S'exprimer sans se faire "slapper"

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S’EXPRIMER SANS SE FAIRE «SLAPPER» Conseils pour éviter les poursuites-bâillons Ce document ne constitue pas un avis juridique et ne vous dispense pas d’utiliser les services d’un ou d’une avocate.

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Quelques conseils pour éviter les poursuites-bâillons

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S’EXPRIMER SANS SE FAIRE «SLAPPER»

Conseils pour éviter les poursuites-bâillons

Ce document ne constitue pas un avis juridique et ne vous dispense pas d’utiliser les services d’un ou d’une avocate.

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Crédits

Rédaction : Imane Mawassi, juriste, dans le cadre du programme Pro Bono 2007

Comité de travail : Lydya Assyag, France Doyon, Lise Goulet

Révision linguistique et correction d’épreuve : Maryse Dionne

Design graphique : ATTENTION design+, Alain Roy

Le RQASF tient à remercier Madame Lucie Poirier, du CALACS de Rimouski, qui a accepté de lire le documentet de nous faire part de ses commentaires et suggestions.

La réalisation de ce projet a été rendue possible grâce à une aide financière du Programme de promotion de lafemme de Condition féminine Canada. Les opinions exprimées dans ce document sont celles du RQASF et nereflètent pas nécessairement celles de Condition féminine Canada.

Le RQASF souscrit à une politique de féminisation.

Dépôt légalBibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque nationale du CanadaISBN 978-2-923269-14-6© RQASF, 2009

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TABLE DES MATIÈRESPrésentation du RQASF....................................................................................................................................................................4

Introduction .........................................................................................................................................................................................5

Définition et contexte .......................................................................................................................................................................6

Les droits en jeu..................................................................................................................................................................................8

A. La liberté d’expression...........................................................................................................................................................9

B. L’égalité devant la loi et l’accès à la justice.....................................................................................................................12

C. Le droit à la participation aux affaires publiques ..........................................................................................................13

D. Le droit au respect de la réputation, limite au droit à la liberté d’expression ......................................................15

Poursuites-bâillons : des cas réels .............................................................................................................................................19

Quelques conseils pour mieux se protéger..............................................................................................................................22

Un projet de loi prometteur ..........................................................................................................................................................29

En conclusion.....................................................................................................................................................................................31

Des références et des outils .........................................................................................................................................................33

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Présentation du RQASFFondé en 1997, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) est un organisme provincialmultidisciplinaire sans but lucratif dont la mission est de travailler solidairement à l’amélioration de la santéphysique et mentale des femmes, ainsi que de leurs conditions de vie.

La prévention est au cœur des champs d’action du RQASF qui comprennent la recherche, l’information, lasensibilisation, la formation et la mobilisation. Bien qu’il s’intéresse à la santé et aux conditions de vie de toutesles femmes, le RQASF se préoccupe de la situation des femmes marginalisées, par exemple, en raison de leurstatut socio-économique, de leur orientation sexuelle, de leur langue, de leur couleur, de leur origine ethnique oud’un handicap.

Le RQASF privilégie les partenariats et les collaborations interdisciplinaires, il travaille de concert avec lesréseaux de femmes, les ressources communautaires, le réseau de la santé et des services sociaux, lesorganisations syndicales, les associations et ordres professionnels, le milieu de l’éducation et les médias.

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IntroductionQu’est-ce que le droit à la liberté d’expression ? Quels sont les dangers d’une mauvaise utilisation de ce droit ?Que faire pour éviter une poursuite-bâillon (appelée aussi poursuite stratégique contre la mobilisation publique) ? Quels sont les autres droits et valeurs en jeu ? Ce document a été conçu comme un outil qui vousaidera à mieux comprendre ce qu’est une poursuite-bâillon, à en reconnaître les mécanismes et à distinguer lesdifférentes formes qu’elle peut prendre. En comprenant où peut mener l’expression de votre pensée, en étant enmesure de déterminer ce qui doit être dit et comment le dire, vous pourrez mieux défendre votre cause sur laplace publique.

Attention! Ce que nous vous invitons à retenir de l’ensemble de ce document, c’est sans contredit que rien nedoit vous pousser à croire qu’il est impossible de dire tout haut ce que vous pensez, ou qu’il vous faut mettre desgants pour diffuser vos messages. AU CONTRAIRE ! Lisez ce document en ayant ce qui suit à l’esprit : plutôt quede taire ce qui doit être dit pour défendre vos principes, plutôt que de diluer votre message, sachez où vousarrêter. Nous vivons dans un pays démocratique où la liberté d’expression est au cœur des droits fondamentauxde la personne. Ce qui signifie que jamais, dans ce document, il ne sera question de vous empêcher de parler. Parcontre, il est entendu que vos droits sont également ceux de l’ensemble de la population. Et rappelez-vous cettephrase tant de fois répétée : «Les droits des uns s’arrêtent là où ceux des autres commencent!».

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Définition et contextePhénomène «officiellement» apparu dans les années 80 aux États-Unis, les poursuites-bâillons (SLAPP -Strategic Lawsuit Against Public Participation) occupent une place de plus en plus importante dans les débats.Nous disons «officiellement» parce que ce sont des poursuites motivées par des objectifs de dissuasion. Eneffet, dans ce type de poursuite, la stratégie inavouée du demandeur (la partie poursuivante) en est uned’intimidation, qui vise à réduire au silence le défenseur (la partie poursuivie). Les poursuites-bâillons passentdonc plus facilement inaperçues.

