particulier The red house http://friends-red-house.co.uk/visiting_in_2002.htm construite à Upton dans le Kent en 1859, véritable manifeste prenant à contre-pied les façades en stuc et les toits d’ardoises les écrits de John Ruskin (chef de file du mouvement « Gothic revival ») et s’en inspire pour réaliser l’union de l’art et de l’industrie. Mais les idées socialistes visent aussi à mettre le beau à la portée de tous (décoration, mobilier) et au quotidien grâce à l’industrialisation. Voir une visite guidée en anglais de Red House : http://www.antiques.tv/movie.php?id=999&movieid=28&series=5 Une webographie sur William Morris. Quelques exemples de mobilier sur le site Insecula : http://www.insecula.com/salle/EP0677.html (Mackintosh, Guimard, Gallé, Wright…) Un site spécialisé dans le mouvement Arts and Crafts : architecture et décoration intérieure, peinture, accessoires…Une belle collection de photos classées. http://www.achome.co.uk/index.php Autre site sur les pionniers des « Arts and Crafts » : http://www.burrows.com/found.html Décrié à Paris et à Bruxelles, Van de Velde est invité par le mécène grand duc de Saxe-Weimar dans sa cour pour « relever le niveau esthétique de toute la production artisanale et industrielle du pays ». Il crée dans cette ville l’Ecole des arts décoratifs en 1908, prémice de ce qui sera dans ce même lieu le Bauhaus. http://www.artandarchitecture.org.uk/search/results.html?qs=Henry+Van+de+Velde Autre lien : http://hanser.ceat.okstate.edu/6083/van%20de%20velde/henri_van_de_velde.htm

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Pourquoi la Belgique est-elle présente dans les avant-gardes architecturales au tournant du XIXe siècle ? http://www.la-belle-epoque.de/belgium/bxindxf.htm (penser à également à Paul Hankar http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Hankar et Victor Horta). http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Horta Elle connaît une industrialisation très rapide à partir de 1880. De plus, la ville de Bruxelles est le refuge de beaucoup d’artistes rejetés ailleurs : Cézanne, Van Gogh, Seurat, Rodin, Meunier ou Debussy. Au même moment un mouvement d’innovation part de l’Angleterre les « Arts and Crafts » (Arts et métiers, Arts décoratifs) http://www.arts-crafts.com/ pour les sortir du statut inférieur sous l’influence de William Morris http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Morris et John Ruskin. Charles Rennie Mackintosh, Arthur Mackmurdo http://www.all-art.org/history424.html Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Rennie_Mackintosh http://www.designmuseum.org/design/charles-rennie-mackintosh C’est dans ce contexte que Victor Horta révolutionne l’architecture européenne en 1893 avec la Maison Tassel du 12 rue de Turin à Bruxelles. « Première maison audacieuse en Europe » selon Giedion. Horta pose en effet de nouveaux principes esthétiques et d’habitat centrés sur les besoins de l’homme. C’est une maison de dimensions modestes (7m de largeur) mais dont le plan est absolument original à cause des différences de niveau très éloignées de l’habitude d’embrasser du regard la totalité du rez-de chaussée. Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Horta http://www.artandarchitecture.org.uk/search/results.html?qs=Horta http://www.greatbuildings.com/architects/Victor_Horta.html http://hanser.ceat.okstate.edu/6083/victor_horta_tassel.htm http://www.sden.org/jdr/rep-univ/rub/lien/horta/artnouv.htm La 2e originalité réside au jeu de lumière grâce à des sources d’éclairage inhabituelles. En fait cette maison s’adapte parfaitement à son propriétaire Mr. Tassel, elle ne contient aucune référence stylistique historicisante. Les structures sont visibles : colonnes, poutres, formes et ornements des ces structures attirent le regard (p. ex une poutrelle en double T traverse l’espace du salon sans être dissimulée). A l’entrée, on perçoit à côté de l’escalier une colonne en fer qui monte, à partir de l’étage surélevé. Sur les

