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A u 221B Baker Street, nous trouvons Holmes tel que le message du Dr Watson nous l’avait décrit : apathique, morne et indifférent au monde qui l’entoure.« Il ne s’est pas encore piqué, mon plan peut l’en empêcher, murmure Watson, montrant les coupures de jour-naux qu’il tient à la main.

« Un funambule tombe et se tue au Cirque Royal italien… On pense à une malveillance… Qu’en pensez-vous, Holmes ?Pas de réponse.« Nouvelle offensive du Cambrioleur Mondain’… Hum, série de vols… six entre le 2 et le 17 juin… Leeds… ‘La tiare de Cléopâtre dérobée’…Comme pour les autres vols, le cambrioleur ne semble pas avoir cherché loin et un seul bijou était concerné… Les victimes étaient absentes au moment du vol. Il y a un récit détaillé, Holmes, si vous vouliez bien vous donner la peine de le lire.Un silence s’ensuit.« Ah, voici une affaire mystérieuse… Un fiacre a chargé un client à son stationnement habituel… le passager poussa un cri quand il se rendit compte qu’ils ne prenaient pas la bonne direction, mais il n’obtint pas de réponse… Mon Dieu… Le cocher était mort, toujours assis droit sur son siège, un couteau planté dans le dos !… Un policier réussit à arrêter le véhicule… Le cocher portait autour du cou une bourse contenant 30 deniers romains.— Les parfaits imbéciles ! s’exclame Holmes. S’ils avaient laissé le cheval poursuivre sa route, il les aurait conduits sur le lieu du crime ! Faites-moi voir ça, Watson !Watson lui tend la coupure de journal et nous adresse un sourire satisfait. Alors que Holmes, son entrain retrouvé, se concentre sur l’article, la sonnette de la porte d’entrée retentit.— Je vous supplie de m’aider, Mr Holmes, implore un grand jeune homme à lunettes, qui se présente comme étant Gerald Locke. — Il y a trois jours, Guy Clarendon fut découvert assassiné à l’hôtel Halliday. Ça ne tient pas debout, mais Miss Frances Nolan fut accusée du meurtre et mise en détention à Old Bailey.— J’allais justement vous en parler, Holmes, dit Watson en agitant une autre coupure de journal.— Je la crois incapable de commettre un meurtre. Même si Guy Clarendon n'était qu'un scélérat.— Pourquoi un scélérat ? demande Watson. Je n’ai entendu dire que du bien du jeune Clarendon. Descendant d’une riche famille, excellent batteur de l’équipe de cricket de Londres Ouest, escrimeur classé, de niveau international…

Troisième affaireL'orpheline emprisonnée

4 juillet 1888

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— C’était un prétentieux ! l'interrompt Locke. Il aimait jouer aux cartes et boire, et il fréquentait quelques voyous de l’East End. Son père l’avait presque déshérité. J’ai essayé de dire à Frances qu’il n’en voulait qu’à son argent, mais sans résultat.— Frances et Loretta Nolan, dit Holmes, reprenant brusquement vie, les héritières de sir Malcolm Nolan, fondateur de la Compagnie de Navigation d’Aberdeen. Sir Malcolm et Lady Nolan furent tués quand un certain Zagreb Yoblinski, anarchiste notoire, jeta une bombe à l’intérieur de leur voiture, croyant à tort qu’il s’agissait du duc d’York. Loretta Nolan, âgée de 4 ou 5 ans à l’époque, se trouvait également dans la voiture. Par miracle, elle ne fut pas blessée. Les journaux ont abondamment commenté les détails de cet assassinat sanglant, ainsi que les dispositions testamentaires concernant cette immense fortune. Mr Locke, vous aspirez à la main de Miss Nolan n’est-ce pas ?— Oui, reconnaît-il.— Pourquoi Miss Nolan a-t-elle été inculpée ?— Eh bien, voyons… hésite Locke. Il semble très mal à l’aise, retire ses lunettes, et les essuie comme pour cacher son désarroi. Enfin, d’une voix basse et résignée, il répond. « On l’a trouvée penchée sur le corps, un pistolet à la main.Holmes hoche la tête, reprend la coupure de journal sur la mort du cocher, et reste sourd aux protestations renouvelées de Locke, quant à l’innocence de Miss Nolan. — Je suis désolé, Mr Locke, dit-il enfin, lui coupant la parole, mais je ne peux pas m’occuper personnellement de votre affaire. Une autre affaire très urgente retient toute mon attention.Il va prendre son chapeau et ajoute : « Vous pouvez être assuré, cependant, que je ne pourrais pas vous laisser entre de meilleures mains. L’instant d’après, il est parti.— Eh bien… voyons, Mr Locke, bredouille le Dr Watson. Vous devez l’excuser… Voilà… Comme Holmes l’a suggéré, nous ferons tout ce qu’il faut pour découvrir la vérité. Ne vous inquiétez pas.— Mais non, je ne m’inquiète pas, bien sûr », dit Locke, l’air assez peu convaincu.

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N ous trouvons la veuve de Kenward Olick en train de faire sa lessive. C’est une femme aux traits durs, qui

paraît plus que son âge. Elle refuse de nous parler. Les voi-sins également. En fait, nous ne découvrons rien sur Olick qui puisse nous aider à démasquer son meurtrier.

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W iggins, déguisé au point d’en être presque mécon-naissable, nous rejoint comme convenu au coin de

Penton Place et de Kennington Park Road.«  Leach est à ce qu’a dit Porky, un receleur. Il m’a regardé bizarrement lorsque j’ai parlé de Clarendon. Il a dit qu’il ne le connaissait pas. »

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C laude Kilgore est un client très doux. Il admet connaître Clarendon, mais ne sait absolument pas qui est Calvin

Leach. C’est du moins ce qu’il dit.

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E n arrivant chez Mr Paige, ce dernier nous ouvre grand la porte.

« Mr Smith, je présume ? Entrez. Comme convenu au télé-phone, j’ai préparé les contrats de location pour le mois de septembre. Septembre est un mois merveilleux dans le Hert-fordshire. Je vois que vous êtes venu avec des amis.— Euuhh… commence à bredouiller Wiggins, cherchant à interrompre le flot étourdissant des paroles de Mr. Paige. En fait…—  Vous hésitez  ? Je comprends, la réputation des gens du nord. Écoutez, comme vous prenez la location tout le mois, je suis prêt à faire un effort. La cliente qui devait me prendre

la maison fin août n’est finalement jamais venue signer la location, et je suis prêt à vous rajouter deux semaines fin août pour le même prix. Cela vous convient-il ?— Mais…—  Vous hésitez encore  ? Laissez-moi vous parler de St Alban, Mr Smith, et vous serez convaincu que c’est l’endroit idéal pour passer vos vacances. L’air y est fort vivifiant, et…—  Je ne suis pas Mr Smith, arrive enfin à placer Wiggins entre deux respirations de son interlocuteur. Nous…—  Ah ! pardonnez ma méprise, messieurs. Comme vous l’avez sûrement compris, la maison est réservée jusqu’à fin septembre, mais l’arrière-saison est tout simplement sublime, et…— Nous ne venons pas pour la location. Nous…— Pas pour la location ? Pas pour la location ! Désolé, mes-sieurs, je n’ai pas le temps de m’occuper de vous. J’attends un client.À ce moment précis, trois coups résonnent à la porte, et Mr Paige se précipite pour ouvrir la porte en nous y poussant.« Mr Smith, je présume ? Entrez. Comme convenu au télé-phone, j’ai préparé les contrats de location pour le mois de septembre.Alors que la porte se referme dans notre dos, nous enten-dons Mr Paige reprendre son laïus« Septembre est un mois merveilleux dans le Hert-fordshire… »

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A u moment où nous entrons dans la pharmacie, une petite cloche retentit, faisant apparaître un homme

en blouse d’une propreté plus que douteuse de derrière le comptoir. Tenant une fiole de l’élixir du Dr Saari dans chaque main, il nous demande ce que nous voulons.«  Nous cherchons des renseignements sur les différents types de narcotiques.—  Nous ne faisons pas encore ce type de produit. Nous avons ouvert il y a très peu de temps, et nous ne sommes pas encore fait connaître de tous les médecins de Londres. Si vous voulez des informations, allez chez Gould & Fils. Depuis le temps qu’ils sont installés, ils pourront sûrement vous renseigner mieux que nous. »