Plusieurs définitions ont été proposées au cours des dernières années. L’importance de définir d’une manièreprécise ce type de poursuite fait aujourd’hui l’unanimité. En effet, l’expérience le prouve : il faut une définitionclaire et circonscrite. Les tribunaux en ont besoin pour reconnaitre plus adéquatement et plus rapidement lescas de poursuite-bâillon et ainsi mieux remplir leur rôle et confirmer les valeurs de notre société.

Une définition complète comprend les éléments suivants :

QLa poursuite-bâillon contre la mobilisation publique est intentée par un demandeur dans le but d’obtenirdes dommages et intérêts d’un défendeur ;

Qelle est intentée contre des personnes, des groupes de personnes ou des organisations nongouvernementales (ONG) dont les activités visent la promotion ou le soutien d’une cause d’intérêt public

Nauprès de personnes élues ou d’instances gouvernementales,

Nauprès des consommateurs, des consommatrices, ou du public en général ;

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Qelle a pour objectif premier d’intimider et de réduire au silence les personnes, les groupes de personnes oules organisations contre qui elle est intentée

Nen les entrainant dans des poursuites judiciaires longues et couteuses

Nou en les dissuadant, par la menace de poursuites, d’exercer leurs activitési.

En intentant de telles poursuites, le demandeur ne vise pas gagner une cause. Son objectif premier estd’intimider le défendeur et de l’empêcher de continuer ses activités. Il ne faut pas négliger le fait que lespersonnes ou les entreprises qui engagent ce type de poursuite judiciaire (les demandeurs) sont généralementbeaucoup plus puissantes financièrement que les défendeurs.

Ces poursuites imposent un lourd fardeau financier aux défendeurs : elles mobilisent toutes leurs ressourcesfinancières et humaines en vue de leur défense. Elles les réduisent très souvent au silence, au préjudice de lacause socio-économique, environnementale, culturelle ou autre, qu’ils défendent.

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Les droits en jeuD’un côté, il y a le droit à la liberté d’expression, à la liberté d’association, à l’égalité devant la loi, à l’accès à la justice, et le droit à la participation aux affaires publiques. De l’autre, il y a le droit au respect de la réputation,au libre commerce, et au respect des ententes commerciales. Dans une poursuite-bâillon, c’est précisémentl’équilibre entre les droits et les valeurs des deux parties qui est en jeu.

Il est crucial de comprendre l’impact des poursuites-bâillons sur les libertés individuelles et sur les valeurscollectives de notre société, car elles restreignent des libertés dont la protection est essentielle.

Dans cette section, nous ne traiterons pas de toute la jurisprudence applicable aux droits en jeu. Nous tenteronsplutôt de cerner les éléments essentiels de certains des droits pour que vous ayez une idée, certes générale maissuffisamment claire, de ce dont il est question. De plus, en comprenant l’étendue de vos libertés, vouscomprendrez, d’un point de vue pratique, où commencent celles des autres, et les limites à ne pas franchir dansvos actions et vos paroles.

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A. La liberté d’expression«Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression […].»Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’hommeii

Législation :

Article 19, Pacte international relatif aux droits civils et politiquesiii :

1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2. Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir etde répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une formeorale, écrite, imprimée ou artistique ou par tout autre moyen de son choix.

3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et desresponsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefoisêtre expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :

a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ;

b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

Article 3, Charte des droits et libertés de la personne (Charte québécoise)iv :

Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la [...] liberté d’expression [...].

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Article 2b), Charte canadienne des droits et libertés v :

Chacun a les libertés fondamentales suivantes : […]

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autresmoyens de communication.

Outre l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles des droits canadien etquébécois protègent également la liberté d’expression. Cette liberté, dont il est question à l’article 3 de la Chartequébécoise et à l’article 2 de la Charte canadienne, a été invoquée par nos tribunaux à plusieurs reprises etdéfendue avec beaucoup de véhémence. Elle a été interprétée d’une manière très large par la plus hauteinstance judiciaire du pays. Comme la Cour suprême du Canada l’a dit :

La liberté d’expression a été consacrée par notre Constitution et est garantie dans la Charte québécoise pourassurer que chacun puisse manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, en fait, toutes les expressionsdu cœur ou de l’esprit, aussi impopulaires, déplaisantes ou contestataires soient-ellesvi.

Cela s’explique par l’importance que nous accordons à la liberté d’expression dans les fondements etl’épanouissement d’une société démocratique et par le fait qu’elle «joue un rôle critique dans le développementde notre société»vii.

De plus, plusieurs tribunaux ont reconnu que la liberté d’expression inclut le droit de toute personne de critiquerpubliquement des produits et des services dans le but d’informer le public. Dans Daishowa Inc. v. Friends of theLubicon, la Cour d’appel de l’Ontario, après avoir réaffirmé le droit à la liberté d’expression pour les commerces,conclut que :

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[…] the common law should not erect barriers to expression by consumers, where the purpose and effect ofthe expression is to persuade the listener to use his or her economic power to challenge a corporation’sposition on an important economic and public policy issueviii.