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colonnes des vrilles incurvées jaillissent d’un chapiteau en forme de vase. C’est la naissance de l’Art Nouveau. Quels sont ses principes ? - construction et structure apparente en fonte - motifs aux formes nouvelles qui ne sont pas inspirées de la Renaissance - modelages plastiques extraordinaires de la pierre et du fer - Le relief de la façade est également original avec son « baw window » arrondi sur fond de mur lisse. - L’aspect révolutionnaire consiste à utiliser des éléments provenant de l’architecture industrielle ou utilitaire comme la fonte en façade. - Mais le plus important c’est qu’il s’agit d’un des premiers essais du concept de « plan libre », ou flexible utilisant des cloisons indépendantes pour une répartition différente des pièces à chaque étage. Particularité de la maison Tassel selon Giedion : « Dans les maisons typiquement bruxelloises, m’a expliqué Horta, on embrasse du regard, dès l’entrée, toute la surface du rez-de-chaussée. Horta évite cela en recourant à des différences de niveaux. Le salon est situé un demi-étage plus haut que le hall d’entrée. La différence de niveaux n’est qu’un des procédés auxquels Horta eut recours pour conférer une nouvelle flexibilité au plan. Il creusa le corps massif de la maison en créant, par des prises de lumière, des sources d’éclairage inhabituelles pour un cadre aussi étroit. » De plus, Horta a laissé « apparaître des éléments de la construction dans l’intimité de [la] maison. Dans l’escalier de la maison de Horta, les poutres et les colonnes sont des éléments visibles de la structure intérieure qui attirent le regard par leurs ornements et par leurs formes. Le salon est à cet égard encore plus remarquable : une poutrelle en double T traverse l’espace libre sans qu’on ait fait le moindre effort pour la dissimuler. » « La maison Tassel est aussi originale par le relief de sa façade que par son intérieur. Le bow-window – typique de toute maison bruxelloise – est conservé, mais Horta le transforma en une surface courbe vitrée. Celle-ci s’intègre harmonieusement au mur extérieur lisse. Compte tenu de la date de sa construction, la façade est très conservatrice, malgré son relief nouveau ; c’est un mur massif en pierre. Des poutres de fer horizontales y sont insérées au niveau des fenêtres. Au deuxième étage, les fenêtres vont jusqu’au plancher. Elles obéissent au principe des vitrines répandu pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. » Horta récidive en 1897 avec la Maison du peuple (détruite en 1965, symbole de la « bruxellisation » c’est à dire de la destruction du vieux Bruxelles) : construction audacieuse où Horta se comporte en véritable chercheur - inventeur tant au niveau de la façade qu’au niveau de l’intérieur (en particulier la salle de réunion au 1er étage et le restaurant au rez-de-chaussée). En 1898-1902 avec sa propre maison l’actuel Musée Horta. Selon Horta, trois choix s’offraient à l’architecte au tournant du XIXe siècle Classique, Gothique, Renaissance. Mais lui voyait l’architecte comme un créateur aussi audacieux que les peintres d’avant-garde. Il ne sera pas suivi par les jeunes architectes mais sera anobli par le roi des Belges. Seul Paul Hankar aux Pays-Bas suivra Horta alors que la Hollande reste à l’écart des ruptures (dans la peinture l’avant-garde est en France, dans l’architecture elle est en Belgique et en Angleterre). La Maison du peuple est d’une audace beaucoup plus poussée que la Bourse d’Amsterdam de Berlage (voir plus haut) : le verre et le fer sont beaucoup plus présents. Et pourtant, c’est la Bourse qui exerça une influence beaucoup plus forte sur l’architecture moderne. Pourquoi ? Car Berlage a refusé le « mur rapiécé » (sculpté,