QUARTIER SUD-EST

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QUARTIER SUD-OUEST

2 SO

N os espoirs de nous introduire subrepticement au Club Mondain, et de prendre Langdale Pike à part,

sont déçus. Cependant, la chance est avec nous, car Pike pérore justement sur le sujet qui nous intéresse. Nous res-tons derrière le groupe qui l’entoure, et l’écoutons parler.« Hélas ! mes chers amis, les ‘Jumeaux Terribles’ ne sont plus. Ce pauvre Guy Clarendon, disparu à la fleur de son âge malé-fique. Pauvre Loretta Nolan. Elle doit être désespérée. La perte d’un esprit semblable, capable d’arroser de champagne la nou-velle robe de Paris de Lady Leeds, et cela par simple jeu, doit être une croix plus lourde à porter que la perte d’un amant.— Je croyais qu’ils étaient réellement amants, dit une voix dans l’assistance.—  Mon Dieu, non. Vus de l’extérieur, ils formaient un couple parfait. Lui, grand, bel homme, venant d’une famille argentée. Elle, belle, héritière de plein droit. Ils auraient pu former un couple béni des dieux. En fait, ils formaient un couple béni des enfers. C’étaient les frères Grimm, et non pas Roméo et Juliette.— Dans ce cas, l’affirmation de Frances Nolan, suivant laquelle Clarendon et elle étaient amants, peut-elle être vraie ?— Difficile à croire, n’est-ce pas ? Mais je crois qu’elle sou-tenait qu’ils s’aimaient, pas qu’ils étaient amants. Il y a une grande différence, là est la difficulté.— Guy Clarendon avait presque été renié par son père, un père las d’étouffer les scandales et de payer les dettes de jeu. Loretta Nolan avait réussi à dilapider une fortune considé-rable en trois ans à peine. Comment les Jumeaux Terribles auraient ils pu continuer à mener grand train, quand ils n’avaient plus le sou ?Il éclate soudain de rire. « Vous vous souvenez certainement des 200 fiacres, menant 200 mendiants à la Soirée de Mai de Richmond, l’an passé. Ha, ha ! Les embouteillages et le désordre furent tels qu’aucun

des véritables invités ne put entrer avant minuit ! Exquis ! Mais de telles frasques coûtent cher, alors que Guy et Loretta n’avaient plus un sou vaillant, je le crains. Et voilà que Frances entre en scène. Une douce jeune fille, à ce qu’on dit, mais sans grâce, sans tempérament et, ce qui comblait les desseins de Clarendon et de Loretta, sans grand esprit. Quoi qu’il en fût, son héritage était encore intact, et c’était lui le véritable objet de l’affection de Clarendon. »Comme le sujet de la conversation est maintenant le ‘Cam-brioleur Mondain’, et que celle-ci tourne, avant tout, autour des marottes des victimes, nous partons.

5 SO

À la Bibliothèque de Londres, notre ami Lomax a une réponse toute prête pour notre question.

« L’Institut Mesmer-Braid fut fondé en 1874. C’était un asile d’aliénés. Son nom vient d’un médecin autrichien du 18e siècle, Anton Mesmer, qui, le premier, découvrit une tech-nique grâce à laquelle il pouvait plonger le patient dans une sorte de catalepsie douce. Parce que Mesmer attribua cer-taines qualités mystiques au procédé, qu’il appelait ‘mesmé-risme’, il fut grandement discrédité de son vivant. Au cours des années 1840, le Dr James Braid, un Anglais, s’intéressa aux travaux de Mesmer, améliora le procédé, et le baptisa ‘hypnotisme’. »

8 SO

N ous rencontrons Mycroft dans le Salon des Visiteurs du mystérieux club Diogène.

«  Mr Holmes, nous aidons votre frère dans l’affaire Guy Clarendon.— Le meurtre Clarendon ? Mycroft Holmes semble décon-certé. Après avoir vu l’histoire du cocher retrouvé mort, des pièces de monnaie romaines autour du cou, je me suis dit : ‘Certainement que Sherlock doit être sur une bonne piste.’ Cette affaire sent son Moriarty, et Sherlock ne laisse jamais passer l’occasion de toucher Moriarty lorsqu’il a baissé sa garde. Je n’imagine pas qu’il puisse également avoir du temps à consacrer à l’affaire Clarendon.Wiggins, honteux et rougissant, reconnaît : —  Vous avez raison. Votre frère enquête sur le cocher aux pièces. Nous nous occupons de cette affaire tout seuls. Avez-vous des renseignements qui pourraient nous aider ?

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— Non, je ne peux pas dire ça. Tout ce que je sais, c’est ce que j’ai lu dans le Times, et ils ne donnent pas assez d’infor-mations pour que je puisse formuler une théorie. »Nous lui présentons nos excuses pour l’avoir dérangé.

12 SO

M r H. C. Hardinge est enchanté de nous parler du vol du bracelet d’émeraudes de sa femme.

« Quoique je ne sache trop quel renseignement je puis vous fournir. Nous étions invités à un dîner intime chez Otis Richmond. Nous rentrâmes à minuit passé. Alors que ma femme rangeait ses parures, elle remarqua que le bracelet avait disparu de son coffret à bijoux. Nous souvenant du vol commis quelques nuits auparavant au domicile des Baker, nous appelâmes la police.— Tous les domestiques furent-ils interrogés ?— Ils sont chez nous depuis plusieurs années, et je n’ai pas le moindre doute à leur sujet, mais oui, la police les a inter-rogés en détail. Ils dormaient tous lorsque nous arrivâmes à la maison, et aucun d’entre eux n’entendit quoi que ce fût d’inhabituel.— Rien d’autre ne fut dérobé ?—  Le coffret à bijoux de mon épouse renferme de nom-breuses pièces de valeur, et rien d’autre ne fut pris. Rien ne fut même dérangé dans la pièce.— Cependant, vous êtes sûr qu’il n’est pas simplement égaré.— En fait, ma femme le mit à son poignet lorsqu’elle s’ha-billa, puis changea d’avis. Je l’ai vue le remettre dans le cof-fret. La coiffeuse possède un compartiment spécial sur le côté. Le coffret s’y ajuste presque parfaitement. »Nous remercions Mr Hardinge de nous avoir reçus et nous prenons congé.

13 SO

C omme souvent, l’agitation règne dans les bureaux de Scotland Yard. En voulant éviter l’agent Pearse qui se

précipite dans le couloir, nous sommes littéralement propul-sés dans le bureau de l’inspecteur Herberts.«  Tout à fait, Mr Kilgore, il faut… Un instant… Excu-sez-moi, messieurs, que se passe-t-il  ? Sortez, voyons, vous voyez bien que je suis au téléphone.Confus, nous nous excusons et sortons du bureau. Nous nous dirigeons rapidement jusqu’au bureau de l’inspecteur Lestrade.

—  C’est une enquête inutile, dit l’inspecteur Lestrade harassé.— Regardez ! Frances Nolan prétend qu’elle ne savait pas que Clarendon résidait au Halliday, et cependant elle se rendit directement à sa chambre. Elle fit feu avec un derringer dans la chambre où Clarendon fut retrouvé mort, tué d’une balle de petit calibre. Non, la femme est sans conteste coupable. »

15 SO

N ous quittons le bureau du directeur de l’hôtel Halli-day sans en savoir beaucoup plus que lorsque nous

y sommes entrés. La quarantaine que la police a imposée à la chambre l’a par trop perturbé pour qu’il soit d’un grand secours. Heureusement, le réceptionniste de jour est un type plus flegmatique.« L’homme s’est inscrit sous le nom de Clarence Guy le 29 mai. On lui a donné une chambre sur le devant, au troisième étage. Deux jours plus tard, il a demandé à être transféré à la suite 205. À ma connaissance, il n’a reçu qu’un visiteur pen-dant son séjour ici.—  Il s’agissait d’une femme éblouissante, qui lui rendait visite assez souvent. Très élégante, elle avait un rire parti-culier, ample et profond. Je ne sais absolument pas qui elle était. Je ne l’ai su qu’après, mais il y avait en fait une deuxième personne qui souhaitait rencontrer Mr Clarendon pendant cette période. Un gars extrêmement désagréable. Très bien bâti, avec une grosse moustache tombante et une grande cicatrice à la joue. Il m’a demandé la chambre de Mr Claren-don, et je lui ai évidemment répondu qu’il n’y avait personne d’enregistré à ce nom. Il s’est énervé, puis a attendu au bar de l’hôtel jusqu’à la tombée de la nuit. Mr Clarendon n’est rentré qu’après son départ.— Parlez-nous de la matinée du 2 juillet.— Il était environ 9 heures quand une femme entra. Elle avait l’air assez banale, et je ne l’aurais pas remarquée si elle n’était entrée par la porte de devant en regardant droit devant elle et ne s’était dirigée directement vers l’escalier. Normalement, les non-résidents ne sont pas autorisés à entrer sans s’arrêter d’abord à la réception. Je m’apprêtais à l’interpeller lorsque Mr Ramsay me retint. Il vit ici depuis longtemps, c’est un geignard chronique, et il ne me laissait pas partir. Il ne s’était pas écoulé trente secondes lorsque j’entendis un cri de femme. Je me précipitai au second étage, où le couloir était rempli de clients curieux. Ils attirèrent