Dans R. c. Guignard, la reconnaissance de ce droit a été réitérée :

Ce droit appartient à chaque consommateur. Celui-ci peut exprimer sa frustration ou sa déception à l’égardd’un produit ou d’un service. Sa liberté d’expression n’est pas limitée à cet égard à une communication privéedestinée au seul vendeur ou fournisseur de service. […] La contre-publicité contribue tout autant à l’échanged’information et à la protection d’intérêts sociétaux que la publicité et certaines formes d’expressionpolitique. […] Elle appartient non seulement aux consommateurs, mais aussi au citoyenix.

On peut donc affirmer, sans équivoque, que les poursuites-bâillons affectent cette forme d’expressioncommerciale en particulier et la liberté d’expression en général. Ces libertés sont indispensables au bonfonctionnement, non seulement de toute société démocratique, mais également de notre système économiquebasé, entre autres choses, sur la liberté de choix économique.

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B. L’égalité devant la loi et l’accès à la justiceIci, «le problème porte sur la nécessité de fonder les conditions du débat contradictoires dans un système établisur le principe de l’égalité de tous devant le droit et devant les tribunaux»x. En transformant un conflit public enun litige privé, les poursuites-bâillons font passer le fardeau des frais des épaules de l’ensemble de la collectivitéà celles d’un groupe restreint de personnes. Elles créent ainsi un net déséquilibre entre la partie qui poursuit (ledemandeur) et celle qui est poursuivie (le défendeur), et par conséquent une inégalité entre elles devant la loi.Les poursuites-bâillons briment un droit vital au fonctionnement d’une société égalitaire.

Ce principe de l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice est reconnu au point 1 de l’article 14 du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que «tous sont égaux devant les tribunaux et les coursde justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par untribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de touteaccusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractèrecivil»xi.

Ce droit s’applique de la même manière, autant dans une perspective canadienne que québécoise. Il est reconnuà l’article 15 de la Charte canadiennexii et à l’article 23 de la Charte québécoisexiii qui renvoie à une obligationcomparable.

Le droit à l’accès à la justice peut donc être assuré, et c’est une bonne chose, car, comme on le voit, l’égalitédevant la loi est plus difficile à obtenir lors de poursuites-bâillons. En effet, il est malaisé de parler d’égalitélorsque les parties en conflit possèdent des ressources financières très inégales.

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C. Le droit à la participation aux affaires publiquesLes poursuites-bâillons ont pour effet de priver des citoyennes et des citoyens du droit à participer à la prise de décisions concernant des questions jugées importantes, ou d’en restreindre l’exercice. À notre avis, la violation de la liberté d’expression et l’inégalité devant les tribunaux ont des conséquences très sérieuses et souvent désastreuses sur ces poursuites.

Dans une société démocratique, le non-respect du droit à la participation aux affaires publiques sape les fondements mêmes de la vie démocratique. Bien que ce droit ne soit pas directement enchâssé dans les Chartes (québécoise et canadienne), il est possible de le considérer intégré de facto (dans les faits) dans tout texte de loi. À cet égard, l’article 1 de la Charte canadiennexiv stipule que les droits et libertés qui y sont énoncés ne peuvent être restreints que dans des limites pouvant se justifier dans une société libre etdémocratique.

De même, comme le stipule l’article 9.1 de la Charte québécoisexv, les libertés et les droits fondamentauxs’exercent dans le respect des valeurs démocratiques. Or, les droits à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, prévus à l’article 4 de la Charte québécoisexvi, font aussi partie de ces valeurs démocratiques. Ici encore, c’est entre les droits des uns et des autres qu’il faut trouver un équilibre.

Néanmoins, une démocratie sans droit de parole n’a absolument rien d’une démocratie. De plus, le droit à laparticipation aux affaires publiques est reconnu dans des instruments internationaux ratifiés par le Canada.

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Ainsi, l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiquesxvii établit que tout citoyen a le droit de«prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentantslibrement choisis». Dans son Observation générale No 25, le Comité des droits de l’homme de l’ONU étudie cettequestion et insiste sur le fait que le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association est une conditionessentielle au droit des citoyens et des groupes organisés de participer au débat publicxviii.

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D. Le droit au respect de la réputation, limite au droit à la liberté d’expression

«Nul ne sera l’objet […] d’atteintes à son honneur et à sa réputation.»Article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Dans la vaste majorité des cas de poursuite-bâillon, les entreprises ont fondé leur action sur une atteinteprésumée à leur droit au respect de leur réputation. Dès lors, les entreprises poursuivent en diffamation lespersonnes, groupes de personnes ou organisations qui dénoncent leurs agissements et tentent d’informer lepublic.

Législation :

Article 4, Charte des droits et libertés de la personnexix

Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

Article 35, Code civil du Québec (C.c.Q.)xx

Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Définition :

La législation québécoise protège depuis fort longtemps la réputation des personnes en limitant le droit à la libreexpression des citoyennes et des citoyens. En effet, cette règle est établie à l’article 4 de la Charte québécoise,ainsi qu’à l’article 35 du C.c.Q.

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La diffamation peut être définie comme suit :

Toute atteinte à la réputation, qu’elle soit verbale (parole, chanson, mimique) ou écrite (lettre, pièce deprocédure, caricature, portrait, etc.), publique (articles de journaux, de revues, livres, commentaires de radio,de télévision) ou privée (lettre, tract, rapport, mémoire), qu’elle soit seulement injurieuse ou aussidiffamatoire, qu’elle procède d’une affirmation ou d’un sous-entendu, constitue une faute qui, si elle entraîneun dommage, doit être sanctionnée par une compensation pécuniaire.xxi

Vous noterez que, dans cette phrase, le terme «diffamatoire» est utilisé dans un sens large, s’appliquantégalement à l’injure et à l’insulte.