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décoré par des moulures) au profit du mur lisse, arasé où même les chapiteaux qui ornent la façade sont intégrés. Le bâtiment a été qualifié de « barbare ». Berlage disait « il faut rendre aux bâtiments de notre époque quelque chose de la qualité qui distingue les monuments anciens des constructions actuelles : la tranquillité ». La Bourse sera le modèle pour des générations d’architectes. Aux Etats-Unis, Henry Hobson Richardson a eu une grande influence sur l’architecture américaine du XIXe siècle (années 1860-1886), il était lui aussi, comme le montrent ses œuvres, passionné par l’art roman comme moyen de créer des surfaces planes. Mais ses successeurs immédiats sont revenus aussi aux styles. Œuvres : http://www.bluffton.edu/%7Esullivanm/index/richardson/richardsonindex.html Sever Hall, Harvard University, Boston. http://www.greatbuildings.com/buildings/Sever_Hall.html http://cache.boston.com/bonzai-fba/Globe_Photo/2004/11/29/1101743313_6893.jpg Berlage est également un des architectes qui introduisent en Europe, l’œuvre de Frank Loyd Wright. Otto Wagner (1841-1918) à Vienne. Liens : http://aeiou.iicm.tugraz.at/aeiou.film.alphab.w/w_0002 http://www.la-belle-epoque.de/wien/wagner1f.htm http://www.greatbuildings.com/architects/Otto_Wagner.html Le paradoxe d’Otto Wagner est qu’au moment où il est nommé professeur à l’Académie de Vienne (1894), il abandonne les modèles florentins de la Haute Renaissance (villa Wagner I) et provoque une révolution avec son petit ouvrage « Architecture Moderne » largement traduit et diffusé où il affirme : « Le point de départ de la création artistique ne se trouve que dans la vie moderne » (…) "Les matériaux modernes doivent s’adapter aux matériaux nouveaux et aux exigences de l’époque moderne ; si elles veulent satisfaire l’homme contemporain, elles doivent se montrer le reflet de notre époque, un être autonome, meilleur, démocratique, conscient de lui-même, réfléchi et critique." "L’aspect le plus moderne de la modernité en architecture, ce sont les grandes villes d’aujourd’hui." "La nécessité est la seule maîtresse de l’art." Plus loin il enfonce le clou : « L’État n’encourage bien sûr pas ce renouveau de l’architecture. Le public est ignorant mais pour reprendre Goethe « l’artiste doit créer ce que profane doit aimer et non pas ce qu’il aime ». Mais le livre déçoit les milieux officiels. Entre 1894 et 1901, Wagner construit plusieurs stations du Stadtbahn, le métro de Vienne. Les premières sont néo-classiques, les dernières Art Nouveau. C’est le véritable

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pionnier de l’Art Nouveau dans cette ville car la génération des architectes de la Sécession : Hoffmann, Loos, Olbrich, Behrens en Allemagne sont trop jeunes. La station Karlsplatz est l’exemple même de son évolution vers le modernisme. Il s’inspire de l’architecture en fer française (Eiffel) et provoque des pamphlets haineux « Wagner est un adepte du matérialisme brutal de l’architecture gauloise ». Il innove car son idée est d’utiliser des matériaux « bruts » comme les simples plaques de marbre qui décorent la station de la Karlsplatz, le mur est un simple écran. Dans la Caisse d’Epargne Wagner opte pour une façade dépouillée et surtout, il crée une cour intérieure qu’il couvre d’un toit en verre et en fer pour apporter la lumière du jour. Le hall est très dépouillé ce qui masque l’intervention de l’architecte très forte pourtant : courbes, couleurs, traitement de l’espace. http://www.galinsky.com/buildings/wiensparkasse/index.html Détail : http://www.e-architect.co.uk/vienna/jpgs/vienna_postsparkasse_aw.jpg Intérieur : http://perso.crans.org/~poncelet/images/poste_mini.jpg Wagner devient le maître à penser de la nouvelle génération qui s’affirme au tournant du XIXe, en particulier Joseph Maria Olbrich et Josef Hoffmann figures de proue des WienerWerkstätte (voir aussi l’excellente présentation de l’exposition de Bruxelles sur le site de la Tribune de l’Art Voir aussi : http://de.wikipedia.org/wiki/Josef_Hoffmann http://fr.wikipedia.org/wiki/Josef_Hoffmann Allemagne. En Allemagne, l’expansion industrielle a été extrêmement rapide à partir de 1871 (Unité création du Reich). La richesse du pays s'accroît brusquement et à partir de 1900 le rattrapage artistique et esthétique est spectaculaire. Morris, Ruskin et surtout Henry Van de Velde (expose en 1897 son mobilier) connaissent un grand succès. L’Allemagne demeurera jusqu’à l’avènement du nazisme en 1933 le pays le plus ouvert vers l’extérieur sur le plan artistique. Un seul exemple suffit : l’éditeur Wasmuth diffuse les œuvres de F.L. Wright à partir de 1910. Des dizaines d’expositions mettent en valeur les peintres et décorateurs d’avant-garde. Des architectes européens sont invités à construire en Allemagne. Au début du XXe siècle, Peter Behrens (1868-1940) incarne l’architecture allemande moderne. Il devient célèbre car il considère la construction industrielle comme une question architectonique à part entière. Ses usines sont conçues comme des espaces de dignité auxquels ils donne un caractère classique. Son usine à turbines de navires AEG http://www.arthistory.upenn.edu/spr01/282/w4c2i08.htm construite à Berlin en 1908-1909 est une de ses œuvres majeures. Peter Behrens était alors le plus grand architecte allemand. Van der Rohe, Gropius et Le Corbusier sont passés par son atelier. C’est à 1907 que le président directeur d’AEG a nommé Behrens conseiller artistique : l’architecte donne une forme artistique à tout ce qui sort de l’usine et à l’usine elle même. Behrens construire plusieurs usines mais celle de Berlin est le