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mon attention sur la chambre 205 et certains affirmèrent avoir entendu une faible détonation peu avant le cri. Une fois entré, je trouvai le corps de Mr Clarendon, ainsi que la femme précitée. Elle était évanouie au centre de la pièce, un pistolet fumant à la main. Je la ranimai avec un peu de whisky trouvé dans la chambre. Lorsqu’elle reprit connais-sance, elle était totalement désorientée. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait, ou de ce qu’elle avait fait. Lorsqu’elle vit le corps de Clarendon, elle poussa un petit cri et lâcha le pistolet comme s’il lui brûlait les doigts. Je la conduisis dans une chambre voisine inoccupée, et fis appeler la police.À notre demande, l’employé appelle un garçon d’étage à moitié endormi, afin qu’il nous conduise à la suite. En chemin, nous découvrons que le garçon vient de changer d’équipe. Après avoir travaillé de nuit, il travaille maintenant de jour. Poussant nos investigations plus avant, nous apprenons que les portes de devant sont fermées à clef à 22 h, ce qui fait que les clients ou les visiteurs doivent se les faire ouvrir par le personnel de nuit. Clarendon, qui menait une vie des plus exemplaires, était toujours dans ses appartements avant 22 h.L'agent de police en faction nous fait entrer dans les deux pièces qui composent la suite, et surveille notre visite. Les murs du salon sont recouverts d’un papier peint représen-tant des fleurs dans des tons pastels. Le plafond est recouvert de plâtre jaune. L'agent de police nous montre l’entrée de la chambre, là où le corps a été découvert. Il y a une grosse tache de sang sur le tapis. Une autre tache provient, semble-t-il, du contenu d’un verre à vin renversé, qui se trouve à côté, brisé. Au centre du salon, à environ 4,50 m de là, il y a de petits éclats de plâtre jaune. Une fouille du salon ne permet pas de trouver beaucoup d’affaires personnelles. Dans le tiroir supérieur du bureau, cependant, nous trouvons un relevé de la banque Cox.

Nous regardons çà et là dans la chambre. Dans l’armoire, il n’y a que deux chemises blanches et trois paires de chaus-sures à talonnette, ainsi qu’une paire de chaussures en toile noire. Dans la commode, il y a l’assortiment habituel de sous-vêtements et de chemises. Jetés en vrac dans le tiroir du dessus, il y a un chandail de laine et un pantalon noirs. —  Pas terrible comme vue, commente Wiggins, regardant par la fenêtre ouverte de la chambre. Le mur de briques du bâtiment de l’autre côté de la ruelle est vraiment lugubre. Même le lierre qui s’enroule autour du treillage et couvre le mur de derrière du Halliday est triste, abîmé et poussiéreux.En sortant dans le couloir de l’hôtel, une femme de chambre est en train de se faire sermonner par un homme à l’allure acariâtre et renfrognée, qui laisse échapper un flot de remontrances.—  Et sachez, mademoiselle, que j’en parlerai au directeur. C’est absolument inadmissible, un tel laisser-aller dans un établissement de ce standing.— Oui, Mr Ramsay. Bien Mr Ramsay. »Nous nous éclipsons discrètement.

19 SO

L e Dr Trevelyan est un homme d’une allure athlétique, et tout chez lui, ses mouvements et ses gestes, est très

précis. Ses yeux sont perçants et vifs, et semblent lire au plus profond de votre âme. Cela vous met toujours quelque peu mal à l’aise. Il se laisse tomber dans le fauteuil derrière son bureau, joue avec sa montre à gousset, et nous demande en quoi il peut nous être utile.«  Nous croyons savoir que vous avez dîné avec Frances Nolan le soir du 1er juillet.—  C’est exact. Nous dînons ensemble tous les dimanches soir. Sa sœur Loretta est confiée à mes soins depuis quelque dix ans, d’abord à l’Institut Mesmer-Braid, puis comme cliente privée. Je rencontre Miss Frances chaque semaine pour la tenir informée des progrès de sa sœur. Laissez-moi vous dire qu’il est difficile de croire que Miss Frances ait pu com-mettre un tel acte. C’est une personnalité tranquille, simple. On pourrait la décrire, mais ce serait peu aimable, comme une personne effacée. Un acte comportant une confrontation aussi directe ne cadre pas du tout avec sa personnalité.— Est-elle proche de sa sœur ?—  Elles ont des vies très différentes, sans grand rapport. Miss Frances mène une vie tranquille, tandis que celle de Miss Loretta est animée, impétueuse. Frances reste à la

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maison, Loretta ne manque jamais une réception. Leurs manières de rire illustrent bien leurs différences. Le rire de Frances est timoré, à peine plus qu’un sourire. Le rire de Loretta est profond, puissant, sans aucune retenue. Pour sa part, Miss Frances aime sa sœur comme une mère aime un enfant. Quant à Miss Loretta, eh bien, elle cherche souvent refuge auprès de sa sœur, et l’aime dans la mesure où elle est capable d’aimer.— Merci, docteur. »

21 SO

U n homme dont les vêtements pourraient vous faire croire qu’il sort tout droit des Mille et une nuits, cime-

terre courbe et le reste, bloque l’entrée de la maison de Loretta Nolan. Ce n’est qu’après avoir démontré que nous ne sommes pas des chiffonniers ou des démarcheurs que nous sommes autorisés à passer. Nous entrons dans le petit salon, où nous trouvons Miss Loretta qui se repose sur de grands coussins de soie, vêtue tout comme son serviteur, à savoir d’un ensemble arabe masculin.Pour compléter le tableau, de longs panneaux de tissus aux couleurs éclatantes sont accrochés dans la pièce, sur des cordes rouges. Nous aurions tout aussi bien pu entrer dans la tente d’un Pacha.« Entrez, et faites-vous connaître », ordonne-t-elle en levant la tête du narguilé qu’elle fumait.Ce doit être notre air d’ahurissement complet qui la plonge dans un accès de fou rire. Comme nous ne réagis-sons pas, sauf peut-être en nous dandinant d’un pied sur l’autre, mal à l’aise, elle cesse brusquement de rire et fait la moue.« Oh !… Vous ne voulez pas jouer. Très bien.Elle se met soudain debout, arpentant la pièce, écartant les tentures d’un coup sec. S’affalant dans un fauteuil caché par le tissu, elle nous dit d’exposer notre affaire.— Vous ne semblez absolument pas affectée par la mort de Mr Clarendon et par l’arrestation de votre sœur. »Elle ne répond pas tout de suite, les yeux dans le vague.— C’était drôle d’être avec Guy… ma sœur, c’est une inno-cente parmi les lions.Avant que nous ne puissions poser une question, elle se lève et appelle son maître d’hôtel.« Je crois que je vais sortir ce soir, Randall. »Elle quitte la pièce, majestueuse, nous plantant là, seuls.