Ce ne sont pas seulement les personnes physiques qui possèdent une réputation ; une personne morale (entreprise,association, etc.) peut également être victime de diffamationxxii. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une personne publique jouissantd’une grande notoriétéxxiii, les critères rendant le défendeur responsable d’une atteinte à la réputation sont plus rigoureux.

Éléments juridiques : En droit québécois, on peut intenter une poursuite en diffamation en invoquant les règles générales ayant trait àla responsabilité civile extracontractuelle, telle que définie à l’article 1457 du C.c.Q.xxiv :

Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou laloi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle causepar cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel […]

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Pour pouvoir intenter une poursuite, le demandeur doit faire la preuve qu’il y a :

Q 1. faute : une faute est un comportement qui, au regard des circonstances, ne respecte pas les normesgénéralement acceptées comme étant une conduite raisonnable.

Q2. existence d’un préjudice : une faute sans victime n’est pas une faute en matière de responsabilité civileextracontractuelle. De ce fait, un préjudice doit être causé à autrui pour qu’une personne engage sa responsabilité.

Q3. lien de causalité : le demandeur doit établir un lien causal entre la faute reprochée au défendeur et lepréjudice qu’il a subi.

Pour comprendre ce qui pourrait être retenu contre une personne, un groupe de personnes ou une organisation,il faut définir précisément le terme faute. En effet, pour que le demandeur engage sa responsabilité, il doit y avoircomportement fautif.

Deux types de comportements, les plus répandus, peuvent conduire à une poursuite en diffamation :

Q il y a diffamation lorsque, dans un esprit malicieux, une personne, un groupe de personnes ou uneorganisation agit avec l’intention explicite de nuire ou de s’attaquer à la réputation d’une personne(physique ou morale) ;

Q il y a également diffamation lorsqu’une personne, un groupe de personnes ou une organisation porteatteinte à la réputation d’une autre personne (physique ou morale) par simple négligence ou incurie et sansintention de nuire.

En somme, l’intention de nuire est l’élément central qui distingue les deux types d’atteinte à la réputation.

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Mais attention!! Ce n’est pas parce qu’il y a absence d’intention de nuire qu’une faute n’a pas été commise. Labonne foi, souvent invoquée pour tenter de justifier un propos diffamatoire, ne réduit pas la responsabilité d’unepersonnexxv.

Cependant, bien qu’elle n’entraine pas automatiquement une exonération si une faute a été commise, la preuvede bonne foi peut permettre, dans certains cas, de ne pas considérer le comportement comme fautif si la fauteest conjuguée à l’intérêt public. À tout le moins, la preuve de bonne foi pourra faire diminuer considérablementle montant de l’indemnité compensatrice et justifier l’absence de dommages exemplaires.

À la lumière de ce qui précède, il apparait que le droit civil québécois interprète de façon très large la notion dediffamation. Dans certains cas, même si elles sont véridiques, les informations peuvent engager la responsabilitéde la personne qui les diffuse, si celle-ci avait pour but délibéré de nuire à la victime.

Dans d’autres cas, même si ce qu’elle avance n’est pas tout à fait exact, la personne qui exprime son opinion defaçon honnête ne sera pas tenue responsable si elle démontre que ses propos avaient un intérêt public. La jugeClaire L’Heureux-Dubé s’est exprimée là-dessus lorsqu’elle siégeait à la Cour d’appel du Québec : «[…] il estlégitime de poser volontairement un acte dommageable dans l’exercice non abusif d’un droit et que l’exercicenormal de la liberté d’expression peut causer un dommage sans pour autant qu’il y ait faute»xxvi.

En conclusion, il est impossible d’établir des distinctions précises entre ce qui constitue de la diffamation et cequi n’en est pas. Chaque cas est un cas d’espèce qui doit être étudié à la lumière des circonstances particulièresqui entourent le propos jugé diffamatoire.

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Poursuites-bâillons : des cas réels Dans la section qui suit, nous vous présentons des cas de poursuites-bâillons intentées au Canada. Vouspourrez mieux comprendre les rouages de ce type de poursuite et en comparer les diverses formes.

Une pétition : Fraser v. Saanich

Après la fermeture d’un centre de soins de longue durée dans une municipalité de la Colombie-Britannique, lepromoteur et directeur de l’hôpital décide de vendre l’édifice. Des citoyennes et des citoyens décident deprotester contre cette décision et demandent à la municipalité de modifier le zonage municipal pour empêchercette vente. Suite aux modifications de zonage faites par la municipalité, le directeur de l’hôpital intente unepoursuite contre les signataires d’une pétition et contre la municipalité, pour des motifs de négligence, deconspiration, d’interférence dans des ententes contractuelles, de collusion et de mauvaise foixxvii.

La Cour suprême de la Colombie Britannique rejette la plainte du directeur de l’hôpital et ne retient pas sesprétentions. On considère que la plainte contre le district de Saanich a comme objectif d’intimider et de réduireau silence les personnes qui s’opposent au plan de développement du site de l’hôpital et qu’elle est sansfondement.