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véritable « temple de l’industrie ». La structure est en acier et ciment armé les façades revêtues de briques. Son originalité est le contraste entre les vastes surfaces vitrées et les puissants massifs d’angle. Behrens dessine la totalité des objets de la marque : du bâtiments jusqu’aux ampoules. Il est de fait le premier designer. Parallèlement se met en place dès 1907 le Deutscher Werkbund (Union allemande pour l’œuvre associant ensuite plusieurs « Werkstätte »), fondé à Munich et dont le « but est de donner ses titres de noblesse au travail industriel en créant une synthèse entre l’art, l’industrie et l’artisanat ». Wagner, Hoffmann, Olbrich, Van de Velde ou Rimerschmidt en faisaient partie. Les objets conçus et fabriqués sous ce label n’étaient pas forcément du Jugendstil. Mais la démarche a pu faire dialoguer Art, technologie et industrie posant les bases de ce qu’on appellera le design dans les Arts décoratifs et du label « qualité allemande ». Car objectif de l’association est de faire travailler ensemble plusieurs artistes « agréés » et industriels pour produire « le meilleur de l’art, de industrie, de l’artisanat et du commerce ». En 1908, le Deutsche Werkbund compte déjà 500 créateurs (dont les plus grand sont cités ci-dessus) et industriels (AEG, Krupp, Daimler) , ils seront plus de 2000 à la veille de la guerre qui va cependant décimer ces équipes. Darmstadt Dans le renouveau artistique allemand une place particulière doit être accordée à la ville de Darmstadt http://www.la-belle-epoque.de/hessen/daindexf.htm où le grand-duc Ernst Ludwig de Hesse (petit-fils de la reine Victoria, il avait passé du temps en Angleterre où il a beaucoup apprécié les écrits de Morris et Ruskin et l’essor des Arts and Crafts) il fonde en 1899 une colonie d’artistes et de décorateurs. Son objectif est de créer une industrie du design à Darmstadt. Mais ce type d’approche est resté sans avenir. http://www.pixagogo.com/3237305124 http://de.wikipedia.org/wiki/Darmst%C3%A4dter_K%C3%BCnstlerkolonie http://pagesperso-orange.fr/artnouveau/en/villes/darmstadt.htm Le style suivi ici est largement inspiré de l’Art Nouveau et du Jugenstil allemand. En 1899 il fait donc venir l’autrichien Joseph Maria Olbrich, Peter Behrens et d’autres créateurs à qui il demande de construire des maisons et un pavillon d’exposition de mobilier et d’arts décoratifs sur la colline de Mathildenhöhe. Les sept artistes invités ont reçu une bourse de 7 ans. En 1902 , le duc de Saxe-Weimar invite lui Henry Van de Velde à ouvrir une Ecole des arts. Une des maisons les plus caractéristiques de la colonie est l’atelier « Ernst Ludwig Haus » qui couronne comme une acropole le village. Son nom vient du fait qu’elle est la résidence des artistes. C’est un quadrilatère qui s’ouvre au centre par un porche monumental en arc outrepassé. Voiir les belles photos ici : http://www.la-belle-epoque.de/hessen/daindexf.htm La façade est blanche et l’on observe qu’elle percée de fenêtres en bandeau dépourvues de mouluration dans sa partie inférieure. Au-dessus s’étend un grand mur blanc, aveugle et lisse, derrière lequel se déploie l’atelier ouvert par de larges verrières sur le côté Nord à l’arrière. Le toit déborde largement comme un avant-corps qui