22 SO

E n pénétrant dans son laboratoire, nous sommes d’abord incapables de repérer H.R. Murray dans tout cet attirail

d’instruments de chimie, de meubles-classeurs et de boîtes, jusqu’au moment où Wiggins remarque un léger ronflement qui provient du coin de la pièce le plus éloigné. Nous nous y rendons, et le trouvons assoupi sur son bureau, une pile de rapports de police et de notes sur des analyses chimiques en guise d’oreiller. Wiggins lui tapote l’épaule. Il sursaute, ses cheveux blancs et ses papiers formant pour un instant comme une averse de neige autour de son visage.« Quoi ? Quoi ? Oh… Où… Ah, oui, c’est vous, Higgins ! J’ai dû m’assoupir. Qu’est-ce que vous fabriquez, aujourd’hui ?—  C’est Wiggins, monsieur, et nous enquêtons sur le meurtre de Clarendon.— Clarendon ? Je venais de terminer mon rapport lorsque je me suis endormi. Voyons… numéro 301… 301…Il fourrage dans sa pile de papiers, quoique nous nous demandions comment un rapport qu’il venait de rédiger pourrait être ailleurs que sur le dessus. — Ah ! le voilà, 301, Clarendon, Guy. Pas grand-chose, j’en ai peur. Un trou dans sa chemise, à l’endroit où une balle de petit calibre a pénétré dans le corps… importantes taches de sang… traces de brûlures provoquées par la poudre, ce qui laisse à penser que le coup de feu fut tiré de près… ah ! voilà quelque chose d’intéressant. Sur la partie inférieure de la chemise, j’ai trouvé des traces d’alcool. De vin, pour être précis. J’ai le nez fin, et je pense qu’il s’agit d’un vin rouge italien de qualité médiocre. J’étais en Italie en… »Nous nous retirons sur la pointe des pieds, et manquons du coup sa conférence sur les propriétés chimiques des meil-leurs vins.

24 SO

N ancy Judd est une veuve séduisante, d’environ trente-cinq ans.

« Je commençais à peine à ressortir dans le monde après la mort de mon mari, et voilà que cela arrive.Elle continue en nous expliquant que le pendentif qu’on lui a dérobé est très ancien, un bijou de famille.«  Il appartenait à mon arrière-arrière-grand-mère, et il est parvenu jusqu’à moi. J’espérais le donner à ma fille. »Nous découvrons que Mrs Judd était absente le soir du vol et que, quoiqu’elle le gardât dans le talon d’une vieille chaus-sure, le cambrioleur savait exactement où le chercher.

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P arodiant ce qu’elle fera si le voleur lui tombe entre les mains, Bessie Dearth manie sa canne. Elle a beaucoup

d’impertinence, pour une femme de son âge.« Mon mari, paix à son âme, me donna ce collier pour notre cinquantième anniversaire de mariage. Malheur au mécréant qui l’a pris, bon sang !— Chère madame, vous étiez absente le soir du vol ?— Oui, j’assistais à un bal masqué de charité à Ste Mary, au profit des filles mères. Ça ne m’étonnerait pas que ce vaurien soit aussi responsable de choses comme celles-là ! ‘Le Cambrioleur Mon-dain’, vraiment ! Ce type est un moins que rien, croyez-moi !— Vos bijoux, sont-ils sous clef ?—  Non, mais ils sont bien cachés, à ce que je croyais, du moins. Ils étaient dans un volume factice des Grandes Espé-rances de Dickens, parmi d’autres livres sur une bibliothèque. Hiram, mon défunt mari, en avait eu l’idée. Mais le voleur y est allé tout droit.— Vous ne pensez pas que l’un de vos domestiques puisse être responsable ?— Je n’ai que Sybil, ma gouvernante, et Sarah, ma femme de chambre, et toutes deux m’accompagnèrent au bal. »Nous faisons un don pour le Fonds de Solidarité des Filles Mères, et prenons congé.

27 SO

L e soir du vol, Bradford Lewin et son épouse étaient à une réception donnée au palais de Buckingham en l’hon-

neur du nouveau chef de la Légation Chinoise. Ils rentrèrent chez eux après minuit, et sonnèrent le maître d’hôtel pour qu’il leur apportât une collation froide, car ils avaient faim. Tandis qu’ils partageaient leur petit repas, Mrs Lewin décou-vrit qu’une paire de boucles d’oreilles en rubis avait disparu. Rien d’autre n’avait été dérangé, c’est-à-dire qu’ils ne remar-quèrent aucune trace de fouille, et les domestiques n’avaient rien entendu de suspect.

30 SO

S ir Sanford Leeds formule le vœu que la tiare de son épouse soit rapidement retrouvée.

«  C’est une pièce de valeur, en vérité, mais avant tout ma femme suit un traitement médical depuis le vol et, pas plus tard qu’hier, a dû être hospitalisée à St George. Elle est encore plus marquée que lorsque le jeune Clarendon déversa le contenu d’une bouteille de champagne dans le bustier de sa robe qui

venait de Paris, à la réception de Richmond, le 20 juin dernier. Ce fut d’ailleurs la dernière fois qu’elle porta la tiare.— Où conserviez-vous la tiare ?—  Dans le tiroir du bas de l’écritoire, sous quelques fanfreluches de ma femme.— Y avait-il des traces d’une fouille méticuleuse, des tiroirs ouverts, des vêtements froissés, quelque chose de ce genre ?— Non, le cambrioleur savait où chercher, semble-t-il.— Vous n’étiez pas chez vous, n’est ce pas ?— Tout à fait exact. Ma première sortie à l’extérieur depuis la réception de Richmond. Couché avec la grippe, quoi. Tou-jours pas la très grande forme, mais je ne pouvais pas man-quer la réunion annuelle de mon vieux régiment.—  Merci, sir Sanford. Nous souhaitons que Lady Leeds recouvre promptement la santé.— Retrouvez la tiare, et elle ira tout de suite mieux. »

31 SO

S ir Francis Clarendon est un vieil homme strict, profon-dément déçu par son fils unique.

« C’était un panier percé et un propre à rien. Pas plus tard qu’il y a un mois, je lui donnai 5 000 livres, et lui dis que c’était la dernière fois qu’il voyait la couleur de mon argent. J’espérais que ça le ramènerait à la raison, qu’il se rendrait compte qu’il devait se calmer et se forger une existence. Assez de tergiversations. Le jeu, sorties tous les soirs avec cette folle, il brisait le cœur de sa pauvre mère.— Cette folle ? Qu’entendez-vous par là ?— La fille Nolan.— Frances Nolan ?— Non, non, sa sœur. Cette Loretta.— Vous avez fait allusion au jeu. Savez-vous avec qui votre fils jouait, et qui aurait pu vouloir le tuer ?—  Non, désolé. Il ne nous disait rien. Il venait seulement quand il avait besoin d’argent, et depuis que je lui avais dit que c’était fini, c’est à peine si je l’avais vu. Il brisait le cœur de sa mère, c’est tout.Gertrude Clarendon sanglote, assise dans un coin, le cœur brisé, cela ne fait aucun doute.« Ne gâche pas tes larmes pour lui, Gerty. Il n’en valait pas la peine.Alors qu’il parle, quelques larmes embuent son regard. Nous nous retirons discrètement, et le maître d’hôtel nous suit jusqu’à la porte d’entrée.

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h 9 h

—  Je peux peut-être vous aider. Monsieur Guy était dur, mais il n’était pas si mauvais.— Je vous en prie. Toute aide nous est précieuse.—  Il y a de cela environ cinq semaines, je remarquai un homme qui rôdait, un personnage qui avait l’air redoutable. Il avait une horrible cicatrice sur le côté du visage, et était vêtu d’une manière plutôt négligée, ce qui attira mon atten-tion. Il n’était pas à sa place, si vous voyez ce que je veux dire.—  S’est-il approché de la porte, ou l’avez-vous vu avec le jeune Clarendon ?—  Ni l’un ni l’autre. Pendant presque toute la soirée, il s’est contenté de faire les cent pas dans la rue. Et pourtant, j’étais certain que c’était cette maison qui l’intéressait. Tard cette nuit-là, ou plutôt de bonne heure le lendemain matin, car je me souviens avoir entendu le carillon du hall sonner trois heures, j’entendis un fracas et fis des recherches. J’ai le sommeil très léger, et, de toute façon, j’étais sur mes gardes à cause de l’homme à la cicatrice. En tout cas, c’était monsieur Guy, et il était dans un vilain état. Il était meurtri et contu-sionné, et venait d’être coupé au front. Je lui demandai à brûle-pourpoint qui lui avait fait cela. Il ne répondit pas tout de suite, et se contenta de me dire que je ferais mieux de tout oublier et de n’en parler à personne.— Cela peut nous être très utile. Merci. »

35 SO

U ne brève discussion avec le maître des cérémonies du palais de Buckingham nous apprend que la réception

en l’honneur de Mr Bailijun a été une grande réussite, et qu’aucun incident notable n’est venu émailler la soirée.Un peu dépités, nous profitons de l’occasion pour assister au spectacle de la relève de la garde, toujours aussi impression-nant de rigueur martiale et de précision.