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Un boycottage : Daishowa Inc. v. Friends of the Lubicon

Un groupe, appelé Friends of the Lubicon, organise un boycottage des produits papetiers de l’entrepriseDaishowa. Il a pour objectif de pousser Daishowa à interrompre ses activités jusqu’à ce qu’une entente soitconclue entre les Cris Lubicon et les deux paliers de gouvernement concernant la séparation du territoire.Friends of the Lubicon est poursuivi par Daishowa pour torts économiques, incluant interférence avec desintérêts économiques, incitation à un bris de contrat, intimidation et conspiration. À tout cela s’ajoute unepoursuite en diffamationxxviii.

La plainte pour torts économiques, sous tous ces aspects, est rejetée. La Cour rejette également les demandesd’injonction permanente exigées par la papetière. Elle retient toutefois certaines parties de la plainte endiffamation, mais condamne Friends of the Lubicon à ne verser que la somme symbolique de 1 $.

Une dénonciation : Le cas de l’AQLPA

L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) est poursuivie par American Ironand Metal (AIM), une entreprise métallurgique. Suite aux activités militantes de l’AQLPA et aux nombreusesdénonciations de violations des lois environnementales faites par le public, AIM intente des poursuites contrel’AQLPA. Après d’interminables procédures judiciaires, le refus de l’assureur de l’entreprise de couvrir les fraisencourus, les difficultés qu’elles éprouve à s’assurer de nouveau, et les milliers de dollars perdus, AIM etl’AQLPA arrivent à un règlement hors cour en décembre 2007. Les poursuites intentées par AIM ont eu poureffet majeur de mobiliser l’AQLPA en vue de sa défense, et ainsi de l’empêcher de continuer ses activités delutte contre la pollution atmosphérique xxix.

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Un site Internet de témoignages : Future ShopTMxxx

Comme vous le voyez, les tentatives d’intimidation peuvent prendre plusieurs formes. Par conséquent, il est difficile detenir des statistiques précises concernant le nombre de poursuites-bâillons puisque souvent ces affaires ne sont pasportées devant les tribunaux. Dans bien des cas, la tentative d’intimidation porte rapidement des fruits : il suffit d’envoyerune lettre de mise en demeure à la personne que l’on veut bâillonner. C’est ce qui s’est produit dans l’histoire qui suit.

Mark Prince, un consommateur ayant eu une mauvaise expérience avec un détaillant Future Shop, décide de laraconter sur Internet. Rapidement, d’autres personnes ayant connu une expérience semblable décident d’yajouter leur propre récit. La direction de Future Shop, mise au courant, fait parvenir une mise en demeure à M. Prince pour qu’il cesse ses activités sans quoi une poursuite en diffamation sera intentée contre lui. M. Prince décide de suivre le conseil de ses avocats et ferme son site. Mais après mûre réflexion et après avoirreçu plusieurs courriels l’invitant à ne pas abandonner la partie, M. Prince décide de rouvrir son site. Cette fois,cependant, il prend soin de mettre les témoignages sur son site Web personnel. Future Shop le menace denouveau de poursuites. Ne sachant que faire, M. Prince ferme son site une seconde fois.

Deux ans plus tard, la télévision anglaise de Radio-Canada (CBC) communique avec M. Prince et lui offre deparler de son expérience avec Future Shop. Poussé par l’attitude de la direction de Future Shop, qui prétendn’avoir aucune idée des raisons pour lesquelles il a fermé son site, M. Prince accepte de collaborer avec la CBC.Son histoire est diffusée le 26 octobre 1999, à l’émission Marketplace.

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Quelques conseils pour mieux se protégerRien ne peut garantir qu’aucune poursuite ne pourra être intentée contre une personne, un groupe ou uneorganisation par un demandeur qui se sent attaqué. Cependant, quelques bonnes habitudes et quelquesconseils peuvent sûrement en minimiser les risques.

Ne jamais agir sous le coup de l’émotion : Très souvent, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une question qui noustient à cœur, nos paroles peuvent dépasser notre pensée (ou si elles ne la dépassent pas, elles peuvent dépasserce qu’il peut être acceptable de dire).

Rédiger à l’avance ce qui doit être dit : Lors d’une intervention publique, il est très important de savoirexactement de quoi vous voulez parler et de ne pas «déraper». Bien vous préparer vous aide non seulement àéviter de dire des choses que vous pourriez regretter par la suite, mais également à vous limiter à l’essentiel pourla promotion de votre cause.

Bien connaitre le sujet de l’intervention : Cela peut sembler évident, mais il faut vous assurer de pouvoirrépondre aux questions qui vous seront posées. Une bonne préparation vous permet d’éviter les moments dedoute ou d’hésitations qui mèneraient à des propos injustifiés ou non pertinents.

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Le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec énumère quelques précautions àprendre lors d’interventions publiques.

«Indiquez le contexte dans lequel s’inscrit votre intervention ;

Exposez des faits dont vous avez eu personnellement connaissance et que vous avez personnellementvérifié ;

Ne prononcez aucune déclaration dans le but de nuire à autrui ;

Exposez les faits sans les qualifier ;

Parlez d’une entreprise ou d’un individu de la manière la plus neutre possible ;

Dans le doute quant à la portée d’une question, demandez l’opinion d’un avocat.»xxxi

Rappelez-vous que vous n’êtes pas forcé de répondre immédiatement et à toutes les questions.

Voici des exemples :

QNe dites pas :

La direction de la compagnie XYZ a volontairement mis sur le marché un médicament qu’elle savait nocif pourla santé et qui a causé de nombreux cas d’arrêt cardiovasculaire.