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valorise le porche où se concentre le décor : degrés à céramique à damier orange et bleu, colossales figures d’un homme et d’une femmes sculptées par Habich, membre de la colonie. L’intérieur du porche est décoré de céramiques dorées, c’est un jardin d’arbustes déjà présents au Pavillon de la Sécession à Vienne. Les maisons d’artistes étaient construites autour de l’atelier. http://hanser.ceat.okstate.edu/6083/6083.htm (photos) La maison de Behrens est une « œuvre d’art total », un des chefs d’œuvre de l’art nouveau : brique et plâtre à l’extérieur. Mais les excès d’ornementation intérieure sont à peine suggérées par les lignes curvilignes du toit et la décoration stylisée de la porte. Les critiques ont parfois été virulentes et les artistes les anticipent :

« Vite sortons la maison est prise dans le tumulte de la tempête ! ». Caricature d’autodérision de la colonie pour l’expo de 1901. La salle à manger ci dessous on voit le dialogue des formes dans le mobilier, les moulures du plafond, les baies vitrées ou le support des lampes.

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Behrens Lampe bronze verre coloré 70cm coll part 1902, Behrens Maison Mathildenhohe Darmstadt Salon1901 La lampe ci-dessus a été conçue pour le duc lui même. En réalité, ce projet-mécénat pour faire de Darmstadt un centre de production et de consommation d’objets de décoration modernes n’a pas eu de lendemain. La colonie d’artistes s’est dissoute, seul Olbrich est resté en acceptant une commande du grand-duc pour édifier des maisons qui « constitueraient des exemples de résidences particulières pour des citoyens disposant de pu de moyens ». Les maisons ont bien été construites : maison Grise, maison bleue…

Olbrich maison Grise Mathildenhöhe Darmstadt carte Postale 1904. Mais ces maisons étaient inaccessibles aux classes moyennes modestes. Cependant, les objets du Werkbund ont pu être diffusés grâce à la production de masse. Traductions « google » des pages en allemand possibles (outils linguistiques ) mais les textes en français sont à réécrire. http://www.arthistory.upenn.edu/spr01/282/w3c3i17.htm http://www.uni-kassel.de/fb12/afks/Deutsch/register/P_darmst.htm Chercher Olbrich (Sécession) sur la page de liens : http://www.greatbuildings.com/architects/J._M._Olbrich.html http://de.wikipedia.org/wiki/Darmst%C3%A4dter_K%C3%BCnstlerkolonie http://www.wksu.org/news/images/18548/Litho_Behrens_218.jpg Pour Munich aller sur le site « Belle Epoque : http://www.la-belle-epoque.de/bayern/muenchen/mindexf.htm La Sécession et les Wiener Werkstätte en Autriche, Le Werkbund et le Jugendstil en Allemagne doivent beaucoup au mouvement Arts and Crafts de William Morris et à son successeur Charles Rennie Mackintosh à Glasgow. Tous ces mouvements d’avant-garde mettent en avant l’importance des Arts Décoratifs et de l’ornementation autour du concept d’œuvre d’art total. Ceci provoque les critiques vigoureuses d’Adolf Loos (voir fichiers qui lui sont consacrés sur le site HIDA.