39 SO

O tis Richmond est un petit homme rond, d’une énergie et d’une bonne volonté sans bornes. Cela ne semble pas

du tout l’affecter d’être la victime du Cambrioleur Mondain. Peut-être à cause de son immense fortune.« Une simple babiole, un colifichet. J’en ai racheté un autre à ma femme le lendemain. Mais je compatis vraiment avec certains, cependant, pour la valeur sentimentale et tout ça. »Répondant à nos questions, il nous dit qu’il était absent le

soir du vol et que rien n’a été déplacé, sauf le coffret à bijoux qui se trouvait sur la coiffeuse.

48 SO

C ornelius Oldwine est grand et mince, il doit avoir trente ans environ et semble las de tout, c’est-à-dire, pour

l’instant, de notre présence.« Ce pauvre vieux Guy. Il pouvait être si drôle.— Pourriez-vous nous parler de l’incident qui se produisit à votre résidence de campagne, en mars dernier, lorsque Loretta Nolan sauta dans un bassin ?—  Ce ne fut pas grand-chose, en vérité. Quelqu’un, je ne me souviens plus qui, mit Loretta au défi de sauter dans le bassin, parce qu’on était en mars et qu’il faisait plutôt frais. Elle fit mieux. Elle plongea et nagea jusqu’à la colonne qui se trouve au centre. Une sculpture absolument affreuse, soit dit en passant, des cygnes et des sirènes et je ne sais trop quoi. Elle mesure 3 ou 4 mètres de haut. Loretta grimpa dessus, la femme est un peu singe, j’en suis persuadé, et plongea. Ce fut alors comme si cela avait été le fin du fin, tout le monde plon-gea. Guy fut cependant le seul à grimper réellement en haut de la colonne. La moitié de mes amis sortirent en éternuant et Loretta contracta une pneumonie.— Sa sœur vint la chercher ?— Cette femme était donc sa sœur ? Je pense qu’on a dû me la présenter, mais je ne m’en souviens pas. »

50 SO

R oger Baker nous reçoit dans le salon de son domicile.«  D’abord, j’ai pensé que c’était certainement un de

mes domestiques. Je les ai interrogés en détail, croyez moi. Après tout, il n’y avait aucune trace de fouille, et rien d’autre n’était dérangé. Ce n’est vraiment que quand Hardinge et Richmond furent cambriolés et que les journaux parlèrent de nous comme des victimes du Cambrioleur Mondain que je fus certain qu’il n’en était rien. Par le plus extraordinaire des hasards, vous n'auriez pas une bonne gouvernante ou un bon valet de chambre à me recommander ? »

57 SO

L e médecin de Lady Leeds nous indique que sa patiente n’est pas en état de nous recevoir. Elle est apparem-

ment très affectée par le vol de sa tiare, et elle doit se reposer.

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h 10 h

aie guère besoin dans mes spectacles, il existe certaines dro-gues qui peuvent faciliter l’état d’hypnose chez un sujet. Ce sont généralement des sédatifs légers, disponibles sur ordon-nance. Voilà, je pense que je vous ai dit le principal sur l’art de l’hypnose. Puisque vous n’avez pas d’autres questions, je vous prierais de bien vouloir me laisser retourner à ma médi-tation, je n’ai pas achevé ma préparation pour le spectacle de ce soir. »Nous abandonnons donc l’hypnotiseur à son voyage astral et quittons le théâtre.

87 SO

D ’aspect extérieur, la pharmacie Keene & Ashwell a l’air plutôt modeste. Une porte étriquée dans un mur de

couleur sale, entre deux bâtiments imposants. Mais une fois la porte franchie, l’établissement est d’une propreté exem-plaire et recèle plus de place qu’il n’y paraissait.Nous attendons dans la file, derrière un vieillard courbé sur sa canne et se frottant le dos, et un jeune homme très pâle. Le jeune homme est pris d’une violente quinte de toux au moment de présenter son ordonnance au pharmacien. Après que le vieil homme a obtenu son cataplasme à la moutarde, nous pouvons enfin poser nos questions.« Beaucoup de clients nous demandent toutes sortes de pro-duits. Nous ne sommes autorisés qu’à administrer des nar-cotiques légers et des somnifères, pas de puissantes drogues. Vous devriez essayer de vous renseigner discrètement chez Squire & Fils, j’ai entendu dire qu’ils étaient moins regardant vis-à-vis de la loi sur ce sujet. »Nous ressortons de l’établissement au moment où un homme entre en boitant fortement. Nous lui tenons la porte afin qu’il puisse passer sans encombre.

63 SO

L ’ambiance à l’Olympia pourrait être qualifiée d’élec-trique. Le directeur, Mr Casey, un petit homme ron-

douillard dans un costume bariolé, ne tarit pas d’éloges sur Milo de Meyer.«  Son spectacle est réellement remarquable. Il parvient à soumettre à sa volonté les plus sceptiques des spectateurs.Nous le suivons à travers un dédale de couloirs où tout le personnel du théâtre semble s’être donné rendez-vous, manquant de nous faire assommer par une colonne de type oriental transportée par deux machinistes. Arrivé devant la loge de Milo, il frappe à la porte et n’attend pas de réponse pour entrer.« Mr de Meyer, vous avez de la visite.Au moment où nous entrons, Milo de Meyer semble être en méditation sur le sol. Les jambes croisées dans la position du lotus, les yeux fermés, l’index et le pouce de chaque main se rejoignant en un cercle, il psalmodie une douce mélopée.« Ah ! il est en transe. Désolé, messieurs, lorsqu’il est dans cet état, il est quasi impossible de le réveiller. Je vous conseille d’attendre. Mais il peut rester ainsi des heures…Alors que nous hésitons à patienter jusqu’à son réveil, Milo de Meyer ouvre les yeux en grand.— Bonjour messieurs. Mon corps astral survolait justement M. Casey lorsque vous l’avez abordé, et j’ai interrompu mon voyage méditatif pour me réincorporer. Ainsi, vous voulez des renseignements sur l’hypnose. Laissez-moi vous dire, messieurs, que c’est une pratique très pointue, qui ne saurait s’apparenter à la science, mais qui reste néanmoins gouver-née par des règles précises.Avant même que nous commencions à poser nos questions, Milo de Meyer se lance dans un exposé très instructif sur l’hypnose.«  Tout d’abord, l’hypnose peut se pratiquer sur n’importe qui. Mais un sujet affaibli psychiquement sera évidemment plus facile à manipuler. La première étape consiste à fixer l’attention du sujet sur un élément précis, fixe et régulier  : cela peut être la flamme d’une bougie, ou le mouvement d’un pendule. Une fois le sujet hypnotisé, vous pouvez lui faire accomplir beaucoup de choses, mais jamais une action que sa morale réprouve ou que ses capacités physiques ne lui permettent pas. Le sujet s’évanouirait devant la contra-diction entre ce que vous lui dictez et ce que lui impose son subconscient. Dans tous les cas, le sujet ne se souviendra pas de ce qu’il a pu faire sous état d’hypnose. Bien que je n’en

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h 11 h

1 NO

L a gouvernante nous dit que Mr Davenport est à son bureau.

12 NO

C hez le Dr Mason, nous rencontrons une logeuse plutôt loquace, qui semble penser que nous appartenons aussi

au corps médical. Elle se lance dans un monologue ininter-rompu sur son dos qui la fait souffrir en été.Pour sûr, il la fait également souffrir en automne, en hiver et au printemps. Il nous faut bien du temps pour apprendre que le Dr Mason n’est pas chez lui, mais à son bureau.

18 NO

S am Parsons, à la boutique de jouets Parsons et Fils, nous montre un fiacre miniature, sans cocher, et dit :

« Il vient de ‘qui vous savez’. »

29 NO

L e déplacement jusqu’au domicile de Wilfrid Robarts n’est pas complètement inutile, du moins pour

Wiggins. Quoique Robarts ne soit pas chez lui, la voisine d’à côté, une charmante jeune femme, est par contre chez elle. Nous disons à Wiggins que nous le retrouverons à Trafalgar Square, tandis qu’il reste pour faire connaissance.