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NDites plutôt :

Comme l’a révélé récemment le rapport CDE, la prise du médicament ABC, mis sur le marché par la compagnieXYZ, a provoqué des arrêts cardiovasculaires chez de nombreuses personnes.

Une règle primordiale découle de cet exemple : ne jamais porter d’accusation. C’est pourquoi les termes et expressionstels que volontairement, délibérément, intentionnellement, consciemment, avec l’intention de, en sachant que, (x) afait exprès, (x) savait que devraient être utilisés avec beaucoup de précaution.

QNe dites pas :

Monsieur Paradis n’a pas tenu compte des réactions des femmes au traitement XYZ. L’aveuglement decertaines personnes a coûté la vie à plusieurs d’entre elles. Ce n’est que plus tard, beaucoup trop tard, que M. Paradis s’est enfin décidé à agir.

NDites plutôt :

M. Paradis, représentant de la compagnie pharmaceutique EFG, a admis, lors d’une récente conférence depresse, qu’il n’était pas au courant de l’aggravation de la situation psychologique des femmes qui ont suivi letraitement XYZ. Nous sommes extrêmement choquées d’apprendre que ces informations essentielles lui sontparvenues aussi tardivement : le décès de plusieurs personnes aurait peut-être pu être évité.

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QNe dites pas :

Regardez, l’un des deux bars que vous voyez dans cette rue sert de l’alcool aux mineurs et contrevient à la loi.

NDites plutôt :

Nos recherches nous portent à croire qu’un bar sur deux sert de l’alcool aux mineurs. Imaginez que sur deuxbars devant lesquels vous passez, il est possible qu’il y en ait un qui sert de l’alcool illégalement. Ce serait unesituation très inquiétante, n’est-ce pas ?

QNe dites pas :

La compagnie PQR, qui exploite depuis des années le corps de jeunes filles pour faire mousser ses ventes, devrait avoirhonte. Je considère qu’il devrait y avoir une législation plus sévère qui punirait les entreprises irresponsables qui osentpublier de telles photos, dignes de films XXX.

NDites plutôt :

Les photos parues dans les magasines m’ont beaucoup choquée. Je considère qu’elles étaient de mauvais goût.Ce n’est peut-être pas l’intention de l’entreprise PQR, mais je considère que l’image de la sexualité ainsiprésentée est inappropriée pour une boutique dont la clientèle est adolescente. À mon avis, une loi régissant lapublicité qui s’adresse à cette clientèle devrait être adoptée. Ainsi, aucune autre entreprise ne se retrouverait surla sellette à son tour.

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QNe dites pas :

Évidemment, Monsieur Savard n’a pas voulu «mettre la main dans sa poche» pour une bonne cause.

NDites plutôt :

Malheureusement, M. Savard n’a pas accepté de nous accorder le financement espéré.

Il vaut mieux éviter systématiquement toutes les affirmations gratuites. En effet, de telles affirmations,formulées maladroitement, sont inutiles mais surtout vexatoires.

QNe dites pas :

Madame Morin, des fermes BCD, n’a pas eu l’air troublée outre mesure lorsque nous lui avons parlé de latorture que subissaient les poules avant de mourir. Elle semblait être au courant du fait que le systèmed’électrochocs utilisé par son entreprise accroissait inutilement leurs souffrances. Elle nous a répondu qu’elleenquêterait sur ce sujet.

NDites plutôt :

Le système d’électrochocs fabriqué par l’entreprise FGH et utilisé par les fermes BCD est reconnu pour produire unchoc électrique de faible intensité, ce qui fait souffrir inutilement l’animal durant plusieurs minutes. Nous avons discutéde la situation avec Mme Morin qui nous a avisé qu’une enquête sera menée. Comme vous, nous espérons obtenir lesrésultats de l’enquête le plus rapidement possible et continuerons de nous tenir informés sur la question.

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QNe dites pas :

Je ne suis pas certaine mais je pense qu’il s’agit de...

NDites plutôt :

Veuillez m’excuser, madame/monsieur, mais je préfère ne pas répondre immédiatement à cette question. Je vaisme renseigner et communiquer avec vous dans les prochains jours.

Dans ce dernier exemple, la règle est la suivante : dans le doute, abstiens-toi !!! De toute manière, agir autrementpourrait miner votre crédibilité.

QNe dites pas :

Il y a une surexploitation du corps de la femme dans tous les domaines. Que ce soit dans la vente de cosmétiques et devêtements ou en ce qui concerne la chirurgie esthétique, plusieurs entreprises n’ont aucun respect pour les femmes etne pensent qu’à augmenter leurs revenus, tout en étant conscientes de l’impact dévastateur que peuvent avoir lesphotos de mannequins au corps parfait sur les jeunes et moins jeunes femmes. Prenez l’exemple de ABC Lingerie, avecses affiches de dix pieds de haut en plein centre-ville de Montréal !

NDites plutôt :

Il y a une surexploitation du corps de la femme dans tous les domaines. Que ce soit dans la vente decosmétiques et de vêtements ou en ce qui concerne la chirurgie esthétique, plusieurs entreprises n’ont aucun

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respect pour les femmes et ne pensent qu’à augmenter leurs revenus, tout en étant conscientes de l’impactdévastateur que peuvent avoir les photos de mannequins au corps parfait sur les jeunes et moins jeunesfemmes. Prenez l’exemple de certains fabricants de lingerie avec leurs affiches de dix pieds de haut en pleincentre-ville !