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2. L’influence du béton armé. Maison Hennebique 22, av. Victor-Hugo, Bourg-la-Reine François Hennebique, 1901 Exubérant palais familial, la maison Hennebique, avec sa tour d'eau dominant le parc du lycée Lakanal, recelait les clés d'un habitat idéal. Que serait-elle sans la personnalité de son concepteur, l'entrepreneur belge François Hennebique ? A la fin du XIXe siècle, comme l'automobile, le béton armé (star de l'Exposition universelle de 1900) a ses pionniers. Hennebique dépose son brevet en 1882. (...) S'il n'est pas, comme on le dit parfois, l'unique inventeur du béton armé, c'est un " homme de marketing " avant l'heure. Il construit l'immeuble du 1, rue Danton à Paris qui sera le siège de la firme de 1900 à 1967. Il y organise des démonstrations techniques auxquelles il convie les personnalités du monde du bâtiment. Il décide ensuite de s'affranchir des règlements et des contraintes de hauteur urbaine. C'est donc en banlieue qu'il bâtit pour y vivre avec ses enfants, qui sont également ses principaux collaborateurs, une maison faite pour abriter trois ou quatre ménages. " Travailler en ville, se reposer à la campagne ", tel est son rêve en 1901 lorsqu'il commence les travaux de sa demeure de Bourg-la-Reine. " La vie matérielle y sera commune ; le rez-de-chaussée aura de grands salons pour toute la famille, mais l'étage comprendra plusieurs appartements complets où chaque ménage jouira de l'intimité de son foyer. " Dépourvue de joint de dilatation, la villa illustre la souplesse du béton armé par une fascinante variété d'éléments architectoniques : décrochements d'ailes, différences de niveaux, porte-à-faux, saillies et encorbellements... Tout se justifie par une devise " fleurs, lumière et aération " et par le devoir de résoudre tous les problèmes de climatisation. La verrière du grand salon, visible de l'avenue du lycée Lakanal, constitue un des éléments forts de la construction. Le côté jardin, avec ses terrasses et ses tourelles, multiplie les surprises. Sur le toit, la serre s'ouvre sur un potager. Classée en 1972 à l'Inventaire des monuments historiques. Matériaux de construction tour béton armé structure du bâtiment béton armé Dimensions hauteur de la tour 40 m Maison familiale construite entre 1901 et 1903 par François Hennebique pour servir de manifeste des possibilités du béton armé produit par son entreprise: - grande liberté de formes donnant un aspect exubérant,

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- prouesses techniques délibérées (asymétrie, décrochements, saillies, hauteur exceptionnelle de la tour avec château d'eau, large terrasse en encorbellement), - système de terrasses avec jardins, - la tour de 40m de hauteur contient un réservoir d'eau destiné à l'arrosage par simple gravitation, des serres et des jardins suspendus de la villa. Cette villa met en évidence l'affirmation de François Hennebique: «on peut tout demander au béton armé, et il peut tout reproduire» Auguste Perret (1874-1955) et le béton armé. http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/celebrations2004/perret.htm Le béton est connu depuis l’Antiquité. Perret construit l’immeuble du 25 Rue Franklin en 1903. C’est le premier en béton armé (une grille en fer est « coulée » dans le béton ). Aucun support décoratif en façade, encorbellement, piliers nus et carrés, montants apparents visibles au 6e étage, grande légèreté qui rappelle les constructions en fer, rez-de-chaussée surmonté d’une mince dalle, surfaces vitrées…Mais la grande modernité de Perret parmi les jeunes architectes français est la liberté du plan flexible. Dans chaque étage la disposition des pièces est souple grâce aux cloisons qu’on distribue parmi les piliers de béton comme l’avait fait Horta à Bruxelles et comme le fera Le Corbusier après la guerre.