32 NO

«L e Dr Trevelyan, dites-vous  ? Je le connais, mais il ne fréquente pour ainsi dire jamais notre établisse-

ment. Vu sa clientèle, il doit plutôt aller dans les pharmacies des beaux quartiers, comme chez ce malotru de Taylor. »

35 NO

A u Cirque Royal Italien, nous surprenons l'agent de police Shook, qui se gratte la tête en méditant devant

son calepin. Lorsqu’il nous voit, son visage s’éclaire.« Alors, M’sieur Holmes s’intéresse à l’affaire ?Sans attendre notre réponse, Shook se lance dans une expli-cation des éléments de l’affaire, qui devient rapidement désespérément embrouillée.« Bon, dit-il, s’interrompant de lui-même. J’vais vous mon-trer les divers suspects pour voir c’qu’il en est.À ces mots, il se précipite vers un homme rond, nous disant qu’il s’agit du Monsieur Loyal, Gregory Shepard. « Il est pas suspect, en fait, mais il a vu tout c’qui arrivait.À la requête de l'agent de police, Shepard explique ‘l’accident’.— C’est totalement inconcevable. Klaus Wallinden était le meilleur funambule au monde. Mais la semaine dernière, il était hésitant, indécis, le pied peu sûr. Il est retourné plu-sieurs fois à la boîte de colophane. Et juste au moment où il s’apprêtait pour le final, deux pieds d’une chaise en équilibre sur le fil, et lui debout sur les mains au dessus de la chaise, il a glissé. Il tenait la chaise dans ses mains, et à cause de ça, il a raté le fil. Tout aurait dû bien se passer, grâce au filet, mais il a craqué dès que la chaise et Klaus sont tombés dedans.— Merci, Mr Shepard, dit l'agent de police Shook.Lorsque nous ne sommes plus à portée de voix, il ajoute : « Le filet n’a pas simplement ‘craqué’, comme dit Shepard. Il était attaché avec un nœud vicieux qui se défaisait dès qu’il y avait un poids. Maintenant, on va parler à Guizzoni. Lui et Wallinden s’étaient disputés deux jours avant. »Nous ne nous alarmons pas lorsque nous tombons sur Luigi Guzzoni, occupé à lancer des couteaux sur sa femme qui a du galbe, car tel est son travail au cirque. Par contre, le regard qu’il jette lorsque nous prononçons le nom de Klaus Willin-den nous alarme quelque peu.— Je détestais ce type, je vous le dis ! C’était une vipère ! Je ne l’ai pas tué, mais j’aurais bien voulu le faire.Alors que nous le quittons en hâte, Shook explique que Guzzoni avait accusé Wallinden de porter trop d’intérêt à sa femme Seraphina. Vu la tristesse qu’il y a dans les yeux de Sera-phina, cela aurait pu être vrai, quoique Wallinden l’ait nié, à ce qu’on nous dit. Une autre qui semble avoir cru ces accusations, c’est la fiancée de Wallinden, Carmen Albuera. Nous la ren-controns, alors qu’elle répète avec sa troupe de chevaux.Les quatre chevaux, alignés les uns à côté des autres, trotti-nent autour d’une piste, alors que Carmen, debout au centre,

QUARTIER NORD-OUEST

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h 12 h

les dirige avec une seule longe attachée aux quatre brides. D’un petit coup sec du poignet, elle détache la longe et les quatre chevaux partent dans quatre directions, pour termi-ner devant elle, cabrés.— Il n’y a aucune tristesse dans mon cœur. Il s’est mal conduit avec moi, avec cette chienne, cette morue, cette puta !Elle refuse d’en dire plus, en anglais du moins, et nous pour-suivons notre chemin.Nous tombons sur Hercule LeMouche, trapéziste. Il dis-cute avec le chef manœuvre de quelque point d’attache délicat. Quoique LeMouche insiste sur sa compétence en matière d’attaches, le manœuvre s’éloigne, toujours aussi peu convaincu. Avant que nous ne lui parlions, Shook nous informe que LeMouche, qui venait à peine de rejoindre la troupe, avait eu une dispute avec Wallinden à propos d’af-fiches, chacun d’eux dénigrant le talent de l’autre, ce qui s'était soldé par un échange d’injures les plus basses.— Lui, c’était vraiment pas la grande classe. Un poseur. Et pourtant, il fallait que je sois numéro deux, sacrebleu !Tandis que nous nous éloignons, Shook nous dit que Guzzoni, Abuera et LeMouche ont tous trois été vus, alors qu’ils regardaient Wallinden, le soir du drame.— Ils attendaient quelque chose, vous croyez ? Qui est-ce qui chante ? demandons-nous, alors que nous parviennent les échos d’une mélodie ivre. Les mots sont mal articulés, et le rythme change si souvent qu’il est difficile de dire s’il s’agit d’une chanson gaie ou triste. En nous approchant cependant, nous reconnaissons – bien que difficilement – de l’allemand.— Ah ! Ce doit être Albrecht Hube. Une histoire bien triste à ce qu’on m’a dit. Autrefois, il était encore plus grand que Wallinden. C’est lui qui a inventé le coup de la chaise en équilibre que faisait Wallinden dans son numéro. Mais lui, il le faisait avec juste un pied de chaise sur le fil. Malheureu-sement y a eu un moment où il a commencé à caresser la bouteille, et vous pouvez pas marcher sur un fil complète-ment noir. Il y a quelques mois, Wallinden l’a pris comme homme à tout faire, en quelque sorte. Il faisait des petits travaux, tout ça. Il était au régime sec complet jusqu’à l’autre soir.Alors que nous jetons un coup d’œil dans la loge, nous voyons Hube, tremblant sur ses jambes devant un baquet, occupé à laver ce qui semble être le costume de scène de Wallinden. D’une main, il rajoute des paillettes de savon, de l’autre il hisse une bouteille de whisky jusqu’à sa bouche. Posant la

bouteille sur une table qui se trouve à côté, il se remet à chan-ter. L'agent de police Shook repasse toute l’affaire en détail. Lorsqu’il a fini, il nous interroge du regard.—  Monsieur l’officier de police, dit Wiggins. Je crois qu’il faut procéder à une arrestation. »

38 NO

M algré le fort accent asiatique de notre interlocuteur, nous parvenons à comprendre que Mr Bailijun est

en réunion pour toute la journée et qu’il nous sera impos-sible de le rencontrer aujourd’hui.

42 NO

R ien ne semble pouvoir tirer Holmes de l’humeur maussade dans laquelle nous l’avions laissé en partant.

« J’ai beaucoup de choses à faire avant la tombée de la nuit, Wiggins. Je ne vais pas pouvoir vous accorder beaucoup de temps. La première chose à faire est de s’assurer de la ver-sion des faits auprès de Miss Frances Nolan. L’attitude de Mr Locke évoque clairement de la jalousie envers Clarendon. Si Miss Nolan est amoureuse de Clarendon, il semble com-plètement absurde qu’elle le tue. Si elle n’a pas appuyé sur la détente, qui l’a fait ? Un examen du lieu du crime pourrait sûrement vous apporter des indices. N’hésitez pas à faire un croquis des lieux, cela aide souvent à réfléchir. Et il y a bien sûr la question du mobile. Qui voudrait éliminer Clarendon et Frances en même temps ? Car c’est bien évidemment la peine de mort qui attend Miss Nolan pour son prétendu crime. Voilà ce que je peux vous donner comme piste pour le moment, gentlemen. Maintenant, je vais devoir vous laisser, une tâche urgente m’attend. »

72 NO

L e nom de John Taylor est inscrit en grandes lettres d’or sur la vitrine de la pharmacie. L’intérieur du

magasin est tout aussi éclatant de propreté que l’extérieur. John Taylor, affairé au milieu d’une pile de papiers dans son bureau situé au fond de la pharmacie, répond rapidement à nos questions.«  Désolé messieurs, notre clientèle n’a pas l’usage de psy-chotropes et autres narcotiques puissants, tout au plus des relaxants légers. Ma pharmacie est la plus réputée de tout

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Londres. Pas comme ces charlatans de Leath & Ross  ; si vous voulez mon avis, vu leur clientèle, ils doivent plutôt être spécialistes en drogue en tous genres qu’en médicaments. »

95 NO

N ous rentrons par l’entrée nord de Hyde Park, près de l’arbre de Tyburn. En cette belle journée de juil-

let, les petits chemins arborés sont parcourus par une foule hétéroclite d’hommes pressés ou de mamans se promenant avec leurs enfants. Nous baguenaudons à travers le parc à la recherche d’indices sur l’endroit où Miss Frances a pu se réveiller, et nos pas finissent par nous amener au lac, dont nous faisons le tour. Sans plus de précisions, il est impossible de retrouver le banc dont elle nous a parlé.