Parfois, comme dans cet exemple, il n’est pas nécessaire de nommer l’entreprise pour que l’interlocuteur sacheprécisément de laquelle on parle.Q

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Un projet de loi prometteurLe 13 juin 2008, le gouvernement québécois déposait le projet de loi n° 99, Loi modifiant le Code de procédurecivile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participationdes citoyens aux débats publics.

Ce projet de loi prévoit des dispositions permettant de prononcer rapidement l’irrecevabilité de toute procédureabusive. Il définit ce qui peut constituer une procédure abusive et autorise, lorsque l’abus apparaît à sa facemême, le renversement du fardeau de la preuve. (Dans le cas qui nous intéresse, l’instance qui intente unepoursuite en diffamation devra faire la preuve que sa procédure n’est pas abusive.) En outre, il permet auxtribunaux de déclarer la poursuite sans fondement, d’ordonner le versement d’une provision pour frais (dépôt engarantie), de condamner une partie au paiement des honoraires et débours extrajudiciaires (frais dont leremboursement n’est pas prévu par règlement) de l’autre partie, ainsi qu’au paiement des dommages-intérêtspunitifs.

Renseignements tirés du site de l’Assemblée nationale du Québec :

www.assnat.qc.ca/Indexweb/Recherche.aspx?cat=v&Session=jd38l1se&Section=projlois&Requete=_1-99

Dans son document Pour une protection efficace des victimes de poursuites stratégiques, la Ligue des droits etlibertés analyse le projet de loi, souligne ses aspects satisfaisants mais aussi ses aspects perfectibles, et émetdes recommandations. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site Web de l’organisme :http://liguedesdroits.ca/assets/files/publications/memoires/MEM-2008-10-00-_PL_99.doc.

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Au moment de mettre sous presse, ce projet de loi a franchi l’étape de l’adoption de principe. Souhaitons qu’ilfranchira la prochaine étape, celle de l’étude détaillée, et qu’il sera adopté et sanctionné comme loi, une foisbonifié.

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En conclusionAprès avoir lu les exemples qui précèdent, vous pourriez avoir la tentation de penser qu’il est compliqué dereconnaitre ce qui peut être dit et ce qui doit être tu, qu’il est impensable de faire attention à tout ce que l’onpeut dire, et que les risques de poursuites sont réels chaque fois que l’on prend la parole en public ou que l’ondonne son opinion. Vous pourriez avoir la tentation de croire, donc, que la meilleure manière de se prémunircontre les poursuites-bâillons est de se taire.

Ce serait au contraire la manière la moins sensée de réagir. N’est-ce pas justement l’objectif des demandeurs debâillonner ceux et celles qui osent exprimer leurs opinions en contestant ce qui doit très souvent l’être ? Enchoisissant de vous taire, vous facilitez énormément le travail des éventuels poursuivants, qui pourront, sansaucun effort, réussir dans leur dessein.

L’objectif de ce document est de vous faire comprendre les enjeux et les dangers d’une mauvaise utilisation devotre liberté d’expression. Jamais il n’a été question de vous inciter à vous taire ou à diluer votre message aupoint de le rendre banal et insignifiant. Ce qu’il est essentiel de retenir, c’est que nos droits s’exercent non pas endehors de toute considération extérieure mais en conformité et en harmonie avec les droits d’autrui.

Retenons que, dans une société où l’État se désengage de plus en plus de certains secteurs d’activité et où lesorganismes sans but lucratif (OSBL) doivent livrer des luttes importantes contre les secteurs ou les acteursprivés, l’existence des groupes militants est essentielle. En effet, et pour reprendre l’expression souvent utiliséepar les promoteurs de règles anti-poursuites-bâillons, les OSBL sont devenus «des chiens de garde». Leur rôleest sans contredit indispensable à la protection des intérêts collectifs de notre société. C’est une raison

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supplémentaire de faire valoir l’importance du droit de toute personne de défendre ses opinions sur la placepublique. Espérons que nos gouvernements reconnaissent l’importance primordiale du droit à la libertéd’expression et qu’ils lui accordent la protection juridique à laquelle la société civile est en droit de s’attendre. Àla suite du dépôt d’un rapport d’experts en 2007, une commission parlementaire analyse, depuis février 2008, lapossibilité de faire des modifications au Code de procédure civilexxxii. Nul ne peut prévoir l’issue de ces travaux.

En tant que citoyennes et citoyens, nous avons le droit de dénoncer les actes qui nuisent à l’intérêt public. C’estmême notre devoir de le faire. La démocratie a besoin de contestation pour s’épanouir ; les organismes sans butlucratif, par leurs activités et par leurs interventions, contribuent à enrichir le débat.

Merci et bravo à chacune et chacun d’entre vous! Grâce à vos interventions et à votre désir de changer leschoses, vous collaborez à faire progresser notre société. Bravo pour vos initiatives et pour votre cran dans vosluttes pour des causes qui, autrement, resteraient aux oubliettes ! Continuez de persévérer dans la défense denos intérêts collectifs.