immeuble de la Rue Franklin

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Autres œuvres majeures de Perret Le garage de la rue Ponthieu et le Théâtre des Champs Elysées premières tentatives d’utiliser le béton de manière esthétique. Théâtre des Champs-Elysées, 13-15 avenue Montaigne Le Béton armé (métro Alma Marceau) (architectes Auguste Perret, Henry Van de Velde, 1913) Construit en 1913, le bâtiment marque une date dans l'histoire de l'architecture au début du siècle. L'architecte choisi au départ était Henry Van der Velde. Il fait appel à l'entreprise Perret pour l'ossature en béton, et il est finalement évincé du projet. Auguste Perret transige ici un peu avec ses principes. Il affirmait habituellement que le "béton se suffit à lui même", mais il a plaqué ici du marbre blanc en façade. Il estimait que "la charpente est le plus bel ornement de l'architecture", mais ici on voit seulement le portique de la façade, qui annonce les 4 groupes de poteaux qui supportent la charpente, abritant trois salles de spectacle. En revanche l'intérieur illustre que, d'après lui, "rien de doit masquer les structures" : les poutres ont été laissées visibles, ce qui a provoqué un scandale lors de l'ouverture. Les bas-reliefs extérieurs sont de Antoine Bourdelle, qui participa à l'élaboration du projet. Il s'agit d'Apollon et des Muses accourant vers lui : la Musique, la Danse, la Comédie, la Tragédie, la Sculpture et l'Architecture. Les peintures intérieures ont été exécutées par les nabis Maurice Denis (coupole de la grande salle), Vuillard (foyer de la salle de la "Comédie") et Roussel (rideau). Le théâtre accueillit en 1913 les ballets russes novateurs de Diaghilev et Nijinski. C'est ici qu'ont eu lieu des premières retentissantes comme "le sacre du printemps" de Stravinski. Joséphine Baker présenta sa "revue nègre" en 1925, ce qui donna au jazz une sorte de reconnaissance officielle.

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Tony Garnier utilise aussi le béton armé pour sa Cité industrielle (1901-1904). Il pose les bases de l’architecture et de l’urbanisme du XXe siècle. Ainsi ingénieurs et architectes français utilisent les procédés techniques modernes comme moyen d’expression de la vie moderne. http://www.aria.archi.fr/recherche/realite-virtuelle/Tony.html http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/archixx/pann/p58.htm http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_4=AUTR&VALUE_4=GARNIER%20Tony%20&DOM=Tous&REL_SPECIFIC=1 Partie V. L’évolution américaine. Contexte : 1850-1890. Conquête de l’ouest, esprit nouveau d’entreprise, nouvelles techniques de production appliquées aussi dans l’architecture (standardisation) et qui influencent la vie quotidienne. C’est lors de l’expo de Londres en 1851 que les Européens voient l’outillage et le mobilier américains. Les objets sont caractérisés par leur fonctionnalité pas par leur esthétique. Ils sont d’une grande banalité, ils n’ont pas d’ornements mais ils sont commodes et faciles à adapter aux besoins.P. ex les éléments qui composaient une chaise n’étaient pas sculptés, ils étaient faciles à monter et à reproduire en série. Cependant à l’Expo colombienne de Chicago 1893, les prix étaient attribués à des meubles historicisants. Le décalage est grand entre architectes et décorateurs américains attirés par l’historicisme alors que les jeunes architectes européens sont fascinés par les objets simples et fonctionnels. Mais la mécanisation de la production industrielle se développe rapidement aux Etats-Unis. La « charpente ballon », avec les clous fabriqués en série, a permis la construction rapide de maisons avec peu de main d’œuvre lors de la marche vers le Pacifique au XIXe siècle. A partir de 1850 deux principes sont massivement appliqués : le plan flexible grâce à la charpente métallique qui soutient des cloisons amovibles adaptables (inspirées de la tradition anglaise) et le mur-plan en briques sans ornements. Ces procédés sont utilisées dans l’architecture fonctionnelle professionnelle : bureaux de Chicago, grands magasins. Mais les références historiques ne sont pas abandonnées : Richardson (voir plus haut) et le roman. Le grand principe fondateur de l’architecture domestique américaine mais aussi de la modernité : la maison est construite entièrement à partir de l’intérieur. C’est ce que les architectes européens découvrent en 1893 à Chicago. C’est ce que Loos avait déjà découvert chez Frank Loyd Wright. Une maison adaptées aux besoins mais pas une maison de « style », voilà la devise de l’architecture américaine. « Real houses for real people » c’est le contraire de l’Europe. Es revues spécialisées diffusent des « modèles » adaptés à une personne