4 CO

L e domestique du Dr Trevelyan nous accueille à la porte en tablier, un balai à la main. Tandis qu’il nous

explique que le Dr Trevelyan est à son cabinet, un chat errant tente de se faufiler dans la maison. D’un coup de balai digne d’un joueur de cricket professionnel, il envoie valser le chat jusqu’au milieu de la rue, d’où il s’enfuit en miaulant.

5 CO

A u Dépôt Central des Voitures, nous nous renseignons sur le cocher retrouvé poignardé quelques nuits auparavant.

« J’ai jamais vu un truc comme ça, dit une ganache, secouant la tête. —  Kenny était un type correct, mais il gardait pas mal de choses pour lui.— Comment s’appelait-il ?— Kenward Olick.— Dans quel quartier travaillait-il ?—  Oh ! généralement là-bas vers la Tour. George Street, dans ce coin-là. »

13 CO

A près avoir patienté près de deux heures, nous sommes finalement introduits dans le bureau d’Hiram

Davenport. Il s’excuse de nous avoir fait attendre, avec une sincérité quelque peu douteuse, et nous nous asseyons pour poser nos questions. « Oui, je suis l’avoué de Frances, ainsi que celui de Loretta, quoique je sois moins utile à cette dernière depuis qu’elle est majeure.— Vous gériez les biens de leur père ?— C’est vrai. Leur père, qui possédait un tiers des parts de la Compagnie de Navigation d’Aberdeen, les leur légua en deux parties égales. J’administrai ce legs, agissant en tant que

QUARTIER CENTRE-OUEST

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grevé de fiducie, jusqu’à leur majorité. Depuis lors, je me suis efforcé de les conseiller de mon mieux.— Avec un sixième des parts de la Compagnie de Naviga-tion d’Aberdeen, elles doivent être très riches.—  Frances est riche, c’est certain, mais Loretta crut bon, quoique je ne le lui conseillasse point, dois-je préciser, de liquider ses titres. Je crains que sa situation ne soit pas ce qu’elle pourrait être.— Quand avez-vous rencontré Miss Nolan pour la dernière fois ?Un instant, il semble perplexe, puis suggère : —  Eh bien, j’ai effectivement rencontré Miss Frances le mois dernier. Elle était accompagnée du Dr Trevelyan, le médecin traitant de Miss Loretta. Miss Frances souhaitait que le docteur devienne le tuteur légal de sa sœur, si jamais quelque chose devait lui arriver. Miss Frances semblait absente, les yeux un peu dans le vague… Cela me sembla étrange sur le moment, mais lorsque j’ai su qu’elle avait fait un malaise plus tard dans la journée, j’ai pensé qu’elle avait attrapé une insolation.— Voudriez-vous nous parler de votre rencontre ?— Nous étions en pleine discussion lorsqu’on m’appela pour quelque affaire importante. Je les priai de m’excuser, et quit-tai le bureau. Je fus absent pendant, disons, vingt minutes. Lorsque je revins, Miss Frances avait un regard très étrange et dit ‘Merci beaucoup, ravie de vous avoir revu’, ou quelque chose du genre, et partit avec le docteur.— Merci. »

14 CO

«L oretta Nolan et Guy Clarendon ont tous deux été l’objet de plaintes, dit Disraeli O’Brien, après avoir

exhumé leurs fiches. Quoique ni l’un ni l’autre n’eussent jamais été arrêtés. Miss Nolan fut citée à comparaître deux fois pour ivresse publique. Tous deux furent impliqués dans quelques fredaines hors du commun, mais les victimes ne portèrent jamais plainte.— Et que pouvez-vous nous dire sur les parents de Frances et Loretta Nolan ?Ouvrant un classeur poussiéreux portant la mention ‘1861’, il tourne quelques pages et nous fait part des résultats de l’enquête :«  Zagreb Yoblinski a bien évidemment été puni pour son crime. Les conclusions de l’époque ont fait état d’une instabi-lité mentale notable. Il a agi seul, et l’enquête s’est arrêtée là. »

17 CO

À Somerset House, nous découvrons que, par testa-ment, sir Malcolm Nolan légua tous ses biens à sa

veuve Margret. Si celle-ci devait le précéder dans la tombe, les biens devaient être partagés équitablement entre ses deux filles, Frances et Loretta. Les biens incluaient un tiers des parts de la Compagnie de Navigation d’Aberdeen. Le testa-ment de Frances Nolan nous apprend que le tuteur désigné de sa sœur en cas de décès est un certain Dr Trevelyan. Ce testament date du mois de juin.

22 CO

À la banque Cox, nous découvrons que les opérations de Guy Clarendon sur son compte étaient peu fré-

quentes, les dépôts étant plutôt rares avant le 12 juin.

29 CO

N ous demandons au Dr Mason s’il a pu déterminer les causes des étranges évanouissements de Frances

Nolan.« Je l’ai examinée avec soin, et n’ai constaté aucune affection physique. Elle ne se rappelait pas avoir reçu un choc à la tête. Elle ne se plaignait pas de vertiges. Je lui dis qu’elle était peut-être surmenée et lui conseillai du repos. Pour moi, cela reste un mystère complet. »

34 CO

G erald Locke ne nous aide pas beaucoup dans notre enquête. Non pas qu’il ne le souhaite pas, mais simple-

ment parce qu’il n’a aucune information à nous communiquer.

37 CO

P hysiquement, Wilfrid Roberts est tout sauf impres-sionnant. Des joues creuses, un gros nez en pied de

marmite, et une calvitie naissante. Cependant, il possède une énergie et une vitalité qui forcent l’admiration.« J’ai rencontré Miss Frances, et elle souhaite que je m’oc-cupe de l’affaire. Cependant, je réserve ma décision jusqu’à ce que je l’aie vue en pleine lumière. »Tout en prononçant ces mots, il tapote son monocle dans la paume de sa main.

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et me rendormis. Je me levai à 7 h 30, achevai ma toilette pour 8 h, et descendis préparer le petit-déjeuner de Miss Frances. À peine étais-je arrivée à la cuisine que j’entendis la porte d’en-trée s’ouvrir et se refermer. Je vis Miss Frances qui descendait la rue. Je ne sus que penser lorsque j’appris la nouvelle, mais je ne pus le croire. Miss Frances ne ferait de mal à personne, encore moins à Mr Clarendon. Pensez-vous que je pourrais la voir ? J’aimerais lui apporter ses lunettes et un ou deux livres. Elle aime tant lire, vous savez. »

66 CO

E n entrant dans la pharmacie Squire & Fils, une forte odeur de camphre saisit immédiatement nos narines.

Nous nous approchons du comptoir, et constatons qu’elle semble émaner directement de l’employé qui réside derrière.« Bonjour, messieurs. Que puis-je pour vous ?— Nous recherchons des renseignements sur les différents types de narcotiques les plus répandus.— Les narcotiques, dites-vous ? Ce n’est pas un sujet habi-tuel dans mon échoppe. Vous devriez vous renseigner à la pharmacie Keene et Ashwell. »Nous le remercions et nous nous empressons de sortir, avant que notre haut-le-cœur montant ne se transforme en nausée aux conséquences fâcheuses.

« Nous verrons à ce moment-là.— Quelle sera votre défense ?— Oh ! n’ayez crainte. Si je prends cette affaire, je trouverai quelque chose. »Nous n’en doutons pas un instant.

38 CO

L ’expert en numismatique du British Museum nous apprend que les pièces de monnaie romaines peuvent

facilement être achetées dans un grand nombre de boutiques spécialisées ou auprès de collectionneurs privés.

46 CO

N ous parlons à Grace, la femme de chambre de Miss Frances, qui nous explique que le soir du 1er, le Dr

Trevelyan est resté chez les Nolan jusqu'à 22 h.« Après le départ du Dr Trevelyan, Miss Frances me demanda une tasse de cacao que je lui apportai. Tandis que je montais l’escalier pour me retirer, la lumière s’éteignit dans la chambre de Miss Frances. L’horloge du hall d’entrée sonna la demie, c’est à dire 23 h 30. Je m’éveillai au milieu de la nuit, en fait, c’était presque le matin, croyant avoir entendu quelque chose. Je prêtai l’oreille quelques instants, mais n’entendis plus rien

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13-14 CE

A rrivés au niveau de la Tour de Londres, nous interpel-lons un cocher qui s’immobilise devant nous.