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Des références et des outilsCALIFORNIA ANTI SLAPP PROJECThttp://www.casp.net/

CITOYENS TAISEZ-VOUShttp://www.taisez-vous.org/

CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADAFaculté de droit de l’Université d’Ottawa57, rue Louis-PasteurOttawa (Ontario) K1N 6N5Courriel : [email protected] Internet : www.cippic.ca

LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS65, rue de Castelnau Ouest, bureau 301Montréal (Québec) H2R 2W3(514) 849-7717Courriel : [email protected] Internet : www.liguedesdroits.ca

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MOUVEMENT D’ÉDUCATION POPULAIRE ET D’ACTION COMMUNAUTAIRE DU QUÉBEC1600, avenue De Lorimier, bureau 396Montréal (Québec) H2K 3W5(514) 843-3236Courriel : [email protected] Internet : http://www.mepacq.qc.ca/

PUBLIC INTEREST ADVOCACY CENTER1 Nicholas St., Suite 1204Ottawa, ON K1N 7B7(613) 562-4002Courriel : [email protected] Internet : http://www.piac.ca/

SLAPP RESOURCE CENTERSturm College of LawUniversity of Denver2255 E. Evans Ave., Room 463ADenver, CO 80208(303) 871-6574Courriel : [email protected] Internet : www.slapps.org

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i Pour une recherche plus approfondie sur la question de la définition, voir : a) Canan, Penelope et George W. Pring, “Studying Strategic Lawsuits Against Public Participation: MixingQuantitative and Qualitative Approaches” 22 Law and Soc’y Rev. (1998) 385 at 387, in, Corporate RetaliationAgainst Customers: The Status of Strategic Lawsuits Against Public Participation (SLAPPs) in Canada, Lott, S.and the Public Interest Advocacy Centre (PIAC), en ligne :http:www.piac.ca/consumers/corporate_retaliation_against_consumers. Consulté le 17 décembre 2007 ;b) Fraser v. Saanich (District) [1999] B.C.J. No. 3100, par. 49 ;c) Poursuite stratégique contre la mobilisation publique, voir Wikipédia, en ligne :http://fr.wikipedia.org/wiki/Poursuite_stratégique_contre_la_mobilisation_publique. Consulté le 17 décembre 2007.

ii Déclaration universelle des droits de l’Homme, Rés. AG 217 (III), Doc. Offé AG NU, 3e sess., supp. No 13, Doc. NU A/810 (1948)

iii Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, art.9-14, R.T. Can.1976 no 47 (entrée en vigueur : 23 mars 1976 ; accession du Canada : 19 mai 1976)

iv Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c.C-12

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v Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de laLoi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11

vi Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927, 968

vii R. c. Guignard [2002] CSC 14, par. 20

viii Daishowa Inc. v. Friends of the Lubicon (1998) 39 O.R. (3d) 620, p. 649

ix Supra, note vii, par. 32

x Québec, Ministère de la Justice, Rapport du Comité d’étude, «Les poursuites stratégiques contre lamobilisation publique- Les poursuites-bâillons (SLAPP)», p.14, (15 mars 2007), en ligne : justice.gouv.qc.ca <http://www.justice.gouv.qc.ca/FRANCAIS/publications/rapports/pdf/slapp.pdf

xi Supra, note iii, art. 14

xii Supra, note v, art. 15

xiii Supra, note iv, art. 23

xiv Supra, note v, art. 1

xv Supra, note iv, art. 9.1

xvi Ibid, art. 4

xvii Supra, note iii, art. 25

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xviii Le Comité des droits de l’homme, Observation générale No 25, U.N.Doc. CCPR/C/21/rev.1/Add.7, le 12.07.1996

xix Idem, note xvi

xx Code civil du Québec, L.Q. 1991, c.64, art. 35

xxi BAUDOIN, Jean-Louis et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 1, Cowansville (Québec), YvonBlais, 2007, au no 1-292

xxii Racicot c. Boivert, 99BE-1304 (C.S.)

xxiii Éthier c. Boutique à coiffer Tonic inc., (C.S.) REJB 1998-10030

xxiv Supra, note xx, art. 1457

xxv Supra, note xxi, par. 1-296

xxvi Jean-Guy Dubois et autres c. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, [1983] C.A. 247

xxvii Fraser v. Saanich (District) [1999] B.C.J. No. 3100

xxviii Daishowa Inc. v. Friends of the Lubicon (1998) 39 O.R. (3d) 620

xxix Pour plus de détails, visitez le site de l’AQLPA (aqlpa.com) ou Taisez-vous.org.

xxx Lott, S. And the Public Interest Advocacy Centre (PIAC), Corporate Retaliation Against Consumers: The Status of Strategic Lawsuits Against Public Participation (SLAPPs) in Canada, p.20, en ligne surhttp:www.piac.ca/consumers/corporate_retaliation_against_consumers. Consulté le 17 décembre 2007.

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xxxi Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec, «Guide de brousse pour éviterla diffamation dans le cadre de ses activités», en ligne : rncreq.org < http://www.rncreq.org/pdf/Capsule_juridique_4.pdf >. Consulté le 17 décembre 2007

xxxii Le rapport du comité au ministre de la Justice du gouvernement du Québec, «rapport McDonald», a étédéposé le 15 mars 2007 (disponible au www.bibliothèque.assnat.qc.ca/01/mono/2007/07/942420.pdf). LaCommission des institutions a été chargée de tenir des auditions publiques à compter du 1er février 2008 dansle cadre d’une consultation générale portant sur les documents intitulés Rapport d’évaluation de la Loi portantréforme du Code de procédure civile et Les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique - les poursuites-bâillons (SLAPP). D

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www.rqasf.qc.ca