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seule, à une couple avec ou sans enfants…L’intérieur est ouvert, lisible, visible depuis l’entrée, des portes coulissantes permettent de communiquer. Partie VI. La conception espace-temps dans l’architecture. Le cubisme et les théories d’Einstein sur la simultanéité révolutionnent la perception de l’espace. A la perspective euclidienne du point de vue unique (Versailles) et de l’instant unique les cubistes opposent la perception simultanée à partir de points de vue différents d’un objet et de l’espace. Ces peintres qui accomplissaient « dans le secret » cette révolution mettant fin à plusieurs siècles de perspective tridimensionnelle transposée sur le plan ressemblent aux architectes qui remettent en cause l’espace prédéfini. L’individu se meut dans un espace « décomposé » par l’architecte comme les cubistes l’ont fait dans leurs œuvres. Parallèlement, vers 1910, les futuristes expriment le mouvement du temps, la vitesse. La physique moderne fait le reste en affirmant qu’il faut appréhender le temps et l’espace ensemble et non pas de façon isolée. C’est dans l’architecture industrielle que cette révolution va s’opérer. C’est Walter Gropius qui rompt avec le classicisme de son maître Peter Behrens dans l’usine d’embauchoirs Fagus en 1911. Dans l’usine AEG à Berlin, le système portant est métallique (hauteur : 25m). Les piliers corniers massifs de la façade du pignon (arcs à trois rotules) ne portent rien malgré leur apparence massive et puissante. Les minces ferrures dans les joints des piliers et autour du tympan en témoignent. Ce sont juste des revêtements en béton. Dans les parois des colonnes latérales visibles et des parois en verre légèrement inclinées. Dans l’usine Fagus à Alfeld sur Leine (au nord de Munich près de la frontière tchèque), le mur n’a plus le caractère monumental comme dans la halle des turbines AEG mais il devient un simple « écran » (car les piliers sont en retrait) vitré transparent protégeant juste de la pluie, du froid du bruit. Aucune monumentalité, aucune fonction portante pour la paroi . La transparence l’emporte sur la solidité, c’est l’acte de naissance de l’architecture contemporaine. Équilibre entre les possibilités du verre, du béton, du fer, éclairage ample, A l’usine monumentale de Behrens, répond l’usine atelier simple et fonctionnelle de Gropius. Mais Gropius est très isolé. Le Werkbund expose un projet d’usine (n’a pas été sauvé) de Gropius en 1914 qui fait sensation mais n’est pas compris. Le Corbusier ira plus loin encore mariant peinture et architecture, tel un nouveau Léonard de Vinci et utilisant le béton armé pour réaliser ses idées comme ses maîtres français Auguste Perret et Tony Garnier.

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Conclusion. L’Art Nouveau et ses embranchements multiples ont marqué la rupture avec l’académisme et l’historicisme. Arts and Crafts, Werkbund et Wienerwerkstätte ont essayé la synthèse entre Arts décoratifs et architecture pour créer une « œuvre d’art totale » mais aussi « la synthèse entre art, industrie et artisanat » comme l’affirment les statuts du Werkbund. Ainsi ces courants ont créé de nouveaux styles. C’est ce que va dénoncer Adolf Loos. Tous ces courants vont disparaître avec la guerre. Vienne et l’empire d’Autriche subissent les conséquences de la défaite, les besoins de reconstruction en France voient l’usage du béton se diffuser. L’architecte ingénieur a définitivement gagné la bataille mais trouve dans l’art abstrait, dans le constructivisme, l’inspiration artistique et le jeu des formes nécessaire pour aménager l’espace.