« Allez-y montez messieurs. Où est-ce que j’vous dépose ?—  Nous souhaitons simplement vous parler de Kenward Olick, vous le connaissiez ?— Non je l’connaissais pas trop et j’cherchais pas à me rap-procher de c’gars-là. Si vous voulez mon avis, ce qui lui est arrivé n’est pas un hasard vu les gars louches avec lesquels il traînait. »Après une courte discussion, nous n’en apprenons pas davantage.

19 CE

D u côté opposé au bâtiment de l’administration des douanes se dresse fièrement l’église Ste Mary.

26 CE

À la Compagnie de Navigation d’Aberdeen, nous nous renseignons sur les rapports existant entre Frances et

Loretta Nolan et la firme.«  Leur père, sir Malcolm, légua à chacune un sixième des parts. Mais ces parts ne leur donnaient pas le droit de vote. En d’autres termes, les jeunes dames avaient droit à tous les bénéfices et dividendes, mais n’avaient aucun pouvoir sur la marche de la compagnie. Il y a de cela plusieurs années, dès qu’elle fut majeure, Miss Loretta se dessaisit de ses parts et les revendit, en fait, aux associés d’origine. »

30 CE

L e secrétaire de Mr Ellis nous apprend que ce dernier est en mission en Europe, et qu’il y restera pendant de

nombreuses semaines.

35 CE

«E h bien, l’affaire Clarendon est simple, dit Quentin Hogg. Pas vraiment la meurtrière habituelle, mais

enfin, c’est comme ça. »

36 CE

N otre entrevue avec Edward Hall est très brève. Il ne sait pas grand-chose du meurtre de Clarendon, mais,

grâce à ses relations, il peut nous obtenir une entrevue avec Frances Nolan. Détenue dans une cellule sordide du Tribu-nal Criminel d’Old Bailey, elle est l’image même du malheur. Ses yeux, qui sont ce qu’elle a de plus joli dans un visage par ailleurs sans grâce, expriment un immense désarroi et une incompréhension totale devant sa situation présente.« Je ne me souviens de rien, sauf d’avoir vu le corps de Guy étendu dans la chambre et le pistolet dans ma main. J’ai crié, et j’ai dû m’évanouir. Je ne savais même pas qu’il était au Hal-liday, où je n’étais jamais allée auparavant. Et pourquoi l’au-rais-je tué ? Nous nous aimions. Nous devions nous marier l’année prochaine, son père lui avait promis d’obtenir l’église de Canterbury pour notre union !Wiggins tente de la calmer.— Bon. Une chose à la fois. Quelle est la dernière chose dont vous vous souveniez avant la chambre au Halliday ?— Je me suis couchée la veille au soir. Le dimanche soir, le Dr Trevelyan vient toujours dîner avec moi. Il soigne ma sœur Loretta et ces rencontres hebdomadaires concernent ses progrès. Eh bien, le docteur et moi sommes devenus amis avec les années. Le Dr Trevelyan partit à 22 h. À 23 h, Grace, ma femme de chambre, me prépara une tasse de cacao. Je la bus, et lus quelque temps au lit, puis je m’endormis.— Depuis combien de temps connaissiez-vous Guy Clarendon ?—  Je le rencontrai pour la première fois à la résidence de campagne de Cornelius Oldwine, au mois de mars. Il y avait une sorte de réception, et ma sœur escalada une fontaine de 6 mètres de haut et plongea. Elle contracta une pneumonie, et je dus aller la chercher pour la ramener à la maison. Guy était présent.— Et il commença immédiatement à vous faire la cour ?— Non, en fait, il ne sembla pas me remarquer. Je fus toute surprise, quelques semaines plus tard, lorsqu’il vint me voir. Ce fut une après-midi exquise, le 10 mai. Il me pria de l’excuser d’avoir eu l’audace de venir sans être invité, et me demanda la permission de revenir. Nous commençâmes à nous voir assez souvent, faisant des promenades en voi-

QUARTIER CENTRE-EST

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ture, des déjeuners sur l’herbe. Il me déclara son amour, et demanda ma main.— Quelles sont les dispositions concernant votre héritage et celui de votre sœur en cas de… disons en cas de disparition ?— Je suis la tutrice légale de Loretta. En cas de disparition, c’est notre avoué, Hiram Davenport, qui redeviendra administrateur de nos biens, comme il l’était du temps de notre enfance.— Comment expliquez-vous votre présence au Halliday ?— Je… je ne peux pas. C’est exactement comme les autres fois.— Avez-vous déjà eu des pertes de mémoire ?—  Oui, deux fois au cours des deux dernières semaines. La première fois, je me retrouvai assise sur un banc à Hyde Park. La deuxième fois, ce fut quelques jours plus tard. Cet après-midi-là, je devais me rendre à Lambeth Walk, afin de me renseigner sur une maison à louer pour passer deux semaines de vacances loin de la ville avec ma sœur. Je me suis réveillée à la gare de Waterloo. Je consultai mon médecin, le Dr Mason, qui resta perplexe. Il me prescrivit du repos.— Où avez-vous acquis le pistolet ?—  Je ne l’avais jamais vu, même si la police soutient qu’il m’appartenait.— Une dernière question. Qui est Gerald Locke, pour vous ?— Gerry est un vieil ami très cher. Je crains que nous n’ayons été en froid, ces derniers temps. Il a prononcé quelques paroles très désagréables au sujet de Guy.Edward Hall nous rattrape alors que nous sortons. Il nous dit qu’il a demandé à Wilfrid Robarts de s’occuper de l’affaire de Miss Nolan.— Il est jeune, mais il s’est déjà taillé une solide réputation. Croyez-m’en, il sera célèbre un jour. »

38 CE

À St Barthélémy, sir Jasper Meeks nous apprend que Clarendon a été tué presque à bout portant, avec un

pistolet de petit calibre.« J’ai reçu le corps à 13 h. J’estime que la mort a pu se pro-duire entre quatre et dix heures plus tôt. »

52 CE

«O h ! bien sûr que je connaissais Clarendon. Lui et son amie s’arrêtaient ici de temps en temps. Généralement

quand ils allaient à la maison de jeu de Kilgore, ou quand ils en revenaient, dit Porky Shinwell

— Qu’est-ce que la maison de jeu de Kilgore ?— Ha, Ha, Ha ! C’est un chouette petit endroit vers le sud-est de Londres, fréquenté par les rupins et les aristos. Ca fait des années que les flics essayent de la fermer, mais Kilgore est au courant dès qu’ils sont dans le coin. Clarendon lui devait une somme considérable, à ce qu’on m’a dit… 7 000 livres, on m’a affirmé. C’en était arrivé au point que Kilgore voulait plus le laisser entrer. Je crois savoir que Clarendon avait pas pris ça bien. Il a presque fait un scandale, jusqu’à ce que le bras droit de Kilgore, Gus Bullock, s’en mêle. Clarendon a reculé. Je lui jette pas la pierre. Gus est un sale type. Y a une plaisanterie sur Gus. Quelqu’un a dit un jour qu’il aimerait voir le client qui a fait cette cicatrice à Gus. On lui a dit que la veuve du type aimerait bien aussi. Ha ! Ha ! de toute façon, Kilgore a fait comprendre qu’il atten-dait l’argent et il avait pas l’air de plaisanter. Alors, peut-être un mois plus tard, Clarendon se pointe tout sourire, et lui et Kilgore s’entendent comme si c’étaient des frères. Je pense que Clarendon avait dû rembourser. Et là, y a Calvin Leach qui entre en scène.— Qui est Calvin Leach ?—  Eh bien, on prétend que Leach s’occupe de ce qu’on pourrait appeler des biens volés. Et il a le sens des affaires, aussi. Il vous donne la moitié de la valeur de l’article. Pour-tant Calvin Leach s’associe pas d’habitude avec des gens comme Claude Kilgore, mais c’est comme ça. Leach, Kil-gore et Clarendon se rencontraient en pleine nuit, copains comme je sais pas quoi. Les rencontres ont continué une fois de temps en temps jusqu’à, eh bien la nuit avant la mort de Clarendon.— Ces rencontres avaient-elles lieu au Raven & Rat ?— Ben, je dirais ni oui ni non. Je dirai quand même que tout ce que je vous ai raconté, c’est pas parole d’Évangile. Ça fait un bon bout de temps qu’on est là à bavarder et y a personne qui commande une bière ou quelque chose. Qu’est-ce que ce sera ? »

68 CE

D evant la pharmacie Gould & Fils, nous trouvons porte close. Un écriteau indique que la pharmacie de garde

la plus proche est Squire & Fils, au 66 High Street.